Rapport Général n° 85 Tome I - Projet de loi de finances pour 1998 - Le budget de 1998 et son contexte économique et financier


M. Alain LAMBERT, Sénateur


Commission de finances, du Contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation - Rapport n° 85 Tome I - 1997/1998

Table des matières






N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 1997.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME I

LE BUDGET DE 1998

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René Régnault, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230, 305 et T.A. 24

Sénat
: 84 (1997-1998).

Lois de finances.

INTRODUCTION

La France est un grand pays, la quatrième puissance industrielle du monde, mais l'ouverture de son économie au monde appelle de sa part une adaptation rapide.

Pourtant, elle voudrait croire encore, pour un temps, qu'elle pourrait imposer son modèle et que pour elle, peut-être, rien ne pourrait changer.

Mais les faits sont têtus : l'économie n'a plus de frontières et le fléau du chômage frappe durement. Ces deux raisons au moins interdisent au pays de différer plus longtemps les ajustements nécessaires.

Au fond d'elle-même, la France sait que pour relever ce défi, il lui faut accepter de se réformer.

Alors, elle hésite, elle doute, elle tente une dernière chance : elle accélère les alternances, elle change ses gouvernements pour éviter de changer ses habitudes.

Mais, rien n'y fera : la compétition économique mondiale dans laquelle elle est inscrite l'oblige à s'adapter, sans remettre en cause l'impératif de cohésion sociale.

La France saura concilier ces exigences car elle en a le génie. Il lui faut cependant imposer à ses gouvernants d'abandonner leurs mauvaises habitudes : dépenser plus que nos concurrents, et donc lever plus d'impôts qu'eux ; reporter sur les générations futures le poids de nos déficits ; freiner le dynamisme de nos entreprises en les chargeant de prélèvements fiscaux et sociaux toujours plus lourds et pratiquer la traque fiscale sur les plus performants des nôtres au risque de les décourager et de les voir fuir à l'étranger.

Les solutions sont là ; elles sont à notre portée pour peu que, dans un face à face sincère avec la réalité, une politique courageuse soit proposée au pays.

Elle se résume simplement : dépenser moins pour prélever moins, donner à la France et aux Français l'ambition, l'envie d'entreprendre et de partir à la conquête du monde, non pour y imposer un modèle économique périmé, mais pour y ouvrir le chemin qui concilie performance et cohésion, efficacité économique et harmonie sociale en France et en Europe.

Ce sera le devoir et l'honneur du Sénat d'incarner cette nouvelle politique, celle de la responsabilité et du progrès.

CHAPITRE PREMIER

LE CADRAGE ECONOMIQUE DU PROJET DE BUDGET :

DES HYPOTHESES FRAGILES

I. L'ACCÉLÉRATION DE LA CROISSANCE : LE PARI RISQUÉ DU GOUVERNEMENT

La prévision de croissance pour 1998 associée au projet de loi de finances s'élève à 3 %.

Le tableau ci-dessous expose l'évolution du produit intérieur brut et de ses différents déterminants en 1997 et 1998.

L'équilibre du PIB en volume en 1997 et en 1998

Taux de croissance annuel

(en %)

1997

1998

Demande intérieure totale

Demande intérieure hors stocks


dont :

Consommation des ménages

Consommation des administrations

FBCF

dont :

Entreprises

Ménages hors EI

1,5

1,2


1,0

1,6

1,3

1,8

- 0,1

2,5

2,2


2,0

1,6

3,1

4,1

2,5

Commerce extérieur

Exportations

Importations

6,9

4,3

5,7

3,8

PIB

2,2

3,0

Source : INSEE

On constate que la croissance de l'activité, en reprise dès 1997, s'accélérerait encore en 1998, passant entre ces deux années de 2,2 % à 3 %.

L'année prochaine verrait donc l'amplification d'un mouvement amorcé dès cette année. Celle-ci serait permise par une accélération de la demande intérieure.

A. LA REPRISE AMORCÉE À PARTIR DE FIN 1996...

1. Bref retour sur 1996

La croissance économique s'était établie en 1996 à 1,2 % en volume. Le premier semestre 1996 avait, dans le prolongement du dernier trimestre de l'année précédente, débouché sur un rythme très faible de l'activité. Le second semestre devait enregistrer un début d'amélioration de la conjoncture mais, au total, la croissance fut décevante.

Le tableau ci-après rend compte des écarts entre les prévisions économiques pour 1996 et l'évolution économique effectivement constatée.

(en %)

Taux de croissance annuel
(prévision)

Taux de croissance annuel
(réalisation)

Demande intérieure totale

Demande intérieure hors stocks


dont :

Consommation des ménages

Consommation des administrations

FCBF

dont :

Entreprises

Ménages hors EI

2,9

2,8


2,3

2,1

5,1

8,0

2,0

0,7

1,3


1,9

1,6

- 1,1

- 1,5

- 0,2

Commerce extérieur

Exportations

Importations

5,1

5,7

4,8

3,0

PIB

2,8

1,2


Source : INSEE

Les écarts entre la prévision de croissance et la croissance réalisée en 1996 s'expliquent par une erreur portant sur l'évolution de la demande intérieure qui s'est révélée trop optimiste, et que n'a pas suffisamment compensée une erreur de prévision sur l'évolution du commerce extérieur qui, finalement, fut plus favorable qu'escompté.

Au total, la contribution de la demande intérieure à la croissance du PIB a été inférieure de 2 points aux prévisions tandis que celle du commerce extérieur a été supérieure de 0,5 point.

Toutes les composantes de la demande intérieure ont évolué moins vite que prévu, mais l'écart a été maximal sur la demande des entreprises. Plutôt que de s'accroître de 8 %, l'investissement des entreprises a décru de 1,5 %. Quant aux variations de stocks, on attendait qu'elles contribuent pour 1 point à la croissance du PIB alors qu'elles ont engendré une contraction de 0,5 point de la production.

A l'inverse, mais dans des proportions plus réduites, le commerce extérieur a apporté un soutien conséquent à la croissance , en expliquant 0,5 point, malgré une expansion des exportations moins forte que prévu, mais grâce à une croissance des importations beaucoup moins élevée qu'escompté.

L'année 1997 s'ouvrait donc sur un panorama contrasté :

- un faible acquis de croissance de 0,8 % en volume calculé sur la base du PIB du dernier trimestre 1996,

- un frémissement de reprise depuis le second semestre 1996,

- une composition de la croissance où la part des échanges extérieurs était primordiale, malgré une évolution de la consommation des ménages plus soutenue que l'évolution de leur pouvoir d'achat aurait permis de supposer.

L'évolution de l'investissement pouvait être jugée comme la manifestation d'une situation plus globale de défaut de dynamisme de la demande intérieure.

2. Début de reprise en 1997 ?

a) Un consensus des prévisionnistes

Un consensus s'est établi entre les différents prévisionnistes pour estimer à 2,2 % la croissance en 1997 . Les différentes prévisions pour 1997 sont en effet les suivantes.

Principales prévisions pour 1997

BUD.ECO 1

BIPE

CDC

COE

GAMA

REXECODE

OFCE

AFEDE

EXPANSION

VOLUMES
(évolutions en %)

PIB

2,2

2,3

2,3

2,2

1,9

2,1

2,1

2,1

2,2

Importations

4,3

6,0

6,3

5,7

4,6

5,7

4,2

6,0

6,6

Consommation des ménages


1,0


1,3


1,0


0,7


0,8


0,6


0,7


1,0


0,9

FBCF totale
dont :

1,3

0,7

0,2

0,1

0,0

- 0,2

- 0,1

0,0

0,0

SQS-EI

1,8

1,0

0,7

1,0

0,8

0,6

0,4

0,7

0,5

Ménages hors EI

- 0,1

0,2

- 1,3

- 1,3

- 1,3

- 0,6

- 1,0

- 1,0

Exportations

6,9

8,9

10,5

9,7

8,1

10,1

9,1

9,5

10,0

Variations des stocks (contribution à la croissance du PIB)

0,2

0,2

0,1

0,2

0,1

0,1

0,0

0,1

0,5

1. Budgets économiques

Source : Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation. Octobre 1997.

Il s'agit bien là de prévisions puisque, malgré la date assez avancée dans l'année où est rédigé ce rapport, les seuls résultats connus concernent le premier semestre de l'année en cours.

b) Des résultats relativement encourageants

Résultats du premier semestre 1997

(en milliards de francs)

1997

1995

1996

Acquis 3

T1 1

T2 2

1997

Produit intérieur brut
en % t/t-1

958,5
0,3

968,1
1,0

3.743,4
2,1

3.800,8
1,5


1,6

Importations
en % t/t-1

284,6
- 0,2

293,4
3,1

1.087,2
5,1

1.117,3
2,8


4,3

Total des ressources
en % t/t-1

1.243,2
0,2

1.261,5
1,5

4.830,6
2,7

4.918,1
1,8


2,2

Consommation finale des ménages
en % t/t-1

574,4
0,2

574,3
0,0

2.248,3
1,7

2.296,0
2,1


0,1

Consommation finale des adm.
en % t/t-1

184,7
0,4

185,3
0,3

720,0
0,0

730,2
1,4


1,4

FBCF totale
en % t/t-1

187,7
- 1,2

187,8
0,0

760,3
2,5

756,2
- 0,5


- 0,7

Exportations
en % t/t-1

298,2
2,0

312,5
4,8

1.087,8
6,3

1.138,6
4,7


8,5

Variations de stocks

- 1,8

1,8

14,3

- 2,9

Total des emplois
en % t/t-1

1.243,2
0,2

1.261,5
1,5

4.830,6
2,7

4.918,1
1,8


2,2

1) Premier trimestre.

2) Deuxième trimestre.

3) Sur la base du PIB du 2ème trimestre de l'année

Source : INSEE. Comptes trimestriels.

Le tableau ci-dessus confirme que la croissance a atteint un rythme annualisé de 2,6 % au premier semestre de l'année .

L'essentiel de l'activité continue à être "tirée" par le commerce extérieur . Au premier trimestre, la croissance du PIB de 0,3 point s'expliquait pour 0,5 point par le solde extérieur, les autres facteurs de croissance contribuant négativement à la croissance. Au deuxième trimestre où le PIB s'accroît de 1 point, la contribution du commerce extérieur s'élève à 0,6 point.

C'est donc qu'à partir du deuxième trimestre, la demande intérieure commence à exercer une contribution favorable à la croissance. Ce phénomène est en réalité entièrement dû aux variations de stocks qui, ayant produit un effet négatif au premier trimestre de l'ordre de 0,3 point de PIB et prenant la forme d'une augmentation des stocks au deuxième trimestre, expliquent 0,4 point de la croissance du PIB. Les autres facteurs de la demande intérieure sont neutres, ce qui marque, pour la consommation des ménages, qui avait cru de 0,2 % le trimestre précédent, une détérioration, et pour l'investissement, en baisse au cours des trois premiers mois de l'année de 1,2 %, une timide amélioration.

L'acquis de croissance 1( * ) pour 1997 s'élève ainsi à 1,6 % à la fin du premier semestre de l'année.

c) Vers une accélération de la croissance en fin d'année

Sur la base de l'acquis mis en évidence et de la dynamique de croissance constatée au deuxième trimestre, les conjoncturistes s'accordent à considérer qu'une croissance de 2,2 à 2,3 % pourrait être enregistrée en 1997 .

Le tableau qui suit rend compte des facteurs d'accélération de la croissance tels que les prévoit l'INSEE.

Equilibre ressources-emplois des biens et des services
(aux prix de 1980, en milliards de francs et en % de variation t/t-1)

1997

1996

1997

T3 1

T4 2

Produit intérieur brut
en % t/t-1

977,1
0,9

985,9
0,9

3.800,8
1,5

3.889,5
2,3

Importations
en % t/t-1

302,2
3,0

308,5
2,1

1.117,3
2,8

1.188,7
6,4

Total des ressources
en % t/t-1

1.279,3
1,4

1.294,4
1,2

4.918,1
1,8

5.078,2
3,3

Consommation finale des ménages
en % t/t-1

582,0
1,4

585,9
0,7

2.296,0
2,1

2.316,7
0,9

Consommation finale des adm.
en % t/t-1

186,4
0,6

186,6
0,1

730,2
1,4

742,9
1,7

FBCF totale
en % t/t-1

189,1
0,7

190,7
0,8

756,2
- 0,5

755,4
- 0,1

dont SQS et EI
en % t/t-1

104,8
0,8

106,0
1,1

416,8
- 0,7

418,6
0,4

Ménages hors EI
en % t/t-1

46,2
1,1

46,5
0,7

185,8
- 0,2

184,2
- 0,9

Exportations
en % t/t-1

317,8
1,7

324,5
2,1

1.138,6
4,7

1.253,0
10,0

Variations de stocks

3,9

6,6

- 2,9

10,3

Total des emplois
en % t/t-1

1.279,3
1,4

1.294,4
1,2

4.918,1
1,8

5.078,2
3,3

1) Troisième trimestre.

2) Quatrième trimestre.

Source : INSEE. Comptes trimestriels.

Au second semestre, le rythme de croissance atteindrait ainsi 3,5 % en moyenne annuelle sous l'effet combiné de la poursuite de bonnes performances du commerce extérieur mais surtout d'un redémarrage de la demande intérieure.

Demande intérieure

(croissance semestre s + 1/s)

Premier semestre 1997

Second semestre 1997

Consommation des ménages

FBCF des entreprises

Stocks (en milliards de francs)

0

- 1,2

- 0,3

1,7

1,4

+ 10,5

d) L'évolution incertaine des facteurs de la croissance

L'amélioration des composantes de la demande intérieure toucherait tous ses compartiments, l'hypothèse d'accélération de leur croissance reposant toutefois beaucoup sur un retournement de comportement des entreprises particulièrement en matière de stocks.

Les dernières informations conjoncturelles envoient toutefois des signaux ambigüs.

La consommation des ménages en produits manufacturés a certes augmenté de 2,7 % au troisième trimestre de l'année, laissant percevoir une reprise de la consommation des ménages, mais cette performance a été entièrement acquise au mois de juillet. Depuis, la consommation des ménages se replie, de 1,9 % en août et de 1,5 % en septembre. Or, le rebond de la consommation observé en juillet provenait pour l'essentiel d'un rattrapage portant sur les achats d'automobiles qui avaient été inhabituellement faibles en juin (112.000 immatriculations contre un rythme mensuel proche de 150.000).

Le profil de la consommation constaté depuis s'inscrit donc davantage dans la norme, et celle-ci apparaît peu favorable.

Malgré cela, les échanges extérieurs, ont enregistré une dégradation sensible au mois d'août 1997, l'excédent de 11 milliards de francs révélant une chute de 10,5 milliards du solde constaté en juillet. Cette dégradation, qui touche tous les secteurs, résulte d'une baisse des exportations (- 2,4 %) et d'une forte hausse des importations (+ 5,6 %). Ces évolutions sont délicates à interpréter.

La baisse des exportations concerne surtout les pays de l'Union européenne, ce qui contredirait l'idée d'une reprise en Europe continentale.

La hausse des importations provient essentiellement des échanges avec les pays de l'OCDE extérieurs à l'Union européenne, ce qui infirmerait l'idée selon laquelle la hausse du dollar serait favorable à une croissance modérée des importations.

En tout état de cause, même si des commentaires plus amples apparaissent prématurés, il apparaît que, si ces évolutions devaient se poursuivre, l'économie française perdrait le soutien principal à sa croissance.

Car l'investissement , pas plus que la demande des ménages, ne paraît pas, jusqu'à présent, avoir enclenché la phase haute d'un cycle qu'il parcourt encore sur la pente descendante. C'est ainsi qu'au premier semestre, l'investissement a décru par rapport au dernier trimestre de l'année 1996. D'ores et déjà, les prévisions du gouvernement relatives à l'investissement des entreprises pour 1997 paraissent hors d'atteinte . L'INSEE table d'ailleurs sur une croissance de l'investissement des entreprises de 0,4 % en 1997 contre une prévision gouvernementale de 1,8 %.

B. ... RISQUE DE NE PAS SE CONFIRMER EN 1998

1. Objectif 1998 : l'accélération de la croissance

Equilibre des biens et services pour 1998

BUD.ECO 1

BIPE

CDC

COE

GAMA

REXECODE

OFCE

AFEDE

EXPANSION

VOLUMES
(évolutions en %)

PIB

3,0

3,3

2,7

2,9

3,0

2,5

3,0

2,7

3,0

Importations

3,8

6,5

6,9

8,2

5,5

6,2

5,2

7,0

8,2

Consommation des ménages


2,0


2,7


2,3


2,7


2,9


2,1


1,6


2,3


2,7

FBCF totale
dont :

3,1

4,6

4,0

3,9

3,3

2,0

3,5

2,0

2,6

SQS-EI

4,1

5,7

4,7

6,0

4,3

3,6

4,7

3,0

4,0

Ménages hors EI

2,5

3,7

1,8

1,8

1,3

2,8

1,2

1,0

Exportations

5,7

6,7

7,2

7,5

4,0

7,3

7,8

8,5

9,0

Variations des stocks (contribution à la croissance du PIB)

0,3

0,3

0,1

0,3

0,9

0,2

0,1

0,2

0,3

1. Budgets économiques

Source : Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation. Octobre 1997.

Le projet de loi de finances est construit sur la base d'une croissance du PIB de 3 % en volume et de 4,2 % en valeur. Le PIB passerait de 8.104 à 8.448 milliards de francs.

La croissance en volume s'accélérerait donc, passant d'un rythme de 2,2 % en 1997 à un rythme de 3 % en 1998. Un même phénomène concernerait les prix du PIB qui, en progression de 0,9 % en 1997, connaîtraient une augmentation de 1,2 % en 1998.

La croissance française excéderait celle de ses partenaires qui, pour la moyenne des pays de l'OCDE, ne serait que de 2,7 %.

Elle serait par ailleurs supérieure à la croissance potentielle, estimée par l'OCDE à 1,9 %, par le FMI à 2,2 % et par le ministère de l'économie et des finances à 2,5 %.


L'écart à la croissance potentielle : "l'écart de croissance"

Le taux de croissance potentielle est celui qui serait atteint si les facteurs de production -le travail et le capital pour l'essentiel- étaient normalement utilisés. L'écart entre le taux de croissance potentielle et le taux effectif de croissance -"l'écart de croissance"- permet de rendre compte, lorsque le second est plus élevé que le premier, des phénomènes de rareté et d'inflation.

Lorsque la situation inverse se présente, il permet de rendre compte de phénomènes de sous-utilisation des facteurs de production (chômage, sous-investissement).

Cependant, l'observation d'un "écart de croissance" n'a guère de portée explicative en tant que telle, parce que la mesure de la croissance potentielle suppose que soient résolues des questions aussi importantes que celle du niveau normal d'utilisation des facteurs ou encore celle du niveau de leur productivité.

Partant, l'observation d'un "écart de croissance" n'a une valeur opératoire efficace que pour autant que ces questions soient correctement résolues.

Pour illustrer la signification de ces deux observations, on peut raisonner sur l'exemple de l'emploi.

La croissance potentielle dépend d'une utilisation normale du facteur travail disponible. La population active détermine quantitativement les disponibilités. Mais la question des acteurs déterminant qualitativement l'utilisation "normale" de la population active se pose en de tout autres termes. La réponse donnée à cette question suppose un jugement normatif et passe généralement par l'idée qu'une utilisation normale de la population active est celle qui n'engendre pas de tensions inflationnistes ou de tensions salariales.

On remarquera d'abord que l'une et l'autre de ces deux conditions ne sont pas entièrement assimilables -tensions salariales et inflationnistes ne vont de pair qu'à partage inchangé des gains de productivité entre profits et salaires.

On remarquera surtout que l'évaluation du taux de chômage nécessaire pour que lesdites tensions soient contenues est conjecturale et très certainement variable en fonction de multiples paramètres : le coût du travail bien sûr mais aussi la qualité de la main d'oeuvre ou encore l'organisation des relations de travail.

Ainsi, le rapprochement de la croissance effective et de la croissance potentielle suppose de résoudre des problèmes méthodologiques considérables et, en même temps, de prendre parti sur les raisons -du même ordre- qui expliquent l'écart entre les deux grandeurs.

2. Hypothèse forte sur la demande intérieure

Le scénario de croissance repose sur les prévisions indiquées plus haut qui supposent un rythme plus élevé d'activité et au terme desquelles la contribution à la croissance des différentes composantes du PIB serait modifiée par rapport à 1997 comme il apparaît dans le tableau ci-dessous.

Contributions à la croissance du PIB

1997

1998

Demande intérieure hors stocks

dont :

Consommation des ménages

Consommation des administrations

FBCF

dont :

Entreprises

Ménages hors EI

Administrations

1,2

0,6

0,3

0,2

0,2

0,0

0,0

2,1

1,2

0,3

0,5

0,4

0,1

0,0

Variations de stocks

0,2

0,3

Commerce extérieur

Exportations

Importations

0,7

1,7

- 0,9

0,6

1,4

- 0,8

PIB

2,2

3,0

La composition de la croissance serait donc différente de celle observée en 1997 :

La contribution du commerce extérieur à la croissance serait minorée de 0,1 point. Elle resterait cependant largement positive, avec 0,6 point de PIB et exercerait donc un soutien important à l'activité intérieure.

La contribution de la demande intérieure s'accroîtrait beaucoup, passant de 1,2 à 2,1 point de PIB. Elle serait la plus importante jamais observée depuis six ans . Ajoutée à la contribution des stocks, elle expliquerait 2,4 points de croissance. Le tableau ci-dessous confirme le caractère exceptionnel de la prévision.

Contribution de la demande intérieure totale à la croissance


1992


1993


1994


1995


1996


1997


1998

Ecart 98/ moyenne 92-97

0,2

- 1,7

0

1,8

0,8

1,4

2,7

+ 2,3

L'écart de croissance entre 1997 et 1998 s'expliquerait par les variations suivantes :

Ecart de croissance (1)

Ecart de demande intérieure

dont :

- consommation des ménages

- FCBF

- variation de stocks (1)

Ecart de commerce extérieur

+ 0,8

+ 1

+ 0,6

+ 0,3

+ 0,1

- 0,1

(1) Aux arrondis près

3. Révision à la hausse des prévisions de mars 1997

Il est intéressant de se reporter aux prévisions du mois de mars qui annonçaient une croissance de 2,8 %.

a) Optimisme excessif sur l'environnement international

Les prévisions actuelles du gouvernement sont tributaires d'un environnement international favorable, amélioré par rapport à ce qui était alors prévu.

La croissance des partenaires de l'OCDE serait de 2,7 % en 1998, la croissance atteignant 2,5 % aux Etats-Unis et 2,9 % en Allemagne. Ces prévisions sont plus optimistes que celles du mois de mars où la croissance des pays de l'OCDE n'était que de 2,5 %, l'activité progressant de 2,3 % aux Etats-Unis et de 2,7 % en Allemagne.

La prévision retient en outre une hypothèse plus propice à la croissance en ce qui concerne la parité du franc contre dollar. En mars, cette dernière était de 5,65 francs contre 1 dollar en 1998 comme en 1997. Elle s'élève désormais à 5,88 francs pour 1997 et à 6,07 francs en 1998.

Il en résulte que la croissance moyenne des exportations au cours des deux années sous revue serait en 1997 et 1998 de 6,3 % contre une estimation antérieure de 5,5 %. De la même manière, les importations ne s'accroîtraient plus que de 4 %, contre 4,4 % dans la prévision de mars.

La réestimation des perspectives de croissance est donc entièrement due à la réévaluation des performances extérieures de l'économie française.

b) Pari fort sur l'accélération de la demande intérieure

En revanche, par rapport aux prévisions de mars, les estimations de croissance de la demande intérieure n'ont guère évolué . Elles reposent toujours sur une accélération de la demande intérieure, mais le rythme de celle-ci reste inchangé si ses composantes sont quelque peu modifiées :

- la contribution des stocks à la croissance passe de 0,2 à 0,3 point,

- la consommation des ménages est considérée avec un peu plus d'optimisme, son augmentation s'élevant à 2 % contre une prévision de 1,9 % antérieurement,

- en revanche, l'estimation portant sur l'investissement est révisée à la baisse (+ 3,1 % contre 3,8 %) sous l'effet d'une évolution moins favorable que prévu de l'investissement des entreprises (+ 4,1 % contre + 5,4 %).

Il n'en reste pas moins que le scénario du gouvernement est construit sur un redémarrage de la demande intérieure. Celle-ci repartirait d'abord sous l'effet d' une hausse de la consommation des ménages qui atteindrait 2 %.

Le revenu disponible des ménages progresserait en volume de 2,3 % . L'évolution de ses composantes serait la suivante :

Revenu disponible brut des ménages pour 1998

(taux de croissance annuels en valeur)

1998

Ressources

Salaires bruts

3,5

- Cotisations sociales salariales

5,1

Salaires nets

3,2

Excédent brut d'exploitation des EI

2,9

Prestations sociales brutes

2,5

Intérêts et dividendes

6,6

Autres ressources

1,3

Emplois

Impôts courants sur le revenu et le patrimoine

3,6

Intérêts et dividendes

0,5

Autres emplois

1,9

Revenu disponible brut

3,7

La masse salariale s'accroîtrait de 3,5 % en valeur et de 2,1 % en volume sous l'effet d'une évolution de 1,2 % du salaire par tête.

Le bilan des opérations de redistribution serait défavorable aux ménages : les cotisations sociales salariales progresseraient de 5,1 % tandis que les prestations sociales reçues par les ménages s'accroîtraient de 2,5 %.

Les ressources tirées des versements d'intérêts et de dividendes augmenteraient sensiblement (+ 6,6 %).

Ces différentes variations doivent être appréciées compte tenu de la structure du revenu disponible des ménages que rappelle le tableau ci-après.

Structure du revenu disponible des ménages en 1996

(en millions de francs)

Niveau

(x/A)
en %

(x/C)
en %

Ressources

Excédent brut d'exploitation

1.402,4

16,8

25,6

Salaires et cotisations sociales employeurs

4.103,2

49,1

74,9

Revenus des créances

730,2

8,7

13,3

Prestations sociales

1.979,3

23,7

36,1

Divers

141,2

1,7

2,6

Total (A)

8.356,3

100

152,5

Emplois

Impôts courants sur le revenu et le patrimoine

598,3

- 7,1

- 10,9

Cotisations sociales

1.826,6

- 21,8

- 33,3

Charges d'endettement

345,4

- 4,1

- 6,3

Divers

110,4

- 1,5

- 2

Total (B)

2.880,7

- 34,5

- 52,5

Revenu disponible brut (A - B = C)

5.475,6

65,5

100

Quelques données sur le revenu des ménages

Les ressources des ménages s'élèvent à 1,5 fois leur revenu disponible brut.

Hors ressources diverses, leur revenu provient essentiellement de leur activité à hauteur de 65,9 %, des prestations sociales qu'ils reçoivent pour 23,7 % et de leur situation de créditeurs pour 8,7 %.

Il est amputé à titre principal par des prélèvements obligatoires dans une proportion de 29,9 points, et par les charges d'endettement pour 4,1 point.

Le bilan des transferts noués entre les ménages et les administrations publiques pèse apparemment sur le revenu des ménages qui reçoivent des prestations sociales inférieures au montant cumulé de leurs impôts courants et de leurs cotisations sociales, le solde s'établissant à 445,6 milliards de francs.

Dans la réalité, il faut prendre en compte la contribution des salaires et cotisations versées par les administrations publiques à la formation de la masse salariale, soit 1.140,9 millions de francs en 1996. Dans ces conditions, le bilan global des transferts entre les deux secteurs apparaît favorable aux ménages à hauteur de 695,3 milliards de francs.

L'investissement des entreprises connaîtrait un rebond, progressant de 4,1 % en 1998 et, en moyenne annuelle sur 1997 et 1998, de 2,9 %.

Cette prévision est justifiée, par le gouvernement, par la combinaison du maintien de conditions financières jugées "très favorables" et par le redressement des perspectives de demande. Elle est jugée prudente.

En bref, l'effet d'accélérateur viendrait dynamiser un investissement favorisé par la restauration de la situation financière des entreprises.

Cette dernière est décrite dans le tableau ci-dessous.

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Taux de marge
(EBE/VA)


30,9


30,3


30,3


30,5


30,9


30,3


30,6


31,1

Taux d'épargne
(épargne/VA)


16,6


16,2


16,6


17,9


18,0


16,8


17,1


17,3

Intérêts nets/EBE

23,3

28,1

26,3

21,2

20,2

18,1

15,4

15,2

Intérêts nets/VA

7,2

8,5

8,0

6,5

6,2

5,5

4,7

4,7

Taux d'investissement
(FBCF/VA)


17,6


17,6


15,6


15,9


15,9


15,3


15,1


15,5

Taux d'autofinancement
(épargne/FBCF)


94,5


91,6


106,4


112,4


113,3


109,8


112,6


111,7

La croissance de l'investissement en 1998 s'accompagnerait d'un léger redressement du taux d'investissement des entreprises qui passerait de 15,1 à 15,5 %.

II. RENFORCEMENT DES ALÉAS EXTÉRIEURS ET EFFETS PERVERS DE LA NOUVELLE POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Avec une croissance de 3 % en 1998, le scénario du gouvernement est particulièrement optimiste compte tenu du passé récent de la croissance en France et des perspectives à moyen terme.


La croissance française en perspective

L'Observatoire français des conjonctures économiques a réalisé une projection de l'économie française au moyen du modèle Mosaïque pour le compte de la Délégation du Sénat à la Planification.

Son résultat essentiel est que le sursaut de croissance observé en 1998 serait exceptionnel. Au cours de la période 2000-2002, la croissance annuelle serait en moyenne de 2,2 % à nouveau inférieure au taux permettant de stabiliser le taux de chômage.

Le tableau suivant décrit la projection de croissance :

1997

1998

1999

2000-2002*

POURCENTAGE ANNUEL DE VARIATION (en volume)

- PIB total

2,1

3,2

2,9

2,2

- PIB marchand

2,1

3,2

2,8

2,1

- Importations

4,1

5,3

5,8

4,4

- Consommation des ménages

0,7

1,6

1,8

2,2

- Investissement des entreprises

- 0,2

3,4

3,7

1,9

- Investissement logement des ménages

- 1,2

2,8

0,5

0,3

- Exportations

8,7

7,4

6,7

4,5

- Variations des stocks (contribution à la croissance en points de PIB)


+ 0,0


+0,3


+ 0,1


- 0,0

* Taux de croissance annuel moyen pour les années 2000, 2001 et 2002.

Outre certaines discordances avec la prévision du gouvernement pour 1997 et 1998 -la contribution du commerce extérieur est plus élevé dans la projection de l'OFCE sous l'effet d'une hypothèse d'appréciation du dollar plus forte ; en revanche, la contribution de la demande intérieure et moins importante- le tableau de résultats indique que malgré une consommation des ménages plutôt dynamique, la faiblesse des investissements des entreprises et le retour à une situation de solde extérieur neutre viendraient limiter la progression du PIB.

Chacun souhaite bien sûr le retour de la croissance. Mais la raison comme la sagesse sénatoriale commandent de ne pas se cacher les aléas défavorables que le scénario choisi semble écarter.

A. NUAGES SUR L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL DE LA FRANCE

Les hypothèses choisies pour décrire l'environnement international de l'économie française lui sont plutôt favorables : l'activité mondiale serait soutenue et rééquilibrée au profit de l'Europe continentale ; les conditions monétaires et financières seraient durablement modifiées au profit de notre pays. Cette atmosphère d'optimisme est confortée par la vision d'une insertion excellente de la France dans cet environnement international : notre compétitivité serait bonne ; nos performances financières et monétaires continueraient à bénéficier d'une crédibilité sans tache.

Malheureusement, un certain nombre de nuages pèsent sur ce ciel radieux. S'ils venaient à éclater, ils viendraient remettre en question la prévision de croissance associée au projet de loi de finances.

1. Les nuages monétaires et financiers

Plusieurs risques planent sur l'environnement monétaire et financier international.

a) Les éléments d'incertitude de la période transitoire vers la troisième phase de l'union économique et monétaire

L'adoption d'une monnaie unique en Europe est une chance historique pour notre continent. Au-delà de la composante symbolique qu'elle recèle, elle permettra de disposer d'un instrument monétaire capable de s'imposer comme grande devise internationale. En outre, elle réduira les frais de transaction des agents économiques, complétant ainsi l'intégration économique des pays européens, et viendra anéantir les primes de risque de change subies jusqu'alors par tous les pays extérieurs à la zone d'influence du mark.

Mais, la période nous séparant de l'institution de l'euro n'est pas sans dangers. Les marchés qui disposent de marges de manoeuvre sans commune mesure avec leurs capacités réelles seront, peut-être, tentés de tester les parités des monnaies susceptibles de contribuer à la formation de l'euro.

A cet égard, la décision prise d'émettre à leur intention un signal fort en fixant dès mars 1998 les parités irrévocables sur lesquelles l'euro sera construit quelques mois plus tard n'est pas sans risques. Elle supposera de la part des banques centrales en charge des monnaies concernées une forte coopération et sans doute une solidarité exemplaire.

Rien ne permet de douter de celle-ci. En revanche, des interrogations subsistent sur son efficacité et le sens que pourrait prendre la politique monétaire dans l'hypothèse de perturbations frappant les monnaies européennes.

b) La situation financière des Etats-Unis

Les Etats-Unis connaissent une expansion ininterrompue depuis 6 ans qui devrait aller s'accélérant encore en 1997. L'écart de production qui mesure la différence entre la production effective et la production potentielle, c'est-à-dire celle qui résulterait d'un emploi non inflationniste des facteurs de production est, au cours de ces dernières années, resté négatif ou proche de l'équilibre. Mais, selon les chiffres de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il ne devrait plus en aller ainsi à partir de 1997. L'écart de production serait positif de 0,9 point en 1997 et encore de 0,6 point en 1998 malgré une prévision de croissance modérée, de 2 %, correspondant à un scénario d'atterrissage en douceur de l'économie américaine.

Ainsi, si jusqu'à présent les tensions inflationnistes n'ont pas perturbé la croissance américaine, les prévisions économiques deviennent moins favorables de ce point de vue.

Cette situation nouvelle alliée à la croissance importante de l'endettement des ménages américains pourrait provoquer des relèvements de taux d'intérêt de la part de la banque centrale américaine.


Celle-ci pourrait au demeurant être d'autant plus tentée par de tels relèvements que son président a, à plusieurs reprises, estimé que la Bourse américaine avait connu une progression exagérée.

L'écart de taux d'intérêt à court terme entre les Etats-Unis et l'Europe pourrait donc se creuser davantage . Cette situation ne s'accompagnerait pas nécessairement d'une hausse des taux à long terme si les agents devaient la considérer comme garantissant un objectif de stabilité des prix. Si ce sentiment ne devait pas l'emporter, une hausse des taux à long terme serait d'autant plus probable.

Elle s'accompagnerait inévitablement d'une appréciation du dollar sous certaines réserves -voir infra c)- ce qui serait plutôt favorable à l'économie européenne.

Elle s'accompagnerait aussi ce qui est moins favorable, d'un ralentissement de l'activité aux Etats-Unis sous l'effet de trois facteurs au moins : le renchérissement des crédits, la correction boursière qui provoquerait des effets de richesse négatifs, la détérioration de la compétitivité extérieure américaine.

Dans ces conditions, l'activité européenne pâtirait d'un ralentissement de l'économie américaine probablement plus marqué qu'il n'est escompté.

c) La situation financière des pays émergents

Les pays émergents partagent plusieurs caractéristiques communes : des déficits extérieurs considérables, des systèmes bancaires fragiles, des monnaies faibles, c'est-à-dire très soumises à des aléas extérieurs à la hausse comme à la baisse. De façon générale, leurs économies sont très fortement dépendantes de l'épargne extérieure et des investissements directs étrangers.

On ne peut pas dire que l'allure de l'activité économique dans ces pays influence considérablement l'activité économique des grands pays occidentaux. Toutefois, elle contribue à cette dernière et parfois -voir infra- dans des conditions non négligeables.

En revanche, ce qui est établi, c'est que la situation créditrice des pays occidentaux à l'égard de ces pays rend les économies développées très vulnérables à l'évolution de la valeur de leurs créances . Autrement dit, un choc monétaire ou boursier survenant dans les pays émergents est susceptible de pénaliser leurs créditeurs.

L'apparition de crises de change suivies de crises boursières et bancaires dans divers pays de l'Asie du Sud-Est est un de ces chocs. Pourraient suivre des phénomènes semblables en Amérique latine.

Outre les effets à court terme de telles crises sur la croissance des économies concernées et leur impact direct sur la croissance des pays développés, il y a lieu d'être préoccupé des perturbations financières qu'elles occasionnent et qui, même surmontées, devraient laisser place à des pertes de richesses pour les créanciers de ces économies.

d) La politique monétaire en Europe

L'Europe qui s'apprête à constituer une zone monétaire solide pourrait donc être confrontée à un climat d'instabilité monétaire et financière. Les grands pays de l'Union européenne étant créditeurs nets pourraient subir des pertes de revenus. En outre, leur activité pourrait être affaiblie. Mais l'essentiel est ailleurs, c'est-à-dire dans la réaction des autorités monétaires européennes devant la situation monétaire et financière des Etats-Unis.

