AVIS n° 86 Tome X - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
M. Jean-Paul HUGOT, Sénateur
Commission des Affaires culturellesAvis n° 86 - Tome X - 1997/1998
Table des matières
- I. LES CRÉDITS DES ORGANISMES DU SECTEUR PUBLIC EN 1998
- II. LES ASPECTS DE LA POLITIQUE DE L'AUDIOVISUEL
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 86
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME X
COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
Par M. Jean-Paul HUGOT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Adrien
Gouteyron,
président
; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James
Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar,
vice-présidents
; André Egu, Alain Dufaut, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard,
Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean
Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller,
Gérard Fayolle, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun,
Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton,
Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein,
Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin
,
Philippe
Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy
Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert,
Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé,
Jacques Valade, Marcel Vidal.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
7
)
(1997-1998).
Lois de finances
.
Mesdames, Messieurs,
En augmentation de 3,3 % par rapport à la loi de finances initiale
de 1997, le projet de budget pour 1998 semble traduire une volonté de
favoriser le développement de l'audiovisuel public.
Mais l'examen attentif des crédits des organismes conduit à
nuancer sérieusement l'analyse en fonction de la conception exigeante
que la commission des affaires culturelles se fait des missions et des besoins
de l'audiovisuel public.
Que constate-t-on en effet ?
- la part relative des recettes publicitaires et des ressources publiques dans
le financement des chaînes, critère incontournable des ambitions
de la programmation, va évoluer légèrement en faveur des
recettes publicitaires. Sur quoi se fonde, dans ces conditions, l'idée
développée par le ministre de la communication que le projet de
budget va inverser la " spirale infernale " des années
passées ?
- la redevance va augmenter sensiblement, c'est une décision courageuse
mais déjà marquée du sceau de l'anachronisme : la
véritable " spirale infernale ", celle de la diversification
radicale des services et des équipements de réception, va
bientôt rendre ce mode de financement obsolète. Or aucune
réflexion n'est menée sur le financement futur de l'audiovisuel
public.
- les crédits budgétaires à l'audiovisuel public sont
concentrés de façon accrue dans le budget de France 2 et
dans celui de France 3, ce qui ouvre vraisemblablement la voie à
des régulations déstabilisatrices pour la gestion de ces
chaînes. En revanche, ce risque est épargné aux
chaînes estimables et attrayantes mais périphériques, que
sont la Sept-Arte et La Cinquième au sein du secteur public. Un clivage
pernicieux en résultera entre une télévision de niche
chargée des vertus du service public, et une télévision de
masse implicitement vouée à l'alignement sur les chaînes
commerciales privées. N'est-ce pas en s'autorisant ce genre de
facilités que l'on minera peu à peu la légitimité
de l'audiovisuel public ?
- le projet de budget, à un moment crucial de l'évolution du
paysage audiovisuel, ne prévoit aucune mesure pour
accélérer l'adaptation de France Télévision aux
exigences nouvelles de l'économie de la communication. Bien au
contraire, des déclarations gouvernementales ont paru, dans le courant
de l'été, remettre en question les conditions juridiques de la
présence de France Télévision sur le bouquet satellitaire
TPS, présence qui assure au groupe, à moindre coût pour les
finances publiques, la possibilité de faire l'expérience des
nouveaux métiers de la communication, des nouveaux modes de diffusion,
des nouvelles logiques de contact avec le public.
- quelques mesures de modernisation sont prévues en revanche en faveur
de La Cinquième et de l'INA, sans que le degré de
préparation des réalisations envisagées semble, s'agissant
de La Cinquième, justifier l'attention particulière du
gouvernement.
- enfin, la vacuité du projet de budget face aux défis de la
société de l'information trouve sa contrepartie logique dans le
temps considérable que le gouvernement prend pour élaborer un
projet de loi modifiant la loi sur la liberté de la communication, alors
que l'urgence de certaines adaptations et la nécessité de combler
certains vides juridiques ne sont mis en doute par personne.
Dans ces conditions, votre rapporteur souhaite que son rapport pour avis sur le
projet de budget de l'audiovisuel public apparaisse comme un rappel de
l'urgence et un appel à l'action. L'audiovisuel public aborde une
nouvelle période de son existence, il appartient à l'Etat de
préciser ses horizons, ses moyens, ses stratégies. La
communication audiovisuelle est en cours de bouleversement, il faut sans plus
tarder lui donner le cadre juridique précis et sûr que les
opérateurs français attendent pour opérer leur
redéploiement.
I. LES CRÉDITS DES ORGANISMES DU SECTEUR PUBLIC EN 1998
Le projet de budget de l'audiovisuel public est en
augmentation de 3,3 % en 1998 par rapport à la loi de finances
initiale pour 1997 et s'établit à 18 milliards de francs.
Ceci représente par rapport aux 17,429 milliards de francs du
budget initial de 1997
1(
*
)
un supplément
de quelque 571 millions de francs correspondant à l'accroissement
des ressources publiques (+ 377,8 millions de francs) et à
l'augmentation des ressources propres des organismes
(+ 193,4 millions de francs).
En ce qui concerne les charges, le projet de budget prévoit
303,3 millions de francs de mesures nouvelles, mesure partiellement
compensée par un effort d'économies de 153,1 millions de
francs, soit 0,85 % du budget total.
Il convient d'examiner ces différents points avant d'évoquer leur
traduction dans le budget prévisionnel de quelques organismes publics,
et leurs conséquences pour l'action de ces organismes.
A. LES RESSOURCES ET LES CHARGES
1. La redevance
Son taux, en augmentation de 5 % par rapport à
1997, s'établira à 471 francs pour un récepteur noir
et blanc, et à 735 francs pour un récepteur couleur.
L'objectif est de renforcer le rôle de cette recette dans le financement
des organismes publics. On en sait les avantages : sécurité
financière, régularité des encaissements, relation directe
entre la prestation proposée par les chaînes publiques et son
financement. On remarquera que cette augmentation s'inscrit dans une tendance
à l'évolution rapide des taux de la redevance à laquelle
l'année 1997 avait donné un coup d'arrêt momentané :
+ 4,5 % en 1993, + 4 % en 1994, + 6,2 % en 1995,
+ 4,5 % en 1996 et stabilité en 1997.
On remarquera aussi qu'une augmentation continue et excessive des taux de la
redevance pourrait à terme conduire une partie du public à mettre
en doute la légitimité d'un prélèvement qui finance
une part de plus en plus étroite de l'offre audiovisuelle, une part plus
étroite encore de l'offre effectivement consommée et s'analyse de
plus en plus comme la rémunération arbitraire d'une consommation
virtuelle forcée : la gabelle n'est pas loin !
Réserve faite de cette invite à la réflexion, on peut
considérer l'augmentation prévue pour 1998 comme un rattrapage du
gel de 1997. Celui-ci avait été rendu indispensable par la
nécessaire stabilisation des prélèvements obligatoires,
à laquelle il était naturel que le secteur public contribue.
La redevance rapportera l'année prochaine un montant
supplémentaire de 760 millions de francs grâce à la
revalorisation des taux, mais aussi grâce aux recettes
supplémentaires (+ 2 % par rapport à l'objectif
fixé pour 1997) provenant d'un fort élargissement de l'assiette
de la taxe (+ 430.000 comptes payants " couleur ") en
raison :
- de l'application à partir du 1er janvier 1998 de la condition de
perception de l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité
vieillesse pour l'obtention du droit à l'exonération par les
nouveaux postulants ;
- des nouvelles possibilités de contrôle qu'offre le rapprochement
du fichier de la redevance avec celui de la taxe d'habitation, autorisé
par l'article 46 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996.
En ce qui concerne les exonérations de redevance, il convient d'observer
que les montants non perçus se sont élevés à
2,563 milliards de francs en 1995, 2,614 milliards de francs en 1996,
et représenteraient 2,635 milliards de francs en 1997.
Outre les personnes désignées par le décret
n° 93-1314 du 20 décembre 1993, l'exonération de
redevance est accordée aux établissements habilités
à recevoir les bénéficiaires de l'aide sociale et aux
établissements hospitaliers ou de soins non assujettis à la taxe
sur la valeur ajoutée.
Les montants non perçus correspondant aux exonérations sont
considérables par rapport à un budget global de 18 milliards
de francs, et il ne fait aucun doute que ce régime est largement
responsable de la précarité des ressources des organismes
publics. Pour l'illustrer, il suffit de mettre le montant de
2,635 milliards de francs d'exonération estimé pour 1997 en
rapport avec le montant global des dotations budgétaires, soumis
à régulation, attribué la même année aux
organismes publics : 1,159 milliard de francs, dont
697,6 millions de francs au titre des remboursements d'exonération
(ajoutons que la régulation budgétaire a abaissé ce
dernier montant à 526 millions de francs au 30 septembre
1997). Du point de vue de l'audiovisuel public, le régime des
exonérations équivaut donc à échanger une ressource
abondante et stable contre une ressource moindre et précaire.
Faut-il pour autant condamner cette " collusion " entre la
politique
sociale et la politique audiovisuelle de l'Etat, et mettre en question le
régime des exonérations ? Votre rapporteur ne croit pas
réaliste ni même juste d'alourdir brusquement les charges de
personnes âgées ou invalides à faibles revenus, qui ne se
portent d'ailleurs pas forcément sur les programmes d'Arte ou de La
Cinquième, ni même majoritairement sur ceux de France
Télévision. L'élargissement progressif de l'assiette de la
redevance opéré par le décret du 30 septembre 1993 a
sensiblement diminué en quatre ans le nombre des comptes
exonérés. L'année 1998 va accentuer cette tendance avec
l'entrée en vigueur de la disposition subordonnant le
bénéfice de l'exonération, pour les personnes entrant dans
le champ d'application du régime, à l'éligibilité
à l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité
vieillesse.
Cette disposition paraît constituer le maximum de ce qu'il est possible
de faire pour élargir l'assiette de la redevance. Votre rapporteur
estime opportun de s'en tenir là : la politique de limitation des
exonérations ne peut manifestement pas justifier des mesures que des
catégories de personnes fragiles sur le plan économique
ressentiraient comme agressives et injustifiées.
Votre rapporteur estime que cette politique ne devrait pas non plus passer
par la création et le maintien de discriminations entre
établissements d'enseignement. Il semble que les établissements
d'enseignement public soient dispensés du paiement de la redevance sur
simple demande adressée au centre régional compétent, les
établissements privés la payant en revanche pour tout
récepteur à finalité pédagogique installé
dans leur enceinte. Cette discrimination institue une inégalité
devant la loi d'autant plus choquante qu'elle affecte un instrument
pédagogique qui jouera un rôle de plus en plus important pour
l'accès au savoir.
L'administration des finances justifie cette situation avec d'étranges
arguments comme le montre la lecture des réponses apportées en
février 1995 puis en février 1996 à deux questions
écrites identiques de M. Claude Huriet.
Première réponse : "
La réflexion sur
l'harmonisation des conditions d'assujettissement à la redevance de
l'audiovisuel des établissements d'enseignement a été
menée mais n'a pu aboutir à une modification de la
réglementation en vigueur. Accorder un régime plus favorable aux
établissements d'enseignement privés sous contrat d'association
conduirait à diminuer le produit de la redevance. Or, en raison des
besoins financiers de l'audiovisuel public, accrus avec l'arrivée de la
télévision de la formation, du savoir et de l'emploi
,
il
n'a pu être envisagé d'étendre les cas
d'exonération
".
Seconde réponse : "
Les frais de fonctionnement des
établissements d'enseignement privés sous contrat d'association
sont pris en charge par l'Etat pour le personnel et par les
collectivités territoriales pour le matériel. La contribution de
ces dernières est calculée sur la base d'un coût moyen d'un
élève de l'enseignement public majoré de 5 % pour
couvrir les charges diverses qui s'imposent spécifiquement aux
établissements privés sous contrat. Les dépenses au titre
de la redevance audiovisuelle sont prises en considération dans ce
forfait. Par conséquent, si les conditions d'assujettissement à
la redevance de l'audiovisuel sont différentes pour les
établissements publics d'enseignement et les établissements
privés, il ne semble pas pour autant qu'il en résulte une
disparité financière au détriment des
établissements privés
. "
La première réponse assume avec un certain cynisme les vraies
raisons de la discrimination maintenue. La seconde réponse entoure le
même refus d'accorder un traitement égal aux deux
catégories d'établissements de faux prétextes tirés
des modalités de prise en charge par les collectivités
territoriales des frais de fonctionnement en matériel des
établissements privés sous contrat d'association. On ne saurait
assimiler une taxe à un frais de fonctionnement en
matériel ! Votre rapporteur considère donc indispensable la
correction de cette discrimination illégitime et dont la
légalité est à tout le moins douteuse au regard du
principe d'égalité devant la loi.
ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA REDEVANCE DEPUIS
1995
PERSPECTIVES POUR 1998
|
Télévision
|
Évolution
|
Télévision couleur |
Évolution
|
1/01/1995 |
430,00 F | + 6,18 | 670,00 F | + 6,18 |
1/01/1996 |
449,00 F | + 4,42 | 700,00 F | + 4,48 |
1/01/1997 |
449,00 F | - | 700,00 F | - |
1/01/1998 |
471,00 F | + 4,89 | 735,00 F | + 5,00 |
EXONÉRATIONS DE LA REDEVANCE
Catégories de bénéficiaires |
Nombre au 31-12-96 |
Montant * |
Nombre au 31-12-97 (1) |
Montant * |
Nombre au 31-12-98 (1) |
Montant * |
Personnes âgées | 3 297 004 | 2 242,0 | 3 188 087 | 2 182,5 | 3 013 707 | 2 070,5 |
Invalides | 517 879 | 356,5 | 511 314 | 353,4 | 485 523 | 336,3 |
Etablissements hospitaliers | 22 205 | 15,5 | 21 746 | 15,2 | 20 770 | 14,5 |
TOTAL | 3 837 088 | 2 614,0 | 3 721 147 | 2 551,1 | 3 520 000 | 2 421,3 |
*en millions de francs
(1) Estimation
Le produit de la redevance sera réparti en 1998 comme l'indique le
tableau suivant, qui fait apparaître les variations de cette
répartition par rapport à 1996 et 1997, ainsi que la variation de
la part de chaque organisme dans la répartition prévue en 1998.
