RAPPORT N° 316 - PROJET DE LOI, ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE, AUTORISANT L'APPROBATION DE L'ACCORD INTERNATIONAL DE 1995 SUR LE CAOUTCHOUC NATUREL (ENSEMBLE TROIS ANNEXES)
Pierre BIARNÈS, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES - RAPPORT N° 316 - 1997/1998
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. LA STABILISATION DES COURS DU CAOUTCHOUC : UN ENJEU IMPORTANT POUR L'AVENIR
- II. UN ACCORD UTILE POUR LES PRODUCTEURS COMME POUR LES CONSOMMATEURS
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
N° 316
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 février 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l' approbation de l'accord international de 1995 sur le caoutchouc naturel (ensemble trois annexes),
Par M. Pierre BIARNÈS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel Debarge, Jean Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
289
,
642
et T.A.
91
.
Sénat
:
305
(1997-1998).
|
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'accord sur le caoutchouc naturel de 1994 fait suite aux accords
internationaux de 1979 et de 1987. Il ne s'en distingue guère et c'est
peut-être là, du reste, sa principale singularité par
rapport à la plupart des accords de produits récemment
signés. En effet, il maintient le principe d'un stock régulateur
qui a été abandonné pour les autres matières
premières compte tenu de la difficulté de maîtriser les
cours.
Cette pérennité n'est pas indifférente dans le contexte
actuel. La demande de caoutchouc naturel est appelée à
croître dans les années à venir. Dans cette perspective,
l'accord sur le caoutchouc naturel doit, dans une certaine mesure, contribuer
à stabiliser les cours d'une matière première largement
utilisée par les industries, en particulier dans notre pays.
C'est pourquoi, avant de présenter les dispositions contenues dans le
nouvel accord sur le caoutchouc naturel, votre rapporteur analysera les
principales données relatives au marché du caoutchouc naturel.
I. LA STABILISATION DES COURS DU CAOUTCHOUC : UN ENJEU IMPORTANT POUR L'AVENIR
A. UNE PRODUCTION LIMITÉE AU REGARD DES PERSPECTIVES PROMETTEUSES OUVERTES PAR UNE DEMANDE DYNAMIQUE
1. Une consommation en plein essor
En 1996, la consommation mondiale de caoutchouc naturel a
augmenté de 3 % par rapport à 1995 et a dépassé
6,10 millions de tonnes. Les Etats-Unis figurent au premier rang des pays
consommateurs (1 million de tonnes) suivis de l'Union européenne (850
000 tonnes), la Chine (810 000 tonnes en 1996, soit une forte hausse par
rapport aux années passées), le Japon (714 000 tonnes) et l'Inde
(558 000 tonnes). Compte tenu de l'évolution qui conduit les pays
producteurs à utiliser pour leurs propres besoins une part croissante de
leurs plantations, l'Asie représente désormais plus de la
moitié de la consommation mondiale (Malaisie 337 000 tonnes,
Thaïlande 160 000 tonnes, Indonésie 144 000 tonnes).
Trois facteurs principaux jouent en faveur d'une croissance de la demande dans
les années à venir.
En premier lieu, même si l'industrie pneumatique absorbe encore plus des
deux tiers de la production de caoutchouc naturel, la demande d'articles de
protection liés à l'extension de l'épidémie du Sida
(gants de protection et d'examen fabriqués en latex naturel,
préservatifs...) constitue un facteur de soutien de la demande dont on
peut craindre qu'il perdure encore à l'avenir.
En second lieu, le déplacement progressif de la demande de l'Europe vers
l'Asie assure au caoutchouc naturel des débouchés à la
mesure des perspectives de développement à moyen terme de la zone
(Chine, Inde, Indonésie, Thaïlande et Vietnam notamment)
malgré la crise actuelle.
Enfin, le caoutchouc naturel résiste très bien à la
concurrence du caoutchouc synthétique. Sa part dans la consommation
totale n'a cessé de progresser au cours des dernières
années -33 % en 1985, 35 % en 1990, 39 % en 1995- sous l'effet d'une
double évolution : le développement des pneus à carcasse
radiale fabriqués avec une proportion plus forte de caoutchouc naturel
et la montée en puissance d'une industrie de manufacture dans les pays
producteurs de caoutchouc naturel.
