PPL sur la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord
FISCHER (Guy)
RAPPORT 521 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
-
TRAVAUX DE LA COMMISSION
- I. UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE
- II. UNE MESURE ATTENDUE
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article premier
(Art. L. 351-8-1 nouveau du code de la sécurité sociale)
Ouverture d'un droit à la retraite anticipée
pour les anciens combattants d'Afrique du Nord,
chômeurs en fin de droit et ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse -
Art. 2
(Art. L. 135-2 du code de la sécurité sociale)
Financement de la mesure par le fonds de solidarité vieillesse -
Art. 3
Validation des durées de services en
Afrique du Nord pour l'assurance vieillesse -
Art. 4
Modalités d'application -
Art. 5
Compensation financière
-
Article premier
-
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
N°
521
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juin 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Robert PAGÈS, Guy FISCHER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit , justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord ,
Par M.
Guy FISCHER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean-Patrick Courtois, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, Louis Grillot, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Basile Tui, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir le
numéro
:
Sénat
:
390
(1997-1998).
|
|
Anciens combattants et victimes de guerre. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 24 juin 1998, sous la
présidence
de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à
l'examen du rapport
de
M. Guy
Fischer
sur la
proposition de loi n° 390
(1997-1998) de M.
Robert Pagès, tendant à
accorder la retraite
anticipée
pour les anciens combattants chômeurs en fin de
droit, justifiant de
quarante années de cotisations diminuées
du temps passé en Afrique du nord.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a d'abord indiqué que la présente
proposition de loi visait à accorder aux anciens combattants d'Afrique
du nord qui sont chômeurs en fin de droit une retraite anticipée
dès lors qu'ils justifient de quarante années de cotisations
à l'assurance vieillesse. Il a souligné qu'une telle mesure
pourrait intéresser 15.000 personnes.
Il a observé que ce texte s'inscrivait dans le long débat que la
commission des affaires sociales avait entretenu, depuis près de quinze
ans, sur la question de la retraite anticipée des anciens combattants
d'Afrique du nord.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a estimé que le dispositif
proposé ne pouvait être apprécié à sa juste
valeur, sans un bref retour en arrière sur les débats
passés.
Il a rappelé que la loi du 21 novembre 1973 permettait aux anciens
combattants et aux victimes de guerre de prendre leur retraite entre 60 et
65 ans en bénéficiant du taux plein qui leur aurait
été reconnu à 65 ans, mais que l'ordonnance de 1982, en
instituant la retraite à 60 ans, avait mis fin à l'avantage
relatif qui avait été consenti jusqu'alors aux anciens
combattants.
Il a, à cet égard, insisté sur le fait que les
associations d'anciens combattants d'Afrique du nord, réunis dans le
Front Uni, avaient alors légitimement fait valoir que la
troisième génération du feu se trouverait placée,
au moment de l'âge de la retraite, dans une situation moins favorable que
celle de ses aînés.
Il a également rappelé que de nombreuses propositions de loi
avaient été déposées à partir de 1985 par
des parlementaires issus de tous les groupes politiques du Sénat,
tendant à rétablir le bénéfice de la retraite
anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du nord. Il a notamment
insisté sur une proposition de loi de la commission rapportée par
M. Jean-Pierre Fourcade, qui s'était vu opposer l'article 40 en
séance publique en 1991.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a néanmoins souligné que la
question de la retraite anticipée avait été
profondément renouvelée depuis cette date.
Il a d'abord rappelé qu'une commission tripartite,
présidée par M. Chadelat, avait procédé en
1996 à l'évaluation du coût d'une retraite anticipée
pour tous les anciens combattants d'Afrique du nord, concluant à un
coût net total cumulé de 151 milliards de francs.
Il a également rappelé que de nombreuses mesures de
solidarité avaient été instaurées, le plus souvent
à la demande du Parlement, en faveur des anciens combattants d'Afrique
du nord.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a particulièrement insisté sur
deux mesures.
Il a ainsi observé que la loi du 3 janvier 1995, qui obligeait certains
anciens combattants d'Afrique du nord à prendre leur retraite
après 60 ans, avait réintroduit le principe de l'avantage
relatif en octroyant aux anciens combattants des réductions forfaitaires
de durée de cotisation, en fonction du temps passé en Afrique du
nord.
Il a également insisté sur le rôle du fonds de
solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du nord
créé par la loi de finances pour 1992, puis modifié par
les lois de finances pour 1995, 1996, 1997 et 1998, en remarquant que ce fonds
avait pour vocation de verser une aide publique aux anciens combattants les
plus en difficulté.
Il a indiqué que le fonds versait trois types d'aides : une allocation
différentielle, une allocation de préparation à la
retraite et, depuis la loi de finances pour 1998, une allocation
différentielle majorée à 5.600 francs pour les
chômeurs en fin de droit ayant cotisé pendant quarante
annuités.
Il a précisé que 37.700 anciens combattants
bénéficiaient du soutien du fonds de solidarité.
Revenant au dispositif proposé par la proposition de loi,
M. Guy
Fischer, rapporteur,
a estimé qu'il s'agissait d'un texte à
la fois nécessaire, attendu et raisonnable.
Il a, en premier lieu, insisté sur le caractère nécessaire
de ce texte en rappelant les difficultés particulières
d'insertion sociale et professionnelle des anciens combattants d'Afrique du
nord et en soulignant les lacunes des dispositifs de solidarité
existants.
A cet égard, il a précisé que la loi du 3 janvier 1995
n'avait finalement concerné que 1.300 personnes en 1995 et 1996.
Il a également analysé les lacunes du fonds de solidarité
en rappelant que les aides versées étaient plafonnées
à un niveau très bas : 4.600 francs pour l'allocation
différentielle, 5.600 francs pour l'allocation différentielle
" équivalente " à une retraite anticipée,
7.100 francs pour l'allocation de préparation à la retraite.
Il a alors estimé que l'allocation différentielle n'était
qu'un minimum social supplémentaire tandis que l'allocation
différentielle majorée et l'allocation de préparation
à la retraite n'étaient que des substituts très
insuffisants à une réelle retraite anticipée.
Il a rappelé que seuls 38.000 personnes bénéficiaient du
soutien du fonds, alors que 140.000 anciens d'Afrique du nord connaissent des
situations difficiles.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a ensuite affirmé que ce texte
était attendu.
Il a ainsi estimé que le versement d'une retraite anticipée aux
anciens d'Afrique du nord chômeurs en fin de droit constituerait un
début de reconnaissance de la Nation envers tous les anciens combattants
d'Afrique du nord tout en permettant de répondre à un certain
nombre de cas difficiles. Il a insisté sur le passage d'une logique
d'assistanat à une logique de droit proposée par le
présent texte.
Il a considéré qu'une telle mesure devenait très urgente
car, en 2002, les anciens combattants d'Afrique du nord ayant tous atteint
l'âge de 60 ans, la notion même de retraite anticipée
n'aurait alors plus de signification.
Il a ensuite rappelé les engagements du Gouvernement en regrettant que
l'allocation différentielle majorée, instituée par la loi
de finances pour 1998, reste d'ampleur très limitée.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a ensuite estimé la proposition de
loi raisonnable et réaliste.
Il a souligné qu'elle ne proposait pas un bouleversement total de la
législation régissant les retraites des anciens combattants mais
qu'elle visait simplement à apporter une réponse adaptée
aux lacunes des mesures de solidarité existantes, tout en reconnaissant
enfin le droit à une retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du nord les plus en difficulté.
Il a insisté sur le caractère ciblé de la mesure qui
s'adressait aux seuls chômeurs en fin de droit justifiant de quarante
annuités de cotisations vieillesse ; il a observé que ces
personnes étaient incontestablement celles qui avaient le plus besoin
d'une retraite anticipée car elles risquaient de ne plus retrouver
d'emploi mais aussi, parce que, ayant cotisé quarante ans, elles avaient
commencé à travailler très tôt, dès 14 ou 15
ans, dans des conditions souvent très pénibles.
Il a également insisté sur l'amélioration de la situation
financière des intéressés qu'entraînerait cette
mesure car, dans la plupart des cas, une pension de retraite complète
(régimes de base et régimes complémentaires) leur
garantirait un revenu supérieur à ce qu'ils touchent
actuellement. Il a ainsi précisé que, pour une personne percevant
en fin de carrière le salaire médian, la pension de retraite
serait de 8.093 francs.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a également indiqué qu'il
s'agissait d'une mesure souple car optionnelle. Il a précisé que
ce texte n'ouvrait le droit à la retraite anticipée qu'à
la demande de l'intéressé car, dans certains cas, les aides
versées pourraient être supérieures à la pension de
vieillesse.
