AVIS n° 86 - Tome I - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - CULTURE


M. Philippe NACHBAR, Sénateur


COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES - AVIS n° 86 Tome 11997/1998

Table des matières






N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

CULTURE

Par M. Philippe NACHBAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 8 ) (1997-1998).

Lois de finances .

Mesdames, Messieurs,

Le budget du ministère de la culture s'élèvera en 1998 à 15,109 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement soit une progression de 3,8 % par rapport à la loi de finances pour 1998.

Cette augmentation des crédits du ministère de la culture, qui s'effectue à structure constante, doit être mesurée à l'aune de celle du budget de l'Etat, limitée à 1,36 %.

Elle permet d'apprécier le caractère prioritaire donné à la culture. L'abandon de la rigueur imposée au nom d'une politique de maîtrise des dépenses publiques permet notamment un effort en faveur du patrimoine monumental. L'année dernière, la commission avait souligné les conséquences fâcheuses que la réduction des dotations prévues au titre de la loi de programme était susceptible d'entraîner pour notre patrimoine comme pour la situation des entreprises du secteur de la restauration des monuments historiques, en terme d'emploi et de perte des savoir-faire.

Le retournement de tendance que traduit le budget constitue incontestablement un motif de satisfaction. Par ailleurs, si l'augmentation des crédits du ministère de la culture rompt avec la rigueur, les priorités affichées traduisent la volonté de poursuivre les réformes engagées.

Néanmoins, l'effort accompli pour 1998 ne pourra être considéré comme significatif qu'à condition qu'il s'inscrive dans la durée.

L'objectif du " 1 %  " n'est pas atteint cette année, le budget de la culture ne représentant que 0,95 % des dépenses du budget général. Par ailleurs, en dépit des engagements pris par la ministre en ce domaine, il reste à vérifier que le redressement opéré par le projet de loi de finances ne sera pas remis en cause par des mesures de régulation budgétaire qui constituent malheureusement une tradition constante qui n'a pas été démentie cette année.

*

* *

I. UN EFFORT BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DE LA CULTURE

A. UN EFFORT QUI NE PERMET PAS D'ATTEINDRE LE SEUIL SYMBOLIQUE DU 1 %

1. Une augmentation sensible des crédits de la culture

a) Une croissance de 3,8 % des crédits de la culture

En 1998, le budget du ministère de la culture s'élèvera en dépenses ordinaires et crédits de paiement à 15.109,38 millions de francs, en progression de 3,78 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997 (14.557,33 millions de francs), soit une variation de 552,04 millions de francs.

Si l'on raisonne en termes de moyens d'engagement, c'est-à-dire en tenant compte des autorisations de programmes, et non pas des crédits de paiement, la progression s'établit à 6,77 %.

Il faut souligner que cette comparaison entre la loi de finances initiale pour 1997 et le projet de loi de finances pour 1998 est établie à structure constante. Elle tient compte du fait que les crédits destinés aux interventions culturelles dans le secteur de l'audiovisuel public qui représentaient, en 1997, 568,920 millions de francs sont désormais rattachés aux services généraux du Premier ministre.

Rappelons que le budget de l'Etat en dépenses ordinaires et en crédits de paiement progresse de 1,36 %. Les crédits de la culture bénéficient donc d'une progression supérieure de 2,42 points à la progression moyenne du budget général.

L'effort budgétaire réalisé en 1998 pour la culture apparaît plus nettement encore si l'on établit une comparaison entre le montant régulé des crédits pour 1997 et le projet de loi de finances pour 1998. En effet, après les annulations décidées en cours d'exercice, la variation entre 1997 et 1998 s'élève à 1.114 millions de francs, soit une augmentation de 7,95 %.

Les annulations auxquelles il a été procédé par arrêté du 9 juillet dernier ont porté sur 656,28 millions de francs. Elles ont épargné les crédits de personnel ainsi que les dotations consacrées à l'exécution de la loi de programme sur le patrimoine monumental déjà fortement touchées par la loi de finances pour 1997 . Les crédits d'intervention culturelle relatifs aux actions éducatives et culturelles ont été amputés de 4,4%. En ce qui concerne les autorisations de programme, l'annulation effective de crédits a été de 594,2 millions de francs, des ouvertures de crédits sur le titre VI compensant une partie des annulations intervenues sur le titre V en raison du transfert de la maîtrise d'ouvrage du réaménagement intérieur du centre Georges Pompidou de la mission interministérielle des grands travaux à l'établissement public lui-même.

b) Un souci de transparence

Cette augmentation des crédits consacrés à la culture s'effectue à structure constante .

En effet, notamment en 1996 et en 1997, le ministère de la culture avait bénéficié d'une progression de ses moyens budgétaires qui résultait pour une large part de l'élargissement de ses compétences.

En 1996, les transferts de crédits (1,89 milliard de francs au total) représentaient la quasi - totalité de la progression dont bénéficiait le budget de la culture (soit 1,98 milliard de francs). Ils résultaient du rattachement au ministère de la culture, d'une part, des services de l'architecture dépendant jusqu'alors du ministère de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports et, d'autre part, d'activités gérées par le ministère de la communication (dépôt légal audiovisuel, orchestres de Radio France par exemple) et enfin, de l'élargissement à la Cité des sciences et de l'industrie de la tutelle exercée sur le site de la Villette.

En 1997, l'élargissement des compétences portait sur plus de 900 millions de francs correspondant essentiellement au transfert de la part de la dotation générale de décentralisation afférente aux bibliothèques dont la charge avait été confiée aux collectivités locales dans le cadre de la décentralisation. A structure constante, les crédits de la culture subissaient une diminution de 8,6 % par rapport à 1996, correspondant à 1,34 milliard de francs.

Si ces transferts de compétences ont eu pour effet dans un premier temps d'accroître en termes nominaux le montant des crédits, ils réduisent à terme les marges de manoeuvre dont peuvent bénéficier les autres actions du ministère.

Néanmoins, votre rapporteur souligne que les transferts de compétences opérées lors des deux dernières années n'ont pas été remis en cause et ont contribué à renforcer la cohérence de l'action du ministère de la culture .

Ainsi, le rattachement des services de l'architecture, annoncé en 1995 et rendu effectif en 1997, a consacré le retour au ministère de la culture d'attributions qui lui avaient été retirées en 1978 au bénéfice du ministère de l'environnement et du cadre de vie. La progression des crédits dont ils ont bénéficié en 1997 (+ 17 % en dépenses ordinaires et autorisations de programmes) a démontré la volonté de donner toute son importance à cette nouvelle mission qui, par ailleurs, permet d'enrichir certaines attributions traditionnelles du ministère. La fusion de la direction de l'architecture et de la direction du patrimoine sous l'autorité d'une seule personnalité en 1998 achèvera de donner son sens à ce transfert de compétences.

c) Une marge de manoeuvre accrue par la diminution des crédits affectés aux grands travaux

La décrue des crédits consacrés aux grands travaux se traduira en 1998 par une diminution de crédits de 539,71 millions de francs en dépenses ordinaires et autorisations de programme et de 683,86 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

En effet, le projet de loi de finances pour 1998 ne comprend de crédits relatifs aux grands travaux que pour la poursuite des travaux du Grand Louvre (200 millions de francs d'autorisations de programme et 246,85 millions de francs en crédits de paiement). Cette ouverture de crédits est destinée à permettre la poursuite des opérations correspondant à la deuxième tranche du projet (ailes Denon, de Rohan, Marsan, aménagements complémentaires à réaliser sous la cour du Carrousel et diverses restaurations ponctuelles). Il restera à ouvrir ultérieurement 41,75 millions de francs d'autorisations de programme et 75 millions de francs de crédits de paiement afin d'atteindre le niveau de l'enveloppe globale. La maîtrise d'ouvrage relative à l'achèvement du Grand Louvre sera confiée à l'agence d'ingénierie culturelle dont la création est prévue en 1998.

Rappelons qu'en 1998, la Bibliothèque nationale de France ne nécessitera plus de crédits au titre des grands travaux puisque sa construction est désormais achevée. Le coût total de cette opération s'est élevé à 7,9645 milliards de francs.

2. Un effort qui ne permet pas d'atteindre le seuil du 1 %

a) Le seuil du " 1 % " n'est pas atteint

Réclamée il y a près de trente ans par Jean Vilar, reprise en 1981 par M. Jack Lang, alors ministre de la culture, l'affectation de 1 % des dépenses de l'Etat à la culture reste un objectif gouvernemental : le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale a, en effet, affirmé que " l'objectif du gouvernement est (...) de parvenir progressivement à consacrer effectivement 1% du budget de l'Etat à la culture ".

Le projet de budget pour 1998 devait représenter la première étape vers cet objectif. Pour le prochain exercice, les crédits affectés au ministère de la culture représenteront 0,95% du budget de l'Etat.

Il importe de souligner que cet objectif -largement consensuel- a connu un sort variable selon les exercices budgétaires. Ce seuil fut momentanément atteint dans la loi de finances initiale pour 1993. Néanmoins, l'annulation intervenue au cours de l'année 1993 devait ramener à 0,93 % la part du budget de l'Etat consacrée à la culture. Par ailleurs, le franchissement de ce cap n'avait été possible que grâce aux crédits affectés aux grands travaux parisiens qui excédaient alors 3 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Le " 1% " fut à nouveau atteint dans le cadre de la loi de finances pour 1996, l'accroissement substantiel des crédits de la culture reflétant alors, pour l'essentiel, l'élargissement des compétences du ministère.

b) Un seuil symbolique

Le seuil du 1 % est néanmoins symbolique.

Compte tenu des transferts de compétences intervenus au fil des ans, les comparaisons d'une année sur l'autre n'ont guère de sens. On peut noter, ainsi que si l'on raisonne sur le périmètre d'avant 1994 (soit avant le rattachement de la direction de l'architecture, de la dotation générale de décentralisation et de la Cité des Sciences), le budget pour 1998 ne représente seulement que 0,85% des charges de l'Etat

Par ailleurs, le budget du ministère de la culture n'est pas le seul à supporter le poids de la dépense culturelle assumé par l'Etat . De nombreux autres ministères dans l'exercice de leurs compétences y contribuent également. C'est le cas, notamment, du ministère de l'éducation nationale (rémunération des enseignants des disciplines artistiques dans les établissements scolaires ou supérieurs) et du ministère des affaires étrangères (rayonnement international de la culture française). L'annexe jaune consacrée à l'effort financier de l'Etat dans le domaine culturel fait apparaître que le total des dépenses civiles concernées s'élèvent pour 1998 à 31,798 millions de francs, soit plus du double des crédits inscrits au budget du ministère de la culture . Rappelons pour mémoire que ces dépenses ne représentent que la moitié du financement public de la culture, les collectivités locales fournissant un effort comparable à celui de l'Etat.

B. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS QUI PROFITE ESSENTIELLEMENT AUX DÉPENSES D'INVESTISSEMENT

L'augmentation des crédits du ministère de la culture pour 1998 recouvre des évolutions contrastées.

Les moyens de fonctionnement du ministère ainsi que les dépenses d'intervention connaissent un taux de progression de 2,5 % soit une croissance inférieure à celle du budget du ministère. Les subventions de fonctionnement aux établissements publics, quant à elles, progressent à un rythme comparable : 3,77 %. En revanche, les dépenses en capital, qui sont les principales bénéficiaires de l'effort budgétaire accompli en faveur de la culture, augmentent de 20 %, cette progression profitant essentiellement aux dépenses de restauration et de conservation du patrimoine monumental (+ 39,3 %).

1. Un renforcement des capacités d'action du ministère

a) Les moyens du ministère

Les crédits du titre III (moyens des services) augmentent de 2,6% en 1998. Il s'élèvent à 7,106 milliards de francs.

Les dépenses de personnel : un effort est accompli en 1998 en faveur de l'emploi. Les dotations des chapitres finançant les rémunérations et les charges sociales liées à l'activité des personnels progressent de 2,2%, s'établissant ainsi à 3.032,09 millions de francs. Le total des emplois publics relevant du ministère augmentera de 61 unités, soit 27 créations pour les emplois budgétaires de l'Etat auxquelles s'ajouteront 34 créations nettes sur les budgets des établissements publics.

Les 27 créations d'emplois permettent de solder le plan de stabilisation des vacataires de surveillance, le relais étant pris par les mesures de résorption de l'emploi précaire arrêtées l'an dernier dans le cadre de la loi du 16 décembre 1996.

Les créations d'emplois et les mesures de redéploiement permettront un renforcement des services patrimoniaux des directions régionales de l'action culturelle (15 emplois) et des services de l'architecture (17 emplois).

En ce qui concerne les établissements publics, il faut noter que l'effectif minimum nécessaire à l'ouverture de la Bibliothèque nationale de France (BNF) sur le site Tolbiac en 1998 sera assuré. En effet, après l'ouverture en novembre 1996 du haut-de-jardin qui regroupe les salles de lecture et les espaces d'exposition et de conférences destinés au grand public, les salles de lecture consacrées aux chercheurs (rez-de-jardin) seront inaugurées l'année prochaine, à une date qui reste à déterminer.

Les autres dépenses de fonctionnement s'élèveront à 599 millions de francs (soit + 3,25 %) et bénéficient de mesures nouvelles d'un montant de 21,7 millions de francs. Il s'agit là d'une progression modérée pour des chapitres qui sont régulièrement frappés par des mesures d'annulation et, compte tenu du fait que sur les moyens nouveaux, 8 millions de francs permettront le relogement de la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, rendu nécessaire par le chantier de réhabilitation du Grand-Palais.

Les subventions de fonctionnement aux établissements publics augmentent, à structure constante, de 3,77 % et s'établissent pour 1998 à 3,397 milliards de francs.

Cet accroissement profitera aux écoles d'architecture qui bénéficieront d'une mesure nouvelle de 19 millions de francs. Le montant minimal de crédits nécessaires à l'ouverture du site Tolbiac de la Bibliothèque nationale de France sera assuré, ce qui correspond à une subvention de fonctionnement de 600,286 millions de francs pour 1998.

Un effort particulier sera accompli en direction des établissements d'art lyrique, chorégraphique et dramatique dont le ministère de la culture assure la gestion, qui bénéficient d'une mesure nouvelle de 25 millions de francs dont l'essentiel (17 millions de francs) sera consacré à l'actualisation de la subvention de fonctionnement et de la dotation à la caisse de retraite de l'Opéra national de Paris.

L'établissement public du Grand Louvre bénéficiera d'une augmentation de sa dotation de 4,3 millions de francs correspondant aux dépenses de fonctionnement résultant de l'ouverture au public de nouveaux espaces d'exposition permanente.

Il importe également de souligner la création d'un nouvel établissement public, l'agence d'ingénierie culturelle, dont la subvention de fonctionnement s'élève à 28,75 millions de francs. Cet établissement résulte d'une restructuration des différents pôles de maîtrise d'ouvrage culturelle du ministère. Cette opération se traduit par une économie en emplois et en crédits de 31,5 millions de francs résultant de la suppression de la subvention de fonctionnement et d'emplois non budgétaires de l'établissement public du Grand Louvre (- 37,717 millions de francs) et de l'Agence foncière et technique de la région parisienne (-22,493 millions de francs).

b) Les crédits d'intervention

Ces crédits traduisent traditionnellement les choix opérés par le ministre pour l'orientation de la politique culturelle. Ils s'élèvent pour 1998 à 4,59 milliards de francs soit une progression à structure constante de 2 ,55 % par rapport à 1997 .

