AVIS n° 327 - Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale instituant une commission consultative du secret de la défense nationale
Jean-Paul AMOUDRY, Sénateur
Commission des Lois constitutionnelle, de législation, du suffrage universel et d'administration générale - Rapport n° 327 - 1997-1998
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
- I. LE CONTEXTE JURIDIQUE DU PROJET DE LOI
-
II. LE CONTENU DU PROJET DE LOI
- A. LE RÔLE DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLE PREMIER)
- B. LA COMPOSITION DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLES 2 ET 3)
- C. LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLES 3 À 7)
- D. LA DÉCISION DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE APRÈS AVIS DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLE 8)
-
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
- A. UNE MEILLEURE ARTICULATION ENTRE L'INTERVENTION DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE ET LA DÉCISION DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE
- B. UNE EXTENSION DES COMPÉTENCES DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
- C. LA COMPOSITION DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
- D. LES ÉLÉMENTS PRIS EN CONSIDÉRATION PAR LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE DANS SON AVIS
-
ANNEXE :
AMENDEMENTS ADOPTÉS
PAR LA COMMISSION DES LOIS
N° 327
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 mars 1998
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, instituant une commission consultative du secret de la défense nationale ,
Par M. Jean-Paul AMOUDRY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
593
,
679
,
684
et T.A
. 84
.
Sénat
:
297
(1997-1998)
|
|
Défense . |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le mercredi 4 mars 1998 sous la
présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président, la commission
des Lois a procédé, sur le rapport de M. Jean-Paul Amoudry,
à l'examen pour avis du projet de loi instituant une commission
consultative du secret de la défense nationale.
Ce texte, présenté par M. Alain Richard, ministre de la
Défense, et dont la commission des Affaires étrangères est
saisie au fond, institue une commission consultative du secret de la
défense nationale, présidée par le président de la
Commission nationale des interceptions de sécurité et comportant
deux membres issus du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des
Comptes, un député et un sénateur.
Cette commission serait saisie par l'autorité ayant
procédé à la classification chaque fois qu'une juridiction
française demanderait la déclassification ou la communication
d'une information classée comme relative au secret de la défense
nationale.
Il lui appartiendrait de donner un avis, dans un délai de
deux mois, sur la déclassification ou la communication, le sens de
cet avis (favorable, défavorable ou favorable à une
déclassification partielle) étant publié au Journal
officiel. L'autorité administrative disposerait alors de
quinze jours pour notifier à la juridiction sa décision sur
la déclassification.
La commission des Lois a émis un avis favorable sur ce projet de loi sur
lequel elle a adopté une dizaine d'amendements prévoyant
notamment :
- de réduire de cinq à trois le nombre de membres de la
commission consultative du secret de la défense nationale en supprimant
la participation de parlementaires ajoutée par l'Assemblée
nationale ;
- d'étendre l'intervention de cette commission aux demandes de
déclassification présentée par les commissions
parlementaires d'enquête.
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi instituant une Commission consultative du secret de la
défense nationale, aujourd'hui soumis à notre examen, est la
traduction d'un engagement pris par le Premier ministre dans sa
déclaration de politique générale du 19 juin 1997 :
"
La mise en oeuvre de la loi de 1991 permettant le contrôle des
interceptions de sécurité des télécommunications ne
doit pas être compromise par une utilisation abusive du
" secret-défense
".
Je proposerai qu'une
autorité indépendante puisse être saisie et se prononcer
dans ces situations.
"
Ce projet de loi a cependant un objet plus large que celui évoqué
par le Premier ministre dans sa déclaration de politique
générale, puisque cette commission pourrait donner des avis sur
la déclassification de certaines informations, sans que sa saisine soit
liée à la volonté de contrôler des interceptions de
sécurité des télécommunications. Dans
l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement estime que le
secret demeure indispensable, mais qu'il ne doit pas être
détourné de sa finalité qui est la préservation des
intérêts fondamentaux de la Nation.
