Rapport n° 330 - Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'interdiction complète des essais nucléaires
M. Jean FAURE, Sénateur
Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport n° 330 - 1997-1998
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. L'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES ET LES ÉVOLUTIONS DANS LE DOMAINE DE LA NON-PROLIFÉRATION ET DU DÉSARMEMENT NUCLÉAIRES
- II. LE DISPOSITIF DU TRAITÉ : UNE INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES ASSORTIE DE MESURES DE VÉRIFICATION MAIS UNE ENTRÉE EN VIGUEUR ENCORE HYPOTHÉTIQUE
- III. LA FRANCE ET LE TRAITÉ D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE N° 1
AUDITION DE M. Yannick D'ESCATHA,
Administrateur général du Commissariat à l'Energie Atomique -
ANNEXE N° 2
ÉTAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS DU
TRAITÉ D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES
N° 330
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification du traité d' interdiction complète des essais nucléaires ,
Par M. Jean FAURE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre
Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel
Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert
Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard,
Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry,
Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune,
Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette
Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard
Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11ème
législ.) :
650
,
693
,
699
et T.A.
92.
Sénat
:
304
(1997-1998).
|
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires a
été adopté le 10 septembre 1996 par l'Assemblée
générale des Nations unies, à l'issue d'une
négociation de plus de deux années entamée à
Genève dans le cadre de la Conférence du désarmement.
Ce traité est appelé à constituer une pièce majeure
dans le dispositif international de lutte contre la prolifération et le
désarmement nucléaire car, aux yeux de la communauté
internationale, l'interdiction complète des essais nucléaires
doit mettre fin au développement d'engins plus perfectionnés par
les puissances nucléaires, tout en empêchant de nouveaux
États d'accéder à un armement nucléaire
crédible.
Ce traité présente deux caractéristiques :
- il édicte une interdiction complète et définitive de
tous types d'essais nucléaires, quelles que soient leur puissance ou
leurs conditions de réalisation,
- et afin d'évaluer le respect par les États parties de cette
obligation, il instaure des mesures précises de vérification qui
se veulent efficaces, grâce à un système international de
surveillance et à la possibilité d'effectuer des inspections sur
place dans les pays soupçonnés d'avoir réalisé une
expérimentation nucléaire.
Ainsi, les divergences d'intérêt qui pouvaient séparer les
parties à la négociation, et notamment les puissances
nucléaires reconnues et les États non nucléaires,
ont-elles été surmontées pour aboutir à un
dispositif dont la portée est la plus large possible et dont le
contrôle sera très étroit.
Toutefois, le vaste consensus qui s'est progressivement dégagé
lors de la négociation n'a pu atteindre l'unanimité. L'Inde, qui
dispose de capacités nucléaires présumées et qui
avait réalisé un essai nucléaire en 1974, s'oppose
à ce traité et a refusé de le signer. Or, pour
répondre à un objectif d'universalité et donner plus de
force au traité, il a été décidé de
subordonner son entrée en vigueur à sa signature par l'ensemble
des pays, dont l'Inde fait partie, qui disposent de capacités
nucléaires significatives. Ainsi est-il apparu, dès
l'élaboration du traité, que celui-ci risquait de ne jamais
entrer en vigueur si l'Inde persistait dans son refus, ou si un autre pays
disposant de capacités nucléaires adoptait une telle attitude.
Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires
constitue donc un instrument international de première importance, par
les engagements qu'il impose et par les moyens de contrôle qu'il
prévoit, mais dont l'application effective n'est pas aujourd'hui
assurée.
Votre rapporteur se propose de développer ces différents points
en examinant successivement trois questions :
. quelle est la portée politique du traité au regard des
évolutions intervenues, depuis 1990, dans le domaine de la
non-prolifération et du désarmement nucléaires ?
. quel est le contenu du traité, c'est-à-dire quelles obligations
impose-t-il et comment peut-il en assurer le respect ?
. quelles sont les implications de ce traité pour la France, puissance
nucléaire qui a pris une part active à son élaboration
mais qui a également décidé, par le
démantèlement de son centre d'expérimentation et la
signature du traité de Rarotonga, de renoncer de manière
définitive et irréversible à la possibilité de
réaliser des essais nucléaires ?
I. L'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES ET LES ÉVOLUTIONS DANS LE DOMAINE DE LA NON-PROLIFÉRATION ET DU DÉSARMEMENT NUCLÉAIRES
Pour mieux évaluer la portée politique du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, il apparaît nécessaire de replacer celui-ci, et les négociations qui l'ont accompagné, dans la perspective plus générale du processus de désarmement nucléaire et de lutte contre la prolifération, qui a pris une vigueur nouvelle dans le contexte politique international des années quatre-vingt dix.
A. UN NOUVEAU CONTEXTE INTERNATIONAL QUI RENFORCE LA PRESSION EN FAVEUR DU DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE ET DE LA NON-PROLIFÉRATION
La fin de l'affrontement Est-Ouest a incontestablement créé un nouveau contexte qui a conduit à s'interroger sur le rôle des armes nucléaires. La disparition d'une menace clairement identifiée a favorisé le processus de désarmement nucléaire tout en donnant un relief plus important aux risques liés à la prolifération dans des régions du monde où subsistent de forts foyers de tension. Face à ces inquiétudes nouvelles, le régime de non-prolifération a néanmoins significativement progressé.
1. L'évolution du processus de désarmement nucléaire
Le processus de désarmement nucléaire est
principalement lié à la poursuite de la mise en oeuvre des
accords américano-russes START
sur la réduction des
arsenaux nucléaires stratégiques.
Signé en 1991 entre les Etats-Unis et l'URSS, l'accord
START I
a
fixé le plafond des armes nucléaires stratégiques des deux
pays à 6 000 têtes nucléaires. La mise en oeuvre de cet
accord s'est poursuivie selon le calendrier prévu, ce qui devrait
permettre d'abaisser les deux arsenaux à 6 000 têtes
déployées à l'horizon 2003. Par ailleurs,
l'éclatement de l'URSS a nécessité une adaptation de cet
accord, en particulier pour limiter à la seule Russie la présence
d'armes nucléaires stratégiques en procédant au retrait de
celles qui étaient stationnées en Biélorussie, au
Kazakhstan et en Ukraine.
L'accord américano-russe
START II
, signé en janvier 1993,
définissait un nouveau palier de 3 500 têtes
déployées, mais son entrée en vigueur est suspendue
à sa ratification par la Douma russe, qui se montre en majorité
réservée sur cet accord. L'absence de ratification a d'ores et
déjà entraîné un important retard, les deux
gouvernements ayant décidé de repousser le calendrier
d'application de ce traité à la fin de 2007 et non au
début de 2003 comme prévu initialement.
L'entrée en vigueur de START II permettrait également de lancer
la négociation d'un accord
START III
dont les grandes lignes ont
été dessinées par les Présidents russe et
américain au Sommet d'Helsinki en mars 1997. Il s'agirait de
réduire de nouveau les arsenaux nucléaires stratégiques
à un niveau de l'ordre de 2 000 à 2 500 têtes
nucléaires et d'aborder la question des armes nucléaires
tactiques et du démantèlement des têtes nucléaires,
qui constitue aujourd'hui l'une des principales préoccupations au sujet
de l'avenir du nucléaire militaire en Russie.
Bien que son arsenal représente moins du vingtième de ceux de la
Russie ou des Etats-Unis, et qu'elle ait toujours soutenu que le
désarmement nucléaire devait concerner en premier lieu ces deux
grandes puissances, la France, de manière unilatérale, a
également pris d'importantes décisions qui participent à
ce processus de désarmement, à savoir : le
démantèlement des missiles "préstratégiques"
Hadès et des missiles sol-sol stratégiques du plateau d'Albion,
la réduction à 4 SNLE/NG de la composante sous-marine, la
fermeture du centre d'expérimentations du Pacifique, l'arrêt de la
production de matières fissiles à des fins militaires et la
fermeture des usines de Marcoule et de Pierrelatte.
Le Royaume-Uni a pour sa part décidé de supprimer sa composante
aéroportée et de retirer les armes nucléaires
basées sur des navires pour limiter sa dissuasion nucléaire sur
la seule composante sous-marine.
Seule la Chine demeure pour le moment à l'écart de ce mouvement
de réduction des arsenaux nucléaires.
2. Le renforcement du régime de non-prolifération
La dernière décennie a permis d'enregistrer
d'importants progrès dans le domaine de la non-prolifération,
même si les facteurs de risques ou d'inquiétudes demeurent et
exigent une très grande vigilance en matière de contrôle
des installations sensibles et d'exportation d'équipements
nucléaires.
Il faut rappeler en premier lieu que l'instrument international de lutte contre
la dissémination des armes nucléaires, le traité de
non-prolifération, a vu son assise et sa légitimité
renforcées, tant par les adhésions nouvelles que par sa
prorogation indéfinie décidée en 1995.
Alors que seuls les Etats-Unis, l'URSS et le Royaume-Uni avaient signé
le traité en 1968, les deux autres puissances nucléaires
reconnues,
la France et la Chine
y ont adhéré en 1992.
Plusieurs pays qui conduisaient un programme nucléaire militaire y ont
renoncé volontairement : c'est le cas de
l'Afrique du Sud,
qui a
reconnu avoir détenu des armes nucléaires et qui a
démantelé son programme, mais aussi de
l'Argentine et du
Brésil,
dont les programmes n'avaient pas atteint le seuil critique.
L'Afrique du Sud et l'Argentine ont adhéré au TNP et le
Brésil a récemment annoncé son intention de faire de
même.
L'éclatement de l'URSS constituait pour le TNP un défi
considérable dans la mesure où, ne reconnaissant que 5 puissances
nucléaires, il pouvait se trouver dépassé par l'apparition
de nouveaux Etats disposant, de fait, sur leur sol, d'armes nucléaires.
Cette difficulté a été surmontée et les 15
Républiques ex-soviétiques ont signé le TNP, y compris la
Biélorussie, le Kazakhstan et l'Ukraine, qui ont accepté le
principe du rapatriement en Russie des armes nucléaires
stratégiques déployées sur leur territoire et qui ont
ainsi clairement renoncé aux armes nucléaires.
Par ailleurs, le risque d'un élargissement du cercle des pays disposant
de l'arme nucléaire au-delà des 5 puissances nucléaires
reconnues et des 3 pays dits du seuil, semble avoir jusqu'à
présent été contenu.
L'Inde, le Pakistan et Israël demeurent en dehors du TNP et disposent,
selon les observateurs, de forces nucléaires qui seraient de l'ordre de
la trentaine de têtes nucléaires pour l'Inde, de la dizaine pour
le Pakistan et de la centaine pour Israël.
En revanche, la vigilance de la communauté internationale et le
renforcement des contrôles et des vérifications menés sous
l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique, en vue
de détecter les activités nucléaires militaires
clandestines comme celles menées par l'Irak, ont permis d'éviter
que d'autres pays qui menaient des programmes nucléaires à des
fins vraisemblablement militaires n'accèdent à l'arme
nucléaire.
