Projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux
GIROD (Paul)
RAPPORT 95 (98-99) - COMMISSION DES LOIS
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
-
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU MODE D'ÉLECTION
DES CONSEILLERS GÉNÉRAUX
ET DES CONSEILLERS À L'ASSEMBLÉE DE CORSE-
Article 1er
(article L. 336 du code électoral)
Durée du mandat de conseiller régional -
Article 2
(article L. 337 du code électoral)
Effectif des conseils régionaux -
Article 3
(article L. 338 du code électoral)
Mode de scrutin pour l'élection des conseillers régionaux -
Article 4
(article L. 346 du code électoral)
Conditions de recevabilité des déclarations de candidature -
Article 5
(article L. 347 du code électoral)
Contenu de la déclaration de candidature -
Article additionnel après l'article 5
(article L. 348 du code électoral)
Candidatures multiples -
Article 6
(article L. 350 du code électoral)
Dépôt et enregistrement des déclarations de candidature -
Article 7
(article L. 351 du code électoral)
Contentieux de l'enregistrement des candidatures -
Article 8
(article L. 352 du code électoral)
Retrait et remplacement de candidats -
Article 9
(article L. 353 du code électoral)
Campagne électorale -
Article 10
(article L. 359 du code électoral)
Recensement des votes -
Article 11
(article L. 360 du code électoral)
Remplacement des conseillers régionaux -
Article 12
(article L. 361 du code électoral)
Contentieux des élections régionales -
Article 13
(article L. 363 du code électoral)
Conséquence de l'annulation des élections -
Article 14
(article L. 4432-3 du code général des collectivités territoriales)
Abrogation -
Article 15
(article L. 364 du code électoral)
Durée du mandat des conseillers à l'Assemblée de Corse -
Article 16
(article L. 366 du code électoral)
Mode de scrutin pour l'élection des conseillers
à l'Assemblée de Corse -
Article 16 bis
(article L. 370 du code électoral)
Parité sur les listes pour l'élection des conseillers
à l'Assemblée de Corse -
Article 17
(article L. 371 et L. 372 du code électoral)
Abrogations -
Article 18
(article L. 380 du code électoral)
Remplacement des conseillers à l'Assemblée de Corse
-
Article 1er
-
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPOSITION
DU COLLÈGE ÉLECTORAL ÉLISANT LES SÉNATEURS -
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AU FONCTIONNEMENT DES CONSEILS RÉGIONAUX-
Article 21
(article L. 4311-1 du code général des collectivités territoriales)
Modalités de vote du budget de la région -
Article 22
(article L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales)
Procédure d'adoption sans vote du budget de la région -
Article 22 bis
(article L. 4133-4 du code général des collectivités territoriales)
Déroulement des séances de la commission permanente -
Article 22 ter
(article L.4133-8 du code général des collectivités territoriales)
Obligation de constituer un bureau -
Article 22 quater
(article L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales)
Obligation pour le président d'accorder des délégations
-
Article 21
-
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
N° 95
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux,
Par M.
Paul GIROD,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale (11
ème législ.)
:
Première lecture :
975
,
993
et T.A.
168
.
Commission mixte paritaire :
1152
.
Nouvelle lecture :
1142
,
1177
et T.A.
200
.
Sénat
: Première lecture :
524
(1997-1998),
17
et T.A.
1
(1998-1999).
Commission mixte paritaire :
40
(1998-1999).
Nouvelle lecture :
81
(1998-1999).
Collectivités territoriales.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le 3 décembre 1998, sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la
commission des Lois a examiné, en nouvelle lecture, sur le rapport de
M. Paul Girod, le projet de loi relatif au mode d'élection des
conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de
Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
La commission des Lois a constaté que l'Assemblée nationale, tout
en reprenant, en nouvelle lecture, la plupart de ses dispositions de
première lecture, avait néanmoins aggravé certaines
d'entre elles relatives aux
seuils
retenus pour le mode de scrutin.
Elle a considéré que l'abaissement de 5 % à 3 %
du seuil d'admission à la répartition des sièges et de
10 % à 5 % du seuil d'accès au deuxième tour
susciterait l'émergence de listes catégorielles dont les
préoccupations seraient étrangères à
l'intérêt de la région, faciliterait la
représentation des extrêmes et institutionnaliserait les
triangulaires, voire les quadrangulaires, en contradiction avec l'objectif
initialement affiché d'établir des majorités stables.
Dans une matière aussi grave et compte tenu des réserves
exprimées sur ces seuils par le Gouvernement devant l'Assemblée
nationale lors du débat de nouvelle lecture, il lui est apparu
indispensable de donner la possibilité à l'Assemblée
nationale de corriger ces dispositions avant l'adoption définitive
éventuelle
.
Or, l'article 45 de la Constitution ne laisse le choix à
l'Assemblée nationale, si le Gouvernement lui demande de statuer
définitivement, que de reprendre "
le dernier texte
adopté par elle, modifié le cas échéant par un ou
plusieurs des amendements adoptés par le Sénat
".
Les propositions de la commission sont donc uniquement destinées
à focaliser le débat sur la question déterminante des
seuils pour permettre à l'Assemblée nationale de revenir sur les
dispositions approuvées par elle en nouvelle lecture.
La commission des Lois propose l'organisation du scrutin sur
deux tours
dans le cadre de
circonscriptions régionales
mais en instituant
des
sections départementales
.
Une
prime
majoritaire égale au
quart
des sièges
serait attribuée à la liste ayant obtenu sur l'ensemble de la
région la majorité absolue au premier tour ou la majorité
relative au deuxième tour.
Les sièges attribués au titre de la prime seraient
répartis à la représentation proportionnelle à la
plus forte moyenne entre les sections départementales de la liste
bénéficiaire en fonction des suffrages exprimés dans
chaque département.
Dans chaque département, les sièges restant après
l'attribution de la prime seraient répartis entre toutes les listes,
sauf celles n'ayant pas obtenu 5 % des suffrages exprimés, à la
représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
La représentation de chaque département dans les conseils
régionaux serait ainsi inchangée et garantie par la loi.
Seules les listes ayant recueilli 5 % des suffrages exprimés dans
la région au premier tour pourraient fusionner avec d'autres listes au
deuxième tour.
Le maintien d'une liste au deuxième tour serait réservé
aux listes ayant obtenu 10 % des suffrages exprimés dans la
région et 5 % des suffrages exprimés dans chaque
département de la région.
Comme lors de la première lecture et pour les mêmes motifs, la
commission propose, par ailleurs, au Sénat de ne pas accepter l'ensemble
des dispositions relatives au
fonctionnement des conseils
régionaux
, qui figurent dans le titre III du projet de
loi.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Gouvernement ayant déclaré l'urgence sur le projet de loi
relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des
conseillers de l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils
régionaux, le Sénat aborde donc, après l'échec de
la commission mixte paritaire, son examen pour une nouvelle lecture, qui
serait la dernière dans le cas où le Gouvernement demanderait
à l'Assemblée nationale de se prononcer définitivement.
Ce texte déterminant pour une collectivité territoriale -il
concerne à la fois le mode de scrutin et le fonctionnement des conseils
régionaux- aura ainsi été étudié par le
Parlement dans une précipitation qu'aucune raison objective ne rendait
nécessaire.
Le Sénat, représentant des collectivités territoriales aux
termes de la Constitution, avait, dès le départ,
été privé par la déclaration d'urgence de la
possibilité de voir examinées par l'Assemblée nationale
les propositions qu'il aurait pu formuler.
En dépit de cette situation, votre commission des Lois, tout en
dénonçant cet usage abusif de la procédure d'urgence,
avait estimé, dans un premier temps, utile de présenter des
amendements à ce projet de loi.
Le débat en séance publique ayant fait apparaître
clairement que le ministre se refuserait à prendre en
considération les propositions de votre commission des Lois, le
Sénat a finalement décidé, avec l'avis favorable de la
commission, d'adopter une question préalable.
Dans ces conditions, l'échec de la commission mixte paritaire
était prévisible.
Or, en nouvelle lecture, si l'Assemblée nationale a maintenu la plupart
de ses positions initiales, elle les a cependant modifiées sur des
points importants.
Ainsi, pour ce qui est du mode de scrutin, a-t-elle abaissé de 5 %
à 3 % des suffrages exprimés le seuil permettant à
une liste de participer à la répartition des sièges et
ramené de 10 % à 5 % des suffrages exprimés
celui permettant à une liste de se maintenir au deuxième tour.