Compte tenu du caractère éminemment juridique de ce texte,
présenté, au nom du Premier ministre, par M. Alain Richard,
ministre de la défense, et qui s'inscrit dans le cadre de
procédures juridictionnelles, votre commission des Lois a
souhaité se saisir pour avis, étant précisé que
l'examen au fond relève de la compétence de votre commission des
Affaires étrangères, de la Défense et des Forces
armées, qui a désigné rapporteur notre excellent
collègue Nicolas About.
I. LE CONTEXTE JURIDIQUE DU PROJET DE LOI
A. LA NOTION DE SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
1. La définition donnée par le code pénal
Le secret de la défense nationale est évoqué dans le Livre IV du code pénal relatif aux " crimes et délits contre la Nation, l'Etat et la paix publique ". L'article 413-9 du code pénal définit de manière formelle les informations concernées par le secret de la défense nationale : " présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion. Peuvent faire l'objet de telles mesures les renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale. Les niveaux de classification des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'État ".
2. La classification des informations concernant la défense nationale
La classification des informations est régie par le
décret n° 81-514 du 13 mai 1981 relatif à
l'organisation de la protection des secrets et informations concernant la
défense nationale et la sûreté de l'Etat. Ce texte
prévoit trois niveaux de protection :
- la mention " très secret défense ",
réservée aux informations dont la divulgation est de nature
à nuire à la défense nationale et à la
sûreté de l'Etat et qui concernent les priorités
gouvernementales en matière de défense ;
- la mention " secret défense ", réservée aux
informations dont la divulgation est de nature à nuire à la
défense nationale et à la sûreté de l'Etat ;
- la mention " confidentiel défense ", réservée
aux informations qui ne présentent pas en elles-mêmes un
caractère secret, mais dont la connaissance, la réunion ou
l'exploitation peuvent conduire à la divulgation d'un secret
intéressant la défense nationale et la sûreté de
l'Etat.
Les décisions d'admission sont prises par le Premier ministre pour les
informations " Très secret défense " et par chaque
ministre pour les informations " Secret défense " et
" Confidentiel défense ".
B. LA PROTECTION DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
1. Le secret à l'égard des particuliers
a) L'absence de droit à communication d'une information couverte par le secret défense
Le souci qu'a eu le législateur, depuis la fin des
années 1970, d'améliorer la "
transparence
administrative
" n'est pas allé jusqu'à conférer
aux particuliers un droit d'accès, même conditionné, aux
informations couvertes par le secret de la défense nationale.
Ainsi l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses
mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public
permet à l'administration de "
refuser de laisser consulter ou
de communiquer un document administratif dont la consultation ou la
communication porterait atteinte (...) au secret de la défense
nationale
".
De même, la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation
des actes administratifs, qui exige notamment la motivation des
décisions refusant une autorisation, exclut de cette obligation les
documents visés par ledit article 6.
b) L'interdiction de porter à la connaissance du public un document couvert par le secret défense
Les articles 413-10 et 413-11 du code pénal
définissent les sanctions applicables à l'encontre des personnes
ayant porté atteinte au secret de la défense nationale.
Les sanctions prévues sont plus graves lorsqu'une personne
dépositaire, par état ou par profession, d'informations ayant un
caractère de secret de la défense nationale, a diffusé des
informations au public ou à des personnes non qualifiées :
sept ans d'emprisonnement et 700.000 F d'amende. Lorsque l'atteinte est le
fait d'une autre personne, les peines sont de cinq ans d'emprisonnement et
de 500.000 F d'amende.
L'article 413-12 incrimine la simple tentative.
On observera que l'atteinte au secret de la défense nationale est
constituée lorsque le document concerné est porté à
la connaissance du public ou d'une "
personne non
qualifiée
". Cette dernière notion renvoie directement
à l'article 7 du décret du 12 mai 1981 relatif à
l'organisation de la protection des secrets et des informations concernant la
défense nationale, selon lequel "
nul n'est qualifié pour
connaître des informations protégées "
s'il ne
remplit pas une double condition :
- avoir reçu une autorisation préalable laquelle, selon
l'article 8 dudit décret, doit préciser le niveau de
protection des informations auxquelles le titulaire peut avoir accès
(très secret-défense, secret-défense, confidentiel
défense). L'autorisation est donnée par le Premier ministre pour
les informations très secret-défense et par chaque ministre pour
les informations secret-défense et confidentiel défense ;
-
et
avoir besoin de connaître ces informations pour
l'accomplissement de sa fonction ou de sa mission.