1996 |
1997 |
1998 |
1998/97 |
|||||
en MF |
en % |
en MF |
en % |
en MF |
en % |
en MF |
en % |
|
INA | 269,6 | 2,5 | 271,3 | 2,5 | 383,4 | 3,3 | + 112,1 | + 41,3 |
France 2 | 2 588,8 | 24,1 | 2 381,5 | 21,8 | 2 364,5 | 20,2 | -17,0 | -0,7 |
France 3 | 3 551,8 | 33,1 | 3 319,7 | 30,4 | 3 295,0 | 28,2 | -24,7 | -0,7 |
La Sept-Arte | 611,7 | 5,7 | 784,6 | 7,2 | 956,5 | 8,2 | + 171,9 | + 21,9 |
La Cinquième | 434,2 | 4,0 | 647,9 | 5,9 | 710,9 | 6,1 | + 63,0 | + 9,7 |
RFO | 1 001,2 | 9,3 | 1 104,9 | 10,1 | 1 132,6 | 9,7 | + 27,7 | + 2,5 |
Radio France | 2 117,4 | 19,7 | 2 144,9 | 19,6 | 2 544,0 | 21,8 | + 399,1 | + 18,6 |
RFI | 168,9 | 1,6 | 267,2 | 2,4 | 294,6 | 2,5 | + 27,4 | + 10,2 |
TOTAL | 10 743,6 | 100 | 10 922,0 | 100 | 11 681,5 | 100 | + 759,5 | + 7 |
2. Les dotations budgétaires
Elles diminueront de 31,1 % en 1998, s'établissant
à 739,8 millions de francs. Ce montant se compose de
292,1 millions de francs de remboursements d'exonérations de
redevance (- 57,5 % par rapport à 1997) et de
447,8 millions de francs d'autres subventions (+ 1,1 %) en
provenance du budget du ministère des affaires étrangères
et destinées au financement de RFI.
L'évolution des crédits budgétaires confirme une tendance,
constatée les années précédentes, à la
diminution de cette catégorie de ressources à laquelle une
instabilité chronique consécutive à la régulation
budgétaire donne mauvaise réputation. On peut toutefois se
demander si, dans le principe, elle n'est pas plus légitime que la
redevance dans la mesure où elle ne rétribue pas un service
supposé mais où elle peut être analysée comme le
mode normal de financement d'une action de l'Etat répondant à un
intérêt public bien identifié, sinon bien
exécuté : informer, éduquer et distraire par les
moyens de communication audiovisuelle.
Votre rapporteur juge donc dangereux à terme de trop diminuer les
crédits budgétaires de l'audiovisuel public et estime que les
inconvénients " conjoncturels " de cette ressource devraient
être palliés par des procédés de planification
à moyen terme des actions de l'Etat, particulièrement
nécessaires dans un secteur extrêmement concurrentiel où
les opérateurs ont besoin d'asseoir leur stratégie sur un socle
financier suffisamment pérenne. Les réflexions lancées en
la matière par le ministère de l'économie et des finances
pourraient permettre de progresser dans ce sens. Votre rapporteur rappelle
qu'il avait de son côté proposé, dans le cadre de l'examen
en début d'année d'un projet de loi sur la communication
audiovisuelle, la conclusion obligatoire entre l'Etat et les organismes de
l'audiovisuel public de contrats d'objectifs susceptibles d'amener l'Etat
à prendre en faveur de ces organismes des engagements financiers
à moyen terme.
Ceci reste une perspective. Pour 1998, il convient d'apprécier
l'évolution et la répartition des crédits publics au
regard des inconvénients actuels de ce mode de financement. Votre
rapporteur exposera en examinant les budgets des organismes, les enseignements
à tirer du tableau suivant, qui retrace l'évolution des dotations
budgétaires depuis 1996.
(en millions de francs TTC)
1996
|
1996
|
1997
|
1997
|
1998
|
|
Chapitre 46-01-Services du Premier ministre | |||||
- France 2 | 65,6 | 23,5 | 21,9 | 105,2 | |
- France 3 | 67,8 | 81,7 | 22,3 | 105,2 | |
- Sept-Arte | 169,2 | 126,9 | 0 | 40,85 | |
- RFO | 45,5 | 56,7 | 17,6 | 0 | |
- RFI | 107,9 | 106,3 | 15,8 | 0 | |
- La Cinquième | 348,7 | 261,5 | 51,1 | 40,85 | |
TOTAL | 804,7 | 656,6 | 126,7 | 292,1 | |
Chapitre 43-70-Ministère de la Culture | |||||
- INA | 69,3 | 52 | 69,3+1 | - 6 | 0 |
- Sept-Arte | 201,6 | 185 | 142,5+1,3 | 0 | 0 |
- Radio France | 355,4 | 350,6 | 353,3+1,5 | -29 | 0 |
TOTAL | 626,4 | 587,6 | 565,1+3,8 | -35 | 0 |
Total Remboursements exonération de redevance | 1 431,1 | 1 244,2 | 697,6 | 292,1 | |
Chapitre 42-10-Ministère des Affaires étrangères | |||||
- RFI | 385,3 | 382,8 | 442,8 | -14,4 | 447,7 |
- Sept-Arte | 1 | 1 | 0 | ||
- France 2 | 17,3 | 18,3 | 18,8 | ||
TOTAL | 1 818,7 | 1 646,3 | 1 159,2 | 739,8 |
3. Les ressources propres des organismes
Composées pour l'essentiel de recettes publicitaires
complétées par des recettes de parrainage et quelques recettes
commerciales, elles devront progresser en 1998 de 3,7 %. L'objectif est de
+ 4,8 % pour les seules recettes publicitaires et de parrainage par
rapport aux montants inscrits dans la loi de finances pour 1997, ce qui fixe le
montant prévu en 1998 à 4 milliards 690 millions de
francs.
L'objectif n'apparaît pas globalement déraisonnable compte tenu de
l'évolution récente du marché publicitaire (le volume
publicitaire diffusé a augmenté de 6 % entre juin 1996 et
juin 1997 et de 7 % sur le premier trimestre de 1997) et de la part du
secteur public dans cette évolution (son volume publicitaire a
augmenté de 15 %). Il pourrait être difficile à
atteindre, cependant, comme on le verra par la suite, pour certaines
chaînes qui peinent à atteindre l'objectif fixé pour 1997.
Cela semblait être le cas de France 3 ces dernières semaines,
encore que la situation tende à s'améliorer.
Votre rapporteur souhaite par ailleurs attirer l'attention du gouvernement
sur le respect de la réglementation de la publicité et du
parrainage.
L'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 interdit la
publicité télévisée au secteur de la distribution.
Le parrainage est autorisé en revanche, ce qui a suscité d'une
part la prolifération d'" émissions " dont la
durée peut ne pas dépasser 30 secondes, parrainées
par de grands distributeurs, d'autre part une tendance de plus en plus nette
à la confusion entre les messages de parrainage et les messages
publicitaires, les premiers étant souvent accompagnés de slogans,
ce que le III de l'article 18 du décret du 27 mars 1992 interdit
expressément. Votre rapporteur souhaite que soit évité
tout détournement de la réglementation, préjudiciable
à la presse écrite en faveur de laquelle ces dispositions ont
été prises. Il importe donc, d'une part que le décret du
27 mars 1992 soit complété afin de préciser la notion
d'émission dans le contexte de la réglementation du parrainage,
d'autre part que le CSA se prononce sur la compatibilité entre les
placards diffusés par les chaînes en faveur d'annonceurs de la
grande distribution et la définition réglementaire du message de
parrainage.
*
* *
Que conclure de l'analyse des ressources de l'audiovisuel
public ?
Les moyens des organismes vont globalement augmenter et le repli des
crédits budgétaires (- 419,4 millions de francs), plus
que compensé par l'augmentation du produit à répartir de
la redevance (759,5 millions de francs), va donner une certaine
sécurité financière aux organismes
bénéficiaires.
Mais si l'augmentation du produit de la redevance compense plus que
proportionnellement la diminution des subventions budgétaires, rien
n'est fait pour améliorer un rapport entre les ressources publiques et
les ressources de publicité et de parrainage qui demeure au niveau
très insatisfaisant de 1997, comme le montre le tableau suivant :
en % |
1996 |
1997 |
1998 |
Ressources publiques | 72,9 | 69,1 | 69,0 |
Publicité parrainage | 21,1 | 25,7 | 26,1 |
Autres ressources propres | 6,0 | 5,2 | 4,9 |
TOTAL | 100 | 100 | 100 |
Les taux indiqués pour 1996 et 1997 ont
été retraités afin d'être comparables à 1998
(qui intègre la filière de production exécutive de France
3 en autres ressources propres et accroît les recettes publicitaires du
montant correspondant au prélèvement COSIP).
Votre rapporteur ne partage donc pas l'optimisme du ministre de la culture
sur son projet de budget et se prononce en faveur de deux améliorations
nécessaires :
- l'introduction d'une perspective pluriannuelle en matière de
financement des organismes publics, sous la forme de contrats d'objectifs
servant de référence à la discussion budgétaire
(cf. rapport pour avis sur les crédits de l'audiovisuel dans le projet
de loi de finances pour 1997 - Sénat, session ordinaire de 1996-1997,
n° 87) ;
- l'affichage dans les contrats d'objectifs d'engagement sur l'évolution
relative des recettes publicitaires et des ressources publiques des organismes,
compte tenu des objectifs fixés aux chaînes par l'Etat en
matière d'exécution des missions de service public et
spécialement d'évolution de la ligne éditoriale et de la
qualité des programmes.
4. Les charges
Le montant des charges, identique à celui des recettes,
est fixé à 18 milliards de francs. Il résulte de
trois évolutions conjuguées.
· Les ajustements nécessaires à la couverture des besoins
à activité inchangée sont évalués à
+ 421,3 millions de francs par rapport à la loi de finances
initiale pour 1997. Ceci inclut une augmentation de 2,2 % des frais de
personnel et une augmentation de 1,3 % du coût des programmes. Par
ailleurs, le budget de reconduction intègre 34,7 millions de francs
d'économies.
·
Les mesures nouvelles
Elles s'élèvent à 303,3 millions de francs, contre
65,1 millions en 1997. Le ministre les a présentées, lors de
son audition par votre commission, comme organisées autour de deux axes,
la qualité et l'innovation : "
La qualité des
programmes d'abord : la Sept-Arte et La Cinquième avaient
été lourdement pénalisées en 1997, et n'avaient
plus les moyens de remplir leur mission spécifique, celle de produire ou
d'acquérir des programmes culturels et éducatifs. Le budget de la
Sept-Arte augmente donc de 7,3 % et celui de La Cinquième de
6,7 %. Avec respectivement 44,9 et 17 millions de francs
supplémentaires à consacrer et l'amélioration de leur
grille, la Sept-Arte et La Cinquième pourront offrir aux
téléspectateurs des programmes plus attractifs et plus conformes
à leur mission.
France 2 et France 3 voient également progresser leurs ressources, dans
le but de développer une politique de programmes de qualité, au
service de tous les publics. De même, Radio France
bénéficie d'une mesure nouvelle en faveur de la création
et de l'innovation de ses programmes.
Après la qualité des programmes, l'innovation est le second axe
de ce budget.
L'évolution technologique nous a fait passer d'une
télévision de programmes diffusés à une
télévision de programmes choisis. La rapidité avec
laquelle le magnétoscope a pénétré dans les foyers
en était un premier signe. Je crois beaucoup à la poursuite de ce
mouvement qui amènera chacun à utiliser à son rythme,
selon ses besoins et ses envies, les programmes qui seront disponibles. Tel est
le sens des deux grandes innovations qui seront financées dans le budget
pour 1998 : la banque de programmes et des services de La
Cinquième, et le centre de consultation du dépôt
légal des programmes audiovisuels à la Bibliothèque
François Mitterrand.
400 sites, 200 centres sociaux et 200 établissements d'éducation
seront équipés en 1998 pour recevoir l'offre de la BPS : les
enseignants, formateurs ou animateurs pourront ainsi sélectionner et
télécharger les programmes qu'ils souhaiteront utiliser. Cette
expérience grandeur nature permettra de préciser les besoins et
le cas échéant d'améliorer cette offre, qui sera ensuite
progressivement étendue.
C'est avec le même souci de valoriser le patrimoine audiovisuel et de
répondre aux besoins de l'enseignement et de la recherche scientifique
qu'est lancé un plan de numérisation des archives, et que sera
ouvert en juillet 1998 le centre de consultation de l'Inathèque à
la Bibliothèque François Mitterrand. 43 millions de
francs y seront consacrés.
"
Les aspects les plus saillants de ce programme seront commentés par
votre rapporteur avec le budget des organismes concernés.
·
Les économies
Un montant forfaitaire de 153,1 millions de francs a été
fixé. La répartition en sera décidée par les
dirigeants des organismes publics à hauteur de 0,85 % des budgets.
Cette méthode peut sembler arbitraire et trahir une certaine
incapacité de l'actionnaire à assumer ses responsabilités.
B. LES BUDGETS PRÉVISIONNELS DES ORGANISMES
1. France Télévision
a) Panorama budgétaire de 1998
Le projet de budget de France 2 s'établit à 5 milliards 187 millions, montant en augmentation de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997. La part de redevance versée à la chaîne diminue de 17 millions de francs, les crédits budgétaires augmentent de 81,5 millions et les objectifs publicitaires de 96 millions. Les économies demandées s'établissent à 33 millions de francs et les mesures nouvelles à 96 millions dont 41 millions pour les programmes et 55 millions en dépenses d'investissements (liées à la construction du siège de France Télévision).
