N° 119
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 novembre 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 , ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE,
Par M. Charles DESCOURS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M.
Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis,
Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès,
Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle
Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau,
Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
Première lecture :
303
,
385, 386
et T.A.
22
.
Commision mixte paritaire :
450
.
Nouvelle lecture :
446
,
454
et T.A.
40
.
Sénat
: Première lecture :
70
,
73
,
79
et T.A.
34
(1997-1998).
Commision mixte paritaire :
91
(1997-1998).
Nouvelle lecture :
108
(1997-1998).
Sécurité sociale. |
TRAVAUX DE COMMISSION
Réunie le jeudi 27 novembre 1997, sous la
présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
la
commission a procédé à l'examen
, en nouvelle lecture,
du
rapport
sur le
projet de loi n° 108
(1997-1998)
de
financement de la sécurité sociale pour 1998.
M. Charles Descours, rapporteur,
a tout d'abord rappelé que le
Sénat avait proposé, lors de l'examen en première lecture
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998,
de réduire le déficit de la sécurité sociale de 33
à 12 milliards de francs en préservant les principes
fondateurs de la protection sociale tels qu'ils s'expriment à travers
l'universalité des allocations familiales, en contenant
l'évolution des prélèvements et en maîtrisant celle
des dépenses.
Il a souligné que la commission mixte paritaire, réunie le
mercredi 19 novembre, avait échoué, révélant la
profondeur des divergences de vues entre l'Assemblée nationale et le
Sénat.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué que l'Assemblée
nationale avait supprimé, en deuxième lecture, le mardi 25
novembre, tous les éléments importants de l'alternative
proposée par le Sénat. L'Assemblée nationale avait ainsi
rétabli le basculement massif des cotisations d'assurance maladie sur la
contribution sociale généralisée (CSG) sans retenir ni
l'argumentation du Sénat, ni celle des nombreuses organisations
professionnelles qui soulignent qu'aucune mesure compensatrice ne permet
à ce jour d'assurer la neutralité de ce basculement.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué que l'Assemblée
nationale avait également rétabli la mise sous condition de
ressources des allocations familiales, la diminution de l'allocation de garde
d'enfant à domicile (AGED) et l'injonction d'emprunter faite à la
Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
(CNRACL).
Il a souligné que l'Assemblée nationale n'avait, sur les autres
articles, retenu aucun des apports du Sénat, allant même
jusqu'à supprimer des modifications de précision ou celles qui
prévoyaient le dépôt de rapports par le Gouvernement sur la
situation des régimes spéciaux de sécurité sociale,
le bilan du basculement d'une fraction des cotisations maladie sur la CSG
résultant de la loi de financement pour 1997 ou la distribution des
médicaments remboursables.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que l'Assemblée
nationale avait en outre supprimé d'utiles apports, tels que
l'amendement adopté à l'initiative de M. Jean Chérioux sur
le régime des cultes ou celui qui permettait aux personnes qui assurent
la garde d'un enfant à domicile dans le cadre de l'AGED de
bénéficier d'une formation ou encore l'assouplissement du
barème de la taxe sur les dépenses promotionnelles des
laboratoires ou enfin la disposition concernant l'opposabilité des
objectifs régionaux de dépenses des cliniques privées.
M. Charles Descours, rapporteur,
a précisé que
l'Assemblée nationale avait également supprimé les deux
articles adoptés par le Sénat en faveur des jeunes avocats et des
jeunes agriculteurs afin que ces derniers ne soient pas pénalisés
par le basculement des cotisations maladie sur la CSG.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que
l'Assemblée nationale n'avait modifié, à son initiative,
qu'un seul élément " important " : elle avait
abaissé le taux de taxation sur les casinos, réduisant ainsi de
35 millions de francs le montant des prélèvements sociaux
que ceux-ci devraient acquitter en 1998.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué que l'Assemblée
nationale avait en revanche accepté deux amendements du Gouvernement
d'une exceptionnelle importance.
