Avis n° 322 - Projet de loi , modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière
Philippe MARINI, Sénateur
Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation - Avis n° 322 - 1997-1998
Table des matières
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
-
ARTICLE 6
Dérogation à l'application des règles françaises
en matière de comptes consolidés - EXAMEN EN COMMISSION
N° 322
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 1998
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi , MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE , portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière ,
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude
Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel
Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Henri Torre,
René Trégouët.
Voir les numéros
:
Sénat
: Première lecture :
499
(1995-1996),
22
,
30
et T.A.
7
(1996-1997).
Deuxième lecture :
189
,
236
,
257
et T.A.
83
(1996-1997).
Troisième lecture :
241
et
310
(1997-1998).
Assemblée nationale
(
10
ème législ.) :
Première lecture :
3049
,
3294
et T.A.
642
.
(
11
ème législ.) : Deuxième lecture :
191
,
500
et T.A.
75
.
Sociétés.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi est soumis à notre examen pour la
troisième fois. Compte tenu de l'avancée des travaux et du
relatif consensus auquel étaient parvenues les deux assemblées,
le Gouvernement a souhaité, après la dissolution, que la
discussion de ce texte soit reprise à l'Assemblée nationale dans
le texte adopté en deuxième lecture par le Sénat.
Il convient de se réjouir de cette décision, qui permettra
à la France, en la dotant d'un Comité de la réglementation
comptable s'appuyant sur un Conseil national de la comptabilité
rénové, de moderniser et d'unifier son processus de normalisation
comptable. C'est une nécessité pour tenter d'influencer le
processus de convergence internationale des normes comptables initié par
la Commission des normes comptables internationales ou l'IASC (International
Accounting Standard Committee). En effet, depuis que la Commission
européenne a renoncé à poursuivre ses efforts
d'harmonisation interne, la voix française doit s'exprimer surtout et
avant tout au sein de l'IASC.
Le CRC aura pour mission de transformer en règlements - rendus
obligatoires par homologation ministérielle - les avis et
recommandations du Conseil national de la comptabilité, organisme
consultatif placé auprès du ministre de l'économie et des
finances.
Le présent projet de loi précise en outre quelles règles
peuvent être utilisées par les groupes français pour la
présentation de leurs comptes consolidés. Il s'agit de permettre
aux sociétés françaises souhaitant recourir à
l'épargne internationale de déroger au droit comptable
français et d'établir leurs comptes par référence
à des normes dites internationales.
L'objectif de cette dérogation est double.
D'une part, elle vise à ne pas pénaliser les grands groupes
français cotés à l'étranger en leur imposant de
tenir une double comptabilité, au moins pour ce qui est de leurs comptes
consolidés.
D'autre part, elle a pour objet de limiter, voire d'interdire, ce qu'il est
convenu d'appeler le "
vagabondage comptable
", pratique
consistant, pour
les entreprises, à ne retenir dans un référentiel
comptable déterminé que les règles qui leur sont les plus
favorables.
En outre, la présente loi est une condition préalable à la
modernisation du droit des sociétés. Il est indispensable, en
effet, de clarifier les normes auxquelles doivent répondre les comptes
consolidés si l'on veut affirmer le statut juridique de ces derniers, et
les soumettre à l'approbation de l'assemblée
générale de la société-mère, avec toutes les
conséquences qui doivent en découler.
La Commission des finances a estimé devoir formuler un avis sur le
titre premier de ce projet de loi qui tend, d'une part à réformer
les instances de normalisation comptable, et, d'autre part, à autoriser
les entreprises françaises à utiliser des normes comptables
différentes des normes comptables françaises.
L'Assemblée nationale n'a modifié que les deux principaux
articles de ce titre, lorsqu'elle a examiné le texte en deuxième
lecture le mercredi 21 janvier dernier.
En premier lieu, elle a étendu la composition du Comité de la
réglementation comptable (CRC), fixée à
l'
article
2
du projet de loi.