2. Le secret à l'égard du juge
L'interdiction de porter atteinte au secret de la
défense nationale est même opposée au juge
.
Dans les arrêts qu'il a rendus sur ce sujet, le Conseil d'État a
estimé que le secret était opposable au juge administratif, mais
que celui-ci avait cependant toujours la possibilité de demander les
motifs d'un refus de communiquer des renseignements et d'en tirer les
conséquences.
Dans un avis en date du 19 juillet 1974, le Conseil d'État a
clairement indiqué que "
quiconque est détenteur d'un
secret de la défense nationale ne peut le divulguer
.
Cette
obligation doit être opposée même à la
juridiction
. " Il a estimé que le juge pouvait néanmoins
s'assurer auprès du ministre compétent de la
légitimité de son refus de communiquer certains renseignements et
statuer en conséquence.
En ce qui concerne le juge judiciaire, le juge pénal est souvent
conduit, lorsqu'il y a eu violation du secret, à vérifier si le
caractère secret était ou non justifié. Lorsqu'il n'y a eu
que tentative de divulgation, il importe donc pour le juge d'avoir accès
à des informations encore secrètes (puisque, si le délit
est consommé, le juge a par hypothèse connaissance des
informations révélées). Or, la pratique du Gouvernement a
été de refuser l'accès aux informations. La
décision de la chambre d'accusation de Paris relative à l'affaire
des micros du Canard Enchaîné a confirmé
l'impossibilité pour le juge de contester le secret invoqué.
3. Le secret à l'égard des parlementaires
Actuellement, les pouvoirs d'enquête et de
contrôle des parlementaires sont limités pour tenir compte des
nécessités du secret de la défense nationale.
L'article 6-II de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que les
rapporteurs des commissions d'enquête "
sont habilités
à se faire communiquer tous documents de service, à l'exception
de ceux revêtant un caractère secret et concernant la
défense nationale, les affaires étrangères, la
sécurité intérieure ou extérieure de
l'Etat
".
Les compétences des rapporteurs budgétaires et de ceux de
l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques et de l'office parlementaire d'évaluation des politiques
publiques sont limitées par des dispositions similaires.
II. LE CONTENU DU PROJET DE LOI
Composé de dix articles (dont le dernier prévoit son application dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte), le projet de loi recherche, selon son exposé des motifs, un nouvel équilibre des institutions républicaines. A cette fin, il propose la création d'une Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), autorité administrative indépendante appelée à se prononcer lorsqu'une procédure juridictionnelle se heurte au secret de la défense nationale.
A. LE RÔLE DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLE PREMIER)
Instituée par l'article premier, la Commission du
secret de la défense nationale est expressément qualifiée,
comme la commission nationale de contrôle des interceptions de
sécurité (CNCIS), d'autorité administrative
indépendante.
Elle serait chargée de donner un avis sur la déclassification et
la communication d'informations lorsque cette déclassification serait
demandée par une juridiction française.
B. LA COMPOSITION DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLES 2 ET 3)
L'article 2 prévoit que la CCSDN est
présidée de droit par le président de la commission
nationale de contrôle des interceptions de sécurité et
qu'elle comprend, en outre, deux personnalités choisies par le
Président de la République sur une liste de six membres du
Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes. Ces
personnes seraient nommées pour six ans.
L'Assemblée nationale a porté le nombre de membres de la
commission de trois à cinq en prévoyant la participation d'un
député, désigné par le président de
l'Assemblée nationale pour la durée de la législature, et
d'un sénateur, désigné par le Président du
Sénat après chaque renouvellement partiel.
Le mandat des membres de la commission ne serait pas renouvelable. Il ne
pourrait être mis fin aux fonctions de membre de la commission qu'en cas
d'empêchement constaté par celle-ci.
