RAPPORT N° 329 - PROJET DE LOI AUTORISANT L'APPROBATION DE L'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE GOUVERNEMENT DE GEORGIE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RECIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
M. André BOYER, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES - RAPPORT N° 329 - 1997/1998
Table des matières
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AVANT-PROPOS
- A. LA GÉORGIE EN VOIE DE STABILISATION
- B. DES RELATIONS BILATÉRALES RÉGULIÈRES
- C. COMMENTAIRE DE L'ACCORD DU 3 FÉVRIER 1997
- CONCLUSION DU RAPPORTEUR
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 4
N° 329
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ,
Par M. André BOYER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
232
(1997-1998).
|
Traités et conventions. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi tend à autoriser l'approbation d'un
accord relatif à l'encouragement et à la protection
réciproques des investissements, conclu le 3 février 1997,
à l'occasion de la visite en France du président
Chevarnadzé.
L'accord franco-géorgien du 3 février 1997 est conforme à
la soixantaine de conventions de protection des investissements qui, à
ce jour, lient la France à ses différents partenaires commerciaux
et, notamment, aux pays héritiers de l'URSS.
Les clauses de cet accord sont donc suffisamment familières à
votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et
des Forces armées pour que votre rapporteur consacre l'essentiel de son
propos à la situation intérieure de la Géorgie et aux
relations qu'entretient ce pays avec la France, qui constituent le cadre dans
lequel se situe l'accord qui nous est soumis.
*
* *
A. LA GÉORGIE EN VOIE DE STABILISATION
Après une longue période de guerre civile, la situation politique géorgienne semble aujourd'hui stabilisée, en dépit de difficultés liées à la sécession des provinces d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie. La situation économique, en revanche, paraît en voie de redressement, après l'effondrement dû à la violence des affrontements dont la Géorgie est le cadre depuis le début des années 1980.
1. La fin de la guerre civile ?
.
En avril 1991, quand le président du Soviet
Suprême de Géorgie, Zviad Gamsakhourdia, annonce le
rétablissement de l'indépendance de la Géorgie, mettant
ainsi fin à une parenthèse soviétique de soixante-dix ans,
de profonds antagonismes, latents depuis la fin des années 1980, se
réveillent entre Géorgiens et minorités nationales.
Celles-ci, qui constituaient alors environ 30 % de la population de la
République, avaient semblé, pendant la période
soviétique, vivre en paix avec les Géorgiens.
Les conflits interethniques, suscités et attisés par la politique
ultranationaliste de priorité aux "vrais" Géorgiens
défendue par le président Gamsakhourdia, prennent un tour violent
dans les régions où les minorités vivent en groupes
homogènes. Ces conflits mettent en cause Arméniens et
Azéris, mais surtout Abkhazes et Ossètes.
L'état d'exception est instauré dès décembre 1990
en
Ossétie du Sud
, région autonome dont le Parlement
géorgien annule alors le statut d'autonomie. La région est,
à partir de 1991, soumise à un blocus qui ne sera levé
qu'à l'été 1992, à la faveur d'une intervention
militaire de Moscou. Une guerre civile particulièrement cruelle, qui
fera des centaines de victimes, jette sur les routes des milliers de
réfugiés ossètes et géorgiens. Autre région
sécessionniste, l'
Abkhazie
autoproclame sa souveraineté en
août 1990 et persiste à refuser la tutelle de Tbilissi.
.
Le régime de Zviad Gamsakhourdia s'enlise alors dans
l'autoritarisme
, le conservatisme et la xénophobie. Les
indispensables réformes économiques sont éludées,
et le pouvoir, obsédé par le
"complot"
censé
être fomenté par Moscou et l'Occident, isole la Géorgie du
monde extérieur, à l'exception de la Tchétchénie,
avec laquelle Zviad Gamsakhourdia tente de constituer l'ébauche d'une
alliance pan-caucasienne.