Ces dispositions, en encourageant l'émiettement de la
représentation et surtout en institutionnalisant les triangulaires sont
manifestement destinées à répondre à des
préoccupations partisanes très éloignées de
l'objectif affiché initialement de dégager des majorités
stables dans les régions, susceptible d'être atteint par
l'institution d'une " prime majoritaire ".
Accessoirement, par une décision qui se veut symbolique, alors qu'elle
serait, si elle était adoptée, normative, l'Assemblée
nationale a, de plus, maintenu les dispositions anticipant sur l'adoption
éventuelle du projet de loi constitutionnelle relatif à
l'égalité entre les femmes et les hommes.
L'inconstitutionnalité de cette disposition est pourtant
établie.
I. LES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
A. LES PROPOSITIONS INITIALES DE LA COMMISSION DES LOIS
1. La réforme du mode de scrutin
Votre
commission des Lois n'avait pas contesté l'opportunité de
procéder à une révision du mode de scrutin pour les
élections régionales, afin de faciliter le dégagement de
majorités stables de gestion, susceptibles d'être atteintes par
l'instauration d'une " prime majoritaire ".
En revanche, elle avait mis en cause les solutions proposées ainsi que
la procédure suivie, tendant au vote précipité sur des
dispositions essentielles à la vie d'une collectivité
territoriale, et ce, en l'absence de toute contrainte objective.
Rien ne démontre ni qu'un
mandat de six ans
ait contribué
en quoi que ce soit au blocage du fonctionnement de certaines régions,
ni que le mandat de cinq ans proposé convienne mieux à la
démocratie locale.
S'agissant du
choix de la circonscription électorale
, le cadre de
la région, sans garantie d'une représentation équitable et
identifiée de tous les départements, ne parait pas de nature
à rapprocher l'élu de l'électeur. Il contribuerait
à une politisation accrue de l'élection, dont les enjeux locaux
seraient occultés et risquerait de provoquer une progression
préoccupante du taux d'abstention (42 % en 1998).
Alors que l'élection dans le cadre de la région, sans
règles garantissant la représentation de chaque
département, risquerait de conduire à une
sous-représentation des départements les moins peuplés, la
circonscription départementale, maintenue dans les propositions de la
commission des Lois, garantit de la manière la plus simple et la plus
équitable la représentation de chaque département.
En ce qui concerne le
mode de scrutin
proprement dit, votre commission
des Lois avait accepté le maintien du scrutin de liste proportionnel,
avec l'introduction d'une " prime majoritaire " qu'elle proposait de
porter au tiers des sièges (50 % pour les élections
municipales) et accepté l'organisation du scrutin sur deux tours,
cherchant à assurer ainsi une quasi certitude de majorité stable.
Elle avait préconisé, comme l'Assemblée nationale en
première lecture, de fixer à
5 %
des suffrages
exprimés le
seuil
pour pouvoir participer à la
répartition des sièges
et à
10 %
le
minimum pour le
maintien d'une liste au deuxième tour.
Votre commission des Lois, revenant au texte initial du Gouvernement, avait
souhaité maintenir à
5 %
des suffrages
exprimés le
seuil
permettant à une liste de
fusionner
avec une autre liste au deuxième tour, que
l'Assemblée nationale avait abaissé à 3 %.
Il y avait d'évidence, là, trois points d'accord potentiels.
Cette potentialité a été ruinée par les
députés en nouvelle lecture malgré les réserves du
Gouvernement.
En revanche, elle n'avait pu que constater l'inconstitutionnalité
manifeste de la proposition d'assurer la parité entre les femmes et les
hommes dans les listes de candidats aux élections
régionales.
2. Le fonctionnement des conseils régionaux
A
l'occasion de la première lecture, votre commission des Lois vous avait
proposé de
supprimer
les dispositions relatives au fonctionnement
des conseils régionaux, qui figurent au
titre III
du projet
de loi.
En premier lieu, il lui avait semblé qu'il était
prématuré
de modifier la procédure d'adoption sans
vote du budget de la région (
article 22
). Instituée
très récemment par la loi du 7 mars 1998, cette
procédure -il est vrai fort complexe et peu conforme aux principes
régissant habituellement les collectivités locales- ne saurait
être modifiée dans l'urgence pour des motifs purement
circonstanciels
, découlant de péripéties qui n'ont
rien à voir avec les dispositions de la loi mais qui résultent
uniquement du comportement de deux présidents de conseil régional
qui ont méconnu le texte et son esprit.
La nouvelle
procédure de " vote bloqué "
(
article 21
)
parait, par ailleurs, difficilement
conciliable avec les principes régissant constitutionnellement les
collectivités territoriales. Ces dernières -faut-il le rappeler-
sont
administrées librement par des conseils élus.
Enfin, votre commission des Lois vous avait proposé de supprimer les
ajouts de l'Assemblée nationale (
articles 22
bis
à
22
quater
) qui, soit conduisaient à une
plus grande
rigidité
dans le fonctionnement des conseils régionaux en
imposant que les séances des commissions permanentes soient publiques,
soit bouleversaient les règles de composition du bureau et le
régime des délégations de fonctions.
B. L'ADOPTION PAR LE SÉNAT D'UNE QUESTION PRÉALABLE
La
tonalité des débats en séance publique a, d'une part,
révélé le vrai motif de la déclaration d'urgence
et, d'autre part, démontré qu'il n'existait aucune volonté
de prise en compte des préoccupations du Sénat, comme le texte
adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale l'a ensuite
confirmé.
En effet, la déclaration d'urgence ne pouvait pas être
justifiée par la réforme du mode de scrutin, les prochaines
élections régionales étant prévues pour 2004.
La teneur des débats a démontré que la
déclaration d'urgence ne se justifie que par l'espoir, grâce
à la partie du projet de loi sur le fonctionnement des conseils
régionaux, de bloquer suffisamment un conseil régional pour
aboutir à sa dissolution par décret en Conseil des ministres et
se servir, en conséquence, du nouveau mode de scrutin pour
procéder à l'élection du nouveau conseil.
Encore faudrait-il, là aussi, s'interroger sur la situation que cela
générerait. Serait-il constitutionnel de voir les régions
fonctionner simultanément avec des conseils élus selon des modes
de scrutin différents ?
La déclaration d'urgence privait en tout état de cause
l'Assemblée nationale de la possibilité, dans une deuxième
lecture, de prendre connaissance des propositions qu'aurait pu formuler le
Sénat, représentant des collectivités territoriales, sur
un texte concernant le mode d'élection et le fonctionnement de l'une
d'entre elles.
Il est vrai que la teneur et la tonalité des réponses du ministre
de l'Intérieur par intérim à l'issue de la discussion
générale au Sénat ne laissait à la Haute
assemblée aucune perspective de prise en considération des
positions proposées par votre commission des Lois.
Qu'il s'agisse de la durée du mandat de conseiller régional, du
maintien du cadre départemental pour l'élection, de la fixation
au tiers des sièges de la " prime majoritaire ", ou à
5 % du seuil permettant à une liste de fusionner avec une autre
liste au deuxième tour ou encore de la parité,
le ministre de
l'Intérieur par intérim a opposé un refus
catégorique, laissant mal augurer d'une marge de discussion.
Quant à la volonté manifestée par le Sénat de
contenir les pouvoirs du président du conseil régional pour
préserver le pouvoir délibérant du conseil
régional, elle a été manifestement ignorée.
Aussi, votre commission des Lois a-t-elle renoncé à
défendre point par point ses propositions et a-t-elle soutenu la
question préalable qui avait été déposée par
MM. de Rohan, Arthuis et de Raincourt à l'issue de la discussion
générale.
II. L'EXAMEN DU PROJET DE LOI EN NOUVELLE LECTURE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. La réforme du mode de scrutin
L'Assemblée nationale a repris, en nouvelle lecture, le
dispositif adopté par elle en première lecture, sauf pour deux
points essentiels sur lesquels ses positions se sont encore
éloignées de celles exprimées par votre commission des
Lois.
Elle a confirmé l'institution d'un scrutin proportionnel à deux
tours dans une circonscription régionale avec une prime majoritaire de
25 % pour la liste arrivée en tête et l'abaissement à
3 % des suffrages exprimés du minimum pour fusionner avec une autre
liste.
