Projet de loi créant le Conseil national des communes "Compagnon de la Libération"

NEUWIRTH (Lucien)

RAPPORT 154 (98-99) - Commission des Affaires sociales

Table des matières




N° 154

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 janvier 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, créant le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " ,

Par M. Lucien NEUWIRTH,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.


Voir les numéros :

Assemblée nationale : (11
ème législ. ) : 11 , 1270 et T.A. 228 .

Sénat : 142 (1998-1999).

Anciens combattants et victimes de guerre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Le mardi 19 janvier 1999 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Lucien Neuwirth, rapporteur , sur le projet de loi n° 142 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, créant le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ".

M. Lucien Neuwirth, rapporteur,
a observé que ce projet de loi, loin d'avoir une portée exclusivement symbolique, était un texte important car il associait le législateur au devoir de mémoire sur l'une des heures les plus tragiques, mais aussi paradoxalement peut-être les plus glorieuses, de l'histoire de France. Il a indiqué que ce texte visait à assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération au moment où la disparition progressive et inexorable des Compagnons de la Libération menaçait l'existence même de l'Ordre.

Il a estimé que l'extinction de l'Ordre apparaissait inconcevable car celui-ci incarnait la mémoire de la Libération et l'esprit de la Résistance. Il a rappelé que l'Ordre de la Libération avait été créé le 16 novembre 1940 à Brazzaville par une ordonnance du Général de Gaulle. Il a précisé que la Croix de la Libération, destinée selon les termes de l'ordonnance à " récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées de manière exceptionnelle dans l'oeuvre de libération de la France et de son empire ", avait été décernée entre 1941 et 1946 à 1.036 personnes physiques, à 18 unités militaires et à 5 communes françaises (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'Ile-de-Sein).

Il a également rappelé les circonstances de la création de l'Ordre, observant que le Général de Gaulle avait jugé nécessaire la création d'une récompense particulière pour tous ceux qui, au prix d'immenses sacrifices, avaient tout abandonné et risqué leur vie pour la Libération de la France.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a indiqué que la Libération n'avait pas signifié une quelconque mise en sommeil de l'Ordre, car deux ordonnances du 26 août 1944 et du 10 août 1945 avaient assuré sa pérennité et confirmé ses missions. Il a indiqué que cette architecture était très largement celle qui existait encore aujourd'hui.

Il a ensuite précisé que l'Ordre de la Libération, deuxième ordre national après celui de la Légion d'Honneur, était doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière et qu'il était financé par un budget annexe à celui du ministère de la justice, ses crédits s'élevant à un peu plus de 5 millions de francs en loi de finances initiale pour 1999.

S'agissant de l'organisation actuelle de l'Ordre, il a rappelé qu'elle reposait sur deux piliers complémentaires. Il a précisé que le Conseil de l'Ordre, composé actuellement de 16 membres tous Compagnons de la Libération, était chargé de veiller à la discipline de l'Ordre et d'élaborer les grandes lignes de son action. Il a observé que le Chancelier, nommé par décret du Président de la République, après avis du Conseil de l'Ordre, pour un mandat de 4 ans renouvelable, assurait la direction et l'administration de l'Ordre, le Chancelier en exercice étant depuis 1978 le Général d'Armée Jean Simon.

S'agissant des missions actuelles de l'Ordre, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé qu'elles étaient très diversifiées. Il a indiqué que la première d'entre elles était bien évidemment la politique de la mémoire : organisation de cérémonies commémoratives dont celle du 18 juin au Mont Valérien, administration du musée de l'Ordre de la Libération, conservation des archives de l'Ordre, maintien de la discipline des membres afin de préserver la tradition et l'idéal issus de la Résistance. Il a également observé que l'Ordre était aussi chargé d'assurer le service de la médaille de la Résistance française, cette médaille, créée le 9 février 1943, ayant vocation à " reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l'empire et à l'étranger, auront contribué à la résistance du peuple français contre l'ennemi et ses complices depuis le 18 juin 1940 " et ayant été attribuée à près de 43.000 résistants, mais aussi à 17 communes et au Territoire de Nouvelle-Calédonie.

Il a enfin précisé que l'Ordre avait pour mission, depuis l'ordonnance du 26 août 1944, d'apporter un secours exceptionnel aux Compagnons de la Libération, aux Médaillés de la Résistance française et à leur famille.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que c'était parce que l'Ordre correspondait à une mémoire glorieuse et exemplaire, mais aussi à une réalité concrète, qu'il importait d'assurer sa pérennité pour l'avenir.

Il a indiqué que le projet de loi proposait la création d'un établissement public national à caractère administratif, le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ", qui serait appelé à succéder à l'actuel Conseil de l'Ordre. Il a estimé que ce projet reposait sur une logique limpide : fonder l'avenir de l'Ordre sur les seuls Compagnons de la Libération dont la permanence serait assurée, c'est-à-dire les 5 communes.

Il a ensuite rappelé les grandes étapes de préparation de ce projet de loi, estimant qu'elles soulignaient le caractère très consensuel de ce texte. Il a ainsi précisé que le projet de loi était l'aboutissement d'une démarche engagée depuis plusieurs années par l'Ordre de la Libération. Il a ainsi indiqué qu'en avril 1996 la Chancellerie de l'Ordre avait présenté au Gouvernement un avant-projet et qu'à la demande du Président de la République, le Gouvernement avait déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 16 avril 1997, un projet de loi très proche de l'avant-projet initial. Il a rappelé qu'après la dissolution de l'Assemblée nationale, le nouveau Gouvernement avait redéposé un projet de loi identique le 19 juin 1997, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 17 décembre 1998.

S'agissant de l'architecture institutionnelle proposée pour assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a indiqué que le présent projet de loi déterminait les missions, l'organisation, le fonctionnement et les conditions de mise en place du futur Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ".

Concernant les missions du futur Conseil national, le rapporteur a observé que les missions énumérées à l'article 2 du projet de loi correspondaient aux missions actuellement assurées par le Conseil de l'Ordre : garantir la pérennité des traditions de l'Ordre et porter témoignage devant les générations futures, mettre en oeuvre des initiatives pédagogiques ou culturelles afin de préserver la mémoire de l'Ordre, veiller sur le musée et les archives de l'Ordre, organiser les cérémonies commémoratives, participer à l'aide morale et matérielle aux Compagnons et à leur famille. Il a indiqué que l'article 7 du projet de loi précisait que le Conseil national assurait également le service de la Médaille de la Résistance française.

A cet égard, il a rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement permettant aux médaillés de la Résistance française de bénéficier de l'aide morale et matérielle du Conseil national. Il a indiqué qu'il proposerait à la commission, dans un souci d'équilibre, un amendement étendant aux médaillés de la Résistance française la mission de mémoire du futur Conseil national.

S'agissant de l'organisation et du fonctionnement du futur Conseil national, il a observé que le texte prévoyait un conseil d'administration du Conseil national, composé des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération, des maires en exercice des 5 communes " Compagnon de la Libération " et d'un délégué national, ce délégué national devant succéder à l'actuel Chancelier. Il a précisé que la présidence du Conseil national serait assurée conjointement par l'un des maires, ceux-ci se succédant chaque année, et par le délégué national. Il a considéré qu'il était difficile d'intégrer les unités combattantes " Compagnon de la Libération " dans le futur Conseil national car leur pérennité n'était pas assurée mais il a observé que ces unités seraient toutefois associées à la mission de mémoire du Conseil national.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que ce nouveau mécanisme institutionnel n'était pas une création ex nihilo, car les communes " Compagnon de la Libération ", actuellement regroupées au sein d'une association, étaient déjà très actives.

S'agissant des conditions de mise en place du futur Conseil national, il a indiqué que la loi entrerait en vigueur au moment où l'actuel Conseil de l'Ordre ne pourrait plus réunir 15 compagnons de la Libération, personnes physiques.

En conclusion, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a jugé que ce projet de loi permettrait d'assurer la pérennité de l'Ordre en le fondant sur une nouvelle architecture institutionnelle ; il a déclaré qu'il aurait souhaité pouvoir proposer d'adopter conforme ce projet de loi mais il a estimé nécessaire de présenter quelques amendements visant essentiellement à corriger certaines erreurs matérielles, à apporter des éclaircissements rédactionnels mais aussi, en accord avec la Chancellerie de l'Ordre de la Libération, à étendre la mission de mémoire du futur Conseil national aux Médaillés de la Résistance française.

M. Guy Fischer a déclaré, au nom de son groupe, approuver ce projet de loi, même s'il pouvait se poser des problèmes de moyens. Il a souligné l'importance du devoir de mémoire et la nécessité de transmettre l'esprit de Résistance aux jeunes générations.

M. Jean Chérioux a également insisté sur l'importance de ce texte sur le double plan de la mémoire et du consensus. Il a indiqué l'adhésion et la satisfaction de son groupe en précisant que la question de l'avenir de l'Ordre de la Libération avait souvent été abordée au Conseil de Paris. Il a enfin tenu à rappeler le rôle majeur qu'avait joué M. Lucien Neuwirth dans la Libération de la France.

Mme Gisèle Printz a également estimé qu'il était important d'assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération au-delà de la disparition des Compagnons, personnes physiques. Elle a indiqué que son groupe approuvait totalement ce projet de loi.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a précisé que le budget de l'Ordre de la Libération était rattaché à celui du ministère de la justice et que la loi de finances initiale pour 1999 prévoyait une augmentation substantielle des crédits, de près d'un million de francs.

Puis la commission a abordé l'examen des articles.

A l'article 2 (missions du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération "), elle a adopté un amendement visant à étendre aux Médaillés de la Résistance française la mission de mémoire de l'Ordre de la Libération ainsi qu'un amendement rédactionnel.

A l'article 4 (présidence du Conseil national), la commission a adopté un amendement précisant que la présidence visée par cet article était celle du conseil d'administration du Conseil national.

A l'article 7 (service de la Médaille de la Résistance française), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (entrée en vigueur de la loi), elle a également adopté un amendement rédactionnel.

Puis la commission a approuvé à l'unanimité le projet de loi ainsi amendé .

M. Jean Delaneau, président , a insisté sur le caractère très consensuel de ce texte et il a fait part de son souhait que l'Assemblée nationale puisse, en deuxième lecture, adopter conforme le projet voté par le Sénat.

EXPOSE GENERAL

Mesdames, Messieurs,

" Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas ". C'est par ces mots que le Général de Gaulle a conclu, le 18 juin 1940, son Appel à tous les Français . Cette exigence conserve aujourd'hui encore toute son actualité et c'est dans cette perspective que s'inscrit le présent projet de loi.

Créé en novembre 1940, l'Ordre de la Libération avait à l'origine vocation à récompenser ceux qui s'étaient tout particulièrement distingués dans l'oeuvre de la Libération. 1.036 hommes et femmes, 5 communes et 18 unités combattantes ont ainsi obtenu la Croix de la Libération. La mission de l'Ordre a ensuite progressivement évolué. L'Ordre, devenu le " symbole de la Libération " selon l'expression d'André Malraux, est désormais le gardien de la mémoire de la Libération et de l'esprit de la Résistance.

Mais, fragilisée par la disparition progressive des Compagnons de la Libération, la pérennité de l'Ordre est aujourd'hui menacée. L'extinction de l'Ordre semble pourtant inacceptable tant celui-ci incarne la mémoire de la Libération et de la Résistance.

Le présent projet de loi vise précisément à garantir la pérennité de l'Ordre et à confirmer sa mission de gardien de la mémoire de cette période à la fois tragique et glorieuse de l'histoire de notre pays.

Elaboré en étroite concertation avec la chancellerie de l'Ordre, déposé à deux reprises et dans les mêmes termes par deux gouvernements différents sur le bureau de l'Assemblée nationale en avril puis en juin 1997, adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale en première lecture en décembre 1998, ce texte consensuel participe au " devoir de mémoire ". Il repose sur une logique à la fois simple et cohérente : il s'agit d'assurer l'avenir de l'Ordre en le structurant autour d'une nouvelle architecture institutionnelle stable, fondée sur les seuls Compagnons de la Libération dont la permanence est garantie : les cinq communes (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors, Ile-de-Sein). Il propose ainsi de créer un nouvel établissement public national à caractère administratif, le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ", qui succédera à l'actuel Conseil de l'Ordre.

Evoquant les Compagnons de la Libération morts pour la Libération de la France, le Général de Gaulle écrivait, en 1961 : " votre pensée fut, naguère, la douceur de nos deuils. Votre exemple est, aujourd'hui, la raison de notre fierté. Votre gloire sera, pour jamais, la compagne de notre espérance ". Ce sont ce passé, ce présent et cet avenir dont sera dépositaire le futur Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ".

I. LE PASSÉ : UN ORDRE EXEMPLAIRE

Exemplaire, l'Ordre de la Libération l'est tout autant par ses origines à la fois tragiques et glorieuses que par l'engagement de ses membres, qui symbolisent aujourd'hui l'oeuvre de la Libération et l'esprit de la Résistance.

A. UNE NAISSANCE " AU MOMENT LE PLUS GRAVE DE L'HISTOIRE DE FRANCE "

1. Une création étroitement associée aux débuts de la France Libre

Dans ses Mémoires de Guerre 1( * ) , le Général de Gaulle décrit ses préoccupations à son arrivée à Londres en juin 1940. " Devant le vide effrayant du renoncement général, ma mission m'apparut, d'un seul coup, claire et terrible. En ce moment, le pire de son histoire, c'était à moi d'assumer la France. Mais il n'y a pas de France sans épée. Constituer une force de combat, cela importait avant tout. " Les difficultés étaient pourtant énormes. Le Général de Gaulle le reconnaissait le premier : " Huit jours après mon appel du 18 juin, le nombre de volontaires campés dans la salle de l'Olympia, que les Anglais nous avait prêtée, ne se montait qu'à quelques centaines. "

Dans ces circonstances tragiques, il apparaissait prioritaire de rallier des combattants aux troupes naissantes de la Résistance extérieure et de fonder le cadre structuré de la France Libre. C'est dans ce contexte que le Général de Gaulle conçut pour la première fois l'idée de créer l'Ordre de la Libération. L'Ordre devait en effet à la fois distinguer ceux qui, au nom d'immenses sacrifices et par des actions exemplaires, risquaient leur vie pour la Libération de la France et symboliser la constitution progressive de la France Libre comme seule incarnation légitime de la France.