Il a estimé que la charge financière restait très
supportable ; il a ainsi évalué le coût brut total de la
mesure à 1,3 milliard de francs sur quatre ans, en ce qui concerne
les régimes de base. Il a précisé que le coût net
total serait bien inférieur car cette charge nouvelle se substituerait
à des charges déjà existantes : aides versées par
le fonds de solidarité, minima sociaux.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a ensuite insisté sur la question des
régimes complémentaires en estimant nécessaire que le
Gouvernement engage, si la présente proposition de loi était
adoptée définitivement, une négociation avec ces
régimes complémentaires pour que le dispositif s'applique au plus
vite aux retraites complémentaires.
S'agissant de la compensation de la mesure, nécessaire au regard de la
procédure de recevabilité financière de la proposition de
loi, il a proposé que le fonds de solidarité vieillesse, qui a
pour vocation de prendre en charge les mesures relevant de la solidarité
nationale, prenne à sa charge les dépenses supplémentaires
des régimes de base et que, pour compenser ces charges, les droits sur
les alcools qui constituent l'une des ressources du fonds de solidarité
vieillesse, soient majorés à due concurrence.
M. Guy Fischer, rapporteur,
a enfin estimé que ce texte ne
constituait qu'un premier pas dans le sens d'une meilleure reconnaissance d'un
droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants
d'Afrique du Nord qui permettrait de libérer des postes de travail pour
les jeunes ou pour les demandeurs d'emplois.
En conséquence, il a jugé souhaitable que la présente
proposition de loi, qui s'adresse aux chômeurs, soit prolongée par
un effort particulier pour les anciens combattants encore en activité et
notamment pour ceux qu'une durée insuffisante d'assurance validée
empêche de prendre leur retraite à 60 ans ou pour ceux encore
qui sont exclus du bénéfice de l'allocation de remplacement pour
l'emploi (ARPE) pour ne pas avoir cotisé 160 trimestres.
M. Marcel Lesbros
a rappelé que cette proposition de loi
s'inscrivait dans la continuité des travaux que menait la commission
depuis dix ans. Il a regretté que, pour les anciens combattants
d'Afrique du nord, les questions budgétaires aient toujours primé
sur le principe du droit à réparation.
Il a insisté sur l'urgence d'une telle mesure car, à partir de
2002, les anciens combattants auront tous atteint l'âge de la retraite.
Il s'est déclaré favorable à la proposition de loi qui
constitue une avancée sensible en faveur des anciens combattants tout en
restant budgétairement acceptable. Il a également jugé que
ce texte substituait une logique de réparation à une logique
d'assistanat.
M. Jean Madelain
a, à son tour, jugé que cette proposition
de loi reprenait des dispositions d'anciennes propositions de loi contre
lesquelles le Gouvernement avait invoqué l'article 40. Il s'est
déclaré favorable à la présente proposition car
elle était ciblée sur les anciens combattants les plus en
difficulté. Il s'est enfin interrogé sur la fiabilité des
données en matière d'évaluation du nombre de
bénéficiaires potentiels.
Mme Gisèle Printz
a indiqué que les représentants
du groupe socialiste s'abstiendraient sur le texte proposé.
Mme Joëlle Dusseau
a partagé les observations de MM. Marcel
Lesbros et Jean Madelain, en soulignant que la mesure proposée
était une mesure de justice sociale.
M. Jean Chérioux
s'est à son tour déclaré
favorable aux conclusions du rapporteur tout en s'interrogeant sur la nature et
l'importance de la compensation financière dont elle était
assortie.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que les
systèmes d'assistance généralisée n'étaient
pas bons. Il a souligné, à cet égard, les lacunes du fonds
de solidarité, en remarquant que certains anciens combattants ne
pouvaient bénéficier de l'allocation de préparation
à la retraite, car ils étaient réticents à
percevoir l'allocation différentielle, synonyme d'assistance à
leurs yeux.
Il a également considéré que la mesure proposée
risquait d'entraîner des difficultés pour les régimes
complémentaires, qui connaissent déjà une situation
financière fragile.
Dans ce contexte et compte tenu de la position qui sera adoptée par le
Gouvernement à l'égard de la proposition de loi, il a jugé
qu'il serait souhaitable d'interroger le ministre sur la perspective d'une
suppression, pour les chômeurs en fin de droit ayant cotisé
pendant quarante annuités, de la condition préalable d'un passage
de six mois par le stade de l'allocation différentielle pour
bénéficier de l'allocation de préparation à la
retraite.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a estimé qu'une telle
mesure permettrait de sortir de la logique d'assistanat inhérente
à l'allocation différentielle, tout en permettant à ces
personnes de bénéficier d'une allocation comprise entre 5.600 et
7.177 francs, sans pour autant entraîner de charge pour les
régimes complémentaires.
Répondant à M. Marcel Lesbros,
M. Guy Fischer, rapporteur,
a confirmé que le texte étudié s'inscrivait dans la
continuité des propositions de loi déposées depuis 1985
par des parlementaires de tous les groupes politiques. Il a également
souligné qu'une proposition identique signée par des membres des
groupes communiste, de l'Union pour la démocratie française (UDF)
et du Rassemblement pour la République avait été
déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale.
En réponse à Mme Gisèle Printz,
M. Guy Fischer,
rapporteur,
a insisté sur le fait qu'une retraite anticipée
pour les anciens combattants en activité aurait un effet sur l'emploi.
Il a souhaité que le Gouvernement présente, dans le projet de loi
de finances pour 1999, des mesures permettant d'étendre l'allocation de
remplacement pour l'emploi (ARPE) aux anciens combattants, même s'ils ne
justifiaient pas de quarante annuités de cotisations.
En réponse à M. Jean Chérioux, il a indiqué que la
compensation financière impliquait une hausse de l'ordre de 3 % en
moyenne sur quatre ans des droits sur les alcools. Il a précisé
que cette compensation était formellement nécessaire pour des
raisons de procédure au regard de la recevabilité
financière de la proposition de loi.
M. Guy Fischer, rapporteur,
s'est également déclaré
favorable à la proposition de réforme de l'allocation de
préparation à la retraite présentée par M.
Jean-Pierre Fourcade, président.
La commission a alors décidé de prendre en considération
la proposition de loi rapportée par M. Guy Fischer.
Elle a ensuite procédé à l'examen du dispositif
proposé par le rapporteur.
A
l'article premier
, qui pose le principe d'un droit à la
retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du nord,
à la double condition qu'ils soient chômeurs en fin de droit et
qu'ils justifient de quarante annuités de cotisations, la commission a
approuvé les conclusions du rapporteur.
La commission a également approuvé les conclusions du rapporteur
sur
l'article 2
, qui charge le fonds de solidarité vieillesse de
compenser les dépenses nouvelles pesant sur les régimes de
retraite de base.
A
l'article 3
, qui permet de valider les périodes de services en
Afrique du nord entre 1952 et 1962 comme période de cotisation à
l'assurance vieillesse, la commission a approuvé les conclusions du
rapporteur.
La commission a adopté, sur proposition de son président, une
nouvelle rédaction de
l'article 4
, qui renvoie à un
décret les modalités d'application du texte.
A
l'article 5
, qui instaure une majoration des droits de consommation
sur les alcools comme compensation financière, la commission, sur
proposition de M. Jean Madelain, a adopté une nouvelle rédaction
de l'article, précisant que la majoration n'était que temporaire
puisque la charge entraînée par la proposition de loi était
elle-même limitée dans le temps.
La commission
a approuvé les conclusions du rapporteur ainsi
amendées sur la proposition de loi n° 390
(1997-1998) tendant
à accorder la
retraite anticipée
pour les
anciens
combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante
années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique
du nord.
Mesdames, Messieurs,
Entre 1952 et 1962, environ 2,4 millions de soldats français ont
participé à ce qu'il est convenu d'appeler des opérations
de maintien de l'ordre qui présentent toutes les caractéristiques
d'opérations militaires, en dépit de réelles
spécificités.
Parmi eux, 30.000 furent tués, 300.000 sont revenus blessés ou
malades et beaucoup d'autres ont été durement marqués par
l'expérience des combats en Afrique du Nord.
Il est légitime que la reconnaissance et la solidarité de la
Nation s'exercent au profit des anciens combattants d'Afrique du Nord, de la
même manière qu'elles se sont exercées au profit des
générations combattantes antérieures. A cet égard,
la loi du 31 mars 1919 pose les principes de la reconnaissance de la Nation et
du droit à la réparation pour les anciens combattants, dans le
cadre d'un traitement d'égalité entre les
générations.
