Rapport N° 283 : accueil des gens du voyage
M. Jean-Paul DELEVOYE, Sénateur
Commission des Lois constitutionnelles, de législation, du Suffrage universel et d'administration générale - Rapport n° 283 - 1996/1997
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I.LE PROBLÈME PERSISTANT DU STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE DANS UN TROP GRAND NOMBRE DE COMMUNES MET EN ÉVIDENCE LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF EN VIGUEUR
- A.LE STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE : UN PROBLÈME PERSISTANT DANS UN TROP GRAND NOMBRE DE COMMUNES
- 1.Une population diverse
- 2.Des comportements variables à l'égard du voyage qui rendent plus difficile une évaluation des besoins de stationnement
- a)Essai de classification des gens du voyage
- b)Les différents types de parcours: le problème des grandes migrations
- c)Des difficultés réelles pour prendre en compte les besoins de stationnement
- 3.Un problème partagé par les Etats de l'Union européenne
- II.L'INADÉQUATION DU CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE
- A.LES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA LOI DU 31 MAI 1990
- 1.Une réglementation circonstancielle
- 2.Le bilan mitigé des schémas départementaux
- 3.La mise en oeuvre de l'obligation de créer des aires de stationnement
- B.DES MOYENS DE COERCITION INSUFFISANTS POUR FAIRE FACE AUX PROBLÈMES POSÉS PAR LE STATIONNEMENT ILLÉGAL
- III.LES PROPOSITIONS DE LOI : LA RECHERCHE D'UNE MEILLEURE ADÉQUATION DES CONDITIONS D'ACCUEIL ET D'UN RENFORCEMENT DES MOYENS DE RÉPRESSION DU STATIONNEMENT ILLÉGAL
- IV.LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ROMPRE L'ISOLEMENT DES COMMUNES EN PARVENANT À UN JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE DES CONDITIONS D'ACCUEIL SATISFAISANTES DES GENS DU VOYAGE ET UNE SANCTION EFFECTIVE DU STATIONNEMENT ILLICITE
- A.UN TRAITEMENT DIFFÉRENCIÉ POUR L'ACCUEIL DES PETITS GROUPES DE GENS DU VOYAGE ET LES GRANDES MIGRATIONS TRADITIONNELLES
- 1.L'élaboration d'un schéma national d'accueil des gens du voyage
- 2.La prise en compte des grandes migrations traditionnelles dans les directives territoriales d'aménagement
- 3.L'affirmation du rôle de coordination du représentant de l'Etat dans le département pour les grandes migrations traditionnelles
- B.UNE APPROCHE PLUS RÉALISTE DES OBLIGATIONS FAITES AUX COMMUNES
- C.LA CRÉATION D'UN CADRE DE CONCERTATION ET DE MÉDIATION AU PLAN LOCAL
- D.UN ACCROISSEMENT NÉCESSAIRE DES POUVOIRS DU MAIRE POUR FAIRE CESSER LE STATIONNEMENT ILLICITE
- EXAMEN DES ARTICLES
-
Article premier
Schéma national d'accueil des gens du voyage -
Article 2
Localisation des terrains d'accueil
pour les grandes migrations traditionnelles de gens du voyage -
Article 3
(article L 2215-1-1 du code général des collectivités territoriales)
Pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département dans le cadre
des grandes migrations traditionnelles des gens du voyage -
Article 4
(article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990)
Modalités d'aménagement des aires d'accueil des gens du voyage -
Article 5
Création d'une commission consultative
départementale des gens du voyage -
Article 6
(articles 2213-6-1 et 2213-6-2
du code général des collectivités territoriales)
Moyens d'action du maire pour faire cesser
le stationnement irrégulier - Intitulé de la proposition de loi
-
TEXTE PROPOSE PAR LA COMMISSION
- TABLEAU COMPARATIF
-
ANNEXE
N° 283
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :
1) la propositionEric BOYER , Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Gérard CÉSAR, Désiré DEBAVELAERE, Jacques DELONG, Alain DUFAUT, Alain GÉRARD, Daniel GOULET, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Emmanuel HAMEL, Jean-Paul HAMMANN , Roger HUSSON, André JARROT , André JOURDAIN, Lucien LANIER, Marc LAURIOL , Jean-François LE GRAND, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Maurice LOMBARD, Max MAREST , Paul MASSON, Mme Hélène MISSOFFE , MM. Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Mme Nelly RODI , MM. Michel RUFIN, Maurice SCHUMANN, Alain VASSELLE et Serge VINÇON visant à clarifier les conditions d' accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants,
2) la proposition de loi de MM. Philippe MARINI, Honoré BAILET, Jacques BÉRARD , Jean BERNARD, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Désiré DEBAVELAERE, Jean-Paul DELEVOYE, Roger FOSSE , François GERBAUD, Daniel GOULET, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, Emmanuel HAMEL, Jean-Paul HAMMANN , Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, André JARROT , René-Georges LAURIN, Marc LAURIOL , Jacques LEGENDRE, Joseph OSTERMANN, Michel RUFIN, Martial TAUGOURDEAU et Alain VASSELLE, relative au stationnement des gens du voyage ,
Par M. Jean-Paul DELEVOYE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel Charzat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud , Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros :
Sénat : 240 et 259 (1994-1995).