La première modification apportée par l'Assemblée
nationale par rapport à son texte initial tend à
ramener de
5 % à 3 % le seuil permettant à une liste de participer
à la répartition des sièges
(sauf pour
l'Assemblée de Corse où le seuil de 5 % serait maintenu).
Le rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale a
indiqué "
que cette disposition était le résultat
de négociations internes à la majorité et devrait
permettre l'adoption du projet de loi dans son ensemble "
,
reconnaissant ainsi les
considérations politiques à l'origine
de cette modification.
Cette disposition ne pourrait qu'accroître la
parcellisation de la
représentation au sein des conseils régionaux.
Dans ses
motivations, comme dans ses conséquences, elle serait une inacceptable
cause de confusion.
En second lieu, l'Assemblée nationale a
ramené de 10 %
des suffrages exprimés à 5 % le seuil permettant à
une liste de se maintenir au deuxième tour.
Cette disposition constituerait une
institutionnalisation
déguisée de triangulaires, voire de quadrangulaires,
ce qui
serait de nature à obscurcir le choix des électeurs.
Pareille innovation aurait supposé à tout le moins que des
simulations sérieuses soient faites sur l'impact de la mesure.
On remarquera que ces deux modifications par rapport au texte adopté
en première lecture portent sur des points sur lesquels votre commission
des Lois avait pris une position identique à celle de l'Assemblée
nationale en première lecture.
Favorisant ouvertement un émiettement des suffrages et les
extrêmes, quels qu'ils soient, ces modifications ont, en
réalité, aggravé le texte et révélé
ses motivations essentiellement politiques allant bien au-delà de
l'objectif affiché de permettre un fonctionnement normal des conseils
régionaux.
2. Le fonctionnement des conseils régionaux
En
nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a confirmé pour
l'essentiel, sous réserve de certaines précisions
rédactionnelles, les dispositions qu'elle avait adoptées en
première lecture.
Elle a néanmoins apporté à la procédure d'adoption
sans vote du budget régional
trois
précisions : le recours
à cette procédure sera conditionné par le
rejet
de
ce projet par l'assemblée délibérante ; la motion de
renvoi devra être assortie d'une
déclaration écrite
de politique générale présentée par le candidat aux
fonctions de président ; l'adoption de la motion devra avoir lieu au
scrutin secret
.
A la demande de sa commission des Lois, elle a également supprimé
l'article 22 quater
-ajouté par elle en première lecture
sur la proposition de sa commission- qui rendait obligatoire les
délégations de fonctions par le président du conseil
régional. Elle a ainsi bien voulu admettre, sur ce point, le bien
fondé des analyses de votre commission des Lois qui avait notamment fait
valoir qu'une telle disposition n'apparaissait pas compatible avec le
régime traditionnel des délégations, lequel repose au
contraire sur le
libre choix
du président du conseil
régional,
seul organe exécutif de la
région
.
III. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
1. La réforme du mode de scrutin
La
position adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne
saurait être assimilée à un simple aménagement
technique.
Elle constitue au contraire une véritable
manoeuvre politique faisant
courir le risque d'encourager les extrêmes de tous les bords.
Dès lors que le projet de loi tendait à l'établissement
d'une " prime majoritaire " -que votre commission des Lois avait
acceptée dans son principe, proposant même de la porter au tiers
des sièges, au lieu du quart-, l'impératif de dégagement
d'une majorité stable était acquis.
Les dispositions introduites par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, résultant de
négociations internes à la
majorité
, sont donc étrangères à l'objectif
affiché de rendre les régions "gouvernables" et motivées
par des considérations purement politiques et électoralistes.
Avec une abstention de 50 % (42 % en 1998), l'abaissement à 3 % des
suffrages exprimés du seuil pour la répartition des sièges
permettrait à une liste ayant obtenu 1,5 % des voix des
électeurs inscrits de bénéficier d'une
représentation.
L'abaissement à 3 % des suffrages exprimés du seuil d'admission
à la répartition des sièges susciterait
l'émergence de listes catégorielles
, dont les
préoccupations seraient étrangères à
l'intérêt de la région et
faciliterait la
représentation des extrêmes
dans la région.
Cet abaissement réduirait à due concurrence la
représentation de l'opposition au conseil régional et conduirait
à la
" balkanisation " des minorités
régionales
.
Plus grave encore,
la fixation à 5 % des suffrages exprimés
(au lieu de 10 %)
du seuil permettant à une liste de se
maintenir au deuxième tour provoquerait, dans la plupart des cas, des
triangulaires, voire des quadrangulaires
.
Cet assouplissement
contredit absolument l'objectif de
transparence
qui devrait guider le gouvernement car il induira
nécessairement des manoeuvres en dehors du regard des électeurs.
De manière subreptice mais nette, le système proposé vise
à condamner les formations politiques de l'actuelle opposition
soit
à des alliances impossibles
,
soit à un échec
assuré
. Il constituerait un
obstacle
probablement
très efficace à l'alternance régionale
.
M. Jean-Jack Queyranne
,
ministre de l'Intérieur par
intérim
, avait dès la première lecture, devant le
Sénat le 20 octobre 1998, marqué des réserves
à une telle éventualité en déclarant que "
la
liste doit avoir obtenu 10 % des suffrages pour être
présentée au deuxième tour. Elle peut fusionner avec des
listes qui ont recueilli jusqu'à 3 % des suffrages, mais il faut 10
% pour aller au deuxième tour, nous sommes bien d'accord sur ce point.
Si nous abaissons le seuil, par exemple à 5 %, nous nous trouvons
dans un système proportionnel et, dès lors, nous ne sommes plus
dans une logique qui permet de dégager des majorités.
Nous
sommes dans la logique qui conduit à l'émiettement, au
fractionnement des forces politiques
".
Devant l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture le
19 novembre 1998, le ministre a réagi aux deux amendements en
déclarant que : "
s'agissant du mode de scrutin, la
commission des Lois propose d'abaisser à 5 % des voix le seuil
à partir duquel une liste peut être admise à figurer au
second tour, et à 3 % des voix le seuil à partir duquel une
liste peut être admise à la répartition des sièges.
" Je me dois, dans cette affaire où la sagesse de
l'Assemblée devra prévaloir, d'appeler l'attention sur les
innovations qu'entraîneront ces abaissements de seuils. Vous ne devez pas
mésestimer le
risque d'émiettement
de la
représentation, même s'il est limité en raison de la prime
majoritaire.
" J'appelle également votre attention sur le fait qu'une liste
pourra obtenir des sièges alors même qu'elle n'aura pas droit au
financement de sa campagne électorale, puisque les seuils seront
différents. Cette distorsion est inévitablement liée
à l'adoption de l'amendement proposé à l'article 3 du
projet. Je souhaite que l'Assemblée dispose de tous ces
éléments pour se prononcer en pleine connaissance de
cause
".
Sur une question aussi importante, le Gouvernement n'a cependant
utilisé aucune de ses prérogatives constitutionnelles pour tenter
de convaincre de manière décisive l'Assemblée nationale,
se contentant d'émettre un avis de " sagesse ".
Par l'aggravation qu'il a subi, ce texte a, en réalité,
changé de nature
.
En première lecture, admettant la nécessité de
répondre à un problème réel (l'absence de
majorité stable dans plusieurs conseils régionaux), le
Sénat avait souhaité ouvrir la discussion selon une
procédure normale, ce que le Gouvernement a refusé d'avance en
déclarant l'urgence sur ce texte puis en répondant
négativement à ses suggestions.
Le projet de loi dont le Sénat est saisi en nouvelle lecture
apparaît comme une "
machine de guerre
" politique et
électoraliste, susceptible de
déboucher sur des
compromissions, de favoriser les intérêts de la majorité
à l'Assemblée nationale
et de constituer un
obstacle
sérieux à l'alternance régionale.
Il ne s'agit donc plus, pour les auteurs des amendements, de garantir une
majorité stable, mais la majorité de leur choix.
Le texte soumis au Sénat en nouvelle lecture apparaît donc, en
réalité, comme un nouveau projet de loi.
Votre commission des Lois disposerait donc de raisons sérieuses pour
proposer au Sénat le vote d'une question préalable.
Cependant, dans une matière aussi grave et compte tenu des
réserves exprimées par le Gouvernement, votre commission des Lois
ne veut pas fermer définitivement la porte à toute
évolution, mais plutôt se montrer résolument positive.