L'opposition démocratique, qui qualifie le président
géorgien de "Ceaucescu", se mobilise à la fin de 1991. Le
siège du Palais du Gouvernement se termine par la fuite de Zviad
Gamsakhourdia vers la Tchétchénie, en janvier 1992. En mars
1992,
Edouard Chevarnadzé
, de retour de Moscou, est nommé
président d'un Conseil d'Etat faisant fonction de Parlement provisoire.
.
Edouard Chevarnadzé hérite d'un Etat isolé
internationalement, brisé par une
guerre civile violente
,
où l'Ossétie du Sud, l'Abkhazie puis l'Adjarie, stimulée
par son voisinage avec la Turquie, défient le pouvoir de Tbilissi.
L'Abkhazie
se divise alors en deux entités territoriales, l'une
(avec pour centre Soukhoumi) dirigée par les Géorgiens, l'autre
(avec pour centre Goudaouata) dirigée par les Abkhazes. Ceux-ci
décident, en juillet 1992, de revenir à la constitution de 1925
qui accordait à l'Abkhazie le statut de "république souveraine
associée à la Géorgie".
En août 1992, les troupes géorgiennes entrent en Abkhazie. La
résistance abkhaze, soutenue par les Tchétchènes et forte
du soutien logistique de la Russie, a raison des troupes géorgiennes. La
chute de Soukhoumi manifeste la victoire des sécessionnistes, et les
combattants abkhazes vident la région de ses habitants géorgiens.
La sécession de l'Abkhazie prive la Géorgie de
12 % de son
territoire
, d'une de ses provinces les plus riches, d'une partie importante
de son littoral et d'une de ses voies de communication vitales.
. En octobre 1993, la Géorgie rejoint la
Communauté des Etats
indépendants
, payant ainsi à la Russie le prix du soutien de
Moscou contre les troupes de Zviad Gamsakhourdia. Dans cette logique, Edouard
Chevarnadzé accepte, en mars 1995, la présence de quatre bases
militaires russes sur le territoire géorgien.
Depuis 1994, la Géorgie est confrontée au défi de la
reconstruction de l'Etat
, sur fond d'attentats et d'assassinats mettant
en évidence la résistance des milices et de la mafia aux
réformes mises en oeuvre par E. Chevarnadzé.
En octobre 1995, les
élections présidentielles et
législatives
confortent l'autorité d'Edouard
Chevarnadzé, victime d'un attentat quelques semaines auparavant. La
stabilisation du régime que l'on pouvait alors anticiper semble
compromise par l'attentat de février 1998, auquel le président
géorgien vient une nouvelle fois d'échapper.
.
Notons que la
Constitution
adoptée par le Parlement
géorgien en août 1995
ne résout pas le problème
des provinces sécessionnistes -
Abkhazie et Tskhinvali,
ex-région autonome d'Ossétie du Sud-, à défaut
d'accord entre les différentes nationalités de Géorgie.
En effet, depuis le déploiement, en
Abkhazie
, en juillet 1994,
d'une force de maintien de la paix russe assistée d'une mission
d'observation des Nations unies (MONUG), les négociations relatives au
conflit abkhaze et au retour de 250 000 réfugiés géorgiens
n'ont pas abouti. Les Abkhazes demeurent, en effet, intransigeants alors que
les Géorgiens ont fait d'importantes concessions, proposant une solution
fondée sur le fédéralisme.
En revanche, il n'est pas exclu que le conflit d'
Ossétie du Sud
puisse s'orienter vers une solution proche de celle déjà
adoptée à l'égard de l'Adjarie, dotée d'un statut
largement autonome. Des négociations sont, dans cette perspective,
conduites sous l'égide de Moscou, avec l'assistance de l'OSCE
(Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe).
2. Vers le redressement économique
Alors que la Géorgie, dotée de conditions
climatiques très favorables, était considérée
à l'époque soviétique comme un îlot de
prospérité, l'effondrement économique dû à la
guerre civile a conduit l'OCDE, en décembre 1993, à
reconnaître à ce pays le statut de pays en voie de
développement.
.