D'emblée, il faut noter qu'il n'est pas sûr que les autorités monétaires soient en mesure de s'opposer à une hausse des taux à long terme qui constituerait, si elle devait survenir aux Etats-Unis, le pire des scénarios.

Quant à la réaction des autorités monétaires européennes face à un creusement de l'écart de taux à court terme entre Etats-Unis et Europe, il n'est guère aisé de la prévoir et encore moins de juger quelle elle devrait être. Il apparaît toutefois que, compte tenu du niveau de croissance en Europe, de l'orientation donnée aux politiques budgétaires, de l'inflation sous-jacente particulièrement faible et de la situation d'épargne des agents privés, une restriction monétaire ne s'imposerait pas.

2. Les nuages sur la croissance des partenaires et l'insertion de l'économie française dans l'environnement international

L'insertion de l'économie française dans l'environnement économique international est certes devenue plus satisfaisante depuis un peu plus d'une décennie, mais moyennant des conditions que les orientations données à la politique économique et sociale de notre pays pourraient altérer.

a) Les aléas pesant sur la croissance dans le monde

Dans son dernier rapport sur l'économie mondiale, le Fonds monétaire international prévoit une croissance de l'ordre de 4 % en 1997 et 1998 allant donc s'accélérant. Toutefois, le Fonds rappelle que les épisodes récents de croissance rapide ont tous été suivis d'un ralentissement sévère et même, pour certains pays, de récessions.

Or, les facteurs expliquant les prévisions du Fonds, à savoir la poursuite d'une expansion solide et non inflationniste aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l'amplification de la reprise en Europe continentale, l'expansion des pays en développement d'Asie paraissent pour la plupart incertains.

(1) L'environnement international de l'Europe pourrait être moins bien orienté

A cet égard, le cycle américain et ses aspects inhabituels est évidemment au centre des débats et des inquiétudes.

On ne saurait trop insister sur certains éléments de fragilité comme la faiblesse du taux d'épargne des ménages, l'importance de leur endettement -qui rend essentielle la contribution au dynamisme de l'économie américaine des effets de richesse favorables aux ménages issus de l'appréciation des marchés financiers-, l'écart de production positif, indicateur avancé de tensions inflationnistes...

Dans ces conditions, si un atterrissage en douceur de l'économie américaine, tant prévu mais jamais advenu au cours de ces dernières années, n'est pas à exclure, il est indispensable de se souvenir que la croissance américaine a connu dans un passé proche de vraies déconvenues. Ainsi, après une croissance de 3,4 et 1,3 % en 1989 et 1990, l'année 1991 s'était traduite par une récession, le produit intérieur brut reculant de 1 %.

(2) La demande intérieure en Europe reste sous contraintes

Ayant rappelé les dangers qui entourent les économies des pays d'Asie du Sud-Est et du Japon, il faut encore se demander si les perspectives de croissance de l'Europe continentale sont vraiment solides

Plusieurs facteurs ont stimulé la croissance en Europe mais, jusqu'à présent, il s'est agi principalement de facteurs extérieurs comme l'orientation de l'activité dans le reste du monde, l'appréciation du dollar et la vivacité de l'activité économique dans certains pays européens, le Royaume-Uni et les pays d'Europe centrale et orientale en particulier.

Or, ces soutiens pourraient, on l'a vu, ne pas perdurer. Deux exemples significatifs des effets d'une telle interruption peuvent être trouvés :

dans l'effet sur l'économie européenne de l'appréciation du dollar, le PIB européen étant supérieur de 1 % à la suite d'une dépréciation de l'euro par rapport au dollar de 10 % ;

et dans la part prise par les importations polonaises dans les exportations allemands qui s'élève à 10 % des exportations de l'Allemagne, moyennant une croissance de 30 % des importations de la Pologne, peu soutenable à terme.

En tout état de cause, la demande intérieure n'a pas encore redémarré en Europe continentale.

De ce point de vue, des perspectives pour 1997 et 1998 peuvent paraître optimistes au regard des trois caractéristiques majeures des économies continentales européennes que sont la nécessité d'entreprendre une politique budgétaire restrictive, le maintien de taux d'intérêt réels supérieurs aux prévisions de croissance et la persistance d'un chômage élevé.

La gestion des finances publiques demeurera en effet restrictive
compte tenu de la situation atteinte en 1996 et des objectifs fixés par le traité de Maastricht et le pacte de stabilité et de croissance en Europe. Les besoins d'ajustement peuvent être approchés à partir du tableau ci-dessous, rappelant la situation de capacité de financement des administrations publiques dans les principaux pays européens.

Capacité ou besoin de financement
des administrations publiques en Europe

(En % du PIB)

1996

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Belgique

Pays-Bas

Espagne

UE

- 4,1

- 3,4

- 4,9

- 6,8

- 3,4

- 2,8

- 4,5

- 4,7

Source Rapport économique, social

et financier pour 1998.


Quant aux taux d'intérêt , la détente significative des taux d'intérêt à court terme n'empêche pas les taux à long terme d'excéder les perspectives de croissance économique.

Taux d'intérêt à long terme
dans l'Union européenne (août 1997)

Allemagne

France

Italie

Royaume-Uni

Espagne

Pays-Bas

Belgique

Suède

Autriche

Danemark

Finlande

Grèce

Portugal

Irlande

Luxembourg

UE

5,7

5,6

6,6

7,1

6,2

5,5

5,7

6,5

5,7

6,2

5,8

9,6

6,3

6,3

6,0

6,2

Source : Fonds monétaire international

Mais, c'est le niveau de chômage qui apparaît encore comme la contrainte permanente la plus sévère qui engendre un certain pessimisme quant à la croissance européenne . Tous les pays sont concernés mais la situation allemande est plus particulièrement préoccupante.

L'Allemagne n'a en effet pas achevé son processus d'unification économique si bien que les restructurations industrielles qui restent indispensables sont fortement créatrices de chômage. On rappelle que les gains de productivité sont de l'ordre de 12 % par an dans l'industrie allemande.

La situation de chômage en Europe pèse à deux titres sur les perspectives de croissance en altérant les conditions d'un redémarrage de la demande intérieure et en limitant les possibilités de production du fait de l'inemploi d'une part toujours plus grande des facteurs disponibles.

b) La bonne insertion de l'économie française dans son environnement est remise en cause

La prévision de croissance pour 1998 fait apparaître un décalage entre la France et ses partenaires : notre pays connaîtrait une activité plus soutenue qu'ailleurs comme le montre le tableau qui suit.

Produit intérieur brut des pays industrialisés

(évolution en %)

1997

1998

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Belgique

Pays-Bas

Espagne

UE

Etats-Unis

Canada

Japon

OCDE

2,2

2,5

3,2

1,0

2,1

2,9

3,2

2,5

3,5

3,0

1,0

2,7

3,0

2,9

2,7

2,2

2,7

3,6

3,3

3,0

2,5

2,7

2,5

2,7

Source : Rapport économique social et financier pour 1998.

A cette situation est, en général, associée une dégradation des performances du commerce extérieur. La prévision du gouvernement ne retient pas un tel phénomène . Le solde du commerce extérieur s'améliorerait encore même si cette amélioration, étant moins forte que lors de l'année en cours, la contribution du commerce intérieur à la croissance du PIB serait un peu plus basse (0,6 point contre 0,7 point en 1997). Ce résultat suppose que la compétitivité-prix de la France continue de s'améliorer, c'est-à-dire que la valeur du franc contre monnaies tierces soit moins élevée qu'en 1997 et que les prix nationaux évoluent moins vite que ceux des concurrents. Il suppose aussi que la compétitivité structurelle de notre pays soit bien adaptée à l'évolution de notre économie et de celle de nos partenaires.

S'agissant de la compétitivité structurelle , on sait que, en période de forte reprise de l'investissement, l'offre étrangère profite davantage du supplément de demande interne que l'offre nationale. Ainsi, la reprise de l'investissement entre 1987 et 1989 s'était-elle traduite par une forte dégradation du solde des produits manufacturés. Il n'est donc pas certain qu'une cohérence marque la prévision pour 1998, pour l'investissement et le commerce extérieur, si l'on se réfère au passé.

Mais, il faut aussi s'interroger sur les perspectives relatives à la compétitivité-prix . Le redressement des soldes extérieurs de l'économie française, autrement dit le desserrement de la contrainte extérieure, s'est bâti en effet sur une politique de désinflation compétitive dont l'efficacité, de ce point-de-vue, n'a été remise en cause que du fait des dévaluations compétitives des monnaies de certains pays européens. Or, il entre dans les intentions du gouvernement d'abandonner cette politique. C'est en tout cas ce qui résulte du jugement formulé dans le rapport économique, social et financier selon lequel le partage de la valeur ajoutée, socle de la politique de désinflation compétitive, aurait été défavorable à la consommation et à l'emploi. C'est aussi ce qui apparaît au vu des orientations données par le gouvernement à sa politique fiscale, avec l'alourdissement des prélèvements sur les entreprises, et à sa politique sociale, la réduction du temps de travail devant se traduire par un alourdissement des coûts salariaux unitaires.

Ces diverses décisions remettent en cause l'insertion de l'économie française dans son environnement international . C'est évidemment préoccupant, d'autant plus que le gouvernement devrait avoir pleine conscience de l'inopportunité d'une gestion économique et sociale isolée de celle des partenaires, c'est-à-dire non coordonnée avec eux.

B. UN FACTEUR AGGRAVANT : LES DÉCISIONS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT

L'accélération de la croissance en 1998 proviendrait, on l'a vu, d'un regain de dynamisme de la demande intérieure.

1. La reprise de la consommation des ménages est conditionnée par l'amélioration de l'emploi et contrainte par l'alourdissement des charges fiscales globales

Les ménages seraient mieux à même de consommer et leur comportement s'adapterait à leurs capacités : la consommation des ménages progresserait presque parallèlement à leurs gains de pouvoir d'achat, de 2 % contre 2,3 % pour ces derniers.

Cette prévision marque une rupture avec les évolutions récemment observées.

C'est d'abord le cas si on la compare avec les données tendancielles des années 1990 à 1996 où le volume de la consommation des ménages s'est accru de seulement 1 % par an.

Mais ce l'est aussi dès lors qu'on a à l'esprit le défaut de parallélisme entre la progression du revenu des ménages et celle de leur consommation. En 1995, malgré un taux de croissance en volume du revenu disponible de 2,8 %, la consommation des ménages n'avait progressé que de 1,7 %. Inversement, en 1996, à une progression du revenu des ménages de 0,2 % avait correspondu un accroissement de leur consommation de 2,1 %. De la même manière en 1997, le supplément de pouvoir d'achat des ménages, + 2 %, ne devrait s'accompagner que d'un surcroît modeste de leur consommation (+ 0,9 %).

En bref, alors que la consommation des ménages est apparue fort peu corrélée avec les évolutions de pouvoir d'achat ces dernières années, la prévision du gouvernement table sur un retour à une étroite corrélation entre variation du pouvoir d'achat des ménages et de leur consommation.

Il s'agit là d'une hypothèse importante au regard de la prévision de croissance économique mais aussi de l'équilibre des finances publiques.


Elle s'appuie principalement sur la prévision d'une évolution dynamique de la masse salariale -+ 3,5 %- sous l'effet conjoint d'une augmentation des emplois et du salaire par tête, ces deux facteurs étant dans une certaine mesure dépendants l'un de l'autre.

La croissance du nombre d'emplois prévue pour l'année prochaine dans le secteur marchand s'élève à 210.000 unités, à comparer avec une augmentation du nombre d'emplois estimée à 135.000 unités en 1997.

La variation du nombre des emplois traduirait donc une croissance des effectifs de 0,8 % en 1997 et de l'ordre de 1,2 % en 1998. S'y ajouteraient les "emplois des jeunes", pour 50.000 unités en 1997 et 100.000 unités supplémentaires en 1998.

Ces résultats s'appuient sur une hypothèse de gains de productivité par tête inchangés en 1997 et 1998, estimés à 1,8 % dans les entreprises non financières non agricoles et, au total, de l'ordre de 1,6 %.

Cette hypothèse suppose que la rupture avec l'évolution de long terme de la productivité apparente du travail observée depuis le début des années 1990 se poursuive.

L'évolution de la productivité apparente du travail

Gains de productivité à long terme (1979-1990, % par an)

Industrie

Services

Etats-Unis

3,7

0,3

Allemagne

2,2

1,5

France

2,8

2,0

Royaume-Uni

4,3

0,9

Japon

3,5

2,9

Source : OCDE

Sur le long terme, entre 1979 et 1990, la France a enregistré des gains annuels de productivité du travail de 2,8 % dans l'industrie et de 2 % dans le secteur des services. Cette situation manifeste un retard dans l'industrie que d'ailleurs partage l'Allemagne par rapport aux autres pays industrialisés et, au contraire une avance dans les services où les gains d'efficience ont été plus élevés en France que dans les pays comparables, excepté le Japon.

Les tableaux qui suivent démontrent cependant qu'une double rupture s'est produite au tournant des années 1980 et 1990.

Productivité horaire apparente du travail

(en % par rapport à l'année précédente)

Années

Ensemble des secteurs

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

3,1

6,2

1,5

2,3

3,7

2,7

1,6

3,0

2,9

2,1

1,2

2,6

1,0

3,0

0,8

1,1

Les gains de productivité du travail se sont globalement ralentis.

Productivité apparente du travail (en % et par an) entre 1992 et 1995

1992-1995

Industrie

Industrie manufacturière

BGCA

Commerce + transports
Télécommunications + services marchands
4,0

4,2

- 0,4

0,0

Source : INSEE

Cette évolution n'est toutefois pas générale, l'industrie accroissant ses gains de productivité, le secteur des services au sens large connaissant un net ralentissement des siens.

La signification de ces évolutions doit être précisée.

La productivité apparente du travail apparaît comme un résultat qui peut être considéré comme un indicateur du contenu de la croissance en emplois. Ainsi, compte tenu d'un niveau de croissance du PIB donné, les gains de productivité du travail apparaîtront d'autant plus bas que le nombre des emplois créés sera plus élevé et inversement. Comme il est difficile de construire des équations expliquant l'évolution de la productivité du travail, il faut la poser en hypothèse compte tenu d'évolutions observées dans le passé. Cette méthode est évidemment décevante si l'on considère que les progrès de productivité s'expliquent par des variables économiques et sociales identifiables comme l'investissement ou le niveau de l'éducation. Elle l'est encore plus et les résultats de ces dernières années avec elle, si l'on pense que de forts progrès de productivité sont susceptibles de favoriser la croissance en en améliorant par exemple l'efficience 2( * ) .

Elle fait place à un certain arbitraire comme le démontre semble-t-il la prévision du gouvernement. En effet, l'hypothèse privilégiée par celle-ci d'un gain de productivité moyen de 1,8 % apparaît discutable. On rappelle qu'existe un "cycle de productivité" qui traduit le fait qu'en période de reprise économique, le supplément d'embauches provoqué par celle-ci est retardé, les entreprises ne percevant pas immédiatement la reprise et s'efforçant de faire face à l'activité supplémentaire avec les moyens en place. L'accroissement de la productivité du travail observé en 1994 -voir tableau ci-dessus- s'est inscrit dans le cadre de ce phénomène.

C'est d'ailleurs sur des gains de productivité beaucoup plus importants, de 2,3 % en 1997 et de 2,7 % en 1998, qu'est bâtie la projection à moyen terme réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques pour la Délégation du Sénat pour la planification.

Ces écarts ne sont pas seulement théoriques puisqu'ils exercent une influence directe sur le niveau des emplois qu'on peut associer à une prévision : soit un point supplémentaire de gains de productivité, l'emploi marchand salarié ne s'accroîtrait plus que de l'ordre de 0,1 % 3( * ) .

Dans ces conditions, le chômage s'aggraverait un peu plus et les dépenses liées à lui également. Un tel "appauvrissement" de la croissance en emplois pourrait d'autant plus survenir que le gouvernement entend supprimer certaines mesures d'allégements de charges qui ont favorisé l'enrichissement de la croissance en emplois et que l'importante progression du travail à temps partiel, qui concerne 16,5 % des salariés, pourrait s'interrompre.

La formation des salaires en serait moins favorable aux salariés : le salaire par tête s'accroîtrait moins et la masse salariale serait, par construction, moins dynamique. L'ensemble des salaires progresse dans la prévision du gouvernement de 3,5 % en niveau. Les salaires distribués par secteur marchand non agricole augmentent un peu plus vite du fait d'une progression des effectifs (+ 1,4 %) plus rapide que dans le secteur non marchand.

Le salaire moyen par tête, au sujet duquel manquent d'ailleurs les informations statistiques complètes nécessaires à une estimation robuste, pourrait progresser moins vite que prévu.

Mais l'essentiel est ailleurs : un facteur d'incertitude considérable pèse sur la prévision, l'évolution de la durée légale du travail . Facteur d'incertitude pour la prévision, mais aussi pour les entreprises que les perspectives en la matière pourraient inciter à rechercher des gains de productivité peu favorables à l'emploi.

2. L'investissement : une attente toujours déçue dont la politique du gouvernement risque d'éloigner encore le terme

L'investissement est la première composante de la demande des entreprises. Ce n'est pas la seule puisque les comportements de stocks influencent également celle-ci.


Stocks et activité

Dans la définition qu'en donne le système élargi de comptabilité nationale, "les stocks comprennent tous les biens autres que les biens de capital fixe, détenus à un moment donné par les unités productrices résidentes".

Dans les comptes de patrimoine des secteurs institutionnels, le montant des stocks est estimé à 1.817,4 milliards de francs pour 1995 -dont 1.557,6 milliards de francs pour les sociétés et quasi-sociétés non financières- en diminution de 2,2 % par rapport à 1994 (- 41,1 milliards de francs).

Les stocks constituent une production non vendue. Leur niveau résulte donc d'un décalage entre l'offre et la demande de produits. Lorsque celle-ci augmente moins que celle-là, le niveau des stocks s'accroît mécaniquement puis se résorbe à mesure que les producteurs s'adaptent à la demande.

Mais, si les variations de stocks résultent de la croissance, elles l'influencent aussi. Les phénomènes de déstockage amortissent la croissance de l'activité dès lors que la progression de la demande peut être satisfaite par la production déjà réalisée que sont les stocks.

A ces relations mécaniques, il faut ajouter deux phénomènes qui revêtent une certaine actualité. Le niveau des stocks ne dépend en effet pas que de réglages automatiques ; il résulte aussi de comportements des entreprises. A ce propos il convient de souligner :

- que les entreprises ont adopté ces dernières années un comportement de plus en plus marqué de réduction de leurs stocks, popularisé sous la dénomination de politique de "zéro stock" ou encore de "flux tendus" ; ce comportement structurel pourrait expliquer la tendance au déstockage observée sur moyenne période ;

-et, surtout, que le niveau jugé souhaitable des stocks dépend de l'appréciation que se forment les entreprises d'une série de variables économiques.

Celles-ci peuvent être objectives : le coût financier de détention des stocks dépend du niveau du coût de l'argent. Elles peuvent être plus conjecturales lorsqu'il s'agit d'estimer la croissance future de la demande ou encore l'évolution prévisible du prix de vente de leurs secteurs d'activités.

Les relations entre les stocks et l'activité emprunteront donc deux voies :

- les stocks contribuent, par leur variation, à expliquer le rythme de croissance ;

- le rythme de croissance escompté et la valeur attendue des biens expliquent les variations des stocks.

En période de reprise et lorsque les anticipations de prix sont caractérisées par une prévision d'augmentation, les entreprises ont tendance à reconstituer leurs stocks.

L'activité économique est, en France, très dépendante des cycles portant sur les stocks.

Le tableau qui suit illustre cette influence entre 1991 et 1997.

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Croissance du PIB

0,8

1

- 1,3

2,6

2,1

1,3

2,2

Croissance du PIB hors variations de stocks


1,5


1,5


- 0,3


1,3


1,8


1,9


2

Hors accident conjoncturel de 1993, la croissance, calculée comme si les stocks ne variaient pas, évolue le plus souvent dans une fourchette de 1,5 à 1,9 % alors que, compte tenu des stocks, la fourchette des taux de croissance est beaucoup plus large : 0,8 - 2,6 %.

S'agissant de l'investissement , la prévision d'une croissance de 4,1 % en 1998 de l'investissement des entreprises, et donc d'une progression de 2,9 % de l'investissement en moyenne annuelle en 1997 et 1998, est l'une des incertitudes majeures du scénario. A son terme, l'investissement des sociétés passerait de 416,8 milliards de francs -au prix de 1980- à 424,3 milliards de francs en 1997 et 441,7 milliards de francs en 1998, soit, en volume, une progression de 17,4 milliards de francs entre ces deux dernières années.

D'ores et déjà, cette prévision doit être corrigée. En 1997, selon l'INSEE, l'investissement des entreprises ne progresserait que de 0,4 %, contre 1,8 % prévu par le gouvernement.

L'investissement des entreprises ne s'élèverait donc qu'à 435,6 milliards de francs en 1998, soit un écart négatif de 6,1 milliards de francs par rapport à la prévision. Cette correction conduit à réviser la croissance du PIB qui ne serait plus de 3 % mais de 2,92 %.

Mais la prévision de croissance de l'investissement des entreprises de 4,1 % est-elle crédible ? C'est une question en débat tant le comportement récent des entreprises en matière d'investissement a déjoué les prévisions reposant sur ses déterminants traditionnels.

Le niveau de l'investissement est, en 1996, très inférieur au niveau moyen, des années 1989 à 1992.

Formation brute de capital fixe des sociétés (prix de 1980)

(en millions de francs)

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

422.838

441.242

441.183

434.535

399.533

406.350

419.870

416.777


La chute de l'investissement qui s'est produite en 1993 n'a pas été compensée. La reprise intervenue en 1994 et 1995 paraît stoppée.

L'information statistique est cependant contradictoire sur ce point puisque s'oppose à la vision donnée par l'INSEE d'une stagnation des investissements, celle offerte par le ministère de l'industrie qui évoque une forte croissance dans l'industrie.

En tout état de cause, le niveau d'utilisation des capacités de production met tout le monde d'accord sur un point : il n'existe pas de contraintes fortes de capacité pouvant justifier une reprise des acquisitions de capital fixe.

Taux d'utilisation des capacités de production

(en pourcentage)

ANNEES

Industries agricoles et alimentaires

Biens intermédiaires

Biens d'équipement

Biens de consommation

Industrie

Ensemble

1994

79,7

84,8

82,3

80,0

82,4

82,0

1995

81,4

87,1

84,0

81,6

84,3

83,8

1996

80,6

85,1

82,7

80,4

82,8

82,5

Sans doute, le retard d'investissement évoqué plus haut pourrait-il inciter les entreprises à entreprendre des investissements, ne serait-ce que par souci de modernisation. Mais, ceci supposerait diverses conditions qui ne paraissent pas remplies.

Il faudrait d'abord que les perspectives de rentabilité des investissements physiques soient mieux orientées qu'elles ne le sont.

Il faudrait ensuite que les grandes entreprises privilégient des investissements de capacité par rapport à d'autres emplois de leur épargne, comme les investissements directs à l'étranger ou les prises de participation dans des entreprises nationales.

Il faudrait aussi que le retard d'investissement soit perçu comme un handicap, ce qu'il n'est pas compte tenu des taux d'utilisation des capacités de production et, probablement, d'une meilleure utilisation des investissements en place.

Il faudrait enfin que les conditions financières des entreprises soient améliorées et, à tout le moins, préservées. Or, les ponctions supplémentaires opérées par le gouvernement, qui altèrent au demeurant la stabilité fiscale nécessaire au lancement de projets, viennent dégrader une situation sans doute meilleure que dans un passé récent, mais encore fragile.

Dans ces conditions, la prévision du gouvernement apparaît fort incertaine. Pour mesurer l'aléa, il suffit d'indiquer que sans investissement supplémentaire en 1998, la croissance ne s'élèverait plus qu'à 2,7 % contre les 3 % prévus par le gouvernement.

3. Le faux débat du partage de la valeur ajoutée

Pour expliquer la faible croissance de l'économie française, le gouvernement insiste sur le préjudice causé à la consommation et à l'emploi par les modalités de partage de la valeur ajoutée 4( * ) . Le partage de la valeur ajoutée aurait bridé la consommation des ménages, ce qui aurait ensuite freiné l'investissement des entreprises.

Cette appréciation pose d'abord des problèmes de méthode. Elle est fondée sur des données globales alors même que les questions posées par le partage de la valeur ajoutée sont évidemment à contenu fortement sectoriel.

Elle repose partiellement sur un commentaire de l'évolution de la part des salaires dans la valeur ajoutée mesurée aux coûts des facteurs qui, discutable économiquement, conduit à afficher des écarts maximaux, sans doute utiles à la démonstration, mais qui n'emportent pas la conviction. Elle conduit à focaliser le débat sur un type de partage de la valeur ajoutée qui n'est pas pertinent.

Ainsi, s'il est exact que les charges salariales directement supportées par les employeurs contribuent à la formation du revenu des ménages, celle-ci est dépendante de bien d'autres facteurs dont l'évolution influence à son tour le revenu disponible brut des entreprises. Car, s'il est vrai que l'excédent brut d'exploitation est un élément de ressources pour les entreprises, on doit en déduire une série d'opérations pour aboutir à l'épargne brute utilisable par les entreprises pour financer leurs investissements.

En bref, tout comme le revenu disponible brut pour les ménages, l'épargne brute des entreprises apparaît comme une variable plus pertinente pour apprécier leurs capacités financières que l'excédent brut d'exploitation.

En toute hypothèse, la situation décrite dans le rapport économique et financier est factuellement contestable. Dans les faits, le taux de marge des entreprises -hors grandes entreprises nationales- qui rapporte leur excédent brut d'exploitation à leur valeur ajoutée qui s'était considérablement dégradé en 1975, passant de 29,4 % en 1974 à 26 %, a stagné jusqu'en 1984 autour de 25 %. Puis, il s'est redressé progressivement sous l'effet de la politique de désinflation compétitive pour atteindre 31,8 % en 1989. Depuis, le taux de marge des entreprises s'est à nouveau dégradé, de l'ordre de 1,5 point entre 1989 et 1996.

Pour 0,6 point, cette dégradation a correspondu à une augmentation de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Pour 0,9 point, elle s'explique par un alourdissement des impôts liés à la production supportés par les entreprises.

Enfin, le débat ainsi posé ignore certaines données fondamentales.

L'évolution du taux de marge des entreprises a, en réalité, été très différenciée
. Si l'on ne dispose pas d'éléments permettant d'en appréhender facilement l'évolution selon la taille de l'entreprise, une discrimination peut être opérée en fonction des branches d'activité auxquelles se rattachent les entreprises.

Evaluation du taux de marge entre 1982 et 1992
dans les branches industrie et commerce et services marchands

1982

1989

1992

Industrie

24,8

36,3

34,8

Commerce et services marchands

40,6

43,1

42

Le tableau qui précède apporte la démonstration que si le taux de marge dans l'industrie s'est beaucoup accru depuis 1982, la progression du taux de marge dans le secteur du commerce et des services marchands qui inclut pour une part la rémunération des exploitants individuels a été, elle, très modérée. En outre, le taux de marge des deux secteurs a diminué depuis 1989.

La déformation du partage de la valeur ajoutée n'a donc été significative que dans l'industrie.

En outre , contrairement à ce qui est suggéré, elle n'a pas entraîné de baisse des salaires.

L'exemple du secteur industriel est à cet égard très parlant. Dans ce secteur, la progression annuelle moyenne du taux de marge s'est élevée à 3,4 % sous l'effet d'un accroissement de l'excédent brut d'exploitation de 9,3 %. Dans le même temps, la rémunération versée à chaque salarié du secteur s'est accrue de 6,7 % par an. La variable d'ajustement a donc été l'emploi qui a reculé de plus de 16 % entre 1982 et 1992. En bref, les gains de productivité réalisés sous l'effet d'une réduction des emplois ont été distribués aux salariés pour 90 % d'entre eux, le reste, soit un point par an, servant à améliorer le taux de marge des entreprises qui s'est en effet redressé de 10 points en 10 années.

La déformation du partage de la valeur ajoutée n'a donc pas sacrifié le pouvoir d'achat des salariés de l'industrie. Leurs salaires réels se sont accrus de 1,9 % par an entre 1982 et 1992.

En revanche, le partage du surplus de productivité s'est fait au détriment des chômeurs, puisque le nombre des emplois dans le secteur a diminué de 1.169.000 unités, soit de 1,5 % par an.

C'est donc un meilleur partage du surplus de productivité entre emplois et salaires qu'il convient de rechercher pour résoudre le problème du chômage plutôt qu'un meilleur partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits.

De la même manière, on ne peut considérer que le partage de la valeur ajoutée aurait été excessivement favorable aux entreprises et sans effet sur l'investissement.

Les comparaisons internationales démontrent que la part des salaires dans la valeur ajoutée estimée aux coûts des facteurs, si elle est plus élevée aux Etats-Unis et au Japon qu'en Europe, se trouve en France, avec 66,2 %, proche de la moyenne européenne (68,2 %) et plus élevée qu'aux Pays-Bas et qu'en Allemagne. Il existe d'ailleurs en Europe une réelle convergence à ce sujet à laquelle n'échappe que la Grèce. S'éloigner des performances de nos concurrents reviendrait à dégrader notre compétitivité internationale. Les capacités financières des entreprises s'en trouveraient en outre amoindries, ce qui ne serait pas favorable à l'investissement. Le taux de rendement du capital des entreprises s'infléchirait.

Or, contrairement à ce qui est fréquemment indiqué, le rapprochement entre les capacités financières des entreprises et leurs investissements ne démontre pas que ceux-ci seraient substantiellement inférieurs à celles-là .

On établit usuellement ce diagnostic en arguant de la valeur prise par le taux d'autofinancement des entreprises qui s'établit, pour l'ensemble des sociétés et quasi-sociétés non financières, à 111,6 %.

Rappelons que le taux d'autofinancement au sens strict est le rapport entre l'épargne brute des entreprises et leur formation brute de capital fixe nette des cessions 5( * ) . Il est frappant d'observer que cette grandeur ne commence à devenir positive qu'en 1993, première année pour laquelle des comptes nationaux définitifs ne sont pas disponibles . Or, il existe un désaccord entre l'INSEE et le ministère de l'industrie sur l'évolution de l'investissement industriel. Selon le dernier rapport sur l'industrie française, la croissance de l'investissement industriel aurait été de 9,3 % depuis 1993, soit sensiblement plus soutenue que celle retenue par l'INSEE. A cette incertitude sur le niveau réel de l'investissement des entreprises s'ajoute un problème de méthode. Le taux d'autofinancement ne comporte pas à son dénominateur les investissements incorporels qui, dans une économie qui se dématérialise, acquièrent une importance relative toujours plus grande. Corrigé de ceux-ci, le taux d'autofinancement serait très proche de 100 en 1996.

Mais au-delà de ces graves problèmes statistiques, l'analyse selon laquelle les capacités de financement des entreprises censées être apparues depuis 1993 constituent une situation économique peu satisfaisante 6( * ) est entièrement erronée compte tenu du niveau réel des coûts de financement, de l'économie mondialisée dans laquelle les entreprises évoluent et des exigences de retour financier des prêteurs. On doit ajouter d'ailleurs que l'investissement obéit à des cycles et que les années 80 et le début des années 90 s'étant traduites par une très forte croissance de la FBCF, il n'est pas anormal que l'investissement se soit ralenti depuis 1993.

CHAPITRE II

LES DANGERS DE LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES "A LA FRANÇAISE"

Dans son projet de loi de finances pour 1998, le gouvernement a préféré stabiliser le solde budgétaire grâce à l'accroissement des prélèvements, plutôt que de poursuivre l'effort de réduction des dépenses. Cette orientation, qui ne remet pas en cause la qualification de la France pour la "première vague" de l'euro, la marginalise néanmoins au sein des pays de l'OCDE et pose la question de la soutenabilité à long terme de la politique budgétaire française.

Une politique ambitieuse de réduction de la dépense pour permettre un allégement des prélèvements obligatoires est pourtant possible. Elle recréérait les conditions d'un dynamisme de l'économie française.

Une variante macroéconomique a été réalisée par l'OFCE à la demande de la Commission des Finances pour simuler les effets d'une baisse de un point de PIB des dépenses publiques associée à une baisse de même montant des cotisations sociales supportées par les employeurs.

Ses résultats sont retracés dans le tableau ci-après :

Ecarts par rapport au compte central

1998

1999

2000

2001

2002

PIB

Consommation des ménages

Investissements

Importations

Exportations

Prix à la consommation

Emploi total (en milliers)

Taux de chômage

Déficit public en point de PIB

- 0,46

0,07

0,14

- 1,25

0,55

- 0,77

- 36

0,09

0,10

- 0,06

0,06

0,78

- 0,93

1,11

- 1,76

- 39

0,10

- 0,05

0,20

0,12

1,30

- 0,93

1,42

- 2,43

- 5

0,01

- 0,11

0,41

0,22

1,60

- 0,97

1,64

- 2,94

29

- 0,07

- 0,18

0,57

0,32

1,73

- 0,99

1,82

- 3,33

57

- 0,14

- 0,25

Il apparaît que, en dépit de l'effet "keynésien" défavorable sur le PIB de la baisse des dépenses publiques en début de période, la mesure serait neutre sur l'activité dès la deuxième année et favorable au-delà. La compétitivité extérieure serait améliorée de même que les capacités financières des entreprises dont l'investissement réagirait en conséquence. Le supplément de croissance et la baisse du coût du travail provoqueraient un redressement de l'emploi favorable au revenu des ménages dont la consommation s'accroîtrait par paliers.

Les finances publiques en sortiraient confortées, le déficit régressant dès la deuxième année pour s'établir à - 0,25 point de PIB en fin de période sous le seul effet de la mesure.

I. UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES QUI RESTE À ACCOMPLIR

A. UNE COMPARAISON INTERNATIONALE DEFAVORABLE A LA FRANCE

La France est particulièrement mal classée parmi ses partenaires étrangers en termes de dépenses publiques : en effet, une comparaison toute récente effectuée par l'institut Rexecode (octobre 1997) permet de situer le niveau et la nature des dépenses publiques de la France par rapport à celles des onze pays de l'OCDE.

1. Un niveau de dépenses publiques élevé

Les dépenses publiques de la France se placent au quatrième rang de celles des pays du monde développés derrière les pays scandinaves hors Norvège. Les dépenses publiques sont "au-dessus" des dépenses publiques allemandes de 5,5 points de produit intérieur brut.

2. Un accroissement récent des dépenses primaires

Ce classement de la France se retrouve si l'on ne considère que les dépenses "hors dette". En effet, la France a augmenté ses dépenses "primaires" de + 5,8 points de PIB entre 1980 et 1996, alors que, excepté l'Italie, les autres pays de l'Union européenne de développement comparable ont connu soit une baisse de ces mêmes dépenses (Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas) soit une hausse modérée (Danemark, Suède).

3. Des postes de dépenses particulièrement lourds

La spécificité la plus forte des dépenses publiques françaises est le poids de sa fonction publique : en France, le poids des administrations publiques dans l'emploi total atteint presque 25 %. Même si la comparaison ne peut être directe en raison des différences institutionnelles entre les deux pays, les effectifs sont comparables à ceux des fonctionnaires allemands, mais pour une population de 58,4 millions au lieu de 82 millions d'habitants.

La France à contre-courant en matière de réduction des dépenses
de fonction publique

Depuis la fin des années 80, la réduction du volume de l'emploi public est un élément essentiel des stratégies de maîtrise des dépenses publiques chez les partenaires de la France.

Les programmes de réduction des effectifs publics mis en oeuvre par de nombreux partenaires de la France peuvent surprendre par l'ampleur des coupes proposées. Ainsi, les emplois du secteur public britannique ont diminué de 22 % entre 1987 et 1990. En Suède, un plan de réduction de 23 % des effectifs en deux ans a été adopté en 1989. Il a plus tard été révisé à la hausse. Au Canada, l'emploi dans les services publics a diminué de 5 % entre 1985 et 1993. Aux Etats-Unis, un objectif de compression de 13 % des effectifs, soit 272.000 fonctionnaires, a été fixé en 1993. En Allemagne, l'emploi public a été réduit de 250.000 postes entre 1991 et 1995. Aux Pays-Bas, les effectifs de la fonction publique ont décru de 0,4 % par an depuis 1987.

Les modalités de réalisation de ces programmes varient d'un pays à l'autre. En Grande Bretagne, la réduction du nombre de fonctionnaires est largement due à la réduction de la taille du secteur public. Aux Etats-Unis, l'administration essaie de limiter le nombre de licenciements en développant des programmes d'"achat" des départs. Aux Pays-Bas, la baisse du nombre d'emplois publics s'est accompagnée d'une forte augmentation du nombre de fonctionnaires allocataires de pensions d' "incapacité", si bien que l'impact de la baisse des effectifs sur les finances publiques est difficilement évaluable. Au Canada, en revanche, l'assainissement a été obtenu grâce à des mesures de restrictions budgétaires aboutissant au regroupement ou à la suppression d'agences gouvernementales, ainsi que la réduction du nombre de ministères.