Or, il existe actuellement une inégalité de traitement
évidente. Alors que les deux premières générations
combattantes ont bénéficié d'un droit à la retraite
anticipée, les anciens combattants d'Afrique du nord restent exclus de
ce droit.
La reconnaissance de la Nation à l'égard de ceux qui ont
donné leur jeunesse et leur courage ne doit pas rester un vain mot. Elle
doit aujourd'hui s'exprimer dans des mesures concrètes de
solidarité.
Cette exigence se double également d'une urgence. En 2002, les anciens
combattants d'Afrique du Nord auront tous atteint l'âge de la retraite.
La retraite anticipée n'aura donc plus de signification.
La présente proposition de loi cherche à exprimer la
solidarité de la Nation pour les anciens combattants d'Afrique du Nord
qui connaissent les situations les plus difficiles. Elle vise à offrir
aux anciens combattants d'Afrique du Nord qui sont chômeurs en fin de
droit et qui ont cotisé pendant au moins 160 trimestres aux
régimes d'assurance vieillesse une possibilité de retraite
anticipée, avant l'âge de soixante ans.
Environ, 15.000 personnes pourraient bénéficier de cette mesure
de solidarité minimale.
I. UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE
A. LA MISE EN OEUVRE DIFFICILE D'UN DROIT À LA RETRAITE ANTICIPÉE POUR LES ANCIENS COMBATTANTS D'AFRIQUE DU NORD
La
présente proposition de loi ne vise pas à instaurer un droit
à la retraite anticipée pour tous les anciens combattants. Le
coût financier d'une telle mesure apparaît trop lourd.
Elle propose en revanche une mesure ciblée sur les anciens combattants
les plus en difficulté : les chômeurs en fin de droit ayant
cotisé au moins 160 trimestres à l'assurance
vieillesse.
1. Le droit à la retraite anticipée constitue une revendication ancienne du monde combattant1( * )
Le droit
à la retraite anticipée ne relève pas seulement du domaine
des principes : il a aussi été une réalité entre
1973 et 1982.
Il convient de rappeler à cet égard que la loi
n° 73-1051 du 21 novembre 1973 avait mis en oeuvre ce que l'on a
parfois appelé le principe de " l'avantage relatif " en
autorisant les anciens combattants -de tous les conflits- à prendre leur
retraite entre 60 et 65 ans en bénéficiant d'une pension de
retraite calculée sur la base du taux qui leur aurait été
reconnu à l'âge de 65 ans.
L'ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982, en autorisant le
départ à l'âge de la retraite à 60 ans, a eu pour
effet de mettre fin à l'avantage jusqu'alors consenti à ceux
auxquels la Nation a demandé des sacrifices particuliers dans les
périodes douloureuses de son histoire.
En particulier, les anciens combattants, qui ont participé à ce
qu'il est convenu d'appeler les opérations de maintien de l'ordre en
Afrique du Nord entre 1952 et 1962, ont pu fort légitimement
considérer qu'ils étaient lésés par rapport
à leurs camarades des conflits précédents qui avaient pu
bénéficier de mesures. Il ne fait pourtant nul doute que ces
" opérations de maintien de l'ordre " s'apparentaient,
à plus d'un titre, à de véritables opérations
militaires.
Depuis 1982 et plus encore depuis 1987, date de constitution du Front Uni des
organisations représentatives des anciens combattants en Afrique du
Nord, le retour au principe de l'avantage relatif est une demande constante du
monde combattant.
2. Le coût financier très lourd de la retraite anticipée s'oppose cependant à une mesure généralisée
La mise
en oeuvre de la retraite anticipée se heurte toutefois aux contraintes
budgétaires.
Par décret en date du 9 août 1995, le Premier ministre a
créé une commission tripartite, composée de
représentants du Parlement, du Front Uni et du Gouvernement, qui a
été chargée d'examiner le coût pour l'Etat de la
mise en oeuvre d'une retraite anticipée à taux plein à
l'âge de 60 ans diminué du temps passé sous les drapeaux
par les anciens d'Afrique du Nord.
Cette commission, présidée par M. Jean-François Chadelat,
Directeur du Fonds de solidarité vieillesse, a rendu publiques ses
conclusions en 1996.
Elle a évalué à 151 milliards de francs le coût net
total d'une "
anticipation possible de l'âge de la retraite avant
60 ans en fonction du temps de service en Afrique du Nord
" pour
l'ensemble de la période 1996-2004.
Face à l'énormité de ce coût, même si le Front
Uni a contesté l'évaluation de la commission tripartite, les
gouvernements successifs se sont refusés à mettre en oeuvre la
retraite anticipée pour tous les anciens combattants d'Afrique du Nord.
La commission des Affaires sociales du Sénat s'était d'ailleurs
prononcée, à l'occasion de l'examen de l'avis sur le budget des
anciens combattants pour le projet de loi de finances pour 1997, sur cette
question.
Elle avait alors estimé que "
même si des
différences peuvent légitimement s'exprimer sur les
hypothèses de calcul qui seraient choisies avant de mettre en oeuvre la
retraite anticipée, le chiffre de 151 milliards apparaît
refléter globalement le coût de cette mesure,
considérée dans sa conception la plus large, si elle avait
été mise en oeuvre en 1996
".
Elle s'était alors montrée favorable à la mise en oeuvre
de mesures de solidarité alternatives.
B. L'INTERVENTION DE MESURES DE SOLIDARITÉ ALTERNATIVES
Face
à l'impossibilité d'une mise en oeuvre d'une retraite
anticipée généralisée, les pouvoirs publics ont
privilégié depuis le début des années 1990 des
mesures plus restrictives ou plus ciblées.
Deux types de mesures ont ainsi été mises en place en
matière de retraite pour les anciens combattants d'Afrique du
Nord.
1. Une mesure générale : la loi du 3 janvier 1995
La
loi n° 95-5 du 3 janvier 1995 relative à la pension de
vieillesse des anciens combattants d'Afrique du Nord
avait un double objet.
D'une part, elle visait à éviter que la mise en oeuvre de la
mesure d'allongement de la durée minimale de cotisation pour l'obtention
d'une retraite à taux plein, introduite en 1993, ait pour
conséquence d'obliger certains anciens combattants d'Afrique du Nord
à prendre leur retraite après 60 ans.
D'autre part, elle réintroduisait le principe de l'avantage relatif en
octroyant aux anciens combattants des réductions forfaitaires de
cotisations, dérogatoires au droit commun. Elle se présentait
donc comme une contrepartie au refus de mise en oeuvre de la retraite
anticipée.
Le dispositif prévu par la loi du 3 janvier 1995 (1)
Les
anciens combattants ayant accompli des services militaires actifs au titre des
obligations légales en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le
2 juillet 1962, bénéficient d'une réduction des
durées d'assurance et des périodes reconnues équivalentes
requises pour toucher une retraite à taux plein. Cette réduction
est fonction du temps passé en Afrique du Nord.
Les services obligatoires visés sont ceux qui ont été
accomplis :
- soit dans le cadre de la durée légale du service militaire
alors fixée à dix-huit mois ;
- soit au titre des mesures de maintien ou de rappel sous les drapeaux.
Les services d'une durée inférieure à dix-huit mois
n'ouvrent droit à aucune réduction.
Les dix-huit premiers mois de services ouvrent droit à une
réduction forfaitaire d'un trimestre
de cotisations.
Les périodes
au-delà des dix-huit premiers mois
sont
prises en compte intégralement et donnent lieu à une
réduction égale à leur durée exprimée en
trimestres. Toutefois, les services accomplis à la suite d'un
rappel
sous les drapeaux
ouvrent droit à une réduction dès le
premier trimestre de rappel, sans que le minimum de dix-huit mois soit
applicable.
Pour les services accomplis au-delà des dix-huit premiers mois ou
à la suite d'un rappel sous les drapeaux, la réduction en nombre
de trimestres est calculée en divisant le nombre de jours de service
militaire actif en Afrique du Nord par 90, le résultat étant
arrondi, le cas échéant, au trimestre supérieur.
En toute hypothèse, la réduction ne peut avoir pour effet
d'abaisser la durée exigée d'assurance et de périodes
reconnues équivalentes à un nombre de trimestres inférieur
à 150.
(1) Source : avis présenté au nom de la commission des
Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 1997 par M. Marcel
Lesbros.
Mis en place à la suite d'une demande de votre commission lors de la
discussion du projet de loi de finances pour 1994, ce dispositif devait
permettre à 80.000 anciens combattants d'Afrique du Nord de prendre leur
retraite à 60 ans avec une durée d'assurance minorée, quel
que soit leur niveau de revenus.