Cette progression résulte, d'une part, de l'inscription de 13,13 millions de francs supplémentaires au titre de l'actualisation de la dotation générale de décentralisation des bibliothèques, d'autre part, d'une revalorisation, à hauteur de 29 millions de francs, des crédits de commandes artistiques qui bénéficie notamment au Fonds du patrimoine (+ 13,5 millions de francs) et, enfin, de l'augmentation des dépenses d'intervention culturelle.

Les dépenses d'intervention culturelle s'élèvent pour 1998 à 3,42 milliards de francs soit une progression de 4 % par rapport à la loi de finances pour 1997 et de 7,3 % si l'on tient compte du montant régulé des crédits disponibles pour 1997 . Les mesures nouvelles s'élèvent à 138 millions de francs et devraient s'accompagner d'un important effort de redéploiement notamment de la part des directions du ministère en charge du spectacle vivant.

Il est à noter que les interventions culturelles déconcentrées s'élèvent à 1 ,773 milliards de francs et représentent 52% du montant total des dépenses d'intervention. Cette répartition résulte de la poursuite de la déconcentration et consacre la priorité donnée à l'action en région.

Mme Catherine Trautmann a indiqué que les capacités d'intervention du ministère seront réorientées " afin de favoriser les créateurs les plus dynamiques et de participer pleinement à la démocratisation de l'accès à la culture, à l'éducation artistique, au soutien à l'emploi et à l'aménagement du territoire ".

Afin d'atteindre ces objectifs, elle a indiqué que l'effort budgétaire accompli en 1998 au profit des interventions culturelles s'accompagnerait d'une clarification des relations entre l'Etat et ses partenaires. Celle-ci reposera, d'une part, sur une formalisation des obligations imposées aux réseaux culturels subventionnés dans le cadre d'une " charte du service public " et, d'autre part, sur un développement de la contractualisation avec les collectivités locales notamment grâce à un fonds de contractualisation.

Cette démarche annoncée par la ministre, si elle est inspirée par un souci louable de clarification du cadre des interventions culturelles de l'Etat ne permet guère d'identifier les priorités qui seront retenues en la matière, compte tenu du manque de lisibilité des documents budgétaires.

Votre rapporteur souligne que la présentation des crédits d'intervention du titre IV a été, cette année, à nouveau modifiée afin de distinguer la part des interventions culturelles d'intérêt national (chapitre 43-20) et celle des interventions déconcentrées (chapitre 43-30). Cette nomenclature si elle permet aux services du ministère une plus grande souplesse de gestion, complique l'exercice du contrôle parlementaire . En effet, les modifications qui lui ont été apportées depuis plusieurs années révèlent une tendance à la globalisation de la présentation des crédits.

Elles ont en effet conduit à confondre dans de vastes entités des actions autrefois financées sur des lignes distinctes permettant d'identifier les crédits qui y étaient affectés. Ainsi, par exemple, la fusion sur une seule ligne dite " de développement culturel ", déclinée en crédits centraux et crédits déconcentrés, des mesures destinées aux écoles d'architecture, aux actions en direction des publics scolaires et aux enseignements spécialisés rend difficile la lecture du " bleu ".

C'est donc essentiellement sur le fondement des indications fournies par le ministère que peut être appréciée l'évolution des crédits d'intervention.

Le tableau ci-après rend compte de la progression des crédits d'intervention du titre IV pour chaque direction ou délégation du ministère :

TITRE IV
CRÉDITS D'INTERVENTION DU MINISTÈRE DE LA CULTURE
(développement culturel et enseignements)
Présentation par directions et délégations, hors audiovisuel

(en millions de francs)

LFI 97 (1)

PLF  98

Variation
(en %)

Archives 13,6 15,1 + 11
Livre et lecture (2) 1 037 1 051 + 1
Patrimoine 136,2 142,9 + 5
Musées 219,5 252 + 15
Arts plastiques 310,8 315,3 + 1
Architecture 72,7 80,7 + 11
Musique et danse 981,1 999,9 + 2
Théâtre et spectacles 978,7 1 000,7 + 2
Développement et formations 391,2 440,9 + 13
Langue française 7 7,5 + 7
Actions internationales 44,2 45,6 + 3
Cinéma (CNC) 283,6 209,6 - 12
Centre national d'art Georges Pompidou (3) 23,7 27,7 + 17
Total Titre IV 4 454,3 4 589,9 + 3

(1) Hors réserve parlementaire et crédits audiovisuels

(2) Y compris dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques

(3) Commandes d'oeuvres pour le musée d'art moderne

Les principales actions retenues au titre des mesures nouvelles qui s'élèvent globalement à 180 millions de francs sont les suivantes :

- actions dans le domaine de l'écrit (livres, archives) : 3 MF ;

- architecture et patrimoine : 17 MF ;

- musées et arts plastiques : 22 MF ;

- spectacle vivant et cinéma : 40 MF ;

- développement culturel et enseignement artistique en milieu scolaire : 55 MF dont 23 millions de francs pour la création d'un fonds spécial de contractualisation.

2. Un accroissement significatif des dépenses en capital

Les dépenses en capital bénéficient d'un accroissement sensible qui profite essentiellement aux crédits affectés au patrimoine monumental.

Les autorisations de programme augmentent de 614,43 millions de francs par rapport à la loi de finances pour 1997 soit une progression de 20% et les crédits de paiement de 263,13 millions de francs, soit une progression de 7,4 %.

a) Une relance de la politique du patrimoine

En 1998, les crédits de paiement et les autorisations de programme consacrées à l'exécution de la loi de programme n° 93-1437 du 31 décembre 1993 sur le patrimoine monumental s'élèveront respectivement à 1,319 milliard de francs (soit + 9,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997) et à 1,616 milliard de francs (soit + 39 % par rapport à la loi de finances pour 1997).

Les autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 1998 représentent donc 96 % de la dotation actualisée prévue par la loi de programme, soit 1,677 milliard de francs.

Ce retour à la loi de programme est particulièrement bienvenu. En effet, en 1996, les crédits inscrits dans la loi de finances pour 1996 avaient été gelés en cours d'exercice, puis annulés en fin d'année à hauteur de 265 millions de francs. Pour 1997, compte tenu de l'étalement sur une année supplémentaire des engagements pluriannuels de l'Etat décidé par la loi de finances pour 1997, les crédits avaient été réduits de 34,6 % et les autorisations de programme pour 1997 ne représentaient que 61,6 % du montant fixé par la loi de programme.

Face aux conséquences qu'une telle diminution risquait d'avoir sur l'activité des entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques et sur l'état sanitaire du parc immobilier, le Gouvernement, répondant en cela aux souhaits du Sénat, s'était engagé à maintenir constant le niveau d'engagement des crédits, afin de permettre aux entreprises de conserver une activité proche de celle constatée dans les premières années d'exécution de la loi de programme.

En 1997, une gestion plus dynamique des crédits consacrés au patrimoine monumental a donc été conduite.

L'effort de mobilisation des autorisations de programmes votées, qu'il s'agisse d'autorisations de programme affectées à des opérations dont le démarrage était retardé ou de reliquats relatifs à des opérations terminées mais non clôturées, a été accentué. Les délais afférents aux phases de la procédure qui précèdent l'engagement, notamment ceux concernant les subdélégations des autorisations de programme aux directeurs régionaux des affaires culturelles et la conclusion des conventions avec les propriétaires de monuments, ont été réduits. L'immobilisation des autorisations de programme a été évitée dès qu'il pouvait être procédé à des affectations successives de crédits. Enfin, la possibilité ouverte en 1997 de déléguer 80 % des autorisations de programme en début de gestion a également contribué à l'amélioration du taux d'engagement.

Les données dont disposent votre rapporteur ne concernent que le premier semestre de l'année 1997. Elles font apparaître au 5 juin que par rapport aux taux constatés à la même date en 1996 :

- le montant des autorisations de programme engagées est supérieur de 80 % ;

- et le montant des crédits mandatés est en augmentation de 17 % ;

Dans ces conditions, il est donc possible d'espérer que le montant des crédits engagés en 1997 sera voisin de celui constaté en 1996 voire même supérieur.

Cette gestion s'est traduite mécaniquement par une diminution du " stock " des autorisations disponibles à la fin de l'année 1997, ce qui, compte tenu de la majoration des crédits pour 1998, n'entraînera pas au premier semestre 1998 un ralentissement de l'activité dans le secteur de la restauration des monuments historiques.

L'effort de gestion accompli en 1997 devrait être poursuivi en 1998. Les instructions données aux préfets de région ont d'ores et déjà été confirmées et il est prévu que les crédits commenceront à être engagés avant que ne soient parvenus aux services les circulaires d'emplois des crédits déconcentrés.

Le relèvement des autorisations de programme est proportionnellement plus élevé pour les subventions aux propriétaires publics ou privés (+ 64 %) que pour les investissements exécutés directement par l'Etat (+ 28,7 %).

L'essentiel des crédits de restauration sera consacré à la poursuite d'opérations en province, que l'étalement de la loi de programme avait contraint à différer en dépit de leur urgence. Il s'agit en particulier des opérations de restauration des cathédrales de Sens, de Bourges, de Rouen et de Lyon, des abbayes de Cluny et du Thoronet ainsi que des châteaux d'Oiron et de Gaillon.

Le retour à des dotations comparables à celles que prévoyait la loi de programme sur le patrimoine monumental permettra également de lancer de nouvelles opérations concentrées essentiellement sur la conservation des grands édifices cultuels (cathédrales de Chartres et de Clermont-Ferrand, Notre-Dame de Paris, basilique de Vézelay et abbaye de l'Ardenne).

Enfin, une attention particulière sera prêtée à la restauration d'édifices civils dont l'état exige des interventions rapides et importantes, en particulier les arènes d'Arles, les halles de Reims et le Koifhus de Colmar. En ce qui concerne les monuments parisiens, il faut noter qu'une ouverture de crédits de 150 millions de francs d'autorisations de programme est destinée à couvrir la première tranche des travaux de restauration du Grand Palais qui porte sur les fondations, les charpentes métalliques et les toitures de la nef.

b) Une politique d'investissement dynamique

Les autorisations de programme -hors patrimoine monumental- augmentent de 4 %.

Les crédits d'investissement permettront notamment de remettre en état le patrimoine bâti de grandes institutions culturelles .

Le centre Georges Pompidou entame un programme de réaménagement de ses espaces intérieurs, rendu nécessaire pour des raisons tenant à la fois à l'usure du bâtiment, fréquenté par plus de 150 millions de visiteurs depuis son ouverture en 1977, et à des choix d'amélioration des fonctions réparties dans le centre. Le coût des travaux est estimé à un montant de 440 millions de francs (valeur 1994). L'année 1998 sera la première année pleine des travaux de réaménagement intérieur du centre. Le centre national d'art et de culture Georges Pompidou bénéficiera pour 1998 d'une subvention d'équipement qui s'élèvera à 157 millions de francs en autorisations de programme et à 125,95 millions de francs en crédits de paiement.

La deuxième tranche des travaux conduits par l'établissement public du Grand Louvre, qui a débuté en 1990, s'achèvera en 1999. Elle concerne à la fois le réaménagement des espaces intérieurs et la rénovation des abords du Palais. A son terme, le Palais du Louvre se trouvera entièrement consacré à la conservation des oeuvres d'art. Pour l'année 1998, la dotation budgétaire, qui sera désormais affectée à l'agence d'ingénierie culturelle, s'élève à 220,6 millions de francs d'autorisations de programme (+ 40 %) et à 246,95 millions de francs de crédits de paiement (-8,62 %).

Un plan de maintenance immobilière de la Bibliothèque nationale de France sera engagé en 1998 pour un montant de 30 millions de francs.

Il faut souligner, par ailleurs, que 187,7 millions de francs seront consacrés à des opérations de rénovation de bâtiments affectés au ministère de la culture et de la communication, ce qui permettra de mettre en oeuvre le projet de regroupement immobilier des services centraux.

Des moyens seront également consacrés à de grands projets en région . Le centre de la mémoire contemporaine de Reims bénéficie notamment de 144 millions de francs d'autorisations de programme, inclus dans le budget de l'agence d'ingénierie culturelle.

Par ailleurs, les opérations cofinancées avec les collectivités territoriales (rénovation de théâtres, établissements d'enseignement spécialisé, équipements de diffusion culturelle, ...) connaissent une augmentation significative de 45 millions de francs soit une progression de 18 %.

II. LA POURSUITE DE LA RÉFORME DE LA POLITIQUE CULTURELLE

A. LA MISE EN OEUVRE D'UNE POLITIQUE DU CADRE DE VIE

1. La poursuite de l'effort engagé au cours de l'exercice précédent en faveur de l'architecture

a) Un effort destiné à accompagner le rattachement des services de l'architecture au ministère de la culture

Annoncée à l'automne 1995, le transfert des services de l'architecture du ministère de l'équipement au ministère de la culture avait suscité de nombreuses inquiétudes relatives aux moyens financiers qui leur seraient consacrés et aux possibilités de les voir intégrés à la direction du patrimoine.

Ces craintes se sont révélées sans fondement. La création d'une direction de l'architecture de plein exercice comme la progression des crédits prévue par la loi de finances pour 1997 ont permis au rattachement de l'architecture au ministère de la culture de s'effectuer dans des conditions satisfaisantes.

En 1997, les crédits consacrés à l'architecture avaient progressé de 17 % en dépenses ordinaires et en autorisations de programme.

L'effort est poursuivi pour l'exercice 1998. L'évolution des crédits pour 1998 (hors dépenses afférentes aux traitements des personnels permanents, titulaires et contractuels) est retracée dans le tableau suivant :

(en millions de francs)

LFI 1997

PLF 1998

% 1997/1998

DO 235,314 262,744 11,7 %
AP 81,888 84,090 2,7 %
DO + AP 317,202 346,834 9,3 %
b) Un renforcement des moyens de fonctionnement des écoles d'architecture
· 108,9 millions de francs avaient été transférés au ministère de la culture au titre des moyens de fonctionnement consacrés aux 22 écoles d'architecture du ministère. Ces crédits avaient été augmentés par la loi de finances pour 1996 à hauteur de 19,5 millions de francs et ont été portés à 137,4 millions de francs en 1997.

L'augmentation de 19 millions de francs (+ 14,1 %) inscrite au projet de loi de finances pour 1998 sera répartie comme suit :

- 6 millions de francs seront destinés à permettre le recrutement de 22 agents par les écoles, ce qui permettra de remédier en partie au déficit d'effectifs ATOS ;

- 5 millions de francs seront affectés à des travaux de maintenance du parc immobilier ;

- et 8 millions de francs seront consacrés à l'amélioration des conditions d'enseignement et de fonctionnement des écoles, préalable indispensable à la réussite de la réforme des études d'architecture.

Par ailleurs, 15 emplois de professeurs des écoles d'architecture sont créés sur le budget 1998.

Cet effort traduit la volonté de donner à ces établissements les moyens d'assurer correctement leur mission d'enseignement, afin de mieux préparer l'insertion des futurs architectes dans la vie professionnelle.