BUDGET D'EXPLOITATION PRÉVISIONNEL DE FRANCE 2
(RECETTES)
1998 |
% |
LIF 1997 |
% |
|
Ressources publiques | 2 467,5 | 47,6 | 2 403 | 47,9 |
· redevance | 2 364,5 | 2 381,5 | ||
· crédits budgétaires | 103 | 21,5 | ||
Publicité | 2 513,8 | 48,4 | 2 417,2 | 52,1 |
Autres ressources propres | 206 | 4 | 195 | |
(dont parrainage) | (136) | (125) | ||
TOTAL | 5 187 | 5 015 |
Le projet de budget de France 3 s'établit à 5 milliards 643 millions de francs, montant en augmentation de 2,5 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997. La part de redevance versée à France 3 diminuera de 24 millions de francs, les crédits budgétaires augmentant de 81,2 millions et les objectifs publicitaires de 68 millions. Les économies demandées s'élèvent à 51,7 millions de francs et les mesures nouvelles à 59,6 millions destinés aux programmes (les dépenses d'investissement liées au nouveau siège sont imputées sur le budget de France 2).
BUDGET D'EXPLOITATION PRÉVISIONNEL DE FRANCE 3
(RECETTES)
PLF 1998 |
% |
LFI 1997 |
% |
|
Ressources publiques | 3 398 |
60,2 |
3 341;5 |
60,7 |
· redevance | 3 295 | 3 319,7 | ||
· crédits budgétaires | 103 | 21,8 | ||
Publicité | 1 744 |
30,9 |
1 676,9 |
39,3 |
Autres ressources propres
(dont parrainage) |
501
101 |
8,9 |
487,4
87 |
|
TOTAL | 5 643 | 5 505,8 |
b) Quelques remarques
La part relative des ressources publicitaires et des
ressources publiques
Pour France 2, le rapport est de 48,4 % de publicité pour
47,6 % de ressources publiques, il est pour France 3 de 30,9 %
de publicité pour 60,2 % de ressources publiques.
Ces rapports, qui évoluent très peu, mais en défaveur des
ressources publiques, par rapport à 1997, sont très
insatisfaisants, spécialement en ce qui concerne France 2 dont la
programmation restera excessivement dépendante des objectifs
publicitaires et dont la ligne éditoriale continuera d'infliger de
navrants démentis à la notion de service public.
Il est étrange qu'un gouvernement qui s'est targué par la voix de
son ministre de la communication de " sortir d'une spirale infernale
qui
menait progressivement mais inexorablement à la mort du service
public ", qu'un gouvernement qui a expliqué qu' "
en
étranglant financièrement les chaînes publiques, le
précédent gouvernement les contraignait à se lancer dans
une course à l'audience, à chercher à rivaliser avec les
chaînes commerciales pour conquérir les ressources publicitaires
devenues indispensables à leur survie
", il est étrange
que ce gouvernement, ce ministre, présentent pour les deux principales
chaînes du service public un budget qui perpétue une telle
situation, qui l'accentue même légèrement.
Ce budget qui voue France Télévision à la dérive
commerciale, si l'on extrapole les dires du ministre de la communication,
est-il au moins crédible ? Les objectifs publicitaires peuvent-ils
être atteints ? Cela semble être le cas pour France 2
dont les prévisions de réalisation sont satisfaisantes en 1997.
En revanche, les perspectives sont plus incertaines pour France 3 en
raison de l'effritement d'audience enregistré au premier semestre de
1997 et du retard des rentrées publicitaires qui en est
découlé. Les rentrées publicitaires de France 3
tendent actuellement à s'accélérer, il n'en reste pas
moins que l'objectif de 1998 constitue pour France 3 un défi qui
pourrait amener la chaîne à infléchir dans le sens
" commercial " une programmation qui a fait l'objet de
louanges ces
dernières années.
Votre rapporteur ne peut alors que renvoyer
le ministre à l'analyse qu'elle faisait récemment de l'action de
ses prédécesseurs : " il devenait facile de montrer que
les chaînes publiques n'étaient plus différentes des
chaînes privées, et on en justifiait ainsi aisément la
disparition programmée ". Souhaitons pour la
télévision publique que les successeurs de Mme Catherine
Trautmann n'aient pas lieu de lui retourner le compliment ! Votre
rapporteur s'en gardera cette année pour sa part.
La part relative des crédits budgétaires et de la redevance
Autre problème symptomatique du manque de cohérence de la
politique de l'audiovisuel public, les crédits budgétaires de
France 2 et de France 3 vont augmenter brutalement, comme on l'a
noté ci-dessus, la part de la redevance versée à chacune
d'elle diminuant significativement. Il convient pour interpréter ces
mouvements contraires de rappeler les conséquences
régulières de la régulation budgétaire sur les
ressources des chaînes. En 1996, les crédits budgétaires de
l'audiovisuel public ont été réduits de 183 millions
de francs, France 2 contribuant pour 41 millions de francs et
France 3 pour 195 millions de francs. Il faut noter qu'en 1995 le
budget de France 2 avait été de la même manière
amputé de 47,5 millions de francs et celui de France 3 de
240 millions de francs. En 1997, le couperet de la régulation
s'émousse puisque l'arrêté d'annulation du 9 juillet
1997 n'a pas touché les crédits de France
Télévision, mais la saison n'est pas terminée ! Il
convient, en tout état de cause, de considérer avec la plus
grande suspicion
le déversement soudain sur France 2 et
France 3 d'une manne budgétaire de 206 millions de francs en
1998 contre 23,3 millions de francs en 1997
. S'agit-il de constituer
dans les budgets des deux sociétés un réservoir pour les
futures régulations ?
L'objectif est sans doute de mettre
à l'abri de la régulation budgétaire les
" références majeures du secteur audiovisuel public "
que sont aux yeux du ministre de la communication la Sept-Arte et La
Cinquième. Le rapport revient ci-dessous sur la faveur accordée
à ces deux chaînes, faveur dont la précarisation
potentielle des ressources de France 2 et de France 3 n'est que le
contrecoup. Votre rapporteur conteste ce procédé.
Les économies
Un troisième problème est l'exécution des économies
que les deux chaînes devront réaliser en 1998. Rappelons qu'un
programme d'économies de 205 millions de francs sur les programmes
de France 2 avait été prescrit en 1997. Il semble que le retard
pris dans l'exécution de ce programme (le montant des économies
non réalisées est évalué à 90 millions
de francs) rend difficile la réalisation d'économies
supplémentaires d'un montant global pour les deux chaînes de
84,7 millions de francs en 1998.
Votre rapporteur s'inquiète de
cette perspective.
Le développement régional de France 3
Le développement régional de France 3, suspendu en 1996, ne
sera pas repris en 1998, ce qui portera atteinte à l'exécution
d'une mission essentielle de la chaîne et ancrera un peu plus dans les
faits une analyse présentée par M. Jean-Michel
Bloch-Lainé dans le rapport final de la mission d'audit du secteur
public : "
Les programmes dits " de
proximité ",
si l'on y regarde d'un peu plus près, n'occupent qu'une assez faible
part de la grille ; en fait France 3 est une chaîne
généraliste qui offre à son public de l'information, des
magazines, du cinéma, du sport, du divertissement et de la culture, et
qui a su profiter de l'affrontement TF1 - France 2 pour
" contre-programmer
"
notamment le
" 19/20
".
Il est vital pour le devenir de France 3 de reprendre le
développement du concept de télévision de
proximité. Votre rapporteur attire l'attention du Sénat sur cette
nécessité.
L'innovation
Enfin, il est paradoxal qu'un budget axé selon le ministre sur la
qualité et sur l'innovation ne comporte aucune mesure en faveur de
l'entrée de France Télévision dans le numérique.
Celle-ci est pourtant une condition incontournable de l'adaptation de la
télévision publique au bouleversement de l'audiovisuel, un gage
d'avenir, votre rapporteur reviendra sur cette nécessité dans la
seconde partie du présent rapport. Là encore, les mesures
nouvelles seront réservées aux " références
majeures du secteur audiovisuel public ", ce qui traduit de la part du
Gouvernement un choix pour le moins étonnant en faveur d'une
télévision de niche.
La télévision de masse,
celle qui devrait susciter les initiatives les plus dynamiques, pour qui croit
au rôle social de la télévision publique, est plus ou moins
invitée à s'accommoder des contraintes d'une conjoncture
difficile. Votre rapporteur regrette ce parti-pris
.
2. Arte et La Cinquième
a) Panorama budgétaire pour 1998
Qualifiées par le ministre de
" références majeures du secteur public audiovisuel "
lors de la conférence de presse de présentation du projet de
budget, comme votre rapporteur le notait précédemment, la
Sept-Arte et La Cinquième voient leur budget de 1998 porté
respectivement à 1,8 milliard de francs (+ 7,3 %) et à
781 millions de francs (+ 6,7 %).
Les ressources de la Sept-Arte sont d'origine essentiellement publique :
956,5 millions de francs de redevance et 40,8 millions de francs de
crédits budgétaires. Il en est de même pour La
Cinquième qui perçoit 710,9 millions de francs de redevance
et 40,85 millions de francs de crédits budgétaires.
Les deux chaînes bénéficieront d'un montant significatif de
mesures nouvelles, 17 millions de francs pour les programmes de La
Cinquième et 28,6 millions de francs pour ceux d'Arte qui
bénéficiera, en outre, de 16,3 millions de francs non
reconductibles pour la reconstitution de ses stocks.
De son côté, La Cinquième bénéficiera de
22,5 millions de francs pour la banque des programmes et des services.
b) Quelques remarques
L'évolution globale des crédits
L'objectif du projet de budget est, comme l'a indiqué le ministre et
comme M. Jérôme Clément, président commun des
chaînes l'a explicité au cours de son audition par votre
commission, d'effectuer "
un rattrapage partiel des importantes
amputations de crédits opérées en 1997, en particulier sur
les budgets de programme et sur les budgets de communication des deux
chaînes. Les crédits prévus pour 1998 permettront la
reconstitution des stocks de programmes et le développement de la banque
de programmes et de services de La Cinquième
".
De fait, un programme d'économies tout à fait significatif avait
été demandé aux deux chaînes dans le budget de 1997.
Il s'élevait globalement à 185,6 millions de francs dont
93,2 millions de francs pour la Sept-Arte et 93,4 millions de francs
pour La Cinquième. La fusion, prévue dès
l'élaboration du projet de budget, devait permettre une économie
de 65,8 millions de francs pour la Sept-Arte et de 76,4 millions de
francs pour La Cinquième.
Il semble que le processus de fusion effectivement engagé avec la
nomination de M. Jérôme Clément à la tête de
La Cinquième, même si sa concrétisation juridique a
été retardée, ne donnera pas les résultats
escomptés, en dépit d'un effort de recomposition des structures
qui s'est traduit par la nomination de responsables de la Sept aux postes
clés de La Cinquième.
Cette rationalisation dont les modalités suscitent parfois la surprise
de l'observateur extérieur
2(
*
)
, semble
avoir produit l'essentiel de ses effets : M. Jérôme
Clément a indiqué lors de son audition par votre commission qu'il
n'y aurait pas de diminution des emplois compte tenu de la faiblesse des
effectifs de chaque chaîne.
En ce qui concerne les économies attendues d'une meilleure circulation
des programmes entre les deux antennes, il faudra encore attendre... Un effort
est cependant entrepris en faveur d'une articulation des grilles de programmes.
M. Jérôme Clément a cité, lors de son audition,
les émissions diffusées à l'occasion du centenaire
d'Aragon, des émissions sur le rôle des hommes politiques, un
programme sur la collaboration. En revanche, aucune allusion n'a
été faite à la nécessaire synergie entre l'ensemble
des chaînes publiques. On continue à se demander pourquoi des
émissions de France Télévision telles que "
un
siècle d'écrivains
" ne trouvent pas leur place dans les
programmes d'Arte et de La Cinquième.
Le maximum n'a donc manifestement pas été fait pour
exécuter les prescriptions du législateur en 1997.
Ce constat fait, votre rapporteur ne méconnaît pas
l'utilité de reconstituer la capacité d'investissement des deux
chaînes dans les programmes. Le rapport Bloch-Lainé, qui reste une
référence pertinente pour l'analyse de la politique de
l'audiovisuel public, avait constaté la diminution constante depuis 1983
du budget des programmes d'Arte : - 16 % de 1993 à 1996
alors que le coût unitaire des achats et des coproductions augmentait
régulièrement. Le même rapport avait aussi noté la
diminution des stocks de programmes inédits d'Arte, la valeur du stock
inscrite à l'actif du bilan passant de 471 millions de francs
à la fin de 1992 à 378 millions de francs à la fin de
1995.
Il n'en reste pas moins que l'effort de restauration des comptes de l'Etat
entrepris l'année dernière reste l'intérêt public
prééminent auquel il convient que se plient des organismes en
faveur du refinancement desquels on ne saurait avancer l'argument du contexte
concurrentiel de l'audiovisuel, puisqu'il s'agit d'une télévision
" d'offre " essentiellement financée par des ressources
publiques
. La " logique d'entreprise " qui impose de
comparer
l'évolution relative des ressources de France Télévision
et de ses concurrents privés, ne s'applique pas à la Sept-Arte et
à La Cinquième qu'il convient d'orienter, à l'exemple
d'Arte Deutschland, vers la mobilisation systématique des programmes du
véritable pôle du service public, France Télévision.
A cet égard, votre rapporteur conteste l'analyse avancée lors de
la conférence de presse de présentation du budget pour justifier
la situation privilégiée faite à la Sept-Arte et à
La Cinquième : "
il s'agit pour les deux chaînes de
rendre plus attractive encore une offre qui les place déjà au
coeur de la mission du service public de la
télévision
". Il ne faut pas se tromper de cible, c'est
France Télévision qui est au coeur de cette mission. Il est bon
de donner à la chaîne des
happy few
3(
*
)
les moyens de ses ambitions si les conditions
économiques générales le permettent, il serait en revanche
indispensable de donner à France Télévision les moyens
d'une stratégie de qualité plus dynamique. Votre rapporteur
revient dans la suite de ce rapport sur l'impératif d'une meilleure
définition de la personnalité propre de l'audiovisuel public.
