RAPPORT GENERAL N° 85 TOME 3 ANNEXE 32 - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - JUSTICE
M. Hubert HAENEL
COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION - RAPPORT GENERAL N° 85 TOME 3 ANNEXE 32 - 1997/1998
Table des matières
- PRINCIPALES OBSERVATIONS
-
CHAPITRE PREMIER
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS- I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS
- II. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME PLURIANNUEL POUR LA JUSTICE
- III. LES GRANDS SECTEURS
- IV. PRÉSENTATION DE L'ARTICLE 67 RATTACHE AU PROJET DE LA LOI DE FINANCES
-
CHAPITRE II
L'ENLISEMENT DE LA JUSTICE- I. UNE DURÉE MOYENNE DE RÈGLEMENT DES AFFAIRES CIVILES INTOLÉRABLE POUR LE JUSTICIABLE
- II. LA DÉRIVE DU CLASSEMENT DES AFFAIRES SANS SUITE
- III. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX ORIENTER L'AIDE JURIDIQUE
- IV. LES INCOHÉRENCES DE LA CARTE JUDICIAIRE ACTUELLE
-
EXAMEN EN COMMISSION
N° 85
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 1997.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M. Alain LAMBERT,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 32
JUSTICE
Rapporteur spécial
: M. Hubert HAENEL
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot,
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël
Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon
Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel
Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
(1997-1998).
Lois de finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS
1. Un effort budgétaire réel mais
relatif, qui ne sera efficace que dans la durée
Dans le contexte actuel de réduction du déficit public, le projet
de budget 1998 constitue un effort budgétaire réel bien que
relatif en faveur du ministère de la justice. Ce dernier voit ses
crédits augmenter de 4,03 % par rapport à l'année
dernière et atteindre 23,9 milliards de francs. Toutefois, votre
rapporteur voudrait replacer cette hausse dans son contexte. En 1995, une loi
de programme relative à la justice a été adoptée,
qui fixait des objectifs précis à réaliser sur cinq ans en
matière d'emplois et de crédits. Le projet de loi de finances
pour 1998 ne fait que s'y conformer, même s'il comble également
partiellement le retard pris l'année dernière, la hausse du
budget de la justice pour 1997 n'atteignant que 1,8 % seulement, contre
les 4 % annuels nécessaires pour respecter la loi de programme.
En outre, ce budget ne se révélera à la hauteur des
espérances qu'il suscite que si aucun gel de crédit n'intervient
durant l'année 1998. Certes, la levée de tous les gels intervenus
en 1997 par le nouveau gouvernement constitue un signe fort. Votre rapporteur
restera cependant attentif aux modalités d'exécution de ce budget.
Par ailleurs, cette hausse des crédits ne sera efficace que si elle
s'inscrit dans la durée. Votre rapporteur estime que le service public
de la justice ne pourra fonctionner correctement que s'il dispose d'un budget
d'environ 35 milliards de francs, ce qui nécessiterait,
au-delà de la loi de programme, une augmentation annuelle de
2 milliards du budget de la justice pendant 5 ans.
2. L'urgence de la réforme de la carte judiciaire
Votre rapporteur tient à rappeler que même si des moyens
supplémentaires sont indispensables pour assurer un fonctionnement
normal de la Justice, cette dernière ne répondra aux défis
auxquels elle est confrontée que par la mise en oeuvre de
réformes structurelles. La réforme de la carte judiciaire
constitue peut-être la plus urgente et la plus importante.
En effet, depuis 1958, la carte judiciaire n'a été
modifiée qu'à la marge, par la création des cours d'appel
de Metz, de Reims et de Versailles et celle de trois tribunaux autour de Paris
à Créteil, Bobigny, et Nanterre. Or, la carte judiciaire n'est
plus adaptées aux évolutions économiques, sociales et
contentieuses et doit en conséquence être réformée
impérativement.
En outre, depuis de nombreuses années, votre rapporteur plaide pour que
le réseau des juridictions soit calqué sur celui des
administrations. Dans cette optique, le cadre naturel de la cour d'appel serait
la région et celui du tribunal de grande instance le département.
Cette réforme permettrait la mise en place d'un échelon
départemental fort afin qu'aux préfets, commandants de
groupements de gendarmerie, directeurs départementaux de police et
autres directeurs et chefs de services à ce niveau administratif
corresponde un procureur départemental. Les cours d'appel et les
tribunaux de grande instance actuels ne seraient pas pour autant
supprimés mais transformés en chambres détachées.
Par ailleurs, en tant qu'échelon de proximité par excellence, le
tribunal d'instance serait renforcé tant au niveau de la
compétence que des moyens, devenant l'antenne polyvalente de la justice
dans les territoires.
3. Pour une plus grande indépendance de la Justice
Le 29 octobre, Mme Elisabeth Guigou a présenté en conseil
des ministres un projet de réforme de la Justice qui vise, notamment,
à renforcer l'indépendance du Parquet vis-à-vis du garde
des Sceaux. Désormais, le Parquet ne pourra plus recevoir d'instruction
du ministre de la justice dans les affaires individuelles et dans les
conditions actuelles. Ce dernier continuera cependant de fixer la politique
pénale à travers des directives générales
adressées aux parquets, qui seront plus précises et plus
fréquentes que dans le passé. En outre, il disposera, au nom de
l'Etat, d'un droit d'action quand il souhaitera engager des poursuites ou
exercer des voies de recours.
Votre rapporteur est favorable à cette réforme, sous
réserve d'en connaître les modalités exactes. Toutefois, il
tient à rappeler que la subordination du Parquet au garde des Sceaux ne
constitue qu'un aspect du débat sur l'indépendance de la justice.
D'autres atteintes existent, certes moins connues du public mais tout aussi
inquiétantes.
La première consiste dans l'interférence du ministère de
l'intérieur dans les rapports entre le corps judiciaire et les services
de police habilités à exercer des fonctions de police judiciaire.
Certes, la loi confie aux magistrats la direction, la surveillance et le
contrôle de la police judiciaire. Mais dans la mesure où les
fonctionnaires de police sont soumis à la hiérarchie
administrative du ministère de l'intérieur, c'est ce
ministère qui assure en fait la direction de la police judiciaire. C'est
pourquoi votre rapporteur attend avec intérêt la réforme
annoncée par le garde des Sceaux, qui vise à redonner aux
magistrats le contrôle du travail de la police judiciaires par la
signature de protocoles d'accord entre le Parquet d'une part et le
ministère de l'intérieur d'autre part, qui préciseraient
le nombre et la qualité des officiers et des agents de police judiciaire
affectés à une enquête.
Par ailleurs, il faudrait s'interroger sur l'indépendance des magistrats
vis-à-vis de la presse, vis-à-vis des organisations
professionnelles qui structurent cette profession, voire vis-à-vis
d'eux-mêmes, de leur milieu social, de leurs préjugés. Or,
votre rapporteur redoute que les dérives constatées portent
atteinte à la crédibilité de l'ensemble du corps
judiciaire. C'est pourquoi il estime indispensable que la plus grande
indépendance accordée aux magistrats s'accompagne d'une
responsabilité effective de ces derniers. Trois sujets doivent
impérativement être examinés pour "refonder" le pouvoir des
juridictions, des juges et du parquet : la légitimité,
l'impartialité et la responsabilité.
4. Les réformes "en panne"
Votre rapporteur voudrait évoquer un certain nombre de réformes
"en panne" alors même qu'elles sont indispensables. Il s'agit par
exemple
de la réforme des tribunaux de commerce, des tribunaux de prud'hommes ou
encore des cours d'assise. Certes, votre rapporteur défend le principe
qu'aucune réforme ne doit être engagée si elle ne dispose
pas des moyens financiers, matériels et humains pour sa mise en oeuvre
et si elle n'est pas intégrée dans une réflexion plus
globale sur la justice. Toutefois, cet argument ne doit pas servir de
prétexte à l'immobilisme. En outre, votre rapporteur tient une
nouvelle fois à rappeler que ces réformes ne pourront aboutir
qu'à condition de mettre fin aux surenchères sur la justice et de
dépolitiser les débats.