Collectivités locales.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
La commission a procédé, le mardi 25 mars, sous la présidence de M. Jacques Larché et sur le rapport de M. Jean-Paul Delevoye, à l'examen de la proposition de loi n° 240 (1994-1995) de M. Louis Souvet, visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5.000 habitants et de la proposition de loi n° 259 (1994-1995) de M. Philippe Marini, relative au stationnement des gens du voyage.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a fait observer que la situation actuelle se caractérisait par un déséquilibre entre, d'une part, l'offre et la demande, d'autre part, les pouvoirs théoriques du maire pour faire cesser le stationnement illicite et les conditions de leur mise en oeuvre. Il a souligné que les discussions entre les autorités locales et les gens du voyage étaient souvent rendues plus difficiles par l'absence d'un représentant autorisé de ces derniers.
Le rapporteur a jugé utile de prévoir l'élaboration d'un schéma national qui aurait pour intérêt de mieux impliquer l'Etat dans la prise en charge des grandes migrations traditionnelles.
Puis, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a estimé qu'il ne fallait pas mettre en cause la procédure des schémas départementaux -prévus par la loi du 31 mai 1990- dont un certain nombre avait d'ores et déjà été élaboré. Il a néanmoins proposé de supprimer le seuil de 5.000 habitants prévu par la même loi pour obliger les communes à se doter d'une aire d'accueil, qui ne correspondait pas aux réalités locales.
Soulignant qu'il serait nécessaire de privilégier les solutions définies dans le cadre du schéma départemental, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a relevé que ces solutions devraient permettre de prendre en compte des sites différents selon la nature des besoins et qu'une mutualisation des coûts pourrait être prévue dans un cadre conventionnel. Il a en outre suggéré qu'une formule de médiation puisse être mise en place dans le cadre d'une commission consultative départementale.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a alors considéré que dès lors que l'offre d'accueil serait adaptée, il serait nécessaire d'engager une réflexion sur les moyens de mettre un terme au stationnement illicite. Il a en outre fait valoir qu'il serait souhaitable de doter les maires des moyens leur permettant de saisir le juge civil afin de faire cesser un stationnement irrégulier sur un terrain privé ou sur le domaine privé communal qui mettrait en cause la sécurité, la salubrité ou la tranquillité publique.
Le rapporteur s'est interrogé sur l'idée d'une subvention dégressive de l'Etat qui permettrait d'encourager une mise en oeuvre effective du schéma départemental et a avancé l'idée d'un fonds de réparation qui serait institué par l'Etat afin d'assurer une mutualisation des risques.
En conclusion, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a fait valoir que ces propositions qui concernaient spécifiquement les problèmes de stationnement devraient être suivies d'une réflexion sur la sédentarisation et sur le régime des titres délivrés aux gens du voyage qui devait être réformé. Il a enfin jugé nécessaire d'aboutir à une transparence de ces populations, en particulier sur le plan fiscal.