· Les crédits destinés aux investissements des écoles d'architecture sont reconduits en francs courants pour 1998, soit 55 millions de francs en autorisations de programme.
Celles-ci seront mobilisées à hauteur de 26 millions de francs pour solder les engagements de l'Etat pris dans le cadre des contrats de plan ; 22 millions de francs seront affectés à la mise aux normes de sécurité des écoles d'architecture, ainsi qu'à des travaux de grosses réparations ou de réaménagements ponctuels nécessaires au bon fonctionnement de ces services publics, opérations qui se poursuivront au cours des exercices budgétaires suivants. Par ailleurs, 7 millions de francs seront consacrés aux études et travaux à réaliser dans le cadre de la refonte de la carte scolaire de l'Ile-de-France. Il importe, en effet, de souligner que la région Ile-de-France accueille aujourd'hui 45 % des étudiants, ce qui semble excessif. Une action destinée à rééquilibrer l'offre de formation sur l'ensemble du territoire à partir de pôles régionaux de développement devrait contribuer à remédier à la concentration de l'enseignement de l'architecture en région parisienne.

Ce renforcement des moyens permettra de mener dans des conditions satisfaisantes la réforme des études d'architecture.
c) La réforme des études d'architecture

Annoncée en janvier 1993 à la suite du rapport remis au ministre de l'équipement par le recteur Armand Frémont, cette réforme visait à diversifier les enseignements et les formations pour accroître les débouchés et à favoriser une meilleure insertion professionnelle des jeunes diplômés.

Elle a été mise en oeuvre dans les écoles d'architecture à la rentrée 1997-1998.

Les études conduisant au diplôme d'architecte DPLG comportent désormais trois cycles d'études d'une durée de deux ans chacun (au lieu de deux cycles sur cinq ans). Leur durée totale est donc portée à six ans au lieu de cinq actuellement. La nouvelle organisation des enseignements permettra les réorientations et les reprises d'études. Enfin, la formation comportera, outre le travail personnel de fin d'études, un stage d'un semestre à effectuer au cours du 3e cycle.

Les enseignements ont été diversifiés afin de préparer les étudiants à la multiplicité des champs d'activités qu'ils seront amenés à aborder au cours de leur vie professionnelle : maisons individuelles, ouvrages d'art, projets urbains, réhabilitations, maîtrise d'ouvrage. A cet effet, les études seront structurées à partir d'un tronc commun centré sur l'enseignement du projet architectural et urbain et complétées par l'acquisition des autres savoirs indispensables à l'exercice de la profession d'architecte.

Cette réforme a été l'occasion de réaffirmer la place de l'architecture comme discipline de l'enseignement supérieur. Un protocole de coopération, de quatre ans a été signé en décembre 1996 entre le ministre de l'éducation nationale et le ministre de la culture. Dans le cadre de cette collaboration, la recherche a vocation à être développée dans les écoles : des DESS professionnalisants et des DEA organisés conjointement avec l'Université seront mis en place. A terme, la reconnaissance de l'architecture comme discipline scientifique devrait être consacrée par la préparation d'un doctorat dans les écoles d'architecture.

La mise en oeuvre de la réforme s'accompagnera d'une modification des statuts des écoles, qui bénéficieront d'une plus grande autonomie dans le cadre d'un projet d'établissement faisant l'objet d'une contractualisation avec l'Etat, et de celui des enseignants afin, notamment, de permettre la présence, dans les écoles, d'enseignants-chercheurs.

Votre rapporteur souhaite que cette réforme permette d'améliorer la formation des architectes afin de favoriser leur insertion professionnelle mais également qu'elle leur donne les compétences qu'ils auront à mettre en oeuvre dans les années à venir. En effet, les opérations de réhabilitation sont appelées à représenter une part de plus en plus importante de l'activité des architectes. Le temps n'est plus en effet aux programmes ambitieux de construction. Par ailleurs, le patrimoine bâti au XXe siècle étant fragile, il exigera un effort considérable de remise en état . Pour répondre à ces nouveaux besoins, il importe que les futurs architectes acquièrent les compétences nécessaires, qui leur font actuellement défaut. Par ailleurs, il est possible d'envisager qu'une meilleure formation des architectes aux techniques de la restauration permette de trouver une solution aux difficultés résultant de l'insuffisance des effectifs des architectes en chef des monuments historiques et des architectes des bâtiments de France.

2. La mise en oeuvre par le ministère de la culture d'une politique du cadre de vie

a) la création d'un réseau de diffusion de la création architecturale

Le rattachement des services de l'architecture au ministère de la culture doit être l'occasion de remédier à la quasi absence de l'architecture parmi les préoccupations culturelles des Français bien que l'" intérêt public " de l'architecture soit reconnu par la loi. L'article premier de la loi de 1977 sur l'architecture dispose, en effet, que : " l'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. "

Le réseau de diffusion qui a en charge la promotion de la création architecturale est, jusqu'à présent, modeste. Il est constitué de l'Institut français d'architecture (IFA), de deux centres municipaux de grande qualité, l'un à résonance nationale, Arc-en-Rêve à Bordeaux, l'autre centré sur la capitale, le Pavillon de l'Arsenal à Paris, et de deux musées, le musée national d'art moderne au centre Georges Pompidou et le musée des monuments français à Chaillot.

Un effort particulier sera accompli en 1998 afin de renforcer ce réseau, l'organisation des premiers rendez-vous de l'architecture à la Villette les 2 et 3 octobre dernier en ayant été la première traduction symbolique.

Les crédits affectés à la promotion de l'architecture bénéficient d'une majoration de 4 millions de francs. Ils permettront notamment de soutenir l'exportation de l'architecture française notamment grâce à des mesures de soutien financier aux architectes intervenant à l'étranger notamment par le biais de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). En outre, le soutien apporté à l'Institut français d'architecture (IFA), dont la vocation sera d'être le fer de lance de la promotion de l'architecture française sera accentué en 1998, afin de permettre une politique de promotion visant à renforcer la présence des architectes dans la construction et l'aménagement de l'espace.

Par ailleurs, 4 millions de francs de mesures nouvelles permettront de développer des actions de sensibilisation à l'architecture, notamment en milieu scolaire. Votre rapporteur souhaite que ces actions puissent s'étendre à une information sur les métiers de l'architecture destinée aux élèves du secondaire afin de permettre une meilleure orientation des futurs étudiants et d'éviter un afflux de candidatures dans les écoles d'architecture.

b) La mise en oeuvre d'une politique du cadre de vie

Le regroupement au sein d'une direction unique des services de l'architecture et du patrimoine donnera tout son sens au rattachement des services de l'architecture au ministère de la culture.

L'augmentation des dotations consacrées au patrimoine monumental comme la progression de l'ensemble des crédits d'investissements de l'Etat contribueront à la mise en oeuvre de cet objectif. En particulier l'effort accompli en faveur des monuments historiques, en permettant de maintenir à un niveau constant les engagements de l'Etat, exercera un effet de levier sur les opérations de réhabilitation faisant intervenir des collectivités territoriales et des partenaires privés.

Une telle orientation se traduit également par la volonté de renforcer la protection des espaces protégés en relançant la constitution des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager -ZPPAUP- instituées par la loi de 1983 et des secteurs sauvegardés créés par la loi " Malraux " du 4 août 1962.

Votre rapporteur se félicite d'une telle orientation qui correspond à une préoccupation ancienne de votre commission mais considère que l'augmentation des crédits demeure modeste compte tenu de l'ampleur de la tâche à accomplir.

Le projet de loi de finances pour 1998 maintient les crédits du titre V relatifs aux secteurs sauvegardés et aux ZPPAUP à leur niveau de 1997 soit 17,09 millions de francs et augmente de 2,2 millions de francs (soit +22 %) les crédits du titre VI afin de privilégier les réalisations exceptionnelles. Il importerait de poursuivre cette politique de façon plus déterminée.

L'application de la loi " Malraux " s'est traduite par l'élaboration de 88 " plans de sauvegarde et de mise en valeur ". Les obstacles qui s'opposent à leur développement ne sont pas uniquement d'ordre financier. L'élaboration de ces plans, si elle garantit la consultation des acteurs locaux, obéit à une procédure extrêmement lourde, coûteuse et centralisée qu'il semblerait judicieux de simplifier. Par ailleurs, les règles de protection prises en application du plan de sauvegarde sont très rigoureuses puisqu'elles prévoient l'" avis conforme " de l'architecture des bâtiments de France. Il faut noter que, sur ce point, la loi n° 97-179 du 28 février 1997 a introduit un assouplissement en prévoyant la possibilité de faire appel de la décision de l'architecte des bâtiments de France auprès du préfet de région.

Les ZPPAUP présentent, par rapport aux secteurs sauvegardés, l'avantage de la souplesse. Elles permettent de définir des périmètres de protection intelligents notamment en adaptant les mesures de protection à la diversité des situations locales, grâce à la possibilité de supprimer, pour les immeubles situés à l'intérieur de la zone et au profit des règles qu'elles prévoient les servitudes résultant des lois de 1913 et de 1930. Depuis 1983, 200 ZPPAUPP ont été instituées ce qui est peu au regard des 40.000 périmètres de protection des monuments historiques. Compte tenu de l'intérêt de la formule, il importe d'accélérer le rythme de leur création.

Enfin, on peut souligner pour s'en réjouir -bien que la mesure soit modeste- que les crédits consacrés aux conventions de ville ou pays d'art sont augmentés (+ 1 million de francs).

B. LA POURSUITE DE L'AMÉNAGEMENT CULTUREL DU TERRITOIRE

1. Le rééquilibrage géographique des interventions culturelles de l'Etat

a) Le rééquilibrage des interventions culturelles de l'Etat

La multiplication des chantiers portant sur la construction de grandes institutions culturelles implantées dans la capitale a fait naître, au cours des années 1980, une revendication légitime de redéploiement de l'effort culturel de l'Etat en faveur de la province.

Depuis 1989, le ministère de la culture s'est doté d'un instrument de mesure fiable lui permettant de quantifier la répartition des dotations budgétaires entre la capitale, la région Ile-de-France et la province.

Cette méthodologie mise au point en 1989 par M. Seibel, alors inspecteur général de l'INSEE, a été utilisée pour le ministère de la culture pour l'étude exhaustive qu'il a menée en 1997.

Les tableaux ci-dessous permettent d'évaluer la répartition entre Paris et la province des crédits du ministère de la culture en dépenses ordinaires et crédits de paiement :

TABLEAU N°1
Budget global du ministère de la culture en dépenses ordinaires
et autorisations de programme

1997

1998

Paris

Ile-de-France

Province

Paris

Ile-de-France

Province

Titre III

80,5

2,3

17,1

80,8

2,1

17

Titre IV

22,1

5,9

72

21,6

5,8

72,6

Titre V

35,4

9,1

55,6

13,9

10,4

75,7

Titre VI

45

7

48

59,5

5,6

34,8

Total

53,8

4,7

41,5

53,8

4,5

41,7

(en pourcentage)

TABLEAU N°2
Budget global du ministère de la culture hors subventions
aux établissements publics

1997

1998

Paris

Ile-de-France

Province

Paris

Ile-de-France

Province

Titre III

71,5

2,1

26,4

71,6

2,3

26,1

Titre IV

22,1

5,9

72

21,6

5,8

72,6

Titre V

13,3

12,2

74,5

13,9

10,4

75,7

Titre VI

9,8

8,9

81,3

36,2

7,8

56

Total

37,6

5,6

56,8

39,1

5,5

55,4

(en pourcentage)

L'examen des chiffres contenus dans ces tableaux appelle les analyses suivantes :

- on constate une relative stabilité du pourcentage des crédits du titre III alloués à la province : 26,1 % en 1998 pour les crédits hors établissements publics contre 26,4 % en 1997 ;

- en ce qui concerne le titre IV, la part allouée à la province passe de 72 % en 1997 à 72,6 % en 1998. Cette évolution ne témoigne pas d'une augmentation notable des crédits destinés à la province mais confirme la déformation progressive des crédits d'intervention au profit de la province constatée depuis plusieurs années . Rappelons qu'en 1987 la part des crédits du titre IV consacrés à la province atteignait seulement 54 % ;

- les autorisations de programme qui étaient affectées à la province représentaient 55,6 % du titre V et 48 % du titre VI en 1997 ; elles connaissent une brusque évolution en 1998, leur part relative passant à 75,7 % pour le titre V et à 34,8 % pour le titre VI. Cette inflexion est le résultat de la création de l'agence d'ingénierie culturelle qui reprend à son compte une grande partie des équipements financés jusqu'ici directement par l'Etat et qui se trouvaient pour la plupart situés à Paris .

b) La poursuite d'une politique d'implantation d'équipements culturels en province
· Les grands projets en région

Le programme des grands projets régionaux décidé lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire de Troyes en 1994 symbolisait la volonté politique de veiller à une répartition plus équilibrée de l'action culturelle. Couvrant la période 1995-2000 et bénéficiant d'une enveloppe globale de 800 millions de francs, il visait à favoriser la constitution d'un réseau de " pôles d'excellence " susceptibles d'avoir une action " structurante " sur le tissu culturel local.

Depuis la mise en oeuvre de ce programme, 311,05 millions de francs d'autorisations de programme ont été ouverts pour ces projets dans les lois de finances pour 1995, 1996 et 1997. Le projet de budget pour 1998 prévoit la poursuite de ces investissements à hauteur de 162 millions de francs d'autorisations de programme. A la fin de l'année 1998, seuls 60 % de l'enveloppe d'autorisations de programme annoncée auront donc été engagés.

Les opérations retenues concernent principalement la création d'un centre de la mémoire contemporaine à Reims. 180 millions de francs d'autorisations de programme avaient été ouverts en 1997 et 144 millions de francs annulés en raison du retard pris dans la réalisation de ce projet. Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit de rouvrir la totalité des autorisations de programme annulées. Est prévue également la création d'un centre de réserve de costumes de scène à Moulins, pour lequel 14 millions de francs d'autorisations de programme sont prévus pour 1998 ; 17,4 millions de francs d'autorisations de programme avaient été consacrés à ce projet en 1997.

Parmi les opérations achevées, on peut citer l'aménagement de l'Institut Louis Lumière à Lyon, aujourd'hui terminé, et qui a fait l'objet d'une participation financière du ministère de la culture d'un montant de 2 millions de francs ou la construction de l'auditorium de Dijon auquel ont été consacrés 60 millions de francs entre 1995 et 1997.

· Le renforcement du réseau de diffusion culturelle en province
Cette action intensifiée depuis quelques années sera poursuivie en 1998.

Il importe de rappeler que ce réseau résulte d'un engagement volontariste des collectivités locales dans l'action culturelle. En quinze ans, de 1978 à 1993, dernière année pour laquelle on dispose de statistiques, les dépenses culturelles des régions, des départements et des communes de plus de 10.000 habitants ont été multipliées par 2,5 en francs constants. Les dépenses culturelles des collectivités territoriales atteignent 36,9 milliards de francs et représentent un peu plus de la moitié (50,3 %) des financements publics affectés à ce secteur.

Le réseau des institutions qui maillent le territoire est un atout majeur. L'aide que lui apporte l'Etat doit donc être renforcée et restructurée. Ce mouvement a d'ores et déjà été lancé.

C'est le cas notamment du soutien accordé par l'Etat aux institutions décentralisées d'art lyrique . L'effort de l'Etat est en ce domaine réparti de façon à prendre en compte non seulement leurs besoins de fonctionnement mais également leur activité de diffusion. Une attention particulière est ainsi accordée à celles qui mènent une politique active de collaboration avec d'autres théâtres lyriques, orchestres ou centres chorégraphiques ou à celles qui conduisent une action volontariste de diffusion, notamment en recherchant de nouveaux publics.

Dans un souci de rééquilibrage entre Paris et la province, et plus généralement d'aménagement culturel du territoire, le ministère de la culture et de la communication a lancé une politique de classement de certains opéras de région dans la catégorie " opéras nationaux de région ".