5. La croissance inquiétante des frais de justice
Après avoir connu une forte croissance jusqu'en 1993, le rythme de
progression des frais de justice s'est infléchi pendant trois ans.
Toutefois, leur hausse semble de nouveau s'accélérer depuis 1996,
avec un taux annuel supérieur à 10 %. Ainsi, le montant des
frais de justice a doublé au cours des cinq dernières
années, passant de 800 à 1.600 millions de francs. Certes, la
complexité et la technicité croissante des affaires dont est
saisie la justice nécessite un recours accru aux expertises. Toutefois,
votre rapporteur a eu écho de gaspillages, reconnus par ailleurs par les
magistrats. Ainsi, la hausse de 114 % des frais de fourrière entre
1993 et 1996 est pour une grande partie liée à l'insuffisante
gestion des scellés judiciaires. C'est pourquoi il tient à
souligner la nécessité de développer un contrôle
plus strict des dépenses relatives aux frais de justice. En effet, il
serait fâcheux que la progression des crédits du ministère
de la justice soit absorbée par une croissance incontrôlée
et excessive des frais de justice.
6. La distinction entre accès au droit et accès à
la justice
Enfin, votre rapporteur souhaite réaffirmer avec solennité
qu'aucune réforme de l'institution judiciaire de pourra échapper
à la question fondamentale de la redéfinition des missions de la
Justice. En effet, la juridiciarisation croissante des questions de
société conduit la Justice à élargir à
l'infini le champ de ses interventions.
Or, non seulement le manque de moyens l'empêche de faire face à
cet afflux de contentieux, mais son image est brouillée, la Justice se
transformant en réceptacle de tous les dysfonctionnements sociaux. Cette
tendance est également favorisée par la multiplication des textes
législatifs assortis de dispositions pénales.
C'est pourquoi votre rapporteur estime urgent de rappeler que l'accès au
droit ne signifie pas l'accès à la justice. Au contraire, le
recours au juge dans certaines affaires doit être subsidiaire, lorsque
toutes les autres voies de médiation et de conciliation ont
été épuisées et doit servir uniquement à
trancher un conflit en disant le droit. Parallèlement, il faut mieux
informer nos concitoyens de leurs droits et de leurs devoirs et permettre aux
plus défavorisés d'avoir accès au droit.
En outre, il faut encourager le développement des modes alternatifs de
résolution des conflits. A cet égard, votre rapporteur,
même s'il défend l'aide juridique dans son principe, regrette que
l'aide juridictionnelle absorbe la quasi-totalité des crédits mis
à sa disposition au détriment de l'aide à l'accès
au droit qui devrait être encouragée davantage.
Il faut également poser le problème de la gratuité absolue
et aveugle de la justice et de la part de responsabilité des auxiliaires
de justice dans la juridiciarisation de la société.
7. La création d'une mission d'enquête sur
l'administration pénitentiaire
Alors que les crédits à la disposition des services
pénitentiaires avaient légèrement diminué en 1997,
cette année, ils enregistrent une hausse de 4,7 %. Pourtant, la
progression des moyens matériels reste insuffisante. Ainsi, faute de
dotations suffisantes, les travaux de maintenance et de modernisation du parc
ne sont pas effectués, ce qui oblige à effectuer de
manière beaucoup trop fréquente de gros travaux de
réparation financés sur le titre V. En outre, les services
pénitentiaires semblent confrontés à de nombreuses
difficultés, comme la surpopulation carcérale que les retards
pris dans la construction des nouvelles prisons ne fait qu'aggraver. En outre,
votre rapporteur estime que les données fournies sur la Chancellerie ne
permettent pas au Parlement d'être correctement informé sur les
services pénitentiaires, les problèmes et les éventuels
dysfonctionnement qu'ils rencontrent. C'est pourquoi votre rapporteur a
décidé de proposer, avant la fin de l'année, une
résolution tendant à la création d'une commission
d'enquête sur les services pénitentiaires.
CHAPITRE PREMIER
PRÉSENTATION
GÉNÉRALE DES CRÉDITS
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS
1. Un budget en augmentation
Les crédits demandés pour la justice en 1998
progressent de 4,03 % et atteignent 24,867 milliards de francs
.
Cette hausse est d'autant plus remarquable qu'elle intervient après une
inflexion sensible du budget de la justice en 1997 par rapport aux objectifs de
la loi de programme : ce dernier se caractérisait par une
augmentation de seulement 1,77 %. En outre, un gel de 194 millions de
francs en dépenses ordinaires, de 3 millions de francs en
dépenses en capital et de 600 emplois avait été
arrêté au printemps 1997. Ce dispositif de régulation a
cependant été totalement levé, dès juillet, pour
les crédits et, en septembre, pour les emplois.
Votre rapporteur tient cependant à faire remarquer que cette
progression des crédits ne permet pas de rattraper le retard
provoqué par la loi de finances pour 1997 dans l'exécution de la
loi de programme relative à la justice.
La part du budget de la justice dans le budget de l'Etat poursuit ainsi sa
très lente progression en passant de 1,51 % en 1997 à
1,56 % en 1998.
2. Un budget concentré sur trois priorités
Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des crédits de 1997 à 1998 :
En 1995, première année d'application de la loi
de programme sur la justice, l'accent fut mis sur les juridictions
administratives. En 1996, la progression la plus nette fut celle des
crédits de l'administration pénitentiaire. En 1997,
priorité fut donnée aux services judiciaires.
Cette année, trois priorités se dégagent :
-
l'amélioration de la justice au quotidien en diminuant les
délais de contentieux excessifs dans les cours d'appel et en
renforçant la justice de la famille et des enfants
. Ainsi, le projet
de loi de finances pour 1998 prévoit la création de
70 magistrats et de 230 fonctionnaires qui seront principalement
affectés dans les cours d'appel, les tribunaux pour les enfants, les
parquets des mineurs, les affaires familiales, les services des tutelles et les
services de l'application des peines ;
-
la modernisation des établissements pénitentiaires et la
réforme des comités de probation en vue d'une meilleure
insertion
. La répartition des 300 créations d'emplois
pénitentiaires reflète la priorité accordée
à la réforme du milieu ouvert et à la détention des
mineurs, puisque 200 emplois concernent des emplois de conseillers et de
chefs de service d'insertion et de probation. Toutefois, la loi de finances
pour 1998 prévoit par ailleurs le lancement de la première
tranche du programme de construction de nouvelles places de prison ;
-
le renforcement de la protection judiciaire de la jeunesse
. La loi de
finances pour 1998 prévoit la création de 100 emplois afin
d'accélérer les réponses judiciaires concernant les jeunes
suivis par la Justice en milieu ouvert, de développer la
prévention des atteintes sexuelles, de renforcer la
pluridisciplinarité des équipes en y associant des psychologues
et des infirmiers et de renforcer les capacités d'hébergement.
II. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME PLURIANNUEL POUR LA JUSTICE
Le 6 janvier 1995, la loi de programme n 95-9
relative à la justice a été promulguée, qui vise
à augmenter les moyens des juridictions de 8,1 milliards de francs
sur cinq ans, répartis de la manière suivante :
- services judiciaires 4,5 milliards de francs
- administration pénitentiaire 3 milliards de francs
- protection judiciaire de la jeunesse 0,4 milliard de francs
- juridictions administratives 0,2 milliard de francs
Cette loi a également prévu la création de
5.760 emplois budgétaires pendant la période 1995-1999 et
devrait permettre d'augmenter de 6.100 les effectifs disponibles :
- services judiciaires 1.400
dont :
· magistrats
300
· fonctionnaires
1.020
· magistrats exerçant à titre
temporaire (en équivalent temps plein)
80
-
Conseil d'Etat et juridictions administratives 380
dont :
· magistrats
180
· fonctionnaires
200
- Administration pénitentiaire 3.920
- Protection judiciaire de la jeunesse 400
En 1997, le Gouvernement a décidé d'étaler sur une
année supplémentaire l'exécution de cette loi de programme.