Observant ainsi que la Cour des comptes était chargée du
contrôle des entreprises publiques qui sont elles-mêmes tenues de
respecter le plan comptable au même titre que les entreprises
privées, elle a jugé opportun d'en assurer la
représentation à travers la présence d'un de ses membres
nommé par le Premier président de la Cour. Ce dernier porterait
donc à trois le nombre des magistrats présents au sein de ce
comité, puisque l'Assemblée nationale avait déjà
souhaité imposer la présence d'un membre du Conseil d'Etat et
d'un conseiller à la Cour de cassation.
Par ailleurs, par souci de symétrie avec la composition du Comité
de la réglementation bancaire et financière (CRBF),
l'Assemblée nationale a souhaité adjoindre aux trois membres du
Conseil national de la comptabilité représentant les entreprises,
deux membres représentant les organisations syndicales
représentatives de salariés.
Ces deux modifications portent l'effectif total du CRC de douze à quinze
membres.
L'
article
6
, qui autorise les entreprises françaises
à déroger aux principes comptables français et à
établir leurs comptes consolidés selon des
référentiels internationaux, a également été
remodelé par l'Assemblée nationale.
Il convient de rappeler, à ce stade, que les divergences de vue sur le
champ d'application de cette dérogation et sur le
référentiel international applicable ont été
à l'origine de plusieurs rédactions successives de l'article 6.
S'agissant du
champ d'application
, la dernière mouture du texte
tel qu'il ressortait de l'examen par le Sénat en deuxième
lecture, prévoyait que les entreprises autorisées à
déroger au principe de territorialité étaient celles :
- dont les titres sont admis aux négociations sur un marché
réglementé de la Communauté européenne,
- et sont négociés sur un marché financier étranger.
Bien que plus large que la définition suggérée par
l'Assemblée nationale en première lecture, cette rédaction
présentait l'avantage de supprimer toute référence aux
marchés financiers étrangers " organisés et
réglementés ", notions dont votre Commission des finances
avait critiqué le manque de pertinence juridique en dehors de la
Communauté européenne.
Dans un souci de simplification, l'Assemblée nationale a, en
deuxième lecture, opéré à la fois un
élargissement du champ de la dérogation en supprimant la
deuxième condition, et une restriction en réservant la
faculté aux seules sociétés dont les titres sont admis aux
négociations sur un
marché domestique
d'instruments
financiers, défini par la loi du 2 juillet 1996 sur la modernisation des
activités financières. Cette nouvelle rédaction ouvre
ainsi le régime comptable dérogatoire aux sociétés
cotées sur un marché réglementé français,
qu'elles fassent ou non appel à l'épargne internationale.
Cette dérogation est en tout état de cause limitée dans sa
portée puisqu'elle ne porte que sur l'établissement et la
publication des comptes consolidés.
Elle est en outre strictement encadrée puisque les règles qui
pourront être utilisées auront dû préalablement
être adoptées par un règlement du CRC et donc
homologuées par le ministre de l'économie.
S'agissant du
référentiel applicable
, il convient, pour
comprendre les multiples modifications successives, de faire le départ
entre les " règles internationales " et les
" règles internationalement reconnues ". Les premières
sont élaborées par l'IASC, organisme international de
normalisation comptable, tandis que la notion de règles
internationalement reconnues, tout en incluant les précédentes,
vise les normes nationales qui sont acceptées sur les marchés
financiers étrangers (en l'occurrence, les normes américaines
édictées par le FASB
1(
*
)
).
Initialement, l'article 6 ouvrait aux entreprises françaises
cotées sur un marché européen et faisant appel à
l'épargne sur une place étrangère, la possibilité
de n'établir qu'un jeu de comptes consolidés conforme à
des normes comptables
internationalement reconnues
.
Bien que cette notion inclue implicitement la notion de règles
internationales, l'Assemblée nationale a souhaité, en
première lecture, limiter la dérogation aux seules
règles internationales
traduites en français et
adoptées par un règlement du CRC. Mais, pour tenir compte de
l'inachèvement du processus d'harmonisation comptable entrepris par
l'IASC, elle a autorisé l'utilisation de
règles
internationalement reconnues
adoptées selon la même
procédure jusqu'au 1
er
janvier 1999, date supposée
d'achèvement d'un corps complet de règles. Ce dispositif
transitoire était justifié par le fait que certains aspects
comptables sectoriels relatifs notamment aux entreprises
pétrolières ou aux entreprises d'assurance ne sont pour l'instant
traités que par le référentiel américain.