2. Des mesures en faveur des plus en difficulté : le fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord
Le fonds
de solidarité a été créé par l'article 125
de la loi de finances pour 1992. Il a pour vocation de distribuer une aide
publique aux anciens combattants d'Afrique du Nord les plus en
difficulté.
Il a été modifié par les lois de finances pour 1995, pour
1996, pour 1997 et pour 1998.
Ces modifications ont touché à la fois le champ des
bénéficiaires potentiels et la nature des aides versées.
Le fonds de solidarité
1)
Les bénéficiaires
Initialement réservé au bénéfice des seuls anciens
combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue
durée et âgés de plus de 57 ans, le fonds est
désormais ouvert à tout ancien combattant à trois
conditions :
- avoir participé aux opérations en Indochine ou en Afrique du
Nord ;
- être privé d'emploi depuis plus d'un an ou être en
situation de travail réduit ;
- disposer de ressources personnelles inférieures à 4.614 francs
par mois.
Au 31 avril 1998, 37.675 personnes bénéficiaient du soutien du
fonds de solidarité.
2) Les aides versées
Depuis le 1er janvier 1995, le Fonds de solidarité assure, non pas de
plein droit mais toujours sur demande de l'intéressé, le
versement de deux types d'allocations non cumulables :
-
l'allocation différentielle (AD)
L'AD constitue un complément de ressources spécifiques. Elle
assure à tout bénéficiaire un revenu mensuel minimum
garanti de 4.614 francs par mois au 1er janvier 1998.
L'article 109 de la loi de finances pour 1998 a institué une majoration
spécifique de l'AD pour les chômeurs qui justifient d'une
durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres.
Cet article précise que
"
Afin de leur permettre de
bénéficier d'un revenu équivalent à une retraite
anticipée de 5.600 francs net par mois et par dérogation aux
dispositions précédentes, le montant de l'allocation
différentielle est augmenté à due concurrence au 1er
janvier 1998 pour les chômeurs qui justifient d'une durée
d'assurance vieillesse de 160 trimestres, y compris les périodes
équivalentes et notamment le temps passé en Afrique du
Nord
".
Au 31 avril 1998, 25.800 percevaient l'AD pour un montant moyen de 2.034
francs par mois. Parmi eux, 5.700 bénéficient de la
dérogation instituée à l'article 109
précité.
-
l'allocation de préparation à la retraite (APR)
L'APR constitue un revenu complet servi à titre principal. A la
différence de l'AD, elle est constitutive de droits en matière
d'assurance sociale.
L'APR est attribuée aux personnes qui sont bénéficiaires
de l'AD pendant six mois consécutifs et qui n'exercent aucune
activité professionnelle.
L'APR est égale à 65 % d'un revenu de
référence (le plus souvent la moyenne des revenus mensuels
d'activité professionnelle) et est plafonnée à 7.177
francs par mois au 1er janvier 1998.
L'article 127 de la loi de finances pour 1997 a également
institué un plancher pour l'APR égal à 4.500 francs.
Au 31 avril 1998, 11.900 personnes touchaient l'APR pour un montant moyen de
6.320 francs par mois.
Les deux allocations sont indexées sur les bases mensuelles de calcul
des prestations familiales et sont par conséquent automatiquement et
périodiquement revalorisées.
Les crédits inscrits au titre du chapitre 46-10 "
Fonds de
solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et
d'Indochine
" s'élèvent à 1,574 milliard de
francs pour la loi de finances pour 1998.
C. L'INSUFFISANCE DU CADRE LÉGISLATIF ACTUEL
La mise
en oeuvre de ces mesures de solidarité se présentait comme une
alternative à la retraite anticipée et visait à apporter
un soutien tangible aux anciens combattants les plus en difficulté.
Or, force est de constater que les dispositifs actuels se
révèlent largement insuffisants.
1. Une prise en compte insuffisante des difficultés spécifiques aux anciens combattants d'Afrique du Nord
Les
anciens combattants d'Afrique du Nord rencontrent très souvent des
difficultés spécifiques d'insertion professionnelle et sociale.
Ces difficultés ont une double origine.
D'une part, les anciens combattants d'Afrique du Nord ont subi des traumatismes
dont les effets sont irréversibles. Certains d'entre eux, victimes de
blessures ou de maladies clairement identifiées, ont obtenu le
bénéfice d'une pension militaire d'invalidité. D'autres
non. C'est le cas notamment des victimes de troubles psychiques de guerre dont
la reconnaissance reste imparfaite. Ces personnes éprouvent alors de
grandes difficultés à se maintenir dans la vie active, sans pour
autant bénéficier d'une aide adaptée.
D'autre part, la crise actuelle de l'emploi a aggravé les
difficultés professionnelles des anciens combattants. Ceux-ci,
désormais âgés de plus de 55 ans, sont
particulièrement exposés au risque du chômage. Le rapport
Chadelat estimait ainsi que
25,2 % des anciens combattants d'âge
actif sont au chômage ou en préretraite
.
Or, il ne semble pas que les dispositifs de solidarité existants
puissent répondre avec efficacité à ces difficultés
spécifiques.
2. Les lacunes des dispositifs existants
Les
dispositifs de solidarité mis en place depuis le début des
années 1990 ne répondent qu'imparfaitement aux difficultés
spécifiques des anciens combattants d'Afrique du Nord.
•
La loi du 3 janvier 1995
Si cette loi permet une réduction du nombre de trimestres de cotisations
pour une retraite à taux plein, elle ne concerne que les anciens
combattants ayant déjà atteint 60 ans. Elle laisse donc
entière la revendication d'une retraite anticipée avant 60 ans.
En outre, cette mesure reste d'ampleur très limitée. Elle
n'accorde une réduction qu'à partir de 18 mois de séjour
en Afrique du Nord. Or, la durée moyenne de séjour est de 16 mois
et 22 jours. Le critère d'application est donc très restrictif.
Cela explique que
cette mesure n'a concerné que 1.300 personnes en
1995 et 1996 pour un montant total de 12 millions de francs
, alors que le
nombre de bénéficiaires prévu était de 80.000.
•
Le fonds de solidarité
La mise en place du fonds de solidarité a incontestablement permis une
meilleure prise en charge des anciens combattants dans les situations les plus
difficiles.
Toutefois, l'adaptation continue de ce dispositif par chaque loi de finances
depuis 1995 témoigne de la difficulté d'aboutir à un
dispositif satisfaisant.
En réalité, il ne semble pas que le fonds de solidarité
soit, aujourd'hui, en mesure de répondre à ses objectifs. Le
fonds de solidarité souffre en effet de trois lacunes importantes :
- un plafonnement des aides restrictif et déconnecté des
revenus d'activité
Les aides versées par le fonds de solidarité sont
plafonnées : 4.614 francs pour l'allocation différentielle,
5.600 francs pour l'allocation différentielle spécifique aux
chômeurs ayant cotisé 40 ans, 7.177 francs pour l'allocation
de préparation à la retraite.
Or, ces montants maximum sont le plus souvent inférieurs à la
pension de retraite que pourrait toucher le bénéficiaire si sa
pension était liquidée.
En ce sens, l'AD apparaît finalement comme un minimum social tandis
que l'AD majorée et l'APR ne sont que de maigres substituts à une
réelle retraite anticipée pour les anciens combattants dans les
situations les plus difficiles.
- un nombre de bénéficiaires insuffisant par rapport aux
publics potentiels
Le fonds de solidarité venait en aide à 37.700 personnes au 31
avril 1998.
Or, on peut estimer, à cette date, à 560.000 le nombre d'anciens
combattants d'Afrique du Nord n'ayant pas atteint l'âge de la retraite
(483.000 appelés, 73.000 engagés et 4.000 supplétifs). Sur
cette population, le quart -soit 140.000 personnes- connaissent des situations
difficiles, selon les estimations du rapport Chadelat.
Ainsi, moins du tiers
des bénéficiaires potentiels toucheraient une aide du fonds de
solidarité.
Ce constat se vérifie tout particulièrement pour l'AD
majorée à 5.600 francs pour les chômeurs ayant
cotisé 40 ans, qui ne compte que 5.700 bénéficiaires.
- Une logique fondée sur l'assistanat
Alors que les associations représentatives des anciens combattants
revendiquaient un droit à la retraite anticipée pour ceux qui
connaissent les situations les plus difficiles, les aides versées par le
fonds de solidarité (et notamment l'aide différentielle) ne sont
qu'un "
RMI ancien combattant
" selon les termes du rapport de
l'ONAC pour 1996.
Là où les anciens combattants revendiquaient un droit, une
retraite, on leur accorde une aide sociale.