En effet, le rejet en bloc du projet de loi par le Sénat en nouvelle
lecture contraindrait l'Assemblée nationale, en lecture
définitive, selon l'article 45 de la Constitution, à
reprendre le dernier texte voté par elle-même, puisqu'elle ne
pourrait, faute de texte sénatorial, le
"
modifier le cas
échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le
Sénat
"
1(
*
)
.
La seule possibilité de permettre la suppression des dispositions les
plus négatives du texte consiste donc, pour le Sénat, comme votre
commission des Lois vous le propose, à amender le texte transmis.
Votre commission des Lois tient ainsi solennellement à formuler une
ultime mise en garde
.
Les propositions présentées
-différentes sur
plusieurs points de celles qu'elle avait, dans un premier temps,
formulées en première lecture-
ne résultent pas d'un
changement de position de votre commission des Lois
qui, en particulier,
demeure très attachée à la juste représentation
de chaque département
.
Celles-ci sont seulement destinées à permettre
in
extremis
la suppression, dans le texte définitif, des dispositions
les plus préoccupantes
.
A cet effet, votre commission des Lois a recherché à se
rapprocher autant que faire se peut des positions de l'Assemblée
nationale afin de
centrer le débat sur l'abaissement
inquiétant des seuils.
Pour autant, elle n'a pas renoncé à une représentation
garantie par la loi de tous les départements.
Dans ce but, votre commission des Lois a accepté l'organisation du
scrutin sur deux tours dans le cadre de circonscriptions régionales,
mais en proposant l'institution de
sections départementales pour
assurer à chaque département une représentation identique
à celle dont il bénéficie actuellement.
L'électeur pourrait alors continuer à identifier les candidats
à la représentation de leur département au conseil
régional.
Une
prime majoritaire égale au quart des sièges
,
attribuée à la liste qui aurait obtenu,
sur l'ensemble de la
région
, la majorité absolue au premier tour ou la
majorité relative au second tour garantirait une majorité stable
à la région.
Les sièges attribués au titre de cette prime seraient
répartis entre les sections départementales de la liste
bénéficiaire, à la représentation proportionnelle
à la plus forte moyenne en fonction des suffrages exprimés en sa
faveur dans le département.
Dans chaque département, les sièges restants seraient
répartis entre toutes les listes, sauf celles n'ayant pas obtenu
5 % des suffrages exprimés, à la représentation
proportionnelle à la plus forte moyenne.
Seules les listes ayant recueilli 5 % des suffrages exprimés dans
la région au premier tour pourraient fusionner au deuxième tour.
Le maintien d'une liste au deuxième tour serait soumis à la
double condition d'avoir obtenu 10 % des suffrages exprimés dans
l'ensemble de la région et 5 % des suffrages exprimés dans chaque
département de la région.
La représentation du conseil régional dans le collège
électoral des sénateurs serait assurée par les conseillers
élus dans la section départementale.
Enfin, votre commission vous propose de supprimer la réduction du mandat
à cinq ans et d'opposer une
exception d'irrecevabilité
constitutionnelle
au dispositif imposant la parité.
2. Le fonctionnement des conseils régionaux
Pour les
mêmes motifs que ceux qu'elle vous avait exposés lors de la
première lecture, votre commission des Lois ne peut que vous
suggérer, de nouveau, de
supprimer
les dispositions relatives au
fonctionnement des conseils régionaux qui figurent au
titre III
du projet de loi.
Elle tient à souligner en particulier une nouvelle fois que la
procédure de vote bloqué, prévue par
l'article 21
,
aboutirait à un véritable
dessaisissement
de
l'assemblée délibérante en contradiction avec le principe
de libre administration des collectivités territoriales, posé par
l'article 72 de la Constitution. En effet, quand bien même
l'assemblée délibérante aurait adopté l'ensemble
des chapitres ou articles du budget, adoption valant approbation du budget sans
vote sur l'ensemble, l'exécutif pourrait lui demander de se prononcer
par un vote unique sur le projet de budget initial, le cas
échéant légèrement modifié par quelques
amendements qu'il serait seul à choisir (avec l'accord du bureau).
Il ne s'agirait donc pas, dans cette hypothèse -comme l'envisageait la
loi du 7 mars 1998- de surmonter un
blocage
du fonctionnement
de la région afin d'
" assurer le respect du principe de
continuité des services publics "
et d'éviter le
"
dessaisissement des organes délibérants de la
région au profit du représentant de l'Etat
" selon
les termes de la décision du Conseil Constitutionnel (n° 98-397 DC
du 6 mars 1998). Il s'agirait, en fait, de faire prévaloir le point de
vue de l'exécutif sur celui librement exprimé par
l'assemblée délibérante.
C'est pourquoi, votre commission des Lois vous propose, en application de
l'article 44, alinéa 2, du règlement du Sénat d'opposer
une
exception d'irrecevabilité constitutionnelle
aux dispositions
de cet article.
En outre, les modifications apportées par
l'article 22
du projet
de loi au dispositif de la loi du 7 mars 1998 -plus
particulièrement son
extension à deux autres
délibérations budgétaires
- ne peuvent être
appuyées sur le motif qui, selon la décision
précitée du Conseil constitutionnel, fondait le caractère
constitutionnel de la procédure d'adoption sans vote prévue par
la loi du 7 mars 1998, à savoir
" assurer le respect
du
principe de continuité des services publics
, tout en
évitant le
dessaisissement des organes délibérants
de la région au profit du représentant de
l'Etat
".
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU MODE
D'ÉLECTION
DES CONSEILLERS GÉNÉRAUX
ET DES
CONSEILLERS À L'ASSEMBLÉE DE CORSE
Article 1er
(article L. 336 du code
électoral)
Durée du mandat de conseiller
régional
L'article 1er du projet de loi,
abaissant de 6 ans
à
5 ans la durée du mandat des conseillers régionaux
a
été rétabli par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture
.
Votre commission des Lois ne peut que réitérer les observations
qu'elle avait faites en première lecture.
La durée du mandat des conseillers régionaux n'a jamais
été citée comme un facteur de dysfonctionnement des
conseils régionaux, auquel le projet de loi porterait remède.
De plus, il n'est pas démontré que sa réduction à
5 ans constituerait un progrès pour la démocratie.
Enfin, une éventuelle fixation à 5 ans de la durée de
tous les mandats, envisagée par le Gouvernement, à supposer
qu'elle soit opportune, devrait être opérée dans un texte
particulier afin de ne pas provoquer de distorsions, même temporaires,
entre mandats locaux.
Aussi, votre commission des Lois vous propose-t-elle, comme en première
lecture, par
amendement
, de
supprimer
l'article 1er du
projet de loi.
Article 2
(article L. 337 du code
électoral)
Effectif des conseils
régionaux
L'article L. 337 en vigueur du code électoral
renvoie au
tableau n° 7 annexé au code électoral pour la fixation
de l'effectif des conseils régionaux et la répartition des
sièges entre les départements et prévoit une actualisation
de ces chiffres après chaque recensement.
L'article 2 du projet de loi adopté par l'Assemblée
nationale, en nouvelle lecture, tirant les conséquences de
l'organisation de l'élection dans le cadre régional, tend
à supprimer la mention de la répartition des sièges entre
les départements.
Il ne modifierait pas l'effectif des conseils régionaux.
Par ailleurs, l'article 23 de ce texte remplacerait, dans le titre du
tableau n° 7 et de sa dernière colonne, la
référence à la répartition des sièges entre
les départements par celle du nombre des conseillers régionaux
à désigner pour faire partie des collèges
électoraux sénatoriaux.
Compte tenu de sa proposition concernant la circonscription régionale et
les sections départementales, précédemment exposée
et détaillée à l'article 3, votre commission des Lois
vous propose un
amendement
précisant que le tableau
n° 7 annexé au code électoral fixe l'effectif de chaque
conseil régional et la répartition des sièges à
pourvoir entre les sections départementales.
Elle vous propose aussi de rétablir l'obligation de réviser
l'effectif des conseils régionaux après chaque recensement.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 2 ainsi
modifié.
Article 3
(article L. 338 du code
électoral)
Mode de scrutin pour l'élection des conseillers
régionaux
On sait
que le texte en vigueur prévoit une élection à un seul
tour dans le cadre du département, au scrutin de liste à la
représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Les listes qui n'ont pas obtenu 5 % des suffrages exprimés ne sont
pas admises à la répartition des sièges.
Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier
siège, celui-ci est attribué à celle qui a obtenu le plus
grand nombre de suffrages et, en cas d'égalité, le siège
est attribué au plus âgé des candidats susceptibles
d'être élu.