Le Sénat a quant à lui estimé qu'il convenait, d'une part,
de prévoir les cas pour lesquels il est très vraisemblable qu'il
n'y aura pas de règles internationales en permettant aux entreprises de
se conformer aux normes internationalement reconnues
en
complément
des règles internationales, et, d'autre part, de
ne pas limiter la possibilité d'utiliser ces mêmes règles
dans le temps, compte tenu de possibles retards dans le processus
d'harmonisation. D'un commun accord, la commission des lois et la commission
des finances du Sénat ont ainsi supprimé la date butoir du
1
er
janvier 1999.
Enfin, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a retenu une
rédaction consensuelle en adoptant un amendement du Gouvernement fixant
au 31 décembre 2002 la date au delà de laquelle les groupes
français ne seraient plus admis à établir leurs comptes
consolidés par référence à ces normes
internationalement reconnues.
Il est raisonnable de penser que ce laps de temps de presque cinq ans permettra
à l'IASC d'achever l'élaboration d'un corps complet de
règles internationales.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souhaité préciser
que les règles internationales retenues par le Comité de la
réglementation bancaire devront respecter les normes communautaires, ce
qui va de soi dans un Etat de droit où la hiérarchie des normes
prévaut, mais présente l'avantage de rappeler que la France ne
souhaite pas s'écarter des directives communautaires dans la mesure
où celles-ci pourraient diverger des règles IASC.
Au total, l'Assemblée nationale ayant fait un pas très
significatif dans le sens des positions défendues par le Sénat,
votre commission des finances vous proposera d'adopter conformes les articles 2
et 6 du présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
RÉFORME DE LA RÉGLEMENTATION COMPTABLE
ARTICLE 2
Composition du Comité de la réglementation
comptable
Commentaire : Le présent article concerne la
composition du Comité de la réglementation comptable (paragraphe
I) et les modalités spécifiques d'adoption des normes comptables
sectorielles (paragraphe II). Seul le paragraphe I reste en discussion,
l'Assemblée nationale ayant porté de douze à quinze le
nombre des membres du CRC.
La réforme des instances compétentes en matière comptable
a pour objectif de moderniser et d'unifier le processus de normalisation
comptable
.
Elle comporte trois séries de mesures :
- la rénovation de l'instance de normalisation comptable (
le Conseil
national de la comptabilité
ou CNC). Cet organisme est chargé
de l'élaboration des normes comptables (plan comptable
général). Il n'a pas de pouvoir de décision, mais rend des
avis ;
- l'unification des instances de réglementation comptable avec la
création du
Comité de la réglementation comptable
(CRC). Cet organisme est chargé d'établir les prescriptions
comptables générales et sectorielles s'imposant à toutes
les personnes morales ou physiques soumises à l'obligation
d'établir des comptes, à l'exception des personnes morales de
droit public. Il dispose du pouvoir de prendre des règlements, sous
réserve de l'homologation ministérielle ;
- enfin, la mise en place d'une instance amenée à jouer un
rôle important en matière d'application des règles
comptables (
le comité d'urgence du Conseil national de la
comptabilité
). Ce comité rend des avis, qui sont des
décisions ne faisant pas grief.
Seul le CRC est concerné par le présent projet de loi
, la
rénovation du CNC et la création du comité d'urgence ayant
été réalisées par voie réglementaire
(décret n° 96-749 du 26 août 1996).
Dans cette perspective, l'article premier du projet de loi institue le CRC et
donne force obligatoire à tous ses règlements. En
conséquence, le Comité de la réglementation bancaire et
financière perd sa compétence réglementaire en
matière de comptabilité des banques et des entreprises
d'investissement. C'est donc la fin de l'exception bancaire et
financière et l'unification des sources du droit comptable.
Après avoir, en première lecture, inclus dans la composition du
CRC un membre du Conseil d'Etat et un membre de la Cour de cassation,
l'Assemblée nationale a souhaité y adjoindre, en deuxième
lecture, un membre de la Cour des comptes, au motif que cette juridiction
assure le contrôle d'entreprises publiques qui sont tenues de respecter
le plan comptable au même titre que les entreprises privées.