L'innovation
Dans ce domaine se manifestent aussi les priorités contestables du
projet de budget. Celui-ci budget prévoit une dotation de
22,5 millions de francs en faveur de la montée en puissance et du
passage à la phase de commercialisation des services de la banque de
programmes et de services de La Cinquième.
L'initiative de constituer cette banque avait été prise par
M. Jean-Marie Cavada et traduit une orientation avancée dans le
rapport présentée en 1993 par la mission du Sénat sur la
télévision éducative dont M. Pierre Laffitte
était le président et M. René Trégouët le
rapporteur. La mission avait proposé la création d'une
télévision éducative diffusant des produits
éducatifs et de formation non seulement sur le réseau hertzien
terrestre qui lui serait attribué, mais par de multiples autres canaux
et grâce à de multiples partenariats. La constitution d'une banque
de programmes accessibles par téléchargement était un
élément essentiel de cette stratégie visant à
fournir au secteur éducatif et à celui de la formation un
accès très souple aux produits vidéo.
Mais un projet aussi crucial pour le développement de
l'éducation et de la formation à distance ne doit pas être
mené à bien sans préparation, sans ligne directrice, sans
stratégie. Le flou, l'impréparation, et au bout du compte
l'échec, seraient désastreux compte tenu du caractère
nécessairement exemplaire d'un projet qui doit absolument convaincre de
la pertinence pédagogique des nouvelles technologies un monde enseignant
traditionnellement réservé.
Or, comment l'important développement de la banque de programmes et de
services est-il envisagé en 1998 ? L'audition de
M. Jérôme Clément par votre commission a
suscité des doutes chez votre rapporteur. Le président de La
Cinquième a en effet indiqué qu'il s'agissait d'un projet majeur,
mais encore en phase expérimentale, n'ayant pas encore atteint un
degré de sécurité industrielle et technologique suffisant.
Il a estimé qu'il fallait bâtir l'économie de ce projet en
déterminant son marché, son mode de financement, les modes
d'utilisation des contenus. Il a enfin précisé que le budget de
la banque, passant à 43 millions de francs, permettrait de faire
face à la nécessité prioritaire de recruter une
équipe (de fait, le responsable de ce programme vient d'être
remplacé, ce qui ne garantit pas l'accélération de sa mise
en place).
M. Jérôme Clément a enfin précisé qu'il
faudrait dans un second temps constituer une filiale avec des partenaires
publics.
On est assez loin de la montée en puissance et du passage à la
phase de commercialisation évoqués par le ministre pour expliquer
l'octroi d'une mesure nouvelle de 22,5 millions de francs. Où est
l'erreur ?
Votre rapporteur rappelle que par ailleurs le développement de France
Télévision dans le numérique, indispensable au maintien du
rôle de la télévision publique dans le nouveau paysage
audiovisuel, et porté par le succès du satellitaire TPS, ne
bénéficie d'aucune mesure nouvelle.
Emballement contestable d'un côté, abstention regrettable de
l'autre, la politique du ministère de la communication est difficile
à comprendre !
3. RFO
Le budget de RFO augmente de 3 % par rapport à la
loi de finances initiale de 1997. Il prévoit une augmentation de
61 % des recettes publicitaires qui suppose le rétablissement de la
diffusion de messages publicitaires sur le deuxième canal de
télévision.
Ce budget est très largement axé sur le financement des
investissements immobiliers correspondant à l'acquisition d'un nouveau
siège à Paris ainsi qu'en Guyane et Guadeloupe, sur le
financement des charges salariales et sur celui de la transmission des
programmes.
Nommé président de RFO en juin 1997, M. Jean-Marie Cavada
souhaite donner une impulsion nouvelle à son entreprise en forgeant une
conception plus actuelle de la notion de continuité territoriale. A
l'origine de la création de RFO, celle-ci a longtemps été
limitée au transport des programmes métropolitains vers
l'outre-mer. La production de programmes propres répondant aux besoins
spécifiques de la " France océane " selon l'expression
utilisée par M. Cavada, n'a jamais connu comme un véritable
développement, faute de moyens. Dans sa présentation du bilan de
RFO, pour l'exercice 1996, M Hervé Bourges, président du
CSA, notait dernièrement à cet égard que le
développement du volume horaire global de RFO 1 s'accompagnait
d'une baisse des programmes locaux particulièrement sensible en ce qui
concerne les émissions de première diffusion. L'émergence
d'une production propre de RFO traduisant les besoins locaux et permettant
d'initier des échanges à l'intérieur de chaque zone
couverte par les stations régionales, figure parmi les priorités
définies par M. Jean-Marie Cavada pour permettre à RFO de
constituer un lien efficace entre la France métropolitaine et
l'outre-mer et de projeter la culture et la vision françaises du monde
sur de vastes zones à partir des relais ultra-marins de notre pays.
Au terme de l'examen des éléments les plus significatifs du
projet de budget de la communication audiovisuelle pour 1998, votre rapporteur
souhaite qu'un effort soit entrepris, dans le respect des grands
équilibres financiers de l'Etat, afin d'inscrire dans une
stratégie claire de développement à moyen terme l'action
des organismes, d'établir entre eux de véritables synergies
tenant compte des priorités que suggère l'intérêt
public. La suite de ce rapport tente de cerner quelques implications de ces
exigences.
*
* *
II. LES ASPECTS DE LA POLITIQUE DE L'AUDIOVISUEL
Le secteur audiovisuel change très rapidement sous l'impulsion des nouvelles techniques de l'information et de la communication. Qu'est-ce qui est fait pour créer un contexte favorable à l'adaptation des entreprises françaises, à l'insertion de l'audiovisuel public dans la configuration qui émerge ? Le gouvernement semble se donner le temps de la réflexion avant de lancer les initiatives indispensables, mais les industries françaises de la communication ne peuvent attendre, car le changement est déjà derrière nous.
A. LE BASCULEMENT DANS L'ÈRE NUMÉRIQUE
1. Les bouleversements technologiques
La télévision reste un média
incontournable à l'heure où la numérisation renouvelle son
environnement technique et économique. Une étude récente
menée sur l'année 1996 indique que sa durée
d'écoute quotidienne, stabilisée dans les pays les plus
consommateurs comme les Etats-Unis, continue de progresser dans beaucoup
d'autres, comme la Hongrie, la Finlande, ou, perspective plus significative
pour nos opérateurs, l'Allemagne. Les explications avancées sont
l'augmentation des durées de diffusion des grandes chaînes, le
développement du multi-équipement, l'augmentation de l'offre
audiovisuelle. Autre observation intéressante, la France occupe en
Europe la onzième place en durée d'écoute par habitant,
avec une moyenne de 179 minutes par jour. La télévision
paraît donc conserver chez nous une marge de développement
significative. Dans quelles conditions techniques, économiques,
culturelles ce potentiel peut-il être valorisé, telle est la
question centrale que pose l'irruption des nouvelles technologies
numériques.
Le facteur clé est bien entendu la diffusion progressive mais
irrésistible des techniques numériques dans l'ensemble de la
filière audiovisuelle. Les conséquences de cette novation sur le
marché de la télévision peuvent être
présumées en quatre grandes tendances :
· l'augmentation des capacités de diffusion, jusqu'à
présent bornées par la rareté des fréquences
hertziennes exploitées en analogique, et la diversification des moyens
de diffusion ;
· la baisse des coûts de diffusion, qui devrait en principe
favoriser l'émergence de nouveaux opérateurs ;
· le développement de nouveaux modes d'exploitation des
programmes, tel que la diffusion échelonnée et le paiement
à la séance ;
· la " libération " des modes de consommation, les
téléspectateurs ayant de plus en plus le choix du programme, du
moment, du prix.
Le mouvement est en cours, qu'observons-nous en effet à l'heure actuelle
dans le monde de la télévision ?
Ce qui frappe d'abord est l'augmentation de l'offre de programmes, le
rôle croissant des chaînes thématiques, un certain recul des
chaînes généralistes, la tendance à la fragmentation
de l'audience. Nous avons ainsi en France une augmentation continue du nombre
des chaînes thématiques destinées à nourrir l'offre
des trois bouquets satellitaires numériques français. Il serait
vain d'en faire le recensement, tant l'évolution est rapide. La
situation française reflète bien entendu l'évolution
mondiale. Ainsi constate-t-on partout, et spécialement en
Amérique du nord, un effritement de l'audience des chaînes
dominantes. Aux Etats-Unis, les grands réseaux ne contrôlent plus
que les deux tiers de l'audience ; au Canada, une seule chaîne
seulement dépasse les 10 % de parts de marché.
Il est intéressant de retenir aussi comme aspect marquant de
l'évolution en cours l'ouverture de nouvelles perspectives pour le
câble, dont la numérisation est en cours et dont l'offre
croissante, en particulier grâce à la reprise sur les
réseaux des programmes des bouquets satellitaires, paraît susciter
un regain d'intérêt de la part du public.
2. Les conséquences sur l'économie de l'audiovisuel
Après ce rappel très sommaire des
évolutions globales de l'audiovisuel, il est intéressant
d'insister sur quelques aspects particulièrement significatifs des
perspectives du secteur.
Première constatation, le financement de l'audiovisuel va sans doute
connaître une profonde évolution. La ressource publicitaire
devrait en effet, sinon se raréfier, croître à un rythme
plus modéré. En 1996, les chaînes hertziennes ont
réalisé un chiffre d'affaires de 22 milliards de francs, en
augmentation de 7,6 % par rapport à 1995, ce qui représente
une hausse très éloignée des taux à deux chiffres
connus dans les années 1980. La part de marché de la
télévision dans
l'ensemble des cinq grands médias
s'est ainsi élevée à 33,5 % contre 33 % en 1995,
31,9 % en 1994, 31,2 % en 1993, mais le marché pourrait se
stabiliser à terme si l'on se réfère à la situation
des autres pays européens. En Angleterre, par exemple, il semble que la
part du marché publicitaire détenue par la
télévision soit en régression. Ajoutons que si le
média télévision bénéficie de la
réputation des instruments de mesure quotidienne de l'audience,
certaines études commencent à donner à penser que
l'efficacité des campagnes s'analyse parfois plus en termes de
notoriété des marques qu'en termes de progression des ventes. Il
s'agit naturellement de prospective à moyen terme plus que d'analyse des
évolutions en cours, dans la mesure où les chiffres
français les plus récents montrent la bonne santé du
média télévision. Il n'en reste pas moins que les
dirigeants de l'audiovisuel ne semblent pas tabler sur le marché
publicitaire pour dégager les nouvelles ressources nécessaires
à leur croissance.
C'est donc dans une large mesure à la télévision payante
que l'avenir appartient, comme paraît le confirmer la progression
constante de son chiffre d'affaires. Une étude récente indique
que celui-ci dépassera 15 milliards de francs en 1997 et qu'en
1999, les recettes de la télévision payante dépasseront
20 milliards de francs, les recettes des bouquets satellitaires
dépassant celles des réseaux câblés. Dernière
prévision tirée de cette étude, en 2001, les chaînes
payantes dépasseraient le chiffre d'affaires de 23 milliards de
francs, montant équivalant au chiffre d'affaires actuel des
chaînes hertziennes en clair. Voilà qui ouvre la perspective de
profonds bouleversements même si les chaînes hertziennes existantes
seront au coeur du mouvement en raison des capacités financières
encore faibles des chaînes thématiques.
Ceci conduit à évoquer l'évolution prévisible des
structures du secteur, un sujet qui devra particulièrement retenir
l'attention du législateur. On discerne dans l'adaptation des
opérateurs à la nouvelle donne du numérique un mouvement
vers
l'intégration verticale
dont il conviendra en effet
d'analyser les conséquences sur les conditions de la concurrence dans le
secteur de la télévision. Qu'en est-il ? La diffusion
numérique, en permettant le développement de formats
différents et en augmentant la demande de programmes, transforme
profondément l'équilibre de la filière
éditeur-producteur-diffuseur. Des métiers nouveaux sont apparus
ou ont pris une importance accrue, notamment dans le domaine de la
distribution, avec la vente et la gestion d'abonnements, ainsi qu'avec la vente
et la gestion de catalogues de droits. Une chaîne de
télévision ne peut plus rester cantonnée dans le
métier de diffuseur-éditeur éventuellement producteur pour
son seul compte, sauf à entrer dans une logique de récession,
sauf à perdre des ressources compte tenu des évolutions qui se
profilent en matière de financement, sauf à perdre de l'audience
compte tenu de la montée des chaînes thématiques, sauf
à perdre l'accès aux marchés des programmes que les
alliances entre les autres acteurs auront rendus captifs. D'où la
constitution de groupes et d'alliances susceptibles de déboucher sur
l'émergence de groupes médiatiques intégrés
contrôlant les différentes étapes de la production et de la
diffusion des oeuvres audiovisuelles à travers différents
médias et différents pays.
C'est l'évolution que nous voyons s'esquisser en France et dont une des
manifestations les plus évidentes est la courses aux catalogues de
droits de diffusion à laquelle se livrent les opérateurs
engagés dans le mouvement vers la numérisation.
Toutes ces évolutions ont naturellement des conséquences sur la
manière dont les pouvoirs publics appréhendent et
infléchissent le secteur audiovisuel, tentent d'y insuffler une dose
d'intérêt public qui peut ne pas correspondre aux attentes
immédiates des opérateurs.
Or, il ne semble pas que le gouvernement ait réellement pris conscience
du hiatus de plus en plus manifeste entre la législation existante et le
contexte nouveau de l'audiovisuel.
B. LA NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
1. Des urgences
L'entrée dans la société de l'information
a d'ores et déjà modifié, comme on l'a vu, la structure et
l'économie de l'audiovisuel. L'évolution n'est qu'amorcée,
elle prend actuellement une ampleur encore inattendue il y a quelques mois,
comme en témoigne le succès commercial des bouquets satellitaires
français. Il est devenu indispensable d'adapter le cadre juridique des
activités audiovisuelles à ce contexte profondément
transformé. Ainsi, le développement de la diffusion satellitaire
se produit dans un vide juridique que l'on serait tenté de qualifier de
sidéral, ses conséquences sont multiples sur des aspects
essentiels de la législation de l'audiovisuel, le régime des
entreprises en particulier.