Dans ce contexte, l'exécution de la loi de programme se présente
de la manière suivante, s'agissant, d'une part, des créations
d'emplois, et, d'autre part, des équipements.
1. Les créations d'emplois
De fait, en dépit de l'étalement, les quatre
grands secteurs Justice auront connu, à la fin de l'année 1998 au
titre du programme, 2.993 créations d'emplois nets, soit
49,1 % de l'ensemble.
Cette moyenne cache cependant de fortes disparités par secteur.
- En ce qui concerne les services judiciaires, 952 emplois ont
été créés au titre de la loi de programme sur les
1.400 prévues au total, soit un taux de réalisation de
68 % ;
- L'administration pénitentiaire est celle qui a connu le taux de
réalisation le plus bas, puisque seulement 1.458 emplois sur 3.920
ont été créés, soit 47,9 %. Ce résultat
doit toutefois être relativisé dans la mesure où
1.750 emplois ont été réservés pour les
budgets 1998 et 1999 : il s'agit des emplois pénitentiaires
liés à l'ouverture du programme de construction "4.000" et des
1.200 places nouvelles en centres de semi-liberté ;
- La protection judiciaire de la jeunesse a bénéficié
de la création de 298 emplois sur les 400 prévus au
total, soit un taux de réalisation de 74,5 % ;
- Quant aux juridictions administratives, 285 emplois sur les
380 prévus ont été créés, ce qui
amène le taux de réalisation à 75 %.
2. Les équipements
S'agissant des équipements, la loi de programme a
prévu une enveloppe de 8.100 millions de francs en autorisations de
programme.
Entre 1995 et 1998, 6.236 millions de francs ont été
inscrits dans les lois de finances successives, soit 77 % de l'ensemble.
Les services ont été dotés de la manière suivante :
- services judiciaires : 3.822 millions de francs sur
4.500 millions prévus (84,9 %) ;
- services pénitentiaires : 1.936 millions de francs sur
3.000 millions prévus (64,5 %) ;
- protection judiciaire de la jeunesse : 316 millions de francs sur
400 millions prévus (79 %) ;
- juridictions administratives : 162 millions de francs sur
200 millions prévus (77 %).
III. LES GRANDS SECTEURS
A. LES SERVICES DE L'ADMINISTRATION CENTRALE
Cet agrégat regroupe les moyens :
- de l'administration centrale du ministère, y compris les
unités délocalisées à Nantes (Casier judiciaire
national, bureau des pensions, centre d'exploitation statistique) ;
- des services communs destinés à soutenir, au plan local,
l'action des services déconcentrés dans des domaines tels que
l'informatique (centres de prestations régionaux), l'équipement
(antennes régionales d'équipement) et les services sociaux ;
- de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;
- de la commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques ;
- pour les subventions des ordres de la Légion d'Honneur et de la
Libération ainsi que la recherche dans le domaine de la justice (budget
civil de recherche et de développement technologique).
En 1997, la part relative dans le budget de la justice des crédits de
paiement alloués à l'administration générale
était de 14,2 %. En 1998, ces crédits progressent de
2,2 % pour atteindre
3,5 milliards de francs
. Toutefois, cette
augmentation est proportionnellement plus faible que la hausse
générale des crédits du budget de la justice. C'est
pourquoi leur part relative diminue pour s'élever à 14 % de
l'ensemble.
1. La stagnation des effectifs
L'effectif de l'administration centrale et des services
communs reste stable et bénéficie de 4 pyramidages d'emplois
et de 12 transformations. En revanche, un emploi est créé
à la commission nationale de l'informatique et des libertés.
Une revalorisation des indemnités (+ 0,7 million de francs)
est par ailleurs prévue .
2. Les moyens matériels en légère diminution
Les moyens de fonctionnement sont en diminution de 1,3 %
par rapport à 1997 et s'élèvent à
454,03 millions de francs. Toutefois, cette diminution cache des
évolutions contrastées.
Certains crédits sont en hausse.
- c'est le cas des
crédits "informatique" de l'administration
centrale
(chapitre 34-05 article 10) qui enregistrent une augmentation
de près de 20 % et s'élèvent à
24,1 millions de francs. Ils visent à renouveler les
équipements et à remplacer plusieurs applications. De plus, le
développement d'une messagerie informatique complémentaire au
Minitel sera entreprise au profit du casier judiciaire national.
- de même, les crédits du chapitre 34-98 (Moyens de
fonctionnement et de formation) augmentent de 1,7 % et
s'élèvent à 185,8 millions de francs.
En revanche, certains crédits sont en baisse
.
- il s'agit d'abord des crédits "informatique" des services communs
(-4,4 %) et de la commission nationale des comptes de campagne et des
financements politiques ;
- en outre, les
subventions de fonctionnement
diminuent de -3,2 %
pour l'Ordre de la Libération, de -8,9 % pour la Légion
d'Honneur et de -0,16 % pour le centre national de recherche scientifique.
Enfin, il convient de noter la création d'une mission de réforme
de la carte judiciaire : 5 autorisations d'emplois temporaires sont
proposés pour la durée de la mission et gagés sur des
emplois vacants des juridictions. La mission est dotée d'une enveloppe
de fonctionnement de 0,5 millions de francs (chapitre 34-98,
administration générale, moyens de fonctionnement et de
formation).
B. LES SERVICES JUDICIAIRES
Cet agrégat regroupe les moyens des juridictions de
l'ordre judiciaire, du conseil supérieur de la magistrature, de
l'école nationale de la magistrature et de l'école des greffes.
Les crédits des services judiciaires progressent de 4,7 % et
s'élèvent à 11,04 milliards de francs. Leur part relative
dans le budget de la justice passe ainsi de 44,1 % en 1997 à
44,4 % en 1998.
1. Une forte hausse des effectifs
En 1998, le nombre d'emplois budgétaires dans les
services judiciaires devrait s'élever à 25.590, dont
6.187 magistrats et 19.403 fonctionnaires et non titulaires.
Le projet de budget prévoit, au titre de la loi de programme, la
création de 300 emplois répartis de la manière suivante :
- 70 emplois de magistrats affectés dans les secteurs les
plus encombrés : cours d'appel, tribunaux pour enfants, parquets des
mineurs, affaires familiales, service des tutelles, application des peines ;
- 230 emplois de fonctionnaires de justice (dont 10 greffiers en
chef, 90 greffiers et 130 agents de catégorie C)
destinés à renforcer l'assistance des magistrats, accroître
les capacités de traitement de l'information pour les greffes de la cour
de cassation, des cours d'appel, des juridictions du premier degré et
prendre en compte les responsabilités nouvelles confiées aux
greffiers en chef.
Il convient toutefois de rappeler le décalage de quatre ans,
lié aux modalités de recrutement et de formation du corps
judiciaire, entre l'annonce de créations d'emplois et l'augmentation
concrète du nombre de fonctionnaires.
C'est pourquoi le projet de loi de finances pour 1998 permet par ailleurs le
recrutement de 16 magistrats à titre temporaire (9,91 millions
de francs) et de 220 assistants de justice (8,44 millions de francs)
au titre du renforcement des moyens humains de la justice. Un crédit de
1,76 million de francs doit également indemniser de leurs frais
400 conciliateurs de justice supplémentaires.
Sur le plan indemnitaire, 22 millions de francs doivent financer le
relèvement d'un point des indemnités de toutes les
catégories de fonctionnaires des greffes.
