Rapport n° 420 - Projet de loi sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales
M. Michel ALLONCLE
Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport n° 420 - 1996/1997
Table des matières
- INTRODUCTION
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT 22 Texte transmis par le gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 420
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 septembre 1997
RAPPORT
FAIT
nom de la commission des Affaires
étrangères, de la
défense et des forces armées (1)
sur le projet de loi
autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention cadre
européenne sur la
coopération transfrontalière des
collectivités ou autorités territoriales
(ensemble trois
déclarations),
|
Par M. Michel ALLONCLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc
Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès,
Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre,
MM.
Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac,
Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin,
André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel
Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard
Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette
Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard
Plasait, Régis Ploton, Michel Rocard, André Rouvière,
André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
371
(1996-1997).
Traités et conventions.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation du
protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la
coopération transfrontalière des collectivités ou
autorités territoriales, signé à Strasbourg le 9 novembre
1995.
Ce protocole complète la convention dite "de Madrid",
élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe et
signée le 21 mai 1980.
En se souciant depuis de nombreuses années de la coopération
transfrontalière, le Conseil de l'Europe a rejoint une
préoccupation qui ne cesse de s'amplifier au sein des
collectivités territoriales, sous le double effet de l'ouverture des
frontières et de l'intégration européenne d'une part, et
du mouvement de décentralisation d'autre part.
Cette aspiration s'est traduite, en France, par une évolution de la
législation qui a peu à peu élargi les
possibilités, pour les collectivités locales, de traiter avec des
collectivités étrangères voisines. La France a
également conclu avec la plupart des pays voisins des conventions
internationales permettant de donner une meilleure assise juridique aux
relations de coopération transfrontalière.
Votre rapporteur a eu l'occasion, dans un passé récent,
d'analyser dans le détail la problématique de la
coopération transfrontalière en France à l'occasion de
l'examen par le Sénat du traité de Bayonne du 10 mars 1995
entre la France et l'Espagne, et de l'accord de Karlsruhe du 23 janvier 1996
entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse (voir documents du
Sénat n
os
20 et 132, 1996-1997).
Aussi se contentera-t-il de rappeler brièvement l'évolution
récente du cadre de la coopération transfrontalière en
France avant d'analyser le protocole additionnel à la convention-cadre
du Conseil de l'Europe qui, en s'inspirant des conceptions françaises,
vise à fournir un certain nombre de principes juridiques aux pays qui
souhaitent développer les relations transfrontalières entre
collectivités locales.
I. LA FRANCE DISPOSE DÉSORMAIS D'UN CADRE JURIDIQUE ÉTOFFÉ POUR DÉVELOPPER LES COOPÉRATIONS TRANSFRONTALIÈRES ENTRE COLLECTIVITÉS LOCALES
Depuis la loi de décentralisation de 1982 qui, la première et très modestement, abordait le domaine de la coopération transfrontalière entre collectivités locales, le droit français a considérablement évolué, tant sur le plan de la législation interne que grâce à divers accords interétatiques conclus avec plusieurs pays voisins.
A. L'ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION INTERNE
La loi de décentralisation du 2 mars 1982 permettait
aux conseils régionaux, avec l'autorisation du gouvernement, de nouer
des contacts avec les collectivités locales étrangères
limitrophes. Bien que très insuffisant puisqu'il ne concernait que les
régions et qu'il n'envisageait aucune modalité précise
pour mettre en oeuvre concrètement des projets transfrontaliers, ce
texte précurseur jetait les bases de la reconnaissance de la
capacité des collectivités locales à traiter avec des
autorités ou des organismes étrangers.
Les avancées concrètes ont été apportées par
la loi du 6 janvier 1992 sur l'administration territoriale de la
République et la loi d'orientation du 4 février 1995 pour
l'aménagement et le développement du territoire, qui ont
défini les principes généraux de l'action des
collectivités locales en matière de coopération
transfrontalière et les instruments juridiques de cette
coopération.