Ces problèmes sont parfaitement identifiés et la discussion, au
début de 1997, d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle a
permis de faire l'inventaire des solutions juridiques disponibles.
Votre rapporteur considère particulièrement urgent de traiter
trois dossiers en attente de solutions.
a) La réglementation des nouveaux moyens de diffusion
·
La diffusion des services de radiodiffusion sonore
et de télévision par satellite
Elle est actuellement soumise à un régime juridique
différent selon que les fréquences utilisées sont
gérées par le CSA ou par une autre autorité, le plus
souvent le ministre chargé des télécommunications
assisté par l'Autorité de régulation des
télécommunications, en application des dispositions de la loi de
réglementation des télécommunications du 26 juillet
1996.
Les fréquences gérées par le CSA sont utilisées par
les satellites de radiodiffusion directe du type TDF 1 et TDF 2 qui,
initialement, devaient seuls diffuser des programmes de
télévision directement reçus par les usagers.
L'article 31 de la loi de 1986 et son décret d'application
prévoient la délivrance des autorisations d'utiliser ces
fréquences à l'issue d'une procédure d'appel à
candidature diligentée par le CSA, lourde et peu adéquate compte
tenu du préfinancement fréquent des projets par les candidats
à l'autorisation. En outre, ce régime juridique a
été frappé d'obsolescence par l'échec de la
filière des satellites de radiodiffusion directe.
La seconde catégorie de fréquences, celles non
gérées par le CSA, est soumise au régime juridique
institué par l'article 24 de la loi de 1986, qui s'applique aux
satellites de télécommunication diffusant des programmes de radio
et de télévision. Cette procédure prévoit la
délivrance d'un agrément et le conventionnement des services par
le CSA. Le décret d'application qui devait préciser le contenu
des conventions n'a cependant pas été pris, dans la crainte de
pénaliser, en leur appliquant les obligations de programmation
impliquées par la loi, les diffuseurs français par rapport
à la concurrence étrangère, et de les inciter à
délocaliser leurs activités. Or, l'essor remarquable que
connaît actuellement en France la diffusion par satellite de services de
télévision grâce à l'utilisation des techniques
numériques, est lié à l'utilisation de satellites de
télécommunications diffusant sur ces fréquences.
Cette évolution profonde du paysage audiovisuel a lieu en l'absence d'un
régime juridique permettant à l'Etat d'encadrer ce
phénomène en tenant compte de l'intérêt
général, et permettant aux opérateurs de disposer
d'informations claires sur leur marge de manoeuvre.
Il est donc indispensable d'élaborer dans de très brefs
délais
un cadre juridique
précisant à quelles
conditions et selon quelles procédures un opérateur
français ou étranger peut
utiliser des fréquences
satellitaires
françaises pour diffuser des services de radio ou de
télévision, quelles obligations de contenu doivent respecter les
programmes diffusés, les procédures permettant de fixer ces
obligations et d'en assurer le contrôle et la sanction, le champ
d'application du régime des contenus conformément aux
critères de compétence des Etats membres fixés par la
directive Télévision sans frontière en juin dernier,
l'opportunité d'introduire dans le régime des contenus des
services satellitaires une souplesse tenant compte de la commercialisation de
ces services par bouquets et des distorsions de concurrence qui
résulteront de la mondialisation de la diffusion dans ce secteur et de
la facilité des délocalisations d'opérateurs.
·
La réglementation des nouveaux services de communication
Ici encore, l'entrée dans la société de l'information
suscite des innovations auxquelles la législation actuelle ne fournit
pas un cadre juridique satisfaisant.
Les " nouveaux services ", qui seront pour l'essentiel des
services
" en ligne " accessibles sur appel de l'utilisateur,
dérivés soit des services de radio ou de télévision
traditionnels (comme la vidéo à la demande) soit de la
télématique (accès à des banques de données
associé à des prestations de téléachat...), entrent
dans le champ d'application de la loi du 30 septembre 1986, mais avec un
régime juridique très différent de celui des services
traditionnels.
Ils répondent en effet pour la plupart à la définition de
la communication audiovisuelle donnée au second alinéa de
l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 : "
on
entend
par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de
catégories de public, par un procédé de
télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits,
d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le
caractère d'une correspondance privée ".
Une circulaire du 17 février 1988 a tenté de préciser
la notion de communication audiovisuelle en retenant trois
critères : le message délivré par le service est
destiné indifféremment au public en général ou
à des catégories de publics, le contenu du message n'est pas
fonction de considérations fondées sur la personne destinataire
du message, le message est à l'origine mis à la disposition de
tous les usagers du service gratuitement ou non.
Cette définition englobe la plupart des contenus diffusés sur
Internet, à l'exception manifeste de ceux des services de messagerie
électronique. En revanche, il semble que les " groupes de
discussion " d'Internet soient assimilables à des services de
communication audiovisuelle.
En conséquence du caractère extensif de la notion de
communication audiovisuelle en droit français, la plupart des
" nouveaux services " relèvent de l'article 1er de la
loi
du 30 septembre 1986 qui énonce le principe de la liberté de
la communication audiovisuelle, définit les limites de l'exercice de
cette liberté, énonce un certain nombre de principes dont il
confie au CSA la mise en oeuvre.
Au-delà de ce rattachement aux " grands principes " de la
loi
de 1986, le régime applicable à ces services est
extrêmement libéral.
En ce qui concerne les conditions d'accès aux supports de diffusion et
le contrôle des contenus, les " nouveaux services " sont
soumis
au régime juridique défini à l'article 43 de la loi
de 1986, qui institue une procédure de déclaration
préalable au procureur de la République quand les services
utilisent les réseaux de télécommunications, au producteur
de la République et au CSA dans les autres cas. Aucun mécanisme
de contrôle des contenus n'est institué. Les services
télématiques mis à la disposition du public sont cependant
soumis à un code de déontologie dans le cadre des conventions qui
les lient à France Télécom pour l'accès au
" système kiosque ". Ce système constitue un palliatif
de portée limitée à l'absence de procédures
légales de contrôle des contenus et ne saurait en outre être
considéré comme résolvant la question du contrôle
pour l'ensemble des " nouveaux services " de la société
de l'information. En effet, le développement fulgurant des usages
d'Internet, qui fait de plus en plus figure d'épine dorsale du
système mondial de communication, et le foisonnement concomitant des
contenus illégaux, parfois très attentatoires à l'ordre
public, rend absolument nécessaire l'adaptation de dispositions
législatives formulées il y a quelques années en vue du
télétexte et des services du minitel.
M. Hervé Bourges, président du CSA, auditionné par votre
commission le 14 octobre 1997, a fortement insisté sur la
nécessité de remédier à cette situation, et a
préconisé l'extension et l'adaptation aux services
diffusés par les nouveaux moyens de diffusion, les
réglementations, les procédures, les principes et les sanctions
applicables aux services traditionnels. Il a cité notamment, parmi ces
principes, le droit de réponse, la protection des mineurs, le
renforcement de nos industries culturelles. Il a aussi estimé que le
CSA, seul compétent sur les contenus, devaient disposer du pouvoir
d'autoriser, de conventionner, de contrôler et de sanctionner les
services radiophoniques et audiovisuels qui seront proposés sur les
réseaux téléphoniques, ce qui vise en particulier les
services d'Internet.
Votre rapporteur rejoint M. Hervé Bourges sur la constatation de
l'urgence d'une initiative législative. Il estime que le régime
juridique des " nouveaux services " devra être
élaboré en fonction de plusieurs critères :
- L'opportunité d'instaurer un contrôle administratif
Même si l'on ne considère pas comme un impératif
catégorique la tradition " libertaire " des acteurs de
l'Internet, cette opportunité mérite d'être
examinée, compte tenu de la spécificité des
" nouveaux services " au regard de l'ensemble des services
de
communication audiovisuelle.
En effet, la diffusion numérique des " nouveaux services "
va
largement atténuer, sinon faire à terme disparaître, la
rareté des capacités de transport des messages tandis que leur
multiplication, leur mode de commercialisation faisant appel à
l'initiative du consommateur, une mise à disposition du public qui se
fera de plus en plus de " point à point " et non plus de
" point à multipoints ", feront progressivement perdre toute
consistance à l'argument de l'impact social. Les deux
caractéristiques qui ont justifié le dirigisme relatif du droit
de la communication audiovisuelle par rapport à celui de la presse, ne
se rencontrent pas dans les " nouveaux services ".
- La conformité au droit européen des solutions adoptées
Il convient de tenir compte, spécialement si une réglementation
des contenus devait répondre à un objectif de protection des
industries culturelles nationales, des difficultés que peut provoquer la
non application de la directive Télévision sans frontière
aux " nouveaux services ". Si ceux-ci sont régis par la
réglementation des services de télécommunications,
dominée par le principe de liberté de circulation et soumis
à la plus large concurrence, la marge de manoeuvre réglementaire
des pouvoirs publics français sera restreinte à la protection,
vraisemblablement étroitement entendue, de l'ordre public.
- La possibilité technique et l'opportunité économique
d'un contrôle administratif
Le fonctionnement d'Internet montre la difficulté pratique
d'opérer un contrôle administratif des contenus des nouveaux
réseaux de distribution de l'information. L'Etat peut ainsi couper
certaines liaisons, mais non empêcher qu'elles soient
reconstituées par d'autres voies, interdire des sites, mais pas
empêcher qu'ils soient repris par des sites miroirs
disséminés dans le monde entier, rechercher et poursuivre les
éditeurs de contenus illicites, mais ceux-ci ont la possibilité
d'utiliser des logiciels permettant de naviguer sur Internet sans laisser de
traces : les réseaux sont hors du contrôle de l'Etat et les
réglementations ne concernent en définitive que ceux qui veulent
bien s'y soumettre.
Il convient de tenir compte de cet état de fait.
- Les modalités juridiques de la mise en oeuvre d'un contrôle
A priori, il est concevable d'appuyer un contrôle des contenus des
nouveaux services par le CSA sur le régime juridique de la
déclaration préalable institué par l'article 43 de la
loi du 30 septembre 1986, à la condition que les services entrant
dans le champ d'application de cet article se plient à cette
formalité, ce qui semble n'être pas systématiquement le
cas. On peut envisager par exemple de soumettre à une obligation de
conventionnement les services déclarés et de les faire
adhérer à cette occasion à un certain nombre d'obligations
relatives à la déontologie des contenus.
b) Les réglementations de contenu
L'évolution du paysage audiovisuel va imposer des
initiatives sur deux plans.
·
L'harmonisation des règles de contenu
applicables
à la diffusion satellitaire et à la distribution par câble,
va s'imposer puis s'étendre aux règles applicables à la
diffusion terrestre dans la mesure d'une part où le câble et le
satellite vont transporter indifféremment les mêmes services, ce
qui implique la suppression des éléments de distorsion de
concurrence existant dans la réglementation (régime des quotas,
procédures de modification des plans de services du câble...),
dans la mesure d'autre part où les progrès de la réception
satellitaire vont placer les chaînes hertziennes terrestres en situation
de véritable concurrence avec les chaînes thématiques
empruntant d'autres modes de diffusion, ce qui impliquera aussi
d'égaliser les conditions de concurrence. Ajoutons que la
numérisation de la diffusion hertzienne terrestre effacera tôt ou
tard la distinction actuelle entre les chaînes hertziennes terrestres et
les autres : tous les programmes seront à terme diffusés sur
l'ensemble des supports, ce qui retirera une part de sa pertinence à la
distinction actuelle des régimes juridiques selon le support pour lequel
les services sont initialement conventionnés.
· Une autre conséquence cruciale de l'évolution actuelle du
paysage audiovisuel sera très prochainement
la remise en cause des
quotas de diffusion
d'oeuvres françaises et européennes et
plus généralement des diverses obligations de contenu dont la
directive Télévision sans frontière précitée
ne garantit pas véritablement le maintien, sous l'influence de deux
facteurs.
D'une part, la diffusion satellitaire, internationale par nature, jouant un
rôle de plus en plus important dans l'économie de l'audiovisuel,
va rendre les frontières particulièrement perméables dans
ce secteur. Il faudra bien aligner les règles françaises de
contenu sur une moyenne internationale afin d'éviter d'infliger des
distorsions de concurrence trop sévères aux entreprises
françaises.
D'autre part, la négociation de révision de la directive
Télévision sans frontière n'a pas permis
d'améliorer un texte très laxiste. La condition d'application
" chaque fois que cela est réalisable ", une assiette de
calcul incluant les émissions de plateau, la possibilité de
remplir les quotas aux heures de faible écoute, permettront aux
chaînes nord-américaines désireuses d'exploiter le
marché européen d'obtenir leur naturalisation dans tel ou tel
Etat membre sans subir de graves contraintes d'adaptation. En outre, le recours
au critère de lieu d'établissement du siège social (avec
d'autres critères subsidiaires) pour déterminer la
compétence des Etats membres sur les chaînes de
télévision, va obliger un Etat comme la France à renoncer
à conventionner en leur imposant ses règles de contenu des
organismes établis dans l'Union et souhaitant être
distribués par le câble et éventuellement diffusés
par la voie hertzienne terrestre, sans même parler de la diffusion
satellitaire peu facile à appréhender comme on l'a vu ci-dessus.