En France, la progression du nombre d'emplois publics a été continue jusqu'en 1996. De 1973 à 1996, la variation de l'emploi total, soit + 1 million, résulte d'une création de 1,6 million d'emplois publics et d'une destruction de 600.000 emplois dans le secteur privé marchand.

B. DES EFFORTS DE FREINAGE ENCORE INSUFFISANTS

1. La nécessaire réduction de la dépense publique

L'impératif de réduction de la dépense publique a été affirmé pour la première fois dans la loi quinquennale de maîtrise des finances publiques du 24 janvier 1994 préparée par le gouvernement Balladur : partant de la nécessité de réduire les déficits publics à 3 % en 1997, de la mécanicité de la progression des charges de la dette, d'une hypothèse d'augmentation de recettes parallèle à celle du PIB, un tableau permettait d'afficher la nécessité de réduire le volume des dépenses hors dette dès 1995.

2. Une situation de départ apparue entre 1990 et 1992

Cette nécessité de réduire la dépense est apparue dans un contexte dégradé : en effet, entre 1990 et 1992, le total des dépenses civiles nettes des charges de la dette avait progressé de 10,7 %. Au cours de ces trois années, les charges de personnel avaient augmenté de 10,4 % (soit en moyenne + 3,3 % par an), les dépenses d'intervention de 9,8 %, alors que les dépenses d'investissement de l'Etat reculaient, sur la même période, de près de 25 %.

3. Les résultats des années 1993 à 1996 n'atteignent pas les objectifs

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1996, la Cour des Comptes compare les résultats obtenus en termes de maîtrise de la dépense sur ces trois dernières années aux objectifs de la loi quinquennale de maîtrise des dépenses publiques.

Evolution des dépenses de l'Etat

1994

1995

1996

Dépenses nettes du budget général (hors charges de la dette)

+ 1,4 %

+ 2,8 %

+ 3 %

Dépenses nettes du budget général, y compris charges de la dette et charges des comptes spéciaux du Trésor


+ 4,9 %


+ 2,3 %


+ 1,6 %

Source : Cour des comptes

Comme le souligne la Cour : " Force est de constater que la stabilisation complète des dépenses en volume, prévue dès 1995 par la loi d'orientation, n'a pas été atteinte. Surtout le ralentissement des dépenses n'a pas été obtenu de la manière prévue ". En effet, en 1996, le ralentissement a été dû pour l'essentiel à une évolution plus modérée que prévu des charges de la dette, et au quasi-équilibre des opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor.

En particulier, l'examen rétrospectif des dépenses des titres III (Personnel et fonctionnement) et IV (Interventions publiques) montrent la difficulté rencontrée à maîtriser les dépenses dites "primaires" : ces titres ont augmenté, en exécution, de 3,4 % en moyenne entre 1993 et 1996.

C. ALLER PLUS LOIN

1. Faut-il continuer à réduire la dépense publique ?

Dans le contexte actuel où les prélèvements obligatoires atteignent 46 % du PIB -et ont manifestement dépassé le seuil de tolérance de nos concitoyens-, il n'y a d'autre solution pour contenir le déficit que de réduire la dépense.

Cette impérieuse nécessité de réduction de la dépense publique est d'ailleurs la conclusion des travaux d'audit conduits par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse :

" Pourtant, agir sur la dépense est le seul moyen de réduire les déficits, comme la France s'y est engagée, sans accroître des prélèvements obligatoires déjà très lourds. Ce résultat ne pourra donc être obtenu que par des actions de fond. Il faudra tout à la fois rendre les services de l'Etat plus productifs et leur activité plus efficace. Dans le premier cas, c'est l'organisation des services, centraux et déconcentrés, et leur fonctionnement qui est en cause. Dans le second, c'est l'instabilité, la complexité et l'efficacité, souvent inconnue et parfois contestable, des législations qui gouvernent les diverses interventions de l'Etat.

Enfin, certaines questions très délicates telles que l'avenir des régimes de retraites publiques ne pourront pas être indéfiniment éludées, même si elles ne peuvent être abordées qu'avec précaution. La compatibilité durable du maintien d'un certain rôle régulateur et protecteur de l'Etat avec un niveau de prélèvements obligatoires ne pénalisant pas notre économie par rapport à celle de nos grands concurrents est à ce prix.
"

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le véritable objectif, qui n'est pas de faire passer le déficit budgétaire dans le "chas" des 3 %", mais de stabiliser l'endettement. Or, pour y parvenir, c'est une réduction de dépenses de 98,7 milliards de francs qui devrait être opérée en 1998...

2. Peut-on réduire la dépense publique ?

Il est communément admis que le budget de l'Etat est très peu flexible.

Au minimum, il faut en effet considérer que plus de la moitié des dépenses de l'Etat -soit les charges de personnel et les charges de la dette - ne peuvent donner lieu à un freinage massif à court terme.

Poids des charges de personnel et de dette dans le budget général

(en milliards de francs)

LFI 1997

en % du budget

Charges de personnel

591,355

37,8

Charges de la dette

250,583

16

TOTAL

841,938

53,8

TOTAL DEPENSES BUDGET

1.564

100

MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse, après avoir regretté que la Direction du Budget ne soit pas en état de mesurer la "rigidité" des dépenses de l'Etat, estiment à près de 90 % les charges inéluctables de l'Etat à législation constante 7( * ) .

Au sein de ces dépenses, les charges de pensions sont amenées à progresser, au cours des années à venir, dans des proportions considérables.

Les retraites de la fonction publique : une explosion programmée

Comme le reconnaît le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le poids des retraites de la fonction publique va changer de dimension au cours des quinze années à venir :

"Les retraités de la fonction publique représentent actuellement près de 600.000 militaires et 1.200.000  pensionnés civils (y compris les retraités de La Poste et France Télécom). Si le nombre des retraités militaires est à peu près stable, celui des pensionnés civils augmente de façon significative. En 1995, le rapport du nombre des actifs cotisants au nombre de retraités de droit direct s'établissait à 2,53 pour les fonctionnaires civils. Il se compare favorablement à celui du régime général de la sécurité sociale (1,75 à la même date).

Ce rapport est un paramètre déterminant de l'équilibre d'un régime : plus il est faible, plus la charge du financement par actif est lourde. Pour les seuls fonctionnaires civils, il serait presque divisé par deux en vingt ans (1,39 à l'horizon 2015) alors que durant la même période, ce même rapport ne baisserait que d'environ un tiers pour le régime général (1,37 en 2015). L'écart tient pour une large part à une croissance plus rapide du nombre de retraités fonctionnaires en liaison avec des âges de départ à la retraite plus précoces que dans le régime général.

Au-delà des éléments démographiques, l'évolution des charges et des ressources des régimes considérés dépend de paramètres plus économiques, notamment de la croissance plus ou moins rapide du niveau moyen des pensions et de l'évolution des salaires de leurs cotisants.

Ainsi, pour les fonctionnaires civils , l'évolution démographique combinée à la croissance de la pension moyenne conduira à un coût croissant des charges de pensions du régime qui devrait mettre à la charge de la collectivité, à l'horizon 2010 , un coût additionnel, par rapport à aujourd'hui, de près de 79 milliards de francs en francs constants.

S'il apparaît, à la lumière des évolutions mises en avant ci-dessus, qu'une réforme structurelle devra inévitablement être mise en oeuvre dans les années à venir, il convient de noter toutefois que toute réforme en matière de retraite, ne conduit que très lentement à des économies significatives en raison d'une application limitée aux seuls flux des départs en retraite.

A titre d'illustration , une réforme qui réduirait de 1 % supplémentaire chaque année pendant dix ans , de 1998 à 2007, le montant moyen des nouvelles pensions concédées (- 10 % par rapport au montant tendanciel en 2007 pour les concessions 2007) ne procurerait que 3,9 milliards de francs d'économies (en francs constants), soit 2,5 % du montant total des pensions et 8,5 % de la dérive de leur coût résiduel pour l'Etat sur la période envisagée.

S'il apparaît que la situation financière attendue à moyen et long terme du régime des fonctionnaires de l'Etat comme de l'ensemble des régimes spéciaux de retraite nécessitera une adaptation de ces régimes, celle-ci doit être envisagée de façon globale, car les mesures mises en oeuvre ne peuvent pas se concevoir sans aborder tous les aspects propres à l'acquisition des droits.

Seule cette démarche d'ensemble et concertée avec les intéressés peut permettre de dégager des moyens de pilotage du régime plus performants et d'asseoir une certaine stabilité financière."

Par ailleurs, les crédits d' investissement sont en baisse continue depuis plusieurs années et ne représentent plus, en 1997, que 160,6 milliards de francs (soit un peu plus de 10 % du budget de l'Etat).

L'effort doit donc porter sur les dépenses de fonctionnement (hors personnel) et les dépenses d' interventions publiques .

Celles-ci se répartissent ainsi en 1997 :

Dépenses de fonctionnement (hors personnel) et d'interventions publiques en 1997

(en milliards de francs)

Dépenses de fonctionnement (hors personnel)

115,247

Interventions publiques

456,641

TOTAL

571,888

Au total, la somme des dépenses de personnel et de fonctionnement s'établit à 706,125 milliards de francs.

a) Les dépenses de fonctionnement : un effort inégal de maîtrise.

Les dépenses de fonctionnement se répartissent de la manière suivante en 1997 :

(en millions de francs)

Dépenses

Montant

Matériel et fonctionnement des services

45.284,9

Travaux d'entretien

1.657,6

Subventions de fonctionnement

52.008,5

Dépenses diverses

16.296,2

Les dépenses directes de matériel et fonctionnement de l'administration ont subi plusieurs années de baisse, portant davantage sur les services civils que sur le budget de la défense.

En effet, les grandes opérations d'informatisation des ministères sont en général terminées.

Par ailleurs, ces chapitres ont, notamment, subi les effets de régulations budgétaires successives, qui ont réduit des dépenses telles que les crédits de communication qui avaient eu tendance à s'accroître au début des années 1990.

Les dépenses de travaux d'entretien connaissent une baisse régulière, qui a ramené leur niveau total à un peu plus de 1 % du budget de l'Etat.

En revanche, les subventions de fonctionnement ont connu, entre 1993 et 1996, une progression de 13,1 %.

En 1997, cette augmentation se poursuit, à un taux de 3,19 %.

Evolution des dépenses de subventions de fonctionnement
(en exécution)

(en millions de francs)

1993

1994

1995

1996

Variation 96/95

Recherche

19.074

18.581

19.456

19.942

2,5 %

Enseignement supérieur

5.137

5.557

5.750

6.260

8,9 %

Travail, emploi et formation professionnelle

4.648

4.981

5.131

5.317

4,5 %

Industrie et postes et télécommunications

3.487

4.417

4.546

4.579

0,7 %

Education nationale

4.110

3.985

4.021

4.014

- 0,2 %

Culture

2.345

2.472

2.768

3.283

18,6 %

Affaires étrangères

1.485

1.348

1.458

1.545

6,0 %

Météorologie

0

901

915

932

1,9 %

Total des budgets civils

43.779

46.014

47.834

49.501

3,5 %

Défense (pour mémoire)

889

923

943

1.029

9,1 %

TOTAL

44.668

46.937

48.777

50.530

3,6 %

Source : Cour des Comptes.

Cette progression mérite de donner lieu à un examen attentif : l'Etat, en effet, ne peut pas permettre aux établissements publics ce qu'il ne se permet plus à lui-même...

Les " dépenses diverses ", dont le montant est de 16,3 milliards de francs en 1997, recouvrent des dotations de nature totalement hétérogène, et dont l'évolution n'est pas régulière : frais de gestion des protocoles avec les Etats étrangers, financement des partis politiques, rémunération des prestations de la Banque de France. Pour autant elles ne doivent pas échapper à l'effort de maîtrise de la dépense publique : on y trouve ainsi des dépenses dont la progression est continue, telles que les frais de justice qui atteignent 1,4 milliard de francs en 1997, et dont l'augmentation n'est aucunement maîtrisée.

b) Les dépenses d'interventions : des choix politiques difficiles

La nature des dépenses d'intervention

Ces dépenses représentent 456,6 milliards de francs en 1997 , en progression de 1,96 %.

La structure des dépenses d'interventions publiques en 1997 est la suivante :

(en milliards de francs)

Interventions publiques

Interventions politiques et administratives

dont :

Concours de l'Etat aux collectivités territoriales

Transport de la presse

Assistance financière et militaire au titre de la coopération

Action internationale

dont  :

Action culturelle et aide au développement

Contributions obligatoires aux organisations internationales

Coopération technique

21,547

15,403

1,957

1,549

9,723

3,082

3,265

1,992

Action éducative et culturelle

dont :

Enseignement scolaire :

Enseignement privé

Bourses et études

Formation professionnelle

Fonds de la formation professionnelle (national)

Dotation de décentralisation aux régions

Culture

Développement culturel

Enseignement et formation

Exonérations de redevance de télévision

Patrimoine

78,144

36,050

3,044

3,024

5,019

2,578

0,766

0,569

0,266

Action économique

Encouragement et interventions

dont :

Charges communes, e xonération de charges sociales pour l'emploi

Travail, emploi et formation professionnelle

Travailleurs handicapés

Conventions sociales de la sidérurgie

Fonds national de l'emploi

Exonérations de cotisations sociales

Charges communes

Encouragements à la construction immo-bilière

Participation de l'Etat au service d'emprunts à
caractère économique

Outre-mer

Fonds pour l'emploi

Action économique - Subventions aux entreprises d'intérêt national

dont :

Transports terrestres

SNCF

RATP

Industrie

Charbonnages de France

Action sociale - Assistance et solidarité

dont :

Solidarité

Aide sociale obligatoire

Allocation du RMI

Allocation aux adultes handicapés

Logement

Aides à la personne

Charges communes

Versements à divers régimes obligatoires de sécurité sociale

Rapatriés

Fonds spécial d'invalidité

Action sociale prévoyance

dont :

Charges de retraites de la SNCF

Etablissement national des invalides de la marine

Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines

Lutte contre la toxicomanie, l'alcoolisme et le tabagisme,

Lutte contre le SIDA

146,229

46,896


4,945

1,542

38,687

20,852

7,335

6,864

1,487

24,867

21,421

5,300

2,940

147,234

10,165

24,230

22,260

29,730

1,349

3,500

1,576

23,108

13,931

4,599

2,304

0,878

0,474

Total général

456,641

Une progression soutenue

La progression des dépenses du titre IV est restée soutenue au cours des dernières années : + 5,2 % en 1994, + 4 % en 1995 8( * ) , + 3,3 % en 1996, + 1,96 % en 1997.

Le poste le plus important est celui de l'action sociale, assistance et solidarité : 149,4 milliards de francs, qui progresse de 1,52 % en 1997 ; au sein de ces dépenses figurent notamment le RMI, et l'allocation aux adultes handicapés.

Le poste le plus dynamique est incontestablement celui de l' action économique -encouragement et interventions, dont l'augmentation est de + 10,04 % en 1997 (soit 146,2 milliards de francs). En effet, pour l'essentiel, ces dépenses recouvrent les mesures de la politique de l'emploi.

Le troisième poste de dépenses, par ordre d'importance, est celui de l'action éducative et culturelle : 78,1 milliards de francs en 1997, soit - 4,6 %. Ces dépenses portent notamment sur l'aide à l'enseignement privé, les bourses et services d'études, et la formation professionnelle.

Par nature, les dépenses d'intervention apparaissent a priori comme les plus flexibles, car traduisant des décisions de politique économique et sociale délibérées de l'Etat. Elles présentent une vraie difficulté dès lors qu'elles enregistrent une croissance continue depuis de nombreuses années, ainsi qu'en témoignent les exemples suivants.

L'expansion du revenu miminum d'insertion

Ainsi, les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion connaissent depuis l'institution du dispositif une progression continue : le nombre de bénéficiaires est en effet passé de 407.081 en décembre 1989 à 1.010.472 en décembre 1996.

L'évolution des crédits depuis 1989 a été la suivante :

(en milliards de francs)

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

6

8,6

14,3

13,17

16,63

19,22

22,02

23,18

24,4

+ 45 %

+ 65 %

- 8 %

+ 26 %

+ 16 %

+ 15 %

+ 5 %

+ 5 %

Depuis 1989, le nombre des bénéficiaires s'est accru de 148 % et le montant des allocations (en francs courants) de 306 %.

La progression continue de l'allocation aux adultes handicapés

Les crédits consacrés à l'allocation aux adultes handicapés évoluent de manière inquiétante :

(en milliards de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

17,8

18,6

20,08

21,52

22,26

Le nombre de bénéficiaires est passée de 495.000 en 1987 à 630.000 en 1996 et ce malgré la réforme instituée par la loi de finances pour 1994, prévoyant que les bénéficiaires doivent justifier d'un taux minimal d'incapacité -fixé à 50 % par un décret du 16 mai 1994-.

L'inexorable (?) progression des aides personnelles au logement

Bien que leur généralisation à l'ensemble de la population sous conditions de ressources soit achevée depuis 1993, les aides personnelles au logement continuent de croître inexorablement. La charge budgétaire s'élève à 33,1 milliards de francs en 1998, en augmentation de 11,5% sur la dotation prévue pour 1997.

Part de l'Etat dans le financement des différentes aides

(en milliards de francs)

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Total Etat (1)

Total employeurs

18,690

28,819

20,521

31,243

19,450

34,295

19,415

37,864

28,428 (2)

38,438

27,500

41,362

29,942

43,023

32,050

43,789

Part de l'Etat dans le financement total


39,3 %


39,6 %


36,2 %


33,9 %


42,6 %


39,9 %


41,0 %


42,3 %

(1) Montant des dotations budgétaires annuelles (LFI + LFR) ; les crédits pouvant être affectés à des régularisations concernant les années antérieures
(2) dont 2 milliards au titre des aides à la personne versées par les Caisses en 1992, régularisées en 1993.

Cette progression des dépenses est directement liée à celle du nombre de ménages bénéficiaires, particulièrement de l'allocation de logement sociale (ALS) ainsi que l'illustre le graphique suivant :

Le nombre de ménages bénéficiaires est ainsi passé de 4,579 millions en 1990 à 6,148 millions en 1996. Mais cette explication ne suffit pas à comprendre pourquoi l'effet "boule de neige" perdure actuellement

La réalité est que notre système d'aides personnelles est paramétré de telle sorte qu'il est voué à coûter toujours plus cher . 9( * )

On peut tout d'abord constater que la France a une conception généreuse de la population justifiant d'une aide personnelle , ce qui entraîne un coût par habitant parmi les plus élevés d'Europe. On considère ainsi que plus du quart des ménages ont besoin d'une aide au logement, contre 20% au Royaume-Uni, et 8 % seulement en Allemagne. Cette conception généreuse tend à faire des aides à la personne un revenu normal pour une frange importante de la population.

Ensuite, on doit observer que le bouclage intervenu entre 1990 et 1993 a quelque peu perverti la notion de conditions de ressources en profitant massivement aux étudiants, quel que soit le niveau de revenus de leur famille. Ainsi, au 31 décembre 1996, sur 997.120 ménages ayant bénéficié du bouclage de l'ALS de 1990 à 1996, 533.000 sont des étudiants, soit 53 % des ménages "bouclés" . Or on peut souhaiter que la population étudiante augmente plus vite que le nombre de ménages modestes.

Enfin, au-delà des imperfections liées aux méthodes de prises en compte des ressources, l'hystérésis budgétaire des aides personnelles provient surtout de ce qui fait leur essence même : elles augmentent au fur et à mesure qu'augmentent les dépenses de logement des ménages bénéficiaires.

La France a également une conception généreuse de la prise de la dépense de logement par l'aide, avec 52%, derrière le Royaume-Uni (90%), qui couvre une fraction plus faible de sa population, mais devant l'Allemegne (34%) et les autres pays comparables.

Or, plus le parc de logements se rénove et se renouvelle, plus son confort croît, plus son coût est élevé : les loyers s'élèvent davantage que les ressources des ménages. Les aides personnelles tendent donc structurellement à augmenter.

Les difficultés rencontrées pour maîtriser les dépenses d'intervention s'illustrent parfaitement à travers les crédits pour l'emploi : leur expansion est continue, et leur flexibilité est faible, sauf à s'interroger sur l'efficacité jamais vraiment mesurée de cet empilage de dispositifs.

L'exemple de la rigidité
des mesures pour l'emploi

Une analyse rapide des crédits pour l'emploi illustre la difficulté à désigner des pistes d'économies : en 1997, ces crédits s'élèvent à 150 milliards de francs , soit près de 10 % des dépenses de l'Etat, en progression de 8 % par rapport à 1996.

Sur ce total :

14 milliards de francs
sont consacrés au fonctionnement du service public de l'emploi : ministère du travail, Agence nationale pour l'emploi, Association pour la formation professionnelle des adultes.

8,5 milliards de francs représentent des dotations de décentralisation de la formation aux régions, indexées automatiquement sur l'évolution des prix ;

7,5 milliards de francs sont consacrés à l'indemnisation des chômeurs de fin de droits ;

4,7 milliards de francs correspondent à la garantie de ressources accordée automatiquement aux handicapés qui travaillent pour leur assurer un revenu minimum ;

1,5 milliard de francs sont destinés aux bénéficiaires des conventions sociales de la sidérurgie.

Ce total de 36,5 milliards de francs paraît a priori peu flexible.

Sur les 113,5 milliards de francs restants :

42 milliards de francs
sont destinés à l'allégement du coût du travail peu qualifié, sous forme de compensation de la ristourne de charges sociales accordée automatiquement pour les salaires allant jusqu'à 1,33 SMIC.

Les 71,5 milliards de francs restants financent des dispositifs d'aide à l'emploi :

16,4 milliards de francs sont consacrés à la prévention ou à l'encouragement des licenciements économiques (préretraites, chômage partiel...) ;

7,6 milliards de francs financent des actions pour les jeunes, essentiellement sous forme d'apprentissage et de contrats de qualification... ;

40,33 milliards de francs sont destinés aux actions pour les demandeurs d'emploi : CES, contrat initiative emploi, formations ;

2,2 milliards de francs sont consacrés à des mesures d'exonérations de charges sociales ciblées : zones franches, zones de revitalisation rurale, outre-mer...

Au total, cette enveloppe de 71,5 milliards de francs finance 1.520.000 entrées dans des dispositifs divers. La question pour l'Etat est de savoir comment maîtriser cette dotation, dans un contexte où plus de 3.500.000 personnes sont recensées comme demandeurs d'emploi.

Des choix difficiles

L'ampleur et le dynamisme des dépenses d'intervention révèlent le rôle redistributeur de l'Etat dans la vie économique et sociale 10( * ) .

La réduction de ces dépenses doit résulter d'un examen attentif de chacune de leurs composantes -certaines étant d'ailleurs non flexibles comme les dotations de décentralisation ou les participations aux organisations internationales.

Cet examen doit consister :

- à vérifier, en premier lieu, la bonne utilisation des fonds : c'est le cas pour l'allocation aux adultes handicapés par exemple ;

- à s'interroger sur l'efficacité de la dépense : les stages pour les chômeurs de longue durée sont-ils utiles pour les intéressés ? Mène-t-on une politique cohérente en matière d'encouragement à la construction ?

- à recalibrer, le cas échéant, les bases mêmes de la dépense : les aides personnelles au logement ne doivent-elles pas être reconsidérées en fonction du niveau des ressources des ménages ?

- voire à remettre en cause le principe même d'une intervention de l'Etat : ainsi celui-ci doit-il encore financer son programme de formation professionnelle, celle-ci étant décentralisée aux régions depuis 1983 ?

Ce n'est qu'au prix de cet examen minutieux et approfondi des mécanismes de formation de la dépense que la maîtrise des crédits d'intervention pourra être enfin assurée .

II. LA RÉFORME DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DOIT ÊTRE ENGAGÉE

Les prélèvements obligatoires, plus lourds dans l'Union Européenne qu'aux Etats-Unis ou au Japon (41,8 % du PIB en 1995 contre moins de 30 %), le sont encore plus particulièrement en France où ils atteignent 46 % du PIB en 1997. Caractérisés par un niveau élevé et une tendance à la progression, ils pèsent particulièrement sur la masse salariale brute en France.

Or, il s'avère qu'au delà des charges sociales traditionnellement plus lourdes en France, la fiscalité des entreprises joue aujourd'hui un rôle non négligeable dans la localisation d'activité .

A. L'IMPACT DES CHARGES FISCALES ET SOCIALES SUR LA LOCALISATION D'ACTIVITÉ

1. Les prélèvements obligatoires sont un handicap majeur pour la France

Plusieurs études soulignent l'incidence des différentiels de taxation et de charges sociales sur les marchés des biens, des capitaux et du travail.

En 1992, le comité de réflexion des experts indépendants sur la fiscalité des entreprises 11( * ) concluait après une étude empirique que " des différences fiscales entre Etats membres de l'Union européenne peuvent affecter les décisions d'implantation à l'étranger des entreprises multinationales et entraîner des distorsions de concurrence, en particulier dans le secteur financier ".

Plus récemment, l'étude France Industrie 2000 réalisée par les cabinets BIPE Conseil et Price Waterhouse 12( * ) révèle que le poids de la dépense publique et donc des prélèvements obligatoires constituent, aux yeux des opérateurs industriels interrogés, un handicap majeur de la France dans le concert des pays industrialisés. Les critiques des milieux industriels se concentrent sur deux types de prélèvements : les charges sociales d'une part, et la taxe professionnelle d'autre part, qui cristallise les défauts attribués au système fiscal.

L'étude constate en outre que les arbitrages de localisation ne se décident plus seulement entreprise par entreprise, ou unité de production par unité de production, mais portent aussi sur des fonctions de recherche et développement, de logistique, de service à la clientèle, de comptabilité, qui se trouvent ainsi mises en concurrence au niveau européen, là où elles restaient d'ordinaire liées à des choix de localisation de sièges.

Il ressort par ailleurs d'une étude réalisée récemment par l'institut Rexecode pour la commission des finances du Sénat, que les questions fiscales sont très souvent une considération importante pour la localisation d'activité même si l'estimation varie de manière significative suivant les fonctions considérées dans l'entreprise.

Ainsi, la fiscalité ne serait pas un facteur important pour les fonctions "installation de production", "point de vente" et "centre de recherche-développement" 13( * ) , mais elle entrerait de manière significative dans la détermination des pays d'accueil pour l'implantation de certaines activités du secteur tertiaire en développement, comme les centres de coordination, les centres de gestion des marques et plus encore les centres de services financiers. Il s'agit de fonctions que l'on peut qualifier de "nomades" pour lesquelles l'environnement juridique et fiscal est déterminant.

Certaines entreprises ont implanté une holding, des centres administratifs ou de services financiers (trésorerie) à l'étranger plutôt qu'en France pour des considérations fiscales. Celles-ci peuvent d'ailleurs être très pointues (fiscalité des fusions-acquisitions, des apports, des brevets).

D'une manière générale, si l'investissement direct international obéit à des considérations de stratégie commerciale de long terme, le système fiscal du pays d'accueil est toujours considéré comme un " facteur pertinent " de la décision d'implantation. La fiscalité influence donc particulièrement l'implantation des fonctions " nomades " (départements informatiques, centres de gestion administrative, gestion des marques et brevets, salles de marché, lieux de stockage) d'autant que se développent des opérations à " implantation variable " (création de joint-ventures, de holdings..).

2. L'impôt sur les sociétés influence la répartition géographique de l'investissement

Enfin, l'analyse du lien entre fiscalité et investissement direct étranger montre que l'influence de l'impôt sur les sociétés sur la répartition géographique de l'investissement ne doit pas être négligée .

En effet, le modèle théorique élaboré par Thomas Horst (1977) à partir d'une entreprise multinationale " représentative " ayant opté pour la maximisation du profit et à laquelle toutes les caractéristiques fondamentales du système américain d'imposition des sociétés sont applicables, permet de simuler l'impact d'une variation du taux étranger moyen d'imposition des sociétés non seulement sur l'investissement mais également sur le comportement financier des multinationales.

Il apparaît qu'une diminution de 20 % du taux de l'impôt sur les sociétés dans un pays étranger, a pour conséquence un accroissement de 12 % de l'investissement réel dans ce pays de la part des filiales américaines (élasticité de 0,6). Inversement, il en résulte une diminution des investissements aux Etats-Unis de 6 %.

Des études économétriques menées dans l'Union Européenne (Bernard Snoy, 1975) relèvent également l'incidence négative sur l'investissement direct étranger du relèvement du taux d'imposition effectif des sociétés dans le pays d'accueil.

B. LA COMPÉTITIVITÉ HANDICAPÉE PAR LA STRUCTURE FISCALE FRANÇAISE

En regard de ces considérations, la France affiche un manque de compétitivité certain de sa fiscalité. Certes les comparaisons internationales sont difficiles du fait de la diversité des assiettes et des taux et ne permettent pas de conclure de façon définitive.

Néanmoins, l'évolution récente de la législation fiscale traduit une certaine perte de compétitivité fiscale de la France par rapport à ses principaux concurrents. En outre, la fiscalité, et notamment celle des entreprises, pèche par sa complexité, son manque de lisibilité et sa très forte instabilité.

1. Un coût du travail élevé

a) Le coin socio-fiscal

Il est possible de mesurer le taux des prélèvements obligatoires qui pèsent sur le facteur travail à travers la différence entre le coût total pour l'employeur et ce que reçoit l'employé après impôt. Cet indicateur, dénommé " coin socio-fiscal ", est pertinent économiquement puisqu'il donne l'importance de la distorsion introduite sur le marché du travail par les prélèvements fiscaux et sociaux.

Un " coin" élevé est en outre souvent présenté comme risquant d'entraîner une perte de compétitivité dans la concurrence internationale. En effet, en théorie économique, la taxation perturbe l'équilibre du marché en introduisant un " coin " entre le prix d'offre (le salaire net reçu par le salarié) et le prix de demande (le coût du travail pour l'employeur). Le poids de prélèvements obligatoires et notamment les chocs répétés à la hausse expliqueraient ainsi la croissance du chômage en France et la stagnation du pouvoir d'achat.

Le "coin" socio-fiscal : une étude de Rexecode

L'institut Rexecode a tenté pour la Commission des finances du Sénat de mesurer le " coin socio-fiscal " dans trois grands pays européens : la France, l'Allemagne et le Royaume Uni.

Les résultats conduisent aux observations suivantes :

Des trois pays étudiés, la France et l'Allemagne se distinguent nettement du Royaume Uni par le niveau plus élevé du coût total pour l'employeur correspondant à un même niveau de salaire net, in fine , pour l'employé.

La France se distingue nettement des deux autres pays par un taux de charges fiscales et sociales pour l'employeur nettement plus fort.

L'impôt sur le revenu des personnes physiques est en revanche plus faible en France qu'en Allemagne et au Royaume Uni, mais le barème est plus progressif.

Les charges payées par l'employeur sont nettement moins dégressives en France qu'en Allemagne et dans une moindre mesure qu'au Royaume-Uni.

L'exonération des charges sur les bas salaires introduit une forte progressivité des taux de charges patronales sur la tranche des salaires allant du SMIC à 30 % au dessus du SMIC ; il en résulte une faible incitation à augmenter les salaires dans le bas de l'échelle.

enfin, la combinaison d'un barème fiscal fortement progressif et de cotisations sociales élevées et peu dégressives conduit à un coin socio-fiscal plus fort en France qu'en Allemagne et au Royaume Uni pour les salaires relativement plus élevés.

En réalité, les études empiriques montrent qu'il n'existe pas de corrélation directe entre le coin socio-fiscal et le coût total du travail, compte tenu, d'une part, de la possibilité de réaliser des gains de productivité pour compenser toute augmentation des prélèvements obligatoires, et d'autre part, de l'élasticité variable du salaire net.

En effet, si l'on raisonne en terme de coût unitaire du travail et non en terme de coût horaire, il est vraisemblable qu'une entreprise fera face à une augmentation des charges pesant sur sa masse salariale en essayant de compenser la hausse du coût horaire du travail par des gains de productivité, auquel cas, sa compétitivité ne serait pas atteinte.

Par ailleurs, si l'obligation de payer instituée par le système des prélèvements obligatoires correspond exactement à la fonction d'utilité collective de la population, le salaire net s'adapte à la baisse de telle façon que le coût du travail reste inchangé pour l'employeur.

A cet égard, il semblerait que les salaires nominaux français soient plus flexibles qu'en Allemagne, où l'élasticité du coût du travail aux cotisations patronales est unitaire, mais plus rigides qu'au Royaume Uni. Aux Etats-Unis, où le marché du travail est très flexible, l'augmentation des cotisations patronales n'affecte pas du tout le niveau des salaires réels.

Le tableau ci-après retrace l'élasticité des coûts de la main d'uvre à une modification des taux d'imposition. Lorsque l'élasticité est unitaire, cela signifie que l'augmentation des cotisations sociales se transmet tout entière en terme de coût pour l'employeur, sans que le niveau des salaires s'adapte à la baisse.

b) Le coût élevé du travail en France

Néanmoins, il apparaît selon une enquête Eurostat sur les coûts du travail dans l'industrie, dont les résultats sont retracés dans le tableau ci-après, que le coût du travail est nettement plus élevé en France qu'aux Etats-Unis et que dans la plupart des pays européens . La France se situerait au niveau des Pays-Bas et du Japon, très au dessus du Royaume-Uni. Seule l'Allemagne présente un coût du travail supérieur à celui de la France.



Les comparaisons internationales mettent par ailleurs en évidence une diminution depuis 1980 de la pression fiscale et sociale de nos principaux concurrents et des coûts relatifs par rapport à la France. Ainsi, entre 1980 et 1992, les Etats-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont vu diminuer leur coût du travail relativement à celui de la France . Seuls le Japon et l'Allemagne ont vu leur position relative se dégrader par rapport à la France. L'Italie occupe une position médiane puisque le niveau relatif des coûts salariaux s'est accru jusqu'en 1990 pour diminuer ensuite.

Or, dans un article de la revue Droit social de mars 1997, la direction économique et financière de la Caisse des dépôts et consignations a, sous la plume de Patrick Artus, dégagé un lien entre la structure de la fiscalité et la performance économique. Il apparaît que les pays qui, comme la France, se caractérisent par le niveau élevé de leurs charges sociales et le niveau modéré ou faible de leurs impôts directs, donnent systématiquement de mauvais résultats en matière d'emploi.

c) Le poids élevé des charges patronales

Par ailleurs, il ressort de l'étude réalisée par l'institut Rexecode, que les charges patronales sont particulièrement élevées et non dégressives en France.

Pour des salaires supérieurs au seuil d'exonération de charges sur les bas salaires, le taux de charges patronales est de l'ordre de 50 %. L'effet dégressif des cotisations patronales consécutif aux plafonds de la sécurité sociale ne devient pertinent que pour des salaires très élevés, proches de 100.000 francs par mois. Le tableau ci-après met en évidence le poids des charges patronales dans le salaire brut :



Enfin, si l'on prend en compte, outre les charges sociales patronales, tous les éléments de la fiscalité assis sur les entreprises, la France apparaît dans une position particulièrement défavorable : les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises s'établissent en effet à 19,5 % du PIB en 1996, contre 14 % en Allemagne, 10,9 % au Royaume-Uni et 9,6 % aux Pays-Bas.

Le tableau ci-après présente une comparaison internationale de la pression fiscale :

2. Une politique fiscale contraire à celle de nos concurrents

S'il est exact que le poids des impôts directs pèse comparativement moins sur les entreprises françaises que sur leurs concurrentes, les récentes mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF) adoptées par l'Assemblée nationale en dernière lecture le 21 octobre dernier vont dans le sens d'un accroissement des charges fiscales directes des entreprises.

En effet, en portant le taux de l'impôt sur les sociétés à 41,66 %, la contribution temporaire de 15 % sur le taux de l'impôt sur les sociétés place la France au troisième rang des pays européens juste derrière l'Italie et l'Allemagne. Mais, il importe d'observer que le taux italien de l'impôt sur les sociétés (53,2 %) incorpore, outre le taux de l'imposition d'Etat de 37 %, un taux d'imposition locale de 16,2 %. Quant à l'Allemagne, elle distingue entre bénéfice distribué, taxé au taux de 30 %, et bénéfice non distribué imposé au taux de 45 %. A ces deux taux, s'ajoute une surtaxe de solidarité de 7,5 % portant le taux marginal à 48,37 %.

L'augmentation de l'impôt sur les sociétés diverge non seulement de la tendance suivie jusqu'à présent par la France, mais également de la tendance européenne à la diminution des charges pesant sur les entreprises.

En effet, il convient de rappeler que le taux de l'impôt sur les sociétés avait progressivement été porté de 42 % à 33,1/3 % entre 1989 et 1993.

Cette réforme s'était organisée autour de trois axes :

- une baisse régulière du taux de l'impôt qui a ainsi été ramené par étapes de 50 % en 1985 à 33,1/3 % en 1993 ;

- un élargissement de l'assiette, par l'intégration dans la base taxable au taux normal de différents produits de placements financiers bénéficiant auparavant du régime des plus-values ;

- la mise en place de régimes spécifiques (fiscalité de groupe notamment) qui ont contribué à moderniser de façon importante notre législation et à la rendre plus attractive, notamment au regard de nombreux dispositifs étrangers.