Certes, une certaine récession avait affecté la
Géorgie depuis le milieu des années 1980. Pauvre en ressources
énergétiques, la Géorgie était très
dépendante de ses importations d'hydrocarbures, et devait aussi acheter
des machines, des céréales et du sucre. Pays très
majoritairement agricole et de
tradition viticole
, la Géorgie fut
frappée sévèrement par la
campagne antialcoolique
de 1985, tandis que le
thé
, autre production majeure,
s'engageait sur la voie du
déclin
.
Mais c'est essentiellement la
guerre civile
qui, entre 1990 et 1994, a
causé un
effondrement du PNB géorgien de 80 %
,
l'
inflation
atteignant alors quelque 60 % par mois. La chute de la
production industrielle
(- 81,5 % entre 1990 et 1994) a
probablement été la plus forte de toute l'ex-URSS. Cet
effondrement est dû à la perte quasi totale de
débouchés pour les productions géorgiennes : locomotives
électriques, avions de chasse Sukhoï, machines-outils et autres
biens d'équipement défavorisés, sur un marché
désormais très concurrentiel, par leur coût
élevé et leur technologie dépassée.
Les produits énergétiques représentent aujourd'hui environ
75 % de la consommation : gaz naturel du Turkménistan, pétrole et
électricité d'Azerbaïdjan et de Russie. Notons que la
Géorgie a été durement éprouvée, au cours de
l'hiver 1995-1996, par les effets de la crise énergétique.
L'
agriculture
géorgienne a été très durement
frappée par la guerre civile, des régions entières ayant
été touchées par les combats, surtout l'Ouest où se
concentraient la plupart des plantations d'agrumes. La même remarque vaut
pour le
tourisme
, très développé au temps de
l'URSS, mais très affecté par les conséquences de la
guerre civile, les stations balnéaires les plus prisées se
trouvant en Abkhazie.
Les
atouts économiques
ne manquent pourtant pas. Ainsi le
thé, le vin et les "cognacs", le tabac, les eaux minérales et les
conserves de fruits et légumes constituent-ils probablement la
véritable spécialisation naturelle de la Géorgie, et
pourraient permettre la recomposition de l'industrie géorgienne. La
vocation agroalimentaire de la Géorgie
pourrait aussi, dans une
logique verticale, justifier le renforcement de certaines industries
mécaniques (camions et machines agricoles) et chimiques (engrais,
production d'acide tannique, dérivé du thé, exporté
à l'époque soviétique). Ces
spécialisations
périphériques
sont donc un atout pour le développement
géorgien.
.
Les courageuses
réformes économiques
désormais mises en oeuvre ont permis qu'une
croissance assez
rapide
(+ 12 % en 1996, + 9 % attendus en 1997) se substitue à la
récession observée pendant la période
précédente. Le projet de construction d'un
oléoduc
Bakou-Poti,
destiné à l'évacuation du pétrole
de la mer Caspienne, encouragera très probablement les projets
d'investissements étrangers, et apportera un élément de
dynamisme dans l'économie géorgienne, dont il constitue
désormais un atout très sérieux.
B. DES RELATIONS BILATÉRALES RÉGULIÈRES
Depuis que, en mars 1992, la France a reconnu l'indépendance de la Géorgie, et depuis l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, en août 1992, les relations franco-géorgiennes ont pris un rythme relativement soutenu, les relations économiques paraissant aujourd'hui progresser rapidement.
1. Un dialogue politique relativement privilégié
Le traité d'entente, d'amitié et de
coopération signé le 21 janvier 1994 par la France et la
Géorgie, constitue le cadre d'un dialogue politique qui, sans être
soutenu, s'est engagé désormais sur des bases assez solides, ce
dont témoigne le rythme relativement régulier des échanges
de visites officielles.
Après les visites, en janvier 1994, de M. Edouard Chevarnadzé
puis, en décembre 1994, du secrétaire général du
Quai d'Orsay, M. Bertrand Dufourcq, l'année 1996 a marqué un
tournant dans les relations politiques bilatérales, avec les visites, en
avril, de Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat à la francophonie,
puis, en juin, de M. René Monory, président du Sénat et,
en octobre, de M. Hervé de Charette, ministre des Affaires
étrangères, tandis que la France a accueilli, en mars de cette
même année, le président du Parlement géorgien, M.
