III. UNE POLITIQUE REMISE EN QUESTION ?
A. UNE POLITIQUE EN CONSTANTE ADAPTATION
1. La proportion des bas salaires augmente dans le total des emplois
Une
politique d'allégements massifs des charges pesant sur les bas salaires
doit être appréciée au regard de l'importance et des
caractéristiques de cette catégorie de salariés dans
l'ensemble de l'économie.
Les données statistiques disponibles tendent à montrer que le
nombre d'emplois peu rémunérés augmente dans le total des
emplois, une étude récente
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*
)
montre que ce sont les emplois à
très bas salaires qui progressent le plus
Fin 1997, environ un salarié sur six, soit 2,8 millions de
personnes, occupaient des emplois à bas salaires. On entend par bas
salaires des salaires inférieurs ou égaux aux 2/3 du salaire
médian (7.300 francs nets en 1997) soit 4.837 francs nets, les
très bas salaires sont ceux au plus égaux à la
moitié du salaire médian soit 3.650 francs nets en 1997.
Entre 1983 et 1997, la proportion des salariés percevant un bas salaire
est passée de 11,4 % à 15,1 %. Si l'on considère
la distribution des salaires tous emplois confondus, c'est-à-dire en ne
distinguant pas les salariés à temps complet et à temps
partiel, la progression de la part des bas salaires résulte
principalement de celle des très bas salaires, ceux inférieurs
à la moitié du salaire médian : entre 1983 et 1997, leur
part dans l'ensemble des salariés a doublé passant de 5 % en
1983 à 10 % en fin de période. La part des salaires compris
entre la moitié et les 2/3 du salaire médian a, en revanche,
légèrement diminué.
Proportion de salariés à bas salaire, ensemble
des
emplois
(temps complet et temps partiel)
Champ : salariés hors apprentis et
assimilés
Source : enquêtes Emploi, INSEE
Proportion de salariés à bas salaire, temps complet seulement
Champ : salariés à temps complet, hors
apprentis et assimilés
Source : enquêtes Emploi, INSEE
Dans une large mesure, près de 65 % en 1990, environ 77 % en
1997, des emplois à bas salaires sont des emplois à temps
partiel. La progression de la part des bas salaires accompagne donc celle du
travail à temps partiel, qui représente 17 % de l'ensemble
des emplois en 1997, contre 11,8 % en 1990 et 8 % au début des
années 1980. Cette hausse s'est accompagnée d'une progression
sensible de la part du temps partiel " subi ".
En mars 1997, 43,5 % des salariés à temps partiel
déclaraient souhaiter travailler davantage, contre 37 % en 1990.
Quatre groupes composent la population des salariés à bas salaire
: le premier est composé essentiellement de salariés travaillant
au moins 30 heures hebdomadaires ; il s'agit plutôt d'hommes
possédant des qualifications ouvrières et travaillant dans
l'industrie, l'agriculture ou, moins souvent, dans le commerce et les services
aux entreprises. Le second groupe est caractérisé par l'emploi
à temps partiel ; il s'agit plutôt de femmes, de salariés
qui accèdent ou retrouvent un emploi, d'employés occupés
dans le tertiaire ; ce groupe se situe plutôt dans la zone des
très bas salaires. Les deux derniers groupes, assez isolés, sont
d'une part celui des emplois aidés (plutôt des anciens
chômeurs, des femmes) et, d'autre part, celui des " très
petits horaires ", c'est-à-dire des emplois d'une durée
hebdomadaire inférieure à 15 heures pour lesquels on observe
des niveaux de qualification hétérogènes.
Tous ces éléments démontrent que les emplois
précaires et mal payés ne sont pas l'apanage des pays
anglo-saxons. A cet égard, les récentes déclarations de M.
Lionel Jospin, Premier ministre, lors de sa visite aux Etats-Unis, traduisent
une prise de conscience nouvelle sur la performance américaine en
matière de création d'emplois et devraient renforcer les tenants
d'une baisse du coût du travail, notamment sous la forme
d'allégements des charges sociales.