2. Des moyens de fonctionnement en forte progression
Le chapitre 37-92 (Moyens de fonctionnement et de formation)
regroupe les moyens de fonctionnement de l'ensemble des catégories de
juridictions ainsi que des crédits affectés à des
dépenses de nature diverse (fonctionnement, travaux courants d'entretien
immobilier, véhicules, modernisation, informatique
déconcentrée, frais de déplacement).
Pour 1998, ces crédits augmentent de 13,4 % par rapport à
ceux pour 1997 et s'élèvent à 1,24 milliard de francs.
Cette hausse des crédits est destinée à améliorer
les conditions matérielles de travail et d'accueil dans les juridictions
:
- 18, 4 millions de francs doivent financer les
dépenses de
structure et d'accompagnement matériel des créations d'emploi
(équipement mobilier, télécopieurs,
téléphones portables...) ;
- 7 millions de francs sont affectés à la
modernisation
de l'accueil dans les juridictions
;
- 21 millions de francs sont prévus pour la
mise en service des
nouveaux bâtiments judiciaires
.
L'informatique judiciaire traitée au plan central (chapitre 34-05,
Dépenses d'informatique et de télématique) et
l'informatique déconcentrée (chapitre 37-92)
bénéficient respectivement d'une enveloppe de 74,16 et
70,5 millions de francs. La poursuite et la mise à niveau des
applications pénales, le déploiement des logiciels civils et
l'informatisation des services administratifs régionaux sont les
principales actions programmées.
La subvention de fonctionnement à l'école nationale de la
magistrature augmente de 9,7 % pour s'élever à
156,6 millions de francs.
Par ailleurs, 25 millions de francs sont prévus pour financer la
réforme de la profession des commissaires-priseurs.
Les frais de justice recouvrent principalement, au profit du traitement
individuel de chaque affaire, les prestations matérielles et de services
demandées par les magistrats ou requises par les procédures. Ils
représenteront en 1998 1.605,1 millions de francs, soit une
progression de + 8,4 % après une augmentation de 7,8 % en
1997 et de 7,6 % en 1996. Les frais de justice pénale
représente 65 % de la dépense, les frais de justice civile
19 % et les frais de justice commerciale 13 %.
La dotation d'aide juridique atteindra 1.228 millions de francs, en
très légère augmentation ( + 1,15 %) par rapport
à l'année dernière.
3. Le renforcement des moyens en faveur de l'équipement
Les crédits de paiement pour l'équipement
(chapitre 57-60) progressent de 8,3 % et s'élèvent
à 976 millions de francs.
Les autorisations de programme atteignent 567 millions de francs et se
répartissent en deux grandes enveloppes :
- 242 millions de francs affectés à la poursuite du
programme pluriannuel d'équipement des services judiciaires (Grenoble,
Dijon, Fort-de-France) ;
- 325 millions de francs gérés de manière
déconcentrée pour les opérations de sécurité
urgentes, les petites opérations de construction et de restructuration
et le palais de justice de Paris.
C. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES
Cet agrégat regroupe l'ensemble des moyens permettant
à l'administration pénitentiaire d'assurer l'exécution des
décisions pénales, à savoir :
- la prise en charge, au sein des établissements pénitentiaires,
des personnes en détention provisoire ou condamnées à une
peine privative de liberté ;
- la prise ne charge, par les comités de probation et d'assistance aux
libérés, des personnes relevant des actions de surveillance et
d'assistance en milieu ouvert.
Les crédits des services pénitentiaires devraient atteindre
7 milliards de francs, en progression de 4,7 % par rapport à
l'année dernière.
1. Une augmentation des crédits de personnel
En 1998, le nombre d'emplois budgétaires dans les
services pénitentiaires devrait s'élever à 25.086, dont
23.808 en milieu fermé et 1.278 en milieu ouvert.
Les crédits de personnel progressent de 2,7 % pour atteindre
4,146 milliards de francs.
Au titre de la loi de programme,
300 nouveaux emplois sont
créés
dont 200 destinés au développement des
mesures alternatives à l'incarcération. 12 emplois de
directeurs des services pénitentiaires permettront de former
l'encadrement des trois premiers établissements du programme "4.000",
fin 1998 (Lille, Toulouse et Le Pontet). Enfin, 88 emplois en personnel de
surveillance sont créés, dont 50 pour les quartiers de mineurs
détenus.
L'autorisation depuis 1994 de recrutement en surnombre de 150 emplois de
personnels de surveillance est également maintenue.
Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit également des
mesures en faveur du personnel de l'administration pénitentiaire :
-5,1 millions de francs sont affectés à la réforme
statutaire du personnel de direction avec la création d'un statut
d'emploi de directeur régional et la transformation de 307 emplois
de directeur de l'ancien en nouveau grade ;
- une provision de 5 millions de francs pour la réforme des
personnels techniques et de l'enseignement professionnel ;
- une provision de 0,5 million de francs pour la création de
l'emploi fonctionnel de chef de service d'insertion et de probation ;
- 7,5 millions de francs pour la revalorisation indemnitaire du personnel
administratif soumis au statut spécial.
2. Une progression des moyens matériels qui reste insuffisante
Les crédits de fonctionnement augmentent de 5,7 %
et s'élèvent à
2,566 milliards de francs
. Ils
sont répartis sur deux chapitres :
- le chapitre 34-23 (Services pénitentiaires, dépenses de
santé des détenus), qui dispose de 470,9 millions de francs
de crédits pour 1998 ;
- le chapitre 37-98 (Services pénitentiaires, moyens de
fonctionnement et de formation) qui a à sa disposition
2,045 milliards de francs.
Toutefois, votre rapporteur tient à souligner l'insuffisance des
crédits de fonctionnement mis à la disposition des
établissements pénitentiaires. Faute de dotations suffisantes,
les travaux de maintenance et de modernisation du parc ne sont pas
effectués (renforcement de la sécurité,
amélioration des conditions de détention et de travail du
personnel), ce qui oblige à effectuer de manière beaucoup trop
fréquente de gros travaux de réparation financés sur le
titre V.
3. La relance du programme immobilier pénitentiaire
Pour 1998, les autorisations de programme atteignent
1.032 millions de francs, contre 337 en 1997 et les crédits de
paiement s'élèvent à 284 millions de francs, contre
147 l'année précédente.
810 millions de francs seront consacrés à la
réalisation de trois établissements
(Toulouse, Lille et Le
Pontet), qui correspondent à la première tranche du programme de
construction de 4.000 nouvelles places de prison.
20 millions de francs sont destinés au lancement du programme de
construction de 1.200 places de centres de semi-liberté.
32 millions sont affectés aux opérations de renforcement de
la sécurité.
117 millions de francs sont prévus pour la poursuite des travaux
de rénovation dans les établissements du parc classique.
Au 1er juillet 1997, on recensait 187 établissements
pénitentiaires répartis comme suit :
Le parc pénitentiaire total (parc classique et "nouvelles prisons") enregistrait alors un taux d'occupation de 116 %, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :
D. LES SERVICES DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de budget 1998 enregistrent une augmentation de 4,1 % pour atteindre 2,6 milliards en crédits de paiement .
1. Des moyens en personnel renforcés
Les crédits affectés aux dépenses en
personnel progressent de 3,5 % et s'élèvent à
1,06 milliard de francs.
Au titre de la loi de programme,
100 emplois sont
créés
, dont 56 sont des emplois de directeurs et
d'éducateurs, les autres permettant d'assurer le fonctionnement
matériel des établissements d'accueil, de développer les
prises en charges spécialisées (psychologues, infirmiers) et de
renforcer la qualité de la gestion administrative des crédits et
des emplois.
En outre, les personnels bénéficieront de mesures de
revalorisation :
- 2,82 millions de francs sont prévus pour la réforme du
statut des directeurs ;
- 44 emplois sont repyramidés ;
- 2,3 millions de francs seront consacrés à la
revalorisation des indemnités pour travail des dimanches et jours
fériés et pour surveillance de nuit.
2. La hausse des dépenses de fonctionnement
Les crédits affectés aux dépenses de
fonctionnement s'élèvent à 1,45 milliards de francs,
en progression de 3,2 %.