Bien qu'elle ne soit pas convaincue de l'utilité d'une telle adjonction,
votre commission des finances n'y est pas défavorable.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souhaité élargir le
collège des représentants du CNC en plaçant auprès
des trois représentants des entreprises, deux représentants des
organisations syndicales de salariés. Il s'agit, en s'inspirant de la
composition du Comité de la réglementation bancaire et
financière (CRBF), d'assurer la prise en compte des aspects sociaux
autant que des aspects économiques et financiers dans
l'élaboration des normes comptables, ces dernières étant,
selon l'Assemblée nationale "
un véritable instrument de
négociation économique et social
". Les cinq membres du
CNC seraient nommés par arrêté du ministre chargé de
l'économie sur proposition du président du CNC.
Au total, le Comité de la réglementation comptable comprendrait
huit représentants de l'Etat et des pouvoirs publics (trois ministres,
trois magistrats, le président de la Commission des opérations de
bourse et le président du CNC) et sept professionnels membres du Conseil
national de la comptabilité (deux professionnels de la
comptabilité, trois représentants des entreprises et deux
représentants des organisations syndicales de salariés).
Décision de la commission : votre commission des finances a
émis un avis favorable à l'adoption conforme du présent
article.
ARTICLE 6
Dérogation à l'application
des règles françaises
en matière de comptes
consolidés
Commentaire : le présent article propose de
permettre aux entreprises françaises dont les titres sont cotés
sur un marché domestique d'instruments financiers, de déroger au
droit comptable français et d'établir leurs comptes selon des
règles internationales, traduites en français et adoptées
par un règlement du CRC. A titre subsidiaire, ces sociétés
seraient également autorisées à utiliser des règles
internationalement reconnues, jusqu'au 31 décembre 2002.
Le présent article institue une dérogation importante au principe
de la territorialité des normes comptables françaises en
matière de comptes consolidés. Il exonère en effet
certaines sociétés (cf. infra) de l'obligation d'établir
leurs comptes consolidés conformément aux règles
comptables françaises prévues aux articles 357-3 à 357-8
de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, afin
de les dispenser d'établir deux jeux de comptes dès lors qu'elles
sont déjà dans l'obligation de conformer leur présentation
comptable à des normes internationales.
Initialement, le texte déposé en première lecture devant
le Sénat ouvrait le bénéfice de la dispense aux
sociétés :
- dont les titres sont admis aux négociations sur un marché
réglementé de la Communauté européenne ;
- qui font appel à l'épargne sur les places
étrangère ;
- et qui utilisent pour l'établissement et la publication de leurs
comptes consolidés des règles internationalement reconnues,
acceptées sur ces places, adoptées et homologuées par un
règlement du CRC.
Le champ d'application de cette dérogation comme la définition
des normes comptables utilisables ont fluctué au gré des lectures
dans chaque assemblée au fur et à mesure que la rédaction
initiale du texte de loi était dépouillée de ses
imperfections et des ses imprécisions.
A. RAPPEL DES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS RELATIVES AU CHAMP
D'APPLICATION DE LA DÉROGATION
Comme indiqué plus haut, pour pouvoir déroger au droit comptable
français, les sociétés devaient satisfaire à trois
conditions cumulatives :
- émettre des titres admis à la négociation sur un
marché réglementé de la Communauté
européenne ;
- faire appel à l'épargne sur les places
étrangères ;
- utiliser pour l'établissement et la publication de leurs comptes
consolidés des règles internationalement reconnues.
Le Sénat a tout d'abord en première lecture remplacé la
condition relative à l' " appel à l'épargne sur
les places étrangères " par celle de la
" négociation de titres sur un marché financier
étranger ", ce qui est plus robuste juridiquement.
Sur ce critère, l'Assemblée nationale a souhaité en
première lecture préciser qu'il devait s'agir de titres
négociés sur un marché financier étranger
organisé et réglementé
afin d'interdire à
des sociétés dont les titres - par exemple un simple billet
de trésorerie - seraient occasionnellement négociés
sur une place étrangère, de bénéficier de ce seul
fait de la dérogation.
