Rapport n° 314 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements
M. Michel ALLONCLE, Sénateur
Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport n° 314 - 1997-1998
Table des matières
- I. VERS UNE RELANCE DES RELATIONS FRANCO-INDIENNES ?
- II. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
- ANNEXE
N° 314
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 février 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d' Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ,
Par M. Michel ALLONCLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre
Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac,
Marcel Debarge, Jean Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait,
Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André
Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel
Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard
Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre
Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain
Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
231
(1997-1998).
|
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de
l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements signé à Paris le 2 septembre 1997 entre la France
et l'Inde.
Cet accord comporte des dispositions très voisines de celles des
soixante textes analogues qui lient déjà la France à des
pays tiers. Il s'agit donc d'un dispositif relativement classique que votre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a déjà eu l'occasion, à de multiples
reprises, d'exposer.
L'importance de cet accord est toutefois particulière, compte tenu de la
taille et du poids économique de l'Inde qui, depuis 1991, a
engagé de nombreuses réformes axées sur l'ouverture
à l'investissement étranger et la libéralisation de
l'économie. Affichant des objectifs de croissance ambitieux, l'Inde
entend bien progressivement s'affirmer comme une puissance économique
majeure en Asie. La France pour sa part, a fait de l'Inde l'une des toutes
premières priorités de sa politique asiatique, ainsi que l'a
illustrée la visite d'Etat effectuée à la fin du mois de
janvier 1998 par le Président de la République.
Au-delà du renforcement de relations politiques qui s'étaient
quelque peu distendues, cette visite d'Etat, intervenue quelques semaines avant
les élections législatives anticipées, aura clairement
fait apparaître le souhait de la France de développer des
échanges économiques qui paraissent très insuffisants, et
d'accroître significativement le flux des investissements émanant
des entreprises françaises.
Votre rapporteur souhaite présenter l'état des relations
franco-indiennes, notamment sur le plan économique, avant de
détailler le dispositif de l'accord d'encouragement et de protection
réciproques des investissements.
I. VERS UNE RELANCE DES RELATIONS FRANCO-INDIENNES ?
Au cours des années récentes, le jugement
porté sur les relations franco-indiennes a fait l'objet
d'appréciations contrastées. Les relations politiques
bilatérales ont souffert de plusieurs contentieux et de certaines
incompréhensions. La coopération culturelle et scientifique, bien
qu'active, est demeurée modeste. Sur le plan commercial comme en
matière d'investissements, la France n'est pas pour l'Inde un partenaire
de premier plan. En d'autres termes, il a été souvent
considéré que ces relations n'étaient pas à la
hauteur du poids politique, économique et démographique de ce
grand pays qu'est l'Inde.
Aussi les autorités françaises ont-elles fait de la relance des
relations avec l'Inde une priorité de leur politique en Asie. La
récente visite d'Etat du Président de la République a
permis d'observer plusieurs avancées très positives et surtout
d'ouvrir pour l'avenir des perspectives prometteuses.
A. LES RELATIONS POLITIQUES FRANCO-INDIENNES
Au cours des années récentes, le dialogue
politique franco-indien a été affecté par plusieurs
contentieux et quelques incompréhensions.
Au titre des contentieux, aujourd'hui apurés, on peut citer les graves
difficultés apparues sur deux grands projets impliquant des entreprises
françaises : la construction de la centrale hydro-électrique de
Dul Hasti, dans le sud du Cachemire, conduite par CEGELEC mais interrompue en
raison de difficultés techniques et de l'insécurité dans
la région, et la réalisation par un consortium mené par
l'entreprise SPIE du gazoduc HBJ, dont les retards par rapport à
l'échéancier prévu ont provoqué un différend
financier entre la partie indienne et les entreprises.
L'Inde manifeste par ailleurs régulièrement ses craintes face aux
exportations d'armement que la France pourrait réaliser au Pakistan. De
ce point de vue, le démenti officiel opposé par les
autorités françaises aux rumeurs de vente de Mirage 2000-5 au
Pakistan ont apporté des apaisements au gouvernement indien qui demeure
très vigilant sur ce point.