Ces crédits recouvrent l'entretien et la rééducation des
mineurs (chapitre 34-33, 1,17 milliards de francs), les moyens de
fonctionnement des services du secteur public (chapitre 34-34,
278 millions de francs) ainsi que les réparations civiles (chapitre
37-91, 1,6 millions de francs).
Toutefois, pour mieux appréhender concrètement les
dépenses de fonctionnement du service public de la protection judiciaire
de la jeunesse, il faudrait inclure les crédits du chapitre 46-01
(soit 28,9 millions de francs) qui regroupe les subventions et
interventions diverses.
3. Les mesures en faveur de l'équipement
Le projet de loi de finances prévoit 76 millions
de francs d'autorisations de programme (contre 80 en 1997) et 71 millions
de francs de crédits de paiement (contre 33 l'année
dernière).
Les autorisations de programme permettront notamment de financer :
- la création de foyers d'hébergement (14 millions de
francs) ;
- l'adaptation d'hébergements existants (28 millions de
francs) ;
- l'entretien du patrimoine (10 millions de francs) ;
- des opérations de sécurité et de mise aux normes
(8 millions de francs).
E. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
Le budget des juridictions administratives (le Conseil d'Etat, cinq cours administratives d'appel et trente-cinq tribunaux administratifs) devrait atteindre, en 1998, 734,1 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une progression de 7,6 % par rapport à l'année dernière.
1. Une augmentation importante des moyens de fonctionnement
Les dépenses en personnel sont en hausse de 9 % et
atteignent 539,3 millions de francs.
61 emplois supplémentaires
, dont 21 magistrats, sont
inscrits au projet de budget 1998 en application de la loi de programme pour la
justice. A ces créations d'emplois s'ajoute une autorisation de
recrutement en surnombre temporaire de 15 nouveaux magistrats.
En outre, la réforme statutaire des magistrats des tribunaux
administratifs et des cours d'appel adoptée en 1997 améliore le
déroulement de carrière des magistrats administratifs. Son
coût s'élève à 21,48 millions de francs.
Les crédits de fonctionnement sont en hausse de 5,5 %. Ainsi, le
chapitre 34-51, dépenses de fonctionnement, voient ses crédits
augmenter de 1,5 millions de francs tandis que les crédits
finançant les frais de justice en matière administrative
(chapitre 37-11 article 40) augmentent de 7 millions de francs.
En revanche, les crédits informatique (chapitre 34-05) diminuent de
869.000 francs.
2. Des crédits d'équipement également en augmentation
Les crédits du titre V s'élèvent à
40 millions de francs en autorisations de programme et 44 millions de
francs en crédits de paiement.
Ces crédits d'équipement permettront de restaurer et de
moderniser le Palais royal, d'acquérir et d'aménager le
bâtiment du tribunal administratif de Rennes, de procéder aux
derniers travaux de la cour administrative d'appel de Lyon et de reloger le
tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
IV. PRÉSENTATION DE L'ARTICLE 67 RATTACHE AU PROJET DE LA LOI DE FINANCES
Cet article tend à revaloriser le montant de
l'unité de valeur servant à déterminer la dotation
affectée au barreau au titre de l'aide juridique.
Conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
modifiée relative à l'aide juridique, l'Etat affecte chaque
année, à chacun des barreaux, une dotation représentant sa
part contributive à la rétribution des avocats accomplissant des
missions d'aide juridictionnelle, calculée en fonction d'une
unité de valeur de référence.
L'article 67 du projet de loi de finances pour 1998 propose de revaloriser
l'unité de valeur de 1,54 % en faisant passer son montant de 130
à 132 francs.
CHAPITRE II
L'ENLISEMENT DE LA JUSTICE
I. UNE DURÉE MOYENNE DE RÈGLEMENT DES AFFAIRES CIVILES INTOLÉRABLE POUR LE JUSTICIABLE
A. LA POURSUIT DE LA TENDANCE À LA HAUSSE DU NOMBRE D'AFFAIRES EN 1996
Sauf pour les tribunaux d'instance et, dans une moindre mesure, les cours d'appel, toutes les autres juridictions ont enregistré une hausse du nombre d'affaires dont elles ont été saisies.
1. la Cour de cassation
La Cour de cassation a été saisie de 20.275
affaires nouvelles contre 19.969 en 1995, soit une augmentation
modérée de 1,5 %. En dix ans, le nombre d'affaires nouvelles
a augmenté de 23,4 %.
Malgré la diminution du nombre d'affaires terminées (20.420
contre 21.499 en 1995), la Cour de cassation parvient à poursuivre la
légère diminution du stock d'affaires entamée en 1995.
2. Les cours d'appel
Les cours d'appel ont enregistré 219.335 affaires
nouvelles, soit une très légère baisse de 0.3 % par
rapport à 1995.
En dix ans, le nombre d'affaires nouvelles a
toutefois augmenté de 49,5 %.
Le nombre d'affaires terminées a continué de croître mais
à un rythme inférieur à celui des trois années
précédentes (+ 2,6 % en 1996 contre + 6,1 %
en 1995, + 4,3 % en 1994 et + 5 % en 1993) et ne permet pas
d'empêcher une nouvelle augmentation du stock d'affaires en cours
(5306.978 contre 291.640 en 1995).
3. Les tribunaux de grande instance
Les tribunaux de grande instance ont été saisis
de 673.664 affaires nouvelles, soit 2 % de plus qu'en 1995.
En dix
ans, le nombre d'affaires nouvelles a augmenté de 57,6 %, avec une
accélération depuis 1993
. En effet, la réforme
relative au juge des affaires familiales a transféré un nombre
important de contentieux du tribunal d'instance vers le tribunal de grande
instance. En outre, la création du juge de l'exécution a
provoqué de nouveaux contentieux de l'exécution.
Le nombre d'affaires terminées a continué de croître
(+ 1,5 %) mais à un rythme inférieur à celui de
1995 (+ 5,7 %) ou de 1994 (+ 14,6). Sans le renforcement des
effectifs, aucun gain de productivité supplémentaire n'est
à envisager.
En outre, le stock d'affaires en cours progresse de 3,2 % et
s'élève à 577.099, atteignant ainsi son niveau le plus
haut depuis 10 ans.
4. Les tribunaux d'instance
Le nombre d'affaires enregistrées par les tribunaux
d'instance a diminué de 1,6 % par rapport à 1995 pour
s'élever à 478.500.
Toutefois, le nombre d'affaires terminées a chuté
parallèlement de 7,8 %. En conséquence, le nombre d'affaires
en cours a augmenté de 5 % et s'élève à
320.047.
5. Les conseils de prud'hommes
Alors que le nombre d'affaires nouvelles enregistrées
était en diminution depuis trois années consécutives, ce
dernier a augmenté de 6,4 % en 1995 pour atteindre 167.592.
Par ailleurs, le nombre d'affaires terminées a de nouveau diminué
(- 4,3 % en 1996 après -1 % en 1995), le nombre
d'affaires en cours augmentant en conséquence de 6 % pour
s'élève à 143.001.
6. Les tribunaux de commerce
Les statistiques fournies par la Chancellerie sur les activités des tribunaux de commerce sont beaucoup moins précises. Ainsi, votre rapporteur n'a pu se procurer que des informations sur le nombre des affaires terminées. Ce dernier est en diminution de 6,7 % par rapport à 1995 et s'établit à 263.282. Votre rapporteur regrette la caractère partiel de ces renseignements qui limite la mission d'information du Parlement et veillera à ce que l'administration fournisse à l'avenir des indications plus précises.
B. DES DÉLAIS EXCESSIFS POUR LE RÈGLEMENT DES AFFAIRES CIVILES
Pour les cours d'appel, la durée des affaires
terminées augmente de près d'un mois en 1996 et s'établit
à 15,6 mois.