Le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture,
comme en première lecture, prévoit un scrutin de
liste à
deux tours
dans le cadre de la région
,
à la représentation proportionnelle mais avec l'attribution d'une
"
prime majoritaire
" égale au
quart des
sièges
arrondi à l'entier supérieur pour la liste
ayant obtenu la majorité absolue au premier tour ou le plus grand nombre
de suffrages au deuxième tour.
Les autres sièges seraient ensuite répartis entre toutes les
listes à la représentation proportionnelle.
Le "
bénéfice de l'âge
" reviendrait, pour
l'attribution de la prime majoritaire, à la liste dont les candidats ont
la moyenne d'âge la moins élevée ou, pour celle du dernier
siège, au
plus jeune
des candidats susceptibles d'être
élu.
Le seuil d'admission à la répartition des sièges
,
fixé à 5 % des suffrages exprimés par le projet de
loi initial, comme dans le texte en vigueur, puis maintenu à ce taux par
l'Assemblée nationale en première lecture,
a été
abaissé à 3 % par les députés en nouvelle
lecture
, sur proposition de sa commission des Lois,
le Gouvernement
ayant émis un avis de sagesse
.
Comme votre rapporteur l'a exposé, cette modification entraînerait
l'émergence de listes catégorielles et faciliterait la
représentation des extrêmes. Le rapporteur de la commission des
Lois de l'Assemblée nationale, a indiqué que cette modification
traduisait le résultat des "
négociations internes
à la majorité
".
Sans remettre en cause sa détermination à préserver une
juste représentation de tous les départements,
votre
commission des Lois vous propose
, en nouvelle lecture un
amendement
tendant à l'organisation du scrutin sur deux tours dans le
cadre
régional
et avec des
sections départementales
.
Chaque liste serait constituée pour la région entière mais
les candidats seraient répartis entre autant de sections
départementales que la région comporte de départements.
L'appellation de la liste serait donc commune aux candidats de chaque section.
Chaque section départementale serait représentée par
autant de conseillers que le département dans le régime en
vigueur.
L'électeur pourrait donc clairement identifier les candidats à la
représentation de leur département.
La "
prime majoritaire
", égale au quart des
sièges arrondi à l'entier supérieur, attribuée
à la liste ayant obtenu sur l'ensemble de la région la
majorité absolue au premier tour ou à celle arrivée en
tête au deuxième tour,
serait répartie entre les
sections départementales
à la représentation
proportionnelle à la plus forte moyenne en fonction des suffrages
exprimés en faveur de la liste bénéficiaire dans chaque
département.
Dans chaque département
, cette attribution
réalisée,
les sièges restants seraient
répartis
entre toutes les listes, à la représentation
proportionnelle à la plus forte moyenne.
Votre commission vous présente
trois amendements
en ce sens.
Votre commission vous propose en outre un
amendement
pour que le
bénéfice de l'âge
revienne, suivant les cas et selon
une règle habituelle en droit électoral, au candidat le plus
âgé ou à la liste dont la moyenne d'âge est la plus
élevée.
En revanche, elle vous propose un amendement tendant à
maintenir
à 5 %
le
seuil d'admission à la répartition
des sièges afin d'éviter l'émiettement de la
représentation
.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 3 ainsi
modifié.
Article 4
(article L. 346 du code
électoral)
Conditions de recevabilité des déclarations
de candidature
Cet
article définit les conditions de dépôt des candidatures.
En conséquence de sa proposition d'instituer des sections
départementales, votre commission des Lois vous propose d'abord un
amendement
tendant à prévoir que chaque candidat doit
mentionner son département de rattachement, son choix devant se porter
sur un département dans lequel il est éligible en application de
l'article L. 194 du code électoral.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait approuvé
la fixation à 10 % des suffrages exprimés dans la
région du seuil permettant à une liste de se maintenir au
deuxième tour.
Comme votre rapporteur l'a précédemment exposé,
l'Assemblée nationale a adopté en
nouvelle lecture
un
amendement de sa commission des Lois tendant à
abaisser ce seuil
à 5 % des suffrages exprimés, le Gouvernement ayant
émis un avis de sagesse
.
Cet assouplissement provoquerait, dans la plupart des cas, des
triangulaires, voire des quadrangulaires.
Afin de permettre, au deuxième tour, un choix clair entre listes dont la
représentativité est établie dans l'ensemble de la
région et dans chaque département sans exception, votre
commission des Lois vous propose un
amendement
tendant à
permettre à une liste de se maintenir au deuxième tour si elle
a recueilli, d'une part 10 % des suffrages exprimés dans la
région et d'autre, part, 5 % des suffrages exprimés dans
chaque département
.
L'Assemblée nationale a
confirmé en nouvelle lecture
l'abaissement de 5 % à 3 % des suffrages exprimés du
seuil permettant à une liste de fusionner avec une autre liste au
deuxième tour
, qu'elle avait adopté en première
lecture.
Afin d'éviter une parcellisation excessive de la représentation
au sein des conseils régionaux, votre commission des Lois vous propose
un
amendement
tendant à rétablir le seuil de 5 % des
suffrages exprimés.
Enfin, l'Assemblée nationale a maintenu en nouvelle lecture
l'obligation, qu'elle avait établie en première lecture, pour
chaque liste d'assurer la
parité
entre candidats féminins
et masculins, disposition qui serait manifestement contraire à
l'article 3 de la Constitution et à l'article 6 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comme l'a
constaté le Conseil constitutionnel dans sa décision du
18 novembre 1982 (n° 82-146 DC du
18 novembre 1982) concernant les dispositions de la loi relative au
mode de scrutin pour les élections municipales, tendant à
interdire la constitution de listes comportant plus de 75 % de personnes
du même sexe.
Votre commission des Lois vous propose en conséquence, en application de
l'article 44, alinéa 2, du Règlement du Sénat,
une
exception d'irrecevabilité
sur le deuxième
alinéa de l'article 4 du projet tendant à instituer la
parité pour les élections régionales.
Elle vous propose d'
adopter l'article 4 ainsi
modifié.
Article 5
(article L. 347 du code
électoral)
Contenu de la déclaration de
candidature
L'article 5 du projet de loi, sur lequel
l'Assemblée
nationale a confirmé en nouvelle lecture son texte de première
lecture, concerne le contenu de la déclaration de candidature (titre de
la liste, nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et
profession de chacun des candidats). Il adapterait la rédaction du texte
en vigueur à l'institution d'une élection dans le cadre
régional avec deux tours de scrutin.
Votre commission des Lois vous propose un
amendement
de coordination
avec l'institution de la section départementale.
Elle vous propose d'
adopter l'article 5 ainsi
modifié.
Article additionnel après l'article 5
(article L.
348 du code électoral)
Candidatures
multiples
L'article L. 348 du code électoral interdit à
toute
personne de se porter candidat sur plusieurs listes.
Par coordination avec la création de sections départementales, il
conviendrait de prévoir aussi l'interdiction de figurer sur plusieurs
sections départementales d'une même liste.
Votre commission des Lois vous propose en conséquence un
amendement
tendant à insérer un
article additionnel
à cet effet.
Article 6
(article L. 350 du code
électoral)
Dépôt et enregistrement des
déclarations de candidature
L'Assemblée nationale a maintenu en nouvelle lecture les
dispositions qu'elle avait retenues en première lecture pour adapter la
procédure de dépôt et d'enregistrement des candidatures au
mode de scrutin qu'elle préconise.
Les adaptations proposées ne contrevenant pas aux solutions
proposées par votre commission des Lois, elle vous propose d'
adopter
cet article sans modification
.
Article 7
(article L. 351 du code
électoral)
Contentieux de l'enregistrement des
candidatures
L'Assemblée nationale a confirmé en nouvelle
lecture
la modulation des règles relatives au contentieux de l'enregistrement
des candidatures, qui résulterait du mode de scrutin qu'elle propose.
Cet article de conséquence n'implique aucune coordination avec les
dispositions proposées par votre commission des Lois.
Elle vous propose donc d'
adopter l'article 7 sans
modification.
Article 8
(article L. 352 du code
électoral)
Retrait et remplacement de
candidats
Le texte
adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture adapterait
les règles relatives au retrait et au remplacement d'un candidat
à l'institution d'une élection à deux tours et
actualiserait l'article L. 352 du code électoral en
conséquence de la suppression du cautionnement par les candidats,
opéré par la loi n°95-65 du 19 janvier 1995 relative au
financement de la vie politique.