Il est pour le moins paradoxal que la France renonce à la position compétitive à laquelle elle était parvenue sur l'impôt sur les sociétés au moment où nos principaux partenaires économiques suivent l'exemple initialement donné par la France en réduisant substantiellement la fiscalité pesant sur leurs entreprises . Ainsi, l'Italie vient-elle d'annoncer l'institution d'un taux de taxation réduit pour les bénéfices réinvestis. L'Allemagne prévoit d'harmoniser la fiscalité des bénéfices distribués et non distribués pour les ramener de 30 et 28 % en 1998 puis au taux unique de 25 % en 1999. Enfin, la Grande-Bretagne a ramené son taux d'imposition marginal de 33 à 31 % et prévoit de substituer un taux unique au régime progressif actuel.

De surcroît, la taxation au taux de droit commun des plus-values à long terme 14( * ) va à contre-courant des législations fiscales de la plupart de nos partenaires économiques.

En effet, les plus-values sur cessions d'actifs immobilisés réalisées par les entreprises bénéficient, dans la généralité des pays, d'un régime d'imposition particulier, ces profits étant, compte tenu de leur nature propre, soit soumis à un taux d'imposition réduit lorsque l'actif cédé est détenu depuis un certain temps par l'entreprise au moment de sa cession, soit exonérés sous condition de remploi. Les Etats-Unis, le Japon et la Belgique ont, de façon presque constante appliqué la première de ces solutions, alors que l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne retiennent au contraire la seconde.

En outre, certains régimes étrangers de sociétés-holdings existant aux Pays-Bas et, dans une moindre mesure, au Luxembourg, en Belgique et dans certains cas en Allemagne, exonèrent totalement les plus-values sur les cessions de participations.

La suppression du régime de taxation réduite des plus-values en France place ainsi nos entreprises en situation anti-concurrentielle.

Il importe d'ailleurs de noter que sur le critère fiscal jugé comme important par nombre de répondants interrogés par BIPE Conseil et Price Waterhouse, la position de la France est jugée globalement mauvaise, voire très mauvaise . Il convient de noter une différence entre les industriels français et étrangers sur ce point : 67 % des industriels étrangers interrogés jugent ce critère important contre 42 % des Français, et parmi ceux pour lesquels ce critère est important, seuls 15 % des étrangers jugent la fiscalité française attractive, contre 22 % des Français.

3. Une fiscalité contestée

a) La taxe professionnelle est un impôt anti-économique

La taxe professionnelle est unanimement condamnée par le monde économique qui la considère trop élevée et calculée sur une assiette anti-économique. C'est un impôt qui, en raison d'une assiette déconnectée de la santé économique de l'entreprise, est considéré comme pénalisant par les entreprises qui investissent et créent des emplois.

En effet, les bases de la taxe évoluent de façon indépendante de la capacité contributive des entreprises et de la conjoncture économique , et ce, essentiellement sous l'effet de la part équipements et biens mobiliers. En outre, la référence à la valeur historique des immobilisations sans prise en compte de la dépréciation due au vieillissement des matériels, apparaît peu justifiable économiquement et explique largement l'augmentation du prélèvement. On constate ainsi, paradoxalement, que la charge relative de la taxe augmente lorsque les entreprises vont mal.

D'autre part, la taxe professionnelle apprécie la faculté contributive des entreprises au travers d'indices - la masse salariale, les immeubles et les biens d'équipement - pour lesquels il existe des différences de productivité entre secteurs d'activité et entre entreprises. Ainsi, la répartition des cotisations de taxe professionnelle entre les secteurs économiques n'est pas en rapport avec la valeur ajoutée qu'ils dégagent. A titre d'exemple, les transports, la production d'énergie et les industries de biens intermédiaires et de biens d'équipement sont surimposés, tandis que les services financiers bénéficient comparativement d'une situation favorable.

Par ailleurs, le prélèvement a fortement augmenté avec un taux de croissance annuel moyen de 6,8 %. Cet accroissement très sensible est, pour les deux tiers, le résultat de la progression rapide des bases qui ont augmenté, en volume, à un rythme quatre fois plus rapide que le produit intérieur brut 15( * ) . Ce phénomène a provoqué à la fois un accroissement de la charge fiscale pour les entreprises et du coût supporté par l'Etat 16( * ) . La taxe professionnelle constitue ainsi désormais la principale charge fiscale pour les entreprises puisque son montant brut (169 milliards de francs en 1996) dépasse celui de l'impôt sur les sociétés (mais la taxe professionnelle est déductible de l'assiette de l'IS), dont le produit net s'est établi à 144 milliards de francs en 1996.

Il apparaît en outre qu'un impôt, dont un tiers du produit théorique est acquitté par l'Etat en raison du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée et des divers dégrèvements 17( * ) , n'est plus un bon impôt .

Les critiques portent également sur le caractère inégalitaire de la taxe. L'essentiel de la charge fiscale pèse en effet sur un faible nombre d'entreprises, généralement de grande taille et relevant du secteur industriel. La taxe n'est acquittée que par 2,1 millions de redevables tandis que 1,5 million d'entreprises en sont exonérées.

Enfin, la taxe professionnelle se caractérise par la variabilité géographique de ses taux et par leur grande instabilité dans le temps . En effet, la disparité des bases 18( * ) explique les écarts de taux entre communes 19( * ) , bien que la relation entre le potentiel fiscal et le niveau de la pression fiscale ne soit pas automatique. Cette disparité des taux peut être à l'origine de délocalisations , au moins au sein d'une même agglomération ou entre deux agglomérations voisines.

Outre ces distorsions locales de concurrence, le poids de la taxe professionnelle, pris en compte dans les simulations de rentabilité, joue en défaveur de la localisation en France d'un investissement . En effet, la taxe professionnelle étant fixe quel que soit le profit de l'investissement, elle est incluse dans les coûts de fonctionnement au cours du processus de décision des investissements. Les coûts de fonctionnement ( operating costs ) permettent de calculer un résultat opérationnel avant les diverses taxes sur le profit, etc. Mais étant atypique, il n'existe pas de rubrique spécifique dans laquelle l'isoler. Elle est donc intégrée :

- soit au niveau de la masse salariale, et la main d'uvre française apparaît alors comme trop chère (la taxe peut représenter un surcoût de 70 % pour un emploi non qualifié) ;

- soit au niveau du coût des immobilisations, le surcoût pouvant alors être masqué si ces immobilisations sont bon marché en France, ou, au contraire, les rendre non compétitives.

Ainsi, le poids de la taxe professionnelle peut conduire à éliminer certains projets sans que les dirigeants aient approfondi l'analyse jusqu'à considérer les facteurs qui pourraient être favorables à leur localisation en France.

L'enquête France Industrie 2000 cite le cas de la compagnie californienne de semi-conducteurs International Rectifier , qui a récemment invoqué le montant de la taxe professionnelle pour expliquer l'abandon d'un projet d'investissement de 2,6 milliards de francs près de Bayonne, projet finalement réalisé en Irlande, malgré 500 millions de francs de subventions mobilisés par l'Etat et les collectivités locales et une promesse d'assistance de l'Union européenne.

Au total, la taxe professionnelle ne répond pas aux caractéristiques d'un bon impôt à savoir une assiette large, modérée dans son taux, proportionnée aux capacités contributives des contribuables et aisément recouvrable par l'administration (Définition du Conseil des impôts). Les entreprises appliquant en particulier les normes comptables internationales, préfèrent un impôt local sur le bénéfice à un impôt sur l'appareil de production.

La difficulté de réformer la fiscalité des entreprises :

l'exemple de la taxe professionnelle

En dépit du constat unanime sur les inconvénients posés par la taxe professionnelle, la nécessaire réforme de cet impôt est l'exemple type du " serpent de mer ". Les rapports et les groupes d'études sur la réforme de la taxe professionnelle se succèdent sans aboutir. Grâce aux multiples aménagements accordés par la législation, il a été possible de passer d'une situation de contestation violente à l'équilibre précaire que l'on connaît aujourd'hui. Néanmoins, les inconvénients majeurs demeurent.

Le rapport du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires présidé par Dominique de la Martinière et le récent rapport du Conseil des impôts recensent chacun les diverses pistes de réformes, envisagées pour certaines et mises en uvre pour d'autres, pour conclure de façon divergente.

Les conclusions du rapport La Martinière

Soulignant les problèmes techniques 20( * ) et l'importance des transferts de charge qu'induirait la substitution de l'assiette actuelle par la valeur ajoutée, le rapport La Martinière juge indispensable de poursuivre les actions engagés par la loi de finances pour 1996 qui consistaient en l'instauration d'une cotisation minimale, d'une part, et dans le gel des taux pris en compte pour la détermination du plafonnement pris en charge par l'Etat, d'autre part.

Il propose en outre de limiter la prise en compte des nouveaux investissements dans l'assiette de la taxe professionnelle, en autorisant leur amortissement partiel. Il suggère enfin d'instituer une part nationale de taxe professionnelle, sans préciser son assiette, ni son taux.

Le rapport du Conseil des impôts

Quant au Conseil des impôts, il exclut d'emblée toutes les solutions qu'il qualifie de " radicales " consistant, soit à supprimer la taxe professionnelle, soit à modifier son assiette, soit enfin à spécialiser les impôts locaux par niveau de collectivité.

Il préconise quelques aménagements ponctuels afin de pallier les inconvénients les plus significatifs de la taxe professionnelle. Outre la mise en application des nouvelles valeurs locatives cadastrales, il suggère ainsi de limiter l'impact inflationniste des nouveaux investissements sur les bases en déduisant l'amortissement ou en plafonnant leur prise en compte dans le calcul de l'assiette. S'agissant des taux, le Conseil encourage le recours aux formules d'intercommunalité à taxe professionnelle unique et le renforcement de la règle du plafonnement de l'augmentation des taux. Enfin, constatant que la modulation du seuil de plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée est un facteur de complication, le Conseil suggère de porter ce seuil à 4 % pour toutes les entreprises, quel que soit le montant de leur chiffre d'affaires.

Néanmoins, toute réforme d'ampleur de l'assiette et des taux de la taxe professionnelle se heurte au principe de la localisation des bases et à celui du vote des taux par les collectivités territoriales . Le Conseil des impôts estime que la détermination de l'impôt local par plus de 50.000 décideurs publics est un obstacle au nécessaire resserrement des inégalités de taux et condamne à l'inefficacité toute réforme d'assiette. " Le défaut principal de la taxe professionnelle tient à l'absence d'adéquation entre son niveau de perception, essentiellement communal, et la géographie économique ", écrit-il.

En effet, les collectivités territoriales seraient sans doute amenées à compenser le ralentissement de l'augmentation des bases par une hausse sensible des taux 21( * ) .

Les propositions de réforme du Conseil des impôts

Le Conseil des impôts conclut en conséquence que la réforme du mode de perception de la taxe professionnelle est un préalable à toute réforme d'assiette. Il préconise ainsi la perception de la taxe professionnelle dans un cadre non plus territorial mais national, d'une part, et l'affectation de son produit aux collectivités locales, d'autre part. Il suggère en outre de moderniser l'assiette du prélèvement par la prise en compte des valeurs nettes comptables. Il propose enfin de diminuer le poids de la taxe professionnelle pour les entreprises et, par voie de conséquence, pour l'Etat.

Observant que les deux tiers des ressources des collectivités territoriales allemandes (parmi lesquelles les Länder) proviennent de transferts étatiques à travers le partage d'impôts nationaux ou des dotations budgétaire, le Conseil des impôts réfute l'argument selon lequel l'autonomie des collectivités locales résiderait dans leur capacité à lever l'impôt.

Il conclut que la mutualisation de la taxe professionnelle sur le modèle de la Gewerbesteuer allemande permettrait de résoudre l'intégralité des problèmes posés par cet impôt , à savoir la multiplicité des taux, la complexité des divers dispositifs d'écrêtement ou d'abattement, le coût de la taxe professionnelle pour le budget de l'Etat, le dynamisme de l'assiette et la faible efficacité des mécanismes de péréquation. Une telle réforme, pourvu qu'elle soit mise en uvre sur une période suffisamment longue pour éviter des transferts de charge trop abrupts, serait, selon le Conseil des impôts, conforme à l'intérêt général et à l'efficacité économique.

b) La fiscalité des transmissions d'entreprises est déstabilisante

La fiscalité des transmissions d'entreprises est déstabilisante, en raison de son poids (elle est 4 fois plus élevée en France qu'en Allemagne ou en Italie) et particulièrement de la progressivité du barème des droits de mutation. Si l'Allemagne applique le taux maximum de 35 % à partir d'une fraction de part nette taxable de 100 millions de deutschemark, le seuil correspondant est de 5 millions de francs en France. La forte progressivité du barème des droits de mutation, à laquelle il faut ajouter la fiscalisation des dividendes, pénalise particulièrement les PME patrimoniales.

En définitive, les droits de mutation pour une succession sont trois fois plus élevés en France qu'en Allemagne et deux fois plus qu'au Royaume-Uni. Si les conséquences sont difficilement évaluables, il faut noter que le poids des droits de mutation entraîne fréquemment une perte de contrôle des actionnaires familiaux, avec le risque de délocalisation à l'étranger de certains centres de décision. Ceci explique la relative faiblesse du nombre d'entreprises moyennes indépendantes en France par rapport à l'Allemagne.

c) La fiscalité rend les stocks options inutilisables

La France est par ailleurs très mal évaluée par les industriels sur la fiscalité des stock options , à la suite de l'évolution de leur encadrement fiscal. Dans le cas où un salarié vend une action obtenue par le biais d'un plan de stock options moins de cinq ans après la date d'octroi de l'option, la plus-value générée est réintégrée dans les revenus salariaux. Les entreprises concernées doivent alors s'acquitter des charges patronales, le salarié des charges sociales et de l'impôt sur le revenu. La France est ainsi passée d'un régime peut-être trop favorable, qui autorisait certains abus, à une situation dans laquelle les stock options sont presque inutilisables, surtout dans les métiers à rotation rapide des cadres.

d) La fiscalité de " l'innovation " incite à la délocalisation

Enfin, la fiscalité des marques et brevets est devenue préoccupante. Un arrêt récent du Conseil d'Etat considère en effet ces éléments du patrimoine de l'entreprise comme des actifs incorporels et n'admet pas, en conséquence, la déductibilité des frais afférents aux demandes d'enregistrement. En outre, les plus-values de cession de brevets sont désormais imposées au taux normal de l'impôt sur les sociétés.

Ces mesures pourraient inciter les entreprises à accroître leur délocalisation de gestion des marques.

4. Une fiscalité complexe

La législation fiscale française concernant les entreprises est par ailleurs perçue par les opérateurs économiques français et étrangers comme extrêmement complexe . Cette perception tient notamment à la multitude de taxes la caractérisant (impôt foncier, impôt sur l'actif net, sur la mutation, sur les transactions, taxe professionnelle, contributions au Fonds National pour l'Emploi). La France affiche 6 taxes spécifiques contre 4 en Allemagne et en Italie et 3 au Royaume-Uni.

En 1995, l'impôt sur les sociétés était plus faible en France mais les impôts spécifiques nettement plus élevés (3,2 % du PIB contre 1,7 % en Allemagne et 2,3 % au Royaume-Uni). Contrairement à la situation de la Grande-Bretagne, de l'Italie et des Pays-Bas, les impôts spécifiques pesaient plus lourdement que l'impôt sur les sociétés sur les entreprises françaises.

En outre, la législation fiscale française s'est fortement compliquée depuis quelques années avec la création des différentes catégories de zones franches dans le cadre du Pacte de relance pour la ville, la modulation de certaines règles fiscales suivant les zones d'aménagement du territoire, la multiplication des dérogations sectorielles. Cette "déstructuration" de la fiscalité vient en outre s'ajouter à un nombre déjà très élevé de seuils, d'assiettes ou d'exemptions, aussi bien en matière de prélèvement fiscaux que sociaux, qui sont dépourvus le plus souvent de logique économique.

La complexité du système fiscal français :

l'exemple de la taxation privilégiée des petites et moyennes entreprises

L'exemple du traitement fiscal privilégié des petites et moyennes entreprises est particulièrement significatif du manque d'homogénéité et de lisibilité de la fiscalité française.

La variabilité des critères de définition des PME

Ainsi, si de nombreuses dispositions du code général des impôts tendent à abaisser le poids de la fiscalité pour les petites et moyennes entreprises afin d'encourager leur création et la constitution de fonds propres, les critères de définition de ces entreprises sont variables d'une disposition à l'autre, ce qui est préjudiciable aux entreprises qui en sont précisément la cible. En effet, les petites et moyennes entreprises, contrairement aux plus grosses structures, ne disposent pas des services juridiques et fiscaux leur permettant d'expertiser la réglementation fiscale pour en tirer le plus grand bénéfice.

Un recensement de la totalité des mesures destinées aux PME serait fastidieux mais on peut noter d'emblée que l'expression PME apparaît assez peu dans les textes fiscaux. D'une manière générale, on préfère parler de " petites entreprises ".

Or, l'appréciation de la "petite entreprise" peut varier en fonction de la nature de l'impôt en cause : par exemple, pour les impôts calculés sur les salaires, une entreprise employant un faible nombre de salariés sera une petite entreprise, alors qu'elle peut réaliser un chiffre d'affaires important, ce qui ne permet pas de la classer parmi les " petites entreprises " pour l'application de la TVA ou de l'impôt sur les bénéfices.

Le critère tiré du montant du chiffre d'affaires est le plus ancien et il demeure le plus fréquemment utilisé. C'est ce critère qui conditionne l'application des divers régimes d'imposition (forfait 22( * ) , régime réel simplifié 23( * ) , régime des micro-entreprises). Mais ce critère pouvant conduire à des abus (par exemple, la scission artificielle de l'entreprise en plusieurs filiales afin de bénéficier des régimes de faveur), il a été progressivement complété par des conditions d'application plus contraignantes. En outre, des préoccupations de nature plus "interventionniste" ont conduit à prendre en considération des conditions tenant aux modalités d'exploitation.

Ainsi, les plus-values réalisées par une entreprise sont exonérées lorsque les recettes n'excèdent pas le double des limites du forfait ou de l'évaluation administrative, et à condition que l'entreprise ait exercé son activité pendant une durée minimale de 5 ans.

On retrouve des préoccupations de même nature pour l'application de la réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés non cotées. La société doit être soumise à l'impôt sur les sociétés, ne pas réaliser plus de 140 millions de francs de chiffre d'affaires hors-taxe ou bien ne pas totaliser plus de 70 millions de francs d'actifs à son bilan. Enfin, le capital doit être détenu pour plus de 50 % par des personnes physiques.

Ces mêmes critères complétés par une condition relative au nombre de salariés fondent l'éligibilité à la disposition autorisant un amortissement égal à 25 % du prix de revient pour les matériels utilisés dans les zones de revitalisation rurale ou dans les zones de redynamisation urbaine. Outre la satisfaction des conditions ci-dessus, les entreprises doivent en effet employer moins de 250 salariés.

Le critère du nombre de salariés peut également être retenu à titre principal, essentiellement pour l'application des taxes assises sur les salaires, la distinction essentielle, en la matière, étant constituée par les entreprises employant plus ou moins de 10 salariés. Il peut enfin intervenir à titre principal en étant complété par un critère fondé sur la nature de l'activité .

C'est ainsi que les entreprises de moins de 50 salariés installées dans les zones franches urbaines sont exonérées de taxe professionnelle à hauteur de 3 millions de francs de bases taxables lorsqu'elles exercent des activités de proximité. Le plafond de 50 salariés tranche avec celui de 150 qui déclenche l'exonération dans les autres zones prioritaires d'aménagement du territoire, quelle que soit l'activité exercée par l'entreprise bénéficiaire.

En outre, ni le seuil de 50 salariés, ni les conditions relatives à la nature de l'activité ne déterminent l'éligibilité au dispositif d'exonération de l'impôt sur les bénéfices dans ces mêmes zones, ce qui aboutit à un véritable casse-tête pour les entreprises . En effet, pour ce dernier dispositif, toutes les entreprises sont éligibles mais pour un montant de bénéfices limité à 400.000 francs, ce qui constitue un critère supplémentaire de définition de la PME.

Au total, on constate que la définition de la PME varie, non seulement selon la nature de l'impôt concerné, mais également en fonction de l'administration qui est à l'origine de la mesure, et des objectifs poursuivis , en dépit de l'harmonisation qui est opérée par le ministre des finances. Ainsi, le ministère de l'aménagement du territoire et celui de la ville et de l'intégration, qui sont à l'origine des mesures de " discrimination fiscale positive " en faveur des zones prioritaires, ont-ils " enrichi " le code général des impôts de conditions tenant à la localisation des activités et à la nature des activités à encourager.

Un début d'harmonisation

Les définitions des " petites entreprises " se sont succédé au gré des différents " plans PME ". On peut cependant déceler un progrès dans la période récente, la définition de la PME se rapprochant de la définition européenne de la petite entreprise figurant dans une recommandation de la Commission européenne datée du 3 avril 1996. Il s'agit des entreprises :

- dont le chiffre d'affaires n'excède pas 7 millions d'écus (50 millions de francs) ;

- et qui respectent le critère d'indépendance mesuré à l'aune de la propriété du capital : sont ainsi considérées comme indépendantes les entreprises détenues à plus de 75 % par des personnes physiques.

Ainsi, le taux réduit (19 %) de taxation des bénéfices des sociétés institué par l'article 10 de la loi de finances pour 1997, en faveur des entreprises qui capitalisent leurs bénéfices ainsi taxés, est-il réservé aux entreprises satisfaisant à ces deux conditions. De même, le Gouvernement a exonéré de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés instituée par la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, les entreprises répondant aux mêmes critères.

On peut regretter néanmoins que ces deux dispositions soient calquées sur la référence la plus étroite de la Commission européenne et non sur la définition large de la PME qui fixe à 40 millions d'écus (soit 260 millions de francs) le plafond de chiffre d'affaires à ne pas excéder.

Une exception récente

Cependant, une disposition du présent projet de loi de finances diverge assez radicalement des définitions évoquées ci-dessus en faisant référence, pour définir les petites et moyennes entreprises, au montant des provisions qu'elles ont constitué. En effet, l'Assemblée nationale vient de décider de ne pas obliger les entreprises qui ont constitué des provisions pour fluctuation des cours à réintégrer ces provisions dans leur résultat imposable en deçà d'un seuil de 60 millions de francs. Cet amendement tend à amoindrir les conséquences relativement pénalisantes pour les petites et moyennes entreprises transformatrices de matières premières de la suppression de la provision pour fluctuation des cours prévue par l'article 6 du projet de loi de finances pour 1998. Cet article prévoit en effet de réintégrer les dotations pratiquées à ce titre dans les résultats imposables sur une durée de trois ans, ce qui a pour conséquence d'accroître dans des proportions très importantes l'impôt sur les sociétés à acquitter par certaines entreprises.

Une pratique contraire à la neutralité fiscale

D'une façon générale, outre la complexité engendrée par la variation des critères pris en compte, votre rapporteur général considère que l'institution de mesures catégorielles et de seuils d'exonération, quel que soit le critère économique déterminant , rompt l'égalité des contribuables devant l'impôt et est contraire au principe de la neutralité fiscale . Au demeurant, la notion de chiffre d'affaires, qui est la plus courante, n'a pas la même signification en fonction des secteurs d'activité considérés.

Enfin, de telles pratiques encouragent les entreprises à optimiser leurs décisions en fonction de considérations fiscales plutôt qu'économiques , ce qui n'est pas conforme à une allocation optimale des ressources et favorise les comportements de fuite devant l'impôt.

Or, l'exercice visant à "verrouiller" les divers dispositifs fiscaux pour éviter l'optimisation fiscale des entreprises tend à mobiliser un pourcentage croissant des experts fiscaux du service de législation fiscale de Bercy. Les différents verrous ainsi institués pour " moraliser " les entreprises alourdissent à l'excès le code général des impôts, rendent sa compréhension ardue pour les entreprises et obligent ces dernières à consacrer une part croissante de leur temps et de leurs ressources à "décrypter" la législation fiscale.

5. Une fiscalité instable

Outre la complexité de son système de prélèvements obligatoires, la France se caractérise par la très forte instabilité de sa législation fiscale .

Ainsi, l'étude France Industrie 2000 souligne que " la France est perçue comme un pays où la lisibilité de l'environnement est faible : instabilité de l'environnement, mesures ayant des effets rétroactifs ou perçus comme tels par la communauté économique et financière internationale, administrations enfermées dans des modèles de pensée et appliquant des référentiels non ouverts sur le monde extérieur, ayant par conséquent du mal à communiquer et n'ayant pas assimilé les paradigmes de l'entreprise moderne. "

Selon l'institut Rexecode, la fiscalité française est perçue comme trop incertaine pour deux raisons :

- la multiplicité des taxes donne une idée imprécise du poids exact de la fiscalité ;

- le manque de stabilité fiscale est le facteur le plus important. Les entrepreneurs déplorent en particulier les hausses à répétition avec effet rétroactif de l'impôt sur les sociétés. Ce n'est pas tant la hausse qui est critiquée que le fait que les règles du jeu peuvent changer à tout instant.

A cet égard, on peut craindre que la dernière augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés, qui porte ce dernier à 41,6 %, et le doublement de la taxation des plus-values à long terme dégradent l'attractivité de notre pays.

Or, la crédibilité, la prévisibilité et la stabilité de la politique fiscale dans la longue durée, sont des déterminants majeurs pour évaluer la rentabilité économique des investissements . " Investir , écrit Rexecode, c'est prendre un pari sur l'avenir. L'entreprise évitera de s'engager si l'avenir paraît trop incertain. Tout élément qui contribue à accroître l'incertitude décourage l'investisseur. Lorsqu'il s'agit d'établir le plan financier d'un projet, il est classique d'ajouter au coût du capital un facteur représentatif du risque ( prime de risque ). L'investissement n'est retenu que si la rentabilité attendue est supérieure à la somme des coûts précédents . "

Un investissement industriel est en effet souvent peu mobile et se juge sur une durée comprise entre 10 et 20 ans. Par conséquent, un pays qui donne une image d'instabilité réduit sensiblement son attractivité industrielle. 92 % des industriels interrogés par BIPE Conseil et Price Waterhouse, considèrent ce critère comme important ou très important.

A cet égard, pour les sites de fabrication, la position de la France est jugée mitigée pour les entreprises installées en France (52 % de satisfaits contre 40 % de mécontents) et bonne en ce qui concerne les investisseurs étrangers (68 % de satisfaits contre 20 % de mécontents).

En conséquence, réserver les incitations fiscales à des politiques structurelles (par exemple le développement des secteurs de pointe) semble être la solution la plus pertinente. Ces incitations doivent être simples et leurs conséquences clairement perçues.

La forte instabilité de la législation fiscale française : l'exemple de la taxation des plus-values à long terme

L'évolution de la fiscalité des plus-values illustre l'instabilité chronique de la législation fiscale française.

En effet, au cours de la période récente, le taux, mais aussi l'assiette de l'impôt sur les plus-values à long terme, ont été modifiés treize fois.

S'agissant du taux, initialement fixé à 10 %, il a été relevé à 15 % en 1973 puis, en 1974, un taux de 25 % a été créé pour les terrains à bâtir. Ces taux sont restés identiques jusqu'en 1989. La loi de finances rectificative pour 1989 a relevé le taux de taxation de 15 à 19 %, mais en excluant les produits de la propriété industrielle (brevets) qui demeurent taxés à 15 %. La loi de finances pour 1990 a relevé le taux d'imposition des plus-values à caractère financier (qui concerne tous les titres sauf les actions) pour les soumettre au taux de l'impôt sur les sociétés à 25 %. Enfin, la loi de finances rectificative pour 1991 a ramené le taux de taxation des plus-values à 18 %.

S'agissant du champ d'application, la loi de finances pour 1991 a exclu du régime les opérations à caractère financier (sauf les ventes d'actions) pour les soumettre à l'impôt sur les sociétés au taux normal. Puis, l'article 11 de la loi de finances pour 1992 a extrait du régime des plus-values les gains nets retirés de la cession de " titres de trésorerie ".

Enfin, l'article 25 de la loi de finances pour 1995 a exclu de ce régime de faveur tous les éléments du portefeuille de valeurs mobilières des sociétés autres que ceux revêtant le caractère de titres de participation sur le plan comptable.

A l'issue de ces réformes, le régime des plus-values à long terme semblait enfin avoir trouvé son équilibre : en effet, en restreignant le champ d'application du régime des plus-values à long terme aux seules plus-values de cessions d'éléments d'actifs et de titres de participation, à l'exclusion de toutes les plus-values réalisées sur des cessions de titres de trésorerie et de placement, les lois de finances pour 1991, pour 1992 et pour 1995 ont mis fin à l'avantage fiscal dont bénéficiaient les placements financiers.

Toutefois, le Gouvernement a récemment 24( * ) réduit une fois encore le champ d'application du régime des plus-values à long terme en le réservant aux seules plus-values issues de la cession de titres de participation et au résultat net de la concession d'éléments de la propriété industrielle (brevets, inventions brevetables). Le taux de taxation pour les autres plus-values à long terme est en conséquence porté de 20,9 à 41,6 %.

Or, ce texte prend effet au 1 er janvier 1997. Cela signifie que des plus-values réalisées depuis cette date seront taxées au taux de 41,6 % alors même que la décision de vendre l'actif à l'origine de ces plus-values aura été prise par le chef d'entreprise en considération du taux qui prévalait le jour de sa décision, c'est-à-dire 20,9 %.

Votre commission des finances a exprimé son opposition ferme à de telles pratiques. Il lui semble en effet que les personnes physiques et morales qui ont établi des relations dans un contexte juridique particulier ne doivent pas pouvoir le voir totalement remis en cause, de façon rétroactive, soudaine et sans nécessité impérieuse.

En définitive, certaines mesures fiscales ont un impact largement plus négatif pour l'investisseur que ce qu'elles rapportent à l'Etat. Les faiblesses de la politique fiscale française, auxquelles il faut remédier, tiennent autant au poids de certains impôts qu'à la multiplicité des taxes et à l'incertitude liée à l'évolution constante et imprévisible de la pression fiscale.

C. L'ALLÉGEMENT DU POIDS DE LA FISCALITÉ FRANÇAISE DOIT ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE HARMONISATION DES FISCALITÉS EUROPÉENNES

1. L'Union Economique et Monétaire encourage la concurrence fiscale

Il n'est pas à exclure qu'avec l'Union économique et monétaire, l'accroissement de la concurrence fiscale fasse courir un risque de délocalisation non seulement des entreprises françaises mais aussi de la main d'uvre très qualifiée.

En effet, si la concurrence fiscale est d'une relative innocuité en régime de changes flexibles, elle peut avoir des conséquences dans une union monétaire. Dans le premier cas, les entrées de capitaux induites par la mise en place dans un pays d'une fiscalité très favorable vont conduire à une appréciation de la monnaie de ce pays qui dégradera sa compétitivité et annulera l'effet des allégements fiscaux. En revanche, dans le second cas, si un pays réduit par exemple les charges sociales, aucun mouvement du change n'apparaît par construction, et l'avantage compétitif est conservé. Il apparaît donc une forte incitation à substituer la concurrence fiscale et sociale à la concurrence par les changes.

On constate ainsi que la concurrence fiscale entre les Etats membres de l'Union Européenne a jusqu'à présent constitué un jeu à somme négative, qui explique en partie l'érosion des recettes fiscales des Etats membres. L'évolution à la baisse des taux de la fiscalité s'est en effet traduite en Europe par des phénomènes de délocalisations et de surtaxation du travail. C'est sur ce dernier facteur, beaucoup moins mobile que les capitaux, que les Gouvernements se retranchent pour faire face à la perte de ressources fiscales induite par les délocalisations.

Ainsi, entre 1981 et 1995, le taux implicite de prélèvement sur le facteur travail a été porté de 34,9 à 42 %, tandis que ce même taux est passé, pour les autres facteurs, de 45,5 à 35 %. Selon la Commission européenne, le phénomène de distorsion fiscale au niveau européen explique 4 points du taux de chômage européen qui s'élève à 10,6 %.

2. La France, qui dispose d'un système fiscal non compétitif par rapport à ses concurrents européens, pourrait bénéficier des progrès de l'harmonisation européenne

La poursuite de l'harmonisation de la fiscalité au niveau européen est urgente. Elle est d'autant plus conforme aux intérêts français que la structure de la fiscalité française apparaît peu compétitive, comme il a été démontré précédemment. En effet, la France pourrait pâtir de la trop forte divergence de sa fiscalité par rapport aux tendances européennes.

En effet, si la France ne s'inscrit pas dans le processus d'harmonisation de la fiscalité européenne, elle sera confrontée à deux solutions :

- le maintien d'une fiscalité atypique, à un niveau élevé, mais avec des ressources diminuant du fait des délocalisations.

- l'alignement à terme de son système fiscal sur les niveaux les plus bas de fiscalité locale, de taxation des bénéfices du revenu du capital, de protection sociale ...pour faire face à l'amplification de la concurrence.

3. L'harmonisation européenne est à l'ordre du jour

Les premières traductions de cette harmonisation ont visé la taxe à la valeur ajoutée. Le programme d'action adopté en juillet 1996 vise ainsi à introduire un système commun de TVA fondé sur la taxation dans le pays d'origine à l'horizon de la fin de l'année 1999.

Plus récemment, la communication du groupe de politique fiscale de la Commission européenne, adoptée le 1er octobre 1997, comporte plusieurs éléments visant à réduire les distorsions fiscales en matière d'imposition des entreprises et de l'épargne, notamment par :

- l'instauration d'un code de bonne conduite visant à la suppression de la concurrence fiscale dommageable en matière d'imposition des entreprises via un système d'informations mutuelles sur les régimes fiscaux dérogatoires et l'instauration d'un gel de ces régimes, prélude à leur démantèlement.

- le maintien d'un niveau minimum d'imposition de l'épargne des non-résidents.

- la suppression des retenues à la source sur les paiements transfrontaliers d'intérêts et de redevances afin d'éliminer les entraves au développement des échanges et opérations transfrontaliers dans la perspective de l'achèvement du marché unique.

L'idée est d'éliminer la concurrence fiscale dommageable dont les caractéristiques sont :

- un niveau d'imposition nettement inférieur au niveau général du pays,

- des facilités réservées aux non-résidents,

- l'octroi d'avantages fiscaux indus,

- des règles pour la détermination des bénéfices des entreprises faisant partie d'un groupe multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international, notamment de celles approuvées par l'OCDE,

- le manque de transparence.

La France n'est pas le premier pays concerné par la notion de " concurrence fiscale dommageable " mais le manque de lisibilité de son système fiscal, caractérisé par une superposition de taxes, pourrait, à la limite, être perçu comme un frein à l'harmonisation européenne.

4. Il est toutefois nécessaire d'aller plus loin

Rappelons que les conclusions et recommandations du comité de réflexion des experts indépendants sur la fiscalité des entreprises (comité Ruding) remises à la commission européenne le 18 mars 1992 ont été le point de départ de la réflexion en matière de fiscalité des entreprises dans l'Union européenne.

Il ressortait des analyses de ce comité que les distorsions les plus importantes résultaient essentiellement de la double imposition internationale des dividendes mais également, et dans une moindre mesure, de trois éléments :

- les retenues à la source prélevées par les pays d'origine sur les paiements transfrontaliers d'intérêts entre sociétés ;

- les différences entre les systèmes d'impôt sur les société appliqués par les Etats membres ;

- les différences entre les Etats membres en ce qui concerne la base de l'impôt sur les sociétés.

Parmi ses recommandations, le comité Ruding proposait d'instituer un taux nominal minimal de l'impôt sur les sociétés de 30 %, que les bénéfices soient ou non distribués sous la forme de dividende, et d'adopter pour tous les Etats membres un taux nominal maximal de l'impôt sur les sociétés de 40 %.

La Commission européenne a depuis choisi de promouvoir un dispositif d'harmonisation graduelle, notamment par un code de bonne conduite à caractère non-contraignant, pour respecter la souveraineté des Etats. Toutefois, l'intervention d'un accord politique sur les mesures de coordination fiscale et le code de bonne conduite avant la fin de 1997, ainsi que l'élaboration d'une directive sur la fiscalité de l'épargne permettraient de préparer utilement la réalisation de l'euro.

CHAPITRE III

LES CARACTÉRISTIQUES ESSENTIELLES
DE L'ÉQUILIBRE PROPOSÉ

L'exercice en cours a été riche d'épisodes budgétaires : de la note "confidentielle" de la Direction du Budget au "testament" budgétaire d'Alain Juppé, puis de l'audit des finances publiques à l'annonce des premières mesures dites de redressement. De surcroît, le caractère souvent elliptique du domaine budgétaire ne permet pas aisément de rendre compte des évolutions d'un exercice sur l'autre.

Votre rapporteur général estime que le souci pédagogique et surtout celui d'assurer une information en continu doivent être mieux pris en compte pour permettre au Parlement d'exercer pleinement les prérogatives constitutionnelles qui sont les siennes.

Plusieurs propositions présentées par votre commission en juillet dernier à l'occasion de la publication de l'audit des finances publiques et ci-dessous rappelées se révèlent d'une pertinence renforcée.