Zourab Jvania. Le présent accord a, rappelons-le, été
signé à l'occasion du séjour en France de M. Edouard
Chevarnadzé, en février 1997.
2. Des relations économiques en progression
.
La
coopération franco-géorgienne
s'appuie sur des
moyens relativement modestes
: la
coopération culturelle, scientifique et technique a été
dotée de 2,2 millions de francs en 1997, l'aide alimentaire
bilatérale ayant, cette même année,
représenté 4 000 tonnes de céréales. En 1994, un
don du Trésor de 10 millions de francs a permis de soutenir le programme
de réformes économiques conduit par le président
Chevarnadzé et, plus particulièrement, l'introduction de la
monnaie nationale.
Notons que l'
Union européenne
est le
principal bailleur de
fonds
de la Géorgie, à travers le programme TACIS. L'aide
européenne s'est élevée, entre 1991 et 1995, à 296
millions d'Ecus, dont environ 35 au titre de TACIS.
Le "programme d'action TACIS 1996-1997" pour la Géorgie prévoit
une aide de 11,4 millions d'Ecus, dont 6,3 millions (soit 55 %) sont
destinés au secteur privé.
De manière générale, la France bénéficie
d'un taux de retour de 70 %, rapporté à sa contribution
budgétaire à TACIS, les opérateurs français se
situant au premier rang des contrats attribués.
A cet égard, mentionnons le rôle particulièrement actif du
Sénat français dans le domaine de la coopération
interparlementaire franco-géorgienne. Notre haute assemblée est,
en effet, chef de file du programme TACIS de renforcement des capacités
d'action de l'administration du Parlement géorgien.
.
Les
relations commerciales franco-géorgiennes
sont
cependant encore faibles. La France n'occupe, en effet, qu'une part
réduite (entre 2 et 3 %) du marché géorgien. Les
exportations françaises (pour l'essentiel des produits agroalimentaires)
ont représenté, en 1996, 195 millions de francs (31 millions de
francs en 1995). Les importations françaises de Géorgie se
limitent à un maximum de 30 millions de francs par an, et consistent en
produits énergétiques réexportés. Le commerce
franco-géorgien a toutefois connu, en 1997, la plus forte hausse de
toutes nos relations commerciales avec les pays de la CEI.
.
En revanche, la France pourrait être, en 1997, le
premier
investisseur étranger en Géorgie
. Cette situation est
probablement due à une conjoncture exceptionnellement favorable. Il n'en
demeure pas moins que la France est désormais présente dans le
domaine agroalimentaire (brasseries, usine de lait de soja), dans le domaine
énergétique (mini centrales électriques), et dans le
domaine des équipements portuaires (stockage de produits
pétroliers dans le port de Poti). D'autres projets concernent les
secteurs de l'extraction de l'or et de l'empaquetage du tabac, ainsi que la
réhabilitation du réseau des eaux de Tbilissi. Par ailleurs, des
entreprises françaises, australiennes, allemandes et britanniques
travaillent à la réhabilitation de l'oléoduc Bakou-Supra,
qui pourrait être achevée à la fin de 1997.
Notons que la Géorgie manifeste une grande ouverture à
l'égard des investisseurs étrangers dans le contexte actuel
d'accélération de la privatisation.
La pression fiscale est modérée en Géorgie (l'impôt
sur les sociétés est assis sur un taux de 20 %), et la loi
géorgienne sur les investissements étrangers, adoptée en
juin 1995, proscrit toute discrimination entre investissements nationaux et
étrangers.
Des opportunités sont ainsi ouvertes aux investisseurs étrangers,
même dans les domaines stratégiques de l'énergie, notamment
hydraulique, des infrastructures et des communications. Les investissements
étrangers sont néanmoins, à ce jour, concentrés
majoritairement dans l'industrie agroalimentaire (eau minérale,
thé).
Avant les progrès réalisés par la France sur le
marché géorgien, c'est-à-dire avant 1997, les principaux
investisseurs étrangers en Géorgie étaient Israël,
l'Irlande et les Etats-Unis. Ces trois pays représentaient à eux
seuls 40 % environ des investissements étrangers, devant la
Corée du Sud, l'Allemagne, la Russie et le Royaume-Uni.