Votre Commission des finances avait alors exprimé sa vive
réticence à l'emploi de ces deux notions en rappelant qu'il
n'existait aucune définition juridique des marchés
organisés et que la notion de marché réglementé
n'avait pas de contenu juridique précis en dehors de l'Union
européenne.
En conséquence, le Sénat était, en deuxième
lecture, revenu à la rédaction qu'il avait proposée en
première lecture en précisant que la notion de marché
financier étranger recouvrait aussi bien les marchés de pur
gré à gré que les marchés organisés et bien
sûr les marchés réglementés, qu'ils soient
européens ou non européens.
Enfin, examinant le texte en deuxième lecture, l'Assemblée
nationale a, par souci de simplification, élargi le champ d'application
de la dérogation en supprimant toute référence aux
marchés financiers étrangers.
En revanche, elle a restreint la portée de la première condition
puisque ne sont désormais admises au bénéfice de la
dispense que les sociétés
dont les titres sont admis aux
négociations sur un marché réglementé d'instruments
financiers au sens de l'article 41 ou du VII de l'article 97 de la loi
n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités
financières
.
Cette dernière notion mérite quelques éclaircissements.
L'article 41 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation
des activités financières dispose que
la reconnaissance de la
qualité de marché réglementé d'instruments
financiers est décidée par
arrêté du ministre
chargé de l'économie et des finances
pris sur la proposition
du Conseil des marchés financiers et après avis de la Commission
des opérations de bourse ainsi que de la Banque de France.
Le paragraphe VII de l'article 97 de la loi précitée, dit
" clause du grand-père ", précise quant à lui
que les
marchés de valeurs mobilières
et les
marchés à terme
fondés sur la loi du 28 mars 1885
et sur la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, fonctionnant
régulièrement,
sont reconnus comme des marchés
réglementés
.
L'article 41 n'ayant jusqu'à présent fait l'objet d'aucun
arrêté d'application, sont aujourd'hui considérés
comme des marchés réglementés au sens de l'article 97 de
la loi de modernisation des activités financières le premier
marché, le second marché, le nouveau marché, le MATIF et
le MONEP. Ainsi, seules les entreprises émettant des titres de
créance ou des titres de capital admis à la négociation
sur un de ces
cinq marchés réglementés
domestiques
peuvent bénéficier de la dérogation.
En revanche, n'étant pas un marché de valeurs mobilières,
le marché monétaire n'est pas considéré comme
réglementé. En conséquence, les entreprises
émettant des titres de créance négociables sur ce
marché ne sont pas admises à la dérogation. Il en est de
même pour les entreprises émettant des titres sur le marché
interbancaire.
Au total,
le nouveau champ d'application de la dérogation
tel que
défini par l'Assemblée nationale
apparaît à la
fois plus large et plus restreint que le champ d'application défini
initialement
. Ainsi, si la dispense n'est plus subordonnée à
la présence sur un marché financier étranger, ce qui selon
le rapporteur de l'Assemblée nationale "
place les groupes
cotés sur un pied d'égalité, quelle que soit leur taille,
et respecte leur liberté de choix
", elle est désormais
réservée aux seules sociétés émettant des
titres sur un marché réglementé domestique, à
l'exclusion donc de celles émettant des titres sur un marché
réglementé européen.
On peut estimer que l'ensemble des sociétés cotées sur un
marché réglementé français, soit environ 750
entreprises, sont désormais concernées par l'article 6 du
présent projet de loi, ce qui est considérablement plus large que
le nombre d'entreprises précédemment visé.
Considérant que cette rédaction laisse à toutes les
sociétés françaises qui en éprouvent la
nécessité aujourd'hui ou qui le souhaiteront à l'avenir,
la possibilité de déroger au droit comptable français pour
n'établir qu'un seul jeu de comptes consolidés, votre Commission
des finances vous proposera de l'adopter conforme.
B. RAPPEL DES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS RELATIVES À LA
PORTÉE DE LA DÉROGATION
Pour pouvoir bénéficier de la dispense, les
sociétés devaient en outre, dans le texte initial, utiliser pour
l'établissement et la publication de leurs comptes consolidés des
règles internationalement reconnues. En réalité, plus
qu'une condition, cette clause consistait à permettre à ces
sociétés d'utiliser un seul référentiel comptable
pour l'établissement et la publication de leurs comptes
consolidés.