Bon nombre d'installations du programme nucléaire irakien ont
été détruites durant la guerre du Golfe et la surveillance
conduite par l'AEIA depuis lors a permis de démanteler l'ensemble des
infrastructures.
Malgré des tentatives d'acquisition d'équipement ou de
technologies susceptibles de contribuer à un programme nucléaire
militaire, avec vraisemblablement la coopération de la Chine, l'Iran n'a
pas fait apparaître de manquement à ses engagements internationaux.
Les activités nucléaires de l'Algérie sont
étroitement surveillées depuis plusieurs années, les
possibilités de contrôles internationaux ayant été
renforcées depuis son adhésion au TNP.
L'accord intervenu en 1994 entre les Etats-Unis et la Corée du Nord a
permis de geler le programme nucléaire nord-coréen sur lequel
subsiste cependant de sérieuses interrogations, du fait notamment de
l'impossibilité de mener des inspections sur les combustibles issus du
déchargement du réacteur nucléaire de recherche.
En dépit de ces évolutions positives au regard des risques de
prolifération, de nombreux sujets de préoccupation demeurent.
Tout d'abord, la surveillance des installations, voire leur destruction dans
certains cas, n'ont pas fait disparaître les compétences
techniques dont disposent de nombreux pays potentiellement
proliférateurs. A cet égard, la poursuite de programmes civils
permet d'entretenir la maîtrise de technologies pouvant être
utilisées à des fins militaires.
Les progrès de la coopération internationale dans le
contrôle des exportations ont été réels mais ils
butent sur le développement d'équipements à double usage,
civil ou militaire, qui sont particulièrement prisés par les pays
tentés par le développement d'un programme nucléaire
militaire. D'autre part, si le Groupe des fournisseurs nucléaires a
renforcé ses règles de conduite, certains pays détenteurs
de technologies agissent en dehors de ces règles et continuent
d'entretenir le risque de prolifération.
Dans ce contexte, la
prorogation pour une durée indéfinie du
TNP
, décidée à New York en mars 1995, apparaît
comme un pas très important car elle renforce incontestablement la
légitimité d'un traité qui avait paru, à un moment,
contestée.
Recueillant l'adhésion de 186 pays, contre 140 en 1990, le TNP, conclu
initialement pour 25 ans, dispose désormais de la permanence et d'une
très large assise qui démontrent l'accord profond de la
communauté internationale dans son ensemble sur la lutte contre la
prolifération nucléaire.
A l'occasion de cette conférence de prorogation a été
adoptée une déclaration sur les principes et objectifs de la
non-prolifération et du désarmement nucléaires qui
comporte notamment un programme d'action organisé autour de trois points
principaux :
. la demande d'ouverture rapide de la négociation d'un traité
d'interdiction de la production de matières fissiles destinées
aux armes nucléaires, désigné sous l'appellation "
cut
off
",
. l'accomplissement de nouvelles étapes dans le processus de
réduction des armements nucléaires,
. et enfin, la conclusion avant la fin 1996 du traité d'interdiction
complète des essais nucléaires.
Cette dernière décision a donné une impulsion
décisive aux négociations qui auraient démarré,
dans le cadre de la Conférence du Désarmement, en janvier 1994.
B. LES ENJEUX DU TRAITÉ D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES
Le consensus qui s'est progressivement dégagé, au sein de la communauté internationale, et surtout au sein des 5 puissances nucléaires reconnues, en faveur d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires a permis de lancer à partir de 1993 le processus de négociation au sein de la Conférence du Désarmement.
1. Les objectifs du traité d'interdiction complète des essais nucléaires : lutter contre la prolifération et stopper la course aux armements nucléaires
Le thème de l'interdiction complète des essais
nucléaires est pratiquement aussi ancien que les essais eux-mêmes,
puisque dès 1954, l'Inde effectuait une proposition de traité
d'interdiction. Le contexte politique lié à la guerre froide,
mais aussi l'absence de terrain d'entente entre les puissances
nucléaires qui souhaitaient maintenir leurs capacités, et les
Etats non nucléaires qui poursuivaient un objectif d'élimination
totale des armes nucléaires, ont constitué durant plusieurs
décennies un obstacle insurmontable pour l'aboutissement d'un tel
traité.
Par ailleurs, limités tout d'abord aux Etats-Unis et à l'URSS,
qui ont respectivement réalisé leur premier essai le 16 juillet
1945 et le 29 août 1949, les expérimentations nucléaires
ont été pratiquées par les nouvelles puissances
nucléaires, à savoir le Royaume-Uni en 1952, la France en 1960 et
la Chine en 1964.
Depuis 1945, on estime à 2046 le nombre d'essais nucléaires
recensés dans le monde. Plus de la moitié d'entre eux (1 030)
ont été réalisés par les Etats-Unis et plus du
tiers (715) par l'URSS. La France a réalisé 210 essais et le
Royaume-Uni et la Chine 45 chacun. Enfin, l'Inde a réalisé un
essai nucléaire souterrain en 1974.
Encore très important jusqu'au milieu des années quatre-vingts,
le nombre d'essais nucléaires a rapidement décru depuis lors,
à la fois pour des raisons politiques liées à la situation
internationale et pour des raisons techniques dues aux progrès
effectués dans la conception des armes et aux perspectives ouvertes par
la simulation.
Ainsi, les Etats-Unis ont cessé leurs essais nucléaires depuis le
23 septembre 1992 et ont annoncé en janvier 1995 le maintien de ce
moratoire jusqu'à l'entrée en vigueur du traité
d'interdiction complète.
Le dernier essai soviétique remonte à 1990, aucune campagne
d'essais n'ayant été réalisée depuis l'effondrement
de l'URSS.
Le dernier essai britannique a été réalisé en
novembre 1991.
La France, on le sait, avait décrété un moratoire
unilatéral sur les essais nucléaires le 8 avril 1992, puis a
repris une ultime campagne de 6 essais réalisés entre le 5
septembre 1995 et le 27 janvier 1996, tout en annonçant son intention,
à l'issue de cette campagne, de signer le traité d'interdiction
complète.
Quant à la Chine, elle a effectué ses deux derniers essais les 8
juin et 29 juillet 1996 avant de rejoindre elle aussi les parties au
traité.
Au travers de l'interdiction complète des essais, a été
poursuivi un
double objectif :
. mettre fin au développement d'engins plus perfectionnés
et
donner ainsi un coup d'arrêt, sur le plan qualitatif, à la course
aux armements nucléaires,
. empêcher un Etat non-nucléaire de réaliser un arsenal
nucléaire crédible.
Contrairement à ce qu'auraient souhaité certains pays,
l'interdiction des essais nucléaires ne constitue donc pas une mesure de
désarmement, car elle n'implique aucune limitation ou réduction
des armes nucléaires. Elle renforce en revanche la lutte contre la
prolifération, dans son acception classique, c'est-à-dire contre
l'apparition de nouveaux Etats nucléaires, mais aussi dans une acception
nouvelle, que l'on a pu qualifier de non-prolifération "verticale" :
un
frein posé au développement et à l'amélioration
qualitative des armes nucléaires et un obstacle au développement
de nouveaux types d'armes encore plus évoluées.
Certes, deux limites s'imposent à ces objectifs :
. d'une part, l'absence d'essais en vraie grandeur n'exclut pas la
possibilité, pour un Etat non nucléaire, de concevoir et de
réaliser une arme nucléaire, même si celle-ci demeure
"rustique",
. d'autre part, les puissances nucléaires développent
d'importants programmes de simulation permettant, dans une certaine mesure, de
se passer d'expérimentations nucléaires tout en conservant la
capacité de mettre au point des armes fiables et sûres, sachant
que la simulation ne permet pas de développer des concepts nouveaux
d'armes en l'absence d'essais nucléaires supplémentaires.
Il n'en demeure pas moins que l'interdiction des essais nucléaires
constitue une pièce majeure dans le dispositif de lutte contre la
prolifération et qu'elle doit limiter très sérieusement
les possibilités sur le plan qualitatif, d'une course aux armements.
2. La négociation du traité : un très large accord qui n'a cependant pas réalisé l'unanimité
Alors que la Conférence du Désarmement avait
décidé du mandat de négociation du traité le
10 août 1993, la négociation proprement dite s'est ouverte
à Genève en janvier 1994 et s'est poursuivie jusqu'à la
transmission d'un texte à l'Assemblée générale des
Nations Unies en septembre 1996. Cette négociation a fait
apparaître entre les parties des divergences sérieuses qu'il a
fallu progressivement tenter de réduire.
Dans un premier temps, les positions défendues par de nombreux Etats
non-alignés et celles soutenues par les puissances nucléaires
sont apparues inconciliables.
Pour beaucoup d'Etats non-alignés en effet, le renforcement du
régime de non-prolifération, qui leur interdit l'accès aux
armes nucléaires et "fige" donc la situation au profit des puissances
nucléaires, devait impérativement être assorti d'engagement
précis de ces derniers en vue d'un désarmement nucléaire
progressif.
Pour les puissances nucléaires en revanche, la question de
l'interdiction des essais devait être dissociée de celle du
désarmement, le traité ne devant en aucun cas les lier sur le
rythme et l'ampleur d'un éventuel désarmement nucléaire.
Une opposition de même nature s'est manifestée entre les Etats qui
souhaitaient non seulement interdire les explosions nucléaires mais
également toutes les activités de recherche, afin de rendre
inéluctable l'élimination des armes nucléaires, et les
puissances nucléaires qui, dans un premier temps, souhaitaient maintenir
la possibilité de réaliser des essais de faible puissance et qui,
par ailleurs, entendaient préserver les autres activités
expérimentales n'impliquant pas d'explosion nucléaire.
En proposant le 10 août 1995 de consacrer "
l'option
zéro"
, c'est-à-dire l'interdiction complète de toute
explosion nucléaire quel qu'en soit le niveau, la France a grandement
contribué à débloquer la négociation. En effet, la
proposition française a été immédiatement soutenue
par les Etats-Unis puis elle a été progressivement
acceptée par la suite par la Russie et par la Chine.
Le
consensus établi sur "l'option zéro"
a permis de poser
le socle du traité, à savoir le dispositif qui définit sa
portée, et d'aborder les modalités de mise en oeuvre de
l'interdiction.
Ce préalable n'avait cependant pas levé tous les obstacles
à l'aboutissement de la négociation.
Certaines difficultés, telles que celles concernant le régime
d'inspection sur place, ont pu être levées.
La Chine a tenté de faire admettre le principe de l'autorisation des
explosions nucléaires effectuées à des fins
pacifiques
. Une telle clause, qui aurait affaibli considérablement
le traité en ouvrant la porte à des essais à des fins
militaires camouflées, était inacceptable pour les autres parties
mais, afin d'obtenir l'adhésion de la Chine, une clause envisageant le
réexamen de la question des explosions dites "pacifiques" 10 ans
après l'entrée en vigueur du traité a été
adoptée.