En premier lieu est reconnu le
droit, pour les collectivités
françaises, de contracter avec des collectivités
étrangères
, ce droit étant assorti de plusieurs
conditions :
-
les collectivités doivent rester dans les limites de leurs
compétences,
c'est-à-dire qu'elles ne peuvent s'engager sur
un domaine qui relève de l'Etat, d'une autre collectivité locale
française ou du secteur privé ;
-
elles doivent respecter les engagements internationaux de la France
;
- elles ne peuvent en aucun cas passer convention avec un Etat
étranger
;
-
les conventions passées avec les collectivités
étrangères sont soumises au
contrôle de
légalité de droit commun
, ce qui signifie qu'elles n'entrent
en vigueur qu'après transmission au préfet qui peut, dans les
deux mois, les déférer au tribunal administratif.
En deuxième lieu,
les collectivités étrangères
d'Etats membres de l'Union européenne peuvent adhérer à
deux types d'organismes de droit français
:
- le
groupement d'intérêt public
contribuant à la
coopération interrégionale et transfrontalière ou au
développement social urbain, qui est une personne morale dotée de
l'autonomie financière. Il doit comprendre au moins une personne
publique et
il ne peut avoir de but lucratif.
Sa convention
constitutive doit être approuvée par les ministres de
l'intérieur et du budget. L'Etat y est représenté par un
commissaire du gouvernement ou un contrôleur d'Etat ;
- la
société d'économie mixte locale
, sous
réserve d'un accord interétatique préalable qui doit
comporter une règle de réciprocité. La
société doit avoir pour seul objet l'exploitation de services
publics d'intérêt commun.
Enfin,
la possibilité pour des collectivités françaises
de participer à des organismes de droit étranger
a
été ouverte par la loi d'orientation du 4 février
1995 pour l'aménagement et le développement du territoire qui
autorise les collectivités territoriales françaises ou leurs
groupements à adhérer à des organismes publics de droit
étranger ou à participer au capital d'une personne morale de
droit public étranger comprenant au moins une collectivité ou un
groupement d'un Etat européen frontalier.
Plusieurs conditions sont néanmoins posées :
- cette participation doit s'effectuer dans le respect des compétences
des collectivités et des engagements internationaux de l'Etat ;
- l'organisme étranger doit avoir pour objet exclusif l'exploitation
d'un service public ou la réalisation d'un équipement local
d'intérêt commun ;
- l'admission ou la participation sera
autorisée par décret en
Conseil d'Etat
;
-
l'engagement financier des collectivités françaises ne
pourra dépasser 50 % du budget de l'organisme ;
- enfin, la convention d'adhésion sera soumise au contrôle de
légalité de droit commun et les organismes devront fournir des
comptes certifiés par un commissaire aux comptes.
Une étape supplémentaire pourrait être franchie par
l'introduction dans le droit français du
groupement local de
coopération transfrontalière
, formule juridique nouvelle
créée par l'accord de Karlsruhe du 23 janvier 1996 entre la
France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse. Soumis au droit interne
applicable aux établissements publics de coopération
intercommunale dans le pays où il possède son siège, ce
groupement se veut un instrument adapté aux exigences de la
coopération tranfrontalière, notamment pour la maîtrise
d'ouvrage de projets transfrontaliers ou la gestion d'équipements
communs. Une modification du code général des
collectivités territoriales visant à créer cette
catégorie nouvelle est actuellement à l'étude.
B. LA CONCLUSION DE TROIS ACCORDS INTERNATIONAUX
La France est actuellement partie à
trois accords
interétatiques de coopération transfrontalière
qui
sont révélateurs de l'évolution rapide du droit interne.
L'accord franco-italien
concernant la coopération
transfrontalière entre collectivités territoriales, signé
à Rome le 26 novembre 1993 et publié par décret du 2
janvier 1996, concerne l'ensemble des régions et collectivités
frontalières des deux pays y compris la Corse, mais son champ
géographique est limité, pour la partie italienne, aux
collectivités situées, au moins en partie, dans la zone
frontalière de 25 km à compter de la frontière
franco-italienne. Des discussions sont en cours avec les autorités
italiennes afin de donner une portée plus large à l'accord
côté italien, dans un souci de symétrie.