C. COMMENTAIRE DE L'ACCORD DU 3 FÉVRIER 1997
Conforme à l'accord-type élaboré dans le cadre de l'OCDE, et dont s'inspirent toutes les conventions de même objet auxquels la France est partie, l'accord franco-géorgien du 3 février 1997 s'appuie sur des stipulations classiques.
1. Un champ d'application défini de manière non limitative
a) Investissements
L'article 1er définit les investissements comme "tous
les avoirs, tels que les biens, droits et intérêts de toutes
natures", ce qui comprend
notamment, mais non exclusivement
, les
biens
meubles et immeubles, actions, obligations, droits de propriété
intellectuelle, commerciale et industrielle, ainsi que les concessions
relatives à la prospection, la culture, l'extraction ou à
l'exploitation de richesses naturelles.
La seule condition posée par le présent accord concerne la
conformité des investissements à la législation de la
Partie contractante sur le territoire de laquelle ils sont
réalisés.
b) Investisseurs
Les investisseurs sont, soit les nationaux français et géorgiens, c'est-à-dire les personnes physiques possédant la nationalité de l'une des Parties contractantes, soit des personnes morales constituées sur le territoire français ou géorgien et y possédant leur siège social, ou contrôlées par des nationaux de l'une des Parties contractantes.
c) Revenus
Le présent accord concerne tous les revenus produits par un investissement, soit, notamment , les bénéfices, redevances et intérêts.
d) Champ d'application géographique
De manière classique, le champ d'application géographique de l'accord du 3 février 1997 s'étend, de manière très classique, aux zones maritimes des deux Parties sur lesquelles celles-ci exercent des droits souverains.
2. Engagements souscrits par les Parties afin d'encourager le développement des investissements
Afin de favoriser le développement des investissements
entre la France et la Géorgie, les deux pays s'engagent à
accueillir favorablement les investissements originaires de l'autre Partie,
à assurer à ces investissements un traitement juste et
équitable, à protéger la propriété des
investisseurs et à garantir à ceux-ci le libre transfert de leurs
capitaux.
La France et la Géorgie souscrivent aux obligations suivantes :
-
admettre et encourager les investissements
effectués par des
nationaux ou des sociétés de l'autre Partie (article 2) ;
- assurer à ces investissements un
"traitement juste et
équitable"
conforme aux principes du droit international, et
à "faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu à un
traitement juste et équitable ne soit entravé ni en droit, ni en
fait" (article 3) ;
- examiner avec bienveillance
les demandes d'entrée et d'autorisation
de séjour, de travail et de circulation
formulées au titre
d'un investissement réalisé sur le territoire de l'autre Partie
(article 3) ;
- appliquer aux investisseurs de l'autre Partie un "traitement non moins
favorable que celui accordé à ses nationaux ou
sociétés, ou le traitement accordé aux nationaux et
sociétés de la nation la plus favorisée, si celui-ci est
plus avantageux" (article 4)
1(
*
)
;
- assurer aux
investissements de l'autre Partie une protection et une
sécurité "pleines et entières"
(article 5-1), ce qui
exclut toute mesure d'expropriation, de nationalisation ou de
dépossession (à condition que ces mesures ne soient pas
discriminatoires), sauf pour cause d'utilité publique, et à
condition que ces mesures donnent lieu à une "indemnité prompte
et adéquate", librement transférable (article 5-2) ;
- garantir les investissements de l'autre partie contre le
risque politique
en faisant bénéficier les investisseurs de l'autre Partie, en
cas de pertes dues à des "guerres ou à tout autre conflit
armé, révolution, état d'urgence ou révolte"
survenus sur son territoire, d'un "traitement non moins favorable à
celui de ses propres nationaux" (article 5-3) ;
- garantir aux investisseurs de l'autre Partie le
libre transfert
de
leurs revenus (intérêts, dividendes, bénéfices et
autres revenus courants, remboursements d'emprunts, redevances, plus-values du
capital investi, et indemnités de dépossession) (article 6)
2(
*
)
.