Face à cette situation, les relations franco-indiennes ont connu une
amélioration progressive, marquée par un nombre important de
visites officielles, notamment celle du ministre des affaires
étrangères en Inde en 1994 et celle du précédent
Premier ministre, M. Rao, en France en 1995.
La crise politique de l'automne dernier, qui a vu l'éclatement de la
fragile coalition parlementaire soutenant le gouvernement du Front uni, a
provoqué l'annulation de la visite en France du Premier ministre M.
Gujral. En dépit des élections législatives
anticipées prévues pour le mois de mars, le Président de
la République a pour sa part maintenu sa visite d'Etat en Inde au mois
de janvier 1998, afin de montrer que les incertitudes pesant sur
l'évolution politique de l'Inde ne remettaient pas en cause la
volonté française de donner à nos relations
bilatérales un nouveau départ.
Cette visite d'Etat a mis en évidence un certain nombre de
convergences politiques
fortes entre l'Inde et la France : le souhait
d'un monde multipolaire, l'attention portée aux questions de
développement. Elle a fourni l'occasion de renforcer notre
coopération : un
protocole financier
, pour 1998, d'un montant de
125 millions de francs a été signé, un
haut
comité de coopération pour les affaires militaires
, couvrant
les affaires stratégiques, la coopération de défense mais
aussi la coopération industrielle, devrait être
créé, un "forum d'initiatives" entre personnalités
politiques et économiques des deux pays devrait permettre d'explorer les
nombreuses possibilités de partenariat. Par ailleurs, alors que l'Inde
peine à satisfaire ses immenses besoins énergétiques, la
question de la coopération dans le domaine nucléaire civil a
été évoquée, non sans que la France rappelle ses
engagements internationaux et les limites imposées à cette
coopération en raison de la non-adhésion de l'Inde au
Traité de non-prolifération.
B. LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET CULTURELLE
La coopération culturelle, scientifique et technique
avec l'Inde est dense et diverse, bien que les moyens financiers provenant du
budget du ministère des affaires étrangères -26 millions
de francs en 1998- demeurent modestes au regard de la taille et de la
population du pays.
Près de la moitié de cette enveloppe va à la
coopération scientifique,
qui repose sur le centre franco-indien
pour la promotion de la recherche avancée (CEFIPRA), créé
en 1987 pour mettre en place, piloter et financer des programmes de recherche
de pointe menés en commun par des équipes scientifiques indiennes
et françaises. Financé à parité, il est
placé sous la tutelle conjointe des deux gouvernements. En outre,
plusieurs programmes de coopération scientifique sont menés par
les principaux organismes français de recherche (CNRS, INRA, INSERM,
CIRAD), dans les domaines de l'astrophysique, de l'astronomie, de
l'océanographie, des mathématiques, de l'agronomie et de la
recherche médicale.
La coopération culturelle vise tout d'abord à développer
l'apprentissage du français, en formant des professeurs indiens et en
fournissant du matériel. On évalue à 240 000
élèves du secondaire et 60 000 étudiants le nombre de
jeunes apprenant le français, ce qui fait de celui-ci la première
langue étrangère enseignée en Inde, si l'on excepte
l'anglais.
L'Inde compte en outre un réseau de 15 Alliances françaises.
Il faut également mentionner le rôle important joué par
l'Institut français de Pondichéry, créé en 1956 en
vue de l'étude de la civilisation, de l'histoire et de la
société indiennes. Par ailleurs, Pondichéry abrite une
implantation de l'Ecole française d'extrême-orient depuis 1955.
C. LES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES FRANCO-INDIENS
Malgré quelques progrès au cours des
années récentes, la France semble avoir peu profité de la
politique de libéralisation et d'ouverture économique et
commerciale menée par l'Inde depuis le début de la
décennie.
Pour la période 1996/1997, les
échanges commerciaux
franco-indiens
se traduisaient par un léger déficit en
défaveur de la France (- 360 millions de francs) qui a exporté
vers l'Inde pour 5,49 milliards de francs alors qu'elle importait des produits
indiens à hauteur de 5,85 milliards de francs.