L'accord franco-italien énumère des domaines très divers
de coopération : développement urbain et régional,
transports et communications, énergie, protection de l'environnement,
traitement des déchets, collecte des eaux usées et
épuration, enseignement et recherche, formation, santé, culture
et sport, assistance mutuelle en cas de catastrophe, développement
économique et social, amélioration des structures agraires,
tourisme.
Il précise simplement que les accords conclus entre collectivités
doivent respecter des procédures internes de chaque Etat.
Sur un plan pratique, les actions de coopération entre
collectivités françaises et italiennes restent encore peu
développées. On peut citer les actions conjointes menées
par les villes de Vintimille et de Menton dans le domaine de l'urbanisme et de
l'environnement.
Le
traité franco-espagnol
signé à Bayonne le 10
mars 1995 pose quant à lui le principe de la liberté pour les
collectivités frontalières de passer des conventions de
coopération sous réserve de respecter la
prééminence du droit interne et les compétences de chaque
collectivité. Des domaines tels que les pouvoirs de police ou la
fiscalité sont expressément exclus du champ de la
coopération.
Le traité permet la participation des collectivités espagnoles
à des groupements d'intérêt public ou des
sociétés d'économie mixte locales françaises, et
réciproquement. Il définit les règles de base (statut,
procédures, responsabilité financière) que doivent
respecter les organismes de coopération. Enfin, il précise les
modalités de mise en oeuvre et de fonctionnement de la commission
franco-espagnole de coopération transfrontalière dont la
création avait fait l'objet d'un échange de lettres lors du
Sommet franco-espagnol de Foix le 21 octobre 1994.
De nombreuses relations transfrontalières existent déjà
entre collectivités françaises et espagnoles.
La structure la plus notable, par son champ géographique très
vaste, est certainement la
communauté de travail des
Pyrénées
qui réunit les régions
françaises et les autonomies espagnoles couvertes par le traité
de Bayonne ainsi que l'Andorre.
Créée en 1983, la communauté de travail des
Pyrénées a pour objet, au travers de rencontres
régulières des élus représentant les
collectivités frontalières, d'échanger des informations et
d'aborder les questions d'intérêt commun. Elle s'est notamment
penchée sur les problèmes liés aux voies de communication,
à la formation et à la recherche, au patrimoine culturel et au
développement du massif pyrénéen.
Par ailleurs, les régions Languedoc-Roussillon et
Midi-Pyrénées se sont regroupées, avec la Catalogne, au
sein de l'Eurorégion dont la charte constitutive a été
signée en octobre 1991. L'Eurorégion entend promouvoir,
auprès des gouvernements français et espagnol, des dossiers
d'intérêt commun tels que le TGV méditerranéen. Elle
a également favorisé des projets émanant des
collectivités locales dans le domaine de la recherche et de l'emploi.
A l'ouest de la chaîne, la Région Aquitaine et le Pays Basque ont
mis en place en 1990 une coopération, élargie à la Navarre
en 1992, sous la forme d'un
fonds commun Aquitaine-Euskadi-Navarre
doté de moyens financiers lui permettant de soutenir des projets
dans le domaine des échanges économiques et culturels, de la mise
en place de réseaux scientifiques et technologiques, de la formation.
Il faut enfin mentionner la signature le 18 janvier 1993 d'un
protocole
d'accord entre la Députation de Guipuzcoa et le district
Bayonne-Anglet-Biarritz
, qui associe côté français, le
conseil régional d'Aquitaine, le conseil général des
Pyrénées Atlantiques, les communes de Saint-Jean-de-Luz et
d'Hendaye, et côté espagnol, le gouvernement de la
communauté autonome d'Euskadi et les communes d'Irun et de
Saint-Sébastien.