Propositions de la commission des finances pour une modernisation des procédures budgétaires : les propositions de la commission des finances

Rétablir la "sincérité" de la loi de finances

Au fil des années, la loi de finances est devenue un document à rendre perplexe un commissaire aux comptes. Le projet présenté au Parlement est incomplet (les fonds de concours n'y figurent pas), contracté (près de 250 milliards de francs de prélèvements sur recettes sont des charges n'apparaissant pas), hétérogène (des dépenses identiques sont traitées différemment selon qu'elles figurent au budget de l'Etat ou dans des comptes spéciaux du Trésor).

Ainsi, le budget voté pour 1995 prévoyait 1.616 milliards de dépenses à caractère définitif. En loi de règlement 25( * ) , le montant des charges s'est en définitive établi à 3.757 milliards de francs, soit une différence de 2.141 milliards de francs . Il est nécessaire de faire apparaître la réalité : le budget de l'Etat atteint 2.369 milliards en total net des crédits ouverts, et dépasse le budget social (2.300 milliards).

Institutionnaliser la distinction entre l'investissement et le fonctionnement.

Depuis 1992, une part du déficit budgétaire (115 milliards de francs en 1997) finance des dépenses courantes : l'Etat s'endette pour vivre au jour le jour. Sans en avoir conscience, nous laissons ainsi à nos enfants le soin et la charge de régler demain nos consommations d'aujourd'hui. Cette atteinte aux droits des générations futures n'est pas admissible. Par analogie avec la "règle d'or" inscrite dans la Constitution allemande, elle appelle une réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, identifiant la section de fonctionnement de l'Etat et les conditions de son équilibre obligatoire, s eul l'investissement étant dorénavant financé par l'emprunt.


Certifier les méthodes comptables

L'évolution rapide des phénomènes économiques ne permet pas de comparer des projets de loi de finances à "structure constante". Cette instabilité inévitable -mais irritante- doit être corrigée par la présentation au Parlement, sous le contrôle de la Cour des Comptes, d'une annexe au projet de loi de finances recensant les modifications de présentation budgétaire. Inspirée du principe comptable de "permanence des méthodes", cette réforme préviendra les polémiques sur les "débudgétisations".


Instaurer une procédure de suivi des dépenses sociales

Le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale implique que le Parlement puisse en contrôler l'exécution en cours d'année. Cela suppose la création d'indicateurs mensuels rendus d'autant plus nécessaires que les comptes sociaux se caractérisent par leur extrême émiettement et que les chiffres de l'ACOSS ne sont pas rendus publics.

Accélérer la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale

L'appréciation de la fidélité des documents budgétaires implique une amélioration de la comptabilité patrimoniale de l'Etat, dans le sens des travaux initiés par Jean Arthuis. En effet, les déclassements d'opérations budgétaires en opérations de trésorerie, la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de l'Etat et les systèmes de vases communicants entre le budget général et les comptes des entreprises publiques ne sont finalement retranscrits que dans le compte de la dette et non dans les lois de finances. Les pertes en capital n'apparaissent pas, et pas davantage les charges de retraite non provisionnées.


Moderniser les procédures de régulation budgétaire

Les rapports de la Cour des Comptes fournissent, chaque année, les exemples d'une "comptabilité créatrice" visant tant à lisser sur plusieurs exercices, qu'à réguler en cours d'année les flux de dépenses et de recettes. L'ordonnance de 1959 n'est plus respectée : les conditions mises à la publication de décrets d'avance, d'arrêtés d'annulation et de textes créant des dépenses nouvelles 26( * ) ne sont plus appliquées. Elles doivent être adaptées.

En revanche, et malgré quelques améliorations récentes, le Parlement ne peut accepter d'être mis en permanence devant des faits accomplis, d'apprendre que des correctifs sont apportés à la loi de finances dont l'encre est à peine sèche, voire de constater que des crédits annulés au printemps sont rétablis à l'automne. Deux pistes méritent d'être explorées . La Cour des Comptes pourrait être saisie pour avis du projet de loi de finances -à l'image du Conseil d'Etat- et porter un jugement sur l'adéquation du niveau des dotations inscrites. Les commissions des finances devraient être appelées à débattre des régulations mises en oeuvre.

Fixer un nouveau rendez-vous budgétaire

Les grandes entreprises arrêtent des comptes semestriels. L'Etat ne s'impose pas cette discipline. Il convient donc que le Parlement soit saisi, en fin de premier semestre, d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue au travail commandé aux deux magistrats de la Cour des Comptes 27( * ) -dont l'élaboration pourrait être confiée à la Cour dans l'esprit de l'article 47 de la Constitution. Un jugement politique pourra alors être porté sur la pertinence de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

I. L'ÉQUILIBRE PROPOSÉ REPOSE SUR UNE AGGRAVATION DE LA PRESSION FISCALE

A. CETTE AGGRAVATION EXPLIQUE LE MODE DE CONSTRUCTION DU BUDGET

Ainsi qu'il a été dit, la présentation des chiffres faite par le ministère des Finances ne rend pas aisées les comparaisons ; elle ignore l'exigence de clarté que s'impose le législateur. Cette opacité suscite des controverses qui obscurcissent les débats de fond.

On peut ainsi s'interroger sur les raisons pour lesquelles un budget réputé "infaisable" en début d'année est devenu finalement -en apparence- presque simple à boucler au mois de septembre. La réponse est simple. Le choix politique que traduisent les conditions de l'équilibre budgétaire est radicalement inversé. L'objectif du précédent gouvernement était : moins de dépenses pour moins d'impôts. Le choix arrêté par le nouveau gouvernement est plus d'impôts pour ne pas réduire les dépenses.

1. Le projet de loi de finances pour 1998 présente donc un solde de budget général en amélioration de 21,8 milliards de francs (de 284,1 à 262,3). Pour apprécier son amélioration "réelle" de 59,3 milliards de francs, il convient d'ajouter la recette non reconductible de la soulte France Télécom de 37,5 milliards de francs

Mais cette amélioration du déficit est réalisée au moyen d'un alourdissement des impôts.

2. Les principales décisions d'alourdissement fiscal sont les suivantes :

(En milliards de francs)

A. Abandon du programme quinquennal de réduction de l'impôt sur le revenu adopté l'année dernière, soit une économie :

B. Effet 1998 des mesures d'alourdissement de l'impôt sur les sociétés (Loi dite MUFF du 1997)

Recettes supplémentaires de :

C. Aménagement de droits (augmentation des impôts résultats de mesures inscrites dans le PLF (avant vote de l'Assemblée nationale) :

L'amélioration du déficit est au surplus permise par l'arrêt du programme d'équipement militaire aboutissant cette année à une diminution des dépenses en capital (CP) de :

16,2

16,5

10,3


7,7

3. Le rapprochement de ces deux masses financières (59,3 et 50,7 milliards) illustre la façon dont le budget pour 1998 a été globalement construit :

- abandon de la loi de programmation militaire ;

- abandon de la programmation de réduction d'impôts sur le revenu

- accroissement massif de la pression fiscale ;

Le surplus étant offert par la croissance en 1998 qui générera de bien précieuses recettes supplémentaires par l'effet de l'évolution spontanée.

L'amélioration du solde résulte donc bien d'un accroissement des recettes et non d'une maîtrise des dépenses.

B. CETTE AGGRAVATION SE LIT DANS L'ÉVOLUTION DU DÉFICIT DE FONCTIONNEMENT DE L'ETAT

1. La présentation du budget dans les formes de la comptabilité communale

Depuis la publication du rapport du gouvernement déposé à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 1996, la présentation du budget dans les formes de la comptabilité communale livre de précieux enseignements.

L'analyse du budget de l'Etat pour 1997, tel qu'il a été voté en loi de finances initiale, met clairement en évidence la nécessité urgente et absolue pour l'Etat de cesser de faire supporter aux générations futures les conséquences de son incapacité à maîtriser ses dépenses et ses déficits.

La section de fonctionnement affichait en 1997 un déficit de 115 milliards de francs, soit près de 7 % du total des charges de la section. L'Etat s'est endetté ainsi pour un montant équivalent, aux seules fins de financer des dépenses de fonctionnement, par exemple, des rémunérations, des subventions ou les intérêts de la dette elle-même. Le seul endettement "sain" est celui qui permet de préparer l'avenir en finançant des investissements. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

L'Etat porte ainsi gravement atteinte aux droits des générations à venir qui paieront, avec charge supplémentaire d'intérêts, ce dont elles n'auront en aucun cas bénéficié. La solidarité entre les générations n'est-elle pas, de ce fait, gravement affectée ?

Ne pourrait-on pas dire que cette pratique durable de report sur les générations à venir de nos déficits est le reflet de notre lâcheté d'aujourd'hui qui consiste à ne pas oser prélever sur les Français ce que l'on s'autorise à dépenser en leur nom ?

2. Les conséquences de l'aggravation de la fiscalité en 1998

En comparant la loi de finances initiale 1996 à celle de 1997, il apparaît que la légère dégradation du déficit de fonctionnement (6 milliards de francs) provient d'une baisse des impôts et taxes de 6 milliards de francs.

En revanche, en rapprochant la loi de finances initiale 1997 du projet de loi de finances 1998, deux différences majeures apparaissent :

- la hausse des charges est plus lourde : + 35 milliards de francs environ ;

- la hausse des impôts et taxes est considérable : plus de 51 milliards de francs.

Il est donc clair que l'amélioration du déficit de fonctionnement (de - 115 à - 100 milliards de francs) résulte bien d'une absence de maîtrise des dépenses et d'une augmentation très forte de la pression fiscale.

Projet de loi de finances pour 1998

Section de fonctionnement

(en milliards de francs)

Dépenses

LFI 1997

PLF 1998

Variation

Recettes

LFI 1997

PLF 1998

Variation

1. Charges à caractère général
- Matériel et fonctionnement civil
- Fonctionnement des armées


64,07

39,57

24,50


63,05

39,80

23,25


- 1,02

1. Produits de gestion courante (recettes non fiscales)


131


134


+ 3

2. Charges de personnel
- RCS civiles
- RCS militaires
- Pensions civiles et militaires

591,35
362,65
77,72
150,98

610,72
372,77
80,47
157,49

+ 19,37

2. Impôts et taxes (recettes fiscales)


1.395,27


1.446,71


+ 51,44

3. Autres charges de gestion courante
- Pouvoirs publics
- Subventions aux EPA
- Interventions
- Subventions d'investissement
- Garanties (titre I)
- Divers
- CTS (hors affectation des recettes de privatisation)


529,37
4,28
51,17
456,64

14,73
1,55
1,70

- 0,6986


545,70
4,40
52,83
463,40

17,21
1,57
1,90

4,4


+ 16,33

3. Produits financiers
- recettes liées à la dette
- Intérêts sur prêts du Trésor

25
18
7

20
14
6

+ 5

4. Charges financières
- Charge brute de la dette

250,58
250,58

248,65
248,65

- 1,93

4. Produits exceptionnels

0

0

5. Charges exceptionnelles

0,00

0,00

5. Reprises sur amortis-sements et provisions


0


0

6. Dotations aux amortis-sements et provisions


0,00


0,00

7. Reversements sur recettes
- Prélèvement CEE
- Prélèvements collectivités locales


230,23

87,00

143,23


233,05

91,50

141,55


+ 2,82

Déficit section de fonctionnement


115


100


- 15

TOTAL

1.665,605

1.701,185

+ 35

1.666

1.701,71

+ 35

Section d'investissement

(en milliards de francs)

Dépenses

1997

1998

Recettes

1997

1998

1. Dépenses d'investissement
- Equipement civil
- Equipement militaire

169,56
81
89

158,05
78
81

Déficit section de fonctionnement

- 115

- 100

2. Dépenses opérations financières
-
Remboursements d'emprunt (et autres charges en trésorerie)
- Participation (dotations en capital)
- Autres immobilisations financières (désendettement)

399

372
27

0

392

364
28

0

Cessions d'immobilisations financières


Ressources d'emprunt


27


657


28


622

TOTAL

569

550

569

550

C. CETTE AGGRAVATION COMBINE SES EFFETS AVEC CEUX DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Tableau des recettes fiscales et sociales nouvelles (LFI)

1997

Mesures d'urgences à caractère fiscal et financier (MUFF)

+ 24 milliards de francs

1998

1°) P.L.F.I.

MUFF

Mesures nouvelles - IS

+ 17 milliards de francs

+ 6,7 milliards de francs

Total IS

+ 23,7 milliards de francs

Impôt sur le revenu

+ 17,37 milliards de francs

TIPP

+ 3,89 milliards de francs

TVA nette

- 1,76 milliard de francs

Assurance-vie

+ 0,2 milliard de francs

Contribution logements sociaux

+ 0,2 milliard de francs

ISF (modification du barème)

- 0,09 milliard de francs

Taxe aux liaisons radio-électriques

+ 0,02 milliard de francs

TOTAUX 1998 A

+ 43,53 milliards de francs

Totaux des nouveaux prélèvements fiscaux (1997+1998)

67,53 milliards de francs

2°) PLFSS

CSG nette

+ 4,6 milliards de francs

1 % CNAF et CNAV

+ 4,5 milliards de francs

Divers

+ 0,8 milliard de francs

AGED

+ 0,9 milliard de francs

Diverses taxes (tabac, médicaments)

+ 1,9 milliard de francs

TOTAL

+ 12,7 milliards de francs

Totaux des nouveaux prélèvements

1998

+ 56,23 milliards de francs

1997 + 1998

+ 80,23 milliards de francs

Le total des recettes fiscales et sociales nouvelles telles qu'elles résultent des projets initiaux du gouvernement s'élèverait en 1998 à 56,23 milliards de francs, en intégrant les augmentations liées à l'abandon de la réforme quinquennale de l'impôt sur le revenu votée en 1996.

Cette somme, qui représente 0,66 % du PIB estimé pour 1998, se décompose, en recettes fiscales, pour 43,5 milliards et, en recettes sociales, pour 12,7 milliards.

S'agissant des recettes sociales, l'augmentation du prélèvement proposé par le gouvernement est minorée du fait de la prolongation de la Caisse d'amortissement de la dette sociale de 5 ans prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette prolongation conduit là encore à faire supporter aux générations futures la charge des déficits constatés en 1997, et le déficit prévu pour 1998, à hauteur de 12 milliards, pour éviter de relever le taux des contributions au remboursement de la dette sociale. Ce report de prélèvements s'élève à 10 milliards de francs.

S'agissant des recettes fiscales nouvelles
, leur montant s'élève en 1998 à 43,53 milliards de francs. Il inclut les produits attendus de l'abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu engagée en loi de finances pour 1997. En revanche, ce montant doit être compris, déduction faite de l'actualisation du barème de l'impôt sur le revenu, à hauteur de l'inflation escomptée.

A ce stade, plusieurs observations s'imposent .

L'abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu n'est pas, à proprement parler, un prélèvement supplémentaire sur les ménages. Il s'agit néanmoins d'un reniement de la parole de l'Etat puisque la loi a été votée pour cinq ans. L'opportunité d'une décrue de cette imposition avait été démontrée l'année dernière. Il suffit de se reporter aux travaux du Sénat de l'année passée.

S'agissant de l'actualisation des barèmes de l'imposition des revenus, ce n'est que par convention que le fascicule "Voies et moyens" en évalue l'effet comme s'il s'agissait d'une mesure nouvelle négative. Une convention contraire pourrait être retenue ; elle consisterait à assimiler une non-actualisation des barèmes à une mesure d'alourdissement de l'imposition, strictement équivalente à la hausse d'un taux sur une assiette réestimée. Le vote intervenu en première lecture à l'Assemblée nationale sur l'article 13 offre d'ailleurs un exemple de cette équivalence arithmétique. Mais la méthode consistant à accroître les prélèvements au moyen d'effets purement nominaux mérite d'être dénoncée tant elle est contraire à notre tradition fiscale.

En définitive, le cumul des recettes fiscales et sociales nouvelles supportées entre juillet 1997 et la fin 1998 s'élèvera à 80,23 milliards de francs.

II. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES EST INEXISTANTE

Une loi de finances est un ensemble complexe qui regroupe le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor 28( * ) . Leur agrégation est délicate, en raison de leurs spécificités respectives. En équilibre par définition, les budgets annexes n'interfèrent ni sur les dépenses, ni sur les recettes, ni sur le solde. S'agissant des comptes spéciaux du Trésor, leur solde seul est pris en compte dans la présentation traditionnelle. Ils ne s'imputent donc pas, eux non plus, pour la totalité de leurs recettes et de leurs dépenses.

Dans ces conditions, il est délicat de retracer en un seul chiffre l'évolution des dépenses de la loi de finances. Le chiffre le plus précis, conformément d'ailleurs à la tradition des Assemblées, est probablement celui qui retrace les dépenses définitives, quel qu'en soit le cadre (budget général, C.A.D.) auquel s'agrège le solde des opérations temporaires des autres comptes spéciaux du trésor. Ce chiffre peut être considéré comme représentatif des charges "réelles".

Comme le souligne le rapport de l'Assemblée nationale : "La procédure d'affectation de recettes est un mode de financement qui ne modifie pas le périmètre des dépenses de l'Etat. En d'autres termes, une inscription de charges à caractère définitif sur un compte d'affectation spéciale n'est pas une débudgétisation. L'agrégat du Gouvernement la traite pourtant comme telle, dans la mesure où les comptes d'affectation spéciale sont presque toujours inscrits en équilibre. Cet agrégat permet enfin de neutraliser les changements de structure qui se produisent chaque année, lorsque des dépenses du budget général sont transférées sur un compte spécial du Trésor et vice-versa".

A. LES CHARGES RÉELLES DE L'ETAT S'ACCROÎTRONT PLUS VITE QUE L'INFLATION EN 1998

Trois présentations différentes permettent de constater une même réalité.

1. L'article d'équilibre



Ressources brutes

Dépenses brutes ou plafonds de charges

Soldes

Budget général

(hors remboursements et dégrèvements)

C.A.S. (comptes d'affectation spéciale)

Budgets annexes

1.623,981

(1.345,651)

60,588

103,142

1.877,45

(1.599,120)

60,626

103,142

Total opérations définitives

1.787,711

2.041,218

Solde opérations définitives (A)

- 253,507

Total opérations temporaires (C.S.T.)

371,903

376,265

Solde opérations temporaires (B)

2.159,614

- 4,362

Total général

2.417,483

Solde général (A + B)

- 257,869

L'article d'équilibre fait apparaître les opérations définitives (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux du Trésor) et leur solde, puis les opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor et leur solde.

2. L'exposé des motifs

Cette présentation révèle trois différences essentielles avec la précédente :

- les opérations définitives des comptes d'affectation spéciale ne sont présentées qu'en solde (ce qui minore le "volume" du budget) ;

- les opérations des budgets annexes ne sont retracées ni dans le total des ressources ni dans celui des dépenses puisqu'elles sont, par construction, équilibrées en ressources et en emplois ;

- les dépenses du budget général sont présentées nettes des dépenses d'ordre et des recettes d'ordre, liées à la gestion de trésorerie de l'Etat ainsi que des remboursements et dégrèvements d'impôts.

LFI 1997

(MdF)

PLF 1998

(MdF)

Variation

(%)

A. Titre I (hors dépenses et recettes d'ordre)

235,9

238,3

+ 1,0

B. Budgets civils

Titre II

Titre III

Titre IV

Titres V et VI

Sous-total B

4,3

552,0

456,6

71,9

1.084,8

4,4

569,4

463,4

71,6

1.108,8

+ 2,7

+ 3,1

+ 1,5

- 0,4

+ 2,2

C. Défense

Titre III

Titres V et VI

Sous-total C

154,6

88,7

243,3

157,2

81,0

238,2

+ 1,7

- 8,7

- 2,1

D. Total des charges du budget général A+B+C)

1.564,0

1.585,3

+ 1,36

E. Solde des comptes spéciaux du Trésor

- 0,7

+ 4,4

n.s

F. Total des Charges (D+E)

1.563,3

1.589,7

+ 1,69

G Recettes nettes

1.278,5

1.331,8

+ 4,18

H. Solde général (G-F)

- 284,8

- 257,9

n.s.

3. Les dépenses réelles

(en milliards de francs)


LFI 1996

Exécution 1996 (a)

PLF 97/ LFI 96 (c)


LFI 1997
(b)


PLF 1998

Evolution 1998/1997

(en %)

1. Dépenses nettes du budget général

2. Pour mémoire : dont dépenses d'ordre relatives à la dette, mais hors remboursements et dégrèvements d'impôts

Opérations définitives des comptes d'affectation spéciale :

- 3. Dépenses

- 4. Charge nette

5. Total des charges définitives (= 1 + 3)

6. Charge nette des opérations temporaires

1.558,19

16,88



44,57

- 0,06

1.602,76

10,72

1.568,74

19,60



34,14

- 1,87

1.602,88

- 0,30

+ 0,86



+ 1,38

1.582

17,98



53,29

- 3,47

1.635,29

2,77

1.599,12

13,81



60,63

0,04

1.659,75

4,36

+ 1,08 %



+ 1,49 %

Charges du budget de l'Etat : présentation du tableau d'équilibre :

A. Budget général + solde des comptes spéciaux du Trésor (= 1 + 4 + 6)

B. Charges définitives + solde temporaire (= 1 + 3 + 6)


1.568,85


1.613,48


1.566,57


1.602,58


+ 0,13


+ 0,87


1.581,3


1.638,06


1.603,52


1.664,11


+ 1,41 %


+ 1,59 %

Charges du budget de l'Etat en termes de dette nette :

C. Budget général - dépenses d'ordre + solde des comptes spéciaux du Trésor
(= 1 - 2 + 4 + 6) (Présentation du PLF)

D. Charges définitives - dépenses d'ordre + solde temporaire
(= 1 - 2 + 3 + 6)



1.551,97



1.596,6



1.546,97



1.582,98



+ 0,06



+ 0,81



1.563,32



1.620,08



1.589,71



1.650,3



+ 1,69 %



+ 1,87 %

(a) Hors FMI et hors fonds de concours (égaux à 73,3 milliards de francs en 1996). Dépenses nettes du budget général y compris fonds de concours : 1.642,04 milliards de francs.

(b) Y compris retraites de France Télécom (fonds de concours jusqu'en 1996).

(c) Hors retraites France Télécom.


L'Assemblée nationale a développé depuis plusieurs années une méthode de présentation des dépenses qui permet de mettre en évidence les dépenses "réelles". Cette présentation, intermédiaire entre celle de l'article d'équilibre et celle du PLF, permet de mieux apprécier l'évolution de ces dépenses.

Cette présentation permet de mettre en évidence plusieurs indicateurs des dépenses budgétaires dont l'évolution peut être contrastée, ainsi que l'illustre le tableau ci-après :

PLF 1998/
LFI 1997

PLF 1997 (a)/
LFI 1996

Dépenses du budget général

Total des charges (avec solde CST)

Charges "réelles"

+ 1,36 %

+ 1,69 %

+ 1,87 %

+ 0,8 %

+ 0,06 %

+ 0,81 %

(a) Hors retraites France Télécom

Quelle que soit la présentation retenue, la discussion sur des variations au millième de point apparaît byzantine tant en raison de l'importance des sommes traditionnellement non budgétées, que des régulations ou mesures nouvelles intervenant en cours d'exercice.

Il demeure qu'à présentation constante, l'évolution des charges réelles pour 1998 est supérieure à l'inflation.

De l'utilisation des statistiques

Le gouvernement présente, dans son dossier de presse, un graphique fondé sur le taux de croissance des charges nettes du budget général en LFI et en francs constants . Ce tableau conduit à affirmer que : "jamais, ces dernières années, il n'y avait eu une telle stabilisation des dépenses de l'Etat" .

Ce tableau retrace l'évolution des dépenses en seule LFI sur longue période, sans tenir compte des lois de règlement. Il en appelle un autre retraçant l'évolution des dépenses en exécution.

En exécution, jamais les dépenses ne se sont autant accrues qu'entre 1990 et 1993 et jamais elles n'ont autant diminué que depuis cette date.

B. LE CAS PARTICULIER DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT SOULIGNE LA DIVERSITÉ DES AGRÉGATS BUDGÉTAIRES

Le partage du projet de loi de finances en trois sections (budget général, CST, budgets annexes) ne permet pas d'identifier aisément l'effort d'investissement civil de l'Etat.

En effet, le projet de loi de finances révèle une baisse des crédits des titres V et VI (- 0,4 %), mais l'exposé des motifs souligne que "les investissements civils de l'Etat... progressent de 2,4 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 1997 (hors dotations en capital et reconstitution de fonds internationaux) ".

Ces deux assertions sont exactes, mais empruntent deux logiques contradictoires : la première permet de présenter une hausse modeste des dépenses de l'Etat, la seconde de souligner l'accroissement de l'effort d'investissement. En tenant compte des budgets annexes, il est même possible de retenir un chiffre de croissance supérieur (+ 2,6 %).

Cependant, en prenant en compte l'investissement militaire, la présentation du budget en section d'investissement fait apparaître une forte baisse des crédits d'investissement (- 6,8 %).

(en milliards de francs)

LFI 1997

PLF 1998

Variation

Budget général (A)

71,9

71,6

- 0,4 %

Budget général (B) (1)

68,8

66,4

- 7 %

CST (C) (2)

9,9

14,1

+ 42,4 %

Budgets annexes (D)

2,9

3,2

+ 13,4 %

Effort d'investissement global (B)+(C)+(D)

81,6

83,7

+ 2,6 %

(1) Hors reconstitution de fonds internationaux.

(2) Hors reconstitution de fonds internationaux et dotations en capital.


Cette méthodologie, exigeant des retraitements, est celle qui a reçu l'aval de la Cour des Comptes, ainsi qu'il ressort de l'extrait ci-après de la réponse apportée à une question de votre rapporteur général 29( * ) .

Détermination de l'effort d'investissement de l'Etat

L'évaluation traditionnelle que fait la Cour dans son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances concerne le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor. Dans le domaine des investissements elle se prononce traditionnellement, sur les montants des crédits ouverts puis disponibles, sur les dépenses constatées et sur la gestion de l'ensemble des autorisations de programmes depuis leur ouverture en loi de finances jusqu'à leur utilisation. Cette double vision annuelle (dépenses constatées) et pluriannuelle (consommation des autorisations de programme) donne une bonne image de l'effort d'investissement de l'Etat.

La prise en compte éventuelle, dans ces montants, de dépenses qui figureraient sur d'autres titres ou chapitres, fausserait la notion de dépense en capital, telle qu'elle ressort de la définition figurant dans l'ordonnance organique. Faute de pouvoir nettement distinguer, dans certaines subventions d'équilibre accordées par l'Etat, la part qui relève du fonctionnement de celle qui pourrait concerner des investissements, il paraît sage de se limiter dans la comptabilisation de l'effort d'investissement de l'Etat aux seules dépenses imputées sur les titres et chapitres budgétaires prévus pour retracer les dépenses en capital.

III. L'ÉQUILIBRE PROPOSÉ N'AMÉLIORE PAS SUFFISAMMENT LE SOLDE BUDGÉTAIRE

A. LA BOULE DE NEIGE DE L'ENDETTEMENT GONFLE TOUJOURS

Sous l'effet d'une croissance de leurs déficits plus rapide que celle du PIB, la dette des administrations publiques rapportée au PIB s'est considérablement accrue depuis 1985 .

Représentant alors 31 % du PIB, elle s'élèverait à 57,8 % du PIB en 1998. D'un montant de 1.457 milliards de francs en 1985, elle passerait à 4.861 milliards de francs en 1998, soit une multiplication par 3,3 et une progression annuelle moyenne de 9,71 %.

La dette brute de l'Etat est quant à elle passée de 1.408 milliards de francs en 1985 -elle s'élevait à 677 milliards de francs en 1981, soit une augmentation de 20,1 % par an entre ces deux dates- à 4.272 milliards de francs en 1996. A cette date, elle représentait 98 % de la dette brute des administrations publiques, le solde (88 milliards de francs) étant porté par les autres composantes du secteur public.

Cette augmentation considérable de l'endettement s'est accompagnée d'une hausse très vive des intérêts. Ceux-ci s'élevaient à 168,3 milliards de francs en 1989 (Etat 111,8 ; autres : 56,5). Ils ont été portés en 1996 à 320,4 milliards de francs (Etat : 236,8 ; autres : 85,6), soit une progression de 11,3 % par an en moyenne (Etat 13,3 % ; autres : 7,2 %).

Ce phénomène, qualifié d'effet "boule de neige" a réduit à néant les marges de manoeuvre budgétaires.

L'Etat, qui consacrait 8,8 % de ces emplois aux paiements d'intérêts en 1989, leur en consacrait 14 % en 1996.

A elle seule, la variation des charges d'intérêt explique près de 2/3 de la dégradation de la capacité de financement de l'Etat constatée entre 1989 et 1996.

Ainsi, "dévoreuse des marges de manoeuvre budgétaires", la dérive des charges d'intérêt de la dette anéantit toute tentative d'assainissement de ses finances publiques.

La dynamique propre à la dette publique est en effet supérieure à celle du PIB qui, elle-même, est spontanément supérieure à celle des recettes fiscales.

Le tableau ci-dessous le démontre.

La dynamique de la dette publique

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Encours de la dette Maastricht
(milliards de francs)
en % du PIB

Coût apparent de la dette (%)
Taux de croissance du PIB nominal (%)
Ecart (%)


2.746
39,3

9,4
3,2
6,2


3.199
45,3

8,7
1,0
7,7


3.554
52,5

8,2
4,4
3,8


4.003
52,5

8,0
3,5
4,5


4.360
55,7

7,6
2,5
5,0


4.611
57,2

7,0
3;1
3,9


4.861
57,8

6,7
4,2
2,5

La réduction des déficits publics est donc un impératif absolu, elle s'impose par priorité à tout. Elle doit aller au-delà des objectifs de déficit fixés par le Traité sur l'Union européenne. C'est ce que montre la simulation effectuée par l'OFCE à l'horizon 2002.

Dans cette simulation, le déficit public est, au sens du traité, de 3 % en 1998 et en 1999 et de 2,9 % en moyenne au-delà jusqu'à 2002.

Malgré ce résultat, le ratio de la dette publique dans le PIB s'accroît continûment pour atteindre 60 % en 2002.

A cet accroissement correspond une très faible diminution de la part des charges d'intérêt dans le PIB. En effet, malgré des taux d'intérêt à court terme inférieurs au taux de croissance du PIB, celle-ci passerait de 3,6 % à 3,5 % entre 1997 et 2002.

Ces résultats ne doivent pas surprendre. La croissance est, en projection, de 3,8 % alors que les auteurs du Traité sur l'Union européenne, qui visaient la stabilisation à long terme de l'endettement des administrations publiques, avaient retenu une hypothèse de croissance de 5 % en valeur, grâce à laquelle un déficit limité à 3 % du PIB autorisait cette stabilisation.

B. LE DÉFICIT, MÊME RÉDUIT, LAISSE SUBSISTER UN SOLDE PRIMAIRE NÉGATIF LOIN DE PERMETTRE LA STABILISATION DE LA DETTE

Avant discussion à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances laissait apparaître un solde déficitaire de 257,9 milliards de francs correspondant à 3,05 points de PIB.

Le déficit primaire , soit le déficit hors charges nettes de la dette et des garanties s'élève dans cette hypothèse à 23,7 milliards de francs contre 52,2 milliards en 1997, soit une amélioration de 28,5 milliards de francs.

Le déficit de l'Etat se traduira donc spontanément par une aggravation de la dette à hauteur du chiffre prévu (soit 257,9 milliards de francs).

Le stock de la dette de l'Etat alimenté par le déficit de l'Etat, sur la base d'un encours de dette à fin 1997, de 3.727,3 milliards de francs, progressera de 6,9 %, soit un taux supérieur à celui du PIB en valeur (4,2 %).

Le poids de la dette de l'Etat dans le PIB s'alourdit donc, passant de 45,99 % à 47,17 %.

Pour stabiliser la part de la dette dans le PIB, il aurait fallu que le déficit de l'Etat n'excède pas 157,9 milliards de francs en 1998, soit un solde amélioré de 98,7 milliards de francs par rapport à l'objectif retenu.

Autrement dit, la stabilisation de la dette exige de porter le solde primaire à un excédent de 75 milliards de francs contre un déficit annoncé de 23,7 milliards de francs.

C. LE BESOIN DE FINANCEMENT AU REGARD DES CRITÈRES DE MAASTRICHT

Le tableau qui suit présente, selon le rapport économique, social et financier pour 1998, l'évolution de la capacité de financement des administrations publiques, au sens de la comptabilité européenne depuis 1995.

Capacité de financement des administrations publiques
au sens de la comptabilité européenne

(en % du PIB)

1995

1996

1997

1998

Etat

Administrations de sécurité sociale

Autres administrations


- Organismes divers d'administration centrale

- Administrations publiques locales

- Total

- 4,1

- 0,8

+ 0,1

- 0,2

- 0,1

- 3,65

- 0,7

+ 0,2

0,0

+ 0,2

- 2,9

- 0,55

+ 0,2

+ 0,15

+ 0,35

- 3,1

- 0,1

+ 0,15

+ 0,05

+ 0,2

Total des administrations publiques

- 5,0

- 4,15

- 3,1

- 3,0

La réduction du besoin de financement des administrations publiques, a été très marquée entre 1994 et 1997, passant de 5,6 % à 3,1 % 30( * ) .

L'exercice 1998 introduit, hélas, une rupture dans cette évolution. Elle provient, pour une part importante, du non-renouvellement des effets favorables pour 1997 du versement de la soulte versée par France-Télécom. Abstraction faite de cette ressource exceptionnelle, l'effort de diminution du déficit de l'Etat peut être évalué à 0,26 point de PIB, soit deux fois moins qu'entre 1995 et 1996.

L'écart entre le solde d'exécution des lois de finances
et la capacité de financement de l'Etat

Le solde d'exécution des lois de finances est l'addition des soldes d'exécution du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor.

Pour passer de ces soldes à la capacité de financement de l'Etat au sens de la comptabilité nationale, qui mesure les flux de dettes nets des flux de créances de l'Etat, il faut opérer plusieurs corrections.

Il convient d'abord de déduire du solde d'exécution des lois de finances les seules opérations financières inscrites au budget de l'Etat. Celles-ci ne modifient en effet pas le patrimoine de l'Etat puisqu'à une dépense correspond un accroissement de créances (exemple : les dotations en capital).

En revanche, il faut ajouter au solde d'exécution des lois de finances certaines opérations non budgétaires qui peuvent avoir une incidence sur le patrimoine de l'Etat telles que les opérations d'abandon de créances.

L'écart entre la capacité de financement de l'Etat
et la capacité de financement des administrations publiques
au sens du traité d'Union économique et monétaire

Une première source d'écart entre les deux concepts provient de différences de champ : les administrations publiques comprennent certes l'Etat, mais également les administrations publiques locales, les administrations de sécurité sociale et les organismes divers d'administration centrale.

Mais, une seconde source d'écart provient de différences entre les concepts de la comptabilité nationale et ceux de la comptabilité européenne.

Ainsi par exemple, les avances remboursables à l'industrie aéronautique, considérées comme des opérations budgétaires non financières au niveau national, ne le sont pas en comptabilité européenne.

Ces chiffres révèlent également que les administrations publiques, au titre de leur capacité de financement, bénéficient de la sagesse budgétaire des administrations publiques locales, et des excédents réalisés par les organismes divers d'administration centrale (ODAC).

Si l'Etat a tenu quant à lui ses objectifs, il n'en est hélas pas de même des administrations de sécurité sociale dont les déficits ne sont pas redressés à la hauteur prévue même si leur repli a été sensible entre 1995 et 1997 (- 0,25 point). C'est pourquoi, les prévisions du gouvernement pour 1998 apparaissent audacieuses. L'objectif d'un déficit de l'ensemble des administrations publiques de 3 % du PIB se fonde en effet sur une hypothèse très volontariste, celle d'une réussite entière du plan de redressement de la sécurité sociale pour 1998. Or, si l'on peut rester optimiste sur la maîtrise des dépenses de l'Etat, il n'en va pas de même des dépenses de sécurité sociale qui dépendent de variables externes sur lesquelles les autorités publiques ont finalement peu de prise.

Il eût donc été plus prudent et sage de marquer une exigence plus forte quant à l'évolution du solde de l'Etat.

Une telle exigence aurait d'ailleurs permis de mettre nos finances publiques en conformité avec nos engagements européens pris lors du sommet d'Amsterdam du mois de juin 1997.

Le premier volet du pacte de stabilité et de croissance :
l'article 103 du Traité

Le pacte de stabilité et de croissance comprend un premier règlement du Conseil pris sur le fondement de l'article 103 paragraphe 5 "relatif au renforcement de la surveillance des situations budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques".

Ce règlement a pour objet d'arrêter les modalités de la procédure de surveillance multilatérale organisée par les paragraphes 3 et 4 de l'article 103 du traité.

I. L'ARTICLE 103 DU TRAITE

L'article 103 énonce le principe selon lequel les Etats membres "considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun" et par ailleurs qu'ils "les coordonnent au sein du Conseil" .