Il convient de tenir compte de ces remises en cause. Il semble que les
incitations financières joueront à l'avenir un rôle plus
important encore qu'à l'heure actuelle.
c) le pluralisme de l'offre des programmes
On a vu que l'entrée dans l'ère numérique
s'accompagnait d'une tendance à l'intégration verticale des
entreprises audiovisuelles désireuses de contrôler les
différentes étapes de la filière de l'image, depuis la
disponibilité de catalogues de droits permettant d'approvisionner en
programmes attractifs les services mis en nombre croissant à disposition
du public, jusqu'à la gestion de populations d'abonnés assurant
une part de plus en plus significative des ressources financières du
secteur. Cette logique de développement, conjuguée avec la donne
nouvelle que représente le passage d'une situation de rareté des
moyens de diffusion à une situation d'abondance, amène à
poser sur des fondements nouveaux le pluralisme de l'offre audiovisuelle. Il
convient de tenir compte de plusieurs aspects :
·
la réglementation anti-concentration devra être
adaptée
afin de réaliser un bon compromis entre des objectifs
divergents : la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression,
objectif de valeur constitutionnelle dont la démultiplication de l'offre
de programme devrait faciliter la réalisation si la tendance à la
cartellisation des entreprises n'y fait pas obstacle ; le freinage de la
cartellisation, non seulement en vue d'assurer le pluralisme, mais aussi pour
assurer une saine concurrence entre les opérateurs ; la
constitution de groupes puissants capables de développer et d'exporter
une offre française de programmes numériques. Le rôle
grandissant des industries de l'information et particulièrement de celle
des contenus dans la croissance économique, la suprématie de la
production américaine et le recul inéluctable de nos protections
réglementaires imposent de ne pas perdre de vue cet objectif.
D'ores et déjà, l'explosion de la télévision
numérique par satellite a rendu caduc le dispositif anti-concentration
de la loi du 30 septembre 1986, qui comporte deux séries de
mesures : des restrictions à la détention par une personne
de parts de capital des services de télévision autorisés
et la limitation du cumul par une même personne d'autorisations relatives
à des services de télévision.
Ce dispositif a été conçu en fonction de la rareté
des capacités de diffusion. Il fait désormais obstacle au
développement de bouquets français de programmes satellitaires.
Il convient de le réorienter dans deux directions largement
explorées, en particulier par le Sénat, lors de l'examen du
projet de loi sur la communication audiovisuelle au début de 1997 :
- la limitation de la part de marché détenue par une même
personne sur chaque segment de marché de la
télévision ;
- l'obligation pour tout opérateur de bouquet de chaînes de
réserver à des services indépendants une part de l'offre
de programmes qu'il commercialise.
·
La course aux catalogues de programmes
impose de
réfléchir aux moyens d'assurer la fluidité de ce
marché en empêchant le gel des droits d'exploitation par un nombre
limité de diffuseurs et en rééquilibrant les relations
entre diffuseurs et producteurs dans cet esprit. Les entrants sur le
marché de la diffusion numérique doivent avoir accès aux
programmes. Par ailleurs, il est important, comme le prévoit la nouvelle
directive " télévision sans frontière ", que les
chaînes à abonnement ne s'assurent pas l'exclusivité de
certains grands événements intéressant l'ensemble de la
société, qu'ils soient sportifs ou autres.
La tendance à l'intégration verticale des diffuseurs
signalée ci-dessus et la concurrence acharnée que se livrent les
opérateurs de bouquets et de chaînes thématiques afin de
s'assurer le contrôle des catalogues de droits les plus
intéressants, l'opportunité de prévenir la croissance
déraisonnable du coût des programmes (l'expérience des
retransmissions sportives est éloquente à cet égard),
imposent d'approfondir un dossier que la loi du 30 septembre 1986 ne
permet actuellement d'aborder que de façon biaisée.
·
L'exploitation des systèmes d'accès sous
condition
(les décodeurs permettant de recevoir les programmes
cryptés) doit aussi être réglementée en fonction de
la nécessité de prévenir la constitution ou la
perpétuation de positions dominantes sur le marché de la
télévision payante par le biais des systèmes
d'accès sous condition. L'objectif est de permettre aux
opérateurs entrant dans ce marché d'utiliser contre une juste
rémunération les logiciels qui permettent de gérer la
fonction de contrôle d'accès aux programmes cryptés. Les
détenteurs des droits d'exploitation de ces logiciels sont parfois
éditeurs de programmes audiovisuels, diffuseurs et opérateurs de
bouquets de chaînes satellitaires. Cette situation liée à
la tendance à l'intégration verticale relevée ci-dessus
porte en germe des pratiques anti-concurrentielles qu'il appartient au
législateur de prévenir.
Il lui appartient aussi d'encourager les convergences nécessaires afin
de favoriser les synergies entre les matériels de décodage
à la disposition des consommateurs et d'orienter le marché vers
la généralisation d'un boîtier unique de décodage
permettant une parfaite égalité de concurrence entre les
opérateurs.
2. Des annonces
L'entrée en fonctions de Mme Catherine Trautmann a
été marquée par une succession d'annonces qui, à
défaut de démontrer une parfaite connaissance des dossiers,
trahissent le désir de " faire quelque chose " et la prise
de
conscience progressive de l'ampleur des problèmes que pose la
révision de la loi du 30 septembre 1996 sur la liberté de
communication.
·
Une première vague de déclarations à l'emporte
pièce
- Mme Trautmann a estimé le 8 juin dernier, au Grand Jury
RTL-Le Monde, nécessaire de revenir sur la deuxième coupure
publicitaire des films diffusés à la télévision.
Elle n'a plus, depuis, réabordé la question. Il est vrai que
l'article 73 de la loi de 1986 interdit d'ores et déjà de
pratiquer la seconde coupure.
- Le ministre a aussi préconisé la diminution du seuil de
concentration du capital d'un opérateur de télévision, que
la loi du 1er février 1994 a fixé à 49 %.
Il s'agirait de revenir sur cette disposition en obligeant les
détenteurs du capital de TF1 ou de M6 à ne pas dépasser le
seuil de 25 % fixé précédemment. Or la
décision du Conseil constitutionnel des 10 et 11 octobre 1984 ne
permet au législateur de remettre en cause des situations existantes
intéressant une liberté publique que si ces situations ont
été illégalement acquises, ce qui n'est manifestement pas
le cas, ou si cela est réellement nécessaire pour assurer la
réalisation de l'objectif constitutionnel poursuivi. Il ne peut s'agir,
dans le cas présent, que de l'objectif du pluralisme dans le secteur
audiovisuel. Or le CSA a constaté, lors du récent renouvellement
de l'autorisation de TF1, comme l'article 28-1 de la loi de 1986 l'y invitait,
que cette reconduction ne portait pas atteinte à l'impératif de
pluralisme sur le plan national, ou sur le plan régional et local. La
remise en cause de l'actionnariat de TF1 ou de M6 poserait donc de
sérieux problèmes de constitutionnalité. On ignore dans
quel sens le ministre a, depuis, orienté ses réflexions.
- L'un des objectifs majeurs du ministre semble être la suppression de
l'exclusivité de la transmission satellitaire numérique des
programmes de France 1 et de France 2, accordée à TPS. Cette
exclusivité apparaît comme un moyen efficace d'encourager la
diversification de l'offre de programmes satellitaires francophones. Faut-il la
supprimer et conforter le quasi monopole d'un opérateur sur la
télévision payante en France, sachant que c'est dans le secteur
de la télévision payante que se situe actuellement le potentiel
de développement des entreprises ?
- D'autres propos du ministre ont paru ouvrir des voies plus
intéressantes, en particulier du point de vue de la nécessaire
diversité du paysage audiovisuel ainsi que du point de vue du
pluralisme. C'est le cas de l'idée de créer un statut des
rédactions dans l'audiovisuel. Il est aussi possible de souscrire
à l'idée de rendre plus sévères les conditions du
renouvellement automatique des autorisations délivrées par le CSA
aux opérateurs de radio et de télévision, observation
faite de ce que le Parlement s'est déjà très largement
engagé dans ce sens à l'occasion de l'examen du projet de loi
abandonné en juin dernier.
·
Une démarche mieux maîtrisée
La discussion du projet de budget de l'audiovisuel public à
l'Assemblée nationale le 22 octobre dernier a permis au ministre
d'esquisser une présentation raisonnée, encore que
particulièrement elliptique sur le fond, de la démarche
adoptée pour la modification de la loi du 30 septembre 1986 :
"
Le projet de loi qui avait été soumis à votre
assemblée par M. Douste-Blazy, mon prédécesseur, a
été abandonné car il ne permettait pas d'apporter des
réponses, pourtant indispensables vous l'avez vous-même
rappelé, s'agissant de l'intégration de la directive
" Télévision sans frontière " dans le droit
français et de l'instauration d'un régime pour le satellite. Ce
projet aurait été une sorte de piège à amendements,
sans que nous puissions examiner les questions au fond.
Mon ambition est de traiter les cinq grandes questions actuelles qui ont
été évoquées : la concurrence, en particulier
sous l'angle d'une forme de régulation économique : le
pluralisme et l'indépendance à l'égard du pouvoir
économique ; le périmètre et l'organisation du
service public, intérieur et extérieur ; la convergence de
l'audiovisuel et des nouveaux services ; enfin, les
télévisions régionales ou locales, qui sont
également l'un des défis que nous devons relever.
Nous souhaitons arriver le plus rapidement possible à un cadre
législatif et réglementaire stable. Je n'ai pas la
prétention de vouloir faire la loi qui permettra de régler la
situation pour les cinquante prochaines années, car la technologie
avance vite. Mais je pense que nous devons stabiliser le secteur, lui permettre
de se développer et lui donner un cadre particulièrement
propice.
"
Cela paraît annoncer un travail d'une certaine ampleur, ce dont votre
rapporteur ne peut naturellement que se réjouir. Il regrette en revanche
que l'urgence de fixer certaines situations et de combler les vides juridiques
ne soit guère prise en compte en dépit des appels lancés
au gouvernement par les voix les plus autorisées.
·
Les calendes grecques
Votre rapporteur n'est pas seul à considérer la
présentation d'un projet de loi comme une nécessité
urgente. Auditionné par votre commission le 14 octobre dernier, M.
Hervé Bourges, président du CSA, a présenté les
observations suivantes : le CSA n'a pas encore été
associé à l'élaboration du projet de loi sur l'audiovisuel
qui, au demeurant, ne paraît pas encore très avancée. A la
connaissance de M. Hervé Bourges, il avait été
envisagé de déposer ce texte sur le bureau de l'Assemblée
nationale en décembre. Il semble que ce dépôt ne soit plus
considéré comme une priorité et que l'examen du projet ne
soit désormais programmé qu'entre le printemps et la fin de 1998,
ce qui pose de graves problèmes compte tenu des " zones de
non-droit " qui se sont révélées. Le cabinet du
Premier ministre a été informé de ces difficultés.
Il semble que le message ne soit pas passé, puisque la
présentation d'un texte n'aurait lieu à l'Assemblée
nationale qu'avant l'été 1998, si le ministère ne juge pas
d'ici là nécessaire d'approfondir encore la réflexion ...
3. De l'audace !
Dans son intervention à l'Assemblée nationale du
22 octobre, Mme Catherine Trautmann exprimait sa crainte que l'examen
prématuré d'un projet de loi modifiant la loi du 30 septembre
1986 ne déclenche
" une sorte de piège à
amendement sans que nous puissions examiner les questions au
fond ".
Il importe, pour prévenir ce piège, que le projet de loi traduise
une vision audacieuse de l'avenir de la communication audiovisuelle. C'est
souvent la pusillanimité des gouvernements devant les remises en
question inéluctables, qui déclenche les batailles d'amendements
dans le secteur audiovisuel.
Il serait donc opportun qu'au delà des ajustements urgents
énumérés ci-dessus, le futur projet de loi aborde deux
domaines au moins, dont le caractère crucial pour l'évolution du
paysage audiovisuel français appelle de la part du gouvernement et du
législateur de l'imagination, de la réactivité, de
l'audace.
a) L'ouverture du marché de la diffusion
·
La diffusion numérique hertzienne
terrestre
La diffusion hertzienne terrestre reste à l'écart de la
numérisation bien qu'elle soit le vecteur unique d'accès à
la télévision et à la radio pour 90 % des foyers
français qui, sauf à s'équiper d'une antenne parabolique,
sont maintenus à l'écart de la révolution de la
communication audiovisuelle.
La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre présenterait
pourtant de nombreux avantages.
Du point de vue du consommateur, il y a bien sûr la multiplication et la
diversification des services, propre à la numérisation quelque
soit le vecteur de diffusion.
En France, sur les six réseaux qu'il est possible d'établir dans
les bandes de fréquences de radiodiffusion, celles que gère le
CSA, il serait possible d'offrir une trentaine de services traditionnels ou
novateurs à quelque 80 % de la population à partir des
infrastructures existantes et à la seule condition pour les
consommateurs de se procurer un décodeur (il n'est pas nécessaire
de modifier l'antenne " râteau "), en attendant que la
fabrication en série de postes de télévision
numérique " intégrés " permette à chacun
d'accéder au meilleur coût à l'ensemble des services
nouveaux interactifs associés ou nom aux programmes traditionnels de
télévision. Ajoutons que la diffusion numérique
permettrait la portabilité des terminaux, et, dans certaines conditions,
leur mobilité.
Du point de vue des pouvoirs publics, la numérisation de la diffusion
hertzienne terrestre rendrait possible une gestion beaucoup plus rationnelle de
la ressource en fréquences. Elle permettrait en particulier, à
terme, de récupérer des fréquences de radiodiffusion afin
de les affecter à d'autres usages, en particulier la
téléphonie mobile dont le développement est freiné
par la rareté des ressources de diffusion. Or, on sait que la
téléphonie mobile est actuellement le premier vecteur du
développement des télécommunications. Ajoutons que la
cession des droits d'usage des fréquences pour des applications de
télécommunications procurerait à l'Etat des ressources
qu'il pourrait réaffecter au secteur audiovisuel dans le cadre du repli
inéluctable, comme on a vu ci-dessus, de la politique
réglementaire de soutien aux industries françaises de
l'audiovisuel.
En outre, le développement de la diffusion hertzienne terrestre
numérisée freinerait dans une certaine mesure ce repli qui
devrait avoir lieu principalement sous la pression du développement de
la diffusion satellitaire numérique et des facilités de
pénétration du territoire français que celle-ci offre aux
chaînes étrangères, en particulier non-européennes.
En fait, la diffusion hertzienne terrestre numérisée
représenterait, avec la diffusion multiplexée par micro-ondes
(MMDS), un moyen facile d'étendre à l'ensemble du territoire le
bénéfice de la révolution numérique.