La France n'est que le
11e fournisseur de l'Inde
, hors produits
pétroliers, et le 18e fournisseurs si l'on tient compte des importations
de pétrole. La
part de marché de la France
se situe depuis
plusieurs années
autour de 2 %
, avec un léger
fléchissement l'an passé. La France se situe ainsi loin
derrière les Etats-Unis (près de 9 % des parts de marché)
et l'Allemagne (7 %), mais aussi derrière la Belgique, le Japon, la
Grande-Bretagne, l'Australie, la Suisse ou l'Italie;
Les exportations françaises vers l'Inde sont dominées à
plus de 90 % par des biens d'équipement professionnel, ainsi que des
produits de haute technologie alors que les exportations indiennes vers la
France sont concentrées dans le secteur du textile habillement, avec un
début de diversification sur les produits agro-alimentaires et la chimie.
D. LES PERSPECTIVES DE L'INVESTISSEMENT FRANÇAIS EN INDE
A la suite de la crise financière de 1991, le
gouvernement de M. Rao a engagé l'économie indienne dans un
processus de réforme à long terme axé sur l'ouverture et
la libéralisation de l'économie, et notamment une
réduction des barrière tarifaires commerciales et un
élargissement progressif des possibilités d'investissement
provenant de l'étranger, sans autorisation particulière
préalable.
Ainsi, le gouvernement indien a établi une liste, fortement
complétée depuis 1997, des secteurs bénéficiant
d'une procédure d'autorisation automatique pour les investissements
représentant une participation étrangère en capital
à hauteur de 51 %. D'autre part, 9 secteurs, dont la production et le
transport d'électricité, la sidérurgie et la
métallurgie de base, la construction, le transport terrestre et
maritime, bénéficieront du régime d'autorisation
automatique pour une participation à hauteur de 74 %.
Cette politique du gouvernement indien a déjà permis de faire
passer le
flux d'investissement direct étranger
de 140 millions
de dollars en 1991 à 2,3 milliards de dollars en 1996, les nouvelles
mesures annoncées pour 1997 visant à atteindre l'objectif
beaucoup plus ambitieux de 10 milliards de dollars par an, afin de conforter la
croissance économique.
Dans ce contexte, la France n'est aujourd'hui que le
8e investisseur
étranger en Inde, avec seulement 1,5 % de l'investissement
étranger, bien loin derrière les Etats-Unis, l'Allemagne, le
Japon et la Suisse.
Une centaine d'entreprises françaises sont implantées en Inde, en
particulier dans l'industrie (GEC-Alsthom, Thomson, Peugeot), la chimie (Elf
Aquitaine), les travaux publics, l'aéronautique (représentation
commerciale et implantation d'assistance technique d'Airbus), les
télécommunications (Alcatel), l'agro-alimentaire (Danone), la
banque et l'assurance.
Lors de la visite d'Etat du Président Chirac en janvier dernier,
plusieurs contrats ont également été signés
concernant :
- la réalisation par Total d'un terminal de gaz naturel
liquéfié qui assurera l'approvisionnement en énergie de la
région de Bombay (contrat de 300 millions de dollars),
- la participation à hauteur de 10 % du CCF à un joint-venture
chargé de financer des infrastructures routières dans le sud-est
de l'Inde.
Par ailleurs, le projet de réalisation par EDF et GEC-Alsthom de la
centrale thermique au charbon de Bhadravati, dans l'Etat du Maharashtra, qui
représente un investissement de1,5 milliard de dollars, serait en voie
de concrétisation.
II. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
L'accord du 2 septembre 1997 est proche, pour l'essentiel, des diverses conventions de protection des investissements signées par la France depuis 1990 avec une quarantaine de pays, même s'il en diffère sur certains points.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD
1. Champ d'application géographique
Il comprend le territoire, y compris les eaux territoriales et l'espace aérien sous-jacent, de chacune des parties (article 1.6). Toutefois, si la définition du territoire français se réfère exclusivement au droit international, la définition du territoire indien quant à elle fait référence au droit interne indien.