Les thèmes visés par ce protocole portent sur l'urbanisme
(politique foncière, habitat, aménagement), sur l'environnement
(assainissement, traitement des déchets), sur les infrastructures
(ports, routes, aéroports), sur les transports et sur l'économie
(implantation d'entreprises, zones d'activités, transferts de
technologie).
La coopération doit permettre notamment de définir la
complémentarité des équipements existants, le
dimensionnement et le rôle des équipements futurs et d'harmoniser
les prises de décisions dans des secteurs tels que l'urbanisme, les
transports et les infrastructures.
Elle entend favoriser l'émergence et le développement d'une
agglomération transfrontalière de 600 000 habitants,
s'étendant sur 50 kilomètres entre Bayonne et
Saint-Sébastien.
Le traité de Bayonne fournit désormais la possibilité de
créer des organismes dotés de la personnalité juridique et
de l'autonomie financière pouvant assurer la maîtrise d'ouvrage
pour la réalisation d'opérations communes.
Un premier exemple concret pourrait être fourni par la création,
actuellement projetée, d'un
" consorcio "
associant
les
trois communes d' Hendaye en France, d'Irun et de Fontarrabie en Espagne,
afin de créer et de gérer des services publics locaux
d'intérêt commun. La participation de la commune d'Hendaye
à cet organisme de droit espagnol devra être soumise, pour
autorisation, au Conseil d'Etat.
Enfin,
l'accord de Karlsruhe,
conclu entre la France, l'Allemagne, le
Luxembourg et la Suisse le 23 janvier 1996, représente une étape
supplémentaire dans l'édification du cadre juridique de la
coopération transfrontalière. En effet, outre son
caractère quadripartite, il présente la particularité de
créer un nouvel instrument de coopération, le groupement local de
coopération transfrontalière, dont il définit le statut et
qui pourra assurer la maîtrise d'ouvrage d'équipements
transfrontaliers.
Son champ d'application couvre les zones frontalières de Longwy à
Mulhouse, zones dans lesquelles les relations transfrontalières entre
collectivités sont déjà largement
développées. Ainsi l'accord de Karlsruhe doit-il permettre de
franchir un stade supplémentaire en favorisant la mise en oeuvre de
projets transfrontaliers.
Parmi les actions susceptibles de s'inscrire dans le cadre de cet accord, on
peut citer le projet de convention entre la communauté urbaine de
Strasbourg et le Kreis de l'Ortenau relative à l'exploitation commune
d'une usine de traitement des ordures ménagères. Cette
exploitation pourrait s'effectuer par le biais d'un groupement local de
coopération transfrontalière dont la compétence pourrait
ensuite éventuellement s'élargir au traitement des eaux
usées.
De même, un groupement local de coopération
transfrontalière pourrait constituer la structure appropriée pour
la gestion de la réserve de biosphère commune franco-allemande,
dont la création a été décidée entre le Parc
naturel régional des Vosges du Nord et le Naturpark Pfaelzerwald.
Deux organismes transfrontaliers de coopération intercommunale
pourraient également voir le jour entre des communes de Haut-Rhin et
leurs voisines allemandes.
Enfin, un ensemble d'organismes transfrontaliers existants pourraient se
transformer en groupement local de coopération transfrontalière
afin de surmonter diverses difficultés juridiques.
II. LE PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION DE MADRID : UN INSTRUMENT INTERNATIONAL FORTEMENT INFLUENCÉ PAR L'EXPÉRIENCE FRANÇAISE
Apparaissant comme l'une des applications les plus
concrètes de la construction européenne, la coopération
transfrontalière a retenu l'attention des instances européennes.
Sur le plan financier, l'
Union européenne
, au travers du
programme INTERREG
, a dégagé d'importants moyens pour
soutenir des projets à vocation transfrontalière. Sur le plan
institutionnel, le
Conseil de l'Europe
s'est quant à lui
efforcé d'établir un socle juridique permettant aux
différents pays européens, par delà les différences
d'organisation administrative et de législation, de mener des actions de
coopération transfrontalière décentralisée.