L'écueil principal sur lequel s'est heurtée la négociation
a résidé dans le
lien effectué entre l'entrée en
vigueur du traité et l'objectif d'universalité
.
A la différence de la solution adoptée pour la convention sur les
armes chimiques, dont l'entrée en vigueur a été
subordonnée à sa ratification par un nombre minimum d'Etats, une
majorité s'est dégagée au sein de la Conférence du
Désarmement pour considérer que l'interdiction complète
des essais nucléaires ne pouvait prendre force de loi que si l'ensemble
des Etats susceptibles de réaliser de tels essais s'engageaient à
y renoncer.
Cette exigence d'universalité, dictée par un souci de
réalisme, a buté sur la ferme opposition de l'Inde qui, au long
de la négociation, a déclaré qu'elle ne signerait pas le
traité pour deux raisons de fond :
- l'une générale, à savoir le déséquilibre
qui résulterait à ses yeux du traité au détriment
des Etats non nucléaires, si les puissances nucléaires ne
s'engageaient pas en même temps sur un calendrier contraignant de
désarmement nucléaire complet,
- l'autre, plus particulièrement liée à sa situation
stratégique vis-à-vis de la Chine.
Il est ainsi apparu que l'exigence d'une ratification au minimum par les 5
puissances nucléaires reconnues et les 3 Etats du seuil
préalablement à l'entrée en vigueur du traité ne
serait pas satisfaite en raison de la position de l'Inde, cette dernière
entraînant par ailleurs une position similaire du Pakistan.
Alors que pour résoudre cette contradiction, certains Etats, dont la
France et les Etats-Unis, proposaient une solution médiane qui aurait
permis une entrée en vigueur du traité si cette exigence
s'avérait durablement ne pas être remplie, la conférence a
confirmé le
lien entre l'entrée en vigueur du traité et
sa ratification par 44 Etats expressément désignés qui
disposent de capacités nucléaires significatives
. Cette
clause laisse bien entendu peser un doute sur les chances d'application
effective du traité.
Ce texte ainsi mis au point à Genève a été
adopté le 10 septembre 1996 par l'Assemblée
générale des Nations Unies. Il a recueilli le vote positif de 158
Etats. L'Inde, le Bhoutan et la Lybie ont voté contre. Cuba, la
Tanzanie, la Syrie, le Liban et Maurice se sont abstenus.
II. LE DISPOSITIF DU TRAITÉ : UNE INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES ASSORTIE DE MESURES DE VÉRIFICATION MAIS UNE ENTRÉE EN VIGUEUR ENCORE HYPOTHÉTIQUE
Le traité d'interdiction complète des essais
nucléaires (TICE) -ou
Comprehensive test ban treaty
(CTBT)
selon la formulation anglaise- constitue un texte particulièrement dense
et précis composé de 17 articles et 2 annexes. Il est assorti
d'un protocole lui-même très développé et
flanqué de deux annexes.
Ce dispositif comporte trois volets :
- tout d'abord la définition de la portée du traité,
c'est-à-dire le champ des activités interdites,
- ensuite l'instauration d'une organisation qui aura pour tâche
principale la mise en place de mesures de vérification et de
surveillance,
- enfin les conditions d'entrée en vigueur du traité.
A. LA PORTÉE DE L'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES : "L'OPTION ZÉRO"
La nature des activités expérimentales interdites constituait le fond même du traité, qui a finalement opté pour une interdiction complète de tous types d'essais nucléaires . Cette définition large ne prive cependant pas les Etats de moyens d'expérimentation et préserve les programmes de simulation.
1. Une interdiction complète des essais nucléaires
C'est l'article Ier, intitulé "Obligations
fondamentales", qui définit la portée du traité en
stipulant que "
chaque Etat partie s'engage à ne pas effectuer
d'explosion expérimentale d'arme nucléaire ou d'autre explosion
nucléaire et à interdire et empêcher toute explosion de
cette nature en tout lieu placé sous sa juridiction ou son
contrôle
".
Il s'agit donc d'un
traité d'interdiction complète
,
à la différence du traité d'interdiction partielle des
essais nucléaires de 1963 (
Partial Ban Test Treaty
) qui
interdisait les explosions expérimentales nucléaires ou toute
autre explosion nucléaire dans l'atmosphère, l'espace
extra-atmosphérique et sous les mers, que la France n'avait pas
signé, ou du traité américano-russe d'interdiction
à seuil (
Threshold Test Ban Treaty
) de 1974, par lequel les
américains et les soviétiques s'engageaient à limiter
à 150 kilotonnes maximum la puissance de leurs essais souterrains.
La formule adoptée consacre donc "
l'option zéro
",
proposée par la France au cours de la négociation, qui interdit
tous les essais nucléaires quelle que soit leur puissance et quel que
soit le milieu dans lequel ils sont réalisés.
A un moment soutenue par certains pays nucléaires, la possibilité
d'essais de faible puissance (expérimentations hydronucléaires) a
été finalement écartée, d'autant que des
discussions subsistaient sur le niveau d'énergie dégagée
qui aurait pu être considéré comme acceptable.
L'interdiction vise également les explosions nucléaires dites
"pacifiques"
, dont le maintien était défendu par la Chine qui
estimait que des explosions nucléaires pouvaient dans certaines
circonstances présenter un intérêt sur le plan
économique, sans pour autant poursuivre des objectifs militaires.
Cette notion d'explosion "pacifique" renvoie à l'article II du
Traité de non prolifération qui envisageait dans des conditions
très précises la possibilité d'exploiter "
les
bénéfices potentiels des applications pacifiques des explosions
nucléaires
".
Pendant les années soixante-dix, des programmes dits "d'explosions
nucléaires pacifiques" ont été conduits dans certains
pays, notamment en URSS et c'est dans ce cadre que l'Inde a
présenté son essai nucléaire souterrain en 1974.
Toutefois, il apparaît en pratique impossible de certifier qu'une
explosion nucléaire pourrait être totalement dépourvue de
conséquences militaires, si bien que la notion d'explosion "pacifique"
est apparue comme une brèche importante dans le régime de
non-prolifération.
En prohibant toute explosion nucléaire expérimentale ou toute
autre explosion nucléaire, l'article Ier exclut bien les explosions
nucléaires "pacifiques".
La Chine a accepté de souscrire à cet engagement tout en
obtenant, par l'article VIII, la possibilité théorique de
réexaminer la question à chaque conférence d'examen du
traité, c'est-à-dire tous les 10 ans suivant l'entrée en
vigueur.
Mais la possibilité de réaliser des explosions nucléaires
souterraines à des fins pacifiques exigerait une décision par
consensus de la Conférence, puis l'adoption, toujours par consensus,
d'un amendement en ce sens au Traité, amendement qui devrait
également "
empêcher que des avantages militaires ne soient
retirés de ces explosions nucléaires
". Cette
rédaction aboutit à rendre infimes les probabilités d'une
remise en cause de l'interdiction des explosions nucléaires
"pacifiques".
2. Des possibilités maintenues pour les expérimentations non nucléaires et la simulation
Le traité ménage la possibilité
d'expérimentations non nucléaires et des programmes de simulation.
En effet, certaines activités liées à la mise au point ou
à la maintenance des armes nucléaires mais qui ne sont pas des
essais nucléaires demeurent autorisées.
C'est le cas des
expériences hydrodynamiques
, parfois
appelées "
essais froids
", qui impliquent la détonation
d'un explosif sans matières fissiles, celles-ci étant
remplacées par des matières inertes. Il s'agit ici simplement de
tester, par exemple, la performance de l'architecture d'une arme, sans
provoquer à quelque moment que ce soit de dégagement
d'énergie nucléaire.
C'est également le cas des
expérimentations dites "sous
critiques"
qui associent la détonation d'un explosif et la
présence de matières fissiles telles que l'uranium ou le
plutonium, sans pour autant déclencher de réaction
nucléaire en chaîne. Destinées notamment à
vérifier le comportement sous le choc des matériaux, ce type
d'expérience n'implique aucun dégagement d'énergie
nucléaire et demeure donc autorisé.
Les États-Unis ont procédé, sur le site du Nevada,
à des expérimentations "sous critiques" les 2 juillet et 18
septembre 1997. Tel n'est pas le cas de la France qui se limite pour sa part
à des "essais froids".
Par ailleurs, ainsi que l'a très clairement indiqué la France au
cours de la négociation, le traité n'interdit pas les
activités de simulation
qui font appel au calcul
numérique, à la modélisation du fonctionnement physique
des armes et à des instruments de validation expérimentale tels
que les faisceaux laser. Cela était particulièrement important
pour la France qui a lancé un programme de simulation destiné
à garantir la fiabilité et la sûreté des armes
nucléaires après l'arrêt des essais et la fermeture de son
centre d'expérimentations.
B. LA MISE EN PLACE D'UN SYSTÈME DE VÉRIFICATION
L'application du traité repose sur la création d'une organisation qui siège à Vienne et dont le rôle portera notamment sur la vérification du respect par les parties de leurs obligations, à l'aide d'un système de surveillance international et d'inspections sur place en cas de situation suspecte.
1. L'organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires : l'OTICE
L'article II du traité est consacré à
l'institution d'une organisation du traité d'interdiction
complète des essais nucléaires, l'OTICE, chargée "
de
réaliser l'objet et le but du traité, d'assurer l'application de
ses dispositions, y compris celles qui s'appliquent à la
vérification internationale du respect du traité
", et de
ménager un cadre dans lequel les parties peuvent se consulter et
coopérer entre elles. Le traité précise que l'OTICE
exécute les activités de vérification de la manière
la moins intrusive possible, en ne demandant que des informations et des
données qui lui sont nécessaires pour s'acquitter de ses
responsabilités. Elle doit notamment protéger la
confidentialité des informations relatives à des activités
et des installations civiles et militaires dont elle a connaissance de
même que chaque Etat partie doit traiter de façon confidentielle
les informations qu'il reçoit de l'OTICE.
L'OTICE a son siège à Vienne, tout comme l'Agence internationale
de l'énergie atomique, avec laquelle elle peut passer des arrangements
de coopération. En pratique, de tels arrangements pourraient porter sur
la recherche d'économies dans le domaine administratif. La
coopération technique apparaît en revanche moins envisageable
compte tenu des fonctions bien distinctes que remplissent les deux
organisations.
L'OTICE comporte trois organes :
- la Conférence des Etats-parties,
- le Conseil exécutif,
- et le Secrétariat technique.
La
Conférence des Etats-parties
se réunit en session
ordinaire une fois par an et peut également être convoqué
soit en session extraordinaire, soit en conférence d'amendement ou
d'examen. Ses décisions concernant le fond sont adoptées autant
que possible par consensus, ou à la majorité des deux tiers si le
consensus n'est pas atteint dans les 24 heures. Certaines questions
requièrent cependant le consensus ou du moins l'absence de vote
négatif.