Ce chiffre représente une
dégradation par rapport aux années 1991 à 1994 (moins de
14 mois) et s'éloigne de l'objectif fixé par le programme
pluriannuel pour la Justice (12 mois).
Il faut remonter à 1989
pour retrouver un délai aussi élevé de règlement
des affaires.
Pour les tribunaux de grande instance, la durée moyenne de traitement
des affaires s'établit à 8,8 mois
, pratiquement au
même niveau qu'en 1994 et 1995 (8,9 mois). Elle reste assez
éloignée de l'objectif de 6 mois fixé par le
programme pluriannuel pour la Justice.
Pour les tribunaux d'instance, la durée moyenne de traitement des
affaires s'établit à 5 mois
, soit une augmentation de
près d'un mois depuis 10 ans. L'objectif de trois mois fixé
par le programme pluriannuel pour la Justice est donc loin d'être atteint.
En revanche, pour les tribunaux de commerce, la durée de traitement des
affaires est stable depuis 1994 (5,9 mois environ) et les redressements et
les liquidations judiciaires sont même réglés un peu plus
vite en 1996.
De même, en ce qui concerne les affaires traitées par les
tribunaux des prud'hommes, la durée moyenne s'est plutôt
améliorée puisqu'elle est passée de 10,1 mois en
1995 à 9,4 mois en 1996.
Or, ces délais peuvent s'apparenter à de véritables
dénis de justice
, surtout pour les procédures qui, par leur
nature, requièrent un traitement rapide (appels en matière de
référé, affaires familiales, appels des décisions
du juge de l'exécution, affaires prud'homales, affaires de presse..).
Votre rapporteur tient à rappeler que la France a été
condamnée plusieurs fois par la Cour européenne des droits de
l'homme de Strasbourg (arrêt Woutam Moudefo c. France du 11 octobre 1988,
arrêt H. c. France du 24 octobre 1989) parce que les délais
observés dans les procédures se révélaient
suffisamment importants pour qu'il faille considérer comme excessive
leur durée totale. En conséquence, la Cour a jugé que ce
dépassement du délai raisonnable constituait une violation de
l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme.
De même, dans un jugement rendu le 5 novembre 1997, le tribunal de
grande instance de Paris a estimé que la responsabilité de l'Etat
était engagée lorsqu'un justiciable, faisant appel devant la cour
d'appel d'Aix, reçoit un avis précisant que la procédure
engagée devant cette dernière ne pourra être
examinée qu'à l'issue d'un délai de quarante mois.
En outre, ces délais moyens cachent de fortes disparités selon
les juridictions, en fonction de leur encombrement. Ainsi, en matière de
divorce, le délai de traitement des demandes en divorce pour faute est
de 12 à 14 mois au tribunal de grande instance de Nanterre, de
18 mois à ceux de Versailles et de Pontoise et de 24 mois
à celui de Chartres.
II. LA DÉRIVE DU CLASSEMENT DES AFFAIRES SANS SUITE
En 1996, 5.185.000 plaintes, dénonciations et
procès-verbaux sont parvenus aux parquets, soit un chiffre à peu
près équivalent à celui de 1995. Toutefois,
l'évolution du taux global de classement sans suite au cours de la
dernière décennie se caractérise par sa forte progression.
Alors que ce taux s'élevait à 69 % en 1987, il a atteint
près de 80 % au cours des trois dernières années
recensées
Sur ce nombre total de saisines des parquets, environ 3.189.000 (soit
61,5 %) concernent des auteurs inconnus. La tendance au gonflement
croissant du poids de ces procédures contre auteurs inconnus (42 %
en 1990, 54 % en 1992) a donc repris, après une interruption en
1995.
Le nombre de procédures classées sans suite (4.115.000, soit
79,3 % des plaintes parvenues aux parquets) est en légère
diminution de 1,1 % par rapport à 1995.
A. UN NOMBRE TROP ÉLEVÉ DE CLASSEMENTS D'AFFAIRES SANS SUITE
Certes, il appartient aux procureurs d'apprécier
l'opportunité des poursuites et dans de nombreux cas, le classement sans
suite apparaît justifié : absence d'infraction ou infraction non
caractérisée, retrait de plainte du justiciable, affaire relevant
du tribunal civil (litiges sur les loyers, les procédures de divorce,
des querelles de voisinage, médiation (arrangement entre l'auteur d'une
infraction et la victime) ou bien injonction thérapeutique (contrat
passé avec un toxicomane qui accepte de suivre des soins sous le
contrôle d'organismes sociaux). Une réforme de la statistique
pénale est en cours et devrait permettre de circonscrire strictement le
champ des affaires pénales pouvant donner lieu à des poursuites.
Toutefois, le classement sans suite est également utilisé pour
pallier l'incapacité de certaines juridictions à traiter
l'ensemble des affaires dont elles sont saisies. Ainsi, certains procureurs
choisiront de classer sans suite pour ne pas aggraver davantage l'encombrement
de ces dernières. Il semble d'ailleurs que plus la masse de contentieux
est importante, plus le taux de classement sans suite est fort. Or, de telles
pratiques sont en contradiction avec le principe d'égalité des
citoyens devant la loi.
B. DES SITUATIONS DISPARATES QUI ENTRAÎNENT UNE INÉGALITÉ DES CITOYENS DEVANT LA JUSTICE
Parce que faute d'effectifs suffisants, certaines
juridictions
ne sont pas capables de faire face à l'afflux des dossiers et de traiter
les affaires qui leur incombent dans des délais raisonnables,
le
principe d'opportunité des poursuites est utilisé pour
réguler les flux, ce que condamne votre rapporteur.
Dans les juridictions très encombrées (à savoir celles des
grands centres urbains), le taux de classement s'établit à des
niveaux très supérieurs à la moyenne nationale
(53 %). Ainsi, il s'élevait en 1995, pour les plaintes dont les
auteurs étaient pourtant identifiés, à 82 % à
Lyon, 77 % à Toulouse et 65 % à Lille.
Au contraire, dans de petites juridictions ou dans des juridictions rurales, il
est plus réduit (30 % à Saverne).
Or, ces disparités remettent en cause le principe de
l'égalité des citoyens devant la loi. Elles risquent en outre
d'affaiblir encore davantage la confiance des Français dans leur
justice. Par exemple, pour le vol dans les magasins, le parquet ne poursuivra
pas si le préjudice est inférieur à 1.000 francs
à Strasbourg, 500 francs à Mulhouse mais 200 francs
seulement à Saverne. Que penser d'une justice qui, de part ses
dysfonctionnements, assure à tout voleur qu'il pourra agir
impunément sans risque de sanction s'il choisit bien le lieu de ses
délits? Il apparaît donc urgent de réaffirmer très
fermement les frontières entre le droit et l'illégalité et
de réhabiliter la Loi et l'ordre républicain.
C. DES DÉCISIONS DE JUSTICE INÉGALEMENT EXÉCUTÉES
Pour que la justice retrouve la confiance des citoyens, il ne
suffit pas que les plaintes soient instruites et qu'une décision de
justice intervienne. Il faut par ailleurs que cette dernière soit
exécutée. Or, à ce sujet, le juge de l'application des
peines dispose d'une très large marge de manoeuvre, qui l'amène
à adopter des positions très différentes selon les
juridictions. Votre rapporteur a par exemple appris que dans les juridictions
du ressort de la cour d'appel de Lyon, la plupart des peines d'emprisonnement
inférieures à un an n'étaient jamais
exécutées dans les termes fixées par les juridictions
correctionnelles. Une telle évolution apparaît d'autant plus
regrettable que les peines répondent à ce vieux réflexe
culturel selon lequel seule la crainte d'être punis oblige les citoyens
à respecter la loi. Si les peines ne sont plus appliquées, ce qui
devait être une garantie pour l'application des lois devient un facteur
d'affaiblissement inquiétant de la norme.
