ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE LIBANAISE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RECIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
M.Serge VINÇON, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES - RAPPORT N° 356 - 1997/1998
Table des matières
- I. LA RECOMPOSITION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DU LIBAN
- II. UN DISPOSITIF HABITUEL DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 22 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 356
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres),
Par M. Serge VINÇON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
288
(1997-1998).
|
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes invités à autoriser la ratification d'un accord
d'encouragement et de protection réciproques des investissements conclu
entre le Liban et la France. Notre position de premier investisseur au Liban
confère tout son intérêt à l'accord mais celui-ci
participe également au renforcement des liens de toute nature qui
unissent nos deux pays.
Le Liban continue de se reconstituer en tant qu'Etat, comme en tant que
société, essayant de raviver les intérêts communs et
anciens qui unissent tous les libanais, par delà les clivages
confessionnels et les rancoeurs issues de la guerre.
Votre rapporteur précisera les principaux enjeux économiques et
politiques du Liban d'aujourd'hui, avant de rappeler l'économie
générale d'un accord dont votre commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées
connaît bien les principales dispositions.
I. LA RECOMPOSITION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DU LIBAN
A. UNE LENTE NORMALISATION POLITIQUE
La conclusion apportée par les accords de Taëf en
septembre 1989 à quinze années d'une guerre civile destructrice,
a permis une reconstitution, lente, fragile, mais réelle, de l'Etat
libanais. Celui-ci, depuis neuf ans, recouvre peu à peu son
autorité, qu'il appuie sur une administration restructurée et une
armée réunifiée.
Le bilan des dernières élections législatives tenues en
1996, s'il apparaît en demi-teinte, révèle cependant une
normalisation progressive de la vie politique. Certes, cette consultation n'a
pas été parfaite et plusieurs irrégularités en ont
émaillé le déroulement, sans parler du contrôle
politique étroit que la Syrie a exercé sur l'ensemble du
processus qui a d'ailleurs conduit à la victoire des candidats
pro-gouvernementaux et pro-syriens. Il faut cependant constater que la
consultation s'est déroulée dans le calme, qu'elle a permis une
participation chrétienne sans comparaison avec celle des
élections de 1992, qu'elle a été l'occasion de
réduire la représentation des extrémistes de tout bord et
qu'elle a envoyé au Parlement une opposition mieux organisée,
constructive et écoutée.
L'année en cours sera riche en échéances importantes pour
le Liban. Des
élections municipales
vont s'y tenir en mai
prochain. Elles devraient se dérouler dans une transparence
confessionnelle totale parce que le Parlement n'a pas entériné le
principe de la nomination par le gouvernement d'un tiers des conseillers
municipaux. Ces élections locales devraient permettre également
à l'opposition extra parlementaire -chrétienne en particulier- et
aux jeunes, d'intervenir dans le jeu politique libanais. De même, les
élections présidentielles devront être l'occasion de
restaurer le rôle de la présidence de la République comme
incarnation de l'unité nationale.
Le climat social peut constituer un facteur important de tension. En effet, la
reconstruction économique, qui privilégie Beyrouth-centre et les
travaux de grande infrastructure sacrifient la région sud et celle de la
Bekaa, donnant un sentiment d'inégalité dans le partage des
dividendes de la reconstruction. Ceci, joint à l'appauvrissement des
classes moyennes libanaises et à l'activisme de mouvements
protestataires tels celui de la "révolte des affamés"
créé par un cheikh chiite dissident, tend à fragiliser la
société libanaise.
B. UNE ÉCONOMIE ENCORE CONVALESCENTE DONT LA FRANCE EST UN PARTENAIRE IMPORTANT
Certaines données économiques démontrent
la réalité des progrès accomplis : une inflation
ramenée à 9 %, une croissance soutenue et le triplement du
PIB. Cela étant, cette croissance se fait au prix d'un déficit
interne et externe qui pèsent désormais lourdement sur
l'économie.
Le déficit budgétaire a ainsi atteint près de 20 % en 1997
et la dette publique a augmenté pour atteindre 12 milliards de
dollars au titre de la dette interne et 2,3 milliards pour la dette externe.
Les soldes de la balance commerciale et de la balance des paiements se
dégradent régulièrement compte tenu, en particulier, d'une
surévaluation de la livre. Enfin, si l'effervescence du secteur
immobilier a pu porter la croissance au sortir de la crise, son ralentissement
actuel affecte sérieusement la machine économique.