La naissance de l'Ordre de la Libération se dessine alors progressivement.

Le Général de Gaulle envisage d'abord la création d'une décoration spéciale, se distinguant de la Légion d'honneur par son objet bien spécifique : la Libération de la France. Ainsi, à Fort-Lamy, en octobre 1940, il déclarait : " Notre entreprise est hérissée de difficultés. Les Français seront lents à nous rallier... Je suis décidé à créer un insigne nouveau face à l'imprévisible conjoncture. Il récompensera ceux des nôtres qui se seront signalés dans cette haute et âpre campagne, pour la libération de la France. "

Le 15 novembre 1940, dans un télégramme adressé de Brazzaville au Colonel Fontaine, de Gaulle évoque pour la première fois un Ordre de la Libération et non plus une simple marque de reconnaissance spécifique : " J'ai décidé de créer un ordre ayant pour titre " Ordre de la Libération " avec, comme décoration, la Croix de la Libération ; les titulaires de cet ordre porteront le titre de " Croisés de la Libération ". L'intention de cet Ordre est de reconnaître les services des militaires et des civils qui ont rendu des services distingués à la cause de la libération de la France. L'opportunité de la création de cette distinction ne vous échappera pas. Elle s'est imposée à la suite des événements du Gabon où il y a de nombreux officiers et hommes qui se sont distingués par des actions remarquables. "

Le lendemain, le 16 novembre 1940, il signe l'ordonnance n° 7 créant l'Ordre de la Libération. C'est sur la suggestion du Général de Larminat que le terme " croisé " fut, en définitive, remplacé par celui de " compagnon ".

2. Les fondements juridiques de l'Ordre

La création de l'Ordre de la Libération repose sur trois textes fondateurs 2( * ) : l'ordonnance n° 7 du 16 octobre 1940 créant l'Ordre de la Libération, le décret du 29 janvier 1941 réglant l'organisation de l'Ordre de la Libération, l'arrêté du 1 er août 1941 relatif à la remise et au port de la Croix de la Libération.

Ces textes fixent les conditions d'admission dans l'Ordre et de son organisation et témoignent de sa spécificité.

S'agissant des conditions d'admission dans l'Ordre, l'article premier de l'ordonnance du 16 novembre 1940 précise que cet " Ordre est destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l'oeuvre de libération de la France et de son Empire ". L'admission se fait donc exclusivement en fonction du mérite personnel et n'exige le respect d'aucun critère fondé sur la nationalité ou le statut militaire. L'article 3 indique que l'admission dans l'Ordre est prononcée par le Chef des Français Libres. Le décret du 29 janvier 1941 précise cependant que le Conseil de l'Ordre émet un avis sur toute admission.

S'agissant de l'organisation de l'Ordre, celle-ci repose sur un Conseil de l'Ordre créé par le décret du 29 janvier 1941. Présidé par le chef des Français Libres -le Général de Gaulle sera d'ailleurs le seul Grand-Maître de l'Ordre-, il maintient la discipline de l'Ordre et émet un avis sur les admissions. L'Ordre a également la particularité d'être un ordre égalitaire : il n'existe pas de grade et donc pas de hiérarchie entre les titulaires de la Croix de la Libération.

S'agissant de la Croix de la Libération, ces textes déterminent enfin sa forme et les conditions de sa remise. La Croix est constituée d'un écu, portant un glaive surchargé d'une croix de Lorraine avec, au revers, inscrit en exergue, la devise " Patriam servando victoriam tulit " (En servant la Patrie, il apporte la victoire). Le ruban de moire verte et noire symbolise le deuil et l'espérance. La remise de la Croix se fait au cours d'une prise d'armes et les termes employés sont les suivants : " Nous vous reconnaissons comme notre Compagnon pour la Libération de la France, dans l'honneur et pour la victoire ".

Ces textes définissent ainsi un cadre très solennel pour l'Ordre de la Libération, correspondant finalement à la mission assignée à celui-ci : assurer une reconnaissance pour tous ceux qui se sont particulièrement distingués dans la Libération de la France.

B. UNE HISTOIRE SYMBOLE DU COMBAT POUR LA LIBÉRATION DE LA FRANCE

Si la création de l'Ordre témoigne du contexte de naissance de la France Libre, son histoire de 1940 à 1946 symbolise la marche à la fois glorieuse et dramatique vers la libération de notre pays.

1. Les Compagnons, ceux " qui se sont signalés dans l'oeuvre de libération de la France "

La mission de l'Ordre est, historiquement, une mission de reconnaissance. Il n'est donc pas étonnant que l'exercice de cette mission reflète au plus près les épisodes et les itinéraires les plus symboliques de l'oeuvre de la libération. Au-delà des parcours individuels, l'Ordre témoigne d'une aspiration commune.

De 1941 à 1946, date de la fin de l'attribution de la Croix, 1.059 Croix de la Libération ont été attribuées. Le nombre limité de Compagnons ne fait alors que souligner leur valeur exemplaire.

1.036 sont des hommes et femmes 3( * ) . La plupart d'entre eux le sont au titre de la France Libre. Plusieurs étrangers furent également faits Compagnons, comme le Général Dwight Eisenhower, Sir Winston Churchill ou le roi George V. Les cinq premiers compagnons de la Libération, nommés par le décret du 29 janvier 1941, sont le Capitaine de Vaisseau Thierry d'Argenlieu, le Gouverneur Général Eboué, le lieutenant d'Ollonde, l'officier de la Marine Marchande Popieul et l'adjudant aviateur Bouquillard.

André Malraux, dans un texte célèbre sur les Compagnons 4( * ) , les définissait par trois traits principaux : l'espoir, l'engagement volontaire, le témoignage.

" 1 - Aux pires jours de la défaite, ils n'ont pas perdu Confiance en la France. Et dès qu'ils ont repris le combat ils ont entendu assumer la France et non former une Légion étrangère. Ce qui était fort important. Car c'est cette résolution d'assumer la France, qui a permis l'unité des Forces françaises libres et de la Résistance de Leclerc et de Jean Moulin.

2 - Ils étaient des Volontaires, et se séparent ainsi de leurs grands prédécesseurs, les Anciens de Verdun, par exemple.

3 - Ils ont été des Témoins. Nous ne tenons pas Bir-Hakeim pour Austerlitz. Mais Bir-Hakeim, comme le premier combat de Jeanne d'Arc à Orléans, a été la preuve que la France n'était pas morte.
"

Sur les 1.036 Compagnons, 238 d'entre eux ne reçurent leur insigne qu'à titre posthume. Le Général de Gaulle a souvent rendu hommage à leur mémoire. Ainsi, en préface au Mémorial des Compagnons de la Libération (1961), il écrivait : " Soldats tombés dans les déserts, les montagnes ou les plaines ; marins noyés que bercent pour toujours les vagues de l'océan ; aviateurs précipités du ciel pour être brisés sur la terre ; combattants de la Résistance tués aux maquis et aux poteaux d'exécution ; vous tous qui, à votre dernier souffle, avez mêlé le nom de la France, c'est vous qui avez exalté les courages, sanctifié l'effort, cimenté les résolutions... Vous avez pris la tête de l'immense et magnifique cohorte des fils et des filles de la France qui ont, dans les épreuves, attesté sa grandeur. "

18 unités combattantes de la France Libre 1 furent également élevées au rang de Compagnon de la Libération : 10 de l'armée de terre, 3 de la marine et 5 de l'armée de l'air.

Cinq communes 1 se sont enfin vu attribuer le titre de Compagnon de la Libération : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'Ile-de-Sein. Les décrets d'attribution de la Croix de la Libération précisent les motifs pour lesquels ces communes ont été distinguées.

Ainsi, Nantes " Ville héroïque qui, depuis le crime de la capitulation a opposé une résistance acharnée à toute forme de collaboration avec l'ennemi. Occupée par les troupes allemandes et soumise aux plus dures mesures d'oppression, a donné aux Français, par de nombreuses actions individuelles et collectives, un magnifique exemple de courage et de fidélité. Par le sang de ses enfants martyrs, vient d'attester devant le monde entier la volonté française de libération nationale ".

De même, Grenoble, " Ville héroïque à la pointe de la résistance française et du combat pour la Libération. Dressée dans sa fierté, livre à l'Allemand, malgré ses deuils et ses souffrances, malgré l'arrestation et le massacre des meilleurs de ses fils, une lutte acharnée de tous les instants (...). "

Paris, " Capitale fidèle à elle-même et à la France, a manifesté, sous l'occupation et l'oppression ennemies, et en dépit des voix d'abandon et de trahison, sa résolution inébranlable de combattre et de vaincre. Par son courage en présence de l'envahisseur et par l'énergie indomptable avec laquelle elle supporta les plus cruelles épreuves, a mérité de rester l'exemple pour la Nation tout entière (...). "

Vassieux-en-Vercors, " Village du Vercors (...), grâce au patriotisme de ses habitants, s'est totalement sacrifié pour la cause de la Résistance française en 1944 (...). "

Enfin, l'Ile-de-Sein, " Devant l'invasion ennemie, s'est refusée à abandonner le champ de bataille qui était le sien : la mer. Elle a envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France libre devenant ainsi l'exemple et le symbole de la Bretagne tout entière. "

2. L'Ordre, " chevalerie exceptionnelle "

Le jour où lui fut officiellement remis, des mains du Chancelier Georges Thierry d'Argenlieu, le collier de Grand-Maître de l'Ordre de la Libération, le 31 août 1947, le Général de Gaulle devait déclarer : " Je ne voulais pour rien au monde négliger l'occasion qui m'était donnée, de rendre hommage à l'Ordre. Cette chevalerie exceptionnelle, créée au moment le plus grave de l'histoire de France, fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et dans la lutte. "

Le prestige incomparable de l'Ordre tient aux conditions de sa création, à la valeur exemplaire de ses membres mais aussi au nombre très restreint de ses membres.

Soucieux de mieux prendre en compte la Résistance intérieure, de maintenir le caractère resserré de l'Ordre et d'offrir d'autres formes de reconnaissance à ceux qui ont risqué leur vie pour la Libération de la France, le Général de Gaulle a, le 9 février 1943, créé la Médaille de la Résistance française.

La médaille de la Résistance Française

A Londres, par ordonnance n° 42 et par décret n° 774 du 9 février 1943, le Général de Gaulle institue la Médaille de la Résistance Française, destinée à " reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l'Empire et à l'étranger, auront contribué à la Résistance du peuple français contre l'ennemi et contre ses complices depuis le 18 juin 1940 ".

L'ordonnance du 7 janvier 1944 précise qu'il s'agit des personnes ou collectivités françaises qui ont :

" 1. pris une part spécialement active depuis le 18 juin 1940 à la Résistance contre les puissances de l'Axe et leurs complices sur le sol français ou en territoire relevant de la souveraineté française,

" 2. pris une part effective importante au ralliement de territoires français ou rendu des services signalés dans l'effort de guerre de ces territoires,

" 3. joué un rôle éminent à l'étranger dans la propagande et dans l'action des organisations destinées à grouper et à soutenir les efforts de la Résistance,

" 4. rallié les troupes, les navires ou les avions dans des conditions exceptionnelles de difficultés ou de dangers,

" 5. rejoint les Forces Françaises en guerre dans des conditions particulièrement dangereuses et méritantes. "


Cette ordonnance a été complétée par l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui a créé la Médaille de la Résistance avec rosette dont les titulaires recevaient le titre d'Officier de la Résistance (4.345, soit environ 10 % du chiffre total d'attribution).

La médaille en bronze porte à l'avers un bouclier frappé de la Croix de Lorraine avec, en exergue, " 18 juin 1940 " et au revers " Patria non Immemor ". Le ruban est noir, traversé verticalement par des bandes rouges.

Les Médaillés de la Résistance Française, au nombre de 43.000 environ, dont 19.000 à titre posthume, groupent les plus méritants des membres des Forces Françaises Libres, des Forces Françaises Combattantes et des Forces Françaises de l'Intérieur. Parmi eux, 10 % de femmes et 55 collectivités.

La Commission nationale de la Médaille de la Résistance Française, créée par ordonnance du 7 janvier 1944 et présidée par le Chancelier de l'Ordre de la Libération, assure la discipline des Médaillés.

Garants du souvenir, en 1986, un pacte d'amitié liait les 17 communes médaillées de la Résistance. Cette relation privilégiée est désormais institutionnalisée dans le Comité national des collectivités territoriales médaillées de la Résistance française, qui comprend :

- Béthincourt, dans la Meuse,

- Brest, dans le Finistère,

- Caniac, dans le Lot,

- Caen, dans le Calvados,

- La Chapelle-en-Vercors, dans la Drôme,

- Lyon, dans le Rhône,

- Marsoulas, en Haute-Garonne,

- Meximieux, dans l'Ain,

- Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire,

- Nantua, dans l'Ain,

- Plougasnou, dans le Finistère,

- Saint-Nizier-de-Moucherotte, dans l'Isère,

- Sein, dans le Finistère,

- Travaux-Pontsericourt, dans l'Aisne,

- Terrou, dans le Lot,

- Thones, en Haute-Savoie,

- Territoire de Nouvelle-Calédonie.

La Médaille n'est plus attribuée depuis le 31 mars 1947. Il reste cependant possible de décerner, à titre posthume, la Médaille à des personnes mortes pendant la guerre.

Le Général de Gaulle écrira, le 9 mai 1948 :

" La Résistance, ce fut la Défense Nationale.

" Suivant les péripéties et les conditions terribles d'une guerre sans précédent, elle a pris toutes les formes, rassemblé toutes les tendances, utilisé tous les sacrifices. Mais elle fut, toujours et partout, un combat, un seul combat, pour la Patrie.

" En voici le témoignage : c'est la liste glorieuse de ses noms, Médaillés de la Résistance, mes camarades, morts ou vivants... "

Source : Chancellerie de l'Ordre de la Libération.

II. LE PRÉSENT : UN ORDRE ACTIF ET STRUCTURÉ, GARANT DU DEVOIR DE MÉMOIRE

La Libération n'a pas signifié une quelconque mise en sommeil de l'Ordre. Certes, le décret du 23 janvier 1946 a mis fin à l'attribution de la Croix de la Libération. Mais deux ordonnances du 26 août 1944 et du 10 août 1945 5( * ) assurent la pérennité de l'Ordre, tout en marquant l'évolution de sa mission.