Ces règles ne sont pas purement "formelles" puisque l'article 102 A et l'article 103 paragraphe 2 leur donnent un contenu matériel en précisant que :

- les Etats membres conduisent leurs politiques économiques en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté : "un développement harmonieux et équilibré des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, une croissance durable et non inflationniste respectant l'environnement, un haut degré de convergence des performances économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les Etats membres ;

- ils le font dans le contexte des grandes orientations des politiques économiques des Etats membres et de la Communauté déterminées à la majorité qualifiée par le Conseil, comme le prévoit l'article 103 paragraphe 2 ;

- et ils agissent dans "le respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources" et basée sur "des prix stables, des finances publiques et conditions monétaires saines et une balance des paiements stable" .

Jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau règlement, le Conseil exerce sa surveillance "afin d'assurer une coordination plus étroite des politiques économiques et une convergence soutenue des performances économiques" sur la base d'informations fournies par les Etats membres sur les mesures importantes prises par eux "en vérifiant la conformité des politiques économiques aux grandes orientations visées au paragraphe 2 de l'article 103" (voir supra).

Si le Conseil constate que "les politiques économiques d'un Etat membre" ne sont pas conformes à ces grandes orientations ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union, il peut adresser les recommandations nécessaires qu'il peut rendre publiques.

II. LE NOUVEAU REGLEMENT ISSU DU CONSEIL D'AMSTERDAM

Le nouveau règlement entend préciser la procédure de surveillance prévue par l'article 103 du traité. Son apport paraît limité à l'édiction d'une obligation nouvelle imposée aux Etats membres et d'une obligation nouvelle imposée au Conseil. Mais, quelques ambiguïtés doivent être mises en évidence.

A. UNE OBLIGATION NOUVELLE IMPOSEE AUX ETATS MEMBRES ET AU CONSEIL

1. Une obligation nouvelle imposée aux Etats membres

Le règlement impose aux Etats membres de présenter pour les Etats membres participants -ceux qui auront adopté la monnaie unique- un programme de stabilité et pour les Etats membres non participants -ceux qui n'auront pas adopté la monnaie unique- un programme de convergence avant le 1er mars 1999.

Le contenu desdits programmes est défini par les informations qu'ils doivent comporter. Il existe en réalité peu de différences entre programmes de stabilité et de convergence. Tous deux doivent fournir l'objectif à moyen terme d'une situation budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire, les principales hypothèses économiques, la description des mesures budgétaires et les autres mesures de politique économique envisagées pour parvenir à l'objectif budgétaire de moyen terme, des variantes permettant d'évaluer l'incidence d'un changement portant sur une hypothèse économique. En outre, les programmes de convergence doivent mentionner les objectifs à moyen terme de la politique monétaire et le lien entre ces objectifs et la stabilité des prix et des taux de change.

L'horizon temporel des programmes est défini : ils doivent couvrir, sur une base annuelle, l'année en cours et l'année précédente et, au moins, les trois années suivantes. Les Etats membres doivent présenter des programmes actualisés chaque année.

Une obligation leur est enfin imposée : celle de rendre publics leurs programmes.

2. Une obligation nouvelle imposée au Conseil

Le Conseil doit désormais rendre un avis sur les programmes initiaux dans les deux mois de leur transmission. Il peut rendre un avis sur les programmes actualisés. Il doit , s'il estime que les objectifs et le contenu d'un programme devraient être renforcés, inviter l'Etat membre concerné à adapter son programme. De même, il adresse des recommandations à l'Etat membre concerné si dans le suivi de la mise en oeuvre des programmes il constate un dérapage sensible de la situation budgétaire par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou si ce dérapage persiste et s'aggrave.

Par rapport à la situation qui prévaut tant que le règlement ne s'applique pas, les novations introduites consistent donc à encadrer dans le temps l'exercice de la surveillance du Conseil et à lui imposer d'émettre un avis sur les programmes initiaux ou une recommandation en cas de dérapage des seules finances publiques par rapport aux objectifs de programmes.

B. QUELQUES AMBIGUÏTES


1. Une conception restreinte de la surveillance multilatérale

L'article 103 du traité concerne la surveillance de l'évolution économique dans les Etats membres et dans la Communauté ainsi que de la conformité des politiques économiques avec les grandes orientations adoptées par le Conseil.

Or, la conception de la surveillance multilatérale prônée par le règlement est beaucoup plus restreinte puisqu'elle concerne presque exclusivement les finances publiques.

Sans doute une référence est-elle concédée à l'examen de la conformité des programmes aux grandes orientations ou du point de savoir si le contenu des programmes "favorise une coordination plus étroite des politiques économiques" mais le reste du dispositif ne comporte aucune sanction de cet examen, à l'inverse de ce qui est prévu en matière de finances publiques. D'ailleurs aucune définition n'est donnée de ce que serait un programme favorisant la coordination des politiques économiques.

On peut conclure que le règlement n'a pas arrêté les modalités d'une surveillance multilatérale des politiques économiques autres que les politiques budgétaires à une exception près, d'ailleurs problématique -voir infra.

Comme le règlement n'a pas vocation à se substituer à l'article 103 mais simplement à le compléter, il reste une place à l'exercice de la surveillance des politiques économiques des Etats membres. Mais, elle dépendra dans les faits de la volonté du Conseil de l'exercer alors que le nouveau règlement lui offre un mode d'emploi pratique de l'article 103 qui ne s'y réfère pas.

2.
Une consécration implicite d'une politique d'équilibre budgétaire

En l'état, le Conseil est libre d'adresser toutes recommandations qu'il souhaite, dès lors qu'il juge que les politiques économiques d'un Etat membre ne sont pas conformes aux grandes orientations définies par lui. Il peut donc recommander à un Etat membre de respecter telle norme de déficit public qu'il souhaite dès lors qu'il l'a lui-même promue. Avec le nouveau règlement, cette latitude devient une obligation et, du coup, l'orientation de la politique budgétaire dans les Etats membres est prédéterminée sans référence aux grandes orientations définies par le Conseil.

Une norme implicite de gestion des finances publiques est en effet posée : l'objectif budgétaire à moyen terme fixé par le programme de stabilité ou de convergence doit offrir la marge de sécurité nécessaire à la prévention d'un déficit excessif. Les Etats devront donc présenter des objectifs budgétaires assortis d'un déficit sensiblement inférieur à trois points de PIB.

Il y a cependant lieu de souligner que la notion d'objectif budgétaire à moyen terme offrant une marge de sécurité nécessaire à la prévention d'un déficit excessif est floue. Deux interprétations en sont en effet possibles, soit que l'on privilégie le terme du programme et alors qu'on s'attache à une trajectoire budgétaire permettant de dégager ladite marge de sécurité, soit qu'on privilégie la "durabilité" de la gestion budgétaire et alors qu'on recherche si chaque année celle-ci offre la marge de sécurité nécessaire.

3. Quelques problèmes techniques

L'exercice de la surveillance est, on l'a dit, centré sur la politique budgétaire sauf pour les "non participants" qui doivent donner des informations sur leur politique monétaire. Cette obligation peut être jugée déconcertante si l'on garde à l'esprit que les Banques centrales, et donc la définition des politiques monétaires, sont indépendantes des gouvernements sur qui pèse cette obligation. Ce paradoxe n'est en réalité guère gênant puisqu'aussi bien l'examen des programmes de convergence tel qu'il est organisé par le nouveau règlement ne suppose pas de jugement direct sur la politique monétaire menée dans les Etats concernés.

Le règlement n'harmonise pas la présentation temporelle des programmes de stabilité et de convergence qui doivent certes couvrir au moins les trois années à venir mais peuvent couvrir, cette condition étant remplie, tous les horizons temporels imaginables. Il n'est pas certain que ce défaut d'harmonisation favorise les comparaisons entre les politiques budgétaires des Etats membres, non plus d'ailleurs que celles entre les décisions du Conseil ou l'exercice par celui-ci de l'examen de la coordination des politiques budgétaires.

Compte tenu de la place de la Commission dans le dispositif, c'est elle qui instruit même si le Conseil décide, il serait plus que souhaitable que ses rapports soient systématiquement transmis aux commissions compétentes des Parlements nationaux.


Le texte conserve la latitude offerte au Conseil de rendre publiques ses recommandations lorsque le dérapage budgétaire persiste mais il ne dit rien sur le statut des avis formulés par le Conseil sur les programmes. Il y a là une lacune. En tout cas, il serait souhaitable pour le débat public que les avis et recommandations du Conseil soient systématiquement adressés aux commissions compétentes des Parlements nationaux.

Dans ces conditions, l'objectif budgétaire retenu par le gouvernement pour l'an prochain n'apparaît pas assez prudent. Il s'écarte d'ailleurs significativement du programme de convergence notifié par la France en janvier 1997.


Le programme de convergence de janvier 1997

Fondé sur une perspective de croissance moyenne de 2,5 % l'an entre 1998 et 2001, le programme de convergence décrit les objectifs du gouvernement en matière de déficit public et leur impact sur le niveau de la dette publique.

Programme de convergence - principaux résultats

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Taux de croissance du PIB (en volume)


2,8 %


2,2 %


1,3 %


2,3 %


2,5 %


2,5 %


2,5 %


2,5 %

Déficit public (en % du PIB)

- 5,6

- 4,8

- 4,0

- 3,0

- 2,8

- 2,3

- 1,8

- 1,4

Dette publique (en % du PIB)

48 ½

53

56 ½

58

59

59 ½

59 ½

59


La croissance économique envisagée suppose une reprise de l'activité qui serait favorisée par une croissance dynamique de la demande étrangère adressée à la France et par un changement de comportement des entreprises. Celles-ci profiteraient d'un environnement financier propice pour mettre un terme au destockage et réaliser les investissements nécessaires au rattrapage du retard enregistré en ce domaine. Compte tenu de l'enrichissement de la croissance en emplois, l'économie française créerait 175.000 emplois salariés privés en 1997 avec une croissance de 2,3 %. Pour les années 1998 à 2001, le scénario central -2,5 % de croissance annuelle- est celui d'un rythme de croissance tendancielle. Il suppose que les partenaires extérieurs de la France connaissent eux-mêmes une telle croissance, que l'investissement des entreprises reste bien orienté et que le taux d'épargne des ménages s'infléchisse un peu. Il est à noter qu'une telle croissance ne suffit pas à combler l'écart négatif de croissance de 3 % observé ces cinq dernières années et qu'ainsi le chômage ne reculerait pas.

Une variante est proposée présentant un scénario de croissance de 3 % l'an. Elle repose sur des hypothèses d'investissement des entreprises plus favorables, sur une baisse accentuée du taux d'épargne des ménages et sur un environnement international plus porteur. Elle décrit l'amorce d'une réduction du taux de chômage.

Les résultats du programme de convergence en matière de finances publiques sont variables selon le rythme de croissance envisagé. Mais, la politique budgétaire décrite par le programme est volontariste.

Le déficit public serait, dans le scénario central, ramené de 3 % du PIB en 1997 à 2,8, 2,3, 1,8 et 1,4 % du PIB au cours de chacune des années suivantes. A partir de l'an 2000 la part de la dette publique dans le PIB serait stabilisée et commencerait à se replier.

Les recettes de l'Etat croîtraient en moyenne de 3,9 % l'an avant réduction de l'impôt sur le revenu -soit environ 3,75 % en en tenant compte- contre une croissance du PIB de 4,35 %. L'élasticité des recettes serait donc inférieure à l'unité.

Les dépenses de l'Etat resteraient sous contrôle. Elles s'accroîtraient de 0,75 % en 1998 puis de 1,25 % l'an au-delà. Leur élasticité par rapport à l'évolution du PIB serait également inférieure à l'unité.

La pression fiscale s'atténuerait donc un peu tandis que le poids des dépenses publiques dans le PIB reculerait plus significativement.

Quant aux comptes sociaux, la croissance des recettes serait de 4,3 % l'an en 1998-2001, ce qui suppose une évolution de leur assiette parallèle au PIB, tandis que les dépenses ne progresseraient que de 0,7 % en francs constants (environ 2,2 % par an en valeur). Les dépenses d'assurance-maladie seraient stabilisées en francs constants de même que les prestations familiales jusqu'en 2000. Les dépenses de la branche vieillesse s'accroîtraient de 3,9 % par an en valeur.

Moyennant l'hypothèse d'un équilibre des comptes des administrations publiques locales et d'un maintien de l'excédent des autres administrations autour de 0,2 point de PIB, c'est de la maîtrise des dépenses publiques que proviendrait principalement le retour à une situation budgétaire meilleure . Celui-ci serait plus rapide si la croissance était supérieure de 0,5 point par an à partir de 1998 comme l'illustre le tableau suivant.

En % du PIB

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Capacité de financement

- 5,6

- 4,8

- 4,0

- 3,0

- 2,7

- 2,0

- 1,5

- 1,2

Dette

48

52 ½

56 ½

58

58 ½

58 ½

58

57

Le poids de la dette publique dans le PIB serait stabilisé plus tôt, dès 1999, et serait inférieur au niveau atteint dans le premier scénario sous le double effet d'un déficit un peu réduit et d'une progression plus importante du dénominateur.

Le déficit public cumulé ne serait plus de 8,3 % du PIB mais de 7,4 % du PIB moyennant un supplément d'allégements fiscaux de l'ordre de 0,4 point de PIB. Les recettes seraient plus dynamiques si bien qu'en particulier les régimes sociaux reviendraient à l'équilibre en 1998 et dégageraient des excédents par la suite.

Préparée dans un contexte économique supposé plus favorable, la loi de finances pour 1998 ne manifeste pas une ambition suffisante de redressement des finances publiques.

Les évaluations du solde structurel issues des grands organismes économiques internationaux confirment cette assertion.

En points de PIB
(tendance du PIB = 2,3 %)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Capacité de financement des APU (déf. Maastricht)

Solde structurel
(Ministère Economie Finances)

Solde structurel (FMI)

Solde structurel (OCDE)


- 5,7 %


- 3,9 %

- 3,1 %

- 3,7 %


- 5,6 %


- 3,6 %

- 3,5 %

- 4,2 %


- 5,0 %


- 3,0 %

- 3,1 %

- 3,6 %


- 4,1 %


- 1,7 %

- 1,8 %

- 2,6 %


- 3,1 %


- 1,1 %

- 0,9 %

- 1,9 %


- 3,0 %


- 0,7 %

- 1,3 %

-2,1 %

Source : Rapport économique, social et financier pour 1998.

Nonobstant les estimations du ministère de l'économie et des finances, on constate que et l'OCDE et le FMI jugent que le solde structurel, qui avait été amélioré de près de deux points entre 1993 et 1997, se dégrade en 1998, signe d'une volonté insuffisante d'assainissement des finances publiques.

CHAPITRE IV

LES CARACTÉRISTIQUES ESSENTIELLES DE LA CROISSANCE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
EN 1998

Avec 1.345,7 milliards de francs, les recettes dont disposerait l'Etat en 1998 progresseraient de 3,4 % par rapport à 1997, année où, hors mesures de relèvement de l'imposition des sociétés adoptées récemment, les recettes à la disposition de l'Etat n'auraient progressé que de 0,1 %.

L'évolution desdites recettes est tributaire d'évolutions contrastées portant sur leurs grandes composantes.

Evolution des recettes du budget de l'Etat

(en millions de francs)

1996

1997 2

1998

Ecarts

1997/1996

1998/1997

Recettes fiscales nettes

1.359,5

1.403,7

1.446,7

3,2

3,1

Recettes non fiscales

159,5

150,8

154,7

- 5,4

2,5

Prélèvements sur recettes
dont : au profit des collectivités locales
au profit des communautés européennes

243
162,6
80,4

253
165
88

255,7
164,2
91,5

4,1
1,5
9,4

1,1
- 0,4
5,5

TOTAL

1.276

1.301,5

1.345,7

2

3,4

1. Hors fonds de concours et recettes extra-budgétaires

2. Estimations révisées.


Les recettes fiscales nettes s'accroîtraient de 3,1 %, soit un supplément de produit de 43 milliards de francs. Leur progression calculée sur la base des recettes qui auraient été perçues si la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier n'avait exercé ses effets en 1997, s'élèverait à 4,8 % contre un rythme d'accroissement des recettes de 1,5 % entre 1996 et 1997 31( * ) .

Les recettes non fiscales qui se replieraient de 5,4 % entre ces dernières années s'accroîtraient de 2,5 % l'an prochain par rapport au niveau atteint en 1997.

Quant aux prélèvements sur recettes , leur croissance n'est modérée que parce que les prélèvements au profit des collectivités locales qui en représentent 64,2 % s'infléchiraient en valeur, compensant ainsi l'importante progression -+ 5,5 %- de notre contribution au budget des Communautés européennes. Ces prélèvements nouveaux s'inscriraient dans la problématique décrite dans le tableau ci-après.

Tableau des recettes fiscales et sociales nouvelles (LFI)


1997

Mesures d'urgences à caractère fiscal et financier (MUFF)

+ 24 milliards de francs

1998

1°) P.L.F.I.

MUFF

Mesures nouvelles - IS

+ 17 milliards de francs

+ 6,7 milliards de francs

Total IS

+ 23,7 milliards de francs

Impôt sur le revenu

+ 17,37 milliards de francs

(Impôt hors abandon de la "réforme Juppé)

+ 1,23 milliard de francs

(Impôt hors "actualisation du barème et hors Juppé)

+ 4,75 milliards de francs

TIPP

+ 3,89 milliards de francs

TVA nette

- 1,76 milliard de francs

Assurance-vie

+ 0,2 milliard de francs

Contribution logements sociaux

+ 0,2 milliard de francs

ISF (modification du barème)

- 0,09 milliard de francs

Taxe aux liaisons radio-électriques

+ 0,02 milliard de francs

TOTAUX 1998 A

+ 43,53 milliards de francs

(Hors abandon de la "réforme Juppé" B

27,39 milliards de francs

(Hors abandon de la "réforme Juppé" et hors "actualisation des barèmes") C

30,91 milliards de francs

Totaux des nouveaux prélèvements fiscaux (1997+1998)

67,53 milliards de francs

(Hors abandon de la "réforme Juppé")

53,89 milliards de francs

(Hors abandon de la "réforme Juppé" et hors "actualisation des barèmes")

57,51 milliards de francs

2°) PLFSS

CSG nette

+ 4,6 milliards de francs

1 % CNAF et CNAV

+ 4,5 milliards de francs

Divers

+ 0,8 milliard de francs

AGED

+ 0,9 milliard de francs

Diverses taxes (tabac, médicaments)

+ 1,9 milliard de francs

TOTAL

+ 12,7 milliards de francs

Totaux des nouveaux prélèvements

1998

+ 56,23 milliards de francs

+ 40,09 milliards de francs

+ 43,61 milliards de francs

1997 + 1998

+ 80,23 milliards de francs

+ 66,59 milliards de francs

+ 70,2 milliards de francs

I. LES RECETTES FISCALES NETTES S'ACCROISSENT

Evolution des recettes fiscales

(en millions de francs)

1996

1997 1

1998

Ecarts en %

1997/1996

1998/1997

Recettes fiscales

1.620,1

1.671,1

1.725

3,1

3,2

Impôt sur le revenu

314,1

290

296,6

- 7,8

2,3

Autres impôts directs

37,9

46,2

48

21,9

3,9

Impôt sur les sociétés
net
écart

171,7
143,2
28,5

203,1
173,1
30

220,2
188,2
32

18,3
20,9
5,3

8,4
8,7
6,7

Autres impôts directs et taxes assimilées

79,8

82,1

82,3

2,9

0,2

Impôts directs bruts

603,5

621,5

647,1

3

4,1

TVA
nette
écart

728,2
600,5
127,7

753
620
133

776,8
636,2
140,6

3,4
3,2
4,1

3,2
2,6
5,7

TIPP

148,4

150,6

154,9

1,5

2,9

Enregistrements et autres taxes indirectes

140

146

146,2

4,3

0,01

Impôts indirects bruts

1.016,6

1.049,6

1.077,9

3,2

2,7

Remboursements et dégrèvements

260,6

267,4

278,3

2,6

4,1

dont : autres que TVA et IS

104,4

104,4

105,8

0

1,3

Recettes fiscales nettes

1.359,5

1.403,7

1.446,7

3,2

3,1

1. Estimations révisées

La progression du produit des recettes fiscales nettes s'élèverait à 3,1 % de 1997 à 1998, soit une progression de 43 milliards de francs

L'évolution des recettes fiscales doit être mise en regard du montant des recettes fiscales nettes qui aurait été constaté si la loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier n'avait alourdi les prélèvements en 1997.

Les conclusions de l'audit sur les recettes confrontées à la révision opérée dans le
cadre de la préparation de la loi de finances pour 1998

L'audit sur l'état des finances publiques remis le 21 juillet 1997 au Premier ministre a conclu à la nécessité de réviser les recettes publiques par rapport aux estimations de la loi de finances pour 1997.

Le montant de la révision des recettes fiscales préconisée par les auditeurs s'élevait à 17 milliards de francs. Ce chiffre était, selon les auditeurs, proche de celui retenu par les administrations concernées à l'issue de la réunion d'arbitrage des recettes fiscales tenue fin juin par les principales directions du ministère de l'économie et des finances. Il équivalait à 0,21 point de PIB, toujours selon les estimations des auditeurs.

L'examen des révisions opérées dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 1998 permet de déceler les postes concernés et leur cohérence avec les chiffres de l'audit.

Il apparaît que les recettes fiscales brutes s'accroissent davantage que prévu ; la révision conduit à mettre en évidence une plus-value de recettes. Hors loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, le produit des recettes fiscales brutes aurait été révisé de 2,5 milliards de francs à la hausse, passant de 1.644,6 milliards de francs en loi de finances à 1.647,1 milliards de francs en exécution.

Ce sont les recettes fiscales nettes qui sont concernées par une révision à la baisse . En effet, les remboursements et dégrèvements qui avaient été évalués à 249,4 milliards de francs s'élèveraient à 266,9 milliards de francs en exécution.

Au total, la révision de recettes fiscales nettes s'élève à 15 milliards de francs. Ce chiffre est inférieur de 2 milliards à la révision proposée par les auditeurs 32( * ) .

Etant donné la discordance portant sur la valeur du PIB en 1997 entre l'exercice d'audit et celui de préparation de la loi de finances pour 1998, la révision jugée nécessaire par le gouvernement s'élève à 0,18 % du PIB contre 0,21 % selon les auditeurs.

Il apparaît que la moins-value de recettes par rapport aux produits attendus pour 1997 se serait élevée à 15,1 milliards de francs, le total des recettes atteignant effectivement 1.380,2 milliards de francs contre une estimation de 1.395,3 milliards de francs.

Dans ces conditions, le supplément de prélèvement obligatoire résultant du projet de loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier avec 24 milliards de francs apparaît largement supérieur à ce qui aurait été nécessaire pour compenser le déficit de recettes supposé résulter de l'exécution budgétaire.

En tout cas, hors les produits ainsi encaissés en 1997, la progression des recettes fiscales nettes s'élèverait à 4,8 % en 1998, soit un rythme d'augmentation plus rapide que celui du PIB.

La croissance spontanée des recettes fiscales nettes apparaît modeste au regard de la prévision de croissance du PIB en 1998.

Ce résultat n'apparaît guère cohérent compte tenu de l'hypothèse de croissance posée pour préparer le budget de 1998, supérieure à la croissance observée en 1997.

Mais, compte tenu des liens distendus qu'entretiennent croissance et encaissement de recettes fiscales, seule une analyse détaillée par impôt permet de juger de la pertinence d'ensemble de la prévision.

A. LA RÉVISION DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS DEVIENT DE PLUS EN PLUS FRAGILE

Une fois n'est pas coutume, le commentaire peut, cette année, commencer par l'analyse des remboursements et dégrèvements dont la prévision apparaît de plus en plus fragile.

Sur les 278,3 milliards de francs prévus par le projet de loi de finances, au titre des remboursements et dégrèvements, un peu plus de la moitié (140,5 milliards, soit 50,3 %) concerne la TVA, 11,5 % l'impôt sur les sociétés, le reste, soit 105,8 milliards et 38,2 % des dégrèvements et remboursements se partageant entre :

les dégrèvements et remboursements sur les autres contributions directes pour 101,95 milliards de francs, dont 55,65 milliards sur des contributions locales, 5,5 milliards de remises et annulations de droits et 6 milliards de restitutions relatives à des retenues à la source et à des prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers ;

les remboursements sur les autres produits indirects pour 3,85 milliards de francs.

La structure des dégrèvements et remboursements est donc la suivante en 1998 :

Dégrèvements et remboursements sur contributions directes

dont :

sur contributions locales

sur contributions étatiques

dont impôt sur les sociétés

48,1

20

28,1

11,5

Dégrèvements et remboursements sur contributions indirectes

dont TVA 1

51,9

50,3

TOTAL

100

1. Hors remboursement forfaitaire aux agriculteurs non assujettis à la TVA et compte de partage avec Monaco.

L'évaluation "ex-ante" des remboursements et dégrèvements constitue un exercice délicat . Initialement estimés à 220,4 milliards en 1995, ils se sont élevés effectivement à 222,2 milliards de francs ; pour 1996, ces chiffres ont atteint respectivement 241 et 260 milliards de francs.

A nouveau, en 1997, les estimations initiales ont été révisées, les remboursements et dégrèvements s'élevant à 267,4 milliards de francs contre une prévision de 249,4 milliards.

Les causes principales expliquant ces incertitudes semblent relever des facteurs suivants :

Les remboursements de TVA dépendent du montant des déductions dont l'imputation n'a pu être opérée. Ils sont particulièrement sensibles au niveau des exportations.

Les remboursements d'impôt sur les sociétés sont issus des mécanismes de liquidation de cet impôt. Les sociétés versent quatre acomptes sur la base du bénéfice imposable du dernier exercice clos. Si ces acomptes excèdent l'impôt dû, l'administration procède à remboursement. L'accroissement des remboursements signifie que la situation bénéficiaire globale des sociétés se dégrade en 1997.

La révision en hausse des remboursements et dégrèvements en 1997 concerne à titre principal ces deux catégories : les remboursements au titre de l'impôt sur les sociétés pour 4 milliards, ceux au titre de la TVA pour 10,7 milliards de francs. Les dégrèvements sur contributions directes revenant à l'Etat sont, quant à eux, réestimés de 2,5 milliards de francs.

L'ampleur des révisions qui atteignent 8,7 % des estimations initiales pour la TVA et 15,1 % pour l'impôt sur les sociétés illustre la difficulté technique d'une part importante des prévisions de recettes. C'est cette même difficulté qui invite à prendre avec précaution les chiffres révisés et les estimations pour 1998.

L'on doit d'abord constater une forte progression des remboursements et dégrèvements au cours des trois dernières années.

Dégrèvements et remboursements 1995-1998

(en millions de francs)

1995

1996

1997

1998

Dégrèvements sur impôts directs
Chapitre 15-01 - "Dégrèvements sur contributions directes et taxes assimilées"



112,6



128,8



130,2



133,9

Remboursement sur TVA
Chapitre 15-02 - "Remboursements sur produits indirects et divers"
Chapitre 15-07 - "Remboursement forfaitaire aux exploitants agricoles non assujettis à la TVA



105,6

0,6



127,7

0,6



133,9

0,6



140,5

0,4

Totaux pour la TVA (1)

106,2

128,3

134,5

140,9

Restitution de droits de douane, d'enregistrement de timbre, de contributions indirectes et de divers autres impôts
Chapitre 15-02 - "Remboursement sur produits indirects et divers"





3,4





3,4





2,7





3,5

Totaux

222,2

260,5

267,4

278,3

(1) Les écarts -minimes- entre les chiffres de ce tableau et ceux évoqués plus haut tiennent à des différences de champ choisies pour assurer la cohérence des comparaisons avec les années précédentes.

Entre 1995 et 1997, le montant des remboursements et dégrèvements s'est accru de 20,3 %. L'essentiel de cette progression s'est réalisé entre 1995 et 1996. Entre 1997 et 1998, elle ne serait plus que de 4,1 %.

Les opérations relatives à la TVA expliquent, on l'a dit, une partie importante des remboursements et dégrèvements supplémentaires. Selon la direction générale des impôts, ce phénomène résulte pour moitié de l'augmentation de 2 points du taux normal de TVA réalisée en 1995 et pour le reste, de la progression des crédits des entreprises exportatrices. Il reste à examiner si des opérations moins orthodoxes pourraient être mises en évidence pour expliquer la forte augmentation observée.

En tout état de cause, la croissance des remboursements de TVA retenue dans le projet de loi de finances pour 1998 -4,9 %- peut apparaître assez conservatrice compte tenu des hypothèses portant sur les exportations. Si l'on avait privilégié le choix de retenir les évolutions tendancielles depuis 1995, c'est à un chiffre supérieur de 4,6 milliards que l'on aurait arrêté le montant des remboursements de TVA pour 1998.

B. LES IMPÔTS DIRECTS S'ACCROISSENT ÉGALEMENT

Les impôts directs bruts représentent 37,5 % des recettes fiscales brutes en 1998, contre 37,2 % en 1997. Leur produit s'accroîtrait de 4,1 % contre une progression de 3 % l'an dernier.

Deux impôts, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés représentent près de 80 % de l'ensemble des recettes fiscales issues des impositions directes.

1. L'impôt sur le revenu : l'abandon de la réforme ou le reniement de la parole de l'Etat

Après avoir connu une réduction sensible en 1997, les recettes de l'impôt sur le revenu se redresseraient en 1998 pour atteindre 296,6 milliards de francs, soit une progression de 2,3 %.

En 1997, le produit de l'impôt sur le revenu se replierait principalement sous l'effet de la réforme du barème entrepris par le précédent gouvernement. Son impact est estimé à 25,8 milliards de francs en 1997. Sans cette réforme, le produit de l'impôt se serait élevé à 315,5 milliards de francs. Il s'ensuit que la dynamique spontanée de l'impôt sur le revenu aurait été très modeste, de l'ordre de 0,4 %. La faiblesse de la progression du revenu des ménages en 1996 explique l'essentiel de ce résultat.

La progression attendue de l'impôt sur le revenu en 1998 résulte de plusieurs facteurs :

L'abandon de la réforme de l'impôt susciterait, par rapport à l'état de la législation, un supplément de produit de 16,14 milliards de francs.

Les autres mesures d'aménagement des droits proposées par le gouvernement dans son projet initial se traduiraient par un supplément de produit de 1,23 milliard. Il est à noter que, hormis la revalorisation traditionnelle du barème, basée sur une hypothèse d'inflation de 1,1 %, les mesures nouvelles proposées par le gouvernement rapporteraient 4,75 milliards de francs.

Il apparaît ainsi que la prévision du gouvernement suppose une croissance spontanée de l'impôt de l'ordre de 1,85 %, un peu inférieure à l'évolution en volume du revenu des ménages.

Cette évolution pose évidemment problème puisqu'elle vient confirmer qu'en dépit de sa progressivité, le rendement de l'impôt sur le revenu serait tributaire d'une élasticité inférieure à l'unité. Les phénomènes d'optimisation fiscale qui peuvent expliquer ce résultat paraissent donc bien ancrés, ce qui n'est évidemment pas illégitime par principe.

Il est en tout cas impossible de déduire du différentiel de croissance entre le produit de l'impôt et son assiette que l'Etat consentirait aux ménages un transfert en leur faveur.

Outre que, par rapport à la législation en vigueur, le gouvernement manifeste une volonté de prélever quelque 16 milliards de francs supplémentaires sur le revenu des ménages, les dispositions accompagnant le projet de loi de financement de la sécurité sociale se traduiraient par un alourdissement des prélèvements directs sur le revenu des ménages. Celui-ci peut être estimé à au moins 10 milliards de francs, malgré la décision de reporter la charge de la dette sociale sur les générations futures qui "allège" le surcroît d'imposition nécessaire à l'équilibre de la CADES de 10 milliards. Il est d'ailleurs remarquable qu'au terme de ce projet de loi, le produit de la contribution sociale généralisée (CSG) dépasserait de beaucoup les recettes issues de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, s'élevant à 334 milliards de francs contre 296,6 milliards pour ce dernier.

A l'issue de la combinaison des relèvements d'impôt sur le revenu et du taux de la CSG, c'est à une aggravation des prélèvements directs sur les revenus des ménages de plus de 11 milliards de francs que l'on aboutirait. Un chiffre de 27 milliards devrait être retenu si l'on devait comparer les prélèvements directs effectifs en 1998 aux prélèvements opérés selon un état constant de la législation.

Il reste à évaluer la pertinence des prévisions produites par le gouvernement.

Celle-ci est avant tout dépendante de l'évolution du produit de l'impôt sur le revenu en 1997. A ce propos, le gouvernement table sur une recette de 290 milliards de francs.

Or, les données de l'exécution budgétaire indiquent qu'à fin août 1997, les recettes tirées de l'impôt sur le revenu s'élevaient à 194,2 milliards de francs. Elles s'inscrivaient ainsi en baisse de 1,1 % par rapport au produit recouvré en août 1996 contre une baisse attendue de 7,7 % entre 1996 et 1997. Il faudrait donc que les produits recouvrés au cours des quatre derniers mois de 1997 s'élèvent à 95,8 milliards pour que la prévision de recettes pour 1997 soit conforme aux prévisions. Ceci supposerait une diminution relative des recouvrements de 18,6 % par rapport à la situation observée l'an dernier.

Il n'est pas sûr qu'une telle diminution advienne. Sans doute, la majeure partie des allégements fiscaux prévus par la loi de finances pour 1997 devrait-elle concerner le dernier tiers provisionnel acquitté dans les derniers mois de l'année. Mais, les recouvrements jusqu'alors effectués ont d'ores et déjà été minorés de 6 % conformément aux termes de la loi à l'occasion de la perception du premier tiers provisionnel. Il en est allé de même des premières mensualités. Par conséquent, une partie de l'impact de la réforme de 1997 a déjà été absorbée et s'est déduite des recouvrements constatés à fin août 1997.

L'Institut national de la statistique et des études économiques en tient d'ailleurs compte dans ses commentaires sur l'évolution du pouvoir d'achat du revenu des ménages au premier semestre.

Le produit de l'impôt sur le revenu pourrait donc être un peu supérieur aux estimations retenues pour 1997.

Il s'ensuivrait un supplément de recettes pour 1998. Mais, une inconnue pèse sur ce point. Il entre en effet, semble-t-il, dans les intentions du gouvernement de rendre déductible tout ou partie de la majoration de la CSG. Si tel était le cas, les recettes seraient inférieures aux estimations produites.

Faute de précision, il est en l'état impossible de citer un chiffre précis concernant les recettes de l'impôt sur le revenu en 1998.

Cette donnée est à elle seule importante car elle est symptomatique de l'opacité, pour les agents économiques, des approximations de la politique fiscale.

Quoi qu'il en soit, alors que le précédent gouvernement avait adressé un message clair aux contribuables en adoptant une réduction programmée de leur impôt sur le revenu, ce message est aujourd'hui brouillé, voire inversé, par le nouveau gouvernement. Bien plus, les prélèvements nouveaux sur le revenu des ménages se traduiront par une ponction supplémentaire qui viendra compromettre la croissance de leur pouvoir d'achat sur laquelle repose pourtant une grande partie du scénario de reprise imaginé par le gouvernement pour 1998.

2. L'impôt sur les sociétés en forte augmentation : l'effet MUFF

Le produit net de l'impôt sur les sociétés atteindrait 188,2 Milliards de francs marquant une progression de 8,7 % par rapport à 1997 et de 31,4 % par rapport à 1996.

Evolution de la part de l'impôt sur les sociétés dans le PIB

1996

1997

1998

Ecart 1998-1996

1,82

2,19

2,22

+ 0,4

La forte augmentation des recettes provient d'abord de l'effet des mesures d'urgence à caractère fiscal et financier (M.U.F.F.).

Déduction faite de ceux-ci, le produit de l'impôt sur les sociétés serait passé de 143,2 milliards de francs en 1996 à 149,6 milliards en 1997 et 171,2 milliards en 1998.

Mais, l'accroissement des recettes d'impôt sur les sociétés provient aussi de mesures projetées en loi de finances par le gouvernement et estimées par lui à 6,7 milliards de francs.

A législation constante, le produit net de l'impôt sur les sociétés s'élèverait ainsi à 164,5 milliards en 1998.

La progression spontanée comprise comme celle qui concernerait le produit de l'impôt sur les sociétés, hors les mesures nouvelles proposées par le présent projet et adoptées dans la loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier serait donc de 4,5 % en 1997 et de 5,6 % en 1998.

Le total cumulé des nouveaux prélèvements nets au titre de l'impôt sur les sociétés décidés par le nouveau gouvernement s'élève donc à 47,2 milliards de francs. En déduisant l'incidence sur le produit de l'impôt sur les sociétés des mesures relatives à EDF, le total cumulé des prélèvements supplémentaires s'élève encore à 43,5 milliards de francs. La répartition de ces prélèvements supplémentaires, y compris l'imposition d'EDF, entre 1997 et 1998 serait la suivante :

. 1997 : + 24 milliards de francs ;

. 1998 : + 23,7 milliards de francs.

Le gouvernement justifie ces prélèvements supplémentaires par un souci d'équité fiscale et la considération de leur relative innocuité sur la croissance.