Cette démarche a pour objet de consacrer ou de promouvoir des pôles lyriques de référence, comme l'illustre l'établissement de la convention d'opéra national à Lyon, (conclue en 1996 pour une durée de cinq ans), qui précise le projet artistique de l'opéra, ses obligations en matière de diffusion régionale des spectacles lyriques et chorégraphiques ainsi que les procédures de concertation entre les financeurs. Un protocole d'accord a été également signé en novembre 1996 entre l'Etat, l'Opéra du Rhin et l'ensemble des collectivités territoriales participant à son financement, arrêtant le principe de la redéfinition de son projet culturel dans la perspective de son inscription au rang d'opéra national.

En 1997, l'Opéra de Lyon et l'Opéra du Rhin bénéficiaient d'aides de l'Etat qui s'élevaient respectivement à 24,75 millions de francs et à 13,1 millions de francs. Rappelons que le montant total de l'aide aux théâtres lyriques de la " Réunion des théâtres lyriques français " représentait, en 1997, 83,05 millions de francs. Pour 1998, le soutien apporté par l'Etat sera intensifié grâce à des mesures de redéploiement.

L'action en faveur du développement de la diffusion lyrique décentralisée s'appuie également sur les mesures de soutien aux festivals organisés en province et en particulier à celui d'Aix-en-Provence. En ce qui concerne ce dernier, la mise en oeuvre d'un nouveau projet pour 1998, qui se caractérise par un accroissement du nombre de spectacles lyriques, une ouverture à la création et aux jeunes chanteurs et musiciens, s'est accompagnée d'un plan de financement prévoyant une contribution de l'Etat. Cette dernière s'est élevée à 9 millions de francs en 1996, à 8 millions de francs en 1997 et devrait représenter 15 millions de francs en 1998.

2. Les moyens mis en oeuvre afin d'accroître l'offre culturelle en régions

a) La poursuite de la déconcentration

Le mouvement de déconcentration au sein du ministère de la culture a été initié dans les années 80, lorsque la croissance de ses moyens l'ont amené à s'adapter à une dimension qu'il n'avait pas connu jusque là.

La création des directions régionales d'action culturelle (DRAC) en 1977 en ayant constitué la première étape, elle s'est mise en place progressivement. Depuis le début des années 90, la politique de déconcentration a été accentuée (renforcement des effectifs des DRAC, transferts de compétence systématiques...). Ce mouvement se traduit dans les chiffres.

Entre 1990 et 1996 le montant des crédits déconcentrés dans les directions régionales des affaires culturelles est passé de 1,772 milliards de francs à 2,777 milliards de francs ; le taux de déconcentration des crédits par rapport à la masse de crédits déconcentrables est donc passé de 28 % en 1990 à 47 % en 1996. En 1997, ce taux a été porté à 52,95 %.

La masse des crédits " déconcentrables " qui sert de base au calcul du taux de déconcentration des crédits tient compte du fait que certains crédits n'ont pas vocation à être déconcentrés. Il s'agit notamment des crédits qui relèvent du secteur du livre et de la lecture et qui sont transférés au sein de la dotation globale de décentralisation en début d'exercice, des subventions de fonctionnement et d'investissement versées aux établissements publics et des moyens de fonctionnement de l'administration centrale.

Parallèlement à cette évolution propre au ministère de la culture, la déconcentration est devenue un principe fondamental de l'organisation administrative de l'Etat, redonnant une nouvelle vie à l'adage selon lequel " on peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près ".

En effet, l'article 2 de la loi n° 92-125 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République qui précise que " sont confiées aux administrations centrales les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial " et que " les autres missions, et notamment celles qui intéressent les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sont confiées aux services déconcentrés ".

Venant parachever le mouvement de déconcentration, le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles a prévu que les décisions administratives individuelles entrant dans le champ des compétences de l'Etat, à l'exception de celles concernant les agents publics, sont prises par le préfet, et a fixé au 1er janvier 1998 la date d'entrée en vigueur de cette disposition, les ministères devant donc, avant cette date, préciser les dérogations à cette règle. Le décret fixant les attributions qui demeurent de la compétence de l'administration centrale est en cours de préparation au sein des services du ministère de la culture.

D'ores et déjà, le projet de budget pour 1998 prend en compte ce nouveau mode de décision . En effet, à la demande du ministère des finances, le ministère de la culture a procédé à une simplification de sa nomenclature budgétaire . En ce qui concerne le titre III (moyens des services), la nouvelle présentation a regroupé sur les chapitres distincts les moyens de fonctionnement des services centraux et ceux des services déconcentrés. De même, pour le titre IV (interventions publiques), des chapitres identifient, en ce qui concerne les dépenses d'action éducative et culturelle, les interventions culturelles d'intérêt national (1,645 milliards de francs en 1998) et les interventions culturelles déconcentrées (1,773 milliards de francs en 1998). Il en est de même pour les subventions d'investissement accordées par l'Etat dans le domaine du patrimoine monumental. Cette présentation contribue à clarifier la situation entre les crédits qui n'ont pas vocation à être déconcentrés et les crédits déconcentrés. Elle s'accompagne d'un accroissement du montant de ces derniers. En ce qui concerne les dépenses d'action éducative et culturelle, la part des crédits déconcentrés passe de 34 % à 51 %.

La déconcentration fixe un cadre administratif nouveau à la politique culturelle . Selon les dispositions du décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration, les administrations centrales " assurent au niveau national un rôle de conception, d'animation, d'orientation, d'évaluation et de contrôle ". Ceci suppose une évolution du rôle des différentes directions centrales du ministère de la culture, notamment celles pratiquant encore largement une gestion directe des services publics culturels (théâtre, musique).

La déconcentration, en imposant la réorganisation de l'administration centrale, devrait permettre d'accélérer les évolutions nécessaires pour remédier à des dysfonctionnements soulignés depuis de nombreuses années. M. Jacques Rigaud dans son ouvrage " l'exception culturelle " (1995) notait que l'organisation du ministère devait être conçue " de telle sorte que ni son chef, ni ses directeurs ne soient tentés de tout régir, (et qu') ils doivent laisser à des responsables qualifiés la tâche de conduire, au contact des réalités du terrain, et du public, des institutions qui ont leur vie propre et que l'on ne saurait plus regarder comme de simples dépendances (...) d'administrations centrales ". Plus récemment, le rapport particulier de la Cour des comptes sur les musées nationaux et les collections nationales d'oeuvres d'art soulignait l'absence de politique nationale du patrimoine muséographique, résultant d'un éclatement des responsabilités à l'échelon central et se traduisant par une maîtrise insuffisante de la gestion des musées.

La déconcentration entraînera un accroissement de la charge de travail des directions régionales des affaires culturelles , et à ce titre exigera un renforcement de leurs effectifs, notamment par un redéploiement des emplois de l'administration centrale vers les services déconcentrés. Celui-ci s'avère nécessaire pour éviter notamment que des retards surviennent, du fait d'un alourdissement de la charge de travail, dans l'engagement des crédits.

Afin de remédier à ce risque, il est prévu d'améliorer les délais de versement des subventions déconcentrées. D'après les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur, l'administration veillera à déléguer 80 % des crédits déconcentrés du titre IV dès le début de la gestion et des instructions seront données aux directeurs régionaux des affaires culturelles pour traiter en priorité les dossiers de subventionnement des organismes, notamment, dans le domaine du spectacle vivant qui ont des besoins importants de trésorerie du fait du poids de la masse salariale dans leur budget (orchestres, théâtres lyriques, compagnies chorégraphiques...).

Dans cette perspective, il semble à votre rapporteur nécessaire de développer les outils, notamment statistiques, permettant d'évaluer l'activité des directions régionales.

Enfin , la déconcentration aura pour conséquence de modifier les relations entre l'administration et les professionnels de la culture . Certains manifestent une vive inquiétude face aux risques d'une politique culturelle à géométrie variable selon les régions.

A cet égard, votre rapporteur rappellera que la ministre de la culture est d'ores et déjà doté de pouvoirs lui permettant de se prémunir contre les risques d'une dilution de la politique culturelle. Les directeurs régionaux des affaires culturelles sont des fonctionnaires placés sous son autorité par l'intermédiaire des préfets qui sont chargés de mettre en oeuvre la politique de l'Etat dans le cadre de directives annuelles détaillées. Ces directives, dénommées " circulaires annuelles d'emplois des crédits déconcentrés ", définissent les montants des crédits déconcentrés aux directions régionales des affaires culturelles par chapitre et article budgétaires pour l'année. Elles sont assorties d'instructions sur la politique culturelle qu'il convient de mettre en oeuvre et d'instructions techniques détaillées par secteur. Ces directives encadrent de manière très précise l'action des directions régionales des affaires culturelles d'autant que les services du ministère de l'économie et des finances (Trésoriers payeurs généraux) assurent eux-mêmes un contrôle de leur application par le biais du contrôle de la dépense. Votre rapporteur souhaite que ces moyens mis à la disposition du ministre soit utilisé afin de se prémunir contre les risques d'une dilution du rôle de l'Etat dans le domaine culturel.

Par ailleurs, la relance de la politique contractuelle permettra de préciser le cadre dans lequel les autorités déconcentrées devront conduire la politique culturelle.

b) La relance de la politique contractuelle

Le budget de 1998 se donne pour ambition de relancer la politique de contractualisation tant avec les collectivités locales qu'avec les institutions culturelles dont le ministère a la tutelle.

Cette volonté se traduit, en premier lieu, par la création d'un fonds de contractualisation doté de 23 millions de francs (crédits inscrits sur le chapitre 43-30-30 et gérés par la délégation au développement et aux formations).

Ce fonds devrait servir de catalyseur pour les initiatives culturelles, développées en partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, qui font montre d'un effort de créativité et de recherche de nouveaux publics. Il aura donc pour mission de fournir un effet de levier à l'action engagée par les collectivités locales en faveur d'expériences innovantes exemplaires -en particulier en matière de création de services publics de proximité.

Si votre rapporteur appuie dans son principe, la création de ce fonds qui participe de la politique de rééquilibrage territorial de l'action culturelle de l'Etat, il s'interroge sur ses modalités de fonctionnement et de gestion sur lesquelles il n'a pu encore obtenir d'informations détaillées.

Il en est de même pour le projet de charte du service public du spectacle vivant culturel. " Elaborée en étroite collaboration avec les professionnels concernés ", elle devrait permettre de définir les droits et obligations de l'Etat et des institutions culturelles, notamment en ce qui concernent la diffusion et l'accès du plus grand nombre, et servir de base de référence aux contrats d'objectifs qui seront systématisés pour l'ensemble des réseaux du spectacle vivant.

Là encore, le principe ne peut être contesté mais de nombreuses interrogations demeurent sur le calendrier d'élaboration de ce document, sur les principes qu'il devrait mettre en oeuvre comme sur les institutions qu'il concernerait.

La volonté de relancer la politique contractuelle, si elle est clairement affichée par la ministre, demeure donc encore imprécise quant à ses modalités de réalisation.

C. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA CULTURE

1. Une réorganisation fondée sur la nécessité de moderniser la politique culturelle

a) Un constat

L'organigramme du ministère de la culture révèle la complexité de l'organisation administrative de la politique culturelle. En effet, il compte :

- huit directions d'administrations centrale (Musique et danse ; Théâtre et spectacles ; Patrimoine ; Musées de France ; Architecture ;Archives de France ; Livre et lecture ; Administration générale) ;

- un établissement public faisant office de direction d'administration centrale : le centre national de la cinématographie ;

- trois " délégations " (Développement et formation ; Langue française ; Arts plastiques),

- et deux " départements " (Information et communication ; Affaires internationales).

Il se caractérise également par une grande hétérogénéité . Certaines de ces entités ne regroupent pas plus d'une cinquantaine de collaborateurs et n'atteignent pas la " masse critique " d'une administration centrale ordinaire. Par ailleurs, l'organisation territoriale diffère de l'une à l'autre, rendant inégale la prise en compte des réalités culturelles locales.

Cette mosaïque administrative résulte d'une part de la diversité des disciplines, des institutions, des professions de la culture et, d'autre part, de la définition progressive de la mission du ministère de la culture.

La structure du ministère apparaît moins comme l'expression d'une conception des responsabilités de l'Etat dans la gestion des services publics culturels que comme le reflet du souci de répondre à la spécificité des différentes préoccupations sectorielles.

Les inconvénients engendrés par une telle organisation sont évidents. Par nature, elle encourage la mise en oeuvre d'actions fondées sur la défense d'intérêts spécifiques et ne favorise guère la conception et la conduite de politiques transversales, l'existence de la direction de l'administration générale ou de la délégation au développement et aux formations n'ayant pas permis de remédier, de façon satisfaisante, à cette difficulté.

Deux types d'évolution justifient une modification de cette organisation.

En premier lieu, les nouveaux domaines de compétence du ministère, notamment, le multimédia, ou encore le nécessaire développement des enseignements artistiques, impliquent la mise en oeuvre d'actions intéressant plusieurs directions ou délégations.

Par ailleurs, le mouvement engagé en faveur de la déconcentration exige que les services centraux du ministère de la culture se concentrent sur leurs missions propres. La charge de travail consécutive à la gestion directe des services publics sera allégée les directions régionales d'action culturelle gérant directement une part de plus en plus importante des crédits. De ce fait, la légitimité d'une organisation fondée sur l'administration de structures aux spécialités distinctes tendra à disparaître.

b) Un moyen de relancer la politique culturelle

La commission d'étude de la politique culturelle présidée par M. Jacques Rigaud avait considéré, il y a déjà près d'un an, que la refondation de la politique culturelle impliquait une réforme de l'organisation de l'administration centrale du ministère.

L'objectif central d'une telle réforme de structure devait répondre à l'esprit même de la refondation culturelle. Elle devait ainsi :

" - mettre le ministère en mesure de sensibiliser les autres administrations de l'Etat à la dimension culturelle de leur action ;

- mettre en oeuvre une politique cohérente de développement culturel au service du public ;

- décharger le plus possible les directions de leurs tâches de gestion directe pour leur permettre de se consacrer essentiellement à leurs missions de conception, d'impulsion, de coordination et de contrôle ; cela étant rendu particulièrement nécessaire par la multiplication, d'ailleurs opportune, d'établissements publics chargés de la gestion de grands lieux de culture et bénéficiant d'une large autonomie qui implique en contrepartie des orientations claires et une tutelle effective relevant de directions d'administration centrale dont l'autorité scientifique et administrative soit incontestable ;

- mettre les préfets de région et les DRAC en mesure de gérer les affaires culturelles de terrain dans un esprit d'étroite coopération entre les différents services déconcentrés de l'Etat et de coopération approfondie avec les collectivités territoriales et les autres partenaires du développement culturel ;

- agir dans un esprit de contractualisation pluriannuelle des activités de service public de la culture exercées sous la responsabilité directe des partenaires ainsi que de l'Etat ;

- imprimer un esprit d'évaluation, intégrer une dimension prospective et insuffler le sens des nouvelles technologies de l'information à l'ensemble des activités culturelles gérées ou soutenues par le ministère de la culture ;

- prendre en compte la dimension européenne et, de façon plus générale, internationale de la culture et des échanges culturels. "


A la suite de ce rapport, des propositions avaient été formulées par le précédent gouvernement. Les mesures prises en 1997 comme celles envisagées pour 1998 s'inscrivent également dans cette perspective.