A la mission de reconnaissance succède en effet une mission de mémoire. Durant la guerre, l'Ordre incarnait la lutte pour la Libération et l'esprit de Résistance. Désormais, il est chargé de les perpétuer et d'en porter témoignage devant les nouvelles générations. C'est le sens de l'inscription de la crypte du Mont Valérien où un emplacement réservé attend le dernier Compagnon : " Nous sommes ici pour témoigner devant l'histoire que de 1939 à 1945 ses fils ont lutté pour que la France vive libre ".

Les nouvelles architectures institutionnelles et missions définies au lendemain de la Libération sont encore celles qui existent aujourd'hui.

A. L'ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE ACTUELLE

L'ordonnance du 10 août 1945 pose le principe de l'autonomie de l'Ordre et définit le cadre général de son organisation.

1. Une autonomie garantie

L'exposé des motifs de l'ordonnance du 10 août 1945 indiquait qu'" il est donc apparu nécessaire de donner à l'Ordre de la Libération un statut lui permettant de remplir sa mission et d'atteindre son but ". Ce statut passe nécessairement par la reconnaissance d'une autonomie.

Cette autonomie est assurée d'une double manière.

L'Ordre est d'abord doté de la personnalité morale . Cela entraîne une série d'implications juridiques qui deviennent autant de garanties d'autonomie. Il est ainsi appelé à prendre des décisions exécutoires, lesquelles peuvent parfois appeler une approbation de l'autorité de tutelle. Il possède un patrimoine propre. Il dispose également d'un budget propre. Il peut enfin agir en justice, en action comme en défense, pour y défendre les intérêts de l'Ordre.

Corollaire de la personnalité morale, l'Ordre est également doté de l'autonomie financière . L'Ordre possède ainsi un budget propre dont le Chancelier est l'ordonnateur principal. Ce budget est un budget annexe rattaché au budget du ministère de la justice. Les crédits s'élèvent à un peu plus de 5 millions de francs en loi de finances initiale pour 1999.

2. Une institution structurée

Second Ordre national après celui de la Légion d'honneur, l'organisation de l'Ordre de la Libération est similaire à celle de l'Ordre de la Légion d'honneur. L'exposé des motifs de l'ordonnance du 10 août 1945 soulignait d'ailleurs que son statut était " inspiré par celui de la Légion d'honneur ".

L'Ordre de la Libération repose sur deux organes aux fonctions complémentaires.

Le Conseil de l'Ordre a été institué par le décret du 29 janvier 1941. Il est chargé d'assurer la pérennité des traditions de l'Ordre. A ce titre, il fixe les grandes orientations de celui-ci. Il a également pour mission d'assurer la discipline de l'Ordre.

Présidé par le Chancelier, le Conseil est exclusivement composé de Compagnons de la Libération, qui sont nommés par décret, pour une durée indéterminée. Actuellement, les membres du Conseil sont au nombre de seize, mais aucun texte ne fixe de nombre de membres. Le Conseil se réunit au moins quatre fois par an sur convocation du Chancelier.

Le Chancelier , en application de l'article premier de l'ordonnance du 10 août 1945, assure l'administration de l'Ordre. L'Ordre n'ayant eu qu'un seul Grand-Maître en la personne du Général de Gaulle, le Chancelier est incontestablement le premier personnage de l'Ordre. Dépositaire du Sceau de l'Ordre, il dirige les services de la Chancellerie. Il convoque le Conseil et en prépare les séances. Il est l'ordonnateur principal du budget. Il a seul qualité pour représenter l'Ordre de la Libération. Il préside en outre la Commission nationale de la Médaille de la Résistance française.

Choisi au sein du Conseil, il est nommé, sur proposition du Conseil, par un décret du Président de la République pour un mandat de quatre ans renouvelable. Quatre chanceliers se sont succédé depuis la création de l'Ordre : l'amiral Georges Thierry d'Argenlieu (1941-1958), le général François Ingold (1958-1962), M. Claude Hettier de Boislambert (1962-1978) et le général d'armée Jean Simon (depuis 1978).

B. UNE ACTION RECONNUE

Si la perpétuation de la mémoire de la Libération est aujourd'hui l'action principale de l'Ordre, celui-ci attribue également un secours exceptionnel aux Compagnons de la Libération et à leurs familles et assure le service de la Médaille de la Résistance française.

1. La perpétuation de la mémoire de la Libération

L'action en faveur de la mémoire donne lieu à des initiatives variées de l'Ordre. Ces initiatives visent aussi bien à sensibiliser le public et notamment les jeunes générations, qu'à conserver et à entretenir le patrimoine historique que constitue l'Ordre.

L'Ordre participe ainsi à l'organisation de nombreuses cérémonies commémoratives . La plus importante est évidemment celle organisée tous les 18 juin au Mont Valérien pour commémorer l'" Appel à tous les Français ". Cette commémoration très solennelle se double de très nombreuses cérémonies commémoratives, notamment en liaison avec les cinq communes Compagnon de la Libération et les unités combattantes titulaires de la Croix de la Libération.

L'Ordre contribue également, soit par sa présence à l'inauguration, soit par une participation à l'organisation, à diverses expositions ou colloques tant en France qu'à l'étranger (Congo-Brazzaville, Grande-Bretagne, Belgique, Norvège). Dans cette perspective, l'Ordre s'attache tout particulièrement à une action vers les plus jeunes.

Depuis 1970, l'action en faveur de la mémoire s'incarne aussi dans le Musée de l'Ordre de la Libération . Imaginé dès 1954, le Musée fut inauguré en 1970. D'une richesse exceptionnelle, les collections comportant plus de 3.400 pièces. Le Musée reçoit en moyenne 400 visiteurs par jour, dont une très forte proportion de jeunes scolarisés.

L'Ordre ouvre enfin un très large accès à ses archives . Une salle de documentation est ainsi ouverte à un public de chercheurs et d'étudiants.

2. Une fonction d'aide morale et matérielle

L'ordonnance du 26 août 1944 a chargé l'Ordre de la Libération d'attribuer " aux Compagnons de la Libération, ainsi qu'à leurs veuves, orphelins ou ascendants, les secours nécessaires qui pourraient leur être nécessaires ". Cette mission a été ultérieurement étendue aux Médaillés de la Résistance française.

Cette action reste aujourd'hui encore bien souvent nécessaire. Ainsi, en 1997, l'Ordre de la Libération a apporté une aide matérielle à 25 Compagnons de la Libération ou ayant droits et à 10 Médaillés de la Résistance française pour un montant total de 409.000 francs.

3. Le service de la Médaille de la Résistance française

En application de l'Ordonnance du 10 août 1945, l'Ordre de la Libération assure le service de la Médaille de la Résistance française. Dans cette perspective, le Chancelier de l'Ordre préside la Commission nationale de la Médaille de Résistance française, chargé d'instruire les demandes d'attribution.

Malgré le décret du 16 janvier 1947 qui a mis fin à l'attribution de cette distinction, cette action garde aujourd'hui encore une actualité car il reste possible de décerner cette décoration à titre posthume. Quelques Médailles de la Résistance française sont ainsi attribuées chaque année.

III. L'AVENIR : UN PROJET DE LOI QUI ASSURE LA PÉRENNITÉ DE L'ORDRE

" L'Ordre est un cimetière " déclarait André Malraux dès 1971. La disparition de l'Ordre, qui surviendrait naturellement avec la disparition du dernier Compagnon de la Libération, est pourtant inconcevable tant celui-ci symbolise la mémoire de la Libération et l'esprit de la Résistance. C'est cette image de la France, " fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et dans la lutte " selon l'expression du Général de Gaulle, qui ne doit pas s'éteindre au moment où le dernier Compagnon rejoindra la place qui l'attend dans la crypte du Mont Valérien.

Ce projet de loi, établi en étroite concertation avec l'Ordre, vise précisément à assurer la pérennité de l'Ordre au-delà de la disparition du dernier Compagnon. Il propose ainsi la mise en place dans l'avenir d'une nouvelle architecture institutionnelle pour l'Ordre, fondée sur les cinq communes titulaires de la Croix de la Libération -seuls compagnons dont la permanence soit assurée-, afin de garantir sa pérennité.

A. UN PROJET DE LOI ATTENDU ET CONSENSUEL

1. Une pérennité menacée

L'Ordre de la Libération est inséparable de ses membres. Cela est évident sur le plan historique, mais cela se vérifie également sur le plan juridique. La structure de l'Ordre de la Libération repose en effet sur deux organes : le Conseil de l'Ordre et le Chancelier. Or, les membres du Conseil de l'Ordre et le Chancelier sont tous, en vertu des statuts de l'Ordre, des Compagnons de la Libération. Il en découle nécessairement qu'à l'issue de la disparition progressive mais inexorable des Compagnons de la Libération, la structure de l'Ordre serait dissoute et l'Ordre ne serait plus qu'une " coquille vide ".

Au 21 janvier 1999, il ne restait que 171 Compagnons encore en vie, leur âge moyen étant de 83 ans.

2. Une démarche consensuelle

A l'heure où le " devoir de mémoire " apparaît de plus en plus nécessaire, nul ne saurait se résoudre à la disparition de l'Ordre de la Libération. Il importait donc d'élaborer un nouveau schéma institutionnel susceptible d'assurer la pérennité d'un Ordre si chargé de mémoire. Or, la préparation de ce projet de loi témoigne du caractère très consensuel de ce texte. Consensuel par son enjeu, ce projet de loi l'est aussi par la méthode de très large concertation ayant présidé à sa rédaction initiale.

Ce texte est l'aboutissement d'une démarche engagée depuis plusieurs années déjà par l'Ordre de la Libération. En avril 1996, la Chancellerie de l'Ordre a présenté un avant-projet au ministre délégué aux anciens combattants de l'époque, M. Pasquini. A la demande du Président de la République, celui-ci a accepté de présenter un projet de loi devant le Parlement. Un projet de loi, très proche des propositions de la Chancellerie de l'Ordre, a été rédigé en novembre 1996 et transmis au Conseil de l'Ordre qui a émis une délibération à ce sujet. Après avis du Conseil d'Etat, le projet a été déposé, sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 avril 1997, par M. Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre, et M. Toubon, Garde des Sceaux. Après la dissolution de l'Assemblée nationale, le nouveau Gouvernement a redéposé un projet de loi identique le 19 juin 1997. Il a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 17 décembre 1998.

B. UNE NOUVELLE ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE ASSURANT L'AVENIR DE L'ORDRE

Le présent projet de loi vise à garantir la pérennité de l'Ordre au-delà de la disparition de ses membres. Le dispositif proposé repose sur une double spécificité :

- ce projet fonde l'organisation de l'Ordre sur un Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ", qui succédera à l'actuel Conseil de l'Ordre ;

- l'entrée en vigueur du texte est différée jusqu'au moment où l'organisation actuelle de l'Ordre deviendra inopérante.

1. Une nouvelle structure institutionnelle accordant un rôle central aux cinq communes titulaires de la Croix de la Libération

Le projet de loi propose la création d'un nouvel établissement public national à caractère administratif -le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération "- qui sera chargé de succéder à l'actuel Conseil de l'Ordre afin d'assurer la pérennité de l'Ordre. La logique du dispositif proposé est à la fois claire et cohérente : il s'agit de fonder l'avenir de l'Ordre sur les seuls compagnons de la Libération dont la permanence sera assurée, c'est-à-dire les cinq communes.

Il apparaissait en effet difficile d'intégrer les unités combattantes " Compagnon de la Libération " dans le futur Conseil national. Certaines sont d'ores et déjà dissoutes et le mouvement actuel de restructuration des armées ne permet pas de garantir la pérennité des autres. Les unités combattantes seront toutefois associées à la mission de mémoire du Conseil national.

Un tel dispositif permettra alors de garantir une continuité dans la mémoire et l'architecture institutionnelle de l'Ordre. D'une part, l'organisation de l'Ordre reposera toujours sur des titulaires de la Croix de la Libération. La mémoire, que l'Ordre doit tout à la fois incarner et transmettre, sera bien celle de ces membres. D'autre part, l'équilibre institutionnel de l'Ordre ne sera que peu modifié : le futur Conseil national succédera au Conseil de l'Ordre dans toutes ses attributions. Les missions de l'Ordre resteront donc inchangées et ses modalités d'organisation et de fonctionnement seront très proches de celles existant actuellement.

L'équilibre du texte proposé témoigne de cette continuité. L'article premier crée le futur Conseil national, qu'il place sous la tutelle du garde des Sceaux, ministre de la justice. Les articles 2 à 9 précisent les missions, l'organisation et le fonctionnement de ce nouvel établissement public. Ils ne font donc que reprendre et parfois adapter, dans la loi, les dispositions déjà existantes en ces trois domaines.

Les missions du futur conseil national énumérées à l'article 2 du projet de loi correspondent aux missions actuellement assurées par le Conseil de l'Ordre. Ces missions sont au nombre de cinq : assurer la pérennité des traditions de l'Ordre et porter témoignage devant les générations futures, mettre en oeuvre des initiatives pédagogiques, muséographiques ou culturelles afin de conserver la mémoire de l'Ordre, veiller sur le Musée et sur les archives de l'Ordre, organiser les cérémonies commémoratives de l'appel du 18 juin et de la mort du Général de Gaulle, participer à l'aide morale et matérielle aux Compagnons et à leur femme et leurs enfants. Par ailleurs, l'article 7 du projet de loi précise que le Conseil national assure le service de la Médaille de la Résistance.

Sur proposition de son rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que les médaillés de la Résistance pourront également bénéficier de l'aide morale et matérielle du Conseil national. Votre commission estime également légitime que le projet de loi contienne une telle disposition dans la mesure où cette aide est actuellement l'une des missions de l'Ordre de la Libération.

Dans le même esprit, et à des fins d'équilibre, votre commission vous propose un amendement étendant aux Médaillés de la Résistance française la mission de mémoire du futur Conseil national. Elle considère en effet que les médaillés de la Résistance ne peuvent pas être associés à la seule mission sociale du futur Conseil national. Dans la mesure où ils symbolisent aussi la mémoire exemplaire de la Libération et de la Résistance, le futur Conseil national devra également s'attacher à conserver leur mémoire.