A l'issue d'un large débat, la commission a adopté les conclusions proposées par son rapporteur qui prévoient :
- un schéma national d'accueil des gens du voyage pour les grandes migrations traditionnelles (art. premier) ;
- la prise en compte des orientations de ce schéma national dans les directives territoriales d'aménagement (art. 2) ;
- l'affirmation du rôle du représentant de l'Etat dans le département dans le cadre de ses pouvoirs de police pour assurer une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département et inscrits au schéma national (art. 3) ;
- l'obligation pour les communes et leurs groupements de concourir à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation de terrains aménagés en vue du passage et du séjour des gens du voyage (art. 4) ;
- la mise en place d'un dispositif conventionnel associant obligatoirement l'Etat, la région, le département et la commune d'accueil ainsi que, le cas échéant, un établissement public de coopération intercommunale compétent ou tout autre organisme public et prévoyant les modalités d'aménagement de l'aire et de prise en charge des dépenses qui en résultent (art. 4) ;
- l'institution de commissions consultatives départementales des gens du voyage qui seront chargées à la fois d'établir le bilan d'application du schéma national et du schéma départemental et d'exercer une fonction de médiation (art. 5) ;
- la codification dans le code général des collectivités territoriales de la faculté pour le maire d'une commune qui a créé une aire d'accueil ou pour les maires de communes qui se sont groupées aux mêmes fins d'interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal (art. 6) ;
- la possibilité pour le maire de saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin de faire évacuer d'un terrain privé ou du domaine privé communal des caravanes stationnant irrégulièrement et dont la présence est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité, ou à la tranquillité publique (art. 6).
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Votre commission des Lois est appelée à vous présenter ses conclusions sur deux propositions de loi (n° 240, 1994-1995 ; n° 259, 1994-1995) présentées par nos collègues MM. Louis Souvet et Philippe Marini.
La proposition de loi n° 240 de M. Louis Souvet vise à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants.
La proposition de loi n° 259 de M. Philippe Marini tend à permettre au maire d'interdire le stationnement d'une durée excédant vingt-quatre heures en-dehors des aires publiques d'accueil.
Par leur objet, ces propositions de loi témoignent des difficultés croissantes auxquelles les communes sont confrontées pour régler de manière satisfaisante le stationnement sur leur territoire des divers véhicules utilisés par les gens du voyage.
Celles d'entre elles qui ont réalisé d'importants efforts pour aménager des aires d'accueil peuvent légitimement déplorer que ces efforts ne permettent pas de mettre un terme au stationnement " sauvage ". A l'inverse, les gens du voyage, dont les comportements à l'égard du voyage sont très diversifiés, ont, dans certains cas, le sentiment que les aires d'accueil ne sont pas bien adaptées à leurs véritables besoins.
Il en résulte trop souvent une confrontation des points de vue entre la population locale et les gens du voyage, préjudiciable à la paix publique.
Or, le droit positif n'apporte pas de réponses suffisantes aux difficultés rencontrées par les communes.
D'une part, telle qu'elle résulte de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, la législation en vigueur apparaît circonstancielle et en partie inadaptée notamment parce qu'elle traite la question de l'accueil des gens du voyage de façon homogène, alors que les situations sont très hétérogènes et parce qu'elle prévoit un seuil de population pour la réalisation d'aires d'accueil qui ne paraît pas correspondre aux réalités locales.
D'autre part, si des sanctions -fixées pour l'essentiel par la voie réglementaire- du stationnement illicite existent, elle ne paraissent pas suffisamment dissuasives. Quant aux procédures juridictionnelle utilisables pour faire cesser l'occupation illicite d'un terrain communal ou privé, leur utilisation peut apparaître aux élus locaux assez complexe au regard de l'urgence d'un règlement des difficultés rencontrées.
Consciente de la nécessité d'apporter un remède à ces difficultés, votre commission des Lois -après que votre rapporteur eut procédé à une très large consultation en particulier des élus locaux qui y sont directement confrontés et des représentants des gens du voyage- a examiné ces propositions de loi, animée par une double préoccupation .
En premier lieu, il s'agit de définir un équilibre satisfaisant entre le droit légitime des gens du voyage à pouvoir stationner, dans des conditions régulières, sur le territoire des communes qu'ils traversent et la volonté tout aussi légitime des élus locaux de préserver la tranquillité publique en disposant des moyens d'éviter que le stationnement illicite n'aboutisse à des confrontations dangereuses avec la population locale.
En second lieu, il est indispensable de rompre l'isolement dans lequel se trouvent trop souvent les communes concernées par le stationnement des gens du voyage, alors même que cette question devrait appeler naturellement la mise en oeuvre de solidarités au niveau intercommunal et départemental mais aussi national, voire européen, en particulier pour les grandes migrations traditionnelles.