Pour les mêmes raisons qu'aux deux articles précédents,
votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 8 sans
modification.
Article 9
(article L. 353 du code
électoral)
Campagne
électorale
Cet
article, que l'Assemblée nationale n'a pas modifié, supprimerait,
dans l'article L. 353 du code électoral, la mention d'une date de
clôture de la campagne électorale, comme pour les élections
législatives (article L.164 du même code). La campagne
électorale serait ouverte le deuxième lundi
précédent le scrutin.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 9 sans
modification.
Article 10
(article L. 359 du code
électoral)
Recensement des
votes
L'article 10 tirerait les conséquences pour la
procédure de recensement des votes de l'élection dans un cadre
régional (recensement dans chaque préfecture de
département, puis recensement général dans la
préfecture de région).
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter sans modification cet
article
, que l'Assemblée nationale avait elle-même
rétabli en nouvelle lecture sans en changer les termes
initiaux.
Article 11
(article L. 360 du code
électoral)
Remplacement des conseillers
régionaux
Cet
article prévoit que si le tiers des sièges d'un conseil
régional était vacant par suite du décès de leurs
titulaires, il serait procédé à un renouvellement
intégral, sauf si le renouvellement général des conseils
régionaux devait intervenir dans les trois mois suivant la
dernière vacance.
Sur cet article, l'Assemblée nationale a repris en nouvelle lecture son
texte de première lecture.
Votre commission des Lois vous propose par
amendement
de prévoir
qu'en cas de vacance d'un siège de conseiller général, le
remplacement soit assuré par le suivant de liste de la même
section départementale.
Elle vous propose d'
adopter l'article 11 ainsi modifié
.
Article 12
(article L. 361 du code
électoral)
Contentieux des élections
régionales
L'article 12, que l'Assemblée nationale a
rétabli dans
sa rédaction de première lecture, adapterait les règles de
contentieux des élections régionales, figurant à
l'article L. 361 du code électoral, à l'institution de
circonscriptions régionales (droit de contestation ouvert à tout
électeur de la région et au représentant de l'Etat dans la
région).
L'article L. 361 du code précité prévoit aussi que
lorsque l'inéligibilité d'un candidat devenu conseiller
régional en remplacement d'un autre conseiller est constatée,
l'élection du suivant de liste est proclamée.
Il convient de préciser, par un
amendement
de coordination, que
le remplacement du conseiller inéligible est assuré par le
suivant de liste de la même section départementale.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 12 ainsi
modifié
.
Article 13
(article L. 363 du code
électoral)
Conséquence de l'annulation des
élections
En
raison de l'institution proposée d'une circonscription régionale,
l'article L.363 du code électoral concernant les
conséquences d'une annulation des opérations électorales,
remplacerait la référence au département par celle de la
région.
L'article 13 a été adopté en nouvelle lecture par
l'Assemblée nationale dans les mêmes termes qu'en première
lecture.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 13 sans
modification
.
Article 14
(article L. 4432-3 du code
général des collectivités
territoriales)
Abrogation
L'abrogation de l'article L. 4432-3 du code
général
des collectivités territoriales, confirmée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, aurait pour conséquence d'aligner le mode
de scrutin dans les départements d'outre-mer sur celui proposé en
métropole.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 14 sans
modification
.
Article 15
(article L. 364 du code
électoral)
Durée du mandat des conseillers à
l'Assemblée de Corse
Cet
article, dont les dispositions ont été rétablies par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, abaisserait à cinq ans
la durée du mandat des conseillers de l'Assemblée de Corse.
Suivant la même logique qu'à l'article 1
er
pour les
conseillers régionaux, votre commission des Lois vous propose un
amendement de suppression de l'article 15
.
Article 16
(article L. 366 du code
électoral)
Mode de scrutin pour l'élection des conseillers
à l'Assemblée de
Corse
L'article L. 366 en vigueur du code électoral
prévoit,
pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse,
deux tours de scrutin, l'attribution d'une " prime majoritaire "
(limitée à trois sièges) pour la liste ayant obtenu la
majorité absolue au premier tour ou la majorité relative au
deuxième tour et un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour
l'admission à la répartition des sièges.
L'article 16 du projet de loi initial se limitait à une coordination
avec la rédaction proposée par l'article 3 pour l'article L. 338
du code électoral.
Le projet de loi ne modifierait pas le seuil actuel de 5 % des suffrages
exprimés pour permettre à une liste de maintenir sa candidature
au deuxième tour (article L. 373 du code électoral).
En première lecture, comme en nouvelle lecture, l'Assemblée
nationale a proposé d'attribuer le " bénéfice de
l'âge ", suivant les cas, à la liste dont les candidats ont
la moyenne d'âge la moins élevée ou au plus jeune des
candidats susceptibles d'être élu.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a aussi maintenu le seuil de
5 % des suffrages exprimés pour l'admission à la
répartition des sièges (dont elle propose, à l'article 3,
l'abaissement à 3 % pour les conseils régionaux).
Par coordination avec la position qu'elle a prise sur l'article 3, votre
commission des Lois vous propose un
amendement
tendant à
maintenir le " bénéfice de l'âge " à la
liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus
élevée ou au plus âgé des candidats susceptibles
d'être élu, selon une règle habituelle en droit
électoral.
Elle vous propose d'
adopter l'article 16 ainsi modifié
.
Article 16 bis
(article L. 370 du code
électoral)
Parité sur les listes pour l'élection des
conseillers
à l'Assemblée de
Corse
Pour les
mêmes raisons qu'à l'article 4 (parité sur les listes pour
l'élection des conseillers régionaux), votre commission des Lois
ne peut que constater l'inconstitutionnalité de l'article 16 bis relatif
à la parité pour l'élection des conseillers à
l'Assemblée de Corse.
Elle vous propose donc d'opposer, en application de l'article 44,
alinéa 2, du Règlement du Sénat, une
exception
d'irrecevabilité
à l'article 16 bis du projet de
loi.
Article 17
(article L. 371 et L. 372 du code
électoral)
Abrogations
Cet
article tirerait les conséquences pour l'élection des conseillers
à l'Assemblée de Corse de la suppression du versement d'un
cautionnement par les candidats.
Il ne s'agirait donc que d'une simple actualisation du code électoral.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 17 sans
modification
.
Article 18
(article L. 380 du code
électoral)
Remplacement des conseillers à l'Assemblée
de Corse
L'article L. 380 du même code rend l'article L. 360,
concernant le remplacement des conseils régionaux, applicable aux
conseillers à l'Assemblée de Corse en procédant aux
adaptations terminologiques nécessaires.
L'article 18 du projet de loi coordonnerait la rédaction de cet article
L. 380 avec celle proposée par l'article 11 du projet de loi
pour l'article L. 360 du code électoral, en conséquence
du mode de scrutin proposé.
Votre commission des Lois vous propose un
amendement
tendant à
une adaptation de cet article à l'instauration de sections
départementales.
Elle vous propose d'
adopter l'article 18 ainsi modifié
.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA
COMPOSITION
DU COLLÈGE ÉLECTORAL ÉLISANT LES
SÉNATEURS
Le titre II du projet de loi tend à modifier les dispositions concernant la représentation des conseils régionaux dans les collèges électoraux départementaux en conséquence de l'organisation des élections régionales dans des circonscriptions régionales telle qu'elle est proposée par le projet de loi.
Article 19
(article L. 280 du code
électoral)
Composition du collège électoral des
sénateurs
L'article 19 du projet de loi modifierait
l'article L. 280 du code électoral concernant la
composition du collège électoral des sénateurs
.
Il remplacerait les "
conseillers régionaux élus dans le
département
" -puisque ceux-ci ne seraient plus élus
dans le département- par "
des conseillers régionaux et
des conseillers à l'Assemblée de Corse
désignés dans les conditions prévues par les
articles L. 293-1 à L. 293-3 du même
code ",
que l'article 20 du projet modifieraient en
conséquence.
Ces articles du code électoral ne concernent actuellement que la
désignation des représentants de l'Assemblée de Corse au
collège électoral des sénateurs.
Il serait logique de prévoir par
amendement
que les conseillers
régionaux de la section départementale participent de plein droit
au collège électoral sénatorial du département.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 19 ainsi
modifié
.