Elaborée à son initiative, la
convention-cadre du 21 mai 1980
apparaît surtout comme un premier jalon posé sur la voie d'un
développement de la coopération transfrontalière entre
collectivités locales, dont la pertinence est reconnue et la pratique
encouragée. Le
protocole additionnel du 9 novembre 1995
constitue le
complément nécessaire
à cette
convention-cadre et il entend apporter des réponses juridiques
précises aux problèmes soulevés par la coopération
transfrontalière en définissant les moyens d'engager la
réalisation de projets concrets.
La France apparaît dans ce domaine comme un pays précurseur en
Europe. Elle a pris une part très active à l'élaboration
de ce protocole additionnel qui permet en quelque sorte d'étendre
à nos partenaires du Conseil de l'Europe des solutions
déjà éprouvées dans notre pays.
A. LES INSUFFISANCES DE LA CONVENTION DE MADRID
La convention-cadre européenne sur la
coopération transfrontalière des collectivités ou
autorités territoriales, dite "convention de Madrid" du 21 mai
1980, a été signée et ratifiée par les 20 Etats
suivants : France, Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande,
Hongrie, Irlande, Italie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Norvège,
Pays-Bas, Pologne, Portugal, Suède, Suisse et Ukraine. Un 21e Etat, la
Roumanie, a également signé la convention mais ne l'avait pas
encore ratifiée à la date de rédaction du présent
rapport.
La convention de Madrid s'attache essentiellement à définir des
principes très généraux.
Les Etats s'engagent
"à faciliter et à promouvoir la coopération
transfrontalière entre les collectivités ou autorités
territoriales" et à "promouvoir la conclusion des accords et
arrangements qui s'avéreront nécessaires à cette fin dans
le respect des dispositions constitutionnelles propres à chaque partie".
La convention rappelle que "la coopération transfrontalière
s'exercera dans le cadre des compétences des collectivités ou
autorités territoriales, telles qu'elles sont définies par le
droit interne", l'étendue et la nature de ces compétences ne
pouvant être affectées par la convention. Chaque partie est
invitée à s'efforcer de "résoudre les difficultés
d'ordre juridique, administratif ou technique qui sont de nature à
entraver les développements et le bon fonctionnement de la
coopération transfrontalière" et à envisager
"l'opportunité d'accorder aux collectivités ou autorités
territoriales qui y participent les mêmes facilités que dans le
cas où la coopération s'exercerait sur le plan interne".
Par ailleurs, dans son article 3, la convention de Madrid précise que
"dans le cas où les parties contractantes estiment nécessaire de
conclure des accords interétatiques, ceux-ci peuvent notamment fixer le
cadre, les formes et les limites dans lesquelles ont la possibilité
d'agir les collectivités et autorités territoriales
concernées par la coopération transfrontalière". Se
référant à cette disposition, le gouvernement
français avait déclaré, lors de la signature de la
convention de Madrid, qu'il subordonnait l'application de celle-ci à la
conclusion d'accords interétatiques.
Cette réserve est par
la suite devenue incompatible avec la législation interne : la loi du 6
février 1992 sur l'administration territoriale de la République
avait reconnu la capacité des collectivités locales de contracter
avec des collectivités étrangères, si bien que le maintien
de la réserve française à la convention de Madrid
conduisait à exiger un accord interétatique préalable en
cas de coopération transfrontalière alors que celui-ci
n'était pas nécessaire pour d'autres formes de coopération
décentralisée avec des collectivités de pays non
frontaliers. Aussi la France a-t-elle procédé par lettre du
24 janvier 1994 au retrait de sa déclaration. On doit signaler que
deux de nos voisins, l'Italie et l'Espagne, ont cependant jusqu'à
présent maintenu une déclaration similaire, subordonnant à
la conclusion d'un accord interétatique préalable les actions de
coopération transfrontalière. Il en va de même du Danemark,
de la Finlande, de la Hongrie, des Pays-Bas et de la Suède.