S'agissant de l'organisation et du fonctionnement du futur Conseil national, le texte prévoit que le conseil d'administration du Conseil se compose des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération, des maires en exercice des cinq communes " Compagnon de la Libération " et d'un délégué national. A terme, le Conseil ne devrait donc réunir que six membres : les cinq maires et le délégué national. Le délégué national, qui succédera à l'actuel chancelier, sera nommé par décret du Président de la République après avis des membres du conseil ( article 3 ). La présidence du Conseil national sera assurée conjointement par l'un des maires, ceux-ci se succédant chaque année, et par le délégué national ( article 4 ). Votre commission vous propose d'adopter un amendement précisant que la présidence visée à l'article 4 est celle du Conseil d'administration.

Les fonctions du conseil d'administration et du délégué national sont précisées aux articles 5 et 6 . Le conseil d'administration, organe délibérant, fixe les grandes orientations, vote le budget et approuve les comptes. Le délégué national, organe exécutif, dispose du pouvoir administratif et financier. L'article 8 détermine les ressources du conseil national. L'article 9 soumet le Conseil national au contrôle administratif et financier.

Le schéma institutionnel prévu apparaît donc très cohérent. Votre commission observe en outre qu'il est loin d'être une création ex nihilo . Il s'appuie au contraire sur une expérience qui a su faire la preuve de son dynamisme . Ce schéma fait reposer très largement l'avenir de l'Ordre sur les cinq communes " Compagnon de la Libération ". Or, celles-ci, regroupées au sein d'une association, sont déjà très actives. Elles organisent successivement l'assemblée générale du Conseil de l'Ordre et prennent de nombreuses initiatives dans le cadre de la politique de mémoire de la Libération et de la Résistance. En ce sens, le projet de loi ne fait finalement qu'institutionnaliser le rôle moteur joué par les communes dans la vie de l'Ordre.

2. Une entrée en vigueur différée

La seconde spécificité du projet de loi concerne les modalités d'entrée en application du futur schéma institutionnel. L'entrée en vigueur du texte est en effet différée jusqu'au moment où l'organisation actuelle de l'Ordre ne sera plus en mesure d'assurer son fonctionnement régulier. Là encore, il s'agit d'assurer une continuité entre le système existant et le dispositif futur.

L'article 10 du projet prévoit que la loi entrera en application au moment où l'actuel Conseil de l'Ordre ne pourra plus, matériellement, réunir 15 Compagnons de la Libération. La Chancellerie de l'Ordre estime qu'un tel fait constitutif pourrait survenir d'ici une dizaine d'années.

En première lecture, L'Assemblée nationale a, sur proposition de son rapporteur, adopté un amendement à l'article 10. Sans modifier le sens de l'article, cet amendement a supprimé l'exigence initiale d'un décret du Président de la République pour fixer la date d'entrée en vigueur de la présente loi. En revanche, cet amendement prévoit qu'un décret du Président de la République nommera le Chancelier de l'Ordre en exercice délégué national afin d'officialiser par un acte le changement de statut institutionnel de l'Ordre de la Libération, tout en assurant la continuité de son fonctionnement.

*

* *

L'Ordre de la Libération était, pour André Malraux, " le symbole de la Libération ". Le présent projet de loi permettra à l'Ordre, dont la pérennité est aujourd'hui menacée, de perdurer et de continuer à assurer, dans l'avenir, sa vocation de gardien de la mémoire de la Libération et de la Résistance.

C'est à l'unanimité que votre commission a décidé de vous proposer d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Création du Conseil national des communes
" Compagnon de la Libération "

Cet article crée un nouveau Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ", afin d'assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération en garantissant le maintien d'une structure ad hoc. L'Ordre de la Libération ne sera pas dissous. Seul, le Conseil de l'Ordre sera remplacé par le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ".

Il est cependant prévu que la création de ce Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " ne soit pas immédiate . Le nouveau conseil succédera à l'actuel conseil de l'Ordre de la Libération, dans les conditions fixées à l'article 10 du présent projet de loi. Le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " ne sera effectivement mis en place qu'à partir du moment où l'actuel Conseil de l'Ordre ne sera plus en mesure de réunir quinze membres. Il s'agit donc d'une création différée, associée à la réalisation à venir d'un événement constitutif à une date indéterminée.

Cet article précise également le statut juridique du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ". Il s'agit d'un établissement public national à caractère administratif. Le choix d'un tel statut, qui répond au souci de proposer une structure administrative stable correspondant à la solennité de l'Ordre de la Libération, a deux implications juridiques directes.

La première implication est d'ordre législatif. Le nouveau Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " semble devoir constituer à lui seul une nouvelle catégorie d'établissement public. Le Conseil Constitutionnel 6( * ) considère en effet que forment une même catégorie les établissements publics dont l'activité s'exerce territorialement sous une même tutelle et qui ont une spécialité analogue. Or, la spécificité même de la mission du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " fait qu'il n'existe aucun établissement ayant une spécialité analogue. Le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " constituera donc à lui seul une nouvelle catégorie d'établissements publics. L'article 34 de la Constitution précise que " la loi fixe également les règles concernant (...) la création de catégories d'établissements publics ". Dans ces conditions, la création du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " relevait nécessairement du domaine législatif.

Mais, si seule la loi peut créer, en vertu de l'article 34 de la Constitution, une nouvelle catégorie d'établissements publics, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel 7( * ) précise également que " le législateur est seul compétent pour fixer ses règles de création, lesquelles comprennent nécessairement ses règles constitutives ". Cette notion de " règles constitutives " nécessairement fixées par la loi recouvre un certain nombre de dispositions, et notamment les conditions de création de l'établissement public, la détermination de sa personnalité juridique, la définition du cadre général de sa mission, le cadre général de son organisation et de son fonctionnement, l'extension géographique de son activité et ses rapports avec l'Etat. Les articles 2 à 10 du présent projet de loi constituent la définition de ces " règles constitutives ".

La seconde implication juridique concerne le régime juridique applicable au futur Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ". Le choix du statut d'établissement public n'est pas en effet sans conséquence pratique. Ainsi, en vertu du principe d'autonomie, l'établissement public est doté d'un organe délibérant et d'un organe exécutif. Il dispose d'un budget propre et d'un patrimoine et peut agir en justice en son nom propre. De même, en vertu du principe de rattachement, il est soumis à une tutelle et à un contrôle. Plus largement ils entrent dans le champ d'application du droit public, ce qui leur offre un certain nombre de prérogatives mais les soumet également à des contraintes spécifiques. Enfin, en vertu du principe de spécialité, l'établissement reste cantonné dans la limite de la mission qui lui a été assignée par son acte fondateur.

Le présent article premier précise enfin que la tutelle du futur Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " sera exercée par le garde des sceaux, ministre de la justice. La tutelle demeure en fait inchangée par rapport à la situation actuelle. Depuis l'ordonnance du 10 avril 1945 portant organisation de l'Ordre de la Libération et comme les autres ordres nationaux, l'Ordre de la Libération est rattaché au ministère de la justice et se voit affecté un budget annexe rattaché pour ordre au budget de la justice.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 2
Missions du Conseil national des communes
" Compagnon de la Libération "

Cet article précise les missions du futur Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ". Cinq missions sont ainsi dévolues au futur conseil national. Votre commission observe que ces missions recouvrent très largement les missions actuellement exercées par le Conseil de l'Ordre. Cet article permet cependant de leur donner, pour l'avenir, une base légale dans la mesure où les missions actuelles de l'Ordre de la Libération ne sont déterminées que dans des textes à valeur législative ou réglementaire multiples et d'origine diverse et relèvent bien souvent de la tradition et non d'une norme juridique.

La première mission du futur conseil national, à portée très générale, sera " d'assurer la pérennité des traditions de l'Ordre de la Libération et de porter témoignage de cet ordre devant les générations futures ". Il s'agit du coeur même de la mission de mémoire. Le devoir de mémoire ne peut en effet avoir une signification que s'il se fonde sur la rencontre des générations futures avec un passé exemplaire. Votre commission observe que cette mission sera exercée " en liaison avec les unités combattantes titulaires de la Croix de la Libération ". Les unités " Compagnon de la Libération " ne sont pas les oubliées de ce projet de loi. Elles sont au contraire pleinement associées à la mission centrale du Conseil national.

Les troisième, quatrième et cinquième alinéas du présent article déterminent, de manière plus concrète, les conditions de mise en oeuvre de cette mission de mémoire comme autant de missions dévolues au Conseil national.

La seconde mission consiste dans la mise en oeuvre de " toutes les initiatives " jugées utiles par le Conseil " dans les domaines pédagogique, muséographique ou culturel ". Cette mission recouvre les initiatives déjà prises par l'Ordre de la Libération depuis de nombreuses années. Ainsi, la Chancellerie de l'Ordre organise des conférences sur l'Ordre de la Libération et sur les Compagnons de la Libération. Elle assure également l'ouverture à un public de chercheurs et d'étudiants d'une salle de documentation qui comprend plus de 3.000 ouvrages. Elle accueille chaque année des lauréats du Concours national de la Résistance et de la Déportation. Elle organise régulièrement des visites guidées pour les groupes scolaires ou associatifs. Elle assure enfin la publication et la diffusion d'ouvrages de références tels le Mémorial des Compagnons de la Libération (1961) ou le catalogue du Musée de l'Ordre de la Libération (1990). Toutes ces initiatives correspondent à l'objectif de " conservation de la mémoire de l'Ordre de la Libération ". Votre commission, reconnaissant l'impact des actions déjà accomplies, ne peut que souhaiter la poursuite de telles initiatives.

La troisième mission est celle " de veiller sur le Musée de l'Ordre de la Libération et de le maintenir, ainsi que les archives de l'Ordre ". Créé en 1970 par le chancelier Claude Hettier de Boislambert, le Musée de l'Ordre abrite une collection exceptionnelle. Les quelque 3.400 pièces du musée proviennent exclusivement de dons provenant des Compagnons de la Libération, de leurs familles ou de Résistants et Français libres. Il compte notamment quelques pièces uniques comme le manuscrit de " l'Appel à tous les Français " ou le collier du Grand Maître de l'Ordre de la Libération. Véritable gardien de la mémoire de l'Ordre, le Musée accueille quotidiennement en moyenne 400 visiteurs. Les archives sont également d'une richesse remarquable. Elles comportent notamment un dossier individuel pour chaque compagnon, comprenant l'extrait de décret attribuant la Croix de la Libération, des renseignements biographiques, la correspondance échangée avec l'Ordre et bien souvent de nombreux documents ou témoignages. Elles comportent également une très riche collection photographique ainsi que les documents internes de l'Ordre (statuts, règlements, comptes-rendus des séances du conseil). Le musée et les archives, par leur richesse et leur intérêt historique, constituent une part du patrimoine de la nation et méritent incontestablement une attention toute particulière.

La quatrième mission est l'organisation des cérémonies commémoratives de l'Appel du 18 juin et de la mort du Général de Gaulle. Les cérémonies commémoratives constituent l'une des activités principales et les plus visibles du Conseil de l'Ordre. Outre la très solennelle cérémonie du 18 juin au Mont Valérien, en présence du Président de la République, l'Ordre organise et participe à de nombreuses cérémonies aussi bien en France qu'à l'étranger (Congo-Brazzaville, Grande-Bretagne, Belgique, Norvège). Il organise notamment des cérémonies commémoratives en liaison avec les cinq communes " Compagnon de la Libération ". Cette fonction commémorative doit bien entendu être poursuivie car elle participe en premier chef à l'entretien de la mémoire de la Libération et de l'esprit de la Résistance.

Enfin, la cinquième mission est la participation à " l'aide morale et matérielle aux Compagnons de la Libération, aux médaillés de la Résistance et à leurs veuves et enfants ". Instituée par l'ordonnance du 26 août 1944, cette mission de secours n'a en rien perdu de sa nécessité. Ainsi, en 1997, l'Ordre de la Libération a apporté une aide matérielle à 25 Compagnons ou ayants droit et à 10 médaillés de la Résistance française ou ayants droit pour un montant global de 409.000 francs. Cette fonction ne doit pas disparaître car tous les Compagnons de la Libération et médaillés de la Résistance française ne sont pas éligibles à l'action sociale de l'Office National des Anciens Combattants dans la mesure où beaucoup d'entre eux sont issus de la Résistance intérieure ou extérieure et non des rangs militaires.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement étendant cette mission. La rédaction initiale du texte limitait en effet l'aide morale et matérielle aux seules veuves et enfants des Compagnons de la Libération. La nouvelle rédaction l'étend aux Compagnons de la Libération car il restera des compagnons en vie au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Elle l'étend également aux médaillés de la Résistance française qui bénéficient actuellement du secours de l'Ordre de la Libération et qui ne doivent pas être oubliés par le présent texte.

Votre commission, qui ne peut qu'approuver la modification introduite par l'Assemblée nationale, estime cependant que les médaillés de la Résistance ne peuvent pas être uniquement associés à la mission sociale du futur conseil national. C'est pourquoi, par souci d'équilibre, votre commission vous propose d'adopter un amendement étendant la mission de mémoire prévue au troisième alinéa de cet article aux médaillés de la Résistance française.

Votre commission vous propose également d'adopter un amendement rédactionnel visant à rétablir l'appellation officielle de la médaille de la Résistance française.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 3
Composition du Conseil d'administration du Conseil national

Cet article définit l'organisation du futur conseil national en prévoyant qu'un conseil d'administration soit l'organe délibérant de l'établissement public. Il faut d'ailleurs observer que la plupart des établissements publics nationaux à caractère administratif comportent aujourd'hui un conseil d'administration. La structure retenue pour le futur conseil national est donc classique.

Cet article précise également la composition de ce conseil d'administration . Trois séries de membres sont prévues : les maires en exercice des cinq communes " Compagnons de la Libération, les personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération, soit 14 personnes au maximum à la date d'entrée en vigueur de la loi et le délégué national, successeur de l'actuel chancelier.

Cette composition apporte une innovation substantielle par rapport à l'actuel Conseil de l'Ordre de la Libération. Ne sont en effet membres de celui-ci que les personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération nommées par décret. Le présent texte ouvre donc le Conseil national aux maires des cinq communes sur lesquelles reposera l'avenir de l'Ordre de la Libération et à un délégué national qui ne sera pas plus, à moyen terme, lui-même Compagnon de la Libération. L'équilibre de l'organe délibérant de l'Ordre de la Libération est alors profondément modifié.