En instituant une logique d'assistanat, le fonds de solidarité ne
fait donc qu'accroître la stigmatisation des anciens combattants.
Et ce ne sont pas les circonvolutions sémantiques employées par
l'article 109 de la loi de finances pour 1998 (qui évoque un
" revenu équivalent à une retraite
anticipée "
) qui modifient la réalité de cet
assistanat, très mal perçu par les anciens combattants.
La reconnaissance de la Nation, le droit à réparation ne peut
prendre la forme d'une aumône.
II. UNE MESURE ATTENDUE
A. UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE
Le droit
à la retraite anticipée est une revendication constante des
associations représentatives des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Ainsi, le Front Uni, dans sa plate-forme commune de 1987, a formulé une
double revendication : anticipation possible de l'âge de la retraite
avant 60 ans en fonction du temps de service en Afrique du Nord et
fixation à 55 ans de l'âge de la retraite pour les
chômeurs de longue durée.
Mais cette préoccupation ne correspond pas uniquement à une
revendication du seul monde combattant. Elle traduit également les
attentes du Parlement et les engagements du Gouvernement.
1. Une préoccupation constante du Parlement
Depuis
1985, de très nombreuses propositions de loi portant sur la retraite
anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord ont
été déposées sur les bureaux des deux
assemblées. Ces propositions, qui émanent de tous les groupes
politiques, portent sur deux thèmes distincts.
Le premier -le plus large- vise tous les anciens combattants d'Afrique du Nord
qui pourraient bénéficier d'un droit à la retraite
anticipée, la durée d'anticipation étant égale
à la durée du séjour effectué au titre du service
militaire en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
Cependant, la publication du rapport Chadelat, en raison de l'évaluation
qu'il donne du coût d'une telle mesure, en 1996 a eu pour effet de
suspendre le dépôt de proposition de loi visant à instituer
un droit généralisé à la retraite anticipée.
Le second thème ne concerne que les anciens combattants ayant servi en
Afrique du Nord entre 1952 et 1962, qui sont demandeurs d'emploi en fin de
droit. Il s'agit de leur permettre de prendre une retraite anticipée
avec une pension de retraite liquidée au taux normal. L'âge et les
conditions de départ à la retraite sont cependant
légèrement variables selon les propositions.
Au Sénat, 14 propositions de loi ont ainsi été
déposées depuis 1985. Parmi elles, 8 visent spécialement
les anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs en fin de
droit
2(
*
)
.
Or, sur ces 14 propositions, une seule a été examinée en
séance publique.
Le 30 octobre 1991, la commission des Affaires sociales a examiné trois
propositions de loi déposées respectivement par MM. Guy Robert,
Robert Pagès et Claude Pourvoyeur. Après un large débat,
la commission des Affaires sociales a souhaité que ces trois
propositions de loi, proches mais non identiques, soient fusionnées en
une seule, dont les trois sénateurs précités sont les
premiers signataires et à laquelle se sont ralliés un certain
nombre d'autres commissaires appartenant à la quasi-totalité des
groupes du Sénat. M. Jean-Pierre Fourcade en était le
rapporteur.
Cette proposition de loi n° 72 a été examinée le 18
novembre 1991 en séance publique. Mais, à l'issue de la
discussion générale, le Gouvernement a demandé
l'application de l'article 40 de la Constitution, application qui a
été déclarée recevable par la commission des
finances.
2. Les engagements du Gouvernement
Le 8 mai
1997, M. Lionel Jospin, interrogé par le Front Uni, écrivait :
"
Concernant la retraite anticipée pour les anciens combattants
d'Afrique du Nord, nous avons, comme vous le savez, contesté les
conclusions du rapport Chadelat qui était destiné, avant tout,
à vous opposer une fin de non recevoir. Nous devons avoir un dialogue
franc, direct et responsable avec les différentes associations d'anciens
combattants afin d'envisager ce qui peut être effectivement fait.
Dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite
anticipée pour les chômeurs en fin de droit justifiant de
40 annuités de cotisations diminuées du temps passé
en Afrique du Nord. Cette mesure constituerait un début de
reconnaissance envers les anciens combattants d'Afrique du Nord et permettrait
de répondre à un certain nombre de cas difficiles
".
Le 21 octobre 1997, M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux
anciens combattants, rendait publics ses "
40 engagements pour
1998
". Son engagement n° 3 visait à "
mieux
prendre en compte la situation des anciens combattants d'Afrique du Nord au
regard de l'âge de la retraite
". Sur ce sujet, il
précisait que le secrétariat d'Etat "
assumera
lui-même la conduite à terme du dossier relatif aux chômeurs
en fin de droit ayant 40 annuités, dans la mesure où ils
relèvent du Fonds de solidarité. Il recherchera une mesure en
leur faveur leur garantissant au moins une situation matérielle
similaire à la pleine jouissance de leur pension de retraite.
"
Pourtant, malgré ces engagements, le projet de loi de finances pour
1998 ne comportait aucune mesure nouvelle en matière de retraite
anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Alors que la
commission des Affaires sociales du Sénat émettait un avis
défavorable à l'adoption des crédits des anciens
combattants, la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée
nationale n'avait décidé de donner un avis favorable au projet de
budget que sous réserve de l'adoption de trois amendements, l'un d'entre
eux portant justement sur l'ouverture du droit à la retraite
anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de
chômeurs en fin de droit pouvant justifier d'une durée de
cotisation de 40 annuités à l'assurance vieillesse
diminuée du temps passé en Afrique du Nord.
L'article 109 de la loi de finances pour 1998 reste ainsi très en
retrait par rapport aux engagements du Gouvernement :
- il s'agit d'une aide publique et non d'une retraite anticipée ;
- le montant garanti de 5.600 francs est restrictif car il ne tient pas
compte des carrières professionnelles ;
- la mesure, qui devait toucher de 12 à 15.000 personnes selon le
secrétaire d'Etat aux anciens combattants, n'en concerne actuellement
que moins de 6.000.
En ce sens, cet article 109 ne peut constituer qu'une mesure transitoire
dans l'attente d'une véritable réalisation des engagements du
Gouvernement.
B. UNE RÉPONSE AUX LACUNES DES MESURES DE SOLIDARITÉ EXISTANTES
1. Les mesures proposées
La
présente proposition vise à apporter une réponse
adaptée aux lacunes des mesures de solidarité existantes.
Elle
vise à accorder un droit à la retraite anticipée pour les
anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs en fin de droit ou
à activité professionnelle involontairement réduite, qui
justifient de 160 trimestres de cotisations aux régimes d'assurance
vieillesse.
•
Un droit à la retraite anticipée
La mesure proposée ouvre un droit à la retraite anticipée
avant 60 ans.
Ce droit comporte une double caractéristique :
- il rompt avec la logique d'assistanat ;
Les bénéficiaires toucheront non pas une aide publique, mais une
véritable retraite liquidée par anticipation et versée par
les régimes de retraite. Ce droit, comme toute pension de vieillesse, ne
sera donc pas d'un montant forfaitaire, mais sera fonction des cotisations
versées et donc des revenus d'activité professionnelle
passés.
La pension versée inclut à la fois les prestations versées
par les régimes de base et les régimes complémentaires.
Elle est liquidée au taux normalement applicable à 60 ans.
- il s'agit d'un droit facultatif ;
Il appartient aux seuls bénéficiaires potentiels de demander la
liquidation anticipée. Il s'agit donc d'une faculté et non d'un
droit.
Ce caractère facultatif est destiné à garantir une
meilleure protection des bénéficiaires potentiels. Dans certains
cas, et notamment pour les anciens combattants qui ont eu des revenus
d'activité très faibles, les mesures de solidarité
existantes leur garantissent un revenu supérieur à la pension
qu'ils pourraient obtenir. Il est donc souhaitable que ces personnes puissent
continuer à bénéficier de ces mesures de solidarité.
•
Les bénéficiaires
Ce droit à la retraite anticipée est ouvert à toute
personne, sous réserve de trois conditions :
- avoir participé, sous l'autorité de la
République française, aux opérations effectuées en
Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
Cette définition, volontairement large, fondée sur un double
critère territorial et temporel, ouvre le droit à la retraite
anticipée à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord : les
engagés, les appelés, les ex-supplétifs (harkis).
En pratique, deux catégories d'anciens combattants ne sont pas ici pris
en compte : les rappelés et les militaires de carrière. Les
rappelés ont tous dépassé l'âge de la retraite et ne
peuvent donc être visés par la mesure. Les militaires de
carrière bénéficient déjà de la
possibilité d'obtenir une pension de retraite avant 60 ans, après
15 ans (sous-officiers) ou 25 ans (officiers) de service militaire.