D'une manière plus générale, la convention de Madrid ne
comporte aucun engagement précis. Elle ne reconnaît pas
réellement le droit des collectivités locales de conclure des
accords de coopération transfrontalière puisque celui-ci reste
très dépendant du bon vouloir des autorités
gouvernementales. Enfin, elle n'apporte pas de précisions juridiques
permettant de résoudre les difficultés concrètes
rencontrées par la mise en oeuvre de la coopération
transfrontalière décentralisée en raison des
différences d'organisation administrative et de législation.
Pour inciter les Etats à franchir un pas supplémentaire dans le
développement de la coopération transfrontalière, un
instrument juridique plus précis et plus complet que la convention de
Madrid s'avérait nécessaire. C'est dans cette perspective qu'a
été élaboré le protocole additionnel signé
le 9 novembre 1995.
B. UN COMPLÉMENT NÉCESSAIRE : LE PROTOCOLE ADDITIONNEL DU 9 NOVEMBRE 1995
Conscient des limites de la convention de Madrid, le Conseil
de l'Europe a mandaté un comité restreint d'experts pour la
coopération transfrontalière et inter-régionale en vue
d'élaborer un protocole additionnel, l'objectif étant de
permettre aux actes conclus par les collectivités locales dans le cadre
de cette coopération de posséder une valeur juridique de droit
interne mais aussi de poser les bases d'une
structure juridique capable de
conduire des projets transfrontaliers
, qu'il s'agisse de réaliser
des investissements ou de gérer des équipements communs.
Il n'est pas indifférent que la
présidence de ce comité
d'experts
soit revenue à la France, en la personne du
Délégué pour l'action extérieure des
collectivités locales
qui, placé auprès du ministre
des Affaires étrangères, constitue le véritable
coordinateur de toutes les initiatives prises depuis plusieurs années
pour le développement de la coopération transfrontalière,
tant sur le plan administratif et juridique que diplomatique. Ainsi, les
réflexions menées et les solutions mises en oeuvre en France,
lors de l'adaptation de notre droit des collectivités locales ou lors de
la négociation d'accords avec les pays voisins, ont pu servir de
référence dans l'élaboration du protocole additionnel. Non
seulement ce dernier se révèle compatible avec nos pratiques et
notre droit mais il contribue également à étendre à
nos partenaires notre conception de la coopération
transfrontalière.
Le protocole additionnel signé à Strasbourg le 9 novembre
1995 est ouvert aux Etats déjà liés par la convention de
Madrid.
Le protocole additionnel pose clairement le
principe du droit des
collectivités territoriales de conclure des accords de
coopération transfrontalière
(article ler). Cette
liberté de principe suppose toutefois le respect par les
collectivités de leurs domaines de compétence, des règles
de légalité interne prévues par la législation
nationale et des engagements internationaux de l'Etat.
En ce qui concerne les
décisions prises dans le cadre d'un accord de
coopération transfrontalière,
le protocole additionnel
(article 2) précise qu'une fois transposées par la
collectivité concernée par un acte de droit interne, elles
possèdent la même valeur juridique que tous les autres actes pris
par cette collectivité.
Le volet le plus important du protocole additionnel est celui consacré
aux
organismes de coopération transfrontalière.
En effet,
dès lors que ces organismes ne sont plus de simples instances de
concertation mais ont vocation à mener à bien la
réalisation d'équipements ou leur gestion, les difficultés
liées à leur nature juridique et à leur statut
apparaissent.
Laissant les parties libres de doter ou de ne pas doter les organismes de
coopération transfrontalière de la personnalité juridique,
le protocole additionnel (article 3) stipule cependant que l'accord
créant un tel organisme indiquera, en respectant la législation
nationale, s'il doit être considéré comme un organisme de
droit public ou de droit privé dans l'ordre juridique dont
relèvent les collectivités contractantes.