Or rien n'est fait ou presque pour susciter la transition de l'analogique vers
le numérique dans ce secteur. Une réflexion a été
lancée avec la remise, en mai 1996, d'un rapport de M. Philippe
Lévrier sur la numérisation de l'hertzien terrestre. Ce rapport
estimait que l'introduction de la télévision numérique
terrestre sur le marché grand public pouvait intervenir autour des
années 1998-1999, à la condition de lancer la fabrication en
série des téléviseurs intégrés.
Des groupes de travail se réunissent sur les problèmes que posent
les fréquences et sur le téléviseur numérique, en
revanche, aucune réflexion n'est menée avec les acteurs
intéressés sur l'élaboration du cadre juridique de la
diffusion numérique.
Pourtant, la loi du 30 septembre 1986 est absolument impropre à
offrir un cadre juridique au numérique hertzien terrestre. Axée
sur le rôle des diffuseurs-éditeurs, elle permet seulement
l'attribution d'une fréquence à un diffuseur pour un service,
alors qu'avec la numérisation, chaque fréquence pourra diffuser
quatre à cinq services, et que le titulaire de l'autorisation devrait,
dans la plupart des cas, ne plus être un diffuseur-éditeur, mais
un " ensemblier " constituant un bouquet de services. Il
importera
d'encadrer l'activité de ce nouvel opérateur et de définir
ses relations avec les éditeurs des services du bouquet afin de
préserver le pluralisme de l'offre des services audiovisuels.
Qu'est-ce qui explique l'atonie du gouvernement dans ce domaine crucial ?
Il s'agit vraisemblablement du peu d'intérêt des diffuseurs
hertziens français pour la numérisation de ce vecteur, compte
tenu de leurs résultats commerciaux et financiers satisfaisants et de
leur choix de porter leurs efforts vers la télévision
satellitaire numérique qui présente actuellement pour eux les
menaces les plus sérieuses en termes de concurrence.
Par ailleurs, les industriels de l'électronique grand public, encore
marqués par les avatars de la télévision à haute
définition, ne paraissent pas désireux de prendre des risques sur
le numérique hertzien terrestre.
Or, pendant ce temps, la Grande-Bretagne se prépare depuis 1996 à
opérer à l'horizon de 1999 le déploiement sur l'ensemble
de son territoire de six bouquets numériques de quatre à cinq
chaînes, le lancement débutant en 1998. La fermeture du
réseau analogique aurait lieu dans dix ans.
Quant aux Etats-Unis, ils précèdent là aussi le mouvement,
puisque tous les diffuseurs hertziennes terrestres devront émettre en
numérique en 2003 et que l'arrêt de la diffusion analogique
hertzienne terrestre est prévue en 2006.
·
La concurrence entre prestataires techniques de diffusion
Votre rapporteur s'interroge sur la pertinence du maintien du monopole que
l'article 51 de la loi du 30 septembre 1986 attribue à TDF pour la
diffusion des programmes des sociétés nationales de
programmes : Radio France, France 2 et France 3, RFO et RFI.
Les dirigeants de ces sociétés, parfois orfèvres en la
matière, en tant qu'anciens dirigeants de TDF, s'insurgent contre les
tarifs que le prestataire technique leur impose dans le cadre du monopole.
On peut se demander, d'ailleurs, quelle sera la portée de ce monopole
avec la diversification croissante des modes de diffusion. La diffusion des
programmes de France Télévision dans le bouquet TPS, par le
système Eutelsat, ne contredit-elle pas, en démontrant son
obsolescence, un monopole qui, selon les termes de la loi, s'applique à
"
la diffusion et la transmission, en France et vers l'étranger,
par tous procédés de télécommunications, des
programmes
" ?
b) Les pouvoirs du CSA
Auditionné par votre commission le 14 octobre dernier,
M. Hervé Bourges a estimé, à la lumière de
l'affaiblissement progressif des réglementations françaises
encadrant la diffusion audiovisuelle, nécessaire d'inventer une autre
manière, moins détaillée, plus adaptable, plus
régulatrice que réglementaire, d'encadrer l'évolution du
marché audiovisuel. Il s'agirait de moduler les obligations des
diffuseurs en fonction des réalités du marché à un
moment donné.
Il a illustré cette proposition avec l'exemple d'un projet de
chaîne thématique pour enfants qui se trouvent dans
l'impossibilité de satisfaire aux obligations de quotas de diffusion
faute de programmes français en quantité suffisante sur le
marché. Le CSA ne pouvant par conséquent conventionner cette
chaîne, celle-ci pourrait demander son conventionnement dans un pays
étranger, ce qui lui donnerait la possibilité d'être
reprise sur le câble français avec des obligations de contenu
beaucoup moins rigoureuses. Dans ces conditions, il aurait été
souhaitable que le CSA ait la possibilité de négocier avec cette
chaîne des conditions particulières de diffusion d'oeuvres
d'expression originale française. La possibilité prévue
par la loi d'étaler sur cinq ans l'application de la
réglementation des quotas est insuffisante pour permettre le
conventionnement de la chaîne, a indiqué M. Bourges.
M. Hervé Bourges a précisé qu'il convenait pour
répondre à de telles situations de reconnaître au CSA
l'exercice d'une nouvelle fonction de " régulation
économique ". Le conseil tente dès à présent
d'orienter dans ce sens son action, assurant, en particulier dans le domaine de
la radio, une " veille anticoncentration " qui a conduit à
adopter une attitude très ferme vis-à-vis du groupe
Lagardère qui dépasse actuellement le seuil anticoncentration
fixé par la loi. Il serait nécessaire, selon M. Bourges,
d'étendre ce type de régulation à l'ensemble du
marché audiovisuel. Le CSA, qui dispose d'une expérience en la
matière, est prêt à assurer cette responsabilité. Il
a engagé une réflexion sur ce thème et présentera
prochainement des propositions précises susceptibles de conduire la
mutation de notre système audiovisuel.
Le CSA fait indéniablement face à une situation difficile pour
lui dans la mesure où l'essentiel de son activité est
dirigée vers un contrôle de l'accès aux ressources de
diffusion dont l'importance va régresser avec la montée en
puissance de la diffusion satellitaire ; vers un contrôle des
contenus qui va perdre son impact pour les mêmes raisons et du fait de
l'interprétation de plus en plus libérale de la portée de
la directive télévision sans frontière, comme on a vu
ci-dessus ; vers un contrôle des entreprises relevant de la
compétence française, qu'il faudra desserrer pour permettre
à celles-ci de faire face à une concurrence bientôt
exacerbée par la facilité technique des délocalisations
opérées sur le couvert juridique de principe de liberté de
la diffusion des programmes dans l'Union européenne.
Votre rapporteur approuve l'idée d'une " remise à
plat " du contrôle à la française, tout en notant
l'imprécision des solutions de remplacement proposées par M.
Hervé Bourges. La notion de régulation implique, semble-t-il, un
moindre degré de précision des prescriptions législatives
et réglementaires. En supposant contourner l'obstacle de l'article 21 de
la constitution, qui interdit l'octroi à une autorité
administrative indépendante de ce qui ressemblerait à un pouvoir
réglementaire de fait, cette évolution n'en présenterait
pas moins de graves inconvénients. Il faut rappeler que la loi et le
règlement, en encadrant de façon parfois rigide l'activité
des opérateurs économiques, leur offre une protection contre la
politique de " coup par coup " et les risques d'arbitraire
sous-jacents à la notion de régulation. En outre, la
régulation économique suppose l'élaboration
préalable d'une conception de l'évolution souhaitable du secteur
régulé, ce qui est du ressort de l'autorité politique et
non d'une administration indépendante.
Ajoutons que dans de nombreux domaines, la loi interne restera incontournable.
Ainsi, la rareté persistante des ressources de diffusion sur le spectre
hertzien terrestre assure la pérennité du régime
d'autorisation d'usage des fréquences et garantira par conséquent
aux pouvoirs publics la possession d'un instrument permettant
d'infléchir l'évolution du paysage audiovisuel et radiophonique.
Au demeurant et en ce qui concerne les domaines législatifs et
réglementaires menacés par l'irruption technologique, la taille
du marché français est suffisamment importante pour que les
chaînes restent incitées à s'établir sur le
territoire français et à se plier à une
réglementation dont les aspérités les plus manifestes
seraient rectifiées.
En ce qui concerne les pouvoirs du CSA, l'audace devrait donc moins conduire
à démanteler une réglementation qui a montré son
utilité, qu'à assumer la spécificité
française et à ajuster certaines règles
législatives en fonction des réalités présentes. En
ce qui concerne par exemple le quotas de production d'oeuvres
cinématographiques et audiovisuelles, rien ne semble actuellement
imposer le démantèlement des obligations d'investissements
instituées par le décret du 17 janvier 1990 en application de
l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986. Il serait en revanche possible de
faciliter l'exécution de ces obligations en élargissant la
définition des dépenses susceptibles d'être prises en
compte. Les producteurs continueraient de bénéficier d'une source
de financement utile et les diffuseurs auraient une plus grande latitude pour
alimenter leurs grilles de programmes en fictions dans un cadre
répondant toujours à des objectifs d'intérêt public.
c) Le raffermissement du secteur public
Dans son rapport pour avis sur les crédits de
l'audiovisuel public pour 1997, votre rapporteur avait longuement
étudié les problèmes que pose l'exercice effectif par
l'Etat de ses responsabilités d'actionnaire à l'égard des
chaînes publiques. Il avait en particulier conclu à la
nécessité de définir de façon précise les
missions de chaque chaîne dans des cahiers des charges refondus.
Il avait aussi conclu à la nécessité de prévoir la
conclusion entre l'Etat et chaque organisme de contrats pluriannuels
d'objectifs.
Votre rapporteur notait à cet égard que le contrôle des
organismes de l'audiovisuel public est exercé essentiellement à
l'occasion de la procédure budgétaire. Initiée dans le
cadre de la concertation interministérielle, suivie par les conseils
d'administration, clôturée par le Parlement, celle-ci permet de
poser l'ensemble des problèmes et des perspectives de l'audiovisuel
public, mais dans une logique moins économique et fonctionnelle
qu'étroitement financière, et dans des conditions invariablement
perturbées par la régulation budgétaire. Ce sont en fait
de véritables points de repères exprimés sous la forme de
missions sériées et d'objectifs définis, qui manquent
à l'exercice d'un contrôle efficace.
Tout en insistant sur la nécessité d'émonder les cahiers
des charges des chaînes afin d'identifier quelques missions essentielles
traduisant la notion de mission d'intérêt général du
secteur public, votre rapporteur constatait l'opportunité de recourir
aussi à l'instrument des contrats d'objectifs.
De fait, la conclusion de contrats d'objectifs entre les responsables des
chaînes et les tutelles concernées, y compris le ministère
des finances, paraît le préalable indispensable à toute
restauration du contrôle des organismes de l'audiovisuel public. Il
conviendrait d'envisager ces différentes adaptations à l'occasion
de la discussion du prochain projet de loi.
Votre rapporteur croit enfin nécessaire de donner au président de
France Télévision les moyens d'exercer dans de meilleures
conditions son rôle de coordination, d'impulsion et de
développement des chaînes. Ceci suppose qu'il soit mis fin
à l'" union personnelle " de France 2 et de France 3 et
que la présidence commune soit organisée dans le cadre d'une
société holding dont les missions propres seraient clairement
définies par les textes fondateurs. En 1996, l'affaire des contrats des
animateurs-producteurs avait illustré les effets pervers d'une
répartition ambiguë des pouvoirs de direction entre les deux
chaînes et une présidence commune censée prendre en charge
les intérêts spécifiques d'un groupe qui n'existe pas sur
le plan juridique.
C. L'AUDIOVISUEL PUBLIC FACE À LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE
Le secteur public va subir de plein fouet les conséquences du basculement dans l'ère numérique évoquées ci-dessus, avec l'inconvénient, par rapport aux opérateurs privés, d'une moindre faculté d'adaptation au changement du contexte.
1. L'insertion dans l'économie du numérique
Trois aspects doivent être envisagés de façon particulièrement attentive.
a) La stratégie " industrielle "
On a vu que face à la diversification des
métiers de l'audiovisuel, et en raison de la nécessité
d'un accès facile aux catalogues de droits de diffusion, les groupes
audiovisuels nouaient des alliances et s'engageaient dans un processus de
concentration verticale leur permettant de s'assurer la maîtrise
technique et commerciale des différentes étapes de la
chaîne de production. Une chaîne de télévision ne
peut désormais se rencogner sur son statut de diffuseur-éditeur
sans s'exclure de la dynamique de développement de la communication
audiovisuelle.
Or, il est clair que l'entrée dans une stratégie d'alliance avec
d'autres opérateurs, y compris privés, ne correspond guère
à la culture du secteur public. Il n'est qu'à considérer
les polémiques provoquées par les accords passés avec le
bouquet satellitaire TPS, pour se convaincre de cette difficulté.
b) L'explosion de l'offre
Ce n'est plus la détention d'une capacité de
diffusion, pour laquelle les chaînes publiques disposent actuellement
d'un privilège, qui fera la différence entre les
opérateurs, mais la qualité et la diversité des contenus,
la capacité de développer des programmes ciblant certains
publics, celle d'exploiter de nouveaux formats, d'élaborer de nouveaux
services associés ou non aux programmes de télévision.
La télévision publique devra donc manifester capacité
d'innovation et " réactivité ", et disposer des moyens
financiers nécessaires au développement des pôles
d'excellence qui lui permettront de poursuivre l'exécution de sa mission
dans un paysage audiovisuel de plus en plus encombré.
c) Le financement
On a vu dans la première partie du présent rapport que l'avenir de la redevance poserait bientôt problème. Quelles seront les ressources de remplacement ? Par ailleurs, le marché publicitaire n'assurera plus à l'avenir aux chaînes des recettes aussi abondantes et croissantes que par le passé. Les chaînes publiques subiront le contrecoup de la stagnation probable de cette ressource. Dès lors, est-il imaginable qu'à l'exemple des chaînes privées, les organismes publics cherchent dans les ressources procurées par l'abonnement et par le paiement à la séance ou au service consommé, les moyens de leur développement ? Ceci paraît très difficilement conciliable avec la mission spécifique de l'audiovisuel public. Par conséquent, le budget de l'Etat pourrait être à terme la source de financement principal la plus probable des organismes, ce qui ne serait pas sans incidences sur la nature des programmes. Le mode de financement mixte, dont nous connaissons aujourd'hui l'apogée, va devoir être réexaminé.