Une telle définition permet donc une prise en compte bien plus
exhaustive des anciens combattants d'Afrique du Nord que ne le ferait un
critère fondé sur l'attribution de la carte d'Ancien combattant
ou du Titre de reconnaissance de la Nation.
Les auteurs de la proposition de loi avaient souhaité reconnaître
officiellement l'état de guerre pour le conflit algérien en
proposant de conserver la rédaction initiale qui mentionnait
"
les engagements du Maroc, de la Tunisie et de la guerre
d'Algérie
".
Votre commission, soucieuse d'éviter que de nouvelles questions d'ordre
juridique ne viennent interférer avec l'objet même de la mesure
proposée -à savoir le droit à la retraite
anticipée-, a préféré retenir la
référence aux "
opérations effectuées en
Afrique du Nord
" telle qu'elle apparaît dans la loi du 9
décembre 1974.
- être chômeur en fin de droit.
L'ouverture du droit à la retraite anticipée est limitée
aux seuls chômeurs en fin de droit. Il s'agit, en pratique,
essentiellement des allocataires de l'ASS ou du RMI qui peuvent être
également bénéficiaires du fonds de solidarité.
Cette ouverture, relativement restrictive, doit cependant être
considérée comme un premier pas. A l'avenir, il serait
souhaitable d'étendre ce droit aux salariés âgés en
situation très précaire.
De plus, votre rapporteur insiste sur la nécessité
ultérieure d'étendre ce droit à la retraite
anticipée aux non-salariés qui ne peuvent prétendre
à une indemnité de chômage et qui sont parfois dans
l'obligation de poursuivre leur activité par un revenu souvent
très inférieur au SMIC. Il s'agit notamment de certains
exploitants agricoles, de commerçants ou d'artisans.
- avoir cotisé pendant 160 trimestres au régime de base
obligatoire d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues
équivalentes
Cette mesure, qui est avant tout une mesure de solidarité, cible en
priorité les personnes qui ont commencé à travailler
tôt, parfois dès l'âge de 14 ou 15 ans, le plus souvent dans
l'industrie.
Or, ayant commencé à travailler plus précocement que leurs
cadets, astreints à des tâches souvent plus pénibles, ces
salariés sont aussi ceux qui ont le moins de chance de retrouver un
emploi après un licenciement.
Votre commission rappelle également que les périodes de service
militaire légal accomplies en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 sont
d'ores et déjà assimilées à des périodes
d'assurance pour le calcul des pensions de vieillesse du régime
général sans condition d'affiliation préalable, comme le
précise l'article L. 161-9 du code de la sécurité sociale.
La loi du 3 janvier 1995 prévoit également une réduction
des durées d'assurances pour les anciens combattants qui ont
séjourné plus de 18 mois en Afrique du Nord.
Votre commission n'a donc pas jugé opportun d'accorder une bonification
supplémentaire de trimestres d'assurance correspondant au temps
passé en Afrique du Nord.
2. Une amélioration sensible des dispositifs de solidarité existants
Cette
mesure présente une double amélioration des dispositifs existants.
Sur le plan des principes d'abord, elle traduit la solidarité de la
Nation en reconnaissant enfin, même si c'est de manière
limitée, le droit à la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Cette mesure pourrait ainsi toucher environ 15.000 anciens combattants
d'Afrique du Nord.
Au 1er janvier 1999, 390.000 anciens combattants d'Afrique du Nord n'auront pas
encore atteint l'âge de 60 ans (325.000 appelés, 60.000
engagés, non harkis). Parmi eux, 25 % sont chômeurs ou
préretraités
3(
*
)
. On estime
généralement que 15 % de la classe d'âge aura
cotisé pendant plus de 40 ans ou plus avant d'atteindre l'âge de
la retraite. Le nombre de bénéficiaires potentiels maximum serait
donc de 15.000 personnes.
Sur le plan financier ensuite, une très large partie de ces personnes
devrait bénéficier d'une amélioration de leur situation
financière.
Actuellement, les bénéficiaires potentiels de la mesure peuvent
toucher les revenus mensuels suivants :
- RMI : 2.429,92 francs pour une personne seule ;
- ASS : 3.252,90 francs ;
- AD : 4.614 francs ;
- AD majorée : 5.600 francs ;
- APR : 7.177 francs maximum.
Or, une enquête de la caisse nationale d'assurance vieillesse a
montré que, pour un homme né en 1940, la pension de retraite
moyenne était égale à 70 % du dernier
salaire
4(
*
)
.
Dès lors, pour une personne touchant en fin de carrière le
salaire médian, sa pension de retraite serait de 8.093 francs.
Il en résulte que la mise en oeuvre de la retraite anticipée se
traduirait, en moyenne, par une amélioration sensible de la situation
financière des bénéficiaires.
En revanche, le fonds de solidarité garde une justification : il
continuera de servir de " filet de sécurité " pour les
personnes ayant eu les revenus d'activité les plus faibles. Ainsi, un
homme ayant toujours touché le SMIC n'aurait une retraite
anticipée que de 4.464 francs mensuels, soit moins que le niveau de l'AD
majorée.
C. UN DISPOSITIF ADAPTÉ AU CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ACTUEL
1. Un dispositif coordonné avec l'évolution de la politique de l'emploi
Depuis
quelques années, la politique de l'emploi cherche à apporter une
réponse spécifique aux difficultés des chômeurs
âgés.
Les chômeurs âgés sont en effet ceux qui ont le moins de
chance de retrouver un emploi. Deux enquêtes récentes ont
confirmé ce constat.
Selon l'enquête emploi de l'INSEE de mars 1997, 58,9 % des
chômeurs âgés de 50 ans ou plus sont au chômage depuis
plus d'un an, contre 38,9 % en moyenne nationale.
Une récente enquête du commissariat général au
Plan
5(
*
)
a montré qu'en 1996 les
chômeurs de plus de 50 ans étaient en moyenne au chômage
depuis 24,8 mois, soit plus de deux ans, alors que cette durée
était de 15,3 mois en moyenne pour les chômeurs
âgés de 25 à 49 ans.
Face à cette situation, la Nation a affiché sa solidarité
avec les chômeurs âgés de plus de 55 ans ayant cotisé
pendant 160 trimestres. Trois dispositifs ciblés sur ce public ont
été mis en place depuis 1995 : l'ARPE, l'ACA et l'ASA.
•
L'allocation de remplacement pour l'Emploi (ARPE)
L'accord UNEDIC du 6 septembre 1995 a permis la mise en oeuvre d'un
mécanisme original " d'activation des dépenses passives du
chômage ".
Cet accord, reconduit en 1996 et 1997, permet aux salariés qui ont
cotisé 40 ans et plus à la sécurité sociale de
mettre fin à leur activité professionnelle et de
bénéficier de l'ARPE égale à 65 % de leur
salaire de référence, sous réserve de l'engagement de leur
entreprise de procéder à des embauches en contrepartie.
Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 90.000 personnes avaient
bénéficié de l'ARPE à la fin 1997.
•
L'allocation chômeurs âgés (ACA)
Aux termes de la convention UNEDIC du 1er janvier 1997, les allocataires du
régime d'assurance chômage qui justifient de 160 trimestres
validés par l'assurance vieillesse au titre des régimes
obligatoires du régime général de la
sécurité sociale, peuvent bénéficier de l'ACA
jusqu'à l'âge de 60 ans.
Le montant de l'ACA est égal à celui de l'allocation unique
dégressive (AUD), mais elle ne subit pas de coefficient dégressif.
Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 54.000 entrées ont
été enregistrées. Le montant moyen de l'ACA est de 7.726
francs par mois.
•
L'allocation spécifique d'attente (ASA)
La loi n° 98-285 du 17 avril 1998 a créé l'ASA. Peuvent
en bénéficier les bénéficiaires de l'ASS ou du RMI
justifiant, avant soixante ans, de 160 trimestres de cotisations d'assurance
vieillesse.
L'ASA, d'un montant de 1.750 francs par mois, s'ajoute à l'ASS ou au
RMI, sans que le montant total des ressources du bénéficiaire ne
puisse être inférieur à 5.000 francs par mois.
La présente proposition de loi est en totale cohérence avec
cette nouvelle orientation de la politique de l'emploi.
Elle offre une nouvelle solution pour répondre aux difficultés
spécifiques de réinsertion professionnelle des chômeurs
âgés ayant cotisé pendant plus de 40 ans et qui, n'ayant
pas encore atteint l'âge de la retraite tout en ayant travaillé
longtemps dans des conditions souvent très pénibles, ne peuvent
prétendre au versement d'une retraite à taux plein.