Abordant plus précisément le statut et les règles de
fonctionnement des organismes, le protocole définit
deux
modèles d'organismes de coopération transfrontalière
possédant la personnalité juridique, les deux modèles
n'étant pas exclusifs l'un de l'autre, chaque Etat pouvant opter pour
l'application de l'un d'entre eux ou des deux modèles. Ces deux
modèles tiennent compte des pratiques en vigueur dans les Etats parties,
le premier s'inspirant de l'approche franco-allemande alors que le second
permet d'englober les formules prévues dans le cadre de la convention du
Bénélux, qui représentent une forme plus poussée de
la coopération transfrontalière.
Dans le
premier modèle
(article 4), les actes et la gestion de
l'organisme de coopération transfrontalière
relèvent de
la législation de l'Etat où il possède son
siège.
Dans ce modèle, que l'on pourrait qualifier de franco-allemand, la
nature de droit public ou de droit privé de l'organisme n'est pas
définie a priori. C'est la législation du pays hôte qui la
détermine, avec les conséquences que cela entraîne sur la
gestion et le contrôle. Les autres parties reconnaissent la
personnalité juridique de l'organisme en fonction de leur droit
national, ce qui signifie qu'un organisme de coopération
transfrontalière régi par le droit privé,
conformément à la législation du pays où il
possède son siège, pourra être considéré
comme de droit public par le pays voisin si la législation de ce dernier
applique le droit public à des organismes de même type.
En ce qui concerne
les attributions
des organismes de coopération
transfrontalière dotés de la personnalité juridique,
celles-ci -dans ce premier modèle- ne peuvent avoir une vocation
générale mais doivent se limiter à des
missions
spécifiques
confiées par les collectivités
contractantes, conformément à l'objet de l'organisme. L'organisme
n'est pas habilité à prendre des actes de portée
générale ou susceptibles d'affecter les droits et libertés
des personnes, c'est-à-dire des règlements ou des
arrêtés qui s'adressent à la
généralité des administrés ou des actes relevant de
prérogatives de puissance publique, tels que les actes d'expropriation.
Les
actes de l'organisme
, dans ce premier modèle, sont
régis par le droit du pays hôte. Son contrôle relève
du droit du pays hôte, les intérêts des autres
collectivités étant pris en compte puisque l'organisme devra
répondre aux demandes d'information des autorités des autres
Etats et qu'une coordination devra être mise en place entre les
autorités de contrôle des Etats contractants.
Sur le plan financier, l'organisme est alimenté par les participations
budgétaires des différentes collectivités participantes.
Il ne peut décider de prélèvements de nature fiscale mais
peut le cas échéant recevoir des redevances au titre des services
qu'il rend aux collectivités elles-mêmes ou aux usagers. Les
comptes de l'organisme doivent être certifiés par des experts
indépendants des collectivités participantes.
Aux côtés de ce premier type d'organisme, le protocole additionnel
définit les bases juridiques d'un
second modèle
,
inspiré des pratiques en vigueur dans le cadre de la convention de
Benelux, qui représente une
intégration plus poussée
et la mise sur pied d'une sorte de collectivité
transfrontalière et "supranationale".
Ce second modèle permet la création d'organismes de
coopération transfrontalière ayant,
pour l'ensemble des
parties contractantes,
une
nature de droit public
, et dont les actes
possèdent la même valuer juridique et produisent les mêmes
effets que s'ils avaient été pris par les collectivités
elles-mêmes. Dans ce cas, le contrôle de ces actes est identique
à celui prévu par le droit de chaque partie contractante pour les
actes des collectivités locales concernées. Une clause du
protocole prévoit toutefois que l'accord peut restreindre les
attributions de tels organismes en laissant aux collectivités
participantes le soin d'exécuter les actes qui peuvent affecter les
droits, les libertés ou les intérêts des individus. De
même, une partie contractante peut prévoir que l'organisme ne
disposera pas d'un mandat général ou ne pourra pas prendre des
actes de portée générale.
Lors de la signature du protocole additionnel, la France, l'Allemagne et la
Suède ont déclaré écarter l'application du second
modèle, préférant s'en tenir à la première
formule qui s'inscrit dans le cadre de la législation interne existante
dans chaque Etat.