Certes, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, les personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération seront sans doute encore majoritaires au sein du conseil d'administration. Mais, à terme, du fait de la disparition progressive des Compagnons de la Libération, le conseil d'administration ne sera plus composé que de six membres : les cinq maires et le délégué général.

Cet article détermine enfin les conditions de nomination du délégué national . Celui-ci sera nommé par décret du Président de la République, après avis du conseil d'administration, pour un mandat de quatre ans renouvelable plusieurs fois. Votre commission constate que ces dispositions sont très proches des conditions actuelles de nomination du chancelier, en application du décret n° 62-465 du 13 avril 1962. L'article 10 du présent projet de loi prévoit toutefois que la nomination du premier délégué national, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, sera contrainte : le premier délégué national sera le dernier chancelier de l'Ordre.

L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a adopté un amendement tendant à indiquer de manière explicite que le mandat du délégué national est renouvelable " plusieurs fois ". Votre commission s'interroge sur l'utilité d'une telle modification, estimant que la rédaction initiale n'était pas limitative.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 4
Présidence du Conseil national

Cet article définit un système original de coprésidence pour le futur Conseil national. Traditionnellement en effet, dans le cas des établissements publics nationaux, la structure de direction comprend un président du conseil d'administration, qui est aussi président de l'établissement public, et un directeur général. Le système de présidence prévu par cet article est tout autre. La présidence sera assurée conjointement par l'un des maires en exercice, pour une durée d'une année, et par le délégué national, pour une durée de quatre ans égale à la durée de son mandat.

Ce système mixte repose sur une double justification. D'une part, il était peu envisageable de ne pas associer les maires des communes " Compagnon de la Libération " à la présidence du Conseil national car ceux-ci incarnent en quelque sorte la légitimité historique du conseil. D'autre part, la nécessaire continuité de gestion de l'Ordre et la rotation rapide des maires au poste de président exigeait également d'associer à la présidence un acteur plus permanent : le délégué national.

Votre commission observe d'ailleurs qu'un système de présidence tournante pour une durée d'une année entre les cinq maires et en association étroite avec le chancelier de l'Ordre existe déjà au sein de l'association nationale des communes " Compagnon de la Libération " et donne toute satisfaction.

Deux précisions complémentaires doivent être apportées. En premier lieu, s'agissant de l'ordre d'accession des maires à la coprésidence, les maires devraient se succéder dans l'ordre d'ancienneté de nomination dans l'ordre : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et Ile-de-Sein. En second lieu, en cas de changement de maire au cours de la coprésidence, le maire nouvellement élu devrait terminer le mandat commencé par son prédécesseur.

Votre commission observe cependant que la rédaction actuelle de cet article est entachée d'une erreur matérielle. La présidence visée à cet article n'est pas celle du conseil national, mais celle du conseil d'administration du conseil national. Dans sa présente rédaction, le projet de loi institue en effet un conseil d'administration, mais ne précise pas qui le préside. Or, dans un établissement public doté d'un conseil d'administration, le président de l'établissement est de droit celui du conseil d'administration. Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement corrigeant cette erreur matérielle en précisant que la présidence visée est bien celle du conseil d'administration.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 5
Fonctions du conseil d'administration du Conseil national

Cet article détermine les fonctions du conseil d'administration du Conseil national. Celles-ci sont au nombre de quatre :

- il fixe les orientations de l'établissement public ;

- il arrête ses programmes ;

- il vote son budget ;

- il approuve les comptes.

Ces fonctions sont, classiquement, celles de tout conseil d'administration d'un établissement public national à caractère administratif.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 6
Fonctions du délégué national
Statut du personnel

Cet article a un double objet.

Il détermine d'abord les fonctions du délégué national. Outre son rôle de coprésident du conseil d'administration, il exerce également les fonctions qui reviennent traditionnellement au directeur général d'un établissement public.

Ainsi, il " prépare et exécute les délibérations du conseil d'administration. Il représente l'établissement en justice dans tous les actes de la vie civile. Il prend les décisions qui ne relèvent pas de la compétence du conseil d'administration ". De fait, le délégué national est alors chargé d'assurer la représentation et la gestion du Conseil national. Les fonctions du délégué national sont donc largement identiques à celles exercées actuellement par le chancelier de l'Ordre.

Cet article définit également le statut du personnel de l'établissement public . Il est ainsi précisé que le délégué national sera assisté d'un secrétaire général. Telle est actuellement la situation du chancelier de l'Ordre. Il est également prévu que les collaborateurs du délégué national appartiennent à " des corps de fonctionnaires de l'Etat ou des collectivités locales mis à disposition ou détachés ". Cette définition du statut ne fait en définitive que reproduire la situation actuelle des services de l'Ordre de la Libération. Ceux-ci sont en effet constitués aujourd'hui de 12 personnes, qui sont toutes détachées ou mises à disposition et sont issues de la fonction publique civile ou militaire de l'Etat. Cet article prévoit cependant qu'ils puissent être aussi issus de la fonction publique locale. Une telle disposition est somme toute logique dans la mesure où les cinq communes sont appelées à jouer un rôle moteur dans la vie de l'Ordre. En tout état de cause, les effectifs de l'établissement public devraient à l'avenir se stabiliser au niveau actuel, voire diminuer.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 7
Service de la médaille de la Résistance française

Cet article définit une nouvelle mission au futur conseil national, au-delà des missions énumérées à l'article 2 : le service de la médaille de la Résistance française.

L'article premier de l'ordonnance du 10 avril 1945 portant organisation de l'Ordre de la Libération a chargé celui-ci du service de la médaille de la Résistance française. Or, si la médaille n'est plus attribuée depuis le 31 mars 1974, il reste exceptionnellement possible de la décerner à titre posthume à des personnes disparues durant la guerre. 3 à 4 médailles de la Résistance sont ainsi attribuées chaque année. La Commission nationale de la médaille de la Résistance française, présidée par le chancelier de l'Ordre de la Libération est ainsi chargée d'instruire les demandes d'attribution et de veiller à la discipline des médaillés de la Résistance.

Le présent article ne fait donc que perpétuer les relations existantes entre l'Ordre de la Libération et les médaillés de la Résistance française. Le futur établissement public poursuivra le service de la médaille de la Résistance française et le futur délégué national succédera au chancelier de l'Ordre dans sa fonction de président de la commission nationale de la médaille de la Résistance française.

Dans un souci de précision, votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel afin de retenir l'appellation officielle de cette commission.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 8
Ressources du Conseil national

Cet article détermine, de manière non limitative, les ressources de l'établissement public. Il prévoit ainsi que les ressources du Conseil national comprennent notamment les subventions attribuées par l'Etat et, le cas échéant, par d'autres personnes publiques, mais aussi les dons et legs.

Il ne semble pas que les modalités de financement de l'Ordre de la Libération doivent évoluer par la suite. Il devrait toujours être financé par un budget annexe rattaché au budget du ministère de la justice.

La loi de finances initiale pour 1999 fixe le montant des crédits à un peu plus de 5 millions de francs. La hausse sensible des crédits par rapport à 1998 tient avant tout à des travaux de rénovation des locaux de la chancellerie.

Budget de l'Ordre de la Libération

(en francs)

 

1998

Mesures acquises

Mesures nouvelles

1999

Exploitation

4.113.066

+ 34.432

+ 16.533

4.164.031

Dépenses en capital

-

-

+ 850.000

850.000

Total

4.113.066

+ 34.432

+ 866.533

5.014.031

Source : projet de loi de finances pour 1999

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 9
Contrôle du Conseil national

Cet article prévoit que le futur établissement public soit soumis au contrôle administratif et financier. L'article premier du projet de loi précisait en outre que la tutelle de l'établissement public était exercée par le Garde des Sceaux. Une telle disposition correspond aux règles générales de contrôle applicables aux établissements publics nationaux à caractère administratif.

Concrètement, les modalités de contrôle resteront inchangées par rapport à la situation actuelle de l'Ordre de la Libération. Depuis le 1 er janvier 1998 en effet le contrôle administratif et financier est assuré par un agent comptable relevant du ministère de l'économie et des finances. En outre, tous les actes d'engagement de dépenses (dépenses en capital, contrats de personnel, dépenses de fonctionnement supérieures à 10.000 francs) sont soumis au visa du contrôleur financier du ministère de la justice.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 10
Conditions d'entrée en vigueur de la présente loi

Cet article fixe les conditions d'entrée en vigueur de la loi. Ces conditions associent à la fois la réalisation d'un fait constitutif et d'une procédure spécifique.

Le fait constitutif réside dans l'incapacité du Conseil de l'Ordre de la Libération à réunir 15 membres personnes physiques. Cela ne signifie pas pour autant que la procédure d'entrée en vigueur de la loi se déclenchera lorsqu'il ne restera plus que 14 Compagnons de la Libération en vie. Mais le fait constitutif sera réalisé lorsque le Conseil de l'Ordre ne pourra plus réunir, matériellement, 15 membres. Il restait, au 21 janvier 1999, 171 Compagnons de la Libération. Leur moyenne d'âge était de 83 ans. La chancellerie de l'Ordre estime que le fait constitutif pourrait survenir d'ici une dizaine d'années.

S'agissant de la procédure , elle a été profondément modifiée lors de l'examen du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale. Dans sa rédaction initiale , le projet de loi prévoyait que lorsque le chancelier aurait constaté la réalisation du fait constitutif, un décret du président de la République fixerait la date d'entrée en vigueur de la loi.

La rédaction adoptée à l'Assemblée nationale , sur proposition du rapporteur, modifie sensiblement la procédure initialement envisagée. Il est désormais prévu que la loi entre automatiquement en vigueur lorsque le Conseil de l'Ordre ne peut plus réunir 15 membres, personnes physiques. Le chancelier de l'Ordre de la Libération en informe le Président de la République. L'information du Président de la République devient alors une conséquence et non plus une condition nécessaire de l'entrée en vigueur de la loi.

Cet article prévoit également que le chancelier en exercice à la date de réalisation du fait constitutif devienne le premier délégué national du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " pour la durée restant à courir de son mandat de chancelier. A l'origine, il était prévu que ce changement de titre soit automatique. La rédaction adoptée à l'Assemblée nationale précise que ce changement de titre est subordonné à un décret du président de la République. Il s'agit là d'une compétence liée, mais ce décret vise avant tout à marquer officiellement et solennellement le changement de titre et de fonction du chancelier et, plus largement, la mise en place effective du conseil national.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel de clarification.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ANNEXES

1. LISTE DES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

1.  Les Compagnons de la Libération.

2.  Les villes Compagnon de la Libération.

3.  Les unités Compagnon de la Libération.

2. TEXTES FONDANT ET RÉGISSANT L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

1. Ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération.

2. Décret du 29 janvier 1941 réglant l'organisation de l'Ordre de la Libération.

3. Arrêté du 1 er août 1941 relatif à la remise et au port de la Croix de la Libération.

4. Décret n° 140 du 3 février 1942 relatif à l'attribution de la Croix de la Libération.

5. Décret n° 765 du 17 février 1943 relatif à l'organisation de l'Ordre de la Libération.

6. Ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la Croix de la Libération.

7. Ordonnance du 26 août 1944 relative aux secours attribués aux Compagnons de la Libération et à leur famille.

8. Ordonnance n° 45-1779 du 10 août 1945 portant organisation de l'Ordre de la Libération.

9. Décret du 23 janvier 1946 mettant fin à l'attribution de la Croix de la Libération.

3. LES VILLES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

1. Citation des villes Compagnons de la Libération.

2. Pacte d'amitié entre les villes Compagnons de la Libération du 3 décembre 1981.

4  TEXTES DU GENERAL DE GAULLE ET D'ANDRE MALRAUX SUR LES COMPAGNONS DE LA LIBERATION

1. Texte d'introduction du Général de Gaulle au Mémorial des Compagnons de la Libération (1961)

2. Intervention d'André Malraux sur l'Ordre de la Libération (le 17 juin 1971)

3. ANNEXE N° 1


-
LISTE DES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

Source : Chancellerie de l'Ordre de la Libération

LES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

AALBERG André (RI), ABALAN Michel (FL), ABEILLE Valentin (RI), ABOULKER José (RI), ABRAHAM Robert (FL), ADELINE Henri (RI), AGENET Alain (FL), AHNNE Edouard (RI/FL), ALBERT Marcel (FL), ALBRECHT Berthy (RI), ALEXANDRE Blaise (FL), ALIBERT de FALCONNET Roland (FL), ALLEGRET Emile (FL), ALLOUES Roger (FL), AMIEL Henri (FL), AMILAKVARI Dimitri (FL), AMIOT René (FL), AMYOT D'INVILLE Hubert (FL), ANDLAUER Louis (FL), ANDRE Gustave (RI), ANDRE Roger (FL), ANDRIEUX Jacques (FL), ANGLADE Pierre (FL), ANQUETIL Bernard (RI), ANTONIETTI Roméo (FL), APPERT Raymond (FL), ARAINTY Pierre (FL), ARIBAUD Paul (RI), ARMAND Louis (RI), ARNAUD Michel (FL), ARNAULT Paul (FL), ARRIGHI Pierre (RI/D), ARZEL François (FL), ASTIER DE LA VIGERIE (d') Henri (RI), ASTIER DE LA VIGERIE (d') Emmanuel (RI), ASTIER DE LA VIGERIE (d') François (FL), ASTIER DE VILLATTE Jean (FL), AUBERTIN Pierre (FL), AUBOYNEAU Philippe (FL), AVININ Antoine (RI), AYME Fernand (FL), AYRAL Robert (FL/RI), BABLON Gabriel (FL), BABONNEAU René (FL), BAKOS Joseph (FL), BALLARIN Jean (FL), BALLATORE André (FL), BALLET Jacques (RI/FL), BARBERON Bernard (FL), BARBEROT Roger (FL), BARLOT Gustave (RI/D), BASSET Raymond (RI), BATIMENT Paul (FL), BAUCHE Jacques (FL), BAUCHERON DE BOISSOUDY Guy (FL), BAUDEN René (FL), BAUDENOM DE LAMAZE Jacques (FL), BAUDRY René (FL), BAUMEL Jacques (RI), BAVIERE Georges (FL), BAYROU Maurice (FL), BAZELAIRE DE RUPPIERE Jean (FL), BEAUGE-BERUBE Henri (FL), BEAUGRAND Pierre (FL), BECOURT-FOCH Jean (FL), BEGUIN Didier (FL), BEGUIN Louis (FL), BEHELO Valentin (FL), BEL HADJ Mohamed (FL), BELLEC Jean (FL), BELLET Emile (FL), BENARD Louis (FL), BENEBIG Auguste (FL), BENEVEN Henri (FL), BENEYTON Lionel (FL), BEON Raoul (FL), BERGAMIN Alfred (FL), BERGE Georges (FL), BERGER Jean-Pierre (FL), BERGERET André (FL), BERNARD Claude (FL), BERNARD Pierre (FL), BERNARDINO Philippe (FL), BERNAVON Adrien (FL), BERNE Lucien (FL), BERNHEIM Pierre (RI), BERNIER Lucien (FL), BERTAUX Pierre (RI), BERTIN Jean (RI), 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Nicolas (FL), ZIRNHELD André (FL).