Le
Conseil exécutif
est l'organe exécutif de l'OTICE. Il
se compose de
51 membres
répartis en six groupes
géographiques. Le tiers au moins des sièges attribué
à chaque groupe géographique est pourvu par des Etats
désignés sur la base de leurs capacités nucléaires
ainsi que par des critères tels que le nombre d'installations de
surveillance, les compétences et l'expérience dans les techniques
de surveillance et la contribution au budget de l'OTICE. La combinaison de ces
différents critères devrait assurer à la France un
siège permanent au Conseil exécutif de l'OTICE, au titre du
groupe Amérique du Nord et Europe occidentale. Il en serait de
même pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Le Conseil exécutif
statue à la majorité des deux tiers sur les questions de fond,
sauf disposition contraire du traité.
Enfin, la Conférence et le Conseil exécutif sont assistés
d'un
Secrétariat technique
qui exerce les
fonctions de
vérification.
Le Secrétariat technique comprend un Centre
international de données. Son rôle est essentiel dans la
coordination et l'exploitation du système international de surveillance
et dans la réalisation des inspections sur place.
L'OTICE disposera d'un budget alimenté par les contributions des
Etats-parties. La quote part de la France représente 6,5 % du budget de
l'Organisation, soit, pour 1998, près de 23 millions de F.
La mise en place de l'Organisation n'attendra pas l'entrée en vigueur du
traité. En effet, les Etats signataires ont mis en place le 19 novembre
1996 la commission préparatoire de l'OTICE, assistée d'un
secrétariat technique provisoire opérationnel depuis mars 1997.
La tâche principale de la commission préparatoire consiste
à entreprendre tous les préparatifs nécessaires afin que
le régime de vérification soit opérationnel lors de
l'entrée en vigueur du traité. Elle supervise et coordonne la
mise au point du système de surveillance international et l'exploitera
provisoirement, en attendant sa mise en service officielle.
Le secrétariat technique provisoire de l'OTICE comprend
déjà près de 100 personnes et son effectif devrait
pratiquement doubler d'ici la fin de l'année, pour atteindre son format
définitif.
2. Le système de surveillance international
Le système de surveillance international prévu
par le traité repose sur un
réseau de 321 stations de
surveillance
faisant appel à
quatre techniques de
détection
, de manière à mieux déceler les
effets dans l'atmosphère, dans les océans ou sous terre d'un
éventuel essai nucléaire.
La majorité des stations (170) relève de la détection
sismique, autour d'un réseau de 50 stations primaires dont les
informations seront transmises en temps réel au centre international de
données et 120 stations secondaires qui fourniront, sur demande, des
données supplémentaires.
Un deuxième réseau de 80 stations sera dédié
à la recherche de radionucléides dans l'atmosphère, pour
la surveillance d'éventuelles explosions aériennes.
11 stations feront appel à la détection hydroacoustique pour
détecter d'éventuelles explosions sous-marines.
Enfin, 60 stations de détection des infrasons seront chargées de
déceler les ondes de pression produites par une éventuelle
explosion nucléaire.
Les données recueillies par ce réseau de stations seront
transmises en temps réel à un Centre international de
données
chargé de les archiver. Les Etats parties pourront
à tout moment accéder auprès de ce centre à toutes
les données issues du système de surveillance pour effectuer
eux-mêmes l'analyse et l'interprétation des mesures.
Le protocole fixe précisément la localisation des
différentes stations. Certaines de ces stations existent
déjà à titre national, et seront intégrées
dans le réseau de l'OTICE, d'autres sont à réaliser. Le
coût de l'installation et de la construction du réseau
international, y compris de la mise à niveau de stations existantes, est
évalué à environ 200 millions de dollars, pour des travaux
qui s'échelonneront sur 4 ou 5 ans. Ces dépenses sont à la
charge de l'OTICE qui assure également l'exploitation et l'entretien des
installations, à l'exception des 120 stations sismiques secondaires pour
lesquelles ces dernières dépenses demeurent à la charge de
l'Etat.
En ce qui concerne la France, relèveront de l'OTICE :
· une station sismologique du réseau primaire située
à Tahiti
· 6 stations de surveillance des radionucléides
· 2 stations hydroacoustiques
· et 5 stations de détection des infrasons.
Par ailleurs, 2 autres stations sismologiques sont intégrées dans
le réseau secondaire. Enfin, le centre d'analyse du Commissariat
à l'Energie Atomique de Bruyères-le-Châtel sera l'un des 16
laboratoires de référence homologués par le
secrétariat technique de l'OTICE en vue d'analyser les
échantillons provenant des stations de surveillance des
radionucléides.
En dehors des stations intégrées au système de
surveillance international, la France dispose de stations purement nationales,
qui lui permettront de compléter les informations provenant du
réseau de l'OTICE.
Couvrant l'ensemble de la surface du globe et faisant appel à la
combinaison de quatre techniques différentes permettant la surveillance
de l'atmosphère, des continents et des océans, le réseau
de l'OTICE devrait
assurer la détection sur environ 90 % de la
surface mondiale de toute explosion nucléaire dégageant une
énergie supérieure à 1 kilotonne
. Pour
d'éventuelles explosions nucléaires de puissance
inférieure à 1 kilotonne, l'efficacité du système
international sera variable selon les zones géographiques et les moyens
de surveillance strictement nationaux permettront d'en compléter les
observations. A ce titre, la possession par la France de moyens nationaux non
inclus dans le réseau de l'OTICE lui conférera une
capacité de jugement accrue et indépendante.
3. Les inspections sur place
Le traité accorde à chaque Etat-partie le droit
de demander une inspection sur place sur le territoire de tout autre
Etat-partie ou dans une zone ne relevant d'aucun Etat-partie, en vue de
déterminer si une explosion expérimentale d'arme nucléaire
a été réalisée en violation de l'interdiction
édictée par le traité, et de recueillir des
éléments permettant d'identifier l'éventuel contrevenant.
Afin d'éviter les demandes d'inspection abusives ou insuffisamment
motivées, le traité prévoit qu'elles doivent reposer sur
les données recueillies par le système de surveillance
international ou sur des données provenant de systèmes nationaux.
Elles doivent en outre contenir un certain nombre d'informations
précises, telles que les coordonnées géographiques du lieu
présumé de l'événement ou le moment estimé
de cet événement.
Il faut noter qu'en vertu du traité, les demandes d'inspection sur place
ne peuvent émaner que des Etats-parties et non de l'organisation
elle-même.
C'est au Conseil exécutif qu'il revient, au plus tard dans les quatre
jours, de se prononcer sur la demande d'inspection sur place, après
avoir éventuellement obtenu des éclaircissements de l'Etat sur le
territoire duquel l'inspection est requise. Pour être
décidée,
l'inspection sur place doit recueillir l'approbation
d'au moins 30 des 51 membres du Conseil exécutif
.
Le traité détaille de manière très précise
les conditions de réalisation de ces inspections, menées par des
équipes d'inspecteurs désignés par le directeur
général du secrétariat technique sur une liste
préétablie. Il tente de concilier l'efficacité du
contrôle international et la protection des installations sensibles des
Etats. Ainsi, les inspections se déroulent selon plusieurs phases et
commencent par les procédures les moins intrusives. Mais les
délais prévus sont extrêmement rapides -9 jours entre le
dépôt de la demande et, si elle est approuvée, le
début de l'activité des inspecteurs sur la zone d'inspection-
afin d'éviter que le temps, ou les hommes, n'efface les indices
susceptibles de mettre à jour une éventuelle explosion
nucléaire.
L'équipe d'inspection remet son rapport au Conseil exécutif qui
détermine s'il y a eu inexécution du traité ou
éventuellement, de la part de l'Etat requérant, abus du droit de
demander des inspections sur place.
Il n'est pas à proprement parler prévu de sanctions à
l'égard de l'Etat qui violerait les obligations découlant du
traité. L'article V précise que "
dans les cas où un
préjudice risque d'être porté à l'objet et au but du
présent traité du fait d'un manquement aux obligations
fondamentales établies par celui-ci, la Conférence peut
recommander aux Etats-parties des mesures collectives qui sont conformes au
droit international
". Il ajoute que "
la Conférence, ou s'il y a
urgence, le Conseil exécutif peut porter la question, y compris les
informations et les conclusions pertinentes, à l'attention de
l'Organisation des Nations unies
".
Il semble clair que compte tenu de l'extrême gravité que
représenterait une violation du traité, du point de vue de la
paix et de la sécurité internationales, une telle situation
relèverait naturellement de la responsabilité du Conseil de
sécurité des Nations unies.
C. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR HYPOTHÉTIQUE
La définition des conditions d'entrée en vigueur du traité a été l'une des questions les plus discutées de la négociation. La solution finalement retenue implique la ratification du traité par l'ensemble des pays disposant de capacités nucléaires significatives, privilégiant l'objectif d'universalité du traité. Du même coup, l'entrée en vigueur effective du traité peut être remise en cause par un seul de ces pays. Une interrogation majeure subsiste donc sur l'application effective sans pour autant que les obstacles juridiques apparemment infranchissables permettent d'exclure la réalisation dans les faits, sinon par des moyens de droit, des objectifs du traité.
1. Des conditions d'entrée en vigueur difficiles à réunir
Comme nous l'avons signalé plus haut, le débat
sur les conditions d'entrée en vigueur a longuement occupé les
négociateurs qui ont finalement opté pour une solution exigeante,
estimant que la réalisation de l'objectif du traité impliquait
l'adhésion de l'ensemble des pays disposant de capacités
nucléaires significatives.
L'article XIV subordonne l'entrée en vigueur du traité
à sa ratification par 44 Etats
désignés en annexe.
Cette liste d'Etats a été établie à partir de deux
critères cumulatifs : la qualité de membre de la
Conférence du désarmement au 18 juin 1996, date de son
élargissement, et la participation aux travaux de sa session de 1996
d'une part, et la possession de réacteurs nucléaires industriels
ou de recherche d'autre part.
Cette liste englobe bien entendu les cinq puissances nucléaires et les
trois Etats du seuil, l'Inde, le Pakistan et Israël, qui a
été inclus dans l'élargissement de la Conférence du
désarmement du 18 juin 1996. Elle inclut également la
Corée du Nord, concernée par cet élargissement.
Elle exclut en revanche la république fédérative de
Yougoslavie qui n'a pas participé à la session de 1996, et
l'Irak, qui ne dispose pas de réacteur de puissance ou de recherche (ces
derniers ayant été neutralisés).