A la date de rédaction du présent rapport, le protocole
additionnel avait été signé par 8 des 21 Etats-parties
à la convention de Madrid, à savoir la France, l'Allemagne, le
Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Suisse et la
Belgique, et sa ratification était intervenue dans 3 pays : la
Suède, le Luxembourg et les Pays-Bas.
*
* *
CONCLUSION
D'un strict point de vue français, le protocole
additionnel du 9 novembre 1995 apportera peu d'innovations. Il pourrait
certes permettre d'éviter le recours à un accord bilatéral
préalable pour la mise en place de coopérations
transfrontalières avec les collectivités belges et certaines
collectivités suisses, dans les zones qui ne sont pour l'instant pas
couvertes par de tels accords. En réalité, par les accords
déjà passés avec ses voisins et par sa législation
interne, la France dispose déjà d'un cadre juridique solide et se
situe donc "en avance" par rapport à la plupart des membres du Conseil
de l'Europe.
L'intérêt principal du protocole additionnel réside dans
l'effet d'entraînement qu'il pourrait provoquer, en incitant un certain
nombre de nos partenaires à adapter leur législation et en
offrant, grâce aux bases juridiques qu'il établit, une perspective
concrète pour la mise en oeuvre de projets transfrontaliers. Figurant
parmi les précurseurs en la matière, la France, par le rôle
moteur qu'elle a joué dans l'élaboration de ce texte, a
veillé à ce que le développement de la coopération
transfrontalière en Europe s'effectue en harmonie avec sa propre
législation et ses traditions juridiques. Elle a également permis
à des solutions françaises de s'exporter dans d'autres pays
membres du Conseil de l'Europe.
Compte tenu de ces éléments, votre rapporteur vous invite
à adopter le présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 17 septembre 1997, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, suivant l'avis de son rapporteur, a adopté le présent projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte présenté par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations), fait à Strasbourg le 9 novembre 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT 2(
*
)
1. Insuffisances propres à la convention-cadre
européenne sur la coopération transfrontalière des
collectivités ou autorités territoriales, dite "convention de
Madrid"
a) Le dispositif de la "convention de Madrid" se limite, outre la
reconnaissance du droit des collectivités locales de développer
entre elles une coopération décentralisée
transfrontalière, à l'énoncé de grandes
règles applicables aux conventions (respect des engagements
internationaux des Etats, respect des compétences des
collectivités territoriales).
b) La "convention de Madrid" s'analyse donc comme une déclaration peu
contraignante, ce qu'atteste la faculté laissée aux Etats par la
convention-cadre européenne de conclure des accords
interétatiques pour encadrer et limiter toute coopération
décentralisée transfrontalière entre leurs
collectivités territoriales concernées.
Par conséquent, le Conseil de l'Europe s'est attaché dans les
années 1990 à structurer la coopération
transfrontalière, en donnant notamment la possibilité aux
collectivités territoriales de créer des maîtres d'ouvrage
pour réaliser leurs projets.
2. Bénéfices escomptés de la mise en oeuvre du
protocole additionnel
a) bénéfices liés au dispositif lui-même
- reconnaissance mutuelle de la valeur des conventions de coopération
décentralisée transfrontalière conclues par des
collectivités ou autorités territoriales,
- proposition collective d'un cadre juridique adapté à la
coopération décentralisée transfrontalière
(faculté laissée aux collectivités territoriales de
recourir à un organisme de coopération transfrontalière).
b) prolongements du dispositif du protocole additionnel
- détermination d'un cadre juridique pouvant faciliter le
développement d'une coopération décentralisée
transfrontalière par certaines collectivités locales
françaises avec des collectivités de pays avec lesquels nous
n'avons pas encore d'accord (Belgique, Suisse),
- reconnaissance du modèle français par les Etats membres du
Conseil de l'Europe,
- exportation du modèle français dans l'ensemble des Etats
membres du Conseil de l'Europe (sous réserve de leur signature puis
approbation ou ratification du protocole additionnel).
1
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 371 (1996-1997)
2
Texte transmis par le gouvernement pour l'information des
parlementaires.