R.I. : Résistance Intérieure

FL : France Libre

D : Déportation

LES VILLES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

GRENOBLE (décret du 4 mai 1944)

NANTES (décret du 11 novembre 1941)

PARIS (décret du 24 mars 1945)

ILE-DE-SEIN (décret du 1 er janvier 1946)

VASSIEUX-EN-VERCORS (décret du 4 août 1945)

LES UNITÉS COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

1 er Régiment d'artillerie coloniale

Décret du 7 août 1945

13 ème Demi-Brigade de Légion étrangère

Décret du 6 avril 1945

1 er Bataillon d'infanterie de Marine et du Pacifique

Décret du 28 mai 1945

1 er Régiment d'artillerie coloniale

Décret du 7 août 1945

1 er Régiment de fusiliers-marins

Décret du 12 juin 1945

1 er Régiment de marche de spahis marocains

Décret du 7 août 1945

1 ère Escadrille de chasse du groupe Alsace

Décret du 21 juin 1941

2 ème Régiment d'infanterie coloniale

Décret du 12 juin 1945

2 ème Régiment de chasseurs parachutistes de l'Armée de l'Air

Décret du 8 novembre 1945

501 ème Régiment de chars de combat

Décret du 7 août 1945

Bataillon de marche n° 2

Décret du 9 septembre 1942

Corvette Aconit

Décret du 19 avril 1943

Groupe de bombardement Lorraine

Décret du 28 mai 1945

Groupe de chasse Alsace

Décret du 28 mai 1945

Groupe de chasse Ile-de-France

Décret du 28 mai 1945

Groupe de chasse Normandie-Niémen

Décret du 11 octobre 1943

Régiment de marche du Tchad

Décret du 12 juin 1945

Sous-marins Rubis

Décret du 14 octobre 1941

ANNEXE N° 2

-
TEXTES FONDANT ET RÉGISSANT

L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

ORDONNANCE N° 7
créant l'Ordre de la Libération


Au nom du Peuple et de l'Empire Français,
Nous, Général de Gaulle,
Chef des Français libres,

Vu notre ordonnance n° 1 du 27 octobre 1940, organisant les pouvoirs publics durant la guerre et instituant un Conseil de défense de l'Empire,

Vu notre ordonnance n° 5 du 12 novembre 1940, précisant les conditions dans lesquelles seront prises les décisions du Chef des Français libres :

ORDONNONS :

ARTICLE PREMIER - Il est créé un Ordre dit " ORDRE DE LA LIBERATION " dont les membres porteront le titre de " COMPAGNONS DE LA LIBERATION ".

Cet ordre est destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l'oeuvre de la libération de la France et de son Empire.

ART. 2 - L'insigne unique de cet Ordre est la Croix de la Libération.

ART. 3 - L'admission dans l'Ordre de la Libération est prononcée par le Chef des Français Libres.

ART. 4 - Les modalités d'application de la présente ordonnance seront réglées par décret.

ART. 5 - La présente ordonnance sera promulguée au Journal Officiel de la France Libre provisoirement, au Journal de l'Afrique Equatoriale Française.

Fait à Brazzaville, le 16 novembre 1940

C. de GAULLE

(J.O. du 20 janvier 1941)

DECRET
réglant l'organisation de l'Ordre de la Libération


Le Général de Gaulle
Chef des Français Libres,

DÉCRÈTE :

ARTICLE PREMIER - En exécution de l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940 instituant un Ordre de la Libération, il est créé un Conseil de l'Ordre de la Libération.

Ce Conseil, qui sera présidé par le Chef des Français Libres, sera composé de cinq membres, dont l'un remplira les fonctions de Chancelier.

Sont nommés Compagnons de la Libération et Membres du Conseil :

- Le Capitaine de Vaisseau Thierry d'Argenlieu,

- Le Gouverneur Général Eboué,

- Le Lieutenant d'Ollonde,

- L'Officier radiotélégraphiste de la Marine Marchande Popieul,

- L'Adjudant aviateur Bouquillard ;

Le Capitaine de Vaisseau Thierry d'Argenlieu est nommé Chancelier.

ART. 2 - Le Conseil de l'Ordre de la Libération se réunira une fois tous les trois mois, si les opérations militaires le permettent et, extraordinairement sur la convocation du Chef des Français Libres.

Le registre de ses délibérations sera tenu par un Secrétaire qui sera dépositaire du sceau de l'Ordre.

Le Conseil délibérera et émettra un avis sur toutes les propositions qui seront soumises au Chef des Français Libres : celui-ci pourra également consulter séparément un ou plusieurs membres du Conseil qui donneront leur réponse par écrit.

ART. 3 - L'insigne de l'Ordre de la Libération consistera dans un écu, portant un glaive surchargé d'une Croix de Lorraine avec, au revers, cet exergue :

" PATRIAM SERVANDO VICTORIAM TULIT "

Le ruban de moire verte et noire, symbolisera le deuil et l'espérance de la Patrie.

ART. 4 - La Croix de la Libération sera décernée, par voie de Décret, par le Chef des Français Libres, après avis du Conseil de l'Ordre, soit de son propre mouvement, soit sur les propositions qui auront été faites par les Hauts-Commissaires, les Gouverneurs Généraux et Gouverneurs de Colonies, par les représentants du Chef des Français Libres à l'étranger, par les membres du Conseil de l'Empire ou par toutes autres personnes auxquelles elles auront été demandées.

ART. 5 - La Croix de la Libération sera solennellement remise à son titulaire par le Chef des Français Libres ou, en son nom, par toute personne par lui commise à cet effet.

Les étrangers qui auront rendu à la cause de la France Libre des services signalés pourront recevoir la Croix de la Libération et seront considérés comme membres de l'Ordre de la Libération.

ART. 6 - La discipline de l'Ordre de la Libération sera maintenue par le Conseil : celui-ci pourra émettre des blâmes ou proposer l'exclusion qui sera prononcée par le Chef des Français Libres.

L'exclusion pourra être prononcée pour tout acte contraire à l'honneur commis par les titulaires de la Croix de la Libération, sans préjudice des sanctions disciplinaires ou pénales encourues, que l'acte incriminé ait été commis après l'attribution de la Croix de la Libération ou qu'il ait été commis antérieurement mais découvert ou porté à la connaissance du Conseil après cette attribution.

ART. 7 - Des arrêtés régleront les modalités d'application du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la France Libre .

Fait à Londres, le 29 janvier 1941

C. DE GAULLE

(J.O. du 25 février 1941)

ARRÊTÉ
relatif à la remise et au port de la Croix de la Libération


Le Général de Gaulle
Chef des Français Libres,

Vu l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940, créant l'Ordre de la Libération.

Vu le décret du 29 janvier 1941 réglant l'organisation de l'Ordre de la Libération,

ARRÊTE :

ARTICLE PREMIER - La Croix de la Libération décernée par le Chef des Français Libres, pourra être remise, en son nom, par un membre du Conseil de l'Ordre de la Libération ou par tout Compagnon de la Libération, notamment par un membre du Conseil de Défense de l'Empire, les membres du Conseil de Défense de l'Empire sont, de droit, Compagnons de la Libération.

ART. 2 - La remise sera faite solennellement au cours d'une prise d'armes.

Les troupes présenteront les armes.

L'ordre d'ouvrir le ban ayant été donné, le membre de l'Ordre chargé de la remise, interpellera le récipiendaire par son grade et son nom et lui remettra l'insigne en lui adressant les paroles suivantes :

" Nous vous reconnaissons comme notre Compagnon pour la Libération de la France dans l'Honneur et par la Victoire ".

ART. 3 - La Croix de la Libération est portée sur le côté gauche de la poitrine, immédiatement après la Légion d'Honneur, avant la Médaille Militaire, la Croix de Guerre 1914-1918 et la Croix de Guerre 1939.

ART. 4 - Le présent arrêté sera publié au Journal Officiel de la France Libre.

Fait à Beyrouth, le 1 er août 1941

C. DE GAULLE

(J.O. du 23 septembre 1941)

DÉCRET N° 140
relatif à l'attribution de la Croix de la Libération


Le Général de Gaulle
Chef des Français Libres,
Président du Comité National

Vu l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération,

DÉCRÈTE :

ARTICLE PREMIER - Par dérogation à l'article 4 du décret du 29 janvier 1941 réglant l'organisation de l'Ordre de la Libération, l'avis préalable du Conseil de l'Ordre de la Libération ne sera pas nécessaire avant l'attribution de la Croix de la Libération par le Chef des Français Libres sur le champ de bataille, en cas d'urgence exceptionnelle.

ART. 2 - Le Commissaire National de la Guerre, le Commissaire National à la Marine Marchande et le Commissaire National à l'Air sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la France Libre .

Fait à Londres, le 3 février 1942

C. DE GAULLE

Par le Chef des Français Libres,

Président du Comité National

Le Commissaire National à la Guerre et à la Marine

P.L. LEGENTILHOMME

Le Commissaire National à la Marine Marchande

R. PLEVEN

Le Commissaire National à l'Air

M. VALIN

(J.O. du 16 février 1942)

DÉCRET N° 765
relatif à l'organisation de l'Ordre de la Libération


Le Général de Gaulle
Chef de la France Combattante
Président du Comité National

Vu l'ordonnance n° 7 du 10 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération.

Vu le décret du 29 janvier 1941 réglant l'organisation de l'Ordre de la Libération.

Vu le décret n° 140 du 3 février 1942 relatif à l'attribution de la Croix de la Libération.

DÉCRÈTE :

ARTICLE PREMIER - Le Conseil de l'Ordre de la libération créé par l'article premier du 29 janvier 1941 susvisé peut se compléter sur l'initiative du Chancelier ou de son suppléant, en faisant appel toutes les fois qu'il est nécessaire à tout Compagnon de la Libération présent au lieu des réunions du Conseil.

Art. 2 - Le Commissaire National à la Justice est chargé de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la France Combattante.

Fait à Londres, le 17 février 1943

C. DE GAULLE

Par le Chef de la France Combattante,

Président du Comité National,

Le Commissaire National à la Justice :

R. CASSIN

(J.O. du 18 mars 1943)

ORDONNANCE DU 7 JANVIER 1944
relative à l'attribution de la Croix de la Libération

Le Comité Français de la Libération Nationale,

Vu l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité Français de la Libération Nationale ;

Vu l'ordonnance n° 7 du Comité National Français du 16 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération ;

Vu le décret du 29 janvier 1941 réglant l'Organisation de l'Ordre de la Libération ;

Vu le décret n° 140 du Comité National Français du 3 février 1942 relatif à l'attribution de la Croix de la Libération ;

Vu le décret n° 765 du Comité National Français du 17 février 1943 relatif à l'Organisation de l'Ordre de la Libération ;

Vu l'arrêté du 1 er août 1941, relatif à la remise et au port de la Croix de la Libération,

ORDONNE :

ARTICLE PREMIER - L'Ordre de la Libération, créé par l'ordonnance n° 7 du Comité National Français du 16 novembre 1940, est destiné à récompenser les personnes ou collectivités militaires et civiles qui se seront signalées d'une manière exceptionnelle dans l'oeuvre de la Libération de la France et de son Empire.

Ses membres portent le titre de " COMPAGNONS DE LA LIBERATION ".

ART. 2 - L'insigne de cet Ordre est la Croix de la Libération consistant dans un écu portant un glaive surchargé d'une Croix de Lorraine avec, au revers, l'exergue : " Patriam Servando Victoriam Tulit " . Le ruban est de couleur verte et noire.

ART. 3 - L'admission dans l'Ordre de la Libération est prononcée par décret sur proposition de l'un des Commissaires et après avis -sauf cas d'urgence- du Conseil de l'Ordre de la Libération, qui délibère et émet son avis sur les propositions qui lui sont obligatoirement soumises par les membres du Comité Français de la Libération Nationale.

ART. 4 - La discipline de l'Ordre de la Libération est maintenue par le Conseil de l'ordre qui peut émettre des blâmes ou proposer l'exclusion pour tout acte contraire à l'honneur, que l'acte incriminé ait été commis avant ou après l'attribution de la Croix de la Libération. L'exclusion est prononcée par décret.

ART. 5 - Les membres du Conseil de l'Ordre de la Libération dont l'un remplit les fonctions de Chancelier, sont nommés par décret. Le Conseil peut se compléter sur l'initiative du Chancelier ou de son suppléant en faisant appel toutes les fois qu'il est nécessaire, à tout Compagnon de la Libération présent au lieu des réunions.

Le registre des délibérations du Conseil est tenu par un secrétaire qui est dépositaire du sceau de l'Ordre.

ART. 6 - La Croix de la Libération est remise solennellement au cours d'une prise d'armes par le Président du Comité Français de la Libération Nationale ou en son nom, par un membre du Conseil de l'Ordre ou par tout Compagnon de la Libération désigné qui interpelle le récipiendaire par son grade et lui remet l'insigne en lui adressant les paroles suivantes :

" Nous vous reconnaissons comme notre Compagnon pour la Libération de la France dans l'honneur et par la victoire ".

La Croix de la Libération est portée sur le côté gauche de la poitrine, immédiatement après la Légion d'honneur, avant la Médaille Militaire, la Croix de Guerre 1914-1918 et la Croix de Guerre 1939.

ART. 7 - La présente ordonnance sera publiée au Journal Officiel de la République Française et exécutée comme loi.