2. Des mesures de réorganisation encore partielles

a) Les mesures de réorganisation de l'administration centrale
· Les mesures de réorganisation ne seront effectives qu'en 1998. L'une est en cours de réalisation. Il s'agit de la fusion sous l'autorité d'un même directeur de la direction du patrimoine et de la direction de l'architecture. Si ce regroupement correspond à la volonté affichée par le ministre de mettre en oeuvre une politique dynamique du cadre de vie, il avait déjà été préconisé par la commission pour la " refondation de la politique culturelle ". Cette mesure s'inscrit donc dans la continuité de la réflexion engagée depuis 1995, année où fut prise la décision gouvernementale de rattacher à nouveau l'architecture au ministère de la culture. La fusion de ces deux directions reproduit l'organisation administrative antérieure à 1978, date à laquelle furent transférés au ministère de l'Equipement les services de l'architecture.

La décision de créer une direction de l'architecture autonome n'avait été, semble-t-il, que destinée à apaiser les craintes soulevées au sein de la profession par un possible rattachement de ce secteur à une direction du patrimoine organisée autour de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine monumental.

Les modalités de ce regroupement ne sont pas encore arrêtées. Les deux services ont été placés sous l'autorité de M. François Barré, directeur de l'architecture depuis mars 1996. Celui-ci est chargé de mener une concertation auprès de l'ensemble des partenaires en vue de rapprocher de façon rationnelle les deux directions d'administration centrale afin de construire, selon les termes du ministre, " une grande direction au service du cadre de vie ".

Votre rapporteur formule le souhait que cette fusion ne se traduise pas par un effacement de la mission de conservation et de protection du patrimoine monumental qui, d'ores et déjà, se heurte à des difficultés liées à des insuffisances de personnels et de moyens de gestion. Par ailleurs, il espère qu'elle sera de nature à relancer la politique de protection de l'espace urbain, notamment grâce à un développement des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

· La seconde mesure de réorganisation consiste dans le projet de regroupement des directions de la musique, du théâtre et de la danse.

Cette réforme avait été elle aussi préconisée par la commission Rigaud qui y voyait " le plus évident en termes de bonne administration " de tous les regroupements envisagés. Elle semblait justifiée, en dépit du particularisme des professions concernées, par le fait que ces directions devaient de plus en plus traiter de problèmes communs, liés notamment au financement des troupes et aux relations avec les collectivités locales.

Consciente des réactions d'hostilité suscitées par un tel projet, Mme Catherine Trautmann a déclaré que n'entrait pas dans son intention de " provoquer par ce regroupement une perte d'identité artistique, pour chacun des secteurs culturels dont le regroupement est envisagé ".

· Il importe de noter que ces mesures de réorganisation structurelle s'accompagneront d'une opération immobilière destinée à regrouper les services centraux du ministère sur le site des " Bons enfants ". Celle-ci avait été conçue par le précédent gouvernement et avait été justifiée par la dispersion sur 15 sites différents des services de l'administration centrale. Le projet de budget prévoit un crédit de 187,7 millions de francs en autorisations de programme et confie la maîtrise d'ouvrage à l'agence d'ingénierie culturelle.
b) Une réforme limitée

Les mesures de réorganisation annoncées par le gouvernement n'ont aucune traduction budgétaire dans le projet de budget pour 1998. Votre rapporteur souhaite qu'elles puissent être réalisées dans des délais raisonnables afin de permettre la réaffectation des moyens résultant d'éventuelles économies d'échelles.

Par ailleurs, elles doivent constituer la première étape d'un mouvement plus vaste. La commission Rigaud avait évoqué de nombreuses voies pour mener à bien la réforme des structures administratives du ministère parmi lesquelles figuraient le rapprochement entre la direction des musées et la délégation aux arts plastiques ou encore la transformation des archives nationales en établissement public . Les mesures mises en oeuvre ne constituent qu'une première étape. S'il semblait logique d'initier le mouvement de réorganisation par les regroupements les plus évidents, votre rapporteur exprime le regret que la restructuration du ministère de la culture n'ait pas permis de mettre en place une structure permettant de définir une politique d'ensemble concernant les industries culturelles . En effet, la prise en compte des enjeux de ce secteur dont l'importance économique en terme d'emplois, de croissance et d'exportation est évidente nécessite une approche transversale.

Des solutions avaient été avancées par le précédent gouvernement. La mise en place du programme d'action pour la société de l'information annoncé par le Premier ministre, auquel le ministère de la culture prendra une part active notamment par un abondement du fonds pour l'innovation multimédia devrait être l'occasion pour le ministère de la culture de modifier ses structures.

3. La restructuration de la maîtrise d'ouvrage du ministère de la culture

a) Une restructuration rendue possible par l'achèvement des grands travaux

L'achèvement des grands travaux permet une restructuration de la maîtrise d'ouvrage des travaux concernant les équipements culturels de l'Etat qui se traduira par la création d'un nouvel établissement public, l'" agence d'ingénierie culturelle ".

Cet établissement public résultera de la fusion de l'établissement public du grand Louvre et de la mission interministérielle des grands travaux.

Il permettra de faire profiter l'ensemble des opérations conduites par le ministère de la culture de l'acquis des grands travaux en matière de maîtrise d'ouvrage. A terme, il devrait se substituer au service des travaux et pourrait également proposer ses services de maîtrise d'ouvrage dans le domaine culturel aux collectivités territoriales.

La suppression de la subvention de fonctionnement de l'établissement public du Grand Louvre et de 78 emplois non budgétaires se traduit par une économie de 37,717 millions de francs ; pour la mission interministérielle des Grands Travaux, la suppression de la subvention de fonctionnement et de 29 emplois non budgétaires permet une économie de 22,493 millions de francs.

L'agence d'ingénierie culturelle dispose pour 1998 d'une subvention de fonctionnement d'un montant de 28,75 millions de francs.

Cette structure bénéficiera de 85 emplois non budgétaires. Ces effectifs permettront, d'une part, de constituer une équipe pour le nouvel établissement (50 emplois) ainsi que pour le musée des arts premiers (5 emplois) et d'autre part, de renforcer les cellules de maîtrise d'ouvrage dans des établissements ayant en charge des domaines patrimoniaux importants comme le Musée du Louvre ou l'établissement public de Versailles.

La mesure d'économie résultant de la création de ce nouvel établissement public s'élève pour 1998 à 31,5 millions de francs. Il importera au cours des prochaines années d'évaluer le coût de fonctionnement de cette nouvelle structure.

b) Les opérations conduites en 1998 par l'agence d'ingénierie culturelle

Les dépenses d'investissement inscrites dans le projet de budget pour 1998 pour le nouvel établissement public s'élèvent à 382,775 millions de francs en crédits de paiement et à 723,3 millions de francs en autorisations de programme. Votre rapporteur déplore à ce propos le manque de lisibilité du " bleu " qui ne permet pas d'identifier l'ensemble des missions confiées à ce nouvel établissement.

Les opérations conduites sont, pour certaines, la poursuite de travaux déjà engagés (Grand Louvre) et, pour d'autres, des actions nouvelles (aménagement et équipement du théâtre de l'Odéon).

Il s'agit :

pour les opérations relevant du chapitre 66-91 :

- d'un grand projet en région : le centre de la mémoire contemporaine de Reims (144 millions de francs) ;

- de la poursuite des travaux du Grand Louvre (220,6 millions de francs) ;

- d'opérations muséographiques (30 millions de francs) dont la mise en oeuvre du musée des arts premiers (pour 20 millions de francs) ;

- des travaux de restauration du théâtre national de l'Odéon (121 millions de francs) et de la construction du Centre national de la danse à Pantin (20 millions de francs) ;

- des opérations de rénovation de bâtiments affectés au ministère de la culture et de la communication (+187,7 millions de francs).

- de l'Institut national d'histoire de l'art (20 millions de francs).

pour les opérations relevant du chapitre 66-20 qui relève de l'exécution de la loi de programme sur le patrimoine monumental :

- des travaux de restauration du château de Versailles (35 millions de francs) ;

- des opérations relatives au Palais de Chaillot (62 millions de francs) ;

- et de la réhabilitation du Grand Palais (150 millions de francs).

Votre rapporteur s'interroge sur les critères qui ont permis de déterminer les opérations relevant de cette nouvelle structure. Il apparaît, en effet, que les travaux dont la maîtrise d'ouvrage sera confiée à l'agence sont très divers puisqu'ils intéressent non seulement l'Etat mais également de nombreux établissements publics et qu'ils concernent des opérations conduites à Paris comme des opérations réalisées en province. Il formule le souhait que les missions exactes de cette nouvelle structure soient formulées avec plus de précision .

III. UNE MARGE DE MANOEUVRE QUI REND DÉLICATE LA CONDUITE DE LA POLITIQUE CULTURELLE

En dépit de l'augmentation des crédits affectés au ministère de la culture, la marge de manoeuvre budgétaire de la politique culturelle demeure étroite.

L'action du ministère dans le domaine du patrimoine comme celle menée en faveur des musées en sont des exemples particulièrement significatifs . Malgré l'accroissement des dotations qui leur sont consacrées, l'Etat devra effectuer des choix afin que son intervention conserve sa cohérence et son efficacité.

A. UNE POLITIQUE DE PROTECTION DU PATRIMOINE CONFRONTÉE À L'EXTENSION DE SON CHAMP D'ACTION

1. La politique de protection du patrimoine doit dans un contexte de rigueur budgétaire faire face à l'extension de son champ d'action

a) L'extension du champ patrimonial

Il s'agit là d'une des évolutions majeures auxquelles a été confrontée la politique culturelle au cours des dernières années. Limitée à l'origine à quelques grands monuments prestigieux, le champ de l'action patrimoniale de l'Etat s'est considérablement élargie, la notion de patrimoine s'étant diversifiée. Elle s'étend désormais à des traces du passé plus variées dans leur nature comme dans leur importance.

Cette évolution, qui s'explique par une modification de la conception de l'Histoire et de l'Art, se reflète dans la politique de classement suivie au cours des dernières années.

En effet, le rythme des classements s'est considérablement accéléré au cours de la dernière décennie On classe, en effet, aujourd'hui comme jamais. Pour la période 1990-1996, le nombre de décisions de classement s'élève à 1.093 (soit à 1.800 par extrapolation pour la décennie 1990-1999). Ce chiffre est à mettre en perspective avec ceux enregistrés jusqu'ici.

Les premiers  classements intervenus dans la décennie 1840-1849 ont concerné 725 monuments, nombre qui n'a doublé qu'en 1879. Coïncidant avec l'entrée en vigueur de la loi de 1913, près de 2.500 classements ont été enregistrés de 1900 à 1919. L'accélération à laquelle on a assisté après la deuxième guerre mondiale a été suivie d'un fléchissement, le rythme s'accélérant à nouveau à partir de 1960 : 777 décisions de classement sont intervenues entre 1960 et 1969, 1.102 entre 1970 et 1979 et 1.420 entre 1980 et 1989. Au rythme des trois dernières années, on aura classé autant en 75 ans que pendant les 150 années précédentes.

En 1997, le nombre des immeubles protégés au titre des monuments historiques est de 39.600, soit 13.830 immeubles classés et 25.770 immeubles inscrits à l'inventaire supplémentaire.

Une répartition typologique de ces immeubles montre que :

- 50 % sont des édifices religieux ;

- 33 % des édifices civils dont la moitié sont des châteaux ;

- 17 % des édifices divers, dont 3,5 % des lieux militaires, 1,5 % des locaux industriels et 1 % des parcs et jardins.

Cette extension du champ patrimonial dont témoigne la politique de classement suivie au cours des dernières années ouvre à l'Etat de nouvelles perspectives qui lui permettent de compléter et de moderniser l'action qu'il conduit en faveur de la conservation et de la restauration du patrimoine. En effet, on ne protège pas de la même manière un château du XVIIIe siècle et un haut fourneau.

b) L'exemple du patrimoine industriel

Les XIVe journées du patrimoine organisées au mois de septembre dernier ont permis de constater que l'extension du champ de l'action patrimoniale de l'Etat correspondait à une attente des français.

En particulier, l'intérêt qu'il ont témoigné à l'égard du patrimoine industriel légitime les actions -encore peu nombreuses- entreprises en ce domaine. En effet, à cette occasion, il est apparu que les Français s'étaient appropriés un patrimoine qui, il y a une vingtaine d'années faisait seulement l'objet de travaux scientifiques.

Ce sont les architectes qui, les premiers, se sont intéressés dans le courant des années 70 à ce patrimoine. Des travaux scientifiques ont permis de prendre conscience de son importance historique. Les historiens des services et des techniques parmi lesquels figurent Bertrand Gilles et Maurice Daumas furent suivis, en ce domaine, par des spécialistes de l'histoire économique comme Louis Bergeron ou Denis Waranoff. Par ailleurs, des associations locales constituées la plupart du temps autour d'un site dont elles voulaient assurer la sauvegarde ou des entreprises ont également contribué à la prise de conscience de la nécessité qu'il y avait à assurer la protection de ce patrimoine.

L'Etat a entrepris une opération d'inventaire qui, entamée en 1983, ne concerne à ce jour que 12 régions sur 24 et n'est achevée que pour 9 d'entre elles. Les résultats sont saisis dans chaque région selon la méthode de l'inventaire typographique de façon à permettre leur intégration ultérieure dans la base de données Mérimée.

La qualité des connaissances accumulées varie selon les secteurs économiques concernés. Si le patrimoine des secteurs de la métallurgie, de la sidérurgie et des mines sont à peu près explorés, celui de l'industrie alimentaire ou de la construction navale restent mal connus. Aujourd'hui, entre 700 et 800 immeubles sont protégés ; certains l'ont été non sans mal comme l'usine Meunier à Noisiel ou la manufacture des Rames à Abbeville. En outre, 635 objets (bateaux, locomotives, matériel scientifique...) ont également été classés. Quelques musées à vocation scientifique et technique comme le musée des sciences et des techniques qui dépend du conservatoire des arts et métiers ou plus modestement le musée de la RATP à Saint-Mandé concourent à la présentation de cet héritage .

En revanche, le bilan de la protection et la mise en valeur de ce patrimoine fait apparaître de nombreuses destructions , en dépit de quelques opérations de réhabilitation très réussies à l'image de la Corderie royale de Rochefort classée en 1967. Depuis 1990, les destructions ont été nombreuses ; le dernier chevalement de mine de Montceau-les-Mines a été récemment abattu ; les silos des Grands Moulins de Paris étaient promis à la démolition, avant d'être dévastés par un incendie au mois d'août de cette année. Par ailleurs, de nombreux ouvrages ont été mis en caisse sans grand espoir de les voir un jour rendus au public : c'est le cas du pont métallique de Paris-Tolbiac qui a été démonté et déposé à Auneau (Eure-et-Loir) ou encore des maquettes du musée des travaux publics.

Le retard pris en ce domaine par la France est particulièrement net au regard de la situation qui prévaut en Grande-Bretagne ou en Allemagne. En Grande-Bretagne, ont été très rapidement menés des travaux d'inventaire, comme en témoignent le National Survey of Industrial monuments et le National record of Industrial monuments. Par ailleurs, de nombreux musées de sciences et techniques présentent ce patrimoine. En Allemagne, où existent également de nombreux musées de ce type, certains sites comme celui de Völklingen dans la Sarre, complexe sidérurgique datant de la fin du siècle dernier, sont désormais ouverts au public, tout en demeurant en fonctionnement.