Inspiré par cette double préoccupation, le présent rapport, après avoir situé la nature des problèmes posés par le stationnement des gens du voyage et décrit le cadre législatif en vigueur, vous présentera le contenu des propositions de loi et les conclusions auxquelles votre commission des Lois vous demandera de souscrire.
Il convient enfin de souligner que d'autres questions concernant les gens du voyage -notamment les titres de circulation, la scolarisation des enfants ou encore les problèmes de logement- appellent également une réflexion qui n'entre pas néanmoins dans le cadre du présent rapport consacré exclusivement aux problèmes du stationnement, conformément à l'objet même des propositions de loi qui vous sont soumises.
I. LE PROBLÈME PERSISTANT DU STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE DANS UN TROP GRAND NOMBRE DE COMMUNES MET EN ÉVIDENCE LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF EN VIGUEUR
A. LE STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE : UN PROBLÈME PERSISTANT DANS UN TROP GRAND NOMBRE DE COMMUNES
1. Une population diverse
a) Le nombre
Le dénombrement des gens du voyage constitue une entreprise difficile : d'une part, la très grande diversité de cette population rend délicate toute classification; d'autre part, il n'existe pas de terme permettant de définir de manière indiscutable des catégories de personnes pouvant être regardées comme des itinérants. Ainsi, le terme " nomade " utilisé par la loi du 16 juillet 1912 a disparu de la législation avec la loi du 3 janvier 1969.
Des indications ressortent néanmoins des statistiques officielles, malheureusement assez anciennes, notamment le recensement spécial réalisé en septembre 1960 et en mars 1961 et diverses enquêtes périodiques effectuées par le ministère de l'intérieur.
Le recensement de 1960-1961, qui avait pour objet de faire constater le nombre de gens du voyage itinérants aux fins d'évaluer les équipements nécessaires à leur accueil sur des terrains de stationnement, avait permis de dénombrer sur l'ensemble du territoire, à l'exception d'un département, 79 452 personnes pouvant elles-mêmes -votre rapporteur y reviendra- être classées en plusieurs catégories selon leur comportement au regard du voyage.
Les enquêtes réalisées par la suite par le ministère de l'intérieur ont permis de recenser le nombre de possesseurs d'un document administratif institué par la loi du 3 janvier 1969.
Si les personnes recensées comme étant titulaires de l'un de ces documents administratifs ne sont pas toutes des gens du voyage, néanmoins, par extrapolation, le nombre de ces derniers a pu être évalué à 140 000 personnes en 1989.
Il convient, en outre, de prendre en compte les personnes qui ne sont pas titulaires d'un titre de circulation.
Au total, le nombre de 220 à 250 000 personnes paraît rendre compte de la situation actuelle.
b) Origine et caractéristiques
Sur le fondement de leur origine, plusieurs groupes de gens du voyage peuvent être distingués.
Les tziganes sont originaires du nord-ouest de l'Inde, région qu'ils auraient quittée, autour de l'an mil sans doute sous la pression d'envahisseurs musulmans. Ils auraient atteint l'Europe occidentale au XVe siècle.
Au XIXe siècle, une deuxième migration de tziganes est liée à la suppression de l'esclavage dans les principautés roumaines de Modalvie et de Valachnie (1856) qui poussent plusieurs milliers de Roms aux quatre coins de la Terre. Cette migration est concomitante au redéploiement des tziganes d'Europe occidentale, notamment les Manouches et Yéniches qui quittent l'Alsace-Lorraine à partir de 1850, puis en 1871.
A partir de 1960, une troisième migration concerne à nouveau des Tziganes originaires de l'Europe de l'Est, par vagues successives. Une première est le fait de tziganes yougoslaves qui cherchent à s'insérer comme travailleurs immigrés dans des pays plus industrialisés. D'autres vagues, essentiellement yougoslaves, se concrétisent souvent par le développement d'une économie de cueillette. A la fin de la décennie quatre-vingt, de nouvelles vagues poussées par les difficultés économiques croissantes des pays de l'ancien bloc soviétique concernent surtout des ressortissants roumains.