S'agissant du premier argument, qui privilégie la thèse selon laquelle l'impôt sur les sociétés serait une alternative crédible à l'imposition des ménages, il ne serait recevable que si le supplément d'impôt sur les sociétés n'était pas répercuté sur les salaires ou sur l'emploi. Or, il semble bien que cette répercussion se produise sur le moyen terme.

Plus marginalement, il est notable que l'alourdissement de l'imposition des profits distribués résultant des phénomènes de double imposition issus de l'agencement technique de la mesure devrait dissuader la distribution de dividendes par les sociétés. Ce phénomène devrait à son tour handicaper davantage les titulaires de revenus relativement modestes pour lesquels le revenu apparaît plus sensible aux dividendes qu'ils reçoivent que celui des titulaires de revenus relativement plus importants mieux à même de compter sur la valorisation de leurs portefeuilles.

En ce qui concerne l'effet économique du relèvement de l'impôt sur les sociétés, le moins qu'on puisse en dire est qu'il n'est pas favorable à la reprise de la demande intérieure souhaitée par chacun mais dont le gouvernement assume la responsabilité.

L'impôt sur les sociétés est d'abord, par nature, inflationniste. Si l'ampleur du risque est limitée par les impératifs de la compétitivité internationale des entreprises, il ne faut pas oublier qu'une partie des entreprises appartient au secteur abrité de ces contraintes et sera vraisemblablement tentée de récupérer par un comportement de marges une part du fardeau nouveau. Les effets d'un tel phénomène pourraient être défavorables aux ménages si l'évolution de leur revenu devait ne pas compenser la hausse supplémentaire des prix. Ils perdraient alors en pouvoir d'achat.

Mais, le relèvement de l'impôt sur les sociétés est susceptible de produire d'autres effets défavorables sur les ménages.

Si les entreprises devaient privilégier un objectif de profit net d'impôt inchangé, elles auraient tendance à entreprendre des gains de productivité en économisant sur la main-d'oeuvre, ce qui aurait des effets défavorables sur l'emploi et les salaires. En outre, alors que les revenus de la propriété occupent une place toujours plus grande dans la formation du revenu des agents, l'effet de dissuasion envers la distribution de dividendes pourrait se traduire par une baisse relative de la richesse des agents et, en particulier, des ménages.

Si les enchaînements économiques susceptibles d'advenir du fait du surcroît de pression fiscale supporté par les sociétés sont peu favorables pour les ménages et donc pour la consommation, ils ne le sont pas plus s'agissant de l'investissement des entreprises qui est pourtant au coeur de la prévision de croissance pour 1998.

L'impôt sur les sociétés est, en effet, un impôt sur le capital qui dégrade la profitabilité de l'investissement. Il n'est indolore, relativement, qu'à la condition que les entreprises soient en mesure de s'endetter pour investir. Les charges d'endettement se déduisent en effet du bénéfice des entreprises et diminuent donc leur bénéfice fiscal, réduisant la charge de l'impôt pour les entreprises. Mais, il se trouve précisément que les entreprises jugent leur endettement trop élevé et ce malgré la baisse du coût du crédit qui, favorable à la croissance, n'est cependant pas encore suffisante pour que les entreprises soient garanties contre un effet de boule de neige de leur dette. Dans ces conditions, la hausse de l'impôt sur les sociétés apparaît inappropriée d'autant qu'elle réduit l'attractivité des entreprises françaises pour l'épargne susceptible de venir abonder leurs fonds propres 33( * ) .

Les développements qui précèdent ne sont pas seulement théoriques . L'ampleur considérable du prélèvement supplémentaire sur les entreprises a d'ailleurs conduit les responsables de la direction de la prévision à réviser à la baisse leurs estimations d'investissement en 1998 à hauteur de 0,5 point. Cette révision, qui s'élève à quelque 3,5 milliards de francs de déficit d'investissement paraît très conservatrice au regard de la surcharge imposée aux entreprises. L'avenir dira si celle-ci n'aura pas brisé un ferment indispensable à la croissance pour 1998 contribuant ainsi à creuser le retard d'investissement de l'économie française susceptible d'en handicaper, à terme, le dynamisme. Mais, en toute hypothèse, l'insécurité fiscale que de telles mesures comportent s'ajoute à la nocivité de leurs effets pour que soit, raisonnablement, rendu un jugement très négatif sur elles.

C. LES IMPOTS INDIRECTS

Les impôts indirects, avec 1.077,9 milliards de francs de recettes brutes représentent 62,5 % du total des recettes brutes de l'Etat. Compte-tenu de l'importance prise par les remboursements et dégrèvements pour ces recettes, leur part dans les recettes fiscales nettes est un peu inférieure mais reste largement prépondérante.

Des impôts indirects, la TVA nette constitue près des 2/3, la taxe intérieure sur les produits pétroliers -la TIPP- en représentant environ 16 %.

1. La taxe sur la valeur ajoutée (la TVA) en croissance nette de 2,6 %

Les recettes brutes de TVA qui avaient été estimées à 757,5 milliards en loi de finances pour 1997 s'élèveraient à 753 milliards de francs cette année. La révision est ainsi minime. En revanche, la révision des recettes nettes de TVA est, elle, beaucoup plus importante. Elle atteint 15,2 milliards de francs sous l'effet d'une réestimation à la hausse -+ 10,7 milliards- des remboursements de taxe.

Pour 1998, les prévisions du gouvernement évaluent les recettes de TVA à 776,8 milliards pur les recettes brutes et 636,2 milliards de produits nets . Elles laissent ainsi supposer une croissance des recettes brutes de 3,2 % et des recettes nettes de 2,6 % seulement.

Hors les mesures du présent projet de loi, la TVA nette s'accroîtrait de 2,9 %.

Les principales mesures nouvelles projetées en matière de TVA conduisent en effet, à des pertes de recettes modérées du fait de l'incidence sur les remboursements de TVA de l'application du taux réduit aux travaux de réhabilitation et de rénovation des logements sociaux.

L'indicateur des emplois taxables à la TVA étant supposé croître de 3,4 % en 1998, la progression des recettes nettes de TVA serait ainsi très inférieure. Cet écart s'explique principalement par l'effet en année pleine de l'application du taux réduit de TVA aux livraisons à soi-même et aux ventes de logements locatifs neufs effectuées par les constructeurs sociaux conformément à l'article 17 de la loi de finances pour 1997.

Compte tenu de cet effet, la progression spontanée des recettes de TVA serait de 3,2 % donc très proche de celle estimée pour les emplois taxables.

Cette estimation repose elle-même sur une croissance spontanée des remboursements et dégrèvements de 2 % en 1998. Cette dernière estimation paraît "a priori" plutôt favorable compte tenu des évolutions passées -v. ci-dessus-.

Elle partage cette caractéristique avec l'hypothèse posée d'une évolution spontanée des recettes de TVA parallèle à celle des emplois taxables et avec les hypothèses retenues pour évaluer la croissance de ces derniers.

En ce qui concerne cette dernière hypothèse, elle est, rappelons-le, tributaire d'une évolution favorable du revenu des ménages et de leur consommation qui serait presque parallèle.

Pour ce qui concerne la première de ces hypothèses, elle suppose qu'une modification de structure de la consommation des ménages défavorable au rendement de la TVA ne survienne pas.

2. La taxe intérieure sur les produits pétroliers (la TIPP) s'accroît de 2,9 %

Les produits de la TIPP atteindraient 154,9 milliards de francs et s'accroîtraient de 2,9 %.

A législation constante, l'évolution du produit de la taxe serait celle retracée dans le tableau ci-dessous.

Consommation
(milliers hl)

Quotités 1997
(F/hl)

Produit
(milliers F)

Supercarburant

189.400

403,51

76.424.794

Gazole

292.330

232,79

68.051.501

Fioul domestique

209.210

50,36

10.535.816

Autres produits

789.700

Total brut

690.940

155.801.811

Détaxe de l'essence en Corse

1.300

6,63

-8.619

Avantage fiscal sans plomb

127.460

27,28

-3.477.109

Avantage fiscal biocarburants

4.900

-1.256.350

Total net

151.059.733

L'évolution des consommations que suppose cette prévision repose sur une croissance de 1,14 % de la consommation globale des produits pétroliers et de 1,8 % pour le fioul domestique.

L'évolution des consommations des différents produits taxés est rappelée dans le tableau ci-dessous :

Produits

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997 1

Superplombé

171,1

151

133,8

120,5

102,3

87,3

74,2

Super sans plomb

60,3

77,5

90,4

100,9

103,2

111

119,1

Essence

4,4

1,5

0,4

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

Gazole

214,2

226,2

240,2

257,7

267,2

273,4

283

Fioul domestique

216,5

205,7

208,4

197,7

197,3

203,9

205,5

1.Prévisions

Source : Direction Générale des douanes et droits indirects

On peut y lire la déformation de la structure de la consommation de produits pétroliers et de fioul domestique.

En 1991, la consommation de supercarburant s'élevait à 34,9 % de l'ensemble, celle de gazole à 32,3 %, celle de fioul domestique à 32,8 %. Six ans plus tard, ces proportions ont beaucoup évolué et s'élèvent respectivement à 28,3, 41,5 et 30,2 %.

Dans un contexte de très faible accroissement de la consommation des produits pétroliers, 3 % en 6 ans, sous l'effet conjugué de la baisse de la consommation de supercarburant et de fioul domestique, la part du gazole a progressé de 9,2 points.

Compte tenu des tarifs différenciés de la taxe appliquée aux produits pétroliers, cette évolution a pesé sur le dynamisme de la TIPP dont le produit n'a cru que sous l'effet de relèvements répétés des quotités applicables.

Les prévisions pour 1998 relèvent de phénomènes analogues. La consommation de supercarburant s'infléchirait de 2 % tandis que celle de gazole progresserait de 3,3 %. La consommation de fioul domestique s'accroîtrait, on l'a dit, de 1,8 % quant à elle.

Par rapport aux tendances observées depuis 1991, le repli de la consommation de supercarburant serait un peu moins rapide, la progression de la consommation de gazole s'infléchirait tandis qu'une inversion de tendance verrait la consommation de fioul augmenter. Dans ces conditions, le produit de la taxe progresserait spontanément de 0,3 %.

C'est le relèvement de ses tarifs qui justifie la prévision du projet de loi de finances d'une augmentation de produit de 2,9 %.

Les relèvements de tarifs proposés consistent à actualiser les taux dans les proportions de la hausse des prix et à augmenter de 8 centimes par litre les taux appliqués aux carburants automobiles.

Sous le seul effet de cette dernière hausse, les tarifs de la TIPP passeraient ainsi pour le litre de supercarburant de 4,03 francs à 4,11 francs et par litre de gazole de 2,33 à 2,41 francs. L'avantage octroyé au gazole ou le handicap imposé au supercarburant resterait stable à 1,7 franc.

II. LES RECETTES NON FISCALES

La croissance des recettes non fiscales qui atteindraient 154,7 milliards de francs s'élèveraient à 2,5 % en 1998 contre une diminution de 5,4 % de 1996 à 1997.

Evolution des recettes non fiscales

(en millions de francs)

1996

1997 1

1998

Ecarts

1997/1996

1998/1997

1

Exploitations industrielles et commerciales et établissements publics à caractère financier



18.178,8



17.000



16.880



- 6,5



- 0,7

2

Produits et revenus du domaine de l'Etat

979,6

2.020,1

1.914

X 2,1

- 5,2

3

Taxes, redevances et recettes assimilées

23.074,5

24.419,2

25.437

+ 5,8

+ 4,2

4

Intérêts des avances, des prêts et dotations en capital


6.945,9


6.097,1


6.460,6


- 12,2


+ 6

5

Retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat


26.208,7


35.617,7


36.313,9


+ 35,9


+ 1,9

6

Recettes provenant de l'extérieur

1.494

1.499

1.493

+ 0,3

- 0,4

7

Opérations entre administrations et services publics


496,6


490,6


495,6


- 1,2


+ 1

8

Divers

82.139,6

63.698,5

65.675,8

- 22,4

+ 3,1

TOTAL

159.517,7

150.842,2

154.669,9

- 5,4

+ 2,5

1. Evaluations révisées.

Le projet de loi de finances est d'abord construit sur des recettes non fiscales révisées à la baisse pour 1997. La moins-value s'élèverait, en exécution, à 4,3 milliards de francs. Elle n'exerce pas d'effets sensibles sur la prévision pour 1998 à l'inverse de ce qui advient pour les recettes fiscales, mais son origine mérite d'être précisée. Elle proviendrait des mouvements suivants :

Les recettes non fiscales seraient accrues de 757 millions de francs sous l'effet d'une correction concernant l'imputation budgétaire de la redevance pour occupation du domaine public versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes qui, auparavant, traitée comme fonds de concours du budget de la défense, est désormais budgétée et rattachée en recettes aux produits et revenus du domaine de l'Etat. Cette amélioration comptable mérite d'être saluée, même si persiste la question de son entière orthodoxie.

Elles seraient, en revanche, réduites de 4,6 milliards de francs sous l'effet d'une baisse des recettes venant en atténuation des charges de la dette, elle-même due à la dégradation des conditions créditrices offertes à l'Etat par la Banque de France et les opportunités de marché et d'un report sur 1998 des paiements de France Télécom lié au changement de statut de l'entreprise.

Progressant moins vite que le produit intérieur brut en 1998 et que les recettes fiscales, la part des recettes non fiscales dans le PIB, mais aussi dans le financement des dépenses de l'Etat s'infléchirait un peu.

Le tableau qui suit récapitule les variations des principales catégories de recettes non fiscales et indique la structure de ces recettes.

Les variations relevées traduisent un certain "existentialisme" des recettes non fiscales dont les unes obéissent à des variables exogènes, les autres paraissant plus sujettes au pouvoir discrétionnaire du gouvernement.

Variations des recettes non fiscales en 1998

Variation en niveau
(en millions de francs)

Part dans le total

1997/1996

1998/1997

1997

1998

Exploitations industrielles et commerciales et établissements publics à caractère financier


- 1.178,8


- 120


11,3


10,9

Produits et revenus du domaine de l'Etat

+ 1.040,5

- 106,1

1,3

1,2

Taxes, redevances et recettes assimilées

+ 1.344,7

+ 1.017,8

16,2

16,4

Intérêts des avances, prêts et dotations en capital

- 848,8

+ 363,5

4

4,2

Retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat

+ 9.409

+ 696,2

23,6

23,5

Recettes provenant de l'extérieur

+ 5

- 6

1

1

Opérations entre administrations et services publics

- 0,6

+ 5

0,3

0,3

Divers

- 18.441,1

+ 1.977,3

42,3

42,5

TOTAL

- 8.675,5

+ 3.827,7

100

100

Quelques observations de méthode s'imposent de façon liminaire.

L'état des recettes non fiscales de l'Etat est loin d'être exhaustif et comporte en revanche des produits qui ne devraient pas y être retracés.

Le recensement des recettes non fiscales n'est pas exhaustif
. Il manque en effet au recensement opéré de comprendre l'ensemble des recettes extra-budgétaires de nature non fiscale perçus par diverses administrations, aux premiers rangs desquels le ministère des finances, celui de l'agriculture et celui de l'équipement. Comme, par définition, ces recettes ne sont pas recensées, il est impossible d'en donner une évaluation précise. Tout au plus peut-on indiquer que selon la Cour des comptes, le montant des recettes extra-budgétaires des services du ministère des finances s'élevait en 1994 à quelque 2,2 milliards de francs.

Le fascicule "Voies et moyens" ne récapitule pas davantage les recettes non fiscales versées aux comptes spéciaux du Trésor, ce qui est normal puisqu'il ne concerne que le budget de l'Etat. Mais cette situation incite, d'une part à exiger qu'un fascicule de cette nature soit spécifiquement consacré aux comptes spéciaux du Trésor et, d'autre part, n'excuse pas le fait que les versements en provenance des comptes spéciaux du Trésor ne soient pas évalués en loi de finances initiale.

Non exhaustif, le recensement des recettes non fiscales retrace pourtant des recettes qui ne devraient pas y être évaluées.

Il en va tout particulièrement ainsi des recettes inscrites à la ligne 309 des recettes non fiscales "Frais d'assiette et de recouvrement des impôts et taxes établis ou perçus au profit des collectivités locales et de divers organismes". Les produits accumulés sur cette ligne sont, à l'évidence, issus de l'application de taxes dont la principale est la taxe de 4,4 % du montant des impôts dus qui est prélevée auprès du redevable des taxes locales. Contrairement à une idée généralement répandue, ce prélèvement n'est en effet en rien une redevance pour services rendus, étant opéré sur les contribuables et non sur les collectivités locales, sans au demeurant que son calcul permette d'établir un lien direct de contrepartie entre les coûts d'un prétendu service et son tarif.

Il est donc indispensable de mettre plus d'ordre dans la présentation des recettes de l'Etat.

A. LES PRODUITS DES EXPLOITATIONS INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE FINANCIER

Avec 16,9 milliards de francs de produits attendus, ces recettes représentent près de 11 % des ressources non fiscales.

L'essentiel en est constitué par un prélèvement sur les produits des jeux exploités par La Française des Jeux qui atteint 6,6 milliards de francs
, soit une stabilisation par rapport à 1997. Ces produits ont tendance à stagner. Ils s'élevaient en 1996 à 11,6 milliards de francs. L'établissement qui est lié à l'Etat par une convention prélève une quotité importante des mises au titre des frais de gestion. Fixée à 6,4 % pour 1998, elle devrait représenter, selon les hypothèses retenues, 752,7 millions de francs. Le produit résiduel est partagé entre l'Etat et les joueurs.

Les prélèvements opérés par l'Etat sont de deux sortes :

- le prélèvement via la taxe perçue au profit du Fonds national de développement du sport serait accru de 108 millions de francs sous l'effet de l'augmentation du taux de la taxe -de 2,6 % à 2,9 %- votée par l'Assemblée nationale pour s'inscrire à 959 millions de francs ;

- le prélèvement imputé aux recettes non fiscales qui, lui, stagnerait, s'élevant à 6.570 millions de francs.

Au total, l'Etat bénéficierait d'une recette de 7.529 millions de francs -il faut y ajouter des produits fiscaux divers dont l'impôt sur les sociétés-.si bien que les enjeux distribuables aux joueurs s'élèveraient à 3.479,5 millions de francs, soit 29,6 % des mises.

Il faudrait être un spécialiste des jeux pour estimer si la part des récompenses promises aux parieurs est susceptible d'assurer la viabilité du système, mais il est d'emblée remarquable d'observer que les recettes publiques issues des jeux animés par la Française des Jeux s'élèvent à près de 68 % du produit de l'impôt sur la fortune.

La question se pose en tout cas de la pertinence du niveau de prélèvement opéré par l'Etat et de sa répartition entre ressources affectées et ressources générales.

De ce dernier point de vue, il n'apparaît guère satisfaisant, compte tenu des reports permanents et importants observés sur le compte d'affectation spéciale de nourrir davantage une structure dont seule la trésorerie profite des éléments de recettes supplémentaires.

Le produit des participations de l'Etat dans des entreprises non financières s'élèverait à 6,8 milliards de francs, accusant une baisse de 2,9 milliards de francs par rapport aux évaluations initiales pour 1997 et une quasi-stabilisation (- 203,2 millions de francs) par rapport aux évaluations révisées pour tenir compte du changement de statut de France Télécom qui a conduit à un report de versement de 1997 à 1998.

Produits des participations de l'Etat dans des entreprises non financières

(en millions de francs)


1992


1993


1994


1995


1996

Prévisions révisées 1997

1997 : écart révisé-LFI


PLF 1998

EDF

Erap

Française des Jeux

France Télécom

GDF

Péchiney

Renault

Rhône-Poulenc

SEITA

TOTAL C.F.P.

Usinor Sacilor

Divers

665

1.366

206,5

-

500

282

384

340

75

413

0

97

965

1.575

0

-

575

56

751

328

140

108

0

79

1.938

390

0

4.500

971

0

358

15

180

50

0

90

1.500

256

1.061 (b)

4.500

1.100

0

435,4

0

37

45,6

95,5

191 (d)

1.552

355

241,1

4.500

1.100

0

435,4

0

37

45,6

95,5

175,3

3.050 (a)

1.344

297

0

1.960 (a)

30

0

0

37,7

12,5

63

192

-250

+ 244

+ 222

- 3.100

+ 460

+ 5

- 330

0

- 2,3

+ 4;5

- 7

+ 107

1.100

45

155

4.000

1.310

(c)

(c)

(c)

(c)

(c)

(c)


173

Total

4.328

4.577

8.492

8.970

8.536,9

6.986,2

- 2.646,8

6.783

(a) EDF et GDF ont versé au budget général un complément de dividende à l'Etat (respectivement 2,45 milliards de francs et 0,55 milliard de francs) au titre de l'exercice 1996, suite au règlement du contentieux entre EDF-GDF et l'URSSAF de la Haute-Garonne.

(b) Le versement 1995 correspond aux produits des années 1993, 1994 et 1995

(c) A partir de 1998, les montants ne sont plus individualisés en prévision de la loi de finances initiale.

(d) Dont DCI (Défense Conseil International) : 92 millions de francs en 1995.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

L'évolution de ces produits est dépendante du périmètre du secteur public, les opérations de cessions de titres publics tendant à assécher ces recettes.

Mais elle est aussi conditionnée par les résultats des entreprises publiques. Les prévisions pour 1998 sont, de ce point de vue, très alarmantes. Hors EDF-GDF et France Télécom, la capacité du secteur industriel à rémunérer l'Etat actionnaire apparaît quasiment nulle. Cette prévision qui tranche avec les hypothèses de profits retenues par ailleurs laisse à penser que l'Etat renoncerait à exercer ses droits à dividendes en 1998. Cette "générosité" apparaît à vrai dire largement contrainte compte tenu de la nécessité de laisser les entreprises reconstituer leurs fonds propres à partir des redressements des résultats que l'année 1997 laisse entrevoir.

Le produit des participations de l'Etat dans les entreprises financières progresserait de 386,2 millions de francs et atteindrait 2.180 millions de francs. L'essentiel des recettes proviendrait des contributions exigées de la Banque de France et de la Caisse des dépôts et consignations. La dynamique de ces produits est mal orientée compte tenu des privatisations opérées ces dernières années et de la situation financière difficile de la plupart des entreprises du secteur demeurant publiques.

B. LES TAXES, REDEVANCES ET RECETTES ASSIMILÉES

Les produits s'élèveraient à 25,4 milliards de francs en progression de 4,1 % par rapport à 1997.

Pour 43,3 %, il s'agit des "frais d'assiette et de recouvrement des impôts et taxes établis ou perçus au profit des collectivités locales et de divers organismes" qui progresseraient de près de 5 %.

L'inclusion de ces recettes dans la catégorie des recettes non fiscales pose à l'évidence des problèmes de principe 34( * ) .

En tout cas, leur forte progression résulte elle-même de la variation des produits attendus des impôts qui constituent l'assiette des taxes d'où sont issues ces recettes.

C. LES RETENUES ET COTISATIONS SOCIALES AU PROFIT DE L'ÉTAT

Leur montant s'élèverait à 36,3 milliards de francs soit une progression de l'ordre de 2 %. Pour l'essentiel, il s'agit des retenues pour pensions civiles et militaires qui atteindraient 25,6 milliards de francs, soit une croissance de 1,6 % reflétant l'hypothèse posée pour calculer la progression de la masse salariale dans la fonction publique.

L'accroissement de la contribution aux charges de pension de France Télécom serait plus rapide (2,9 %), soit un écart significatif compte tenu de l'homogénéité des statuts des agents.

D. LES RECETTES DIVERSES

Avec 65,7 milliards de francs, les recettes diverses qui constituent une part considérable des recettes non fiscales (42,5 %), s'accroîtraient de 3,1 % par rapport aux estimations révisées pour 1997 mais diminueraient par rapport aux évaluations initiales pour l'année en cours (- 1,6 %).

Par ordre d'importance, figurent d'abord les recettes en atténuation des charges de la dette et des frais de trésorerie avec 13,8 milliards de francs. Elles seraient très inférieures aux estimations faites en loi de finances initiale pour 1997 (17,98 milliards de francs) et proches des estimations révisées (13,4 milliards de francs).

Evaluations pour 1998

(en milliards de francs)

Rémunération du compte du Trésor à la Banque de France et des pensions sur titres d'Etat

Recettes sur coupons courus lors d'émission d'OAT

Recettes sur coupons courus lors d'émission de BTAN

Recettes du FSR

Autres recettes

1.393

8.094


4.305


-

21

Total

13.813

Les prévisions pour 1998 sont résumées dans le tableau ci-dessus.

La rémunération du compte du Trésor à la Banque de France et résultant des prises en pensions sur titres d'Etat procurerait 1.393 millions de francs. En 1996, ce montant s'était élevé à 2.742 millions de francs. Cette variation à la baisse résulte de la diminution du niveau de la rémunération obtenue par le Trésor sur ses opérations de trésorerie liée elle-même à la baisse des taux d'intérêt à court terme. L'augmentation de 6 % du taux des appels d'offres de la Banque de France acquise en octobre 1997 pourrait conduire à une progression de cette ressource, très sensible à l'évolution de la trésorerie de l'Etat. A ce propos, on rappelle l'importance de l'incidence des recettes disponibles logées dans les différents comptes spéciaux du Trésor et, en particulier, dans le compte 902-24.

Les recettes de coupons courus sont également comptabilisées ici. Leur importance dépend du programme d'émission de l'Etat, mais aussi du choix opéré par lui, du taux nominal de ses emprunts. La part relative des recettes sur les différentes échéances est un indicateur de la duration de la dette publique nouvellement émise.

Les versements de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (12 milliards de francs) -la CADES- sont issus de l'ordonnance de janvier 1996 mettant à la charge de la Caisse le remboursement à l'Etat des charges (amortissement et intérêts) de la dette du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) transférée à lui.

Or, l'Etat ne dépense dans son budget que les charges d'intérêt liées à cette dette. La Cour des Comptes a, de façon récurrente, indiqué que les charges d'amortissement de cette dette n'étaient pas subies par le budget, faisant l'objet d'opérations financières extrabudgétaires. Le rattachement de l'intégralité du versement de la CADES au titre des recettes non fiscales de l'Etat a donc pour effet de minorer le déficit budgétaire affiché. Il surestime en effet la compensation budgétaire des charges budgétaires associées à l'opération de reprise de dette décrite plus haut.

Il conviendrait donc que soit déduite du versement sous revue la part représentative de l'amortissement du capital de cette dette et de ne verser au budget de l'Etat que la somme correspondant aux dépenses d'intérêt qui sont les seules qu'il supporte.

CHAPITRE V

LA NON-MAÎTRISE DES DÉPENSES EN 1998

La présentation du projet de loi de finances pour 1998 par le gouvernement laisse entendre que toutes les actions nouvelles ont été financées par redéploiements : en effet la progression des dépenses est limitée au total à 21,3 milliards de francs, ce qui correspond à l'augmentation inéluctable des charges de personnel (+ 19,1 milliards de francs), et de la dette (+ 2,2 milliards de francs).

En fait, le tableau ci-dessous montre la sagesse très relative de ce projet de loi de finances pour 1998 en termes de dépenses.

Les dépenses pour 1998

Tableau de bord simplifié


- croissance continue des dépenses de personnel

avec création nette de 6.533 emplois - (dont 490 emplois civils)

- stabilité du "train de vie" de l'Etat (parties 34, 35 et 37 du titre III)

+ 3,3 %

+ 0,6 %

Titre III
+ 3,1 %

- interventions économiques (169,5 milliards)

- interventions sociales (178,3 milliards)

- Autres interventions (115,5 milliards)

- 0,9 %

+ 1,24 %

+ 5,58 %

Titre IV

+ 1,5 %

- dépenses civiles en capital

- dépenses militaires en capital

- 0,4 %

- 8,7 %

Titres V et VI

- 5 %

- dépenses ordinaires militaires

+ 1,7 %

I. UN EFFORT D'ÉCONOMIE ?

A. LES DEUX APPROCHES POSSIBLES

1. La présentation en ratio de PIB pour marquer l'absence d'économie

Le gouvernement illustre de deux manières différentes l'effort d'économies réalisé dans le projet de loi de finances pour 1998.

- D'un point de vue macro-économique, l'effort de maîtrise des dépenses est présenté par rapport au poids des dépenses de l'Etat dans le PIB. Les dépenses du budget général (nettes des recettes d'ordre) s'élevaient à 1.564 milliards de francs en loi de finances initiale 1997. Si la part des charges nettes de l'Etat dans le PIB était restée constante, les charges nettes auraient augmenté de 4,2 %, soit + 65,7 milliards de francs. Cette augmentation étant limitée à 21 milliards de francs en projet de loi de finances pour 1998, l'écart s'établit à 44,7 milliards de francs.

La croissance du PIB passant (en volume) de 2,3 à 3 %, on aurait pu en inférer une amélioration automatique du solde budgétaire grâce à de meilleures rentrées fiscales et à de moindres dépenses. L'année n, une croissance de 1 point de PIB engendrée par l'exportation offre une amélioration du solde de 0,1 point ; une croissance de 1 point de PIB liée à la consommation des ménages se traduit par une amélioration de 0,2 point de PIB.

Dans ces conditions, la présentation macroéconomique de la maîtrise des dépenses (à hauteur de 44,7 milliards de francs) apparaît surestimée.

2. Une augmentation de 60 milliards de francs des services votés

L'appréciation des économies doit se faire à la lumière de la construction du budget en services votés 35( * ) et mesures nouvelles.

Pour 1997, les dépenses du budget général s'établissent comme suit (en milliards de francs) :


1.564


+


249,3


+


17,9


=


1.831,2

1.720 (services votés)

(dépenses du budget général)

(remboursements et dégrèvements)

(recettes en atté-nuation de dépenses)

(crédits votés)

110,4 (mesures nouvelles)

Pour 1998, l'égalité se décompose comme suit :


1.585,3


+


278,4


+


13,8


=


1.877,5

1.780 (services votés)

(dépenses du budget général)

(remboursements et dégrèvements)

(recettes en atté-nuation de dépenses)

(crédits votés)

96,4 (mesures nouvelles)

L'accroissement de 21,3 milliards de francs des dépenses du budget général résulte donc d'une augmentation de 60,1 milliards de francs des services votés corrigée des variations en mesures nouvelles (- 14), en remboursements et dégrèvements (- 29,1) et en recettes en atténuation de dépenses (+ 4,1).Il convient ensuite de tenir compte des mesures acquises (- 50,1 milliards).

Selon les calculs du gouvernement, cette progression de 21,3 milliards de francs tient compte, en fait, de 27,24 milliards de francs d'économies. Selon les mêmes conventions, le montant d'économies était de 64 milliards de francs pour 1997 (dont 29,2 au titre de la révision des services votés).

B. LES CHOIX DE RÉDUCTION DE DÉPENSES EN 1998

Economies budgétaires dans le projet de loi de finances pour 1998

(en millions de francs)

SECTIONS

Révision des services votés

Autres économies

Economies sur les dépenses en capital

Total des économies

Affaires étrangères et coopération :

I.- Affaires étrangères

456

456,4

II.- Coopération

428

50

477,5

Agriculture et pêche

327

27

354,5

Aménagement du territoire et environnement :

I.- Aménagement du territoire

19

18,6

II.- Environnement

10

22

32

Anciens combattants

414

64

477,8

Culture et communication

660

660,1

Economie, finances et industrie :

I.- Charges communes (crédits nets)

6.500

600

7.100

II.- Services financiers

342

341,6

III.- Industrie

19

87

105,8

IV.- Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat

22

22,3

Education nationale, recherche et technologie :

I.- Enseignement scolaire

464

463,9

II.- Enseignement supérieur

64

64,2

III.- Recherche et technologie (voir BCRD)

Emploi et solidarité :

I.- Emploi

1.310

1.309,9

II.- Santé, solidarité et ville

335

802

316

1.452,9

Equipement, transports et logement :

I.- Urbanisme et services communs

143

142,8

II.- Transports :

1. Transports terrestres

2. Routes

1

1

3. Sécurité routière

4. Transport aérien

5. Météorologie

11

10,9

III.- Logement

1.004

260

1.264,4

IV.- Mer

24

26

49,8

V.- Tourisme

22

21,6

Intérieur et décentralisation

174

25

199,5

Jeunesse et sports

278

278,1

Justice

13

23

36,1

Outre-mer

290

52

342,8

Services du Premier ministre :

I.- Services généraux

145,5

0,2

145,7

II.- Secrétariat général de la défense nationale

9

5

14

III.- Conseil économique et social

IV.- Plan

3

3

Budget civil de recherche de développement

169

18

422

609,3

Total des budgets civils

13.658

1.619

1.180

16.456,7

Défense

2.958

100

7.705

10.763,2

TOTAL DU BUDGET GENERAL

16.616

1.719

8.885

27.242,8

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Le gouvernement comptabilise l'essentiel de ses économies : 16,6 milliards de francs sur un total de 27,2 milliards de francs, en "révision des services votés", le solde étant dû pour l'essentiel (7,7 milliards de francs) aux réductions de dépenses en capital du budget de la défense.

L'expression "révision des services votés" s'applique aux réductions de crédits résultant de décisions volontaires, par opposition aux autres économies qui relèvent de constatation.

1. La révision des services votés répartie entre trois budgets

La moitié de l'effort de révision des services votés se répartit entre trois budgets et représente bien la traduction de choix politiques.

a) Au budget des charges communes : un ralentissement de la politique d'allégement de charges sur les bas salaires

La diminution de crédits de 6,5 milliards de francs apparaissant au budget des charges communes est la résultante de trois décisions proposées dans l'article 66 du projet de loi de finances :

- une économie de 4 milliards de francs est liée à la suppression de l'avantage procuré au temps partiel par la non-proratisation de la ristourne dégressive de charges sur les bas salaires ;

- une économie de 2,1 milliards de francs est liée à l'abaissement du plafond des salaires concernés par la ristourne dégressive, de 1,33 à 1,3 SMIC ;

- enfin, une économie de 400 millions de francs est procurée par le gel, en 1998, du montant du SMIC servant de base au niveau atteint en 1997.

b) Au budget de l'emploi : des suppressions de mesures pourtant majoritairement ciblées au bénéfice de l'emploi privé

Sur un total de 1,31 milliard de francs de révision des services votés :

- une économie de 243 millions de francs apparaît du fait de la suppression de l'exonération en faveur des travailleurs indépendants créant ou reprenant une activité ("loi Madelin"), proposée par l'article 66 du projet de loi de finances ;

- une économie de 183,3 millions de francs apparaît du fait de la suppression des emplois-ville proposée à l 'article 64 du projet de loi de finances ;

- en revanche, une économie de 400 millions de francs est liée à un prélèvement sur la trésorerie des fonds pour l'alternance afin de contribuer au financement des primes pour l'apprentissage : il s'agit là d'une opération de technique budgétaire sans support législatif.

c) Au budget du logement : une restriction de l'aide à l'accès à la propriété

La révision des services votés porte sur un milliard de francs répartis entre :

- 500 millions de francs justifiés par des "mesures de rationalisation et d'économie" portant sur les aides personnelles au logement. Votre rapporteur a maintes fois dénoncé le caractère illusoire de cette économie, introduite depuis plusieurs exercices budgétaires dans les projets de loi de finances, et toujours suivie d'abondements en cours d'année (décrets d'avance ou collectifs). Une fois encore, l'affichage de cette économie n'est associée d'aucune mesure concrète de rationalisation de l'APL, alors que cette rationalisation serait indispensable ;

- 500 millions de francs transférés au Fonds pour le financement de l'accession à la propriété : ce transfert est présenté comme une véritable économie, car 500 millions de francs d'économies sont réalisées par ailleurs sur ce Fonds, avec la restriction de l'accès au prêt à taux zéro aux seuls primo-accédants à la propriété (décret du 30 octobre 1997).

Au total, près de la moitié de l'effort d'économies affiché par le gouvernement répond à des orientations tout à fait contestables : freinage de l'allégement des charges sociales sur les bas salaires, suppression des exonérations pour les travailleurs indépendants reprenant ou créant une entreprise, suppression des emplois-jeunes, absence de rationalisation des aides personnelles au logement, restriction des conditions d'accès au prêt à taux zéro pour les acquéreurs de logement...

2. Les "autres économies"

Les économies considérées comme "constatées" s'élèvent à 1,6 milliard de francs et appellent peu de commentaires. Il s'agit essentiellement :

- au budget des charges communes, de la diminution des crédits de rachats de cotisations à l'assurance volontaire vieillesse : - 450 millions de francs ; il s'agit d'une économie de constatation d'une baisse des flux de rapatriés concernés par la loi du 4 décembre 1985 ;

- au budget de la santé, de la diminution de la subvention au Fonds spécial de retraites de la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines : - 779 millions de francs.

3. Les économies sur le budget de la défense : une révision lourde de conséquences

Le projet de budget de la défense marque une diminution des crédits d'équipement de 7,7 milliards de francs par rapport aux prévisions de la programmation 1997-2002 ; celle-ci était déjà en retrait de 20 % sur les crédits prévus par la précédente programmation 1995-2000.