Outre les conditions "de droit commun" ainsi défini à
l'égard des investissements de l'autre Partie, l'article 9 du
présent accord prévoit la possibilité d'
engagements
spécifiques plus favorables
à l'égard des
investisseurs de l'autre Partie.
Dans une telle hypothèse, les
investisseurs concernés sont régis par les termes de cet
engagement
.
3. Règlement des différends
De manière classique, l'accord du 3 février 1997 prévoit deux modes de règlement des différends distincts, selon que ces désaccords opposent un investisseur à un Etat, ou deux investisseurs entre eux.
a) Règlement d'un différend opposant un investisseur à un Etat
L'article 7 invite les Parties à
régler
à l'amiable
un différend qui surgirait entre un investisseur
à l'Etat d'accueil, et à soumettre ce différend, faute
d'accord, à l'
arbitrage du CIRDI
(Centre international pour le
règlement des différends). Placé sous l'égide de la
Banque Mondiale, le CIRDI offre des moyens de conciliation pour régler
des désaccords d'ordre juridique en relation directe avec un
investissement. Le centre international tient à jour une liste
d'arbitres -chaque Etat membre pouvant en nommer jusqu'à quatre-. A ce
jour, aucun jugement du CIRDI n'a été rendu contre la France, et
un seul investisseur français a demandé l'arbitrage du CIRDI,
dans un litige l'opposant à l'Argentine.
L'article 7 n'empêche pas un investisseur de recourir aux tribunaux
internes, si cette solution lui paraît préférable.
b) Différends susceptibles d'opposer deux Etats
L'article 10 invite les deux Parties à recourir à la voie diplomatique pour régler leurs litiges. Faute d'accord dans les six mois, le différend est soumis à un tribunal d'arbitrage constitué de trois membres : un représentant de chaque Partie et un ressortissant d'un pays tiers. La procédure fixée par l'article 10 permet de recourir au secrétaire général des Nations unies pour relayer le tribunal arbitral, dans le cas où l'intervention de celui-ci aurait échoué.
*
* *
CONCLUSION DU RAPPORTEUR
Comme les autres conventions de même objet, le
présent accord ne vise pas seulement à encourager un climat
propice au développement des investissements français en
Géorgie. Il tend aussi, comme le souligne son préambule, à
partir de l'expansion des relations commerciales entre les deux pays, à
favoriser le développement économique de la Géorgie
dans cette si difficile période de transition.
Votre rapporteur ne saurait donc que conclure favorablement à l'adoption
d'un projet de loi qui vise à autoriser l'approbation d'un accord
susceptible de
conforter l'implantation française sur un
marché dont les potentialités ne sont pas à
négliger.
*
* *
EXAMEN EN COMMISSION
Votre commission des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées a, au cours de sa réunion du
4 mars 1998, examiné le présent projet de loi.
A l'issue de l'exposé de M. André Boyer, rapporteur, M. Xavier de
Villepin, président, s'est alors interrogé sur les diverses
causes possibles de l'instabilité de la Géorgie et, plus
particulièrement, des deux attentats dont a été victime le
Président Chevarnadzé.
Puis la commission, suivant l'avis de son rapporteur, a approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 3 février 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 3( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 4(
*
)
- Etat de droit et situation de fait existants et leur
insuffisance :
sans objet
- Bénéfices escomptés en terme :
. d'emploi : impossible à quantifier
. d'intérêt général : enrichissement de nos
relations diplomatiques
. financier : permettre au Gouvernement d'accorder la garantie de la Coface
pour les investisseurs français, conformément à la loi de
finances rectificative pour 1971
. de simplification des formalités administratives : aucune
. de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet.
1
Notons que, de manière par
ailleurs fort classique, le traitement dit de la nation la plus
favorisée ne s'étend pas aux avantages consentis dans le cadre
d'une union douanière ou d'une communauté économique.
2
Ces transferts se font au taux de change normal applicable
à la date du transfert.
3
Voir le texte annexé au document Sénat
n° 232 (1997-1998).
4
Document transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.