Les 44 Etats concernés sont les suivants : Afrique du Sud,
Algérie, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Bangladesh,
Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, Chili, Chine, Colombie, Egypte,
Espagne, Etats-Unis, Russie, Finlande, France, Hongrie, Inde, Indonésie,
Iran, Israël, Italie, Japon, Mexique, Norvège, Pakistan, Pays-Bas,
Pérou, Pologne, Corée du Sud, Corée du Nord, Roumanie,
Royaume-Uni, Slovaquie, Suède, Suisse, Turquie, Ukraine, Vietnam et
Zaïre.
Sur ces 44 Etats, 41 ont déjà signé le
traité
, dont les cinq puissances nucléaires reconnues et
Israël, qui prend ainsi son premier engagement international dans le
domaine nucléaire.
Les trois Etats qui n'ont pas signé le traité sont l'Inde, le
Pakistan et la Corée du Nord
.
L'Inde
a clairement et fermement manifesté son
refus de se
joindre au traité
pour deux raisons de fond et une raison de forme :
- elle considère que le renforcement du régime de
non-prolifération doit être lié à un calendrier
contraignant de désarmement nucléaire total des puissances
nucléaires,
- elle fait valoir ses intérêts de sécurité -on
pense bien entendu au voisinage de la Chine- qui l'amènent à
laisser ouverte l'option nucléaire,
- elle conteste la clause d'entrée en vigueur qui l'inclut sans son
accord dans les pays dont la ratification est requise.
Le
Pakistan
n'a pas manifesté une telle opposition au
traité -il doit d'ailleurs accueillir sur son territoire deux stations
du système de surveillance international- mais il lie sa position
à celle de l'Inde, c'est-à-dire qu'il n'envisage sa signature
qu'après que celle-ci aura ratifié le traité.
Enfin, la
Corée du Nord
n'a pas clairement exprimé ses
intentions et, sans pour autant spécifier qu'elle n'entendait pas
adhérer au traité, elle ne l'a pas pour l'instant signé.
L'absence au rang des signataires de deux pays du seuil et d'un pays dont les
activités nucléaires ont suscité beaucoup d'interrogations
fait donc pour l'instant obstacle à l'entrée en vigueur du
traité.
2. Une interrogation majeure sur l'application effective du traité
Conçue comme une garantie de l'universalité du
traité, la
clause d'entrée en vigueur
apparaît
également comme une
source de blocage
de son application
effective, le traité n'ayant prévu aucun moyen réel de
surmonter l'obstacle constitué par le refus de ratifier d'un seul des 44
Etats de la liste.
L'article XIV précise certes que si le traité n'est pas
entré en vigueur trois ans après la date de son ouverture
à la signature, soit avant le
24 septembre 1999
, une
Conférence des Etats
ayant procédé à la
ratification pourra alors se réunir. Lors de cette conférence,
qui ne pourra que constater que les conditions d'entrée en vigueur ne
sont pas réunies, les Etats ayant ratifié le traité seront
appelés à se prononcer "
par consensus sur les mesures qui
pourraient être prises suivant le droit international en vue
d'accélérer le processus de ratification et de faciliter ainsi
l'entrée en vigueur du traité à une date
rapprochée
". Une telle procédure pourra être
engagée à chaque date anniversaire de l'ouverture de la
signature, tant que les conditions d'entrée en vigueur ne sont pas
remplies.
A vrai dire, on ne voit guère la marge de manoeuvre dont pourrait
disposer cette conférence. Ne pouvant juridiquement amender le
traité, elle ne pourra en aucun cas modifier les conditions qu'il a
posées en vue de réaliser une entrée en vigueur
anticipée.
Il est donc clair qu'il suffit que l'un des trois pays non signataires persiste
dans sa position pour aboutir à une
impasse juridique
qui
hypothèque lourdement l'application effective du traité.
Mais de nombreux commentateurs font valoir que
même dépourvu de
force juridique, le traité d'interdiction complète des essais
nucléaires pourrait néanmoins atteindre les objectifs qu'il s'est
fixés
.
Tout d'abord, le très large accord réalisé sur ce texte au
sein de la communauté internationale lui confère une
portée politique majeure
, qui pèsera sur les pays
éventuellement tentés par la réalisation d'un essai
nucléaire.
Sur un plan technique ensuite, l'absence d'entrée en vigueur ne
permettra pas de réaliser les inspections sur place, qui constituent un
élément essentiel du régime de vérification. En
revanche, la réalisation du réseau des stations de surveillance a
commencé, à l'initiative de la commission préparatoire de
la future organisation du traité et de tous les Etats désireux de
mettre en oeuvre le traité.
L'existence matérielle de ce
système de surveillance
, à partir du début du
siècle prochain, pourra jouer un
rôle dissuasif certain
,
dès lors que les Etats qui ont signé le traité s'accordent
sur le mode de fonctionnement de ce réseau.
III. LA FRANCE ET LE TRAITÉ D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES
Concernée au premier rang en qualité de
puissance nucléaire, la France s'est fortement impliquée en
faveur de la conclusion du traité et elle est en mesure de jouer un
rôle important dans sa mise en oeuvre.
Toutefois, en décidant non seulement d'arrêter
définitivement ses essais nucléaires, mais également de
démanteler ses installations d'expérimentation, la France s'est
placée dans une situation singulière qui lui impose, plus qu'aux
autres puissances nuclaires, des exigences fortes, et en premier lieu la
parfaite mise en oeuvre du programme de simulation.
A. UNE IMPLICATION FORTE DANS LA CONCLUSION ET LA MISE EN PLACE DU TRAITÉ
En grande partie conforme aux objectifs fixés par la France, ce traité lui permettra également de jouer un rôle important dans la vérification de son application.
1. Un traité en grande partie conforme aux objectifs de la France
Le traité s'avère en très grande partie
conforme aux objectifs que la France s'était fixés au cours de la
négociation.
C'est en premier lieu la France qui a proposé "l'option zéro",
c'est-à-dire l'interdiction complète des essais nucléaires
quelle que soit leur puissance, qui donne au traité sa portée
très large.
Pour autant, le traité préserve les activités de
simulation qui doivent permettre, en l'absence d'essais, d'assurer la
sûreté et la fiabilité des armes nucléaires
françaises.
En ce qui concerne l'impact du traité sur l'arsenal nucléaire
français, on doit constater que le traité ne comporte aucun
engagement en matière de désarmement nucléaire et que
d'autre part le but recherché par l'interdiction des essais n'est
nullement incompatible avec la position de la France, qui a clairement
indiqué qu'elle n'entendait pas accroître le nombre ou la
puissance des armes existantes ni concevoir de nouveaux types d'armes
nucléaires
La France tenait également à ce que l'interdiction des essais
soit assortie d'un système de vérification efficace. Sur ce plan,
le caractère très complet du système de surveillance
international et les mécanismes d'inspection, qui permettent un
contrôle réel tout en ménageant la souveraineté des
Etats, sont des résultats incontestablement satisfaisants.
En ce qui concerne la clause d'entrée en vigueur, elle apparaît
certes de nature à hypothéquer l'application effective du
traité mais il n'était guère conforme à l'objectif
de non-prolifération d'adopter une solution qui aurait imposé
l'arrêt des essais aux cinq puissances nucléaires reconnues sans
en faire de même pour les Etats du seuil.
D'une manière générale, l'adhésion de la France
à ce traité qui renforce le régime de
non-prolifération participe d'une
contribution significative de la
France aux processus de lutte contre la prolifération et de
désarmement nucléaire
dont on peut retenir :
l'adhésion au TNP en 1992, la signature des traités de Rarotonga
et de Palindaba sur la dénucléarisation du Pacifique Sud et de
l'Afrique, le démantèlement du centre d'expérimentations
du Pacifique, l'arrêt de la production de matières fissiles
à des fins militaires et la fermeture des usines de Marcoule et de
Pierrelatte, la suppression de la composante terrestre de la dissuasion
(missiles mobiles Hadès et missiles stratégiques du plateau
d'Albion) et la réduction à quatre sous-marins nucléaires
du format de sa composante sous-marine.
2. Un rôle important dans le fonctionnement de l'Organisation du traité
Le rôle de la France dans le fonctionnement de
l'Organisation du traité apparaît à de multiples niveaux.
Tout d'abord, par le nombre des installations de surveillance qu'elle
accueille, par sa contribution financière et surtout par ses
compétences et son expérience dans les techniques de
surveillance, la France semble assurée d'un siège permanent au
Conseil exécutif lorsque le traité entrera en vigueur.
Ces mêmes compétences devraient la mettre en mesure d'occuper une
place de premier plan dans l'encadrement de l'organisation.
Enfin, les moyens propres dont dispose la France dans le domaine de la
surveillance lui permettront de disposer d'éléments
supplémentaires d'appréciation et de renforcer ainsi
l'étendue et la fiabilité des informations fournies par le
système de surveillance internationale.
B. LES CONSÉQUENCES DU DÉMANTÈLEMENT DES CENTRES D'EXPÉRIMENTATIONS NUCLÉAIRES : UN RENONCEMENT IRRÉVERSIBLE AUX ESSAIS NUCLÉAIRES QUI IMPOSE A LA FRANCE DES EXIGENCES PARTICULIÈRES
On ne peut évoquer les obligations juridiques découlant, pour la France, du traité sans les examiner au regard des décisions unilatérales déjà prises par notre pays, et en premier lieu le démantèlement des installations d'expérimentations. Cette décision irréversible prive la France de toute possibilité matérielle de reprendre les expérimentations et lui impose des exigences particulières, notamment pour mettre en oeuvre le programme de simulation.
1. Le renoncement irréversible aux essais nucléaires
Au regard du traité, la décision la plus
importante n'est peut-être pas l'arrêt définitif des essais,
après l'ultime campagne de 1995-1996, mais plus certainement le
démantèlement des sites d'expérimentations du
Pacifique
.
En effet, les opérations de démantèlement qui avaient
commencé en 1996 sur les sites de Mururoa et de Fangataufa seront
achevées d'ici la fin de l'année 1998, année au cours de
laquelle la Direction des centres d'expérimentations nucléaires
du ministère de la défense sera dissoute. Parallèlement,
la France a adhéré aux protocoles du traité de Rarotonga
sur la zone exempte d'armes nucléaires du Pacifique Sud, et elle a
notamment ratifié le 20 septembre 1996 le protocole 3 qui interdit tous
les essais nucléaires dans la zone.
Ainsi, tout en prenant l'engagement juridique, par le traité
d'interdiction complète des essais et par le traité de Rarotonga,
de ne plus réaliser d'essais, la France a également
renoncé aux capacités matérielles et techniques de
réaliser ces expérimentations
.
La France se trouve ainsi dans une
situation singulière
au regard
des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine, qui malgré leur
adhésion au traité ont conservé leurs centres
d'expérimentations. Les Etats-Unis continuent d'ailleurs à
effectuer des essais "sous critiques" dans leur site du Nevada.