Article 20
(articles L. 293-1 à L. 393-3 du code
électoral)
Désignation des délégués des
conseils régionaux
et de l'Assemblée de Corse dans le
collège électoral des
sénateurs
Comme le
précédent, l'article 20 du projet de loi tend à tirer
les conséquences de l'adoption proposée de la circonscription
régionale, mais pour fixer les règles de
désignation
des délégués des conseils régionaux dans le
collège électoral sénatorial
.
Cet article serait inutile, les conseils régionaux étant
directement représentés par leurs membres appartenant à la
section départementale du département concerné.
Votre commission des Lois vous propose donc par
amendement
de
supprimer l'article 20
.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AU FONCTIONNEMENT
DES CONSEILS RÉGIONAUX
Les
dispositions contenues dans ce
titre III
ont pour objet
d'aménager la procédure d'adoption sans vote du budget de la
région issue de la loi du 7 mars 1998 (
article 22
) et
de prévoir une nouvelle procédure de " vote
bloqué " au profit de l'exécutif régional lors de
l'examen du budget (
article 21
).
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a, en outre, confirmé
plusieurs dispositions additionnelles (
articles 22 bis à
22 ter
) qu'elle avait adoptées en première lecture. Ces
dispositions sont destinées à rendre obligatoires, sauf
décision contraire, les réunions publiques de la commission
permanente (
article 22 bis
) ainsi que la constitution d'un bureau
dans chaque conseil régional (
article 22 ter
). En
revanche, l'Assemblée nationale a renoncé à la disposition
obligeant le président du conseil régional à
déléguer une partie de ses fonctions (
article 22 quater
).
Pour les mêmes motifs que ceux qu'elle vous avait exposés en
première lecture, votre commission des Lois vous propose de ne pas
accepter l'ensemble des dispositions contenues dans ce titre III.
Elle vous soumet, en conséquence, un
amendement de suppression
de
cette division et de son intitulé.
Article 21
(article L. 4311-1 du code
général des collectivités
territoriales)
Modalités de vote du budget de la
région
Cet
article a pour objet de modifier
l'article L. 4311-1
du code
général des collectivités territoriales afin, d'une part,
de préciser les modalités d'adoption du budget de la
région et, d'autre part -et surtout- d'autoriser le président du
conseil régional, à l'issue de l'examen du budget, à
soumettre à un vote d'ensemble le projet de budget initial en ne
retenant que les amendements qu'il juge compatibles avec celui-ci.
•
Lors de la première lecture
, l'Assemblée
nationale avait prévu que les modifications au projet initial retenues
par le président du conseil régional devrait recevoir
l'accord
du bureau
.
Elle avait, en outre, limité à
deux
délibérations budgétaires relatives au même exercice
hormis le compte administratif, la faculté de faire usage de cette
nouvelle procédure de " vote bloqué ".
•
En nouvelle lecture
, l'Assemblée nationale a
confirmé
le texte qu'elle avait retenu en première
lecture, ne lui apportant que des
modifications rédactionnelles.
Votre commission des Lois ne peut que réitérer les plus vives
réserves à l'égard d'un tel dispositif.
L'objet de la procédure d'adoption sans vote -issue de la loi du
7 mars 1998- a été de remédier à des
situations de blocage.
Le Conseil constitutionnel (décision
n° 98-397 DC du 6 mars 1998) a ainsi relevé que cette
procédure "
en prévoyant des modalités
dérogatoires d'adoption du budget régional, lorsque celui-ci n'a
pu être adopté dans les conditions de droit commun, a pour objet
d'assurer le respect du principe de continuité des services publics,
tout en évitant le dessaisissement des organes délibérants
de la région au profit du représentant de l'Etat
".
Or, il ne s'agit pas par la présente disposition d'"
assurer le
respect du principe de continuité des services publics
" et
d'empêcher le "
dessaisissement des organes
délibérants de la région au profit du représentant
de l'Etat
" mais d'éviter que les amendements adoptés
par l'assemblée délibérante ne mettent en cause le projet
initialement présenté par le président, lequel est
pourtant expressément chargé de préparer puis
d'exécuter les libres délibérations du conseil
régional (
article L. 4231-1
du code
général des collectivités territoriales), non de lui
imposer quoi que ce soit (article 72 de la Constitution).
La procédure proposée remet ainsi directement en cause la
solution retenue très récemment par le tribunal administratif
d'Orléans.
Dans sa décision du 7 juillet 1998 annulant le budget de la
région Centre, en effet, le tribunal administratif d'Orléans a
relevé "
que le président du conseil régional ne
peut utilement se prévaloir de la circonstance que les amendements
retenus par l'assemblée auraient dénaturé son projet de
budget pour établir qu'il s'est trouvé dans
l'impossibilité de mener la procédure budgétaire de droit
commun à son terme ; qu'ainsi le défaut d'adoption du budget
à la date du 30 avril 1998 a résulté, non du rejet de
celui-ci ou d'un quelconque obstacle à son adoption, mais de la seule
décision du président de clore prématurément les
débats afin de s'opposer aux options retenues par la majorité des
conseillers régionaux dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont
conférés par les dispositions précitées des
articles L. 4131-2 et L. 4311-1 du code général
des collectivités territoriales
".
C'est pourquoi, le tribunal a considéré que les conditions
requises pour la mise en oeuvre de la procédure dérogatoire
d'adoption sans vote, prévue par la loi du 7 mars 1998
n'étaient pas réunies.
Ne pouvant appliquer la procédure de
l'article L. 4311-1-1
dans le cas où tous les chapitres
ou articles ayant été adoptés,
aucune situation de
blocage
n'est constatée, le président du conseil
régional disposera néanmoins -grâce aux nouvelles
dispositions prévues par le présent article- d'une arme de
procédure lui permettant de faire prévaloir le projet de budget
qu'il a initialement soumis à l'assemblée
délibérante.
Une telle procédure aboutirait ainsi à un
véritable
dessaisissement
de l'assemblée délibérante de son
pouvoir de modifier -si elle le souhaite- les chapitres ou les articles du
projet de budget. Elle paraît, en conséquence, difficilement
conciliable avec les principes régissant traditionnellement les
collectivités territoriales.
Pour ces motifs, votre commission des Lois, en application de l'article 44,
alinéa 2, du Règlement du Sénat, vous soumet une
exception d'irrecevabilité
à
l'article 21
tendant à faire reconnaître que les dispositions de cet
article méconnaissent les principes constitutionnels au rang desquels
figure notamment la
libre administration des collectivités locales
par des conseils élus
.
Article 22
(article L. 4311-1-1 du code
général des collectivités
territoriales)
Procédure d'adoption sans vote du budget de la
région
Cet
article a pour objet de donner une nouvelle rédaction à
l'article L. 4311-1-1
du code général des
collectivités territoriales, qui est lui-même issu de la loi du 7
mars 1998, afin, d'une part,
d'étendre le champ d'application de
la
procédure d'adoption sans vote
du budget de la
région à d'autres délibérations budgétaires
ainsi qu'aux délibérations relatives à la fixation des
taux des impôts locaux, d'autre part, de prévoir le
remplacement
du président du conseil régional en cas
d'adoption d'une motion de renvoi portant sur le budget primitif et, enfin,
de
préciser les délais
de mise en oeuvre de cette
procédure.
•
Lors de la première lecture
, l'Assemblée
nationale avait souhaité limiter l'utilisation de la procédure de
l'article L. 4311-1-1
à
deux
délibérations budgétaires relatives au même
exercice.
Ayant prévu -par l'article 22 ter-
l'existence obligatoire
du bureau
dans les conseils régionaux, l'Assemblée nationale
avait -par anticipation- supprimé au présent article la
référence à l'existence éventuelle du bureau.
Elle avait, par ailleurs, précisé au dernier alinéa de
l'article L. 4311-1-1
que ses dispositions ne seraient pas
applicables à défaut de présentation d'un projet de budget
par le président dans les conditions prévues par
l'article L. 4311-1
du code général des
collectivités territoriales.
•
En nouvelle lecture
, l'Assemblée nationale, outre des
modifications rédactionnelles ou de coordination, a apporté
à ce dispositif
trois
précisions :
- le recours à la procédure d'adoption sans vote du projet de
budget sera conditionné par le
rejet
de ce projet par
l'assemblée délibérante ( ce qui préviendra le
détournement de procédure sanctionné par le tribunal
administratif d'Orléans dans sa décision du 7 juillet 1998);
- la motion de renvoi devra être assortie d'une
déclaration
écrite
de politique générale présentée
par le candidat aux fonctions de président ;
- l'adoption de la motion devra avoir lieu au
scrutin secret
.