Alger, le 7 janvier 1944

C. DE GAULLE

Par le Comité Français de la Libération Nationale :

Le Commissaire d'Etat aux Affaires Musulmanes :

G. CATROUX

Le Commissaire aux Colonies :

R. PLEVEN

Le Commissaire à la Marine :

Louis JACQUINOT

Le Commissaire à la Justice :

François de MENTHON

Le Commissaire aux Affaires Etrangères :

R. MASSIGLI

Le Commissaire à l'Information

H. BONNET

Le Commissaire au Ravitaillement et à la Production :

André DIETHELM

Le Commissaire aux Finances :

P. MENDES-FRANCE

Le Commissaire aux Communications

et à la Marine Marchande :


René MAYER

Le Commissaire à l'Education Nationale :

René CAPITANT

Le Commissaire aux Affaires Sociales :

A. TIXIER

Le Commissaire à l'Air et à la Guerre :

André LE TROQUER

( J.O. du 22 janvier 1944)

ORDONNANCE DU 26 AOÛT 1944
Relative aux secours attribués
aux Compagnons de la Libération et à leurs familles

Le Gouvernement provisoire de la République Française, sur le rapport du Commissaire à la Justice et du Commissaire aux Finances,

Vu l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité Français de la Libération Nationale, ensemble l'ordonnance du 3 juin 1944 ;

Vu l'ordonnance du 16 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération ;

Vu l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la Croix de la Libération ;

Vu le décret du 18 août 1944 relatif à l'exercice de la Présidence du Gouvernement provisoire de la République Française pendant l'absence du Général de Gaulle,

Le Comité Juridique entendu

ORDONNE :

ARTICLE PREMIER - Le Conseil de l'Ordre de la Libération a qualité pour attribuer aux Compagnons de la Libération, ainsi qu'à leurs veuves, orphelins ou ascendants, les secours exceptionnels qui pourraient leur être nécessaires.

ART. 2 - Les dépenses entraînées par l'attribution de ces secours sont couvertes par des crédits inscrits à un chapitre spécial du budget du Commissariat à la Justice.

ART. 3 - Le Chancelier de l'Ordre de la Libération ou, par délégation de celui-ci, le secrétaire, sont ordonnateurs des crédits inscrits au budget du Commissariat à la Justice, en application de la présente ordonnance.

Le Chancelier de l'Ordre de la Libération rend compte globalement chaque année, au Gouvernement Provisoire de la République Française, sous le couvert du Commissaire à la justice, des secours attribués par le Conseil de l'Ordre de la Libération.

ART. 4 - La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République française et exécutée comme loi.

Alger, le 26 août 1944

Henri QUEUILLE

Par le Gouvernement Provisoire de la République Française :

Le Commissaire à la Justice :

François de MENTHON

ORDONNANCE N° 45-1779 DU 10 AOUT 1945
portant organisation de l'Ordre de la Libération


EXPOSE DES MOTIFS

Jusqu'à présent les frais de fonctionnement de la chancellerie de l'Ordre de la Libération étaient couverts par des crédits extrêmement réduits inscrits à divers chapitres du budget du ministère de la Justice.

Cette situation ne permet pas à l'Ordre de la Libération de faire face à ses diverses tâches.

En effet, sans même parler de son activité première et fondamentale, le Conseil de l'Ordre a été chargé par le président du Gouvernement provisoire d'assumer les charges d'un véritable service social au bénéfice des Compagnons de la Libération et de tous les membres et anciens membres des Forces Françaises Libres.

C'est ainsi qu'il lui appartiendra, sans préjudice de l'action confiée aux établissements nationaux d'assurer l'aide matérielle et morale aux blessés, mutilés et malades, le placement des démobilisés, l'éducation des orphelins.

Il est donc apparu nécessaire de donner à l'Ordre de la Libération un statut lui permettant de remplir sa mission et d'atteindre son but, statut inspiré par celui de la Légion d'Honneur.

En vertu de la présente ordonnance, l'Ordre de la Libération sera doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Son budget dont le chancelier est institué l'ordonnateur principal sera un budget annexe à celui du ministère de la Justice.

Le Gouvernement provisoire de la République française,

Sur le rapport du ministre de l'Economie nationale et des Finances et du ministre de la Justice,

Vu l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la Libération nationale, ensemble les ordonnances des 3 juin et 4 septembre 1944 ;

Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;

Vu l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la Croix de la Libération ;

Vu l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la médaille de la Résistance française,

Le Comité juridique entendu,

ORDONNE :

ARTICLE PREMIER - L'administration de l'Ordre de la Libération est assurée par le chancelier assisté du secrétaire de l'Ordre, du secrétaire de la commission visé à l'article 5 de l'ordonnance du 7 janvier 1944 et des bureaux de la chancellerie.

L'Ordre de la Libération assume le service des médailles de la Résistance.

ART. 2 - L'effectif, les traitements et le statut des personnels de la chancellerie seront fixés par décret.

ART. 3 - Il est institué à compter d'une date qui sera formulée ultérieurement un budget annexe de l'Ordre de la Libération, rattaché pour ordre au budget de la Justice.

ART. 4 - L'Ordre de la Libération est doté de la personnalité morale et a, notamment, capacité pour recevoir tous dons et legs.

Les sommes reçues à ce titre seront rattachées au budget annexe suivant la procédure prévue en matière de fonds de concours ou suivant celle applicable aux arrérages des dons et legs ; selon les intentions des donateurs ou testateurs.

ART. 5 - La présente ordonnance sera publiée au Journal Officiel à la République française et exécutée comme loi.

Fait à Paris, le 10 août 1945

C. DE GAULLE

Par le Gouvernement provisoire de la République Française:

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Pierre-Henri TEITGEN

Le ministre de l'Economie nationale et des Finances

R. PLEVEN

(J.O. du 11 août 1945)

DÉCRET
mettant fin à l'attribution de la Croix de la Libération

Le Président du Gouvernement provisoire de la République sur le rapport du Garde des Sceaux, ministre de la Justice

Vu la loi du 2 novembre 1945 portant organisation provisoire des pouvoirs publics

Vu l'ordonnance n° 7 du 10 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération.

Vu l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la voix de la Libération.

DÉCRÈTE :

ARTICLE PREMIER - Il ne sera plus procédé à l'attribution de la Croix de la Libération à dater du 23 janvier 1946.

ART. 2 - Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice est chargé de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la République française.

Fait à Paris, le 23 janvier 1946

C. DE GAULLE

Par le Président du Gouvernement provisoire de la République :

Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice :

Pierre-Henri TEITGEN

ANNEXE N° 3
-
LES VILLES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

Source : Chancellerie de l'Ordre de la Libération

ANNEXE N° 3.1
-
CITATION DES VILLES COMPAGNONS

DE LA LIBÉRATION

DÉCRET N° 41

PORTANT ATTRIBUTION DE LA CROIX DE LA LIBÉRATION


Le Général de Gaulle,

Chef des Français Libres,

Président du Comité national,

VU l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940, créant l'Ordre de la Libération,

DÉCRÈTE :

ARTICLE Ier - La Croix de la Libération est décernée à la :

Ville de NANTES ,

" Ville héroïque qui, depuis le crime de la capitulation a opposé une résistance acharnée à toute forme de collaboration avec l'ennemi.

" Occupée par les troupes allemandes et soumise aux plus dures mesures d'oppression, a donné aux Français, par de nombreuses actions individuelles et collectives, un magnifique exemple de courage et de fidélité.

" Par le sang de ses enfants martyrs, vient d'attester devant le monde entier la volonté française de libération nationale. "

ARTICLE II - Le présent décret sera publié au Journal Officiel de la France libre.

Fait à Londres, le 11 novembre 1941

Signé : C. DE GAULLE

Par le Chef des Français Libres,

Président du Comité National,

Le Commissaire National à l'Intérieur,

au Travail et à l'Information

signé : A. DIETHELM.

DÉCRET DU 4 MAI 1944 PORTANT ATTRIBUTION
DE LA CROIX DE LA LIBÉRATION


(J.O. du 22.06.44)

--=oOo=--

Le Comité français de la Libération nationale,

Sur le rapport du commissaire à l'intérieur,

VU l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération ;

VU l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la Croix de la Libération ;

VU l'avis favorable du Conseil de l'Ordre de la Libération du 2 mai 1944.

DÉCRÈTE :

ARTICLE PREMIER - La Croix de la Libération est décernée à la :

Ville de GRENOBLE

pour le motif suivant :

" Ville héroïque à la pointe de la résistance français et du combat pour la Libération.

" Dressée dans sa fierté, livre à l'Allemand, malgré ses deuils et ses souffrances, malgré l'arrestation et le massacre des meilleurs de ses fils, une lutte acharnée de tous les instants.

" Bravant les interdictions formulées par l'envahisseur et ses complices, a manifesté le 11 novembre 1943, sa certitude de la victoire et sa volonté d'y prendre part.

" Les 13, 14 et 16 novembre 1943, a répondu aux représailles et à l'exécution des chefs des mouvements de la Résistance par la destruction de la poudrière, de casernes, de transformateurs et d'usines utilisées par l'ennemi.

" A bien mérité de la Patrie. "

ARTICLE 2 - Le commissaire à l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la République française.

ALGER, le 4 mai 1944,

DE GAULLE

Par le Comité français de la Libération nationale :

Le Commissaire à l'intérieur,

Emmanuel d'Astier.

DÉCRET PORTANT ATTRIBUTION
DE LA CROIX DE LA LIBÉRATION


LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

VU l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940, créant l'Ordre de la Libération,

VU l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la Croix de la Libération ;

VU l'avis du Conseil de l'Ordre de la Libération du 18 mars 1945;

DÉCRÈTE :

ARTICLE PREMIER - La Croix de la Libération est décernée à la :

Ville de PARIS

pour le motif suivant :

" Capitale fidèle à elle-même et à la France, a manifesté, sous l'occupation et l'oppression ennemies, et en dépit des voix d'abandon et de trahison, sa résolution inébranlable de combattre et de vaincre.

" Par son courage en présence de l'envahisseur et par l'énergie indomptable avec laquelle elle supporta les plus cruelles épreuves, a mérité de rester l'exemple pour la Nation tout entière.

" Le 19 août 1944, conjuguant ses efforts avec ceux des armées alliées et françaises, s'est dressée pour chasser l'ennemi par une série de glorieux combats commencés au coeur de la Cité et rapidement étendus en tous les points de la ville. Malgré de lourdes pertes subies par les Forces Françaises de l'Intérieur levées dans son sein, s'est libérée par son propre effort, puis, unie à l'avant-garde de l'Armée française venue à son secours a, le 25 août, réduit l'Allemand dans ses derniers retranchements et l'a fait capituler. "

PARIS, le 24 mars 1945

C. DE GAULLE.

Par le Gouvernement provisoire de la

République française,

Le Ministre de l'Intérieur :

A. TIXIER

DÉCRET DU 4 AOÛT 1945 PORTANT

ATTRIBUTION DE LA CROIX DE LA LIBÉRATION 8( * )

Le Gouvernement provisoire de la République française,

Sur la proposition du ministre de l'intérieur,

VU l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940 créant l'Ordre de la Libération ;

VU l'ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l'attribution de la Croix de la Libération ;

VU l'avis du Conseil de l'Ordre de la Libération du 31 juillet 1945,

DÉCRÈTE

ARTICLE PREMIER - La Croix de la Libération est décernée au village de VASSIEUX-EN-VERCORS (Drôme).

ARTICLE 2 - Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal Officiel de la République française.

Fait à Paris, le 4 août 1945

C. DE GAULLE

Par le Gouvernement provisoire de la

République Française ;

Le ministre de l'intérieur

A. TIXIER

DÉCRET PORTANT ATTRIBUTION
DE LA CROIX DE LA LIBÉRATION 9( * )


LE PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

Sur la proposition du Ministre des Armées,

VU l'ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940, créant l'Ordre de la Libération,

VU l'ordonnance du 7 janvier 1944, relative à l'attribution de la Croix de la Libération,

DÉCRÈTE :

ARTICLE Ier - La Croix de la Libération est décernée à:

L'île de SEIN ,

ARTICLE II - Le ministre des Armées est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 1 er janvier 1946

C. DE GAULLE

Par le Président du Gouvernement Provisoire

de la République française

Ministre des Armées :

M. MICHELET

ANNEXE N° 3.2
-
PACTE D'AMITIÉ ENTRE LES VILLES

COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

PACTE D'AMITIÉ ENTRE LES VILLES
COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

Sous l'égide du Général d'Armée Jean Simon, Chancelier, a été ratifié le 3 décembre 1981, un pacte destiné à assurer la pérennité de l'Ordre.

Le Général Simon terminait son allocution :

" Villes Compagnons de la Libération, représentées en la personne de vos Maires,

" En renouvelant aujourd'hui votre fidélité,

" En resserrant vos liens fraternels,

" En marquant d'un acte votre volonté de conserver la mémoire,

" Vous maintenez présent l'idéal commun dans la continuité de l'Histoire.

" Vous êtes dans l'honneur, dans la pérennité, garantes de l'exigence la plus noble, celle de penser juste et d'agir dans le malheur.

" Vous êtes, Grenoble, Nantes, Paris, Ile de Sein, Vassieux-en-Vercors, notre Espérance. "

Les cinq maires ont décidé, à l'initiative de Jacques Chirac, de veiller à ce que le Musée de l'Ordre de la Libération ait les moyens nécessaires pour subsister. Ils ont décidé, également, de créer une association à but non lucratif, présidée par les cinq maires à tour de rôle, qui veillerait, sur le plan national, au respect de l'Ordre et organiserait des manifestations pour préserver sa mémoire. Chacun des maires, au nom de sa commune, a fait la déclaration suivante :

Alain Chenard

Député-maire de Nantes,

" Dans sa séance du 27 février 1981, le Conseil municipal de Nantes a adopté la délibération suivante :

" Soucieux d'assumer la responsabilité historique de la signification de la qualité de Compagnon de la Libération de sa ville, le Conseil Municipal propose aux conseils municipaux des quatre autres communes de France, Compagnons de la Libération, à savoir : Grenoble, Ile de Sein, Paris, Vassieux-en-Vercors :

" 1° D'établir entre elles un lien fraternel destiné au maintien en commun, dans l'avenir, de la signification du titre de Compagnon de la Libération et la perpétuation du souvenir des événements tragiques et glorieux qui ont justifié l'attribution de ce titre ;

" 2° De demander à M. le Chancelier de l'Ordre de la Libération de vouloir bien organiser une réunion de maires, ou de leurs représentants, des communes en cause, pour la mise au point d'une formule de réalisation de ce lien fraternel, avec quelque solennité.