Le poids respectif du caoutchouc naturel et du caoutchouc synthétique a
connu de grandes variations depuis le début du siècle. En 1904,
la firme chimique allemande Bayer offrait une récompense de 20 000 marks
à qui parviendrait à fabriquer un équivalent du caoutchouc
naturel pour moins de dix marks par kilo. Trois ans plus tard Fritz Hoffmann
relevait le défi et obtenait la mise au point d'un caoutchouc
synthétique dérivé du pétrole. Cependant le
caoutchouc synthétique n'apparaît vraiment sur le marché
que pendant les années trente. La demande progresse alors
régulièrement (1,1 % de la consommation mondiale en 1934, 12 % en
1940) avant de connaître une véritable explosion au moment de la
deuxième guerre mondiale : après l'invasion japonaise dans les
principaux pays producteurs, les Etats-Unis parviennent dans un délai
très court à couvrir l'ensemble de leurs besoins militaires par
leur production de caoutchouc synthétique.
Cependant, après la guerre, le naturel retrouve provisoirement une
primauté (67 % de la consommation en 1950) battue en brèche
dès la décennie suivante : en 1979 le caoutchouc
synthétique satisfait ainsi 70 % des besoins. Cette tendance
s'infléchit de nouveau après 1980 même si le caoutchouc
synthétique reste dominant en Russie (97 % du total), en Europe (70 %),
aux Etats-Unis (68 %), au Japon (61 %) et même en Chine (52 %) -le
caoutchouc naturel l'emporte en revanche en Malaisie (83 %) et en Inde (79 %).
Ainsi, même si la remontée récente de la consommation
observée depuis près de vingt ans ne s'inscrit peut-être
pas dans un mouvement de longue durée, le caoutchouc naturel a su
témoigner depuis un siècle de sa résistance par rapport
à son concurrent synthétique.
Si la demande de caoutchouc naturel se présente sous les meilleurs
auspices, l'offre apparaît quant à elle soumise à des
facteurs contraignants.
2. Une production limitée
La culture de l'hévéa requiert des conditions
climatiques particulières : une température moyenne de
25° et une pluviométrie annuelle comprise entre 1800 et 2500 mm.
L'offre de caoutchouc apparaît extrêmement concentrée ;
trois pays assurent à eux seuls 70 % de la production : la
Thaïlande (2 millions de tonnes en 1996), l'Indonésie (1,5 million
de tonnes) et la Malaisie (1 million de tonnes). L'évolution favorable
de la consommation impliquerait une extension des superficies consacrées
à l'hévéaculture ainsi qu'une augmentation du nombre des
travailleurs dans ce secteur.
Or, précisément, dans les trois principaux pays producteurs les
perspectives de développement de l'hévéaculture
apparaissent limitées en raison d'une part de la pression
foncière et, d'autre part de la désaffection des saigneurs
découragés par des conditions de travail très dures et les
bas salaires. Naturellement une baisse prolongée des cours du caoutchouc
(entre 1980 et 1986 et 1989 et 1993) peut encore accuser ces tendances. Ainsi,
la place du caoutchouc en Malaisie -longtemps premier pays producteur- n'a
cessé de décroître dans la mesure où les planteurs
se sont progressivement reconvertis à la culture du palmier à
huile considérée comme plus rémunératrice. Les
cours ont de nouveau beaucoup baissé en 1997. Les productions en
Thaïlande et en Indonésie risquent de connaître une
évolution comparable à celle de la Malaisie.
Dans ces conditions, d'autres pays peuvent-ils assurer la relève ?
L'Inde (540 000 tonnes) et la Chine (430 000 tonnes)
représentent des producteurs importants mais ils utilisent la
totalité de leur production pour leur consommation intérieure. La
production pourrait également se développer au Vietnam et au
Cambodge mais pas dans une mesure suffisante pour répondre aux besoins
de la consommation mondiale.