Il a précisé que le premier amendement procédait à
la validation législative de la base mensuelle des allocations
familiales pour 1996. Il a indiqué que cette validation, dont l'impact
était évalué à 3,5 milliards de francs, avait
été introduite dans le projet de loi en nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale par un amendement de séance qui n'avait pas
pu être examiné par la commission compétente de
l'Assemblée nationale ; qu'il apparaissait que le Gouvernement avait
considéré cette validation comme acquise lorsqu'il a
arrêté l'équilibre du projet de loi de financement.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé qu'une telle
procédure faisait peu de cas des droits du Parlement et il s'est
interrogé sur le sens qu'avait pu revêtir, dans ces conditions, la
discussion en première lecture du projet de loi de financement de la
sécurité sociale tant à l'Assemblée nationale qu'au
Sénat.
Il a ajouté que le Gouvernement, en refusant d'intégrer la
revalorisation au titre de 1995 dans le calcul de la base aujourd'hui en
vigueur, réalisait une nouvelle et substantielle
" économie " sur la branche famille pour l'année 1998
et les années suivantes.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré que le second
amendement adopté par l'Assemblée nationale
révélait la faiblesse de la position des défenseurs de la
santé publique et de l'assurance maladie au sein du Gouvernement.
Il a en effet expliqué que le Gouvernement avait proposé, en
nouvelle lecture, un amendement défendu, non par Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, mais par M. Dominique
Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
qui supprimait la taxe de santé publique sur les tabacs instituée
par l'article 5, et dont la création au profit de l'assurance maladie
constituait le seul point d'accord important entre le Sénat et
l'Assemblée nationale.
M. Charles Descours, rapporteur,
a conclu que le texte adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture était donc moins
satisfaisant que celui qu'elle avait adopté en première lecture.
Il a souligné que la disposition essentielle demeurait toutefois la
suppression de l'universalité des allocations familiales, qui avait
été à nouveau acceptée par l'Assemblée
nationale, et à laquelle M. Charles Descours, rapporteur, a
proposé de s'opposer solennellement.
Considérant que cette mesure remettait en cause, à travers un
principe fondateur de la sécurité sociale, à la fois le
socle du contrat social et les principes constitutionnels qui l'ont
placée au plus haut de la hiérarchie des normes,
M. Charles
Descours, rapporteur,
a proposé à la commission l'adoption
d'une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au
projet de loi fondée principalement sur la non-conformité de la
mise sous condition de ressources des allocations familiales tant au
préambule de la Constitution de 1946 qu'aux principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République.
A l'issue de l'intervention du rapporteur, un large débat s'est
instauré au sein de la commission.
M. Jean Chérioux
a fait part de son étonnement devant la
position de l'Assemblée nationale qui n'avait retenu aucun des apports
proposés par le Sénat, notamment l'amendement qu'il avait
lui-même déposé concernant la diminution des cotisations
d'assurance maladie des ministres du culte. Il a considéré que le
refus par l'Assemblée nationale de cet amendement résultait sans
doute de ce qu'il avait été déposé par un membre de
l'opposition.
Evoquant la validation de la revalorisation de la base mensuelle des
allocations familiales pour 1996,
M. Serge Franchis
a jugé
inacceptables, dans ces conditions, les leçons de morale
infligées par le Gouvernement à l'ancienne majorité au
sujet de la non-revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales
pour 1995.
M. Jacques Bimbenet
a souhaité connaître l'impact exact des
taxes sur le tabac adoptées par l'Assemblée nationale.