Rappelons que la notion de
règles internationalement reconnues
recouvre, d'une part, les normes internationales élaborées par
l'organisme international de normalisation comptable, l'IASC
2(
*
)
, et, d'autre part, les normes nationales qui sont
utilisées de façon internationale (ce qui vise en particulier les
normes américaines élaborées par le FASB
3(
*
)
et
rendues obligatoires par la Securities and exchange
commission, SEC).
L'Assemblée nationale a, en première lecture, restreint la
portée de cette dérogation aux seules "
normes
internationales
", excluant donc la possibilité pour les
sociétés françaises d'utiliser les normes
américaines. En outre, elle a imposé que ces règles
internationales soient traduites en français.
Toutefois, les députés ont prévu que, jusqu'au
1
er
janvier 1999, date à laquelle l'Organisation
internationale des commissions de valeurs mobilières (OICV) - organisme
qui regroupe les autorités boursières du monde entier - est
censée reconnaître le corps de règles établi par
l'IASC, les sociétés susceptibles de bénéficier de
la dérogation pourraient utiliser, dans des conditions fixées par
le CRC, des règles internationalement reconnues.
Reconnaissant que l'utilisation par des sociétés
françaises de normes comptables d'autres Etats en lieu et place des
normes comptables françaises pouvait avoir un caractère choquant,
le Sénat a, en deuxième lecture, approuvé le principe
d'une période transitoire pendant laquelle les sociétés
françaises pourraient appliquer des normes internationalement reconnues,
et salué le pragmatisme de l'Assemblée nationale.
Il a néanmoins estimé qu'il convenait, d'une part, de
prévoir les cas pour lesquels il est très vraisemblable qu'il n'y
aura pas de règles internationales (c'est le cas par exemple de certains
secteurs d'activité comme le secteur pétrolier).en permettant aux
entreprises de se conformer aux normes internationalement reconnues
en
complément
des règles internationales, et, d'autre part, de
ne pas limiter la possibilité d'utiliser ces mêmes règles
dans le temps, compte tenu de possibles retards dans le processus
d'harmonisation mené par l'IASC. D'un commun accord, la commission des
lois et la commission des finances du Sénat ont ainsi supprimé la
date butoir du 1
er
janvier 1999.
Puis, la dissolution est intervenue. L'Assemblée nouvellement
constituée a alors songé à supprimer la possibilité
pour les entreprises d'utiliser des normes internationalement reconnues. Mais,
le Gouvernement ayant fait valoir que le référentiel
international n'était pas encore complet, que la cotation sur les
marchés financiers américains était subordonnée
à la présentation de comptes conformes aux normes
américaines, et, enfin, que la coexistence de deux jeux de comptes avec
des résultats différents posait aux groupes concernés des
difficultés pour leur communication financière, les
députés ont finalement adopté une rédaction plus
consensuelle.
Le texte sur lequel nous devons aujourd'hui nous prononcer permet aux groupes
français cotés sur un marché réglementé
français de présenter un seul jeu de comptes consolidés
établis selon des normes internationalement reconnues jusqu'à ce
que l'IASC soit parvenu à un référentiel complet, et au
plus tard jusqu'au 31 décembre 2002. On peut raisonnablement penser que
l'organisme de normalisation aura achevé son oeuvre dans ce délai.
L'Assemblée nationale a en outre souhaité préciser que la
consolidation selon les normes utilisées à titre
dérogatoire devait demeurer conforme aux règles
européennes. Bien qu'allant de soi, cette clause rappelle que les normes
de l'IASC ne sont pas nécessairement compatibles avec la
VII
ème
directive sur les comptes consolidés, la
Commission européenne ayant d'ailleurs ouvert une procédure de
modification de la directive.
Au total, votre commission des finances considère que le texte actuel
constitue une synthèse satisfaisante entre les positions
défendues par le Sénat et celles exprimées par
l'Assemblée nationale.