Quant à l'Afrique dont la part reste faible dans la production mondiale
(4,5 %), elle dispose d'un potentiel considérable encore peu
exploité faute de capitaux. En effet, près de la moitié
des 500 000 hectares plantés en hévéas en Afrique
appartiennent à des planteurs villageois qui n'ont pas facilement
accès au crédit. Par ailleurs, à la différence des
pays asiatiques qui ont su imposer leur label, les Etats africains ne sont pas
parvenus à mettre en place un système homogène de
production avec un produit interchangeable présenté sous la
même dénomination, produit selon des procédures identiques
et soumis à un contrôle exercé par des laboratoires de
référence. Cependant, à la suite de la dévaluation
du franc CFA, la culture de l'hévéa offre la perspective de gains
appréciables. Du reste, les sociétés
hévéacoles ont trouvé rapidement des repreneurs dans le
cadre des privatisations. Ce mouvement d'intérêt peut être
illustré par le rachat, par le groupe indonésien Panwell de la
société Hevecam à l'Etat camerounais. Par ailleurs, le
groupe François Rivaud a récemment vendu des plantations
d'hévéas situés à proximité de Kuala Lumpur
et compte réinvestir ces fonds dans des plantations africaines.
Il n'en reste pas moins que pour l'heure l'Afrique demeure encore un producteur
marginal. Dans ces conditions, le plafonnement de l'offre soulève des
incertitudes sur l'évolution prochaine des cours. Or la stabilisation
des prix du caoutchouc naturel intéresse producteurs et consommateurs,
et en particulier, parmi ceux-ci, la France pour laquelle l'industrie de
transformation du caoutchouc reste un secteur d'activité dynamique.
B. UNE STABILISATION DES COURS NÉCESSAIRE POUR FAVORISER LA SÉCURITÉ DE L'APPROVISIONNEMENT
1. L'effet dissuasif de la baisse des prix sur la production
Depuis trois décennies, l'évolution du cours du
caoutchouc naturel a connu quatre "pics" : les deux premiers en 1973
et en 1979
inscrits dans le mouvement de renchérissement de l'ensemble des
matières premières liées aux deux chocs pétroliers,
les deux suivants en 1988 et 1994, propres au caoutchouc naturel,
provoqués par une hausse de la consommation (augmentation de la demande
d'articles de protection puis vigueur de la croissance aux Etats-Unis au moment
même où l'offre de caoutchouc synthétique russe s'est
raréfiée).
Cependant, sur le moyen terme, l'orientation des cours apparaît
plutôt déprimée.
Les producteurs ont eu tendance dès lors à retourner vers des
cultures plus rémunératrices telles que le palmier à
huile. Or, compte tenu des investissements engagés, ces
évolutions apparaissent difficilement réversibles.
Dans ces conditions, l'offre ne peut s'ajuster rapidement à une hausse
de la demande. Ainsi, en Chine, la production n'a pu répondre à
la forte hausse de la consommation observée en 1994-1995.
Une relative stabilité des cours ne constitue pas seulement une garantie
pour les producteurs, elle représente également pour les
industries consommatrices, une assurance contre une contraction brutale de
l'offre de caoutchouc naturel.
2. Les industries du caoutchouc : un secteur d'activité dynamique au sein de l'économie française
Sans qu'il soit possible de distinguer le caoutchouc naturel
du caoutchouc synthétique compte tenu de l'omniprésence des
mélanges de ces produits dans l'industrie de transformation du
caoutchouc, ce secteur d'activité, dominé par la
société Michelin, employait quelque 60 000 personnes en
France en 1996.
Le chiffre d'affaires dépassait quarante milliards de francs (dont 23
milliards de francs pour les pneumatiques). La production est principalement
tournée vers l'exportation (0,5 million de tonnes sur 1,05 million de
tonnes - soit près des deux tiers de la production) : Allemagne,
Espagne, Italie et Royaume-Uni. L'excédent commercial représente
8,5 milliards de francs.