2. Investissements concernés
Les investissements recouvrent
l'ensemble des avoirs
dont l'article 1.1 de l'accord donne une liste qui comprend notamment
les biens meubles et immeubles
ainsi que les autres droits réels
(hypothèque, privilège, usufruit, cautionnement...),
les
actions, les obligations, les droits de propriété intellectuelle,
les concessions
accordés par la loi ou en vertu d'un contrat.
Par ailleurs, la protection jouera pour les investissements conformes à
la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle
ils sont réalisés,
quelle que soit la date de leur
réalisation,
antérieure ou postérieure à
l'entrée en vigueur de l'accord.
Quant aux investissements réalisés par l'intermédiaire
d'une société implantée dans un Etat tiers, ils ne sont
couverts par l'accord que si cette société est
contrôlée à hauteur d'au moins 51 % par un investisseur
français ou indien (article 2.1). Une telle restriction ne figure pas
dans les autres accords d'investissement conclus par la France.
3. Les investisseurs intéressés
Il convient de distinguer d'une part les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des parties contractantes (article 1.2) et d'autre part les sociétés constituées conformément à la législation de l'Etat contractant (article 1.3).
4. Les revenus visés
Les revenus recouvrent "toutes les sommes produites par un investissement, telles que bénéfices, redevances ou intérêts" (article 1.5).
B. DES STIPULATIONS CLASSIQUES TENDANT À ENCOURAGER ET PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES
1. L'encouragement des investissements
L'encouragement des investissements, dont le principe est
posé par l'article 3, revêt deux formes :
- l'octroi d'une protection pleine et entière et d'un
traitement
"juste et équitable"
pour ces investissements conformément
aux principes du droit international (article 4), ce qui couvre notamment le
traitement juste et équitable du transport de biens ou de personnes
lié à un investissement.
- l'application par chaque partie d'un
traitement au moins aussi favorable
aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses
propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus
favorisée,
si celle-ci se révèle plus avantageuse
(article 5).
Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages
consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de
libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun
ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.
Par ailleurs, il convient également de souligner que le principe d'un
traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les
investissements de l'autre partie, ne s'applique pas dans le domaine fiscal.
Compte tenu de l'importance des allégements fiscaux accordés
à certains investisseurs nationaux, ces derniers
bénéficient ainsi d'un net avantage.
Enfin, il est précisé (article 3.2) que dans le cadre de leur
législation interne, les parties contractantes examineront "avec
bienveillance" les demandes d'entrée et d'autorisation de séjour,
de travail et de circulation introduites par des nationaux au titre d'un
investissement.
2. La protection des investissements : trois principes traditionnels
Les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord
bénéficier, en cas de dépossession pour cause
d'utilité publique (nationalisations, expropriations...), d'une
"indemnité adéquate et raisonnablement prompte",
dont le
montant est évalué par rapport à une "situation
économique normale à la veille du jour où ces mesures sont
prises ou connues du public (article 6.2)".
En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des
circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une
révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers
ont droit à un
traitement aussi favorable que celui des investisseurs
nationaux
ou de la nation la plus favorisée (article 6.4).
Le principe de la liberté des transferts,
essentiel pour les
investisseurs, se trouve garanti à l'article 7 de l'accord. Il
s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la
cession ou de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-values).
Son application apparaît, en revanche, plus restreinte pour les
transferts des revenus des ressortissants de l'une des parties travaillant sur
le territoire de l'autre partie puisque ceux-ci ne sont garantis que dans la
limite d'une "quotité appropriée de leur
rémunération" (article 7.2).
C. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS
L'accord prévoit deux dispositifs différents de règlement des conflits.
1. Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat
Pour le règlement des différends, l'accord du 2
septembre 1997 prévoit qu'à défaut de règlement
amiable dans les six mois, le différend est soumis, si les deux parties
en sont d'accord, à la conciliation internationale selon les
règles de conciliation de la commission des Nations unies pour le droit
commercial international (article 9.2). Toutefois, à tout moment, le
recours à l'arbitrage est possible, soit auprès du Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI), soit auprès d'un tribunal arbitral ad hoc. Le
recours à un second tribunal d'arbitrage en sus du CIRDI, lorsque
l'investisseur le décide, constitue une particularité de l'accord
franco-indien.