Une réorientation de la stratégie économique devra
notamment prendre en compte ce ralentissement régulier de
l'activité, reconsidérer le cours de la livre et préparer
la mise en place d'une réforme fiscale qui permettrait de redonner
à l'Etat une marge de manoeuvre budgétaire.
Le Liban peut, cependant, compter sur la confiance et la
générosité de divers bailleurs de fonds dont les plus
importants sont les Etats du Conseil de coopération du Golfe (Arabie
Saoudite, Bahrein, Emirats Arabes Unis, Koweït, Oman et le Qatar), les
institutions financières internationales et l'Union européenne.
La France est le premier partenaire économique du Liban. Avec quelque
130 implantations françaises, elle est de loin le premier investisseur
dans les secteurs industriel et des services. Avec leurs associés
libanais, les banques françaises contrôlent quelque 25 % du
secteur bancaire. Pour sa part, France Telecom a investi plus de 220 millions
de dollars dans sa filiale Cellis (téléphone mobile) qui compte
plus de 150 000 abonnés. Total, avec un réseau de 200
stations service, est le premier distributeur de carburants du pays.
Avec 12,6 % du marché, la France est le deuxième partenaire
commercial du Liban derrière l'Italie (18,6 %). Les exportations
françaises ont été multipliées par quatre depuis
1990. Le solde de nos échanges avec le Liban devrait, en 1997,
dégager un excédent de près de 4 milliards. La
participation des entreprises françaises à la reconstruction du
pays est très significative puisque le montant total des affaires
attribuées à des entreprises françaises depuis 1992
dépasse 7 milliards de francs. Enfin, outre les protocoles
financiers bilatéraux accordés par la France (un milliard de
francs entre 1995 et 1997), notre pays, par le biais de l'Union
européenne et de son programme Meda devrait affecter plus de
100 millions d'écus de dons sur la période 1997-1999 sous
forme de financement de projets.
Pour l'avenir, la modernisation de la flotte de la compagnie aérienne
libanaise (MEA), ainsi que les futures privatisations
(électricité, téléphone) constitueront autant
d'opportunités pour nos entreprises.
II. UN DISPOSITIF HABITUEL DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD
- Une définition traditionnelle
Sur le plan géographique, le champ d'application comprend le territoire
et la zone maritime (incluant la zone économique et le plateau
continental) de chacune des parties (art. 1er-4).
Les investissements recouvrent
l'ensemble des avoirs
dont l'article
Premier-1 de l'accord donne une liste qui comprend notamment
les biens
meubles et immeubles
ainsi que les autres droits réels
(hypothèque, cautionnement...),
les actions, les obligations, les
droits d'auteur et de propriété industrielle, les concessions
accordées par la loi ou en vertu d'un contrat.
Par ailleurs, la protection ne jouera que pour les investissements conformes
à la législation de la partie contractante sur le territoire de
laquelle ils sont réalisés.
- Investisseurs et revenus
Parmi les investisseurs, il convient de distinguer d'une part les
personnes
physiques
qui doivent posséder la nationalité de l'une des
parties contractantes et d'autre part les
sociétés
constituées conformément à la législation de
l'Etat contractant où se trouve situé leur siège social
(art. 1er-2).
Les revenus recouvrent " toutes les sommes produites par un
investissement
(bénéfices, redevances, intérêts, plus-value du
capital, dividendes) durant une période donnée " (art.
1er-3).
B. DES STIPULATIONS CLASSIQUES TENDANT À ENCOURAGER ET PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES
- L'encouragement des investissements
Le principe, posé par l'article 2, se traduit sous deux formes :
- l'octroi d'un
traitement " juste et équitable "
pour
ces investissements (art. 2) ;
- l'application par chaque partie d'un
traitement non moins favorable aux
investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres
investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée,
si celle-ci se révèle plus avantageuse (art. 3).
Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages
consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de
libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun
ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.
Par ailleurs il convient également de souligner que le principe d'un
traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les
investissements de l'autre partie, ne s'appliquent pas dans le domaine fiscal.
- Les trois principes de protection des investissements
Les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord bénéficier,
en cas de dépossession (nationalisations, expropriations...), d'une
" indemnité prompte et adéquate ",
dont le
montant est évalué par rapport à une " situation
économique normale et antérieure à toute menace de
dépossession " (art. 4).