Il semble, dans certains domaines, nécessaire de faire vite car un bâtiment industriel ou des machines qui ont cessé d'être utilisés ou de fonctionner soit sont ferraillés par le chef d'entreprise, soit se dégradent très rapidement. C'est le cas par exemple du patrimoine sidérurgique. Il apparaît aujourd'hui que très peu d'édifices postérieurs à 1850 subsistent, les opérations de sauvegarde ayant parfois échoué. C'est le cas notamment à Decazeville où un haut fourneau, d'abord installé au Creusot de 1929 à 1959, fut démoli en 1990. Au total, une vingtaine de hauts fourneaux construits entre le XVIIe siècle et le milieu du XIXe siècle sont protégés. Compte tenu de la rapidité à laquelle se dégradent les installations existantes, il est urgent de décider si, parmi les installations encore à feu en Lorraine ou venant d'être éteintes, l'unes d'elles doit être conservée, et ceci dans des conditions plus réalistes et plus cohérentes que celles qui ont conduit à la destruction des sites de Decazeville, Denain ou Longwy.

Souvent considéré comme la trace inesthétique d'un passé douloureux, longtemps négligé au nom de préoccupations faisant prévaloir les valeurs de la culture sur celles de la technique, le patrimoine industriel est désormais réhabilité. Comme le note en 1992 Louis Bergeron, chercheur du Centre de recherches des hautes études en sciences sociales (CRHESS), dans un des volumes des Lieux de mémoire : " au moment où notre société aborde une autre phase de croissance économique caractérisée sans doute par des structures industrielles radicalement différentes, il est nécessaire que notre communauté puisse comprendre qu'il est contre son propre intérêt de se couper de son passé industriel et technique, proche ou ancien . " Avec les mines, les industries sidérurgiques et les traces qu'elles ont imprimées à l'ensemble de la vie sociale dans de nombreuses régions, des pans entiers d'histoire risquent de disparaître.

En dépit de l'intérêt de ce patrimoine, des choix rigoureux qui devront être faits , notamment au vu des travaux d'inventaire dont il importera d'accélérer le rythme. Par ailleurs, votre rapporteur préconise une réflexion qui n'est pas sans lien avec la politique d'aménagement du territoire sur la nouvelle destination à donner à ces lieux qui ne peuvent être tous transformés en musée. En effet, les régions qui s'enorgueillissent d'un important héritage industriel ne disposent souvent guère d'équipements culturels ou de richesses touristiques.

Les premières opérations de conservation doivent souvent beaucoup à des initiatives individuelles organisées à l'échelon local autour de la volonté de conserver des savoir-faire ou des traditions économiques. Le mécénat semble être en l'espèce une source de financement particulièrement adaptée , les réalisations conduites en ce domaine par les entreprises pouvant être un élément non négligeable de leur politique de relations extérieures (comme le montre l'exemple de l'usine Meunier à Noisiel). Enfin, votre rapporteur émet le souhait que la Fondation du patrimoine puisse prendre en compte la nécessité de protéger ce patrimoine auquel les Français semblent de plus en plus sensibles.

2. Une marge de manoeuvre budgétaire étroite

a) La loi de programme

Face à l'accroissement du nombre de biens protégés qualifié par la commission Rigaud pour la refondation de la politique culturelle d'" irrésistible pression patrimoniale  ", il est opportun de s'interroger sur la possibilité pour l'Etat d'assumer l'ensemble de la responsabilité de la protection et de la mise en valeur du patrimoine.

La réponse semble devoir être négative. Un bilan sanitaire du parc immobilier classé dressé par la direction du patrimoine en juillet 1995 a souligné le caractère insuffisant des crédits prévus par la loi de programme de 1993 au regard des opérations considérées comme urgentes . Pour les monuments possédés par l'Etat, la moitié seraient concernés par des urgences ce qui représente un montant de travaux estimé à 8,5 milliards de francs. Les monuments n'appartenant pas à l'Etat seraient dans une situation similaire (47 % hors sites préhistoriques) mais compte tenu de leur nombre les opérations de conservation s'élèveraient à 23 milliards de francs. A supposer que les urgences soient satisfaites dans un délai de cinq ans (il semble que c'est au terme de ce délai que des dommages graves ou irréparables soient à redouter), il faudrait plus que doubler les dépenses prévues aux termes de la loi de programme.

Les crédits consacrés au patrimoine -même ramenés en 1998 au niveau prévu par la loi de programme de 1993- ne peuvent suffire à l'ampleur de la tâche.

b) Le recours à l'initiative privée

Face à l'accroissement du champ patrimonial et à un contexte de réduction des dépenses publiques, est apparue la possibilité de développer l'initiative privée afin de transformer l'intérêt nouveau des Français pour leur patrimoine en engagement actif.

A cette fin, la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 a créé la " Fondation du patrimoine ".

La " Fondation du patrimoine " est un organisme de droit privé dont la mission est de " promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national " afin de combler les lacunes du dispositif étatique de protection du patrimoine. Elle s'attache en particulier à " l'identification, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine non protégé " et devait avoir pour principale mission de concourir à la sauvegarde du patrimoine de proximité non protégé.

Le capital de la Fondation composé des apports initiaux des fondateurs, qui sont de grandes entreprises dont certaines ont une expérience ancienne de mécénat culturel, s'élève à 32 millions de francs.

Le décret approuvant ses statuts et portant reconnaissance d'utilité publique de la Fondation est intervenu le 18 avril 1997. A cette occasion, les premières orientations de l'action de la Fondation ont pu être connues.

A la différence du schéma prévu à l'origine par le législateur, la Fondation ne financera pas ses actions sur les apports initiaux des entreprises donatrices mais par des appels à financement lancés au fur et à mesure que des projets seront retenus. Ceci apparaît justifié, d'une part, par la relative faiblesse du capital initial et des difficultés qui surgiraient inévitablement s'il devait être renouvelé chaque année et, d'autre part, par le souci d'assurer la transparence de l'action de la Fondation.

L'organisation qui se dessine est inspirée par les méthodes de gestion de l'entreprise privée. L'indépendance de la Fondation par rapport à l'administration -notamment par rapport à celle du ministère de la culture- semble garantie.

Ses capacités d'intervention sont pour l'heure très modestes. L'objectif final est de pouvoir en rythme de croisière dégager 2 millions de francs par an et par département qui permettraient de financer à hauteur de 20 % des projets qui feraient l'objet de cofinancement entre la Fondation et divers partenaires : propriétaires, industriels, collectivités locales.

La faible capacité d'intervention de la Fondation -au demeurant naturelle un an après l'adoption de la loi la créant- limite les possibilités de voir l'action patrimoniale de l'Etat soutenue de manière décisive par l'initiative privée.

A cet égard, il faut noter que la longue tradition d'intervention étatique en faveur du patrimoine explique notamment la relative faiblesse du mécénat culturel dans ce domaine.

La possibilité de voir se constituer en France le pendant du National Trust britannique ne peut donc être envisagée à court ou moyen terme.

3. Des choix indispensables

Ce constat impose à l'Etat l'obligation de faire des choix en matière de protection et de sauvegarde du patrimoine.

a) Vers une politique plus sélective de classement

La poursuite d'une politique de classement fondée sur des critères très larges semble compromise, sauf à dénier au classement sa valeur et à imposer aux propriétaires des contraintes qui ne seraient justifiées par aucun engagement de l'Etat. A contrario, une doctrine qui consisterait à classer trois ou quatre fois moins en ne retenant que les immeubles ou objets présentant un intérêt historique pour l'ensemble des Français serait de nature à aboutir à des destructions qui seraient autant de pertes irrémédiables pour la mémoire collective.

La politique de classement doit devenir plus sélective. Une évolution en ce sens commence à se dessiner.

La tendance à l'accroissement continu des classements a été inversée en 1995 mais cet effort est à poursuivre en agissant dès l'amont, sur les inscriptions dont le nombre annuel a doublé depuis leur déconcentration intervenue il y a dix ans. Un tel effort de rigueur est nécessaire pour éviter la dévaluation des protections ; il importe, en effet, de maintenir un haut niveau d'exigence quant à l'intérêt susceptible de les justifier. Il s'impose également du fait de la nécessité de mieux prendre en compte les effets induits par le développement des protections : charge financière accrue pour l'Etat ; extension des espaces soumis à des contraintes architecturales autour des monuments protégés...

Il serait souhaitable que la procédure du classement soit modifiée, notamment en prévoyant que la demande de classement soit prise sur un dossier contenant toutes les études préliminaires utiles non seulement au classement mais également aux travaux de conservation dont la nécessité apparaît à ce stade.

Par ailleurs, votre rapporteur juge indispensable que la direction du patrimoine se dote d'indicateurs fiables permettant une prévision raisonnée des décisions budgétaires . La connaissance des monuments et de leur état doit être améliorée. En effet, la première démarche faite en ce domaine, qui est le fichier sanitaire des monuments, est perfectible.

b) La nécessité de poursuivre les travaux d'inventaire

Une connaissance exhaustive du patrimoine est la condition nécessaire à l'élaboration de critères pertinents permettant de déterminer la nécessité d'une intervention de l'Etat .

L'Inventaire général lancé par André Malraux en 1964 a su moderniser ses méthodes mais il importe de poursuivre son adaptation aux exigences de la politique de protection du patrimoine.

Il importe notamment d'accélérer ses procédures afin d'assurer une meilleure couverture du territoire. La mise au point d'une nouvelle méthode est actuellement testée dans la région Alsace avec comme objectif l'achèvement de l'inventaire du patrimoine architectural et mobilier de l'ensemble de la région dans un délai de sept ans. A la suite de l'Alsace, la région Ile-de-France et le département de l'Ille-et-Vilaine ont entrepris une opération d'inventaire rapide.

c) Le développement de solutions alternatives au classement

Pour certains éléments du patrimoine -notamment ceux qui correspondent à des champs peu explorés de l'action étatique- il importe de recourir à des mesures de protection plus souples que le classement ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire. C'est le cas notamment du patrimoine du XXe siècle, fragile et peu protégé.

Il apparaît à votre rapporteur que le recours à des instruments plus souples de protection comme les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager instituées par la loi du 7 janvier 1983 sont une réponse appropriée pour sauvegarder ce patrimoine menacé par les évolutions rapides de l'urbanisme.

Les crédits consacrés par le projet de loi de finances à ces mesures de protection semblent encore en - deçà du niveau nécessaire comme l'a indiqué plus haut votre rapporteur.

d) La nécessité de maintenir une capacité d'intervention substantielle de l'Etat

L'effort consenti en faveur du patrimoine pour l'exercice 1998 doit être poursuivi au cours des prochaines années sous peine de voir disparaître des pans entiers de notre histoire -et certains parmi les plus remarquables.

Le sort réservé par les lois de finances aux engagements contenus dans la loi de programme amène votre rapporteur à s'interroger sur la pertinence de l'intervention du législateur en ce domaine.

Rappelons qu'en 1996, 20 % des crédits inscrits avaient été annulés, et qu'en 1997, les dotations prévues par la loi de programme ont été réduites d'un tiers compte tenu de l'étalement sur une année supplémentaire des engagements pluriannuels de l'Etat .

La programmation pluriannuelle des dépenses consacrées au patrimoine monumental, même si elle doit trouver ses limites dans le principe de l'annualité budgétaire, n'est pas pour autant dénuée de sens.

Les lois de programme ne concernent que quelques secteurs de l'action gouvernementale. Pratiquée depuis 1988, dans le domaine du patrimoine monumental, elles traduisent la volonté du Gouvernement d'accorder une priorité particulière aux investissements sur les monuments historiques. Le principe d'annualité budgétaire affirmée à l'article 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances prive, certes, les lois de programme d'effet contraignant. Néanmoins, elles constituent un gage de la continuité de l'engagement de l'Etat en faveur du patrimoine , particulièrement aux yeux des entreprises du secteur de la restauration des monuments historiques. Par ailleurs, la loi de programme accentue l'effet multiplicateur de la dépense consacrée au patrimoine. Sûres de pouvoir compter sur un effort de l'Etat, les collectivités locales et les propriétaires privés peuvent plus aisément s'engager dans des opérations de restauration.

Cependant, si le principe de la loi de programme ne doit pas, en lui-même, être remis en cause, des modifications quant à son contenu peuvent être envisagées . Notamment, il semblerait opportun d'y inclure les crédits d'entretien. Leur niveau, certes réévalué en 1997 est insuffisant pour permettre de remédier à la dégradation de l'état du patrimoine ; seul le maintien à un niveau élevé de ces crédits permettrait d'assurer la conservation normale du patrimoine et de ce fait, de réserver les crédits de travaux à leur destination réelle. En outre, ils subissent chaque année des gels et des annulations : ainsi, en 1997, 11,5 millions de francs ont été annulés sur le chapitre 35-20 article 20 (entretien des monuments historiques appartenant à l'Etat) et 4,1 millions de francs sur le chapitre 43-50 (entretien des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat). Pour 1998, les crédits d'entretien du patrimoine monumental et des bâtiments affectés à la direction du patrimoine s'élèvent à 63,179 millions de francs, soit une reconduction en francs courants. Quant à ceux consacrés à l'entretien des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, ils s'établissent à 59,06 millions de francs pour 1998 (soit + 15,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997).

Une meilleure prise en compte de ce type de dépenses permettrait une intervention préventive moins coûteuse qu'une action de restauration. D'autre part, les procédures administratives les régissant sont infiniment moins lourdes que pour les opérations de restauration.

Il serait également souhaitable que la loi de programme soit l'occasion d'une réflexion sur les orientations de la politique de l'Etat en faveur du patrimoine qui pourraient ainsi faire l'objet d'un débat parlementaire approfondi.

B. LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES MUSÉES NATIONAUX

1. Une gestion insuffisamment maîtrisée

a) Les difficultés rencontrées dans la définition d'une politique d'ensemble du patrimoine muséographique

Entre 1973 et 1990, la proportion des Français fréquentant les musées est passée de 27 % à 30 %. Cette évolution, relativement limitée, représente néanmoins un public nouveau de près de 2 millions de visiteurs . Le nombre d'entrées payantes a cru très fortement au cours des 35 dernières années ; de 3 millions en 1960, il est passé à 10,2 millions en 1994 .

L'ouverture de nouveaux musées et la politique d'enrichissement des collections nationales apparaissent comme les principaux facteurs explicatifs de ce mouvement.

Afin d'accompagner cette évolution, la direction des musées de France (DMF) s'est vu attribuer une responsabilité centrale dans la définition et la conduite de la politique nationale des musées .

Dans le prolongement de la loi de programme sur les musées de 1978, l'article premier de l'arrêté du 23 octobre 1979 a, en effet, confié à la DMF la mission de " préparer et de mettre en oeuvre la politique des pouvoirs publics en vue de conserver, protéger, enrichir, étudier et mettre en valeur le patrimoine muséographique, et en assurer le libre accès au public ". Ses compétences ont été renforcées en 1991. Parallèlement à la poursuite d'un mouvement de déconcentration de la gestion des musées qui était susceptible d'alléger la charge de la structure centrale, la DMF a été réorganisée avec pour objectif de lui donner les moyens de " proposer et de mettre en oeuvre la politique de l'Etat en matière de patrimoine muséographique ". A ce titre, elle a été investie explicitement d'une mission de coordination des actions des diverses autorités publiques intervenant dans ce domaine et son champ d'action a été étendu à l'ensemble des musées relevant de l'ordonnance de 1945.

Néanmoins, il apparaît que la DMF n'a pas disposé des moyens lui permettant d'assumer cette mission dont la légitimité est pourtant évidente compte tenu du développement qu'ont connu les institutions muséographiques.