L'article 8 stipule que lorsque l'une des parties effectue au profit de l'un de
ses investisseurs un versement en vertu de la garantie donnée pour un
investissement sur le territoire de l'autre partie, elle se trouve
"subrogée dans les droits et actions" de celui-ci.
2. Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord
A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (article 10).
o
o o
Quant aux dispositions finales de l'accord, elles
prévoient que les règles plus favorables issues de la
législation interne ou d'accords bilatéraux prévaudront
sur celles de l'accord (article 11) et que l'accord ne fait pas d'obstacle,
"dans les cas d'extrême urgence", à des mesures prises par l'une
ou l'autre partie dans les limites et la durée nécessaire "visant
à assurer la protection de ses intérêts essentiels de
sécurité ou la prévention des maladies et
épidémies animales ou végétales" (article 12).
L'accord est conclu pour une durée initiale de dix ans et sera reconduit
tacitemen après ce terme, sauf dénonciation par l'une des parties
avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger pendant
quinze ans la protection des investissements effectués pendant la
période de validité de l'accord (article 13).
A la date de rédaction du présent rapport, les autorités
indiennes n'avaient pas procédé à la ratification de
l'accord de protection des investissements du 2 septembre 1997.
CONCLUSION
Rompant avec un modèle économique fondé
sur le protectionnisme, la prépondérance du secteur public et le
dirigisme, l'Inde met en oeuvre depuis 1991 une politique de réforme
ambitieuse axée sur l'ouverture vers l'extérieur, la
libéralisation et la déréglementation de l'économie
et l'assouplissement du régime des investissements étrangers.
Ces réformes ont permis le retour d'une croissance forte, qui
s'élevait à 7 % en 1995-1996 et 6 % en 1996-1997, la
stabilisation des déficits extérieurs et l'afflux de capitaux
étrangers.
Depuis la défaite du parti du Congrès en 1996, l'Inde a connu,
avec l'expérience du gouvernement du Front uni privé de
majorité parlementaire solide, une période d'instabilité.
A la date de rédaction du présent rapport, l'issue des
élections législatives anticipées de février et
mars 1998 n'était pas connue. Toutefois, la récente visite d'Etat
du Président de la République en Inde a montré que ces
incertitudes ne remettaient pas en cause la volonté de la France de
resserrer ses liens avec ce grand pays, dont les potentialités de
développement demeurent considérables.
Au cours des années récentes, la France est apparue comme un
partenaire trop modeste de l'Inde, tant sur le plan politique
qu'économique. Il importe donc que la volonté de relancer nos
relations bilatérales soit suivie d'effets et de résultats
concrets, notamment en terme de partenariats économiques.
C'est la raison pour laquelle votre commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées
recommande vivement l'adoption par le Sénat du présent projet de
loi autorisant l'approbation de l'accord sur l'encouragement et la protection
réciproques des investissements entre la France et l'Inde.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées a examiné le présent
rapport lors de sa réunion du mercredi 25 février 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Hubert Durand-Chastel a
souhaité obtenir des précisions sur le champ d'application de
l'accord, notamment au regard des investissements déjà
réalisés par les personnes physiques.
M. Michel Alloncle, rapporteur, a précisé que l'accord couvrait
les investissements, notamment les immeubles, réalisés par les
personnes physiques avant comme après son entrée en vigueur.
M. Xavier de Villepin, président, a évoqué le
déroulement de l'actuelle campagne électorale en Inde en
soulignant l'implication de Mme Sonia Gandhi, qui souhaitait contribuer
à redresser les résultats du parti du Congrès.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte présenté par le Gouvernement)
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la république d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 2 septembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE
ETUDE D'IMPACT 2( * )
- Etat de droit et situation de fait existants et leurs
insuffisances : sans objet
- Bénéfices escomptés en terme :
. d'emploi : impossible à quantifier
. d'intérêt général : enrichissement de nos
relations diplomatiques
. financière : permettra au Gouvernement d'accorder la garantie de la
Coface pour les investisseurs français conformément à la
loi de finances rectificative pour 1971
. de simplification des formalités administratives : aucune
. de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet.
1
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 231 (1997-1998).
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.