Décision de la commission : votre commission des finances a
émis un avis favorable à l'adoption conforme du présent
article.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 3 mars 1998, sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a
procédé à l'examen du rapport pour avis de
M. Philippe Marini
, en troisième lecture,
sur le
projet de loi n° 241
(1997-1998)
portant réforme de
la réglementation comptable et adaptation du régime de la
publicité foncière.
M. Philippe Marini a tout d'abord expliqué que le Gouvernement
avait souhaité, compte tenu de l'avancée des travaux et du
relatif consensus auquel étaient parvenues les deux assemblées,
que la discussion de ce texte soit, après la dissolution, reprise
à l'Assemblée nationale dans la rédaction adoptée
en deuxième lecture par le Sénat.
Il s'est réjoui de cette décision en estimant que le projet de
loi permettrait à la France, en la dotant d'un Comité de la
réglementation comptable (CRC) s'appuyant sur un Conseil national de la
comptabilité (CNC) rénové, de renforcer son processus de
normalisation comptable et ainsi, d'être en mesure d'influencer avec plus
de poids le processus de convergence internationale des normes comptables
initié par l'IASC (International Accounting Standard Committee).
Il a ajouté que le projet de loi permettait aux sociétés
françaises souhaitant recourir à l'épargne internationale
de déroger au droit comptable français et d'établir leurs
comptes consolidés par référence à des normes dites
internationales, afin de les dispenser d'établir un double jeu de
comptes.
Il a enfin rappelé que la commission des finances avait estimé
devoir formuler un avis sur le titre premier du projet qui tend, d'une part
à réformer les instances de normalisation comptable, et, d'autre
part, à autoriser les entreprises françaises à utiliser
des normes comptables différentes des normes comptables
françaises.
Puis, M. Philippe Marini a indiqué que les deux principaux articles
de ce titre restaient en discussion, pour avoir été
modifiés par l'Assemblée nationale.
S'agissant de l'article 2 du projet de loi, il a relevé que
l'Assemblée nationale avait de nouveau modifié la composition du
CRC, en y adjoignant la présence d'un membre de la Cour des comptes
nommé par le premier président de celle-ci, et deux membres du
Conseil national de la comptabilité représentant les
organisations syndicales représentatives de salariés.
Précisant que ces ajouts portaient l'effectif du CRC à quinze
membres, il a estimé ne pas devoir s'y opposer.
S'agissant de l'article 6, qui autorise les entreprises françaises
à établir leurs comptes consolidés selon des
référentiels internationaux, M. Philippe Marini a
rappelé que les divergences de vue entre le Sénat et
l'Assemblée nationale sur son champ d'application et sur le
référentiel international applicable, avaient amené les
deux assemblées à modifier à plusieurs reprises sa
rédaction.
Il a cependant indiqué que l'Assemblée nationale avait finalement
retenu une rédaction consensuelle, d'une part, en étendant le
champ de la dérogation à l'ensemble des sociétés
cotées sur un marché domestique d'instruments financiers,
défini par la loi du 2 juillet 1996 sur la modernisation des
activités financières, et, d'autre part, en autorisant ces
sociétés à établir leurs comptes consolidés
en conformité avec des règles internationalement reconnues
adoptées par un règlement du CRC - c'est-à-dire
des règles qui sont utilisées de manière coutumière
sur les marchés financiers étrangers (en l'espèce les
normes américaines édictées par le FASB) - en
l'absence de règles comptables internationales adoptées selon la
même procédure. Il a cependant précisé que cette
dérogation n'était admise qu'à titre temporaire, dans
l'attente de l'achèvement du processus d'harmonisation comptable
entrepris par l'IASC, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2002.
Considérant que l'Assemblée nationale avait fait un pas
très significatif en direction des positions défendues par le
Sénat, il a suggéré que la commission donne un avis
favorable à l'adoption de ces deux articles dans la rédaction
élaborée par l'Assemblée nationale. La commission a suivi
les conclusions de son rapporteur pour avis.
1
Financial Accounting Standard Board.
2
International Accounting Standards Committee. Il s'agit d'une
organisation privée regroupant quelque 110 organismes professionnels de
plus de 80 pays dont la France, représentée par l'ordre des
experts-comptables et la compagnie des commissaires aux comptes.
3
Financial Accounting Standard Board