Votre rapporteur tient à souligner qu'il fera, au premier trimestre
de l'année prochaine, une communication sur le classement des affaires
sans suite et les problèmes engendrés par la dérive de
cette procédure.
III. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX ORIENTER L'AIDE JURIDIQUE
Le franc succès remporté par la loi du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle montre qu'elle
répond à un vrai besoin. Concernant l'aide juridictionnelle, les
demandes d'admissions se sont élevées à 729.791 en 1996 et
665.719 d'entre elles ont reçu une réponse favorable. Les
difficultés économiques des familles concernées par l'aide
juridictionnelle constituent une réalité puisque plus de la
moitié des demandeurs sont des chômeurs ou des inactifs. Les
demandeurs de l'aide juridictionnelle sont en majorité des femmes
(59 % en 1995 et 71 % lorsqu'il s'agit d'une demande de divorce).
Pourtant, et sans remettre en cause l'aide juridique dans son principe,
l'augmentation des crédits mis à sa disposition est
inquiétante, dans la mesure où elle absorbe une part croissante
de la hausse générale des crédits du budget de la justice.
Les tableaux ci-après permettent de comparer l'évolution du
budget de la justice et celle de l'aide juridique. A l'exception des
années 1994 et 1995, les crédits mis à la disposition de
l'aide juridique ont crû beaucoup plus rapidement que ceux du budget de
la justice. Ainsi, en 1996, les premiers ont augmenté de 18,6 %
contre 4,1 % pour les deuxièmes. De même, en 1997, les
hausses ont atteint respectivement 11,9 % et 6,1 %.
En outre, votre rapporteur regrette la lenteur de la mise en
place du deuxième volet de la loi du 10 juillet 1991, qui a vocation
à intervenir en amont du procès afin de faciliter l'accès
des citoyens à la connaissance de leurs droits et de leurs obligations.
Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la loi, seuls vingt conseils
départementaux de l'aide juridique ont fait l'objet d'un
arrêté d'approbation publié au Journal Officiel de la
République. Alors que depuis 1993, les dotations du chapitre 46-12 (aide
juridique), sont supérieures à un milliard de francs, le montant
cumulé des subventions versées par le ministère de la
justice aux conseils départementaux de l'aide juridique au titre des
exercices 1993 à 1996 s'élève à peine à
5 millions de francs.
Par ailleurs, si les conseils départementaux de l'aide juridique ont
permis de mettre en place des dispositifs de consultations juridiques gratuites
ou aidées, ils n'ont pas inclus dans leurs programmes d'activité
l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles. Or, seul le
développement massif d'alternatives au recours contentieux permettra de
désengorger les tribunaux et d'apporter aux justiciables des solutions
acceptables dans des délais raisonnables.
C'est pourquoi votre rapporteur plaide pour une augmentation substantielle,
à l'intérieur de l'aide juridique, des crédits à la
disposition de l'aide à l'accès au droit
.
Parallèlement, il souhaite une adaptation du droit aux évolutions
de la société : la multiplication du nombre de familles
recomposées appelle sans doute une modification de la procédure
de divorce par consentement mutuel et de la prestation compensatoire. A cet
égard, il convient de ne pas oublier que les admissions à l'aide
juridictionnelle pour les contentieux civils, et principalement familiaux,
constituent les trois cinquièmes des admissions totales à l'aide
juridictionnelle.
En réalité, le débat sur les modalités de l'aide
juridique pose implicitement la question de la gratuité de la justice.
Votre rapporteur a conscience qu'il s'agit d'un sujet sensible et que toute
réflexion sur ce thème entraîne le risque, pour son auteur,
d'être accusé de vouloir instaurer une justice à deux
vitesses.
Pourtant, le statu quo actuel n'est pas tenable.
D'une part, le principe de la gratuité de la justice est d'ores et
déjà un leurre. Certes, les magistrats et les greffiers sont
payés par l'Etat, mais le justiciable doit assumer les honoraires de son
avocat. Or, les plafonds de l'aide juridictionnelle (4.480 francs pour
l'aide totale et 7.273 francs pour l'aide partielle en 1997) excluent de
son bénéfice une grande partie de la population sans qu'elle
puisse pour autant faire face à ces frais.
D'autre part, que penser d'une justice qui est peut-être gratuite, mais
également dans l'incapacité d'apporter au justiciable une
décision dans des délais raisonnables? La justice n'est pas un
bien de consommation courante et, fort heureusement, les individus n'y ont
recours qu'un nombre très limité de fois dans leur vie. En
revanche, lorsqu'ils y font appel, ils attendent d'elle une réponse
rapide à la question de droit posée. La priorité est donc
moins donnée à la gratuité de la justice qu'à sa
rapidité et à son efficacité.
En outre, il n'est pas question de contester la gratuité de la
justice dans sa globalité.
Ainsi, ce principe conserve toute sa
légitimité en matière pénale et pour les affaires
matrimoniales. En revanche, il pourrait être modulé pour les
affaires qui ne mettent en jeu que des intérêts patrimoniaux afin
de favoriser les procédures de médiation et de transaction. Une
telle réforme permettrait de désengorger les tribunaux et de
responsabiliser certains justiciables qui ne s'estiment satisfaits que si leur
affaire a été tranchée par un juge, alors même qu'il
existe des alternatives au recours contentieux.
Or, une telle dérive est inquiétante car elle engendre des frais
de justice importants.
A cet égard, votre rapporteur
s'inquiète de la tendance, chez les parties, à porter les litiges
devant la juridiction pénale lorsque la nature des faits le permet afin
de ne pas avoir à supporter les frais qui resteraient à leur
frais à l'issue du procès.
IV. LES INCOHÉRENCES DE LA CARTE JUDICIAIRE ACTUELLE
La carte judiciaire n'a que très peu
évolué depuis la réforme judiciaire de 1958 qui a
substitué aux 2.902 justices de paix et aux 359 tribunaux de
première instance, respectivement, 455 tribunaux d'instance et
172 tribunaux de grande instance.
4 cours d'appel, 8 tribunaux d'instance, 6 tribunaux de commerce ont
été créés. Par ailleurs, il a été
procédé à quelques regroupements de conseils de
prud'hommes et de tribunaux de commerce.
Ainsi, l'architecture générale de la carte judiciaire ne s'est
pas adaptée à l'évolution démographique,
économique et sociale de la société française.
A cet égard, le rapport sur l'état de la carte judiciaire,
établi en application de l'article 5 de la loi programme
n °95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice dresse un
état de la carte judiciaire qui fait apparaître, par type de
juridiction, les disparités qui suscitent les reproches les plus
fréquents.
* En ce qui concerne les cours d'appel
(33 en métropole et 2
en outre-mer), leurs caractéristiques sont très
différentes d'une juridiction à l'autre :
- un rapport démographique de 1 à 28 ;
- un rapport en effectifs de 1 à 19 pour les magistrats et de 1
à15 pour les fonctionnaires ;
- un rapport de 1 à 27 pour l'activité civile ;
- un rapport de 1 à 14 pour la dotation budgétaire
allouée annuellement à la juridiction.
* L'examen de la carte judiciaire des tribunaux de grande instance
(175 en métropole et 6 en outre-mer) fait apparaître des
disparités encore plus grandes.
83 départements ne comportent qu'un ou deux tribunaux de grande instance
( dont 42 n'en comptent qu'un seul), 15 départements en comportent
trois, 1 en comporte quatre (Pas-de-Calais) et le Nord en comporte sept.
Si 78 tribunaux de grande instance n'ont qu'une chambre, 84 en comportent entre
2 et 4, 13 en ont entre 5 et 8, 5 sont composés de 10 (Lyon) à 13
(Nanterre) chambres, le tribunal de grande instance de Paris en ayant 31.