Dans son rapport particulier consacré aux musées nationaux et aux collections nationales d'oeuvres d'art, publié en février 1997, la Cour des comptes constate, en effet, que " malgré des efforts qui doivent être soulignés, (...) elle ne dispose encore que de moyens réduits non seulement pour assumer les responsabilités qui lui ont été confiées sur l'ensemble des musées de France, mais aussi pour assurer la cohérence de son action sur les musées nationaux, à l'égard desquels elle a une responsabilité directe de gestion ".

Les difficultés rencontrées par la DMF dans la conduite de sa mission s'expliquent par les conditions d'exercice de sa tutelle sur les musées.

En premier lieu, force est de constater que de nombreux musées , à l'image de ceux qui relèvent du ministère de l'éducation nationale, échappent à sa tutelle et qu'elle ne dispose pas, à leur égard, d'une capacité spécifique de contrôle et d'orientation.

Par ailleurs, les instruments dont elle dispose pour exercer sa tutelle ne semblent pas adaptés à ses nouvelles responsabilités . Les nombreuses instances consultatives qui entourent la DMF, dont les compétences sont exclusivement scientifiques ou artistiques, ne constituent pas des lieux de concertation suffisants pour permettre une coordination efficace des actions publiques dans le domaine des musées. L'inspection générale des musées, qui ne jouit pas d'une autorité suffisante face aux autorités scientifiques, joue un rôle de conseil plus que de contrôle. Par ailleurs, la DMF ne dispose pas non plus d'instruments efficaces de contrôle de la gestion des musées qui seraient pourtant nécessaire pour faire face à la complexité des règles qui régissent leur fonctionnement. Enfin, le mouvement de déconcentration mené à partir de 1987, impliquant des délégations plus ou moins importantes selon les établissements, n'a pas été l'occasion pour la DMF de préciser les conditions d'exercice de sa tutelle sur les musées nationaux et, en conséquence n'a pas permis d'améliorer la gestion administrative et culturelle des musées.

Un tel constat justifie que soient accélérés les travaux de préparation d'un projet de loi sur les musées.

En effet, le régime juridique issu de l'ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts s'avère aujourd'hui largement dépassé. Son champ d'application, limité aux seuls musées des beaux-arts, ne couvre ni les musées d'histoire naturelle, ni les musées dépendant d'autres administrations que celle du ministère de la culture . Nombre de ses articles ont été abrogés et seules subsistent les dispositions relatives à l'organisation de la gestion des musées nationaux et quelques rares dispositions applicables aux musées des collectivités territoriales. Certaines des règles qu'elle édicte comme l'obligation faite à chaque musée de soumettre le règlement intérieur et la fixation des droits d'entrée pour approbation au ministre sont devenues obsolètes . Enfin, les textes réglementaires relatifs au contrôle technique de l'Etat sur les musées des collectivités territoriales n'ont jamais pu être édictés, en l'absence de normes législatives fixant les conditions dans lesquelles il devait s'effectuer.

Il serait donc souhaitable que la future loi permette d'offrir un cadre juridique commun à l'ensemble des musées, que leurs collections appartiennent à l'Etat, à des collectivités territoriales ou à des personnes morales de droit privé.

L'élaboration d'une nouvelle loi devrait permettre également d'assurer une gestion plus satisfaisante des collections qui, comme l'a souligné le rapport de la Cour des comptes, souffre de graves lacunes.

A la suite du récolement effectué par la Cour des comptes qui a porté sur 5.000 oeuvres et après deux années de recherche conduites par les musées et la direction des musées de France, environ 950 oeuvres, inscrites sur les inventaires et donc supposées localisées, n'ont pu être présentées et devaient donc être tenues pour manquantes, ce qui ne peut manquer d'inquiéter. Environ 40 % de ces oeuvres étaient déposées dans des musées de province, 15 % dans des ministères et 5 % dans des ambassades.

Afin de remédier à ces lacunes, une circulaire du Premier ministre en date du 24 juin 1996 a précisé et complété les règles applicables en matière de dépôt de meubles et d'oeuvres d'art des collections nationales dans les administrations afin notamment d'en renforcer les conditions de gestion et de contrôle. Par ailleurs, le récolement général de toutes les oeuvres déposées par l'Etat a été entrepris et devrait s'achever d'ici le 31 décembre 1999.

b) Les conséquences des difficultés financières de la Réunion des musées nationaux

Votre rapporteur avait souligné l'an dernier les conséquences des difficultés financières de la Réunion des musées nationaux (RMN) sur le montant des crédits d'acquisition des musées nationaux.

La Cour des comptes dans son rapport particulier consacré aux musées nationaux a confirmé son analyse des raisons de la dégradation de la situation financière de la RMN qui sont liées à la fois à la baisse de la fréquentation des musées et à la difficulté qu'éprouve cet établissement " à concilier deux logiques qui ne sont pas aisées à mettre en harmonie : une logique économique qui lui impose de rentabiliser sa fonction commerciale en vue de dégager les ressources nécessaires à l'enrichissement des collections et une logique régalienne, culturelle et éducative qui lui impose de favoriser l'accès du plus grand nombre ".

A la suite des résultats déficitaires enregistrés en 1995 et 1996, la RMN s'est engagée dans un plan d'assainissement de sa situation financière.

Défini en novembre 1996, ce plan, régulièrement suivi par un comité financier associant l'établissement et ses autorités de tutelle, prévoit un rétablissement en trois ans, afin de dégager sur cette période des excédents pour combler les déficits cumulés des dernières années.

D'après les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur, les premiers résultats de ce plan semblent satisfaisants puisque, pour 1997, l'excédent, estimé à  5,2 millions de francs au début de l'année, devrait s'élever à 18,4 millions de francs

Cette amélioration résulte à la fois de la gestion rigoureuse suivie depuis la mise en place du plan d'action notamment grâce à la vigilance du comité financier et du retour du public dans les musées en 1997. Par ailleurs, la programmation de deux expositions non prévues (la rétrospective Georges de La Tour aux galeries nationales du Grand Palais et la présentation des chefs d'oeuvre impressionnistes de la collection Havemayer au musée d'Orsay) a permis de redresser le résultat des expositions temporaires. Les prévisions pour 1998 se fondent sur une consolidation du redressement constaté cette année.

Votre rapporteur observe que le redressement des résultats de la RMN ne s'accompagne pas pour l'année 1997, d'une amélioration de sa participation à l'acquisition d'oeuvres d'art par les musées nationaux. L'amélioration de sa situation financière qu'il convient de noter ne permet pas de revenir aux niveaux de contribution constatés sur la période 1990-1995 et se traduit même par une diminution significative de sa contribution aux acquisitions des musées nationaux. En effet, cette dernière ne représente en 1997 que 29,3 millions de francs soit 21% du budget d'acquisition des musées nationaux contre 55,4% en 1994, dernière année pour laquelle le résultat de la RMN avait été excédentaire.

2. Une marge de manoeuvre étroite pour la conduite d'une politique muséographique ambitieuse

a) Des entraves à l'enrichissement des collections
· Un système lacunaire de protection du patrimoine national
Au dispositif douanier hérité du régime de Vichy, la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, régissant le contrôle de la circulation des biens culturels, a substitué un mécanisme de protection fondé sur la délivrance d'un certificat de libre circulation des biens culturels.

Ce certificat, requis tant pour la circulation d'un bien culturel dans l'Union européenne que pour son exportation vers un pays tiers atteste qu'il ne constitue pas un trésor national et peut dès lors sortir du territoire. Il convient de rappeler que lorsque l'Etat a refusé l'octroi d'un certificat à un bien culturel présentant les caractéristiques d'un trésor national, il ne peut réitérer ce refus à l'expiration d'un délai de trois ans.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi, c'est avec parcimonie qu'il a été fait usage de cette prérogative puisque 35 oeuvres seulement ont fait l'objet d'un refus de certificat. Quatorze d'entre elles ont été acquises par les collections publiques. La valeur totale de ces acquisitions s'élève à 115 millions de francs, la part du financement assumé par l'Etat s'étant élevée à 73,5 millions de francs (soit 64 %), celle des fonds privés à 33 millions de francs (soit 28,6 %) et celle des collectivités locales à 8,5 millions de francs (soit 7,4 %). Sur ces 14 oeuvres, 4 ont été acquises pour le compte de collectivités locales et 10 pour celui de l'Etat (7 pour les musées nationaux, 2 pour la BNF et 1 pour la Cité de la musique).

Au cours de cette année, 6 refus de certificats devaient parvenir à expiration. Trois des oeuvres concernées ont été acquises par l'Etat ou des collectivités publiques. Par ailleurs, trois trésors nationaux, dont l'interdiction d'exportation devait expirer au-delà de 1997, ont été acquis par les musées nationaux. Il s'agit :

- du portrait de Juliette de Villeneuve par David ;

- d'un coffret à bijoux de Marie-Antoinette ;

- et d'un papier collé de Picasso.

Ces oeuvres ont été acquises essentiellement grâce aux contributions du fonds du patrimoine et du mécénat.

Si votre rapporteur se réjouit des acquisitions réalisées cette année, il nourrit de sérieux doutes sur la possibilité de conserver dans le patrimoine national les oeuvres de grande valeur dont les refus de certificat arriveront à expiration dans les années à venir.

En effet, l'arrêt Walter de la Cour de cassation du 20 février 1996, ne permet plus d'utiliser l'arme du classement pour garantir le maintien en France d'oeuvres maîtresses du patrimoine national compte tenu de l'obligation d'indemnisation dont il s'accompagne. Par ailleurs, les contraintes financières pesant sur le montant des crédits d'acquisition des musées nationaux notamment en raison des difficultés financières de la RMN rendent difficilement envisageable l'acquisition d'oeuvres dont la cote sur le marché de l'art excède bien souvent leur montant total. C'est le cas notamment de trois oeuvres : un tableau de Manet, Berthe Morisot au bouquet de violettes , dont la valeur déclarée est de 135 millions de francs, un tableau de Degas, la Duchesse de Montejasi et ses filles (d'une valeur déclarée de 200 millions de francs) et du Jardin de Vallier par Cézanne (d'une valeur déclarée de 250 millions de francs). Il faut rappeler, en effet que jusqu'ici, la valeur moyenne des trésors nationaux acquis pour les collections nationales est de 8,21 millions de francs, l'achat le plus important ayant été de 25 millions de francs. D'ores et déjà, l'Etat a du accorder des certificats à des oeuvres majeures, telles la décollation de Saint Jean-Baptiste par Rubens et l'agonie au jardin des oliviers par Poussin.

Une telle situation appelle deux réflexions :

- La première a trait aux lacunes du dispositif de protection prévue par la loi du 31 décembre 1992. Très contraignant pour les propriétaires, il n'assure pas une protection efficace du patrimoine national. Dans le cas du refus du certificat, le propriétaire doit attendre trois ans avant d'être fixé définitivement sur le sort de son bien, ce qui apparaît absurde compte tenu du caractère non renouvelable du certificat ; rappelons que le droit de rétention prévue par la loi de 1943 ne pouvait s'exercer que pendant six mois. En outre, la loi de 1992 ne détermine pas les conditions d'acquisition des oeuvres par l'Etat et, en particulier, ne détermine aucune procédure d'estimation de la valeur des oeuvres.

- La seconde s'appuie sur le montant des crédits d'acquisition dont disposent les musées nationaux. Ceux-ci passent de 94,61 millions de francs pour 1996 à 135,6 millions de francs en 1997, soit une progression de 42%. Leur origine est détaillée dans le tableau ci-après:

CRÉDITS D'ACQUISITIONS D'OEUVRES D'ART

POUR LES MUSÉES NATIONAUX EN 1996 ET EN 1997

(en millions de francs)

Subventions d'Etat

Crédits RMN

Années

Subvention annuelle

Fonds du patrimoine

Dotation RMN

Dons et legs

Mécénat

Total

1996

6,05 36,20 43,62 0,95 7,79 94,61

1997

7,87

55,7 29,3 30,52 12,5 135,9

Ces chiffres font apparaître une augmentation significative de la contribution de l'Etat et, en particulier du fonds du patrimoine, au budget d'acquisition des musée nationaux qui permet de compenser la diminution de la participation de la RMN. Grâce à cet effort du ministère, les difficultés de la RMN n'ont pas eu d'incidences sur le niveau des crédits disponibles en 1997. Néanmoins, force est de constater que les modalités du financement des acquisitions ont été profondément modifiées, les recettes des musées ne contribuant plus que pour une faible part à leurs acquisitions.

En 1998, la contribution de l'Etat sera augmentée : la subvention annuelle sera portée à 11,8 millions de francs et les crédits du fonds du patrimoine qui, comme les années précédentes, devraient être consacrés en priorité à l'acquisition de trésors nationaux s'élèveront à 97,5 millions de francs.

Néanmoins, en dépit de ces chiffres, qui traduisent un effort qui doit être souligné, et des perspectives de redressement de la situation financière de la RMN, le niveau des crédits d'acquisition ne permettra pas de faire face à l'acquisition des oeuvres auxquelles faisait référence votre rapporteur.

Dans ces conditions, le dispositif a pour seul effet de retarder l'inéluctable pour les oeuvres d'une valeur élevée, c'est-à-dire l'octroi au terme du délai de 3 ans du certificat tout en empêchant de facto le propriétaire de le mettre en vente dans des conditions satisfaisantes. En effet, les oeuvres atteignant des valeurs exigeant l'octroi d'un certificat font l'objet d'une demande internationale et ne peuvent atteindre avant l'expiration du délai les prix qu'elles sont susceptibles d'atteindre, ce qui pénalise incontestablement les propriétaires. A l'appui de cette constatation, on peut citer l'exemple du papier collé de Picasso qui fut mis en vente publique en 1995, trois mois après le refus du certificat et qui n'atteignit pas le prix de réserve fixé par son propriétaire.

Une révision du dispositif s'impose .

Un système fondé sur une liste d'objets dont l'exportation serait interdite ou sur le renouvellement du refus de certificat semble exclu . En effet, un tel dispositif serait susceptible d'entraver le fonctionnement du marché de l'art français. Par ailleurs, il semble contraire à la directive européenne relative à la libre circulation des oeuvres d'art.

En revanche, une solution inspirée de l'exemple britannique serait envisageable. Au Royaume-Uni, au terme de la loi du 1er septembre 1939, toutes les oeuvres de plus de 50 ans dont la valeur excède un certain seuil sont soumises à licence d'exportation. Celle-ci peut être refusée par le " Reviewing Committee " (6 membres) pour une durée de 3 à 6 mois durant laquelle une collection publique peut présenter une offre d'achat à la valeur déclarée. A défaut d'une telle offre, l'exportation est autorisée. Les critères -dits " Waverley " du nom du président de la commission qui les a formalisés- permettant de refuser le permis d'exporter, sont clairement définis.

Lorsque le comité spécialisé recommande l'ajournement de la demande du permis d'exporter, il fixe un prix auquel l'acquisition pourrait être faite et qui est déterminé par référence au marché. Lorsqu'une offre égale ou supérieure au prix suggéré par le comité est faite au propriétaire par une collection publique et que ce dernier ne l'accepte pas, le certificat est en général refusé sans que la validité de ce refus soit limitée dans le temps.

Ce système qui n'empêche pas les trésors nationaux d'être exportés de Grande-Bretagne, présente néanmoins deux avantages majeurs : le délai pendant lequel la procédure de délivrance de la licence peut-être suspendue est d'une durée raisonnable et les modalités de fixation du prix des oeuvres sont déterminés de façon précise.