A cet égard, votre rapporteur serait favorable à la mise en
place complémentaire de dispositifs permettant le départ à
la retraite anticipée d'anciens combattants toujours en activité,
qui permettraient alors de libérer des emplois pour les jeunes et les
chômeurs.
Ces dispositifs complémentaires pourraient viser en priorité les
anciens combattants qu'une durée validée insuffisante
empêche de prendre leur retraite à 60 ans ou ceux qui sont exclus
du bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)
pour ne pas avoir cotisé 160 trimestres.
2. Un coût supportable pour les finances publiques
La
présente proposition de loi entraîne un coût pour les
finances publiques : les caisses de retraite vont devoir verser, par
anticipation, des pensions de vieillesse, qu'elles n'auraient jusqu'à
présent pas eu à verser.
Ce coût reste pourtant très supportable.
D'une part, la mesure proposée ne s'adresse qu'à un faible nombre
de bénéficiaires potentiels : les anciens combattants d'Afrique
du Nord qui sont chômeurs en fin de droit et qui ont cotisé
pendant 40 ans. Votre commission en évalue le nombre aux environs de
15.000.
D'autre part, cette charge nouvelle se substitue à des charges
déjà existantes : aides du fonds de solidarité, minima
sociaux (ASS et RMI notamment). Dès lors, la mise en oeuvre de la
réforme proposée se traduira par des économies sur les
crédits budgétaires. Le coût net total de la mesure est
donc bien inférieur au coût brut total.
Enfin, le bénéfice de la retraite anticipée reste un droit
facultatif. Il n'est donc pas certain que tous les bénéficiaires
potentiels demandent une liquidation anticipée de leur pension de
vieillesse, les dispositifs de solidarité existante pouvant être,
dans certains cas, plus favorables.
Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a réalisé un
essai de chiffrage de la mesure
pour les seuls appelés. Il
conclut à un coût brut total de 6,8 milliards de francs sur 3 ans
pour les régimes de base.
Toutefois, cette évaluation repose sur l'hypothèse d'une
application du droit à la retraite anticipée à l'ensemble
des anciens combattants chômeurs en fin de droit. Or, la mesure
proposée par votre commission ne s'appliquera uniquement qu'à
ceux qui ont cotisé pendant 40 ans, soit environ 15 % de cette
population. Le coût brut total serait alors ramené à 1,02
milliard de francs pour les seuls appelés.
Il semble donc, dans ces conditions, que le coût brut total de cette
mesure est plus proche de 1,3 milliard de francs sur quatre ans.
Cette charge sera d'ailleurs dégressive, le nombre de
bénéficiaires de la mesure diminuant chaque année. Ainsi,
la charge serait de 720 MF en 1999, de 410 MF en 2000, de 150 MF en 2001 et de
18 MF en 2002.
ESSAI DE CHIFFRAGE DE LA MESURE 6( * ) :
I -
Estimation du nombre de personnes concernées
1. Effectifs des anciens combattants (appelés et engagés)
survivants à l'âge de la retraite anticipée :
- classe 1959 : 130.000 appelés + 15.000 engagés soit un total de
145.000
- classe 1960 : 112.000 appelés + 14.000 engagés soit un total de
126.000
- classe 1961 : 83.000 appelés + 16.000 engagés soit un total de
99.000
- classe 1962 : 15.000 engagés.
2. Estimation de la proportion de chômeurs en fin de droit
25 %
3. Proportion de cette population réunissant 160 trimestres ou plus
d'assurance
15 %
soit :
- classe 1959 : 5.400
- classe 1960 : 4.700
- classe 1961 : 3.700
- classe 1962 : 600
II - Montant moyen de la pension de vieillesse servie par le régime
général
5.130 francs pour les hommes (en 1993)
III - Durée moyenne d'anticipation par classe d'âge
- classe 1959 : 6 mois
- classe 1960 : 18 mois
- classe 1961 : 30 mois
- classe 1962 : 42 mois
IV - Coût brut cumulé de la mesure
- classe 1959 : 5.130 F x 6 x 5.400 = 166 MF
- classe 1960 : 5.130 F x 18 x 4.700 = 434 MF
- classe 1961 : 5.130 F x 30 x 3.700 = 569 MF
- classe 1962 : 5.130 F x 42 x 600 = 129 MF
Total : 1.298 MF sur 4 ans
Cette charge supplémentaire ne doit pas peser sur les régimes de
retraite de base. Leur équilibre financier reste en effet fragile.
S'agissant de la compensation de la mesure, nécessaire au regard de la
procédure de recevabilité financière de la présente
proposition de loi, votre commission propose que le fonds de solidarité
vieillesse, qui a pour vocation de prendre en charge les mesures relevant de la
solidarité nationale, prenne à sa charge les dépenses
supplémentaires des régimes de base. En conséquence, les
droits de consommation sur les alcools, qui constituent l'une des ressources du
fonds de solidarité vieillesse, seront majorés à due
concurrence.
Il n'en reste pas moins que les évaluations présentées
ci-dessus n'intègrent pas la charge qui pèsera sur les
régimes complémentaires. Or, la mesure proposée doit
également s'appliquer aux retraites complémentaires : la retraite
anticipée doit être une retraite totale et pas seulement la
pension versée par les régimes de base.
Votre rapporteur estime donc nécessaire que le Gouvernement engage, si
la présente proposition de loi est adoptée définitivement,
une négociation avec les régimes complémentaires pour que
cette mesure s'applique au plus vite aux retraites complémentaires.
Votre rapporteur entend, en outre, au vu de la position qui sera celle du
Gouvernement à l'égard de la présente proposition de loi,
l'interroger sur l'éventualité d'introduire dans le prochain
projet de loi de finances, une disposition permettant un assouplissement des
conditions requises pour bénéficier de l'allocation de
préparation à la retraite versée par le Fonds de
solidarité.
Il serait en effet souhaitable que les anciens combattants chômeurs en
fin de droit et justifiant de quarante annuités de cotisations à
l'assurance vieillesse puissent toucher l'allocation de préparation
à la retraite sans devoir passer pendant six mois par le stade
préalable de l'allocation différentielle. De nombreux anciens
combattants sont en effet réticents à bénéficier de
l'allocation différentielle qu'ils assimilent bien souvent à une
forme d'assistance dégradante.
Une telle mesure, en l'absence de réelle retraite anticipée
incluant les régimes complémentaires, aurait alors un double
avantage. D'une part, elle permettrait aux anciens combattants les plus en
difficulté de sortir de la logique de l'assistanat tout en
bénéficiant d'un revenu raisonnable compris entre 5.600 et 7.177
francs nets par mois. D'autre part, elle n'aurait aucune influence sur la
situation financière des régimes de retraite
complémentaire, l'allocation de préparation à la retraite
étant financée par l'Etat.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(Art. L. 351-8-1 nouveau du code de
la sécurité sociale)
Ouverture d'un droit à la retraite
anticipée
pour les anciens combattants d'Afrique du Nord,
chômeurs en fin de droit et ayant quarante annuités de
cotisations d'assurance vieillesse
Cet
article pose le principe d'un droit à la retraite anticipée pour
les anciens combattants d'Afrique du Nord, à la condition qu'ils soient
chômeurs en fin de droit et qu'ils justifient de quarante annuités
de cotisations.
Votre rapporteur ayant largement commenté le dispositif proposé
dans l'exposé général, il ne reprendra ici que les points
essentiels du dispositif.
Le
paragraphe I
du présent article précise à la
fois la nature du droit et les conditions d'attribution.
Le présent article ouvre un droit facultatif à une retraite
anticipée avant l'âge de soixante ans. La pension de vieillesse
est liquidée à la demande de l'intéressé. La
pension versée est une pension à taux plein.
Ce paragraphe définit également les conditions à remplir
pour bénéficier de ce droit.
Elles sont triples :
- être chômeur en fin de droit ;
- avoir participé aux opérations en Afrique du Nord entre le
1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 , ce qui est un critère plus
large que la possession de la Carte du combattant ou du Titre de reconnaissance
de la Nation ;
- justifier d'au moins 160 trimestres validés dans les
régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou de
périodes reconnues équivalentes.
Le
paragraphe II
rend la mesure applicable dans les départements
du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
La conclusion de votre commission diffère sur trois points de la
rédaction initiale du présent article.
En premier lieu, l'insertion du texte proposée par le présent
article dans le code de la sécurité sociale a été
modifiée. L'article L. 351-8 énumère les
bénéficiaires du taux plein, même s'ils ne justifient pas
de la durée d'assurance requise. Or, la logique de la proposition de loi
est différente. Les bénéficiaires justifient du nombre de
trimestres requis, mais pas de l'âge légal de la retraite.