Parmi les communautés tziganes, trois groupes principaux peuvent être identifiés :
- Les Manouches (de l'indien " Manusch " qui signifie homme ) ou Sinti qui se trouvent essentiellement en Belgique, en France (dans le nord et l'ouest, essentiellement des marchands), en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et au Luxembourg ;
- Les Gitans qui sont surtout localisés en Espagne (Andalousie et Catalogne), en France (Provence, Languedoc-Roussillon), au Portugal et en Italie ;
- les Roms (mot qui signifie homme en Romani, langue dérivée du sanscrit), dernier groupe arrivé en Europe occidentale, qui sont répartis dans presque tous les pays européens mais surtout en Europe de l'Est. Ils sont les plus concernés par les problèmes de migration Est-Ouest, provoqués par les bouleversements politiques et économiques de l'Europe de l'Est.
Les Yeniches sont d'origine germanique et ont depuis plusieurs générations adopté le mode de vie et les coutumes des Tziganes.
Enfin, dans une dernière catégorie, peuvent être rangés des individus isolés ou membres de multiples groupes, qui vivent en habitat mobile.
La population des gens du voyage revêt certaines caractéristiques qui en font sa spécificité : une organisation structurée autour du nomadisme, le respect des traditions, l'usage d'une langue à caractère essentiellement oral et elle-même fractionnée en de nombreux dialectes, une solidarité familiale affirmée, une tradition d'activités indépendantes et polyvalentes.
C'est une population où la proportion de jeunes de moins de 16 ans est plus forte que la moyenne nationale et où, à l'inverse, la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans est inférieure à la moyenne nationale. En outre, le respect de l'obligation scolaire est bien moins assuré chez les gens du voyage que dans les autres catégories de la population.
En dépit de leurs caractéristiques communes, les gens du voyage n'en demeurent pas moins marqués par une grande diversité des modes de vie, d'activités professionnelles et d'habitat. Cette même diversité peut être observée à l'égard du voyage.
Les structures familiales ont par ailleurs évolué, sous l'effet notamment du contexte économique qui a également remis en cause les métiers traditionnels. Les élus locaux se plaignent, souvent à bon droit, de ne pas disposer d'interlocuteurs représentatifs avec lesquels examiner les conditions de règlement des difficultés rencontrées.
Afin de favoriser la concertation entre les pouvoirs publics et les gens du voyage, un décret du 24 mars 1992 a créé une commission nationale consultative des gens du voyage qui est présidée par le Premier Ministre.
c) Le statut
La définition d'un statut particulier pour les non sédentaires a résulté en premier lieu de la loi du 16 juillet 1912 qui, d'une part, obligeait les commerçants ambulants à déclarer leur activité à la préfecture ( article premier ) et, d'autre part, astreignait les forains à détenir un carnet d'identité ( article 2 ).
Quant aux nomades, ils étaient définis de manière négative comme les individus qui " quelle que soit leur nationalité, circulent en France sans domicile fixe et ne sont ni commerçants ambulants, ni forains, même s'ils ont des ressources ou prétendent exercer une profession " ( article 3 ).
Ils devaient pour se déplacer être titulaires d'un carnet anthropométrique individuel visé dans chaque commune où ils s'arrêtaient.
Le régime juridique actuellement en vigueur pour la circulation des gens du voyage résulte de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 qui distingue trois catégories .
1.- Les commerçants ambulants
Cette première catégorie est elle-même scindée en deux selon que les commerçants ambulants possèdent ou non un domicile fixe.
Pour ceux qui ont leur domicile en France ou une résidence fixe depuis plus de six mois , l'exercice d'une activité ambulante hors du territoire de la commune où est située leur habitation est subordonné à une déclaration , qui doit être renouvelée périodiquement, auprès des autorités administratives ( article premier ). La même déclaration est exigée de tout ressortissant d'un des Etats membres de l'Union européenne qui justifie d'un domicile ou d'une résidence fixe depuis plus de six mois dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France. Lorsque le déclarant n'est pas ressortissant d'un des Etats membres de la communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen, il doit justifier d'une résidence régulière en France depuis cinq ans au moins.
Pour ceux qui n'ont ni domicile ni résidence fixes depuis plus de six mois dans un Etat membre de l'Union européenne, ils ne peuvent exercer une activité ambulante sur le territoire national que s'ils sont ressortissants de l'un de ces Etats. Ils doivent être munis d'un livret spécial de circulation .