2. Un préalable : préciser la mission du secteur public dans le nouveau paysage audiovisuel
Les problèmes évoqués ci-dessus ne peuvent être résolus qu'au regard d'une vision claire de la mission de l'audiovisuel public.
a) La situation actuelle
Elle est très insatisfaisante. On s'installe, et le
projet de budget de 1998, éclairé par les déclarations du
ministre de la communication, le confirme, dans un clivage entre le secteur
public de qualité, représenté par Arte et La
Cinquième, et le secteur grand public, représenté par
France 2 et France 3.
M. Hervé Bourges constatait, en auditionnant les responsables de France
Télévision le 18 juillet dernier à l'occasion de
l'examen des bilans de 1996, que France 2
" continue de
connaître des problèmes d'identité, peut-être plus
encore que d'image "
et faisait état d'un
" divorce
entre le volume réel d'émissions d'information, de culture et de
services que la statistique dénombre, et la perception qu'en a
l'opinion. "
Il est de fait que l'image de la chaîne se manifeste plus dans
l'émission phare qui précède les nouvelles de
20 heures que dans les émissions culturelles diffusées aux
alentours de minuit. Et l'on ne saurait considérer une programmation de
première partie de soirée qui hésite
pathétiquement, au gré des variations de l'audimat, entre le jeu
traditionnel et le succédané de débat de
société, comme emblématique des missions du service public.
Il est vrai que sur France Télévision, la distraction et les jeux
font appel plus à la culture qu'à l'appât du gain, disait
un prédécesseur de l'actuel président, considérant
que la mission de service public était ainsi assurée. A ce sujet,
on se joint aux doutes exprimés de longue date par de bons esprits
à l'égard de la valeur culturelle des jeux
télévisuels :
" Les demi-cultivés (ou demi-barbares) de l'ère de
l'audiovisuel. Quand on suit à la radio ou à la
télévision un des innombrables jeux radiophoniques, on est
frappé de la proportion somme toute élevée des
réponses justes, considérablement plus grande en moyenne qu'elle
ne l'eût été il y a cinquante ans. Mais on pressent en
même temps que ces connaissances ponctuelles n'ont aucune tendance
à s'organiser en réseaux cohérents. L'esprit de leur
possesseur fait penser à un cartographe du relief qui, disposant d'un
assez grand nombre de points cotés, n'aurait aucune notion de la
manière de les joindre par des courbes de niveau ".
4(
*
)
Le clivage de plus en plus manifeste entre la télévision de niche
et la télévision de masse au sein de l'audiovisuel public, dont
le ministre de la communication paraît confirmer implicitement la
perpétuation par ses déclarations et à travers son projet
de budget, ne saurait perdurer sans déboucher sur une profonde mise en
cause de la légitimité de programmes alignés sur ceux de
la télévision privée. Il convient de dénouer
l'enchaînement des démissions et des contradictions.
b) Quelles missions pour l'audiovisuel public ?
Votre rapporteur ne prétend pas esquisser en quelques
phrases et au détour d'un avis budgétaire une
" refondation " du service public ! Aussi se
contentera-t-il de
formuler quelques remarques.
Tout d'abord, il importe d'aborder le problème des missions de
l'audiovisuel public non pas sous l'angle rhétorique, mais d'un point de
vue pratique : quelles grilles de programme diffuser ?
La lecture de la brochure diffusée récemment sous le titre
" Orientations stratégiques de France 2 " n'incite pas
à l'optimisme à cet égard.
Quelques citations :
" La stratégie de l'antenne de France 2 se construit autour
d'une double mission de renforcement de la cohésion sociale et
d'enrichissement de l'identité culturelle commune.
France 2 exerce cette mission de service public dans le respect de ses
valeurs fondamentales.
L'identité de ses programmes se construit autour de trois axes
majeurs : être la chaîne exemplaire de l'information,
être la chaîne du divertissement de qualité, être la
chaîne de la création "
(page 7)
" Elle participe ainsi à l'enrichissement de l'imaginaire
collectif. En effet, la télévision propose de manière plus
ou moins explicite des systèmes de valeurs et des modèles
culturels, qui contribuent à façonner nos comportements et nos
modes de vie. France 2 doit être particulièrement consciente
de cette responsabilité, notamment du fait de sa large
audience ".
(page 9)
" Le respect de ces principes doit nous permettre de développer
un " esprit France 2 ", positif et convivial,
reconnaissable par
les téléspectateurs au travers de la diversité des
programmes de la chaîne, diversité qui constitue une de ses
premières richesses ".
(page 13)
Tout ceci ne contribue guère à éclairer le citoyen
contribuable sur les missions de la télévision publique et sur
les stratégies définies afin de remplir celles-ci.
Votre rapporteur considère que les missions doivent être
progressivement redéfinies en tenant compte des réponses que
l'Etat donnera aux questions que pose l'insertion des organismes dans
l'économie du numérique : quels types de structures et
d'alliances sont acceptables, quelles diversifications, quels financements.
Si l'on veut sortir de la logique discursive des actuels cahiers des charges,
dont les " orientations stratégiques " de France 2 sont
un avatar un peu caricatural, il faut en effet associer intimement la
définition des missions et celle des moyens. Une réflexion
d'envergure ouverte à l'ensemble des acteurs intéressés,
et au premier abord au Parlement, est donc nécessaire.
Aussi votre rapporteur relèvera-t-il à ce stade une seule
certitude, en ce qui concerne la légitimité présente et
à venir des chaînes publiques, il s'agit de leur contribution
à l'information des Français, de l'apport que représente
pour le débat démocratique le potentiel de rédactions
nombreuses et actives, il s'agit enfin de la garantie qu'implique pour le
pluralisme de l'information la diversité de chaînes
généralistes attirant encore, et pour quelque temps sans doute,
la majeure partie du public de la télévision.
Voilà pourquoi, au terme de son exposé, votre rapporteur tient
à exprimer sa satisfaction à l'égard des initiatives que
le président de France Télévision a déjà
prises ou pourrait prendre afin de renforcer l'information dans les programmes
des chaînes. C'est une part essentielle de la légitimité de
celles-ci qui est ainsi prise en compte.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une séance tenue le mercredi 12 novembre
1997 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a
examiné le
rapport pour avis de M. Jean-Paul Hugot sur les
crédits de la communication audiovisuelle
inscrits dans le projet de
loi de finances pour 1998.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Michel Pelchat
a posé la question de l'évolution du
système de la redevance. Les futurs modes de réception des
programmes de télévision, tels que les moniteurs d'ordinateurs,
n'y seront pas soumis. Or l'avenir de l'audiovisuel public serait compromis si
la redevance était remplacée par des ressources
budgétaires.
Il a porté un jugement critique sur le rapprochement des fichiers de la
taxe d'habitation et du fichier de la redevance, estimant que les
prévisions de recettes supplémentaires attendues de ce
rapprochement ne seraient pas réalisées et qu'il en
résulterait nécessairement une augmentation de la part de la
publicité dans le financement des budgets des organismes publics en 1998.
Il a estimé que l'application anticipée de la fusion de la Sept
Arte et de La Cinquième, avec la nomination d'un président
commun, avait créé une situation juridique extravagante,
spécialement concernant le statut du personnel.
Il a regretté que rien ne soit fait en faveur du développement de
la diffusion hertzienne terrestre numérique, du développement de
la radio numérique, de l'amélioration des conditions de
fonctionnement du CSA, du câble, estimant que l'absence de prise en
compte de ces problèmes à l'occasion de la procédure
budgétaire traduisait une regrettable carence du Gouvernement.
Mme Danièle Pourtaud
s'est félicitée de
l'augmentation de la part des ressources publiques dans le financement des
organismes audiovisuels et a espéré que le Sénat
soutiendrait cette évolution. Elle a exprimé sa surprise à
l'égard de la critique par le rapporteur pour avis du traitement
favorable réservé à La Cinquième et la Sept Arte,
estimant qu'il s'agissait d'un rattrapage des mesures qui avaient frappé
les programmes de ces chaînes dans le budget de 1997, et que les sommes
supplémentaires allouées l'année prochaine seraient
directement répercutées vers le secteur de la production.
Elle a rappelé, pour le regretter, que le précédent
Gouvernement avait anticipé dans le budget de 1997 une fusion qui
n'avait été ni débattue ni votée par le Parlement.
Elle a justifié la poursuite de la réflexion du Gouvernement sur
le contenu du projet de loi sur la communication audiovisuelle annoncé,
en mettant en avant la nécessité d'étudier de façon
approfondie, compte tenu de l'ampleur des enjeux, les mesures à prendre.
Elle a estimé que dans ces conditions le report du dépôt du
projet de loi était justifié.
Elle a enfin relevé quelques insuffisances dans le projet de budget, en
particulier l'absence de mesures nouvelles permettant à France 2 et
à France 3 de poursuivre le développement de chaînes
thématiques telles que la chaîne des régions, et elle a
exprimé son accord sur la nécessité de réaliser une
programmation pluri annuelle des ressources afin de faciliter le
développement industriel des organismes publics.
M. André Diligent
a demandé au rapporteur pour avis si les
encaissements de recettes publicitaires de France 3 étaient très
en retard par rapport aux prévisions. Il a regretté que les
mesures d'audience n'aient pas une dimension qualitative, et il a enfin
estimé qu'il serait utile d'effectuer une véritable " mise
à plat " de l'ensemble des problèmes posés par
l'évolution de l'audiovisuel public.
Mme Danièle Pourtaud
, reprenant la parole, a demandé s'il
était légitime que les chaînes hertziennes privées
en clair soient diffusées par satellite de façon cryptée
et où en étaient les négociations en cours pour la
conclusion d'accords de " simulcrypt ".
M. Michel Pelchat
a estimé qu'à cet égard la
solution idéale serait que les chaînes publiques diffusées
par satellite puissent être reçues avec une seule parabole.
En réponse aux questions des intervenants, M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis, a présenté les observations suivantes :
- les interventions des membres de la commission ont montré que la
présentation d'un projet de loi modifiant la loi sur la liberté
de communication revêtait un caractère d'urgence ;
- l'évolution du régime juridique de la redevance va poser des
problèmes difficiles avec la diversification des modes de
réception des programmes télévisés. D'ores et
déjà, le Gouvernement allemand a exonéré les
écrans d'ordinateurs de la redevance ;
- le rapprochement des fichiers de la taxe d'habitation et de la redevance a
été autorisé en 1996 ; il semble avoir eu un effet positif
sur l'assiette de la redevance ;
- le rapport Bloch-Lainé sur l'audiovisuel public avait
préconisé la réalisation d'économies dans les
budget d'Arte et de La Cinquième grâce à la meilleure
circulation des programmes à l'intérieur de l'ensemble du secteur
public. Cette orientation n'a guère été suivie ;
- le développement du câble et la révision des pouvoirs du
CSA mériteraient des initiatives rapides, c'est cependant une question
qui déborde le cadre de l'examen du projet de budget, ce qui ne fait que
confirmer l'urgente nécessité d'un projet de loi sur la
communication audiovisuelle ;
- la part de financement public des organismes audiovisuels baissera en fait en
1998 de quelques dixièmes de points par rapport à 1997 ;
- les négociations sur le " simulcrypt " progressent entre les
opérateurs intéressés sans que la commission dispose
d'informations sur leur degré d'avancement ;
- le président de France Télévision a indiqué que
les recettes publicitaires de France 3 avaient fortement fléchi par
rapport aux objectifs budgétaires jusqu'à ces dernières
semaines. Un rattrapage semble cependant se profiler ;
- l'élaboration d'un audimat " qualitatif " est une revendication
ancienne des chaînes à faible taux d'audience. Cette question
pourrait faire l'objet d'une réflexion plus approfondie que cela n'a
été le cas jusqu'à présent ;
- une mesure nouvelle de 15 millions de francs est prévue dans le budget
de Radio France en faveur de la radio numérique DAB (digital audio
broadcasting) ;
- un audit est en cours sur le contenu et les perspectives de la radio pour les
jeunes de Radio France.
Mme Danièle Pourtaud
a précisé à cet
égard, en qualité de membre du conseil d'administration de Radio
France, que le développement de la radio pour les jeunes était
actuellement limité par la difficulté de trouver de nouvelles
fréquences et par celle d'augmenter un budget qui atteint
déjà 25 millions de francs.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis
, a noté que le rapport
Bloch-Lainé avait mis en évidence la difficulté
qu'éprouve Radio France à redéployer ses moyens vers des
actions nouvelles.
Au terme de cette discussion, la commission a décidé de donner un
avis défavorable à l'adoption des crédits de
l'audiovisuel public pour 1998.
1
Il est nécessaire d'ajouter
429 millions de francs aux 17 milliards de francs du budget
voté de 1997 pour effectuer les comparaisons sur des séries
homogènes : le projet de budget pour 1998 intègre en effet
l'activité de production exécutive de France 3 ainsi que les
versements de France 2 et de France 3 au compte de soutien à
l'industrie des programmes.
2
Le directeur financier de la Sept a été nommé
parallèlement directeur financier de La Cinquième,
décision que le lecteur attentif du rapport Bloch-Lainé ne
manquera pas de mettre en parallèle avec les appréciations
inégalement élogieuses que ce rapport porte sur la gestion
financière de chaque chaîne.
3
Lors de son audition par votre commission,
M. Jérôme Clément a relevé que les
" citadins masculins et éduqués " étaient plus
représentés dans le public d'Arte et de La Cinquième que
dans la moyenne nationale.
4
Julien Gracq, Carnets du grand chemin, p. 282, José
Corti.