2. L'enjeu de la simulation : une exigence majeure
En prônant une décision définitive et
irréversible qui lui interdit matériellement de reprendre des
expérimentations, la France s'impose une
double exigence
si elle
souhaite préserver sa capacité de dissuasion :
- tout d'abord,
oeuvrer fermement pour l'application effective du
traité
d'interdiction complète des essais et des mesures de
vérification, car si ce traité devait ne jamais être
appliqué, elle pourrait se retrouver dans une situation
d'infériorité pour avoir anticipé de manière
irréversible un hypothétique arrêt universel des essais,
-
mener à son terme le programme de simulation
qui, en l'absence
d'essais en vraie grandeur, doit permettre de garantir la fiabilité et
la sûreté de son armement nucléaire.
Votre rapporteur souhaite particulièrement insister sur ce dernier point.
Il faut en effet rappeler que le programme de simulation répond à
la nécessité de
garantir à la fois la
sûreté et la fiabilité des armes actuelles et de celles qui
les remplaceront,
mais aussi d'assurer à plus long terme la
fiabilité de la dissuasion :
- les armes subissent des phénomènes de vieillissement des
charges qu'il importe de surveiller et dont il faut mesurer les incidences pour
y remédier. En l'absence d'essais, la simulation permettra
d'évaluer les conséquences du vieillissement des charges et
contribuera au maintien de la durée de vie des armes actuelles, telle
qu'elle est prévue jusqu'à leur remplacement.
- les têtes nucléaires appelées à remplacer les
charges actuelles seront définies à partir des concepts
" robustes " testés lors de la dernière campagne
d'essais, avec des modifications limitées par rapport aux engins
testés. Mais seule la simulation permettra de garantir la
fiabilité et la sûreté de ces charges nouvelles, garantie
sans laquelle la dissuasion perdrait une grande part de sa
crédibilité.
- enfin, à plus long terme, les concepteurs des armes qui assureront le
renouvellement appartiendront à une génération n'ayant pas
été confrontée aux essais en grandeur réelle.
Au-delà des données recueillies lors de ces essais, la simulation
leur fournira des calculateurs et des moyens expérimentaux
adaptés (la machine radiographique AIRIX et le laser Mégajoule)
leur permettant de confronter leurs calculs à l'expérience.
En résumé, le maintien de la dissuasion nucléaire suppose
non seulement un arsenal d'armes nucléaires mais aussi une
garantie
permanente de la fiabilité et de la sûreté de ces armes
qu'en l'absence d'essais, seule la simulation peut apporter.
La mise en oeuvre du programme de simulation repose sur de
puissants moyens
de simulation numérique
fournis par des ordinateurs beaucoup plus
performants que ceux actuellement en service, et sur des
installations
expérimentales
permettant de valider les modèles physiques
décrivant les phénomènes essentiels du fonctionnement des
armes nucléaires : la
machine radiographique AIRIX
pour la
visualisation détaillée du comportement dynamique de l'arme, et
le
laser Mégajoule
pour l'étude des
phénomènes physiques, notamment thermonucléaires.
La
machine radiographique AIRIX
, en phase de construction à
Moronvilliers, en Champagne, sera vouée à l'analyse de la
dynamique des matériaux et elle permettra d'étudier le
fonctionnement non nucléaire des armes, à l'aide
d'expériences au cours desquelles les matériaux nucléaires
sont remplacés par des matériaux inertes. Elle devrait être
opérationnelle dès 1999 et succéder à l'actuelle
machine GREC.
Projet de plus grande ampleur, le
laser Mégajoule
qui sera
installé au Barp, en Gironde, est pour sa part destiné à
l'étude du domaine thermonucléaire. Il permettra de
déclencher une combustion thermonucléaire sur une très
petite quantité de matière et de mesurer ainsi les processus
physiques élémentaires. Le développement du projet doit
s'effectuer en plusieurs étapes, avec tout d'abord la construction d'une
ligne d'intégration laser (LIL) qui devra valider et qualifier la
définition de la chaîne laser de base du laser Mégajoule.
Le
calendrier du programme de simulation
a été
arrêté en fonction de
plusieurs critères
: d'une
part,
la relève des équipes de concepteurs actuels
par des
équipes n'ayant pas connu les essais nucléaires, qui implique la
mise à disposition de ces dernières de moyens de simulation, et
d'autre part les
échéances de remplacement des charges
nucléaires actuelles
.
Les principales phases de ce calendrier sont :
. 1999 : premier tir de démonstration sur AIRIX et début de la
construction du bâtiment du laser Mégajoule,
. 2000 : recette finale de l'installation d'AIRIX,
. 2001 : qualification de la ligne d'intégration laser,
. 2006 : premières expériences sur le laser Mégajoule avec
un tiers des faisceaux,
. 2010 : premières expériences sur le laser Mégajoule avec
la totalité des faisceaux.
Les investissements nécessaires à la réalisation de ce
programme ont été évalués à 6,5 milliards de
francs pour le laser Mégajoule, 500 millions de francs pour la
construction d'AIRIX et 170 millions de francs pour la première
génération d'ordinateurs.
Sur l'ensemble de la période 1995-2010, l'investissement serait de
l'ordre de 10 milliards de francs, auxquels il faut ajouter des coûts de
fonctionnement évalués à 1 milliard de francs par an.
Votre rapporteur croit devoir souligner une nouvelle fois que
la
contrepartie indispensable aux engagements internationaux souscrits par la
France et à ses initiatives unilatérales, réside dans le
respect scrupuleux des enveloppes financières allouées à
la simulation
par la dernière loi de programmation militaire.
CONCLUSION
A l'issue de l'examen de ce traité d'interdiction
complète des essais nucléaires, votre commission est
amenée à effectuer plusieurs observations.
Tout d'abord
la portée politique du traité est
incontestable
. Un très large accord s'est manifesté, au sein
de la communauté internationale, pour renforcer le régime de
non-prolifération et pour stopper, sur le plan qualitatif, la course aux
armements nucléaires, puisque l'interdiction des essais devrait
empêcher le perfectionnement des armes nucléaires ou la mise au
point d'armes de type nouveau.
Ensuite, on peut se réjouir du
dispositif solide de
vérification
prévu par le traité. Le système de
surveillance combiné aux inspections sur place est en mesure de garantir
une efficacité réelle à la vérification et de jouer
ainsi un rôle dissuasif sur un éventuel contrevenant. Tout est
donc mis en oeuvre pour pouvoir évaluer le respect par les Etats de
leurs obligations.
Mais une
interrogation majeure et fondamentale subsiste sur les chances
d'application effective de ce traité
, en l'absence de ratification
unanime par l'ensemble des Etats disposant de capacités
nucléaires significatives, dont la signature est requise.
Nous nous trouvons donc devant un texte très large par sa portée,
puisqu'il édicte une interdiction générale de tous les
essais nucléaires, quelle que soit leur puissance, assorti d'un
dispositif de surveillance et de vérification particulièrement
solide, mais qui, faute d'unanimité, pourrait ne jamais être
appliqué.
S'oriente-t-on, comme semblent le penser certains observateurs, vers une
application "de fait" sinon de droit du traité ?
Divers éléments plaident en effet en ce sens. Une volonté
de coopération internationale semble se dégager pour mettre en
place, quoi qu'il arrive, le dispositif technique de surveillance, et celui-ci
jouera un rôle dissuasif. D'autre part, du fait de l'existence même
du traité, signé par une très large majorité des
Etats, la réalisation d'un essai apparaîtrait comme une
provocation pour la communauté internationale.
Put-on également exclure, à moyen terme, une évolution de
la position indienne ? Les récentes évolutions politiques
intérieures indiennes ne semblent pas aller dans ce sens, mais on peut
aussi constater qu'en restant sur sa position quant aux engagements
internationaux sur la non-prolifération, l'Inde se prive de
possibilités de coopération civile qui pourraient contribuer
à satisfaire ses immenses besoins énergétiques.
S'oriente-t-on, au contraire, vers un blocage durable du traité et un
effritement de l'accord réalisé entre les 5 puissance
nucléaires et les Etats non nucléaires ?
Cette hypothèse pessimiste serait particulièrement
délicate pour notre pays. En démantelant son centre d'essais et
en se privant, de manière irréversible, de ses moyens techniques
d'expérimentation, la France a misé sur un arrêt
définitif et universel des essais. En cas d'échec du
traité et de cet objectif, elle pourrait se retrouver dans une situation
d'infériorité. Notre pays se doit donc de mener une action
constante en vue d'obtenir l'entrée en vigueur du traité, et de
ce point de vue, il est logique qu'il figure parmi les premiers à
engager le processus de ratification.
D'autre part, il doit impérativement réussir la mise en oeuvre de
la simulation, qui doit désormais garantir, sur le long terme, notre
dissuasion nucléaire. C'est pourquoi votre commission demeurera
très vigilante sur le financement de ce programme, dans une
période marquée par une remise en cause des crédits
d'équipement militaire.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous
demande d'approuver le présent projet de loi, conforme aux grands
objectifs que défend la France sur la scène internationale.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées du Sénat a
procédé à l'examen du présent rapport, au cours de
sa séance du 4 mars 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène
s'est interrogé sur le financement de l'organisation du traité,
et notamment du système international de surveillance.
M. Michel Alloncle, évoquant le refus de l'Inde et du Pakistan de signer
le traité, a demandé si l'on pouvait considérer que la
position de l'Inde était elle-même motivée par celle du
Pakistan.
M. Maurice Lombard a évoqué les risques de réalisation
d'essais et d'accession à l'arme nucléaire de pays qui n'auraient
pas signé le traité. Il a également émis la crainte
que de tels pays autorisent sur leur territoire des essais clandestins
pratiqués par d'autre pays, qui tourneraient ainsi l'interdiction
posée par le traité.
En réponse à ces observations, M. Jean Faure, rapporteur, a
apporté les précisions suivantes :
- le budget de l'organisation prévue par le traité sera
alimenté par des contributions des Etats membres et la quote-part de la
France s'élèvera à 6,5 % de ce budget, soit, pour 1998,
une contribution estimée à 22 millions de francs ;
- à la différence du Pakistan, l'Inde a clairement
manifesté une opposition de fond au traité d'interdiction des
essais nucléaires, le Pakistan ayant alors déclaré qu'il
suspendait sa signature à celle de l'Inde ;
- le traité interdit tout autant les essais nucléaires
réalisés par un pays sur son propre territoire que les essais qui
seraient réalisés, sur ce même territoire, par un tiers ;
par ailleurs, le système de surveillance permettra de détecter de
tels essais.