L'article 9 prévoit un étalement de la fin du premier mandat des
membres de la commission autres que les parlementaires ; ainsi, le mandat du
président s'achèverait le 30 septembre 2003, mais le mandat des
deux autres membres s'achèverait pour l'un le 30 septembre 2001, pour
l'autre le 30 septembre 2005.
C. LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLES 3 À 7)
1. La saisine de la commission (article 4)
Selon l'article 4, l'autorité administrative
saisit sans délai la commission de toute demande d'accès à
des informations classifiées présentée par une juridiction
française. Les demandes d'accès doivent être
motivées.
L'autorité administrative sera celle qui aura procédé
à la classification. En effet, conformément au
parallélisme des formes, cette autorité décidera ou non de
déclassifier.
2. Les moyens de la commission (articles 3, 5, 6)
a) L'information de la commission (article 5)
L'article 5 permet au Président de la commission
de mener toutes investigations utiles.
Il ouvre le droit pour les membres de la commission de connaître de toute
information classifiée dans le cadre de leur mission.
Parallèlement, il les soumet au respect du secret de la défense
nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir
connaissance à raison de leurs fonctions.
Contrairement à ce que prévoit la loi de 1991 pour les membres de
la CNCIS, le projet de loi n'astreint pas expressément les membres de la
CCSDN au respect du secret professionnel. Il va en effet sans dire que ces
personnes y seront néanmoins théoriquement astreintes en
application de l'article 226-13 du code pénal qui punit d'un an
d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende "
la
révélation d'une information à caractère secret par
une personne qui en est dépositaire (...) en raison d'une fonction ou
d'une mission temporaire
". Cette précision n'a cependant qu'un
intérêt purement théorique car, en pratique, on imagine mal
comment les membres de la CCSDN pourraient être dépositaires d'un
secret qui ne relèverait pas du secret défense.
L'article 6 prévoit que les ministres, les autorités
publiques et les agents publics ne peuvent s'opposer à l'action de la
commission et doivent prendre toutes mesures utiles pour la faciliter. Aucune
sanction n'est cependant prévue en cas d'opposition à l'exercice
de sa mission par la commission.
b) Les crédits de la commission (article 3)
L'article 3 prévoit l'inscription des crédits nécessaires à la commission pour l'accomplissement de sa mission au budget des services du Premier ministre. Il tend en outre à faire du président de la commission l'ordonnateur des dépenses de celle-ci.
c) L'avis de la commission (article 7)
L'article 7 prévoit que la commission émet un avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Cet avis pourrait être soit favorable, soit favorable à une déclassification partielle, soit défavorable. Selon les termes du projet de loi, l'avis devrait prendre en considération " l'accomplissement des missions incombant au service public de la justice, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels ". Le sens de l'avis serait rendu public.
D. LA DÉCISION DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE APRÈS AVIS DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE (ARTICLE 8)
L'article 8 donne un délai de quinze jours
à l'autorité administrative, à compter de la
réception de l'avis, pour notifier sa décision à la
juridiction qui l'a saisie.
Elle n'est juridiquement pas liée par l'avis de la CCSDN même si,
en pratique, on peut imaginer que l'autorité administrative s'efforcera
le plus souvent de le suivre.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
Tout en approuvant le projet de loi dans son principe, votre
commission des Lois vous propose dix amendements. Outre la suppression
d'une redondance à l'article premier, ces amendements
concernent :
- l'articulation entre l'intervention de la CCSDN et la décision de
l'autorité administrative ;
- l'extension des compétences de la CCSDN aux demandes de
déclassification ou de communication présentées par une
commission parlementaire d'enquête ;
- la composition de la CCSDN, votre commission des Lois vous proposant de la
réduire de cinq à trois membres en supprimant la
participation de parlementaires ajoutée par l'Assemblée nationale
;
- les éléments que la CCSDN devra prendre en considération
dans son avis.
A. UNE MEILLEURE ARTICULATION ENTRE L'INTERVENTION DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE ET LA DÉCISION DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE
Votre commission des Lois constate tout d'abord que, à
la différence de la plupart des autorités administratives
indépendantes, la CCSDN ne disposera d'aucun pouvoir de décision.