Dans la perspective d'une stabilisation des cours, l'accord de 1994 peut jouer
un rôle utile à un coût très limité :
l'expérience liée à la mise en oeuvre des accords
précédents l'a montré.
II. UN ACCORD UTILE POUR LES PRODUCTEURS COMME POUR LES CONSOMMATEURS
A. L'EXPÉRIENCE POSITIVE DES ACCORDS PRÉCÉDENTS
1. Une contribution à la stabilisation des cours
L'organisation internationale du caoutchouc naturel a sans
doute permis de contenir dans des limites acceptables les fluctuations du cours
de ce produit pendant les vingt dernières années.
Il importe de rappeler d'abord les grandes lignes de l'organisation du
marché du caoutchouc. Du reste, plutôt que d'un marché, il
vaudrait mieux évoquer des marchés car il existe un
éventail assez large de cotations officielles.
La première bourse du caoutchouc s'organise à Londres au
début du siècle sous le nom de "Rubber Trade Association" (RTA).
Elle apporte aux acteurs du marché la garantie d'une couverture
financière des transactions quelle que soit la situation des parties
contractantes au moment de l'exécution. Même si les cours de la
place de Londres servent encore de référence aux intervenants du
monde entier, l'influence de la RTA a décliné en raison de la
création d'autres bourses plus proches des lieux de production en Asie
du sud-est mais aussi de la baisse de la part de l'Europe dans la consommation
mondiale de caoutchouc naturel. Aujourd'hui, seules les bourses de Tokyo et de
Kobé au Japon et celles de Kuala Lumpur et de Singapour conservent
d'ailleurs avec difficulté et pour un nombre restreint de
qualités usuelles, un volume de transaction suffisant pour
refléter la valeur réelle du prix du caoutchouc, au comptant ou
au terme. La bourse de Singapour s'est longtemps distinguée (entre 1950
et 1990) par l'importance de son activité et l'avance acquise sur les
pays limitrophes dans tous les domaines (libre circulation des capitaux,
stabilité politique, modernité des équipements).
A l'instar des autres matières premières, les cours du caoutchouc
peuvent obéir à des visées purement spéculatives.
L'essor des marchés à terme a ainsi suscité,
au-delà du cercle des professionnels du caoutchouc,
l'intérêt d'opérateurs financiers. Ces derniers,
principalement animés par la recherche de gains rapides, influencent les
prix du marché, fixés ainsi pour une part non négligeable
en fonction d'éléments étrangers aux déterminants
fondamentaux de l'économie du caoutchouc.
C'est principalement contre des mouvements non maîtrisés de cette
nature que les accords de produits, souvent impuissants à corriger des
variations de grande ampleur liées aux fondamentaux de l'offre et de la
demande, se révèlent utiles.
L'Organisation internationale du caoutchouc naturel (OICN) a été
instituée lors du premier accord international de 1979. Depuis sa
création, les interventions de l'OICN ont connu six phases successives :
- en
1982,
la chute du cours -après une période de vive
hausse entre 1979/1980- a été enrayée par la
réalisation d'achats massifs (400 000 tonnes) par l'OICN ;
- la remontée des cours au-delà du prix supérieur
d'intervention en
1983
a conduit l'organisation à revendre les
quantités achetées l'année précédente et
à favoriser ainsi un mouvement de repli ;
- en
1985,
la nouvelle contraction des prix -au niveau du prix
d'intervention inférieur- entraînait des rachats de
quantités importantes ;
- en
1987,
les interventions de l'OICN demeuraient en revanche
impuissantes à endiguer la hausse des cours liée à la
demande des produits de protection contre le sida ;
- de
1990 à 1993,
l'Organisation a contribué à
maintenir les cours au-dessus du niveau plancher prévu par l'accord ;
- en
1994,
la reprise de la demande porte les prix au-delà du
prix plafond fixé par l'accord sans que les ventes
décidées par l'OICN permettent de contrarier cette tendance.
Dans l'ensemble, les interventions de l'OICN ont démontré une
certaine efficacité et si elles n'ont pas corrigé les mouvements
de grande ampleur, elles ont toutefois favorisé des périodes de
plus grande stabilité des cours.