On peut ainsi constater qu'il existe :
- un rapport démographique de 1 à 20 ;
- un rapport en effectifs de magistrats et fonctionnaires de 1 à 35
;
- un rapport de 1 à 35 pour l'activité civile ;
- un rapport de 1 à 28 pour la dotation budgétaire
allouée annuellement à la juridiction ;
* S'agissant des tribunaux d'instance
(462 en métropole, 11
en outre-mer et 3 ayant compétence exclusive en matière
pénale), leur répartition géographique et leur composition
sont encore plus inégales que pour les tribunaux de grande instance.
Certains départements comptent pour des raisons historique,
économique et sociale de nombreux tribunaux d'instance : 20 à
Paris, 11 dans le Pas-de-Calais, 10 dans le Nord et les Hauts-de-Seine, 9 en
Moselle.
Leurs différentes caractéristiques font apparaître :
- un rapport démographique de 1 à 69 ;
- un rapport en effectifs de magistrats de 1 à 11 et de 1 à
58 pour les fonctionnaires ;
- un rapport de 1 à 350 pour l'activité civile (1
à 580 pour l'activité pénale) ;
- un rapport de 1 à 30 pour la dotation budgétaire
allouée annuellement à la juridiction.
* De même, la physionomie de la carte judiciaire prud'homale
(264 conseils de prud'hommes en métropole, 7 en outre-mer)
présente une grande diversité toujours pour des raisons
géographique, économique ou sociale, certains départements
regroupant de nombreux conseils de prud'hommes (14 dans le Nord, 7 dans le
Pas-de-Calais...) alors que d'autres n'en comportent qu'un seul (Gers, Mayenne,
Indre-et-Loire...).
Cette diversité se retrouve également lorsque l'on compare
l'activité respective de ces juridictions, certains conseils de
prud'hommes ayant moins de 100 affaires nouvelles par an, alors que d'autres
dépassent le millier.
L'examen de la carte consulaire (228 tribunaux de commerce) fait
apparaître les mêmes disparités. Si de nombreux
départements (25) n'ont qu'un seul tribunal de commerce, certains en
comptent beaucoup plus (9 en Seine-Maritime, 7 dans le Calvados, 6 dans
l'Hérault...). D'autres en sont totalement dépourvus
(Lozère, Haute-Savoie, Creuse...), le tribunal de grande instance
exerçant, dans ce cas, les compétences dévolues à
la juridiction commerciale.
Par ailleurs, le législateur a attribué à certaines
juridictions commerciales (216), en raison de la complexité du
contentieux, la connaissance des procédures de redressement et de
liquidation judiciaires applicables aux commerçants et artisans. Or, les
deux-tiers du contentieux des procédures collectives sont actuellement
traités par 30 à 40 % des juridictions consulaires, le
dernier tiers étant très dispersé entre de nombreuses
juridictions de taille parfois insuffisante.
Le constat de l'inadaptation de la carte judiciaire avait conduit le
précédent Garde des sceaux à mettre en place un dispositif
de consultation nationale. Dans ce cadre, il était demandé aux
chefs de juridiction ainsi qu'aux préfets de présenter, à
partir d'un diagnostic de chaque situation locale, des propositions
d'adaptation de la carte judiciaire. Le nouveau Garde des sceaux a
décidé de poursuivre ces consultations, en insistant sur le fait
que ce diagnostic local ne constituait qu'une première phase, dont
l'exploitation nationale servirait de base à une approche progressive et
pragmatique de la modernisation des implantations de justice. Le Garde des
sceaux souhaite que ce débat sur la carte judiciaire soit abordé
dans une conception d'ensemble, privilégiant les réponses de
proximité, renforçant la présence du droit et de la
justice dans les zones à faible densité de population sous
réserve de réorganisation et de modernisation des méthodes
de travail.
A cet égard, votre rapporteur souhaite rappeler la position qu'il avait
défendue dans le rapport publié par la commission de
contrôle créée le 13 décembre 1990 pour
réfléchir sur le fonctionnement et les moyens de
l'autorité judiciaire.
D'une part, il insistait sur l'existence d'une autorité unique par
département au niveau du ministère public, qui serait le
correspondant du préfet, du commandant de groupement de gendarmerie ou
encore, du directeur départemental des polices. Ainsi pourrait
être envisagé le maintien d'un tribunal de grande instance avec
des antennes et des chambres détachées. De même
existeraient, outre le président du tribunal et le procureur de la
République, des présidents et des procureurs
délégués.
D'autre part, il insistait sur la nécessité de préserver
une justice de proximité compétente pour régler les
litiges de la vie quotidienne. En effet, le lien entre le juge et le
justiciable ne doit pas être distendu. Le juge d'instance doit rester le
juge de droit commun en matière civile, ce qui suppose un renforcement
de ses moyens.
En outre, votre rapporteur se prononce pour une déconcentration des
décisions relatives à l'organisation et au fonctionnement des
juridictions qui, désormais, seraient prises au niveau des cours
d'appel.
En tout état de cause, votre rapporteur refuse que le débat
sur la carte judiciaire soit abordé uniquement sous un angle
budgétaire. Il sera donc très attentif à la méthode
utilisée par le gouvernement et veillera à ce que la
modernisation de cette carte ne conduise pas à l'application du seul
modèle de rationalisation des choix budgétaires.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le
mercredi 12 novembre
, sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président,
la
commission des finances a procédé à l'examen des
crédits du budget de la justice et article
67 rattaché, sur
le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial.
Après l'exposé du rapporteur spécial, un large
débat s'est alors ouvert.
MM. Christian Poncelet,
président, et François Trucy
se sont inquiétés
des conséquences négatives que pourrait entraîner la remise
en cause du principe de la gratuité de la justice.
Puis,
M. François Trucy
a demandé des renseignements
supplémentaires sur les modalités de recrutement des
70 magistrats prévu dans le budget 1998 et sur les frais de justice.
M. Maurice Schumann
s'est interrogé sur le devenir de la
réforme des cours d'assises élaborée par l'ancien garde
des Sceaux. Par ailleurs, il a indiqué que Mme Elisabeth Guigou, garde
des sceaux, ministre de la justice, l'avait convaincu, lors de son audition par
la commission, de la nécessité d'une réforme visant
à limiter les interventions du garde des sceaux vis-à-vis du
Parquet.
M. Christian Poncelet, président,
a alors regretté que le
Gouvernement ne soit pas capable de trouver 130 millions de francs pour
financer la réforme des cours d'assises mais puisse débloquer
35 milliards pour créer des emplois-jeunes.
En réponse,
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial,
comparant les dysfonctionnements de cette dernière à ceux de la
sécurité sociale, a estimé que la gratuité de la
justice conduisait à des abus. A cet égard, il a fait remarquer
que certains justiciables n'hésitaient pas à faire passer des
affaires du civil au pénal afin que les frais de justice soient mis
à la charge de l'Etat. Il a rappelé qu'il était favorable
à un recrutement plus large des magistrats à tous les niveaux,
afin "d'aérer" ce corps.
Puis, il a indiqué que les frais d'expertise comptable
s'élevaient entre 200.000 et 300.000 francs en moyenne. Par
ailleurs, il a jugé indispensable de recadrer la discussion sur
l'indépendance des magistrats qui devrait conduire à une
relation, clarifiée mais réaffirmée, entre le garde des
sceaux et le Parquet. Il a déclaré que trois principes devaient
guider l'action des magistrats, à savoir la légitimité,
l'impartialité et la responsabilité. Il a reconnu que ce sujet
était difficile à aborder avec les jeunes auditeurs mais que les
chefs de juridiction étaient conscients de la nécessité,
pour chaque magistrat, de ne pas trop se dévoiler pour éviter de
susciter la méfiance du justiciable.
La commission a alors décidé de
proposer au Sénat
l'adoption des crédits relatifs à la justice pour 1998
, avant
d'
adopter l'article 67 rattaché.
Réunie le mercredi 12 novembre 1997, sous la présidence de
M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a
proposé au Sénat l'adoption des crédits relatifs
à la justice pour 1998
, avant d'
adopter l'article 67
rattaché.