2.- Les " caravaniers "
Dans une deuxième catégorie , sont visés les " caravaniers ", c'est-à-dire ceux qui ne pratiquent pas d'activité ambulante, qui sont dépourvus de domicile ou résidence fixes depuis plus de six mois et qui logent, de façon permanente, dans un véhicule, une remorque ou un abri mobile.
Lorsque ces personnes justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normales d'existence, notamment par l'exercice d'une activité salariée, il leur est remis un livret de circulation qui doit être visé à des intervalles qui ne peuvent être inférieurs à trois mois , par l'autorité administrative.
3.- Les nomades au sens du statut de 1912
Enfin, une troisième catégorie correspond aux nomades tels que les entendait le statut de 1912, c'est-à-dire ceux qui sont réputés ne disposer que de ressources aléatoires. Ils doivent être munis d'un carnet de circulation qui doit être visé tous les trois mois -de quantième en quantième- par l'autorité administrative. S'ils circulent sans avoir obtenu un tel carnet, ils sont passibles d'un emprisonnement de trois mois à un an .
Comme l'ont mis en évidence les auditions auxquelles votre rapporteur a procédé, ce régime des titres de circulation a vieilli et paraît désormais à la fois inutilement complexe et mal adapté à la situation des gens du voyage.
4.- La commune de rattachement
L'article 7 de la loi du 3 janvier 1969 fait, par ailleurs, obligation à tout titulaire d'un titre de circulation de choisir une commune de rattachement . Cette disposition s'est substituée à l'article 103 du code civil -restée sans application pratique- qui faisait obligation aux forains et nomades de choisir un domicile dans l'une des communes du territoire où ils circulaient.
Le rattachement est prononcé par le préfet ou le sous-préfet, après avis motivé du maire. Il produit ses effets pendant une durée minimale de deux ans .
L'article 8 de la loi du 3 janvier 1969 fixe néanmoins une limite de 3 % de la population municipale -telle qu'elle a été dénombrée au dernier recensement- que ne doit pas dépasser le nombre de personnes détentrices d'un titre de circulation sans domicile ni résidence fixes, rattachées à une commune. Lorsque ce pourcentage est atteint, le préfet ou le sous-préfet doit inciter le déclarant à choisir une autre commune de rattachement. Des dérogations à cette règle sont néanmoins admises en vue d'assurer l'unité des familles.
Les effets du rattachement à une commune sont énumérés par l'article 10 de la loi de 1969. Ce sont -en tout ou en partie- ceux attachés au domicile, à la résidence ou au lieu de travail (en ce qui concerne : la célébration du mariage ; l'inscription sur les listes électorales après trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune ; l'accomplissement des obligations fiscales et de sécurité sociale ; l'obligation du service national).
Le rattachement à une commune ne vaut néanmoins pas domicile fixe et déterminé. En outre, il ne saurait entraîner un transfert de charges de l'Etat sur les collectivités locales, notamment en ce qui concerne les frais d'aide sociale.
2. Des comportements variables à l'égard du voyage qui rendent plus difficile une évaluation des besoins de stationnement
a) Essai de classification des gens du voyage
Le voyage est étroitement lié à l'économie nomade. Le rythme et l'importance des déplacements dépend souvent des activités économiques exercées. Celles-ci obéissent à des spécificités réelles même si certaines d'entre elles ont aujourd'hui disparu (affûtage d'outils, fabrication de parapluies, d'objets en bois...). Des activités traditionnelles, comme la récupération des métaux, le commerce de chevaux, le cirque, la vente ambulante (fruits, légumes, tapis, brocante, vêtements), les travaux agricoles, sont souvent exercées par les Tziganes.
Néanmoins, ces activités, sous l'effet de l'évolution économique et sociale -notamment l'exode rural qui supprime une clientèle traditionnelle- apparaissent plus vulnérables.
En outre, les comportements à l'égard du voyage ne sont pas homogènes , ce qui n'est pas sans influence sur la façon dont le problème du stationnement doit être appréhendé.
Le recensement de 1960-1961 distinguaient ainsi trois catégories :
- les itinérants , catégorie correspondant à ceux qui se déplacent de façon permanente, qui étaient évalués à 26 628 personnes ;
- les semi-sédentaires , constitués de ceux qui se déplacent une partie de l'année et sont stabilisés le reste de l'année sur un même site, estimés à 21 690 personnes ;
- les sédentaires , fixés localement et ayant en principe cessé de voyager, au nombre de 31 134 personnes.