Par souci de cohérence, votre rapporteur propose d'insérer la
disposition dans un nouvel article additionnel du code de la
sécurité sociale. En conséquence, un nouveau paragraphe
étendant le champ d'application de la mesure à l'Alsace et la
Moselle devenait nécessaire.
En second lieu, le critère relatif à la qualité d'ancien
combattant a été modifié. La rédaction initiale
mentionnait ceux " qui ont séjourné en Afrique du Nord, dans
les engagements du Maroc, de la Tunisie et de la guerre
d'Algérie ". Ce critère présente deux
difficultés. D'une part, la notion de séjour " est trop
vague. D'autre part, la référence à la " guerre
d'Algérie " n'est sans doute pas opportune car elle pourrait
soulever des questions d'ordre juridique, notamment pour l'attribution de la
Carte du combattant et du Titre de reconnaissance de la Nation. Votre
rapporteur, sensible aux souhaits exprimés par certains membres de la
commission, a donc préféré reprendre le critère,
classique depuis la loi du 9 décembre 1974, de la " participation
aux opérations militaires en Afrique du Nord ".
Enfin, votre rapporteur a modifié la rédaction de l'ensemble du
texte qu'il a jugé trop ambigu sans en modifier le fond. Ainsi votre
rapporteur vous propose de supprimer la référence à la
" bonification de trimestres correspondant à ce temps " qui
aurait pu être interprétée comme la reconnaissance du
bénéfice de la campagne double.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 2
(Art. L. 135-2 du code de la
sécurité sociale)
Financement de la mesure par le fonds de
solidarité vieillesse
Votre
rapporteur vous propose une nouvelle rédaction de cet article.
L'ancienne rédaction est en effet sans objet. Elle visait à
étendre le droit à la retraite anticipée tel qu'il est
défini à l'article premier de la présente proposition de
loi aux anciens combattants d'Afrique du Nord non affiliés au
régime général de sécurité sociale.
Or, ces personnes ne pouvant prétendre à une indemnisation du
chômage, ils ne peuvent pas être chômeurs en fin de droit.
Les dispositions de l'article premier leur sont alors inapplicables.
Votre rapporteur vous propose donc de supprimer les dispositions prévues
à l'article 2 pour les remplacer par d'autres dispositions dont l'objet
est totalement différent.
Il n'est guère envisageable de laisser la charge supplémentaire
de cette mesure peser sur les régimes de base, car ils devraient alors
augmenter les cotisations des assurés à due concurrence.
Aussi est-il proposé d'introduire dans le présent article le
premier volet de la compensation financière de la mesure proposée
à l'article premier.
Le présent article prévoit donc que le fonds de solidarité
vieillesse, qui a pour vocation de prendre en charge les mesures relevant de la
solidarité nationale, prenne à sa charge les dépenses
supplémentaires des régimes de base.
L'article 5 ci-après constitue le second volet de cette compensation en
prévoyant que les droits sur les alcools, qui constituent l'une des
ressources du fonds de solidarité vieillesse, soient majorés
à due concurrence.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 3
Validation des durées de services en
Afrique du Nord pour l'assurance
vieillesse
Le
présent article assimile la durée de service en Afrique du Nord
à une période d'assurance aux régimes de retraite.
Cette disposition figure déjà à l'article L. 161-19 du
code de la sécurité sociale. Les périodes de service
militaire légal, ainsi que celles de maintien ou de rappel sous les
drapeaux, accomplies en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 sont d'ores et
déjà prises en compte gratuitement dans le calcul des pensions de
vieillesse du régime général, sans condition d'affiliation
préalable.
Toutefois, la législation actuelle reste restrictive car la validation
exige une condition : il faut que les intéressés aient
exercé, en premier lieu après ces périodes, une
activité professionnelle salariée pour laquelle des cotisations
ont été versées au régime général.
Ainsi, des agriculteurs, des commerçants, des artisans qui n'ont pas
directement cotisé après leur retour d'Afrique du Nord ne peuvent
pas bénéficier de cette validation.
Le présent article vise à réintégrer ces personnes
au bénéfice de la validation.
Votre rapporteur vous propose d'apporter une modification rédactionnelle
à la formulation initiale de cet article. Le critère retenu
à l'origine -" toute durée de séjour en Afrique du
Nord "- pour définir la période reconnue équivalente
est en effet trop vague. Votre rapporteur vous propose donc une
rédaction plus précise : " toute période de service
en Afrique du Nord entre le premier janvier 1952 et le 2 juillet 1962 ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 4
Modalités
d'application
Le
présent article renvoie à un décret pour les
modalités d'application des dispositions prévues par la
présente proposition de loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
Art. 5
Compensation
financière
Pour
compenser les dépenses résultant de l'application des articles
précédents, votre commission propose de majorer, à due
concurrence, les droits sur les alcools visés à l'article 403 du
code général des impôts.
Ces droits constituent d'ailleurs, pour partie, l'une des ressources du fonds
de solidarité vieillesse.
Votre rapporteur vous propose une légère modification à la
rédaction initiale de cet article. Il vous suggère de choisir
comme compensation financière non pas la création d'une taxe
additionnelle aux droits de consommation sur les alcools, mais une simple
majoration des droits.
Les recettes nettes provenant des droits de consommation sur les alcools sont
évaluées à 12 milliards de francs en 1997.
Votre commission a par ailleurs souhaité préciser que cette
majoration sera temporaire, puisque la charge entraînée par la
proposition de loi est elle-même limitée dans le temps.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
*
* *
Pour les motifs précédemment indiqués, votre commission vous propose d'adopter les conclusions figurant ci-après.
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI TENDANT À ACCORDER LA RETRAITE
ANTICIPÉE POUR LES ANCIENS COMBATTANTS EN FIN DE DROIT, JUSTIFIANT DE
QUARANTE ANNÉES DE COTISATIONS DIMINUÉES DU TEMPS PASSÉ EN
AFRIQUE DU NORD
Article premier
I -
Après l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale,
il est inséré un article L. 351-8-1 ainsi
rédigé :
" Art. L. 351-8-1 - Les assurés qui sont chômeurs en fin de
droit et qui ont participé aux opérations militaires en Afrique
du Nord, entre le 1
er
janvier 1952 et le 2 juillet 1962,
peuvent demander la liquidation de leur pension de vieillesse à taux
plein, avant l'âge de soixante ans, lorsqu'ils justifient d'au moins cent
soixante trimestres validés dans les régimes de base obligatoires
d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues
équivalentes ".
II - A l'article L. 357-4 du code de la sécurité sociale, la
mention : " L. 351-8-1 " est insérée après la
mention : " L. 351-8 ".
Art. 2
Il est
inséré, après le 6° de l'article L. 135-2 du
code de la sécurité sociale, un 7° ainsi
rédigé :
" 7° - Les sommes correspondant à la prise en compte par les
régimes d'assurance vieillesse de base mentionnés au titre V
du livre III du présent code des liquidations anticipées des
pensions de vieillesse définies à l'article L. 351-8-1
ci-après "
Art. 3
Toute durée de service en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 est, sans condition préalable, assimilée à une période d'assurance pour l'ouverture du droit et la liquidation des avantages vieillesse.
Art. 4
Un décret fixera les modalités d'application des dispositions des articles premier à 3 ci-dessus.
Art. 5
Les dépenses entraînées par l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration temporaire des droits de consommation prévus à l'article 403 du code général des impôts.
1
Cf. sur ce point, l'excellent rapport
de M.
Guy Robert fait, au nom de la commission des Affaires sociales, sur le projet
de loi relatif à la pension de vieillesse des anciens combattants en
Afrique du Nord.
2
Il s'agit des propositions de loi n° 463 (1985-1986)
signée par des membres du groupe CRC, n° 289 (1986-1987)
signée par les membres du groupe socialiste, n° 310 (1986-1987)
signée par M. Alain Gérard, n° 331 (1986-1987) signée
par les membres du groupe CRC, n° 72 (1991-1992) signée par les
membres de plusieurs groupes politiques et rapportée par M. Jean-Pierre
Fourcade au nom de la commission des Affaires sociales, n° 250 (1994-1995)
signée par les membres du groupe CRC, n° 68 (1995-1996)
signée par les membres du groupe socialiste et n° 390
(1997-1998).
3
Source : rapport Chadelat, 1996.
4
Revue Retraite et société n° 20/1997
5
" Chômage : le cas français " rapport au
Premier Ministre du Groupe de travail présidé par Henri Guaino,
commissaire au Plan, mai 1997.
6
Les hypothèses retenues (effectifs, proportion de
chômeurs, pension moyenne) sont celle s du rapport
Chadelat.