" Il faut souligner que cette délibération a été votée à l'unanimité.

" La signature du pacte d'amitié, le 3 décembre, répond au voeu exprimé par cette délibération. Ce pacte doit être complété par une structuration de nature à permettre, après la disparition des personnes physiques Compagnons de la Libération, la continuité des tâches assurées jusqu'à cette échéance par la Chancellerie de l'Ordre.

" Les unités militaires, de terre et de mer, non encore contactées, devront être associées à nos cinq communes, dans les limites des possibilités légales.

" Dès à présent, nos cinq communes pourront se concerter pour la réalisation de nos projets.

" La ville de Nantes se propose d'organiser dans son Musée d'arts et de traditions populaires une salle de la Résistance et de la Libération. "

Hubert Dubedout

Député de l'Isère,

Maire de Grenoble,

" C'est, on s'en doute, avec un immense espoir qu'au nom de la ville de Grenoble j'ai signé le pacte d'amitié qui, désormais, lie entre elles les cinq villes titulaires de la Croix de la Libération.

" Cet espoir, c'est que les années, parfois difficiles, qui nous séparent des combats pour la libération de la France ne puissent jamais jeter un voile d'oubli sur cette période de notre histoire nationale.

" Cet espoir, c'est que tous ceux qui, ici comme à Paris, à Nantes, à l'île de Sein, à Vassieux-en-Vercors, et ailleurs, ont enduré pendant des années, des destructions, des privations, des angoisses et des mutilations n'aient jamais à constater l'indifférence des uns ou l'ignorance des autres.

" Cet espoir, enfin, c'est que ces pages écrites avec le sang, les larmes, les deuils, les actes d'héroïsme et les sacrifices librement consentis débouchent le plus vite possible sur un désarmement global et simultané. C'est là une nécessité vitale après laquelle il restera encore un geste à faire en faveur de la paix : le désarmement dans les esprits, le désarmement dans les âmes, c'est-à-dire la compréhension et l'union.

" Je souhaite de tout coeur qu'au-delà de la transmission de notre mémoire collective la signature de notre pacte d'amitié préfigure la réalisation de cette Paix. "

Jacques Chirac

Marie de Paris,

" La signature d'un pacte d'amitié entre les villes Compagnons de la Libération m'apparaît à la fois comme un acte nécessaire et comme un témoignage de fidélité.

" C'est un acte nécessaire qui doit permettre, dans l'avenir, d'assurer la pérennité de la mission confiée par le Général de Gaulle à l'Ordre de la Libération, dont l'esprit doit être pour les générations futures une expression privilégiée de la volonté nationale de résistance et d'indépendance. Le jour où le dernier des Compagnons nous aura quittés, les cinq villes qui partagent aussi l'honneur d'une telle dignité auront à prendre la relève de cette moderne chevalerie et à manifester par leur action une inébranlable volonté de promouvoir le geste de liberté qui est la source même de leur engagement commun.

" Mais il s'agit également, dès aujourd'hui, d'un témoignage de fidélité auquel Paris se trouve, par son histoire, personnellement lié. La capitale sait bien quel fut le prix payé pour la reconquête de notre liberté. Le Paris insurgé de l'été 1944, qui se dresse contre l'occupant et proclame, par le sang de ses habitants, que le désespoir n'a pas de place au pays de France, doit être prêt, quarante ans plus tard, à la même alliance du peuple et de la liberté qui est le rempart le plus sûr contre toutes les entreprises d'oppression. Siège du Musée de l'Ordre de la Libération, Paris aura à coeur de favoriser le développement de son rôle et d'aider à organiser toutes les manifestations et cérémonies susceptibles d'en développer encore le rayonnement. C'est avec la foi et l'espérance qui animent les grandes heures de son histoire que Paris est heureux de s'associer pleinement à cette initiative nouvelle et à établir avec les quatre autres cités Compagnons une concertation étroite et régulière qui permette à l'Ordre de poursuivre et de renforcer son rôle indispensable au service de la Nation tout entière. "

Jacques Roux

Maire de Vassieux-en-Vercors

" Vassieux-en-Vercors : humble cité au coeur du massif du Vercors.

" Sur ses terres âpres et difficiles, une centaine de soldats de la Résistance donnèrent leur vie au cours de combats de juillet 1944 imposés par un ennemi implacable mais déjà fléchissant. 73 habitants de la commune tombèrent à leurs côtés, innocentes victimes abattues sur le sol ancestral.

" Héros et martyrs ont écrit de leur sang une des pages les plus nobles de notre Histoire, et leurs sacrifices communs ont fait de ce village un des hauts lieux de France, Compagnon de l'Ordre de la Libération.

" Il aura, dès la disparition du dernier être humain auréolé de ce titre, la lourde tâche d'assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération aidé en cela par Paris, Nantes, Grenoble et l'Ile de Sein, autres dignitaires de cette chevalerie des temps modernes auxquels il s'est lié par un pacte d'amitié.

" Mission agréable dans un premier temps qui permettra aux cinq communes de tisser entre elles des liens fraternels.

" Mission difficile dans un avenir plus lointain où les témoins de ces heures sombres et glorieuses auront disparu eux aussi, où les sacrifices consentis se seront estompés dans les brumes du temps pour entrer dans la légende.

" Alors, il conviendra de rappeler les circonstances de leurs combats, la diversité de leurs champs de bataille, dire et redire que chaque cérémonie demeure un pèlerinage du souvenir, montrer les cicatrices restées vives dans la chair de notre terroir et conserver pieusement les derniers vestiges de leurs dernières luttes.

" Ainsi demeurera la flamme de l'honneur et de la liberté transmise de génération en génération... Flambeau éternel souvent ravivé qui rappellera inlassablement à notre jeunesse -dès ses plus tendres années- que des gars de vingt ans, aux heures les plus sombres de notre Histoire, ont montré le sens de l'honneur et de l'abnégation dans la lutte qu'ils menaient pour la liberté et l'indépendance de notre Patrie.

" A nous donc de faire luire de son plus vif éclat cette flamme vivace ; elle est l'âme de la France éternelle. "

Alain Le Roy

Maire de l'Ile de Sein,

" Les Sénans sont heureux et fiers de se voir confier pour tâche une charge aussi importante que la conservation de la Mémoire de l'Ordre.

" Je me permets de reprendre la citation à l'Ordre de la Libération de l'Ile de Sein :

" Devant l'invasion ennemie s'est refusée à abandonner le champ de bataille qui était le sien : la mer. "

" Cette mer qui est notre ennemie mais aussi notre vie, notre nourricière, mais nous isole, et cet isolement de l'insularité nous oblige à la solidarité, solidarité qui nous permet de résister à un monde en perpétuel agression et sans cette solidarité nous ne pourrions survivre.

" Il est très important que par solidarité les communes Compagnons de la Libération se lient en un pacte d'amitié pour assurer la pérennité et les traditions de l'Ordre.

" Il est important que se perpétue l'idéal de l'Ordre de la Libération à travers les communes rassemblées dans la liberté et de transmettre intact le patrimoine de l'Ordre.

" L'Ile de Sein, quant à elle, prend la ferme résolution de continuer la tradition, la fidélité, le service de la Patrie, tel que les Compagnons en avaient l'idéal. "

ANNEXE 4

-
TEXTES DU GÉNÉRAL DE GAULLE ET

D'ANDRÉ MALRAUX

SUR LES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION

Source : Chancellerie de l'Ordre de la Libération

TEXTE D'INTRODUCTION AU

MÉMORIAL DES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION (1961)

" Soldats tombés dans les déserts, les montagnes ou les plaines ; marins noyés que bercent pour toujours les vagues de l'océan ; aviateurs précipités du ciel pour être brisés sur la terre ; combattants de la Résistance tués aux maquis et aux poteaux d'exécution ; vous tous qui, à votre dernier souffle, avez mêlé le nom de la France, c'est vous qui avez exalté les courages, sanctifié l'effort, cimenté les résolutions... Vous avez pris la tête de l'immense et magnifique cohorte des fils et des filles de la France qui ont, dans les épreuves, attesté sa grandeur. Votre pensée fut, naguère, la douceur de nos deuils. Votre exemple est, aujourd'hui, la raison de notre fierté. Votre gloire sera, pour jamais, la compagne de notre espérance . "

C. DE GAULLE

TEXTE D'ANDRÉ MALRAUX
L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

" Vous savez, dans cinquante ans, l'Ordre aura disparu, puisque nous serons tous morts. Les historiens seront soucieux de savoir ce qu'il signifie, non en théorie, mais dans la vie des Compagnons. Je ne parle pas ici pour moi, mais pour eux. Prenons le résumé de ce qu'ils m'ont dit :

" - Aux pires jours de la défaite, ils n'ont pas perdu Confiance en la France. Et dès qu'ils ont repris le combat ils ont entendu assumer la France, et non former une Légion Etrangère. Ce qui était fort important. Car c'est cette résolution d'assumer la France, qui a permis l'unité des Forces Françaises libres et de la Résistance de Leclerc et de Jean Moulin.

" - Ils étaient des volontaires, et se séparent ainsi de leurs grands prédécesseurs, les Anciens de Verdun, par exemple.

" - Ils ont été des Témoins. Nous ne tenons pas Bir-Hakeim pour Austerlitz. Mais Bir-Hakeim, comme le premier combat de Jeanne d'arc à Orléans, a été la preuve que la France n'était pas morte.

" - L'Ordre est un Cimetière.

" Les vraies décorations nous sont remises par la mort au passage... On dit, légitimement d'ailleurs : la Croix de la Libération. Regardez-là : ce n'est pas une croix, c'est une dalle funéraire. Il faut dire, répéter, proclamer, que l'Ordre de la Libération n'est pas formé d'hommes qui se sont séparés des autres par leur courage, mais bien d'hommes à qui leur courage a donné la chance de représenter tous ceux qui, le cas échéant, n'avaient pas été moins courageux qu'eux. Il n'est pas une hiérarchie dans la Libération, il est le symbole de la Libération. Nous parlons au nom de nos survivants -qui parlent au nom de leurs morts- qui parlent au nom de tous les morts.

" Vous savez que dans la crypte du mont Valérien, il y a un cercueil vide : il attend le dernier Compagnon de la Libération.

" Quand on le clouera, il n'y aura plus aucun des nôtres pour dire : " A Bir-Hakeim, nous avons enfoncé les lignes de Rommel par une soirée féérique... ", ni " Quand nous sommes entrés par la porte d'Orléans, personne ne croyait que les chars qui fonçaient dans Paris était des chars français, et nous sommes arrivés à la porte d'Orléans couverts de rouge à lèvres... "

" Dans le silence, le dernier Compagnon retrouvera le premier Compagnon.

" Le dernier cercueil du Mont Valérien ne sera pas non plus un cercueil solitaire. On ne le fermera pas seulement sur le dernier Compagnon : on le fermera aussi sur le dernier combattant de la Première Division Française Libre ou de la 2e Division Blindée, sur le dernier pêcheur breton qui amena des Français clandestins en Angleterre, sur le dernier cheminot qui paralysa provisoirement les V2, sur les derniers maquisards grâce à qui les panzers d'Aquitaine n'arrivèrent pas à temps en Normandie, sur la dernière couturière morte dans un camp d'extermination pour avoir pris chez elle un de nos postes émetteurs. Comme les gisants de la Chevalerie morte écoutaient crépiter le bûcher de Rouen, tous ceux qui se sont réfugiés dans l'âge de la France, écouteront le marteau sur les clous funèbres. Des archers d'Agnadel aux clochards d'Arcole, de la Garde Impériale jusqu'aux trois cent mille morts du Chemin-des-Dames, des cavaliers de Reims et de Patay aux francs-tireurs de 70, montera le silence séculaire de l'acharnement. Avec la phosphorescence des yeux des morts, ceux qu'on ne verra plus jamais veilleront notre dernier Compagnon -non pour son courage, mais parce que l'ouvrier qui clouera le cercueil, le clouera sur la confuse multitude de tous les morts qui auront tenté de soutenir à bout de bras les agonies successives de la France.

" Alors, la Croix de Lorraine de Colombey, l'avion écrasé de Leclerc, la grand'mère corse qui cachait tranquillement le revolver de Maillot dans la poche de son tablier, le dernier cheminot fusillé comme otage, la dernière dactylo morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres, confondront leur ombre avec celle de notre dernier Compagnon. Et avant que l'éternelle histoire se mêle à l'éternel oubli, l'ombre étroite qui s'allongera lentement sur la France, aura encore la forme d'une épée. "

Texte transcrit par Michelle Michel avec l'accord d'Albert Beuret (exécuteur testamentaire d'après l'interview accordée à Madame Anglade, émission télévisée du 17 juin 1971).


1 Mémoires de Guerre, Plon, 1954, p. 74.

2 Cf. annexe 2.

3 cf. liste en annexe 1.

4 cf. annexe 4.

5 Ordonnance du 26 août 1944 relative aux secours attribués aux Compagnons et à leurs familles et ordonnance n° 45-779 du 10 août 1945 portant organisation de l'Ordre de la Libération (cf. annexe 2).

6 Décision 15 L, " institut des hautes études d'outre-mer ", 18 juillet 1961.

7 Décision 27 L, " Radiodiffusion Télévision Française ", 17-19 mars 1964.

8 Le motif proposé pour la citation était le suivant :

" Village du VERCORS qui, grâce au patriotisme de ses habitants, s'est totalement sacrifié pour la cause de la Résistance française en 1944.

" Principal centre de parachutage pour l'aviation alliée sur le plateau, a toujours aidé de tous ses moyens les militaires du Maquis dans les opérations de ramassage des armes. Très violemment bombardé le 14 juillet, attaqué par 44 planeurs allemands les 21 et 22 juillet, a eu 72 de ses habitants massacrés et la totalité de ses maisons brûlées par un ennemi sans pitié. Martyr de sa foi en la résurrection de la Patrie. "

9 La Croix de la Libération a été décernée à l'Ile de Sein avec le motif suivant :

" Devant l'invasion ennemie, s'est refusée à abandonner le champ de bataille qui était le sien : la mer.

" A envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France libre devenant ainsi l'exemple et le symbole de la Bretagne tout entière. ".



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