M. Charles Descours, rapporteur,
a rappelé que le Parlement avait
choisi d'augmenter particulièrement la taxe sur le tabac à rouler
parce que ce dernier était plus cancérigène que les
cigarettes traditionnelles et qu'il rencontrait, en raison de son faible prix,
un succès considérable auprès des jeunes. Il a
considéré que le nouveau dispositif adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n'allait pas
nécessairement se traduire par une augmentation du prix du tabac mais
qu'il avait pour conséquence dans l'immédiat d'augmenter de
1,4 milliard de francs le déficit de la sécurité
sociale.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a alors résumé
ainsi les conséquences des deux amendements proposés par le
Gouvernement et adoptés par l'Assemblée nationale : le
premier, en validant la base mensuelle des allocations familiales pour 1996,
consolidait le déficit au niveau prévu par la loi de financement,
le second, en supprimant la taxe de santé publique sur les tabacs, se
traduisait par un déficit accru.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ensuite donné lecture de la
motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au texte
adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
A l'issue de l'intervention du rapporteur, un débat portant sur la
motion d'irrecevabilité s'est instauré au sein de la commission.
M. Jean Chérioux
a suggéré que l'on rappelle dans
cette motion que le Gouvernement avait modifié l'équilibre
général de la sécurité sociale par deux amendements
de séance présentés en nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale, sans que la commission compétente puisse
les examiner.
Mme Joëlle Dusseau
a indiqué qu'elle partageait les
appréciations de ses collègues sur la suppression -qu'elle a
jugé choquante- de la taxe de santé publique sur les tabacs. Elle
a ajouté que les efforts accomplis dans la lutte contre ces deux
fléaux que constituaient l'alcoolisme et le tabagisme étaient
encore insuffisants.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
est intervenu pour apporter
une précision : il a indiqué que le ministre de
l'économie et des finances avait estimé, lors du débat
à l'Assemblée nationale sur l'amendement supprimant la taxe de
santé publique, que le nouveau dispositif se traduirait tout de
même par une augmentation des prix du tabac dans la mesure où
certains paquets de cigarettes verraient leur prix augmenter. Le
président a néanmoins considéré que personne ne
connaissait le véritable effet sur les prix de la mesure proposée
par le Gouvernement.
Mme Joëlle Dusseau
a souligné qu'elle était
très réservée à l'égard de la motion
d'irrecevabilité présentée par le rapporteur. Elle a
expliqué que l'universalité des allocations familiales
n'était en rien un principe intangible et qu'il était parfois
nécessaire de faire évoluer la législation applicable en
matière sociale. Elle a rappelé que nombre de familles
étaient encore en situation de grande précarité et que la
mise sous condition de ressources des allocations familiales allait frapper des
familles plutôt privilégiées.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a alors souligné que
les plafonds de suppression des allocations familiales étaient
fixés par décret et pouvaient donc être modifiés par
le pouvoir réglementaire, sans que le Parlement ne soit consulté.
Il a rappelé que la mise sous condition de ressources des allocations
familiales avait fait l'objet d'un avis défavorable du conseil
d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF),
à la quasi-unanimité. Il a ajouté qu'il pouvait être
opportun de faire référence dans la motion
d'irrecevabilité à la décision prise par le conseil
d'administration de la CNAF.
M. Alain Vasselle
a considéré qu'il y avait un
véritable dialogue de sourds entre la majorité et l'opposition
sur la question de la mise sous condition de ressources des allocations
familiales. Il a estimé que la majorité et le Gouvernement
confondaient politique familiale et politique sociale. Il a ajouté
qu'une politique familiale ambitieuse pouvait contribuer à un
redressement spectaculaire de la natalité, comme en témoignait
l'évolution démographique de certains pays d'Europe du nord.
Mme Nicole Borvo
a rappelé son opposition à la mise sous
condition de ressources des allocations familiales mais a précisé
qu'elle ne voterait pas l'exception d'irrecevabilité
présentée par le rapporteur. Elle a considéré que
les principes fondateurs de la politique familiale auxquels faisait
référence la motion avaient déjà été
souvent mis à mal depuis 1945, comme en témoignait
l'évolution depuis cette date des prestations familiales.
Mme Dinah Derycke
a déclaré qu'elle voterait contre la
motion présentée par le rapporteur et a jugé, à
l'instar de M. Alain Vasselle, qu'il était impossible de trouver un
terrain d'entente entre la majorité et l'opposition sur la question de
la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
A l'issue de ce débat, la commission a
adopté la motion
tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998
.