En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des
circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une
révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers
ont droit à un
traitement aussi favorable que celui des investisseurs
nationaux
(art. 4-3).
Le principe de la liberté des transferts,
essentiel pour les
investisseurs, se trouve garanti à l'article 5 de l'accord. Il
s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la
liquidation de l'investissement (y compris les plus-values). Son application
apparaît, en revanche, limitée pour les transferts des revenus des
ressortissants de l'une des parties travaillant sur le territoire de l'autre
partie à une " quotité appropriée de leur
rémunération " (art. 5).
C. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
L'accord prévoit deux dispositifs différents de
règlement des conflits.
- Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre
Etat
Dans cette hypothèse et lorsqu'un règlement à l'amiable
n'a pu être obtenu au terme d'un délai de 6 mois, le
différend est soumis à l'arbitrage d'un tribunal
ad hoc
établi conformément au règlement d'arbitrage du Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements créé par la convention de Washington du 18 mars
1965.
Si l'une des Parties n'est pas à cette convention, le différend
peut être soumis à l'arbitrage d'un tribunal
ad hoc
,
conformément aux règles de la Commission des Nations Unies pour
le droit du commerce international (CNUDCI).
- Différends relatifs à l'interprétation et à
l'application du présent accord
A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un
délai de six mois, ces différends sont soumis à un
tribunal d'arbitrage dont les décisions sont définitives et
exécutoires de plein droit (art. 9).
*
Quant aux dispositions finales de l'accord, elles
prévoient l'entrée en vigueur de l'accord un mois après le
jour de la réception de la dernière notification de
l'accomplissement des procédures internes requises.
L'accord est conclu pour une durée initiale de 10 ans et sera reconduit
tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une des
parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger
pendant vingt ans la protection des investissements effectués pendant la
période de validité de l'accord (art. 11).
CONCLUSION
Le Liban qui se reconstruit reste, sur la scène
régionale, un acteur diminué : la Syrie contrôle
étroitement sa diplomatie, ce qui pèse en particulier sur le
règlement du contentieux israélo-libanais quant au devenir de la
partie sud du pays. Les récentes propositions israéliennes d'un
retrait conditionné de cette "zone de sécurité" laissent
malgré tout espérer l'amorce d'une évolution.
Pour l'heure cependant, la priorité demeure la poursuite de la
reconstruction économique du pays. Le présent accord, en offrant
une meilleure garantie juridique aux investisseurs français, contribue
à cet objectif.
C'est pourquoi votre rapporteur invite la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées
à adopter le projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées a examiné le présent
rapport au cours de sa réunion du mercredi 25 mars 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé
entre les commissaires.
Le rapporteur a précisé à Mme Paulette Brisepierre que
l'accord pouvait s'appliquer à des investissements
réalisés avant son entrée en vigueur. Il a indiqué
à M. Maurice Lombard les modalités d'exercice de la tutelle
syrienne sur la vie politique et diplomatique libanaise. Avec M. Xavier de
Villepin, président, et Mme Paulette Brisepierre, le rapporteur a
évoqué l'attitude des Libanais à l'égard de cette
présence syrienne.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur le sort de
l'armée du Liban Sud, dans l'hypothèse d'un retrait de
l'armée israélienne de la zone de sécurité qu'elle
occupe au sud du pays.
M. Serge Vinçon, rapporteur, a enfin souligné le rôle tenu
par Mgr Boutros Sfeir dans la contestation de la présence syrienne
au Liban et indiqué à Mme Paulette Brisepierre que le groupe
sénatorial d'amitié France-Liban, à l'occasion d'un
prochain déplacement au pays des cèdres, se rendrait notamment
dans la plaine de la Bekaa.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte présenté par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres), signé à Paris le 28 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 2(
*
)
- Etat de droit et situation de fait existants et leurs
insuffisances : sans objet.
- Bénéfices escomptés en termes :
* d'emploi : impossible à quantifier ;
* d'intérêt général : enrichissement de nos
relations diplomatiques ;
* financier : permettra au Gouvernement d'accorder la garantie de la Coface
pour les investisseurs français, conformément à la loi de
finances rectificative pour 1971 ;
* de simplification des formalités administratives : aucune ;
* de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet.
1
Voirle texte annexé au document
Sénat, n° 288.
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.