Ces résultats reposent sans doute sur le relatif consensus qui
préside aux interventions de l'OICN. Ce consensus s'explique d'une part
par l'adhésion aux accords successifs sur le caoutchouc naturel de tous
les grands exportateurs et de la plupart des principaux importateurs et,
d'autre part, par le coût limité des opérations de l'OICN.
2. Un coût d'intervention limité
En effet, l'Organisation a pour objectif, non de soutenir les
prix, mais de les stabiliser : ils comportent ainsi une clause de
révision des prix d'intervention en fonction des réalités
du marché. Ce réalisme prémunit l'OICN contre les
déboires rencontrés par exemple par l'accord sur l'étain,
dont la banqueroute en 1985 a entraîné de graves
difficultés sur les marchés à terme de Londres.
Par ailleurs, le caoutchouc ayant été acheté au plus bas
et revendu au pus haut, la différence des prix a plus que couvert les
frais de stockage et de gestion des stocks.
Il est d'ailleurs significatif que les Etats-Unis, souvent
réservés vis-à-vis des mécanismes d'intervention
sur les marchés, aient décidé d'adhérer à
l'accord de 1995.
B. L'ACCORD INTERNATIONAL DE 1995 SUR LE CAOUTCHOUC NATUREL
1. L'organisation internationale sur le caoutchouc naturel
Depuis le premier accord de 1979, l'Organisation
internationale du caoutchouc naturel est installée à Kuala Lumpur
en Malaisie. Elle est placée sous l'autorité du Conseil
international du caoutchouc naturel et dispose d'une structure administrative
relativement légère dont l'effectif dépasse à peine
une trentaine de personnes.
Le Conseil compte un représentant de chaque Etat membre. Il élit
chaque année un président et un vice-président choisis
alternativement parmi les Etats-membres des pays importateurs et des pays
exportateurs (art. 11). Il se réunit une fois par semestre (art. 13).
Afin de préserver l'équilibre entre producteurs et consommateurs,
les voix sont réparties également entre membres importateurs et
exportateurs puis attribuées au sein de ces deux groupes en fonction du
volume des importations ou des exportations observé pendant les trois
années précédentes.
Parmi les producteurs, la Thaïlande, l'Indonésie, la Malaisie, le
Sri Lanka et la Côte-d'Ivoire ont déjà ratifié le
texte. Parmi les pays consommateurs, les Etats-Unis, le Japon et la Chine ont
achevé les procédures de ratification. Au sein de l'Union
européenne, l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, l'Espagne et la
Suède sont également dans ce cas.
Le Conseil bénéficie du soutien d'une structure administrative
dont la hiérarchie est constituée par un directeur
exécutif, un directeur exécutif adjoint et le directeur du stock
régulateur (art. 12). Il faut relever, pour s'en réjouir, la
nomination d'un Français, en mai dernier, au poste de directeur
exécutif adjoint de l'OICN.
Le coût de fonctionnement de cette organisation est assuré par un
compte administratif alimenté par des contributions calculées
proportionnellement à la part des Etats dans les importations ou les
exportations mondiales de caoutchouc naturel. Ainsi, la France dotée de
56 voix au Conseil à l'heure actuelle, paie 6,5 % des contributions au
compte administratif, soit un peu plus de 300 000 F en 1997. La Thaïlande,
les Etats-Unis, l'Indonésie, le Japon, la Malaisie et la Chine figurent
dans l'ordre décroissant parmi les principaux contributeurs de
l'Organisation.
L'OICN comprend une autre source de financement, le compte du stock
régulateur, alimenté dans les mêmes conditions que le
compte administratif. Cet instrument constitue le principal moyen d'action sur
les marchés.
2. Le seul accord de marché doté de réelles clauses économiques
Le compte du stock régulateur permet la constitution
d'un stock de 550 000 tonnes de caoutchouc naturel (soit près de 10 % de
la production mondiale annuelle) (art. 27).