Aussi lui parait-il plus approprié de la qualifier de commission
administrative indépendante que d'autorité administrative
indépendante. Elle vous propose donc un
amendement
à
l'article premier afin d'opérer cette modification terminologique.
En second lieu, elle constate que le projet de loi ne précise pas les
conséquences à tirer d'un défaut d'avis dans le
délai de deux mois. L'avis doit-il alors être réputé
favorable, défavorable ...? Selon votre commission des Lois, l'esprit du
projet de loi est, dans cette hypothèse (dont on peut
légitimement espérer qu'elle sera exceptionnelle, voire
inexistante), de permettre à l'autorité administrative de se
prononcer nonobstant l'absence d'avis. C'est pourquoi, dans le souci
d'éviter toute ambiguïté, elle vous propose un
amendement
à l'article 8 précisant que, à
défaut d'avis, l'autorité administrative statuera dans les quinze
jours suivant l'expiration du délai de deux mois.
B. UNE EXTENSION DES COMPÉTENCES DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
Le secret de la défense nationale est opposable aux
organes parlementaires chargés d'une mission d'enquête, de
contrôle ou d'évaluation, à savoir :
- les commissions spéciales ou permanentes, lorsqu'elles estiment
nécessaire d'entendre une personne (article 5
bis
de
l'ordonnance du 17 novembre 1958) ;
- les rapporteurs des commissions d'enquête (article 6) ou des
commissions permanentes ou spéciales investies de pouvoirs
d'enquête (article 5
ter
) ;
- l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques (article 6
ter
, paragraphe VI) ;
- l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques
(article 6
quinquies
, paragraphe IV).
Votre commission des Lois ne conteste nullement cette faculté pour le
Gouvernement d'opposer le secret de la défense nationale à ces
organes parlementaires.
Elle considère toutefois que l'affirmation de l'exposé des motifs
du projet de loi selon laquelle il n'est pas acceptable de permettre au pouvoir
exécutif de limiter, sans aucun contrôle, l'action de
l'autorité judiciaire peut également s'appliquer à
l'action du Parlement :
il paraît en effet difficilement
acceptable que le contrôle du Parlement sur le Gouvernement, qui
constitue l'un des piliers de notre État de droit au même titre
que le bon fonctionnement de la justice, puisse être entravé, sans
aucun contrôle, par une utilisation abusive du secret défense.
On observera par ailleurs que, dans son rapport public de 1995 (auquel se
réfère l'exposé des motifs), le Conseil d'État
avait préconisé la création d'une commission nationale du
secret défense "
pour satisfaire à la règle
d'accès indirect aux données couvertes par le secret
défense,
quelles que soient les circonstances où se trouve
posé un problème touchant à celui-ci
" (le
Conseil d'État ajoutant : "
y compris en cas de litige
devant la juridiction administrative ou judiciaire
", ce qui
démontre clairement que, dans son esprit, la compétence de la
nouvelle commission ne devait pas être limitée aux
procédures devant une juridiction).
Aussi votre commission des Lois vous propose-t-elle un
amendement
insérant un nouvel alinéa à l'article premier afin
d'étendre la compétence de la CCSDN aux demandes de
déclassification ou d'information présentées par les
commissions parlementaires.
Par coordination, elle vous propose deux autres
amendements
aux
articles premier et 4.
C. LA COMPOSITION DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
Votre commission des Lois s'est longuement interrogée
sur l'opportunité de prévoir que deux parlementaires
appartiendraient à la CCSDN.
Elle constate en effet que cette nouvelle commission n'aura aucunement en
charge de veiller au respect de dispositions législatives, contrairement
à d'autres autorités administratives indépendantes
comprenant des parlementaires comme la CNCIS (article 13 de la loi de
1991), la commission nationale de l'informatique et des libertés
(article 6 de la loi du 6 janvier 1978), ou la commission
d'accès aux documents administratifs (article 5 de la loi du
17 juillet 1978). Dans tous ces cas, le législateur a en effet
expressément assigné pour tâche à l'autorité
compétente de "
veiller au respect de
"
dispositions législatives
.
Or, en l'espèce,
l'article premier de la loi se limite à charger la CCSDN à
"
donner un avis
" sur des demandes de
déclassification
-la classification relevant de la seule autorité réglementaire-.