Après avoir rappelé la situation des divers groupes d'Etats au
regard de la possession de l'arme nucléaire ou de la capacité de
l'acquérir, M. Xavier de Villepin, président, a fait remarquer
qu'Israël avait pu se doter de l'arme nucléaire sans recourir aux
essais. Il a fait état des contrôles opérés sur
d'autres Etats disposant de capacités nucléaires mais n'ayant pu
jusqu'à présent accéder à un armement
nucléaire. A propos de la position de l'Inde, il a
considéré que les bons résultats obtenus, lors des
dernières élections législatives, par le parti
nationaliste hindou, qui soutient l'accession de l'Inde au rang de puissance
nucléaire, n'allaient pas faciliter une évolution de ce pays en
faveur de la ratification du traité. Il a cependant estimé que la
proposition de coopérer avec l'Inde dans le domaine nucléaire
civil, afin de satisfaire ses immenses besoins énergétiques,
devait être étudiée car elle pourrait fournir le moyen
d'obtenir de cette dernière des engagements dans le domaine de la
non-prolifération. Il a enfin signalé que les essais
"sous-critiques" demeureraient autorisés, et continueraient à
être réalisés par les Etats-Unis alors que la France ne
peut plus réaliser de tels essais en l'absence de site
d'expérimentations.
M. Christian de La Malène a considéré que l'attitude
respective de la Chine et de l'Inde conditionnait tout l'avenir du processus de
désarmement nucléaire, les moyens de pression internationale
étant cependant très limités à l'égard de
ces deux pays.
M. Xavier de Villepin, président, a évoqué les
interrogations qui sont apparues sur le rôle de la Chine dans le domaine
de la prolifération, en citant l'exemple de l'assistance chinoise pour
la réalisation d'un réacteur en Algérie.
Enfin, M. Jean Faure a apporté des précisions relatives à
l'absence de capacité française de réaliser des essais
"sous-critiques", aux risques liés à la prolifération et
à l'assistance que la Chine accorde également, dans le domaine
nucléaire, à l'Iran.
La commission a alors
approuvé le projet de loi
qui lui
était soumis.
PROJET DE LOI
ARTICLE UNIQUE
Est autorisée la ratification du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, signé à New York le 24 septembre 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE N° 1
AUDITION DE M. Yannick D'ESCATHA,
Administrateur général du Commissariat à l'Energie
Atomique
Réunie le mercredi 28 janvier 1998 sous la
présidence de M. Xavier de Villepin, la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées du
Sénat a procédé à l'audition de M. Yannick
d'Escatha, administrateur général du Commissariat à
l'énergie atomique (CEA), de M. Jacques Bouchard, directeur des
applications militaires du CEA, et de M. Christian Prettre, directeur des
relations internationales du CEA.
M. Yannick d'Escatha a tout d'abord évoqué l'avenir et les enjeux
du programme de simulation qui représente, depuis l'arrêt
définitif des essais nucléaires, l'unique moyen de maintenir
à long terme la capacité technique de notre dissuasion
nucléaire, tant pour garantir la fiabilité et la
sûreté des armes qui remplaceront les armes actuelles que pour
faire face aux problèmes liés au vieillissement des charges.
M. Yannick d'Escatha a particulièrement insisté sur les
impératifs de calendrier qui imposent, d'ici 2010, le remplacement des
équipes ayant été confrontées aux essais en vraie
grandeur par une nouvelle génération de techniciens qui ne
bénéficieront pas de la même expérience et qui ne
pourront plus tester les armes de renouvellement. Il a souligné que,
dans ces conditions, la mission du CEA était d'assurer, avant le
remplacement des têtes nucléaires actuelles, et notamment celui de
la TN 75 par la future tête nucléaire océanique (TNO) en
2015, la mise en place d'équipes nouvelles capables de fabriquer des
charges nucléaires présentant toutes garanties de
fiabilité et de sûreté, afin de maintenir la
capacité technique de la dissuasion française. Dans cette
perspective, il a précisé que le CEA s'attachait à
constituer de nouvelles équipes formées de personnel de haut
niveau, qui devaient bénéficier des résultats des essais
passés, et notamment de la dernière campagne d'essais, tout en
étant "homologuées" par les personnels plus anciens qui avaient
connu les essais en vraie grandeur et en avaient retiré toute
l'expérience, même si elle est parfois empirique, comme dans le
domaine thermonucléaire non accessible jusqu'ici en laboratoire. Il a
estimé que ce passage de relais constituait une situation unique, car il
devait être impérativement réussi dans une "fenêtre
de temps" très réduite où les équipes nouvelles et
les équipes anciennes devront travailler ensemble sur le laser
Mégajoule avant 2010 pour combler les connaissances manquantes, faute de
quoi la perte des capacités techniques dans le domaine de la dissuasion
serait irréversible, en raison de l'arrêt des essais.
M. Yannick d'Escatha a ensuite rappelé les deux objectifs principaux du
programme de simulation :
- fournir les données permettant de maîtriser les effets du
vieillissement des armes,
- et garantir la fiabilité et la sûreté des armes
appelées à remplacer les armes nucléaires actuelles par
des armes dites "robustes" ; elles ont été validées lors
de la dernière campagne d'essais et seront moins sophistiquées et
donc, en particulier, moins sensibles aux inévitables variations de
fabrication.
Il a précisé que ces objectifs impliqueront la mise en oeuvre de
trois types d'opérations : la modélisation de la physique du
fonctionnement des armes nucléaires, le calcul numérique et la
validation expérimentale. Il a évoqué les deux instruments
principaux nécessaires à cet effet : la machine radiographique
Airix, qui permettra, à l'aide d'expérimentations non
nucléaires, de donner des indications sur le comportement des
matériaux et qui sera opérationnelle dès 1999 ; le laser
Mégajoule, dédié à l'expérimentation de la
combustion thermonucléaire d'une très faible quantité de
matière soumise au rayonnement de 240 faisceaux lasers.
M. Yannick d'Escatha a précisé les principales
échéances de la construction du laser Mégajoule : un
prototype doté de 8 faisceaux, la ligne d'intégration laser
(LIL), sera mis en service en 2001, alors que le laser Mégajoule
lui-même sera doté d'un tiers de ses faisceaux en 2006 pour
être achevé en 2010. Il a conclu sur ce sujet en rappelant
à la fois l'impératif absolu de réussite de ce programme
et la très forte contrainte pesant sur sa réalisation d'ici 2010.
Abordant le traité d'interdiction complète des essais
nucléaires (CTBT), qui proscrit le recours aux essais nucléaires
en vraie grandeur, y compris ceux de faible énergie, il a indiqué
que celui-ci avait été signé par 149 pays, dont les 5
puissances nucléaires déclarées et Israël. Il a
rappelé que l'entrée en vigueur du traité était
subordonnée à sa ratification par les 44 Etats disposant de
capacités nucléaires dans le domaine civil, et que, parmi eux,
l'Inde s'opposait toujours à la mise en oeuvre de ce traité.
L'administrateur général du CEA a alors présenté
les principaux moyens prévus par le traité pour faire respecter
l'interdiction des essais, à savoir un système de surveillance,
un centre international de données et des entités chargées
de l'inspection sur place et de l'évaluation. Il a précisé
que les Etats pourraient continuer à utiliser également leurs
propres systèmes nationaux de surveillance et d'interprétation.
Il a estimé que les moyens prévus par le traité, et
notamment la transmission à un centre international de données,
accessible à tous les Etats parties, des résultats de la
surveillance internationale, permettront de détecter sur 90 % du
territoire mondial toute explosion nucléaire supérieure à
1 kilotonne.
MM. Yannick d'Escatha, Jacques Bouchard et Christian Prettre ont ensuite
répondu aux questions des commissaires.
M. Jean Faure, soulignant le caractère non modifiable de la
"fenêtre de temps" évoquée par l'administrateur
général du CEA pour la réalisation du programme de
simulation et, par voie de conséquence, le caractère
impératif du respect du calendrier prévu, s'est interrogé
sur les conséquences des diminutions budgétaires
décidées pour 1998. S'agissant par ailleurs de la mise en oeuvre
du traité d'interdiction complète des essais, il a demandé
aux responsables du CEA quelles pourraient être, à leurs yeux, les
conséquences de la non-adhésion de l'Inde sur l'efficacité
du système de surveillance prévu.
M. Christian de La Malène s'est demandé si d'autres pays
nucléaires se dotaient ou envisageaient de se doter d'armes
nucléaires nouvelles, alors que la France devait nécessairement
se contenter de la fabrication d'armes "robustes", très proches des
armes actuelles qui avaient été testées en grandeur
réelle.
M. Hubert Durand-Chastel s'est déclaré très
préoccupé du danger présenté par les centrales
nucléaires de certains pays et s'est interrogé sur la
possibilité de conclure un avenant au traité de
non-prolifération nucléaire qui permettrait de combattre les
risques présentés par ces centrales en améliorant leur
sécurité.
M. Serge Vinçon, revenant sur l'efficacité attendue du CTBT, a
demandé aux responsables du CEA quelles seraient à leurs yeux les
chances de détecter des essais de faible puissance sur des territoires
très étendus.
M. Xavier de Villepin, président, a d'abord posé des questions
concernant les futures composantes nucléaires françaises :
quelles seraient les caractéristiques des futures têtes
nucléaires TNA et TNO ? dans quelle mesure le programme de simulation
était-il réellement indispensable pour assurer la
sécurité et la fiabilité des futures armes ? où en
était-on aujourd'hui de l'indétectabilité de la composante
sous-marine ?
M. Xavier de Villepin, président, revenant sur le programme de
simulation, a ensuite interrogé les responsables du CEA sur les
conditions du maintien de compétences des nouvelles équipes, sur
les retombées civiles éventuelles du programme de simulation, sur
le coût et le financement de ce programme, et sur l'intensité de
la coopération franco-américaine en la matière.