Les interventions de l'OICN prennent en compte quatre niveaux de prix (art. 29)
:
- un prix de référence révisé tous les ans en
fonction des tendances du marché ;
- un prix d'intervention supérieur ou inférieur fixé
au-delà ou en-deçà de 15 % du prix de
référence : à ces niveaux, le directeur du stock
régulateur de l'OICN peut, s'il le juge nécessaire,
décider d'intervenir sur le marché ;
- un prix de déclenchement supérieur ou inférieur
fixé au-delà ou en-deçà de 20 % du prix de
référence : à ces niveaux, le directeur du stock
régulateur n'a plus de marge d'appréciation. Il se doit
d'intervenir pour tenter de stabiliser les prix ;
- au-dessus et en-dessous de ces niveaux, mais sans lien avec le prix de
référence, les prix indicatifs supérieurs ou
inférieurs fixent les limites qui ne peuvent être franchies par
les prix de déclenchement lorsque le prix de référence est
révisé à la hausse ou à la baisse.
*
* *
CONCLUSION
Alors que la plupart des accords de produit n'ont pu
résister au jeu des forces des marchés et ont perdu dans les
nouvelles versions renégociées une partie de leur substance,
l'accord sur le caoutchouc a démontré son intérêt au
cours des deux dernières décennies. Il reste ainsi le dernier
accord de produit à prévoir de réelles mesures
d'intervention sur les marchés.
Comment expliquer cette pérennité malgré les brusques
retournements des cours qui, à l'instar d'autres marchés, n'ont
pas manqué d'affecter le caoutchouc naturel ? Le pragmatisme et la
modestie des objectifs ont préservé l'accord sur le caoutchouc
naturel des désillusions rencontrées par les autres
matières premières. En effet, l'accord, il faut le rappeler, a
cherché avant tout à stabiliser les prix mais non à les
soutenir. Il comprend d'ailleurs une clause de révision du prix de
référence destinée à prendre en compte les
réalités du marché. En outre, l'accord a
bénéficié du consensus relatif entre les exportateurs et
les importateurs les plus importants.
La France se doit de ratifier l'accord sur le caoutchouc naturel pour une
double raison. D'une part, le dispositif de l'accord contribue à la
stabilité de l'approvisionnement à long terme du caoutchouc
naturel et, à ce titre, intéresse au premier chef un secteur
particulièrement dynamique de notre économie. D'autre part, notre
diplomatie a toujours appuyé les accords de produit qui permettent de
fixer quelques principes sur des marchés gouvernés par les lois
du marché et répondent mieux aux intérêts des pays
en développement. A cet égard, l'accord sur le caoutchouc naturel
présente une valeur exemplaire. C'est pourquoi votre rapporteur vous
invite à donner un avis favorable au présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées du Sénat a
procédé à l'examen du présent rapport au cours de
sa séance du mercredi 25 février 1998.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Rouvière,
qui remplaçait M. Pierre Biarnès, empêché, M.
Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est interrogé sur les conditions
de conservation des stocks de caoutchouc naturel. M. André
Rouvière a précisé que le fonctionnement du stock
régulateur montrait que la vente du caoutchouc naturel pouvait
être différée jusqu'au moment opportun au regard de
l'évolution des cours sur le marché. Il a indiqué,
à l'intention de M. Xavier de Villepin, président, que les cours
du caoutchouc naturel étaient actuellement orientés à la
baisse, même si les indicateurs fondamentaux du marché plaidaient
plutôt pour une augmentation sensible, à moyen terme, compte tenu
de l'augmentation de la consommation et des perspectives limitées de
croissance de la production. Il a toutefois relevé que les grandes
industries consommatrices, en particulier dans le secteur des pneumatiques,
disposaient des moyens technologiques de remplacer rapidement une large part de
caoutchouc naturel qu'elles consommaient actuellement par du caoutchouc
synthétique si les conditions d'approvisionnement apparaissaient
menacées.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte adopté par l'Assemblée nationale)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord international de 1995 sur le caoutchouc naturel (ensemble trois annexes) fait à Genève le 17 février 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
1
Voir le texte annexé au document
A.N. n° 289.