Votre commission des Lois considère qu'il serait
prématuré
de modifier
dans l'urgence
un dispositif
encore très récent et qui n'a encore fait l'objet que d'une
application limitée et, en outre, incorrecte.
Elle constate par ailleurs que l'extension du champ d'application de la
procédure d'adoption sans vote du budget ne répond pas aux motifs
qui selon le Conseil constitutionnel avaient pu fonder une telle
procédure à savoir "
assurer le respect du principe de
continuité des services publics
" et éviter le
"
dessaisissement des organes délibérants de la
région au profit du représentant de l'Etat
"
(décision n°98-397 DC du 6 mars 1998).
Pour ces motifs, votre commission des Lois vous soumet un
amendement de
suppression
de l'
article 22
.
Article 22 bis
(article L. 4133-4 du code
général des collectivités
territoriales)
Déroulement des séances de la commission
permanente
Ajouté par l'Assemblée nationale, cet article
tend
à modifier l'
article L. 4133-4
du code
général des collectivités territoriales, afin de
prévoir que les séances de la commission permanente du conseil
régional seront obligatoirement
publiques
, des dérogations
à cette règle étant néanmoins admises sous
certaines conditions.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a confirmé le
présent article
sans modification.
Votre commission des Lois ne peut qu'observer à nouveau que le
règlement intérieur des conseils régionaux -comme
d'ailleurs celui des conseils généraux- peut déjà
prévoir une telle publicité.
Une telle disposition conduirait à une plus
grande
rigidité
dans le fonctionnement des conseils régionaux. Elle
ne manquerait pas de susciter des difficultés d'ordre matériel.
Elle ne serait pas de nature à favoriser la
sérénité des débats qui se déroulent au sein
de la commission permanente.
Pour ces motifs, votre commission des Lois vous soumet un
amendement de
suppression
de
l'article 22 bis.
Article 22 ter
(article L.4133-8 du code
général des collectivités territoriales)
Obligation de
constituer un bureau
Ajouté par l'Assemblée nationale en
première
lecture sur la proposition de sa commission des Lois, cet article a pour objet
de modifier
l'article L. 4133-8
du code général
des collectivités territoriales, afin de rendre obligatoire la
constitution d'un bureau dans chaque conseil régional.
Le bureau serait constitué du
président
, des
vice-présidents
et, le cas échéant, des membres de
la commission permanente ayant reçu délégation. En
conséquence, le bureau serait, dans tous les cas, au moins
composé du président et des vice-présidents.
En nouvelle lecture
, l'Assemblée nationale a adopté une
nouvelle rédaction de cet article qui n'en modifie pas le fond.
La région se verrait ainsi dotée d'un régime
spécifique par rapport à celui applicable aux conseils
généraux, sans que sa situation le justifie.
Comme l'avait confirmé lors de la première lecture devant
l'Assemblée nationale le rapporteur M. René Dosière, il
s'agit par ces dispositions de mettre en place une
" direction
collégiale "
de la région, objectif qui ne peut que
susciter des
réserves.
C'est pourquoi, votre commission des Lois vous soumet un
amendement de
suppression
de
l'article 22 ter.
Article 22 quater
(article L. 4231-3 du code
général des collectivités territoriales)
Obligation
pour le président d'accorder des
délégations
Ajouté par l'Assemblée nationale sur la
proposition de
sa commission des Lois et contre l'avis du gouvernement, cet article tendait
à modifier
l'article L. 4231-3
du code
général des collectivités territoriales, afin de rendre
obligatoires les délégations d'une partie des fonctions du
président aux vice-présidents.
En vertu du présent article, la délégation d'une partie de
ses fonctions par le président du conseil régional aux
vice-présidents serait devenue
obligatoire
. Elle serait
restée facultative, en cas d'empêchement de ces derniers, pour
bénéficier à d'autres membres du conseil régional,
lesquels devraient obligatoirement faire partie de la commission permanente.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a en définitive
renoncé à cette disposition sur la proposition de sa commission
des Lois qui s'est ainsi rangée à l'analyse de votre commission
des Lois, laquelle avait notamment fait valoir qu'une telle disposition
n'était pas compatible avec le régime traditionnel des
délégations qui repose au contraire sur le
libre choix
du
président du conseil régional,
seul organe exécutif de
la région
.
Votre commission des Lois vous propose en conséquence de
maintenir
cette
suppression
de l'
article 22 quater.
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 23
(tableau n° 7 annexé au code
électoral)
Coordination
Votre
rapporteur a exposé que l'effectif des conseils régionaux,
fixé par le tableau n° 7 annexé au code
électoral, ne serait pas modifié par le projet de loi (voir
commentaire sur l'article 2).
L'article 23 tend à coordonner l'intitulé du tableau et
celui de sa dernière colonne avec l'institution d'une circonscription
régionale.
L'intitulé du tableau n° 7, " effectif des conseils
régionaux et répartition des sièges entre les
départements ", deviendrait " effectif des conseils
régionaux et répartition des conseillers régionaux entre
les collèges électoraux chargés de l'élection des
sénateurs dans les départements ".
Le titre de la dernière colonne du tableau n° 7,
" conseillers régionaux élus dans le
département " serait remplacé par " nombre de
conseillers régionaux à désigner pour faire partie du
collège électoral sénatorial des
départements ".
En conséquence de la participation au collège électoral
des conseillers appartenant à la section départementale
concernée, il conviendrait de prévoir par
amendement
que
la dernière colonne du tableau n° 7 concerne l'effectif des
conseillers régionaux dans chaque section départementale.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 23 ainsi
modifié
.
Article 24
Entrée en vigueur de la
loi
Cet
article, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, prévoit que l'article 1er du projet
de loi entrerait en vigueur pour le premier renouvellement des conseils
régionaux suivant la publication de la loi.
La réduction de six à cinq ans de la durée du mandat
des conseillers régionaux
, objet de cet article 1er,
serait donc
appliquée aux conseillers régionaux élus en 2004
, ceux
élus en mars dernier accomplissant un mandat de six ans.
On remarquera que, comme en première lecture et malgré les
observations de votre rapporteur, l'Assemblée nationale n'a pas
songé à reporter en 2004 la réduction de la durée
du mandat des conseillers à l'Assemblée de Corse, proposée
par l'article 15 du projet de loi, ce qui provoquerait une
différence de traitement injustifiée entre les conseillers
régionaux et les conseillers à l'Assemblée de Corse.
Il convient aussi de souligner que l'entrée en vigueur
immédiate des dispositions concernant le mode de scrutin pour
l'élection des conseillers régionaux -qui résulterait de
l'absence de report explicite de l'application- aurait pour conséquence
que des élections régionales organisées -pour quelle que
cause que ce soit- dans une région avant l'échéance
prévue de 2004 appliqueraient le nouveau mode de scrutin.
Dans cette hypothèse, coexisteraient des conseils régionaux
élus selon des modalités différentes.
Cette situation apparaît inacceptable à votre commission des Lois
qui s'interroge sur la constitutionnalité de la coexistence
éventuelle de conseils régionaux élus selon des modes de
scrutin différents.
La nouvelle rédaction de l'article 24 du projet de loi que vous propose
votre commission par
amendement
prévoirait donc le report de
l'application des dispositions électorales de ce texte jusqu'au prochain
renouvellement des conseils régionaux, soit en 2004.
Elle abroge, en outre la procédure d'adoption sans vote du budget
régional, issue de la loi du 7 mars 1998, à compter de la date du
prochain renouvellement général des conseils régionaux.
Vote commission des Lois vous soumet
l'article 24 ainsi
rédigé.
*
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
1
Article 45 de la
Constitution
: " Tout projet ou proposition de loi est
examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en
vue de l'adoption d'un texte identique.
" Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux
assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être
adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le
Gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture
par chacune d'entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer
la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer
un texte sur les dispositions restant en discussion.
" Le texte élaboré par la commission mixte peut être
soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun
amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement.
" Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte
commun ou si ce texte n'est pas adopté dans les conditions
prévues à l'alinéa précédent, le
Gouvernement
peut
, après une nouvelle lecture par
l'Assemblée nationale et par le Sénat, demander à
l'Assemblée nationale de statuer définitivement.
En ce cas,
l'Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré
par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle,
modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements
adoptés par le Sénat
. "