Vers des nouvelles sources de financement ?

L'étroitesse de la marge de manoeuvre dont disposent les musées nationaux pour enrichir leurs collections exige que soit menée une réflexion approfondie sur les moyens de diversifier leurs sources de financement.

Avant d'examiner des solutions plus novatrices, votre rapporteur se félicitera du sort réservé aux dations en paiement de droits de succession par le projet de loi de finances pour 1998. Les dations sont désormais provisionnées en début d'année sur une ligne de crédits spécifique qui sera abondée en loi de règlement.

Il faut, en effet, rappeler qu'en 1996, avait été envisagée la possibilité d'évaluer le montant des dations et de réduire d'autant le montant des crédits d'acquisition. Cette solution avait été abandonnée au profit d'une opération pratiquée en 1995 et renouvelée en 1996 permettant de gager les dations par des annulations sur les dépenses du titre IV opérées par les lois de finances rectificatives de fin d'année. Votre rapporteur n'avait pu que regretter cette pratique qui avait pour effet de priver la loi Malraux de son efficacité. Il se félicite donc que cette méthode ait été abandonnée en 1997 au profit d'une comptabilisation plus favorable au budget d'acquisition des musées. Les dations seront désormais provisionnées en début d'année sur une ligne de crédits spécifiques et ne seront plus gagées en fin d'année par des annulations de crédits. Rappelons que les dations sont une source privilégiée de l'enrichissement des collections nationales comme l'illustre l'exemple de la dation Picasso effectuée en 1979. En 1996, six dations ont été acceptées par le ministère du budget, pour une valeur globale de 22,47 millions de francs.

Les dations, si elles permettent incontestablement de contribuer à l'enrichissement du patrimoine national, ne constituent pas à l'évidence une solution pour empêcher les trésors nationaux de quitter le territoire national. Il importe donc de réfléchir à des dispositifs nouveaux permettant de faire face à la faiblesse des crédits d'acquisition.

Le rapport de la commission d'études pour la défense et l'enrichissement du patrimoine national et le développement du marché de l'art, remis au Premier ministre en juillet 1995 (plus connu sous le nom de rapport Aicardi), avait préconisé la mise en place d'un nouveau système de financement des acquisitions des musées nationaux. Ce dernier reposait sur la création d'un fonds de concours réservé à l'acquisition des trésors nationaux qui aurait été alimenté par la Française des jeux, s'inspirant sur ce point de la Grande-Bretagne. Ce fonds devait bénéficier d'une dotation de l'ordre de 200 millions de francs qui aurait été reportable afin d'éviter qu'elle ne soit obligatoirement dépensée chaque année, ceci permettant l'acquisition d'objets ou d'ensembles exceptionnels.

L'existence d'une telle réserve financière rendrait possible une modification de la loi de 1992 qui privilégierait l'achat des oeuvres ayant fait l'objet d'un refus de certificat par rapport à un dispositif plus contraignant fondé sur le renouvellement du certificat.

Cette solution qui n'est pas entièrement novatrice ne va pas sans susciter quelques interrogations.

En effet, il existe d'ores et déjà des prélèvements sur les sommes misées par la Française des jeux. C'est le cas en particulier du prélèvement opéré au titre du Fonds national pour le développement du sport. Par ailleurs, la possibilité de recourir à ce type de financement est également envisagée pour l'organisation des célébrations de l'an 2000 qui ne font pour l'heure l'objet d'aucune inscription budgétaire. L'effet de l'institution d'un nouveau prélèvement devra donc être apprécié au regard de la nécessité de garantir la rentabilité de la Française des jeux  Il importe donc avant toutes choses de disposer d'une étude permettant d'évaluer précisément les ressources susceptibles d'être ainsi générées.

Par ailleurs, une analyse attentive de l'exemple britannique souligne la nécessité d'entourer le fonctionnement d'un tel système de garanties. En effet, si le Lottery Act de 1993 a permis à la politique culturelle britannique de disposer de ressources supplémentaires dans un contexte marqué par une rigueur budgétaire accrue, il apparaît comme la consécration d'un désengagement de l'Etat dans le secteur culturel. L'existence de ressources extérieures ne doit pas, en effet, être un prétexte pour réduire les crédits d'acquisition des musées nationaux.

b) Les obstacles à la création de nouveaux espaces muséaux

Au cours des dernières décennies, la France grâce à une politique déterminée d'investissement conduite par les gouvernements successifs a rénové et enrichi son patrimoine muséographique. Elle s'est dotée de grandes institutions telles que le Centre Georges Pompidou, le musée d'Orsay ou le Grand Louvre, dont la réalisation a été autant de jalons dans la conduite de la politique culturelle.

Néanmoins, en dépit de cet effort qui a permis de modifier la perception qu'avaient les français du musée, des chantiers dont certains sont très ambitieux restent à ouvrir comme en témoigne l'initiative du Président de la République de " donner aux arts d'Afrique, des Amériques, d'Océanie et d'Asie leur juste place dans les institutions muséologiques de la France ". Le principe de la création de ce musée a été retenu par le Premier ministre le 10 septembre dernier à la suite du rapport remis par la commission présidée par M. Jacques Friedmann.

Le souhait exprimé par le Président de la République répond à plusieurs décennies d'interrogations sur la situation de plus en plus préoccupante du Musée de l'Homme et sur les difficultés rencontrées par le Musée national des arts africains et océaniens.

A l'image du Mankind Museum de Londres ou du Tropen Museum d'Amsterdam, l'ouverture du Musée de l'homme, des arts et des civilisations devrait permettre la mise en valeur des collections et relancer l'intérêt artistique et scientifique pour ce domaine qui demeure encore peu connu du public .

Cette initiative a suscité de vives polémiques tant sur les collections qu'il devait présenter que sur son site d'implantation. La volonté de rapprocher les collections du musée de l'Homme dépendant du Museum d'histoire naturelle, qui relève de la tutelle du ministère de l'éducation nationale, et de celles du musée des arts africains et océaniens dépendant du ministère de la culture a suscité un débat qui illustre la difficulté d'élaborer une politique nationale des musées cohérente.

Une mission de préfiguration a été créée par les deux ministères concernés, et M. Germain Viatte, conservateur général du patrimoine, ancien directeur du musée national d'Art moderne, a été choisi pour être le directeur du projet muséologique.

Le projet initial d'implantation de ce musée qui nécessite une surface de l'ordre de 30.000 m 2 dans l'aile Passy du Palais de Chaillot aurait exigé le déménagement du musée de la Marine. A la suite du rapport de M. Serge Louveau, ce déménagement est désormais exclu et des études ont été entreprises pour préciser les avantages et les inconvénients des divers sites envisageables avec le souci d'utiliser au mieux les bâtiments existants afin de réduire le coût de réalisation de ce projet tout en respectant le principe de sa création. L'arbitrage qui devrait intervenir dans le courant du mois de novembre tranchera entre les trois sites envisagés : Chaillot, Eiffel-Branly et le Grand Palais.

Le principe de sa création ayant été retenu par le Premier ministre le 10 septembre dernier à la suite du rapport remis par la commission présidée par M. Jacques Friedmann, le projet est désormais entré dans une phase opérationnelle.

Pour l'exercice 1998, la structure juridique de la mission de préfiguration, qui devrait dans le courant de l'année prochaine être érigée en établissement public ad hoc, recevra une subvention d'un montant de 5 millions de francs destinée à financer son fonctionnement et les études scientifiques nécessaires à l'élaboration de sa programmation inscrite pour moitié au budget du ministère de la culture et pour moitié au budget du ministère de l'Education nationale. Les crédits d'investissement font l'objet de 20 millions de francs d'autorisations de programme qui sont comprises dans la subvention d'investissement de l'agence d'ingénierie culturelle qui assurera la maîtrise d'ouvrage des travaux.

Avant l'ouverture du futur musée au public, 100 à 200 objets d'art primitif seront présentés au Louvre dans une partie du musée non encore aménagée qui pourrait ouvrir à la fin de l'année 1999.

Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce projet illustrent aux yeux de votre rapporteur l'étroitesse de la marge de manoeuvre dont dispose le ministère de la culture pour lancer de nouveaux projets de musées. En effet, les ambitions en ce domaine se trouvent limitées par la nécessité d'assurer le fonctionnement des institutions existantes, dont le coût pèse lourdement sur le budget de l'Etat, compte tenu du rôle exemplaire qu'elles ont à jouer.

En effet, l'achèvement des grands chantiers ne met pas un terme à l'effort de l'Etat. L'entretien des bâtiments dans lesquels sont installés les musées doit être régulièrement assuré.

Des besoins de financement nouveaux très supérieurs à ce que pouvaient représenter ces postes dans le budget des institutions traditionnelles apparaîtront, compte tenu notamment du renouvellement des équipements sophistiqués et fragiles dont ils sont dotés.

Deux exemples particulièrement significatifs permettent de prendre la mesure de la contrainte budgétaire qui s'impose en ce domaine au ministère de la culture.

Le coût du fonctionnement du musée du Louvre (le versement à la RMN de 45 % des recettes du droit d'entrée aux collections permanentes compris) est estimé pour 1997 à 632 millions de francs, 462 millions de francs étant gérés par le musée et 170 millions de francs étant pris en charge par la Direction de l'administration générale du ministère de la culture au titre de la rémunération des personnels titulaires. Avec les dépenses de personnel (295 millions de francs), les charges d'exploitation du bâtiment (maintenance des équipements techniques et de sécurité, maintenance du bâtiment...), qui s'élèvent à 150 millions de francs environ, représentent les deux premiers postes de dépenses.

Hors versement à la RMN de sa redevance, le taux d'autofinancement du musée est pour 1997 proche de 21 % si l'on considère le coût total estimé du musée.

Pour 1998, les crédits de fonctionnement attribués au Musée du Louvre font l'objet d'une mesure nouvelle de 9,55 millions de francs qui permettra l'extension des surfaces d'exposition et une majoration des crédits de personnel correspondant à la création de 21 emplois, dont 8 sont compensés par l'ajustement des crédits de vacation.

La disparition de l'établissement public du Grand Louvre (EPGL), début 1999 exigera , après que ce dernier aura presque entièrement rénové le patrimoine immobilier du Louvre, que le relais soit passé au musée pour l'entretien et l'aménagement du bâtiment dont il sera progressivement doté, ainsi que pour la sécurité.

A l'horizon 2000, le coût prévisionnel estimé par le musée du Louvre pourrait atteindre près de 700 millions de francs. Les raisons de cette augmentation tiennent, pour 15 millions de francs, aux dépenses nouvelles liées au patrimoine (entretien et exploitation du bâtiment, jardins), pour 12 millions de francs aux dépenses de renouvellement, d'amélioration ou d'extension des équipements, et pour 32 millions de francs à la création d'emplois pour assurer l'ouverture des nouveaux espaces d'exposition. Cette augmentation du coût du musée serait supportée pour 50 millions de francs par l'Etat, les recettes nouvelles nettes dégagées par le Louvre s'élevant à 10 millions de francs environ.

La nécessité de consacrer un effort suffisant à l'entretien des bâtiments et au renouvellement des équipements est illustrée par l'exemple du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à la réhabilitation duquel l'Etat devra consacrer 440 millions de francs de 1997 à 1999 faute d'avoir au fil des ans assuré un entretien suffisant.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le 19 novembre 1997, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Ivan Renar , après avoir souligné la qualité de la présentation du rapport, a fait observer que le budget de la culture était un budget difficile à évaluer en raison des transferts de compétences, des mesures de régulation et des modifications de nomenclature dont il est fréquemment l'objet. Il a souhaité que soit organisé un débat parlementaire sur la politique culturelle. Il a, par ailleurs, évoqué les difficultés liées à la fiscalisation des institutions culturelles.

En ce qui concerne les mesures de réorganisation administrative du ministère de la culture, s'il s'est déclaré favorable à la fusion au sein d'une même direction des services du patrimoine et de l'architecture, il a fait part de ses réserves sur le projet de regroupement de la direction de la musique et de la danse et de la direction du théâtre et des spectacles. Il s'est interrogé des conséquences de la déconcentration sur le rôle que doit jouer l'Etat en faveur des artistes.

Enfin, il s'est inquiété des risques soulevés par une imputation du montant des dations en paiement de droits de succession sur les crédits d'acquisition des musées nationaux.

M. Jacques Legendre s'est félicité de l'augmentation des crédits consacrés au patrimoine monumental mais a souhaité que soit dressé un bilan de l'exécution de la loi de programme dans les régions. Il a approuvé les propos du rapporteur pour avis sur la nécessité de mettre en oeuvre une politique du patrimoine industriel. Il a souhaité, par ailleurs, que le rapport attire l'attention du ministre de la culture sur l'interprétation faite par les tribunaux des dispositions de la loi du 4 août 1994 sur la langue française qui tend à limiter le droit des associations agréées de se porter partie civile en cas d'infractions à ses dispositions.

Evoquant les difficultés rencontrées pour évaluer l'action menée par les directions régionales de l'action culturelle, Mme Danièle Pourtaud s'est inquiétée des conditions de mise en oeuvre de la déconcentration. Elle s'est, par ailleurs, enquise des conséquences des négociations au sein de l'AMI, au regard du maintien du principe de l'exception culturelle.

M. André Maman a souligné l'importance de l'enseignement artistique en milieu scolaire et a souhaité savoir si les procédures relatives aux acquisitions des musées seraient déconcentrées.

M. Jean Bernard a souhaité connaître le coût de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Nachbar a souligné la nécessité de régler la question de la fiscalisation des institutions culturelles. Il s'est déclaré favorable au principe de l'organisation d'un débat parlementaire sur la politique culturelle. Il s'est engagé à demander des précisions au ministre sur les conséquences de l'augmentation des crédits consacrés du patrimoine monumental sur les opérations menées dans les régions.

Il a souligné à nouveau l'urgence d'une action en faveur du patrimoine industriel, rappelant que seul le patrimoine des industries minières avait jusqu'ici pu être protégé. Il a regretté que l'interprétation faite par les tribunaux de la loi du 4 août 1994 sur la langue française aboutisse à limiter les droits des associations agréées à ester en justice.

Il a rappelé la nécessité de préciser dans la perspective de la déconcentration le cadre dans lequel les directions régionales des affaires culturelles mettraient en oeuvre la politique culturelle. Il s'est déclaré favorable à la défense du principe de l'exception culturelle. Il a regretté qu'il n'existe pas dans l'enseignement secondaire d'enseignement obligatoire de l'histoire de l'art. Après en avoir rappelé les modalités, il a indiqué que les procédures d'acquisition d'oeuvres d'art pour les musées nationaux ne seraient pas déconcentrées.

Enfin, il a précisé que la subvention de fonctionnement de l'Etat à la BNF s'élèverait à 600 millions de francs en 1998.

M. Albert Vecten a souligné que, dans un contexte de rigueur budgétaire, l'action en faveur du patrimoine industriel devait être sélective afin d'éviter un saupoudrage des financements.

M. Philippe Nachbar a indiqué que la politique de protection du patrimoine industriel devait s'attacher à sauver les vestiges les plus remarquables. Evoquant l'exemple de la chocolaterie Meunier réhabilitée par l'entreprise Nestlé, il a souligné que l'action de l'Etat en ce domaine pourrait être relayée par des opérations de mécénat.

Au terme de ce débat, suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a décidé à l'unanimité de donner un avis favorable à l'adoption du projet de budget de la culture pour 1998.


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