En d'autres termes,
la CCSDN aura un rôle doublement
circonscrit
:
-
un rôle d'aide à la décision plus que de
contrôle
. Or, le Parlement n'est pas le conseiller du
Gouvernement ;
-
un rôle limité à une matière exclusivement
réglementaire
.
Dans ces conditions, on ne saurait fixer la composition de la CCSDN par
référence à ce qui est déjà prévu
pour d'autres autorités administratives indépendantes. Il semble
même qu'une application rigoureuse du principe de la séparation
des pouvoirs conduise à exclure l'intervention du Parlement
préalablement à des décisions prises dans une
matière relevant de la seule compétence du Gouvernement.
Votre commission des Lois vous propose en conséquence un
amendement
à l'article 2 limitant la composition de la CCSDN
à trois membres, appartenant au Conseil d'État, à la Cour
de cassation ou à la Cour des comptes ainsi qu'un
amendement
de
coordination à l'article 9.
D. LES ÉLÉMENTS PRIS EN CONSIDÉRATION PAR LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE DANS SON AVIS
Ainsi qu'il a été indiqué
précédemment, l'article 7 prévoit que l'avis de la CCSDN
prendra notamment en considération :
- l'accomplissement des missions incombant au service public de la justice ;
- la nécessité de préserver la sécurité des
personnels.
Votre commission des Lois vous propose deux amendements sur ces points.
Le premier
amendement
substitue la notion de "
missions
incombant à la juridiction "
à celle de
" missions incombant au service public de la justice ".
Il
conduira la CCSDN à se prononcer véritablement in concreto, en
fonction de chaque affaire, plutôt que par une référence
abstraite aux missions de la justice.
Le second
amendement
, suggéré par M. Pierre Fauchon,
élargit à la sécurité des personnes, et non des
seuls personnels, les éléments à prendre en
considération. Il s'agit de tenir compte du fait que, dans certaines
hypothèses, la déclassification pourra avoir des
conséquences non seulement pour les personnels mais aussi pour des tiers.
*
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi dont la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, est saisie au fond.
ANNEXE :
AMENDEMENTS ADOPTÉS
PAR LA
COMMISSION DES LOIS
Article premier
I. Supprimer la deuxième phrase de cet article.
II. Au début de la troisième phrase, remplacer le mot :
Elle
par les mots :
Cette commission administrative indépendante
Article premier
Dans la troisième phrase de cet article, supprimer les
mots :
, à la suite de la demande d'une juridiction française,
Article premier
Dans la troisième phrase de cet article, supprimer les
mots :
relatives au secret de la défense nationale
Article premier
Compléter cet article par un alinéa ainsi
rédigé :
" L'avis de la commission consultative du secret de la défense
nationale est rendu à la suite de la demande d'une juridiction
française ou d'une commission parlementaire exerçant sa mission
dans les conditions fixées par les articles 5 bis, 5 ter
ou 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. "
Article 2
Modifier comme suit cet article :
I - Dans le premier alinéa, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
II - Supprimer les troisième, quatrième et cinquième
alinéas.
III - Dans le septième alinéa, remplacer les mots :
des personnalités qualifiées
par les mots :
des membres
IV - Dans la dernière phrase du dernier alinéa, remplacer les
mots :
au sixième alinéa
par les mots :
au troisième alinéa
Article 4
Dans le premier alinéa de cet article, après les
mots :
juridiction française
insérer les mots :
ou une commission parlementaire dans les conditions fixées à
l'article premier
Article 7
Rédiger comme suit le début du premier
alinéa de cet article :
Dans le délai de deux mois à compter de sa saisine, la commission
émet un avis qui prend en considération les missions incombant
à la juridiction, le respect de la présomption d'innocence....
Article 7
A la fin du premier alinéa de cet article, remplacer le
mot :
personnels
par le mot :
personnes
Article 8
A la fin de cet article, après le mot :
commission
insérer les mots :
ou de l'expiration du délai de deux mois mentionné à
l'article 7
Article 9
Dans cet article, supprimer les mots :
et les parlementaires