Si l'on ajoute une amputation de 3,7 milliards de francs sur la gestion 1997, ce sont presque 12 milliards de francs qui manqueront sur les deux premières annuités de la programmation, si tant est que le budget de 1998 ne connaisse ni "gel", ni annulation de crédits.

Or la programmation qui doit conduire jusqu'aux premières années du siècle prochain repose sur un équilibre fragile (que confortait, il est vrai, un engagement exprès du chef de l'État quant au strict respect de ses annuités budgétaires). La réduction significative des crédits d'équipement par rapport aux prévisions précédentes trouvait, en effet, sa contrepartie dans des gains significatifs de productivité -devant atteindre 30 % sur 6 ans- des industries de l'armement, assurées pour plusieurs années de commandes et de livraisons stables ; les armées, pour leur part, subissaient une réduction quantitative de leurs équipements mais moindre que la réduction des effectifs, appelés, au total, à être mieux équipés.

Cet équilibre est d'ores et déjà rompu. Présenté comme une simple "encoche" dans la programmation, le budget en projet annonce ainsi, en réalité, une nouvelle réduction programmée des ressources de la Défense, réduction qui doit préparer une "revue de programmes" d'ores et déjà entamée.

L'on sait que toutes les "revues" précédentes ont conduit en fait à des réductions de "cibles" et à des étalements dans le temps. Apportant un soulagement financier immédiat, ces pratiques accroissent, à terme, les prix des programmes par les surcoûts qu'ils provoquent. Ils contribuent à grossir la "bosse" des engagements financiers sans cesse reculés mais inexorablement accrus par ces expédients.

Les restes à financer sur les programmes en cours s'élevaient au début de l'année à plus de 500 milliards de francs, les ¾ de ce montant allant à cinq programmes arrivés en phase de production (avion de combat RAFALE, SNLE-NG, char LECLERC, porte-avions nucléaire, hélicoptère TIGRE). Compte tenu du financement d'autres opérations programmées (entretien, infrastructures, études amont etc.) la part réservée aux programmes, environ 40 % des dotations annuelles, selon les estimations de la Cour des Comptes, correspond à quinze années au moins de crédits.

L'équation financière des prochains budgets militaires est donc simple à poser mais elle ne peut être résolue qu'en modifiant substantiellement l'un de ses termes ; en majorant significativement les crédits d'équipement ou en abandonnant des programmes dont le financement a déjà mobilisé plusieurs dizaines de milliards de francs. Mais ces abandons en amoindrissant les capacités, industrielles et opérationnelles, nécessiteront inéluctablement une révision des stratégies lourde de conséquences.

II. QUELLES PRIORITÉS BUDGÉTAIRES ?

Le projet de loi de finances définit de la manière suivante les priorités budgétaires pour 1998 :

" Les priorités du gouvernement se traduisent par la progression des dépenses en faveur de l'emploi et de celles relatives aux missions régaliennes et aux investissements.

"La priorité accordée à l'emploi se traduit par une croissance de 6,5 milliards de francs de crédits de la politique de l'emploi (y compris crédits inscrits à ce titre aux charges communes). Le programme en faveur de l'emploi des jeunes (8 milliards de francs) s'accompagne du maintien des dispositifs destinés aux personnes qui connaissent des difficultés particulières d'insertion et de la recherche d'une plus grande efficacité des aides à l'emploi.

"Les autres priorités du gouvernement se traduisent, hors charges de personnel, par une progression de 1,1 milliard de francs des dépenses en faveur de missions prioritaires (éducation nationale, justice, culture) . Les dépenses du budget civil de recherche et développement progressent par ailleurs de 3,1 milliards de francs, y compris dépenses de personnel.

"Les dépenses de solidarité sont en augmentation de 3 milliards de francs (minima sociaux et action sociale) et les dépenses en faveur de la coopération internationale progresseront de 1,1 milliard de francs.

"Enfin, les dépenses d' équipement et de logement augmentent de 1,1 milliard de francs. Compte tenu de ces décisions et de celles affectant les autres budgets civils, les investissements civils de l'Etat progressent de 5,6 % en autorisations de programme et de 2,4 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 1997 (hors dotations en capital et reconstitution de fonds internationaux)."

A. DES PRIORITÉS SECTORIELLES CONSISTANT EN DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES EN PERSONNEL

La lecture des documents budgétaires ne permet pas de retrouver les chiffres dont le gouvernement assortit ses priorités : en effet, ces chiffres sont issus de retraitements comptables reposant sur des conventions internes au ministère de l'économie. Il semble toutefois que ces priorités comportent dans les faits :

- la simple reconduction de progressions quasi-automatique telles que celles du RMI (+ 1,1 milliard de francs), de l'allocation aux adultes handicapés (+ 1,13 milliard de francs), des aides personnelles au logement (+ 2,9 milliards de francs), ou de l'aide juridique ;

- quelques actions plus volontaristes, telles qu'une progression de 180 millions de francs des diverses interventions culturelles, ou de 100 millions de francs au soutien à la recherche.

En réalité, l'essentiel des priorités budgétaires consiste en une progression des moyens en personnel , que ceux-ci apparaissent directement, ou à travers les subventions de fonctionnement des établissements publics.

B. UNE PRIORITÉ INQUIÉTANTE DONNÉE À L'EMPLOI PUBLIC

Face à l'ampleur de la progression spontanée des dépenses de fonction publique, le gouvernement n'a pas fait le choix de la maîtrise : au contraire, le projet de loi de finances pour 1998 affiche la priorité redonnée à l'emploi public.

1. Une progression importante des dépenses de fonction publique

L'augmentation de 20 milliards de francs de la dépense "induite" de fonction publique 36( * ) montre l'ampleur de la progression spontanée de cette dépense (sous réserve d'une augmentation de 3,6 milliards de francs destinée à financer la négociation avec les syndicats de la fonction publique, seule mesure "volontariste" pour 1998).

Effets en Milliards de francs

PLF 98

LFI 97

Effectifs

Point

Catégoriel

GVT

Autres(1)

Rémunérations

7,0

-

1,4

- civils

5,8

- Défense

1,2

2,3

4

1

Cotisations et prestations

2,3

-

0,6

- civils

1,4

0,5

- défense

1,0

0,1

Pensions

6,5

3,2

1,4

1,1

0,8

- civils

5,8

3,3

1

0,7

0,8

- Défense

0,7

- 0,1

0,4

0,4

Enseignement privé

1,1

0,4

0,7

Anciens combattants

- 0,5

- 0,7

0,2

Frais de déplacements

Autres (2)

3,6

3,6

Total

20,0

2,5

4,0

8,1

5,4

2. Une priorité donnée à nouveau à l'emploi public

a) Le mouvement stoppé de réduction des effectifs de la fonction publique

Le gouvernement a décidé de stopper le mouvement de réduction des effectifs de la fonction publique amorcé l'an dernier : 5.599 emplois civils étaient en effet supprimés au total (résultant de 9.283 suppressions et 3.684 créations) dans la loi de finances pour 1997.

En 1998, le solde des créations et suppressions d'emplois civils redevient positif, de 490 unités (solde de 7.337 suppressions et 7.827 créations).

L'essentiel des créations concerne l'éducation nationale : + 1.320, et surtout l'enseignement supérieur : + 4.194.

b) L'emploi dans les établissements publics : un mouvement important de créations

L'évolution des effectifs budgétaires ne retrace pas la totalité de l'évolution des emplois financés par le budget de l'Etat.

En effet, les emplois des établissements publics n'apparaissent qu'à travers leurs subventions de fonctionnement.

A cet égard, le projet de loi de finances pour 1998 consacre un mouvement important de créations d'emplois : ainsi, au budget de la recherche, apparaît la traduction budgétaire de la création de 379 emplois de chercheurs, et de 176 emplois d'ingénieurs, de techniciens et administratifs, la dépense correspondante étant d'environ 200 millions de francs.

c) Les emplois-jeunes : une réponse d'urgence, mais de court terme

L'augmentation des moyens pour l'emploi en 1998 résulte en tout premier lieu des emplois-jeunes , créés par la loi du 16 octobre 1997, préfinancés à hauteur de 2 milliards de francs par un décret d'avances du 15 juillet 1997, ces emplois mobilisent 8,05 milliards de francs au budget de l'emploi en 1998, et 300 millions de francs au budget de l'outre-mer, pour un nombre de bénéficiaires prévu de 150.000 à la fin de l'année prochaine.

Ces emplois, s'ils représentent une réponse d'urgence pour des milliers de jeunes, s'assimilent à des emplois publics -c'est le cas pour les 40.000 emplois jeunes qui seront financés à 100 % par le budget de l'emploi dans le secteur de l'éducation nationale- ou quasi publics : ils donnent lieu en effet à une prise en charge de l'Etat sur la base de 80 % du SMIC avec charges sociales.

Comment ne pas imaginer que cette prise en charge, même pour cinq ans, débouchera sur une intégration dans la fonction publique ? Cette réponse de court terme va donc à l'encontre de la démarche constamment préconisée par votre commission des finances d'encouragement à l'emploi par les entreprises, et ce d'autant plus que les emplois-jeunes sont, budgétairement, "gagés" par le freinage de l'allégement des charges sur les bas salaires.

Des coûts associés aux recrutements d'agents publics

Les coûts de création directe d'emplois publics ont été appréhendés à partir d'un exercice de variante réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat par l'OFCE.

Il s'est agi de tester l'impact sur les finances publiques de la création de 350.000 emplois publics réalisés en trois ans. Au terme des recrutements, le coût budgétaire direct de la mesure s'élève à 47,5 milliards de francs, soit 74,5 milliards de francs de traitements supplémentaires desquels il faut déduire un montant de 27 milliards de francs de cotisations sociales acquittées par les nouveaux employés. Il est remarquable que les coûts de cette mesure seraient deux fois plus élevés que ceux associés, selon les simulations disponibles, à la mesure concernant les emplois des jeunes récemment adoptée et qui constitue, selon toute vraisemblance, un prélude à des créations d'emplois publics.

On doit aussi souligner que les effets indirects sur les finances publiques de la mesure ici testée viennent réduire son coût direct.

Cependant, la capacité de financement des administrations publiques se trouve dégradée de 53,5 milliards de francs au terme des trois années de montée en charge des recrutements.

Enfin, la réduction du chômage n'est que de 240.000 unités, alors que le nombre des nouveaux emplois s'élève à 350.000. Une flexion des taux d'activité se produit en effet qui accroît la population se présentant sur le marché du travail et nuit à l'efficacité de la mesure sur le niveau de chômage. Celle-ci serait encore moins favorable si la mesure devait être équilibrée financièrement. A titre d'exemple, une baisse à due concurrence de l'investissement public supprimerait plus de 50.000 emplois du secteur marchand selon les estimations des experts.

d) La revalorisation salariale : une provision de 3,575 milliards de francs

Enfin, une provision de 3 milliards de francs au budget des charges communes, de 0,575 milliard de francs au budget de la défense, est prévue, afin d'accompagner les négociations salariales entamées au mois d'octobre avec les syndicats de la fonction publique, les revendications des syndicats portant notamment sur un "rattrapage" du gel du point qui avait été opéré en 1996.

III. ALLER PLUS LOIN DANS LA MAÎTRISE DES DEPENSES PUBLIQUES

A. STOPPER TOUTE PROGRESSION DES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL

Votre rapporteur général considère que le projet de loi de finances pour 1998 ne comporte pas de réel effort de maîtrise des dépenses : les charges de personnel progressent de 20 milliards de francs (1 milliard de francs d'économies étant d'ailleurs permises par les suppressions d'emploi opérées en 1997), la charge de la dette ne progresse "que" de 2 milliards grâce à la seule baisse des taux d'intérêt.

Cette progression des dépenses en 1998 n'est plus défendable 37( * ) dans un contexte où le niveau des prélèvements obligatoires --45,9 % du PIB- doit diminuer, et où le solde budgétaire doit être contenu.

C'est pourquoi votre rapporteur général vous proposera, lors de l'examen de l'article d'équilibre de la loi de finances, de ramener le montant des dépenses du budget général à celui de la loi de finances initiale pour 1997 en francs courants, et d'opérer, par voie de conséquence, une réduction de dépenses de 21,3 milliards de francs.

B. DES RÉDUCTIONS CIBLÉES ET FORFAITAIRES

Afin d'atteindre ce montant d'économies, votre rapporteur général vous proposera d'adopter deux démarches complémentaires :

Des économies ciblées sur certains budgets, correspondant à des décisions politiques :

- ainsi, au budget des charges communes , qui rassemble 675 millions de francs de dépenses, soit 42,6 % du total des dépenses du budget général, en progression de 3,7 % en 1998, des réductions de crédits concernant la politique de la fonction publique, le passage à la semaine des 35 heures, ou la prime d'épargne logement. Dans ce dernier cas, il s'agit d'attirer l'attention du gouvernement sur le dévoiement d'un dispositif qui coût de plus en plus cher à l'Etat à mesure qu'il s'éloigne de son objectif, l'encouragement à la construction de logements ;

- au budget de l'emploi (112,6 millions de francs en 1998, soit + 9,3 %), des réductions de crédits concernant les dépenses nouvelles de créations d'emplois publics aux dépens du soutien à l'emploi privé ;

- au budget de l'enseignement scolaire (286 millions de francs en 1998, soit + 3,1 %), des réductions de dépenses permettant un resserrement raisonnable des effectifs.

Par ailleurs, sur les autres budgets affichant des progressions de dépenses, des réductions de crédits forfaitaires seront proposées, portant exclusivement sur les dépenses ordinaires, les dépenses en capital devant être préservées pour l'avenir , et subissant déjà une diminution sérieuse en 1998.

C. PERMETTRE UN ALLÉGEMENT DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Cet effort d'ajustement des dépenses, ainsi calibré, doit permettre une poursuite de la politique d'allégement d'impôt sur le revenu amorcée en 1997 : cette réforme ne trouvait sa cohérence que dans son déroulement pluriannuel, et devait permettre à terme une baisse significative de l'impôt sur le revenu, d'autant plus forte que les revenus étaient modestes et le nombre de parts élevé.

EXAMEN EN COMMISSION


Réunie le mardi 4 novembre 1997 sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission la commission a procédé à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 1998, sur le rapport de M. Alain Lambert, rapporteur général.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a tout d'abord présenté l'environnement macro-économique dans lequel s'inscrivait ce budget. Il a souligné que le "consensus", qui régnait encore au début de l'été, commençait à s'effriter, et que l'hypothèse de 3 % de croissance en 1998 tendait plus à relever du "volontarisme" que du "réalisme", tant les aléas s'étaient accumulés, liés à des phénomènes externes ou aux mesures de politique économique prises ou envisagées par le Gouvernement.

Dans ces conditions, il apparaît que le pari du budget de 1998, celui d'une relève des exportations par la consommation et l'investissement, n'est pas gagné d'avance. En effet, pour atteindre le taux de croissance affiché, l'investissement des entreprises doit s'accroître de plus de 4 %. Plusieurs indices économiques militent incontestablement en ce sens, mais l'investissement exige un cadre fiscal et institutionnel stable et prévisible qui semble compromis par les effets conjoints du prélèvement fiscal supplémentaire, des incertitudes sur le passage aux 35 heures, de la baisse de la ristourne dégressive sur les bas salaires et de l'absence de maîtrise effective des dépenses publiques.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé également que des craintes sérieuses pouvaient être émises sur le partage du revenu entre l'épargne et la consommation, sans parler de l'inquiétude croissante manifestée par les Français sur l'avenir de leurs retraites et qu'au total, cette sensibilité rendait fragile l'objectif d'un solde budgétaire fixé à 3,05 % du produit intérieur brut qui est pourtant le garant de notre crédibilité vis-à-vis de nos principaux partenaires. Or, cette crédibilité est déjà relative dans la mesure où la France occupe, au regard du critère du déficit public, l'avant-dernier rang parmi les pays de l'Union européenne.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a rappelé l'intérêt pour l'Etat de respecter le critère de plafonnement à 3 % du PIB pour les déficits publics : en effet, 3 % du PIB représentent 16 % des dépenses de l'Etat, ce qui revient à dépenser 16 % de plus que ce qu'il est possible de prélever sur les contribuables ; c'est aussi un solde qui, pour simplement stabiliser la dette de l'Etat, devrait être amélioré de 98,7 milliards de francs ; enfin, c'est un niveau de déficit qui aboutira encore à accroître le stock de la dette de 257 milliards de francs en 1998.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a souligné que ces indications confirmaient qu'au-delà du respect de nos engagements européens, la réduction du déficit était une nécessité incontournable, et un impératif absolu qui devait être partagé par toute la Nation et rassembler toutes les sensibilités politiques républicaines.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite estimé que les dépenses de l'Etat n'apparaissaient pas maîtrisées : en effet, la croissance des charges réelles sera supérieure en 1998 à celle prévue pour l'année en cours (+ 1,87 % pour les charges réelles contre + 0,81 % dans le projet de loi de finances pour 1997), et ce alors même que le surcroît de croissance prévu devrait donner une marge de manoeuvre supplémentaire.

Cette augmentation de 21,3 milliards de francs correspond, au franc près, aux conséquences des dérives spontanées des frais de personnel (+ 19 milliards) et de la charge de la dette (+ 2,2 milliards).

Face à ce constat, M. Alain Lambert, rapporteur général, a rappelé que la préconisation constante de la commission de mener à bien une remise en ordre des finances publiques n'était pas reprise par ce projet de budget.

En effet, alors même que la commission avait salué la diminution des effectifs opérée par la loi de finances pour 1997, le projet de budget pour 1998 se caractérisait par un nouveau renversement de tendance en créant 6.500 emplois nouveaux, dont 490 au titre des budgets civils. Cette nouvelle pression sur la dépense s'accroîtra en outre considérablement à terme, tant par la création annoncée de 350.000 emplois-jeunes que par le refus de réexaminer les régimes spéciaux de retraite. Dans ces conditions, il est à redouter qu'à l'instar des années 80, le Gouvernement recrée les conditions d'un emballement de la dépense publique. En effet, les crédits civils de rémunérations et charges sociales se sont accrus de près de 120 milliards de francs entre 1987 et 1996, les retraites totales augmentant, elles, de 56 milliards sur la période (soit + 52 % environ).

De la même manière, M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé que les transferts sociaux n'étaient toujours pas sous contrôle, comme en témoignent les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion, à l'allocation pour adultes handicapés et aux aides personnelles au logement, qui continuent de s'accroître sensiblement (de 5 milliards de francs en 1998), portant ainsi leur augmentation, depuis 1992, à près de 70 %.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a souligné que, dès lors que l'ajustement ne s'opérait ni sur les frais de personnel, ni sur les transferts sociaux, c'était l'investissement, notamment militaire, qui devenait la variable d'ajustement et continuait d'être amputé de 8 milliards de francs en 1998. Le rapporteur général a souligné également que la politique d'allégement du coût du travail peu qualifié était sérieusement infléchie (de - 6,5 milliards de francs) et que les économies présentées comme telles n'étaient en fait que des jeux d'écriture, par le truchement de transferts de dépenses vers les comptes spéciaux du Trésor, de prélèvements sur diverses trésoreries, de prises en charge de dépenses de compensation démographique par le régime général...

M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé qu'au total, il n'y avait pas de véritable maîtrise des dépenses. Il a insisté par ailleurs sur le fait qu'un certain nombre d'actions annoncées n'étaient pas budgétées, en tout ou partie, telles que la prise en charge de 20 milliards de francs de dette de la SNCF, le financement du nouveau plan textile, le financement de la future loi sur l'exclusion, de la loi d'orientation agricole, des conséquences du passage aux 35 heures.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé que la commission ne pouvait adhérer à ces choix qui vont à l'encontre de ses conclusions constantes, sans cesse réaffirmées depuis 1992 : aussi, a-t-il annoncé qu'il recommanderait de proposer au Sénat de marquer, sans ambiguïté, sa volonté et sa constance dans la voie de la maîtrise des dépenses et d'inscrire l'oeuvre de redressement dans la durée en ramenant le montant des dépenses du budget général à celui de la loi de finances initiale pour 1997 et en opérant, par voie de conséquence, une réduction de dépenses de 21,3 milliards de francs.

Afin d'atteindre ce montant d'économies, M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé qu'il pourrait être proposé au Sénat d'engager deux démarches complémentaires : en premier lieu, la réalisation d'"économies ciblées" sur des crédits consacrés à des politiques du Gouvernement qu'il a estimées contestables, comme la fonction publique, l'emploi, l'éducation nationale et, en second lieu, une réduction forfaitaire appliquée aux autres budgets, à l'exception des budgets présentés en diminution et des "budgets régaliens", qui porterait sur les dépenses des titres III et IV, à l'exclusion des dépenses en capital.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite estimé que, contrairement à la présentation faite par le Gouvernement, les prélèvements obligatoires ne baisseraient pas en 1998.

Les recettes fiscales nettes pour 1998, comparées aux estimations révisées de 1997, sont en progression en valeur de 43 milliards de francs. La loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier permet optiquement de réduire cette progression : sans l'intervention de ces mesures urgentes, l'augmentation de recettes s'élèverait à 66,5 milliards de francs. La prise en compte de ce projet de loi permet d'ailleurs de comprendre comment un budget réputé "infaisable" en début d'année 1997 devient un budget presque "simple" à boucler à l'automne.

Si l'on exclut l'effet de la soulte de 37,5 milliards de francs de France Telecom, l'amélioration du déficit entre 1997 et 1998 est de 59,3 milliards de francs.

Afin d'expliquer le bouclage du budget de 1998, M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé qu'il convenait de mettre en perspective les effets de l'abandon de la deuxième année du plan quinquennal de baisse de l'impôt sur le revenu, les effets de la loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, les effets des augmentations d'impôts associés au projet de loi de finances pour 1998 et enfin, la diminution des dépenses militaires. En effet, l'addition de ces éléments donne un total voisin de 51 milliards de francs.

Si l'on tient compte ensuite de l'effet favorable de la croissance sur les recettes, il apparaît que ce sont l'accroissement de la fiscalité et l'abandon de la trajectoire de la loi de programmation militaire qui permettent d'atteindre l'équilibre du budget pour 1998, alors qu'aucune maîtrise des dépenses civiles n'est engagée.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a souligné que la concomitance des discussions du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale obscurcissait singulièrement le débat en créant une incertitude sur l'étendue de la déductibilité de la contribution sociale généralisée, et sur les effets sur la consommation de la surtaxation de l'épargne par des prélèvements sociaux.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a insisté sur le fait qu'à législation constante, les prélèvements sur les entreprises s'accroîtraient de 23,7 milliards de francs en 1998, avant prise en compte des aggravations adoptées par l'Assemblée nationale (environ 2 milliards de francs) avec des effets nuisibles tels que la recherche de productivité au détriment de l'emploi, les hausses de prix dans les secteurs abrités, l'attentisme en matière d'investissement et la dégradation de notre compétitivité fiscale par rapport à nos grands concurrents étrangers.

Pour les ménages, et selon les mêmes hypothèses, l'aggravation serait de 10 milliards de francs au titre du projet de loi de finances et de 23 milliards de francs supplémentaires au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit 8 milliards de francs de plus que le gain de 15 milliards de francs induit par le basculement de la cotisation d'assurance maladie sur la contribution sociale généralisée.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé que ces choix fiscaux aboutissaient à renier les engagements de l'Etat puisque l'abandon du processus quinquennal d'allégement de l'impôt sur le revenu, adopté l'année dernière, ajouterait (au poids déjà élevé de l'impôt), la nuisible réputation d'instabilité et d'absence de lisibilité de notre fiscalité. Il a annoncé qu'il proposerait donc le rétablissement du dispositif de réduction de l'impôt sur le revenu adopté l'an dernier, tel qu'il avait été configuré pour 1998. A l'inverse, il ne proposerait pas de revenir sur les mesures d'urgence, bien que rejetées par le Sénat, mais adoptées récemment par l'Assemblée nationale, dans le souci de ne pas changer à tout moment la règle fiscale, ce qui découragerait les contribuables.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a précisé qu'il proposerait, au Sénat, de réduire les prélèvements sur les Français, au titre du budget pour 1998, de 22,450 milliards de francs, dont 18 milliards de francs environ pour la baisse de l'impôt sur le revenu engagée en 1997, afin de marquer ainsi la volonté du Sénat de poursuivre la décrue des impôts amorcée l'année dernière.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a conclu en rappelant que la politique du Gouvernement, telle qu'elle se traduit dans le projet de loi de finances pour 1998, aurait pu justifier, comme en 1992, un rejet du budget pour exprimer clairement le désaccord du Sénat. Toutefois, cette démarche aurait eu pour effet d'empêcher la Haute Assemblée de proposer les alternatives souhaitables et possibles aux choix du Gouvernement. Aussi, la solution préconisée par le rapporteur général sera d'adopter un "budget infléchi" comportant les corrections nécessaires, c'est-à-dire une vraie réduction des dépenses, pour prélever moins d'impôts, grâce à la mise en oeuvre d'une nécessaire et urgente réforme de l'Etat.

Un large débat s'est ensuite instauré au sein de la commission.

En réponse à M. Roland du Luart, le rapporteur général a estimé à 43 milliards de francs le montant des prélèvements fiscaux prévus dans le projet de loi de finances pour 1998, tandis que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 préconisait des prélèvements supplémentaires de 12,7 milliards de francs.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite souligné que le respect des critères de Maastricht en 1998 supposait une hypothèse optimiste d'amélioration des comptes spéciaux. Il a, par ailleurs, annoncé qu'il soumettrait à l'examen de la commission, après vérifications techniques, une présentation du budget de l'Etat en sections de fonctionnement et d'investissement pour 1997 et 1998.

S'agissant des dépenses de fonction publique, M. Alain Lambert, rapporteur général, a souligné qu'elles progressaient de 3,3 % en 1998, pour atteindre 610 milliards de francs, et que l'administration française, dont le poids était manifestement excessif, se devait d'améliorer son efficacité. Il a insisté sur la nécessité pour l'Etat de moderniser la gestion de ses ressources humaines, une étude récente de l'OCDE montrant que la France, par rapport à ses partenaires, avait très nettement privilégié l'emploi public tout en aggravant la situation du chômage.

Répondant à M. Marc Massion, le rapporteur général a insisté sur le fait que ses positions s'inscrivaient dans la continuité des positions prises sur les précédents budgets, et il a estimé que les précautions prises par le Gouvernement pour afficher les prévisions économiques n'étaient en rien une garantie contre une fragilisation du solde budgétaire. Il a enfin souligné que le niveau et l'affectation des effectifs publics ne devaient pas être figés dans un contexte où les missions de l'Etat évoluaient fortement.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a, par ailleurs, précisé que des informations sur l'augmentation des prélèvements obligatoires au cours des années passées figureraient dans le rapport général sur le projet de loi de finances pour 1998. Il a souligné que les hausses d'impôts opérées par le précédent Gouvernement n'avaient pas été remises en cause par le Gouvernement actuel.

En réponse à M. Maurice Blin, le rapporteur général a adhéré à la suggestion de séparer, dans l'appréciation portée sur la fonction publique, les agents affectés à la gestion de l'Etat traditionnel de ceux affectés aux nouveaux problèmes économiques et sociaux.

Répondant à MM. Roland du Luart et Philippe Marini, le rapporteur général est convenu de la nécessité de réexaminer les méthodes d'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin, ou bien de "consolider" ce texte avec celui du projet de loi de finances, ou bien d'affecter l'examen des dépenses sociales à la commission des affaires sociales, en réservant l'examen des recettes à la commission des finances.

Répondant à M. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur général a rappelé que les recommandations de l'audit réalisé au mois de juillet dernier par MM. Nasse et Bonnet, quant à la nécessité de rendre plus efficiente la dépense publique, avaient été perdues de vue dans l'élaboration du projet de loi de finances pour 1998.

En réponse à M. Joël Bourdin, le rapporteur général est convenu de la surestimation possible du taux de croissance pour 1998.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite approuvé l'observation de M. Yann Gaillard, soulignant que la note récente de M. Jean Choussat sur la fonction publique, commentée dans la presse, était un document interne à l'inspection générale des finances. Il a estimé indispensable d'approfondir le contrôle sur les crédits dévolus aux dépenses de fonction publique, en passant outre aux réticences éventuelles des ministères.

Répondant à M. Philippe Adnot, le rapporteur général a estimé que le rôle des rapporteurs spéciaux était de contrôler très précisément l'utilisation des crédits des budgets concernés. Il est convenu de l'existence de doublons dans l'administration, à ses divers échelons.

En réponse à M. Denis Badré, le rapporteur général a rappelé que les travaux menés l'an passé par la commission sur la dépense fiscale avaient été complétés par des études menées par la Cour des Comptes. Il a précisé que les dépenses de remboursements et dégrèvements ne pouvaient être considérées comme dépenses fiscales, n'ayant pas d'objet économique ou social.

Répondant à M. Paul Loridant, le rapporteur général a souligné la différence de principe entre la démarche qu'il préconisait sur la maîtrise de la dépense et la recherche d'économies, en cours de discussion budgétaire, à laquelle s'était livrée l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1997.

En conclusion, M. Christian Poncelet, président, a insisté sur l'intérêt de la démarche de maîtrise de la dépense publique préconisée par le rapporteur général, et a rappelé la nécessité de pouvoir faire le point chaque année de l'utilisation des crédits du budget de l'Etat en cours d'exercice, sur présentation des rapporteurs spéciaux de la commission.



1 L'acquis de croissance est le taux de croissance annuel qui serait observé si la variable concernée restait au niveau atteint le dernier trimestre connu au cours du reste de l'année ou de la période examinée.

2 Il est à ce propos intéressant de relever que la satisfaction que procure la faiblesse des gains de productivité en période de sous-emploi laisse place à la crainte qu'elle suscite dès qu'on se rapproche du plein emploi des facteurs

3 On rappelle qu'en 1996, l'emploi total avait diminué de 84.000 unités.

4 Voir P. 21 du Tome I du rapport économique, social et financier.

5 Le terme brute signifie que les amortissements ne sont pas décomptés de l'investissement.

6 Cette analyse se fonde d'ailleurs sur une méconnaissance de la contribution importante des remises de dettes classées en comptabilité nationale en "Autres transferts en capital" à l'évolution de la capacité de financement des entreprises.

7 Ainsi, le total des dépenses courantes de la dette et de la fonction publique passe de 51 % du budget en 1990 à près de 64 % en 1997. De leur côté, les dépenses relatives à l'emploi et aux divers "guichets sociaux" montent de 12,5 % en 1990 à près de 17 % en 1997. En toute rigueur, il faudrait y ajouter les dépenses résultant d'engagements, notamment contractuels, de l'Etat et une partie des interventions économiques dont le déclenchement est automatique.

8 A structure constante, une diminution de 9,55 milliards de francs étant enregistrée en 1995 parallèlement à l'affectation d'un produit supplémentaire de TVA au budget annexe des prestations sociales agricoles.

9 Ceci n'est pas propre à la France. Voir "le compte du logement 1997" pages 143 à 169 - Edition Economica. Voir également "Livre blanc sur les aides personnelles au logement" -Union des HLM- Congrès de bordeaux 1996, et "Les évolutions des aides à la personne en Europe" -. Laurent GHEKIERE - CECODHAS.

10 Sous son angle budgétaire : L'Etat mène aussi des politiques d'intervention à travers la dépense fiscale, de l'ordre de 360 milliards de francs en 1997.

11 Rapport du comité de réflexion présidé par M. Onno Ruding et portant sur les orientations en matière de fiscalité des entreprises dans le cadre de l'approfondissement du marché intérieur. 18 mars 1992.

12 Etude réalisée pour le compte du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie entre mars et septembre 1997.

13 les entreprises tiennent compte d'autres éléments tels l'environnement politique et juridique, la qualité des infrastructures, le coût du travail, la formation des employés ...

14 à l'exception des titres de participation et de la concession d'éléments de la propriété industrielle (licences d'exploitation de brevets ou d'inventions brevetables).

15 Les bases ont augmenté de 42 % en volume entre 1988 et 1995, alors que le PIB n'a crû que de 12 % en volume sur la même période.

16 Entre 1988 et 1995, le produit perçu par les collectivités a augmenté de 71 % en francs courants et de 44 % en francs constants. Les cotisations pesant sur les entreprises ont crû de 50 % en francs courants et de 30 % en francs constants, et la charge totale directe de la taxe professionnelle pour le budget de l'Etat a augmenté de 110 %.

17 Ces dispositifs ont coûté 53,5 milliards de francs à l'Etat en 1995, ce qui représentait plus du tiers du produit perçu par les collectivités territoriales, contre moins du quart en 1988.

18 En 1995, plus de la moitié des communes avaient une base par habitant inférieure de 80 % à la base nette moyenne par habitant (10.742 francs).

19 Alors que l'écart va de 1 à 6 pour la France continentale toutes collectivités bénéficiaires confondues, il atteint 1 à 44 pour les communes.

20 Le remplacement de l'assiette actuelle par la valeur ajoutée alourdirait le coût du travail, les frais de personnel ne représentant que 35 % de la base actuelle contre 70 % avec une assiette valeur ajoutée ; par ailleurs, la valeur ajoutée n'étant pas localisable géographiquement, une assiette de ce type supposerait de nationaliser le prélèvement ; enfin, la valeur ajoutée ne reflète pas forcément la santé économique et financière d'une entreprise.

21 De 1988 à 1995, les augmentations du produit de taxe professionnelle qui peuvent être attribués à des hausses de taux ont été de 21,4 milliards de francs.

22 Le chiffre d'affaires et le bénéfice imposables sont fixés forfaitairement pour les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 500.000 F pour les entreprises dont l'objet principal est de vendre des produits et 150.000 F pour les autres entreprises.

23 Les limites du régime réel simplifié sont respectivement de 5 millions de francs et de 1,5 million de francs.

24 Loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier adoptée par l'Assemblée nationale en dernière lecture le 21 octobre 1997.

25 Y compris les opérations temporaires et les remboursements et dégrèvements d'impôts.

26 Articles 11 et 13 et article premier de l'ordonnance. A titre d'exemple, l'arrêté du 10 juillet 1997 annule la quasi totalité des crédits du fonds de gestion de l'espace rural alors même que l'abondement de ce fonds avait fait l'objet de longs débats au Parlement : l'Assemblée nationale et le Sénat avaient "obtenu" une majoration de 150 millions de francs des crédits correspondants.

27 L'ordonnance de 1959 dispose judicieusement, en son article 38, que : "si aucun projet de loi de finances rectificative n'est déposé avant le 1er juin, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques ." Toutefois, et de pratique constante, ce rapport est muet sur l'aspect finances publiques considérées dans l'optique de l'exécution budgétaire.

28 Parmi ceux-ci, il convient de distinguer les comptes d'affectation spéciale -qui financent souvent des actions analogues à celles du budget général à partir de ressources affectées- des autres catégories de comptes spéciaux. Les dépenses des CAS sont en outre des opérations à caractère définitif.

29 Rapport sur le projet de loi de finances portant règlement définitif du budget de 1994 (Sénat n° 428, question n° 1 Page 91) sur la comptabilisation des dépenses d'investissement de l'Etat.

30 L'objectif du précédent gouvernement était d'atteindre 3 % en 1997.

31 En tenant compte des mesures d'aménagement des droits de la loi de finances pour 1997.

32 Il est vrai que ces derniers avaient retenu une fourchette allant de 15 à 17 milliards de francs pour estimer la révision de recettes fiscales. Mais ils avaient cependant privilégié le chiffre haut de la fourchette.

33 Et ce sans préjudice de l'aggravation de la fiscalité de l'épargne prévue par ailleurs.

34 Rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1996.

35 Aux termes de l'article 33 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 : "les services votés représentent le minimum de dotations que le gouvernement juge indispensables pour poursuivre l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement.

36 La dépense "induite" de fonction publique comporte, au-delà des charges de personnel, les pensions aux anciens combattants, indexées sur les traitements de la fonction publique, ainsi que la subvention à l'enseignement privé.

37 Cette proposition illustre la continuité des réflexions et des prises de position de votre commission des finances. En effet, dans tous ses travaux, la commission a insisté sur la nécessaire maîtrise de la dépense publique, préalable à la décrue des prélèvements obligatoires. Lors de l'analyse du projet de budget pour 1996 (Sénat n° 77, annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995), elle a souligné la nécessité absolue d'une politique d'économies et tracé les grandes lignes d'une stratégie pour le Parlement.

A l'occasion de l'examen de la résolution sur la situation de déficit excessif en France (Sénat n° 447, annexe au procès-verbal de la séance du 19 juin 1996), elle s'est notamment félicitée de ce que : "la recommandation encourage le gouvernement à réduire les dépenses de l'Etat en termes réels pour 1997". Au terme d'une analyse des politiques budgétaires conduites dans plusieurs pays de l'OCDE, elle a constaté que "les politiques d'ajustement ayant permis une diminution du ratio dette publique/PIB ont toutes comporté des mesures de réduction des dépenses et, plus particulièrement, des dépenses sociales et de transfert et des dépenses de personnel."

Enfin, son rapport d'information sur le débat d'orientation budgétaire de 1996 (Sénat n° 369, annexe au procès-verbal de la séance du 15 mai 1996), préconisait une "action forte sur les dépenses" et proposait plusieurs améliorations de la procédure budgétaire susceptibles de permettre d'atteindre cet objectif.


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