Les données statistiques généralement retenues pour ces trois catégories sont désormais les suivantes :
- environ 70 000 itinérants ;
- environ 70 000 semi-sédentaires ;
- environ 110 000 sédentaires.
b) Les différents types de parcours: le problème des grandes migrations
A la classification ainsi retenue correspondent des pratiques de voyage extrêmement diverses .
Ainsi des exemples tirés du rapport de recherche de M. Alain Reyniers sur " le stationnement des populations nomades en France " permettent de dégager plusieurs types de parcours ayant chacun leurs caractéristiques propres.
1.- Le parcours international
Le parcours international est le fait d'une famille élargie comportant rarement moins de quinze caravanes, ce nombre pouvant avoisiner la quarantaine, et caractérisée par une flexibilité économique importante. L'itinéraire n'est pas vraiment fixé à l'avance mais les grandes villes sont privilégiées.
Ces familles font soit du stationnement " sauvage ", fortes de leur nombre, soit des haltes sur des terrains organisés. Certains membres de ces familles ont acquis des terrains avec ou sans pavillon. Ils n'y séjournent que de façon épisodique.
2.- Le parcours régional
Le parcours régional est le fait d'une famille localisée six mois de l'année dans une même commune, sur un terrain privé familial, avec une dizaine de caravanes. Marchands forains, ils se déplacent périodiquement dans des départements voisins ou dans des départements situés plus au nord où ils reconstituent leurs stocks de marchandises (textile) auprès des grossistes locaux.
Ces familles traversent, dans certains cas, des départements dépourvus de terrains équipés. Dans d'autres cas, elles préfèrent stationner en-dehors des terrains prévus à cet effet, la présence de personnes quasi-sédentarisées sur ces terrains pouvant en outre limiter les places disponibles.
3.- Le parcours local
Un troisième cas de figure correspond au parcours local avec une grande amplitude saisonnière. Il associe l'exercice d'une activité principale (la vannerie) avec des activités saisonnières telles que les cueillettes ou les vendanges. Le stationnement s'effectue en hiver sur un terrain privé appartenant à la famille de gens du voyage ou sur d'autres terrains du canton où séjournent des itinérants de passage. A la bonne saison, le voyage s'étend au département et aux départements limitrophes. Les endroits verdoyants, discrets et non organisés sont privilégiés pour le stationnement.
4.- Les grands pèlerinages
Les grands pèlerinages entraînent des déplacements d'une ampleur particulière qui soulèvent des problèmes spécifiques en matière de stationnement.
Les pèlerinages constituent l'aspect le plus visible de l'activité religieuse des gens du voyage. Ils sont souvent très fréquentés.
Le pèlerinage de Lourdes , entre le 31 août et le 3 septembre, regroupe différentes ethnies (Manouches, Roms, Sinti, Gitans) de rite catholique, ce qui attire près de 500 caravanes et 3.000 Tsiganes stationnés sur des parkings.
Le pèlerinage des Saintes-Maries de la Mer , du 24 au 26 mai, rassemble près de 15.000 tziganes.
Les Tsiganes évangélistes , de confession protestante, pour leur part, se réunissent en conventions qui peuvent concerner jusqu'à 30.000 fidèles et 400 prédicateurs.
D'autres grands lieux de pèlerinages existent également en Europe : Rome, Séville, Saragosse, Fatima au Portugal, Altenberg près de Cologne.
Enfin, une dernière situation est celle d'une quasi-sédentarisation , qui s'explique par différents facteurs, notamment les problèmes de santé, la faiblesse des revenus, le mauvais état du véhicule, le coût du voyage.
Au-delà de ces distinctions qui concernent les pratiques de voyage , le choix des sites de stationnement peut être motivé par des considérations très diverses : l'exercice des métiers, l'accomplissement de certaines démarches, la survenance d'un événement familial, les relations sociales.
Les saisons jouent également un rôle dans ce choix : de l'automne au printemps, les concentrations sont plus fortes dans les zones urbaines ; durant les autres saisons, les gens du voyage sont plus dispersés sur l'ensemble du territoire.
c) Des difficultés réelles pour prendre en compte les besoins de stationnement
Cette diversité de situations et de comportements par rapport au voyage explique en grande partie les problèmes de stationnement.
D'une part, beaucoup de groupes -sous l'effet du décalage croissant entre leurs pratiques traditionnelles