MM. Yannick d'Escatha, Jacques Bouchard et Christian Prettre, répondant
aux intervenants, ont alors apporté les précisions suivantes :
- les arbitrages rendus nécessaires par le budget pour 1998 ont
préservé le programme de simulation et n'ont pas porté
atteinte à son calendrier ; il demeurera toutefois essentiel de
disposer, dans les années à venir, des moyens nécessaires
pour respecter la "fenêtre de temps indéformable" durant laquelle
le programme de simulation devra être mené à bien ;
- la non-adhésion de l'Inde au CTBT pourrait constituer un facteur de
blocage de la mise en oeuvre du système de surveillance prévu par
ce traité ; une conférence diplomatique devrait être
réunie en 1999 pour examiner les possibilités juridiques
d'entrée en vigueur du traité si des pays comme l'Inde
continuaient à refuser d'y adhérer ;
- la sécurité des centrales nucléaires dans les pays
Est-européens constitue en effet une préoccupation majeure, mais
la démarche de la communauté internationale en la matière
repose surtout sur l'aide technique et sur le respect de "codes de bonne
conduite" permettant de diffuser une bonne culture de sûreté
(convention sur la sûreté des réacteurs) ;
- le coût du programme de simulation s'élèvera à
environ 10 milliards de francs sur la période 1995-2010 pour les grands
investissements nécessaires (laser Mégajoule, Airix et
ordinateurs de grande puissance) et à environ 1 milliard de francs par
an de coût de fonctionnement correspondant à l'activité
d'un millier de chercheurs ; l'ensemble de ces coûts ne représente
toutefois que moins de 10 % des crédits consacrés au
nucléaire militaire et aboutit par ailleurs à des
économies par rapport au coût antérieur des essais
nucléaires ;
- le programme de simulation est totalement indispensable pour assurer, sur le
long terme, la fiabilité et la sûreté des armes et pour
pérenniser notre capacité technique de dissuasion ; les autres
puissances nucléaires reconnues ont d'ailleurs, à des
degrés divers, engagé des programmes comparables ;
- la principale caractéristique des futures têtes
nucléaires TNA et TNO résidera dans le fait qu'elles seront
dotées de charges "robustes" dérivées des essais en
grandeur nature ; leurs performances ne seront pas fondamentalement
différentes de celles des armes actuelles ;
- la simulation ne permet pas la fabrication d'armes nucléaires
nouvelles, éventuellement miniaturisées, ce qui, au demeurant, ne
semble pas figurer aujourd'hui parmi les objectifs des autres puissances
nucléaires ;
- la coopération franco-américaine pour le développement
des outils de la simulation se poursuit de manière très
fructueuse, tant dans le domaine des lasers (avec le laboratoire de Livermore)
que dans celui de la radiographie (avec le laboratoire de Los Alamos) ;
- les retombées civiles potentielles du programme de simulation, et
notamment du laser Mégajoule, sont très importantes dans des
domaines aussi variés que la production d'énergie,
l'astrophysique, voire la biologie ; le CEA, à travers la DAM mais aussi
ses directions civiles, participe ainsi, dans le domaine des lasers, à
la constitution d'un pôle scientifique français
particulièrement performant ;
- le système international de surveillance prévu par le CTBT
devrait permettre de détecter des expérimentations de l'ordre
d'une kilotonne, mais son efficacité pourra être renforcée
par les moyens de détection nationaux qui pourront également
permettre d'alerter la communauté internationale ;
- des progrès importants ont été réalisés
dans la discrétion acoustique des sous-marins et nos SNLE de nouvelle
génération satisfont à des spécifications
très ambitieuses dans ce domaine, même si nul ne peut
préjuger des progrès qui pourraient être accomplis, sur le
long terme, dans le domaine de la détection ;
- la direction des applications militaires du CEA s'est engagée,
dès la fin 1996, dans une nouvelle et importante restructuration de ses
moyens qui aboutira à une nouvelle réduction de ses effectifs de
20 % en trois ans et à la fermeture de 3 sites sur 7.
M. Xavier de Villepin, président, a enfin évoqué avec les
responsables du CEA la situation de l'Irak au regard de la prolifération
nucléaire.
ANNEXE N° 2
ÉTAT DES SIGNATURES ET DES
RATIFICATIONS DU
TRAITÉ D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS
NUCLÉAIRES
|
|
Date de la signature |
Date de la ratification |
|
Afrique du Sud |
24 septembre 1996 |
|
|
Albanie |
27 septembre 1996 |
|
|
Algérie |
15 octobre 1996 |
|
|
Andorre |
24 septembre 1996 |
|
|
Angola |
27 septembre 1996 |
|
|
Antigue-et-Barbude |
16 avril 1997 |
|
|
Argentine |
24 septembre 1996 |
|
|
Arménie |
1er octobre 1996 |
|
|
Australie |
24 septembre 1996 |
|
|
Autriche |
24 septembre 1996 |
|
|
Azerbaïdjan |
28 juillet 1997 |
|
|
Bahreïn |
24 septembre 1996 |
|
|
Bangladesh |
24 octobre 1996 |
|
|
Belgique |
24 septembre 1996 |
|
|
Bénin |
27 septembre 1996 |
|
|
Biélorussie |
24 septembre 1996 |
|
|
Birmanie |
25 novembre 1996 |
|
|
Bolivie |
24 septembre 1996 |
|
|
Bosnie-Herzégovine |
24 septembre 1996 |
|
|
Brésil |
24 septembre 1996 |
|
|
Brunei |
22 janvier 1997 |
|
|
Bulgarie |
24 septembre 1996 |
|
|
Burkina Faso |
27 septembre 1996 |
|
|
Burundi |
24 septembre 1996 |
|
|
Cambodge |
26 septembre 1996 |
|
|
Canada |
24 septembre 1996 |
|
|
Cap-Vert |
1er octobre 1996 |
|
|
Chili |
24 septembre 1996 |
|
|
Chine |
24 septembre 1996 |
|
|
Chypre |
24 septembre 1996 |
|
|
Colombie |
24 septembre 1996 |
|
|
Comores |
12 décembre 1996 |
|
|
Congo |
11 février 1997 |
|
|
Costa Rica |
24 septembre 1996 |
|
|
Côte d'Ivoire |
25 septembre 1996 |
|
|
Croatie |
24 septembre 1996 |
|
|
Danemark |
24 septembre 1996 |
|
|
Djibouti |
21 octobre 1996 |
|
|
Egypte |
14 octobre 1996 |
|
|
Emirats arabes unis |
25 septembre 1996 |
|
|
Equateur |
24 septembre 1996 |
|
|
Espagne |
24 septembre 1996 |
|
|
Estonie |
20 novembre 1996 |
|
|
Etats-Unis d'Amérique |
24 septembre 1996 |
|
|
Ethiopie |
25 septembre 1996 |
|
|
Fédération de Russie |
24 septembre 1996 |
|
|
Fidji |
24 septembre 1996 |
|
|
Finlande |
24 septembre 1996 |
|
|
France |
24 septembre 1996 |
|
|
Gabon |
7 octobre 1996 |
|
|
Géorgie |
24 septembre 1996 |
|
|
Ghana |
3 octobre 1996 |
|
|
Grèce |
24 septembre 1996 |
|
|
Grenade |
10 octobre 1996 |
|
|
Guinée |
3 octobre 1996 |
|
|
Guinée Bissau |
11 avril 1997 |
|
|
Guinée Equatoriale |
9 octobre 1996 |
|
|
Haïti |
24 septembre 1996 |
|
|
Honduras |
25 septembre 1996 |
|
|
Hongrie |
25 septembre 1996 |
|
|
Iles Cook |
5 septembre 1997 |
|
|
Indonésie |
24 septembre 1996 |
|
|
Iran |
24 septembre 1996 |
|
|
Irlande |
24 septembre 1996 |
|
|
Islande |
24 septembre 1996 |
|
|
Israël |
25 septembre 1996 |
|
|
Italie |
24 septembre 1996 |
|
|
Jamaïque |
11 novembre 1996 |
|
|
Japon |
24 septembre 1996 |
8 juillet 1997 |
|
Jordanie |
26 septembre 1996 |
|
|
Kazakhstan |
30 septembre 1996 |
|
|
Kenya |
14 novembre 1996 |
|
|
Kirghizistan |
8 octobre 1996 |
|
|
Koweit |
24 septembre 1996 |
|
|
Laos |
30 juillet 1997 |
|
|
Lesotho |
30 septembre 1996 |
|
|
Lettonie |
24 septembre 1996 |
|
|
Libéria |
1er octobre 1996 |
|
|
Liechtenstein |
27 septembre 1996 |
|
|
Lituanie |
7 octobre 1996 |
|
|
Luxembourg |
24 septembre 1996 |
|
|
Madagascar |
9 octobre 1996 |
|
|
Malawi |
9 octobre 1996 |
|
|
Maldives |
1er octobre 1997 |
|
|
Mali |
18 février 1997 |
|
|
Malte |
24 septembre 1996 |
|
|
Marod |
24 septembre 1996 |
|
|
Marshall |
24 septembre 1996 |
|
|
Mauritanie |
24 septembre 1996 |
|
|
Mexique |
24 septembre 1996 |
|
|
Micronésie |
24 septembre 1996 |
25 juillet 1997 |
|
Moldavie |
24 septembre 1996 |
|
|
Monaco |
1er octobre 1996 |
|
|
Mongolie |
1er octobre 1996 |
8 août 1997 |
|
Mozambique |
26 septembre 1996 |
|
|
Namibie |
24 septembre 1996 |
|
|
Népal |
8 octobre 1996 |
|
|
Nicaragua |
24 septembre 1996 |
|
|
Niger |
3 octobre 1996 |
|
|
Norvège |
24 septembre 1996 |
|
|
Nouvelle-Zélande |
24 septembre 1996 |
|
|
Ouganda |
7 novembre 1996 |
|
|
Ouzbékistan |
3 octobre 1996 |
29 mai 1997 |
|
Panama |
24 septembre 1996 |
|
|
Papouasie-Nouvelle-Guinée |
25 septembre 1996 |
|
|
Paraguay |
25 septembre 1996 |
|
|
Pays-Bas |
24 septembre 1996 |
|
|
Pérou |
25 septembre 1996 |
12 novembre 1997 |
|
Philippines |
24 septembre 1996 |
|
|
Pologne |
24 septembre 1996 |
|
|
Portugal |
24 septembre 1996 |
|
|
Quatar |
24 septembre 1996 |
3 mars 1997 |
|
République de Corée |
24 septembre 1996 |
|
|
République dominicaine |
3 octobre 1996 |
|
|
République tchèque |
12 novembre 1996 |
11 septembre 1997 |
|
République du Yemen |
30 septembre 1996 |
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République fédérale d'Allemagne |
24 septembre 1996 |
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Roumanie |
24 septembre 1996 |
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Royaume-Uni de Grande-Bretagne
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24 septembre 1996 |
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Saint-Marin |
7 octobre 1996 |
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Saint-Siège |
24 septembre 1996 |
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Saint-Thomas-et-Prince |
26 septembre 1996 |
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Sainte-Lucie |
4 octobre 1996 |
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Salomon |
3 octobre 1996 |
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Salvador |
24 septembre 1996 |
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Samoa Occidentales |
9 octobre 1996 |
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Sénégal |
26 septembre 1996 |
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Seychelles |
24 septembre 1996 |
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Slovaquie |
25 septembre 1996 |
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Slovéni |
24 septembre 1996 |
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Sri Lanka |
24 octobre 1996 |
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Suède |
24 septembre 1996 |
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Suisse |
24 septembre 1996 |
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Suriname |
14 janvier 1997 |
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Swaziland |
24 septembre 1996 |
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Tadjikistan |
7 octobre 1996 |
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Tchad |
8 octobre 1996 |
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Thaïlande |
12 novembre 1996 |
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Togo |
2 octobre 1996 |
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Tunisie |
16 octobre 1996 |
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Turkmenistan |
24 septembre 1996 |
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Turquie |
24 septembre 1996 |
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Ukraine |
27 septembre 1996 |
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Uruguay |
24 septembre 1996 |
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Vuanatu |
24 septembre 1996 |
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Venezuela |
3 octobre 1996 |
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Vietnam |
24 septembre 1996 |
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Zaïre |
4 octobre 1996 |
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Zambie |
3 décembre 1996 |
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1
Voir le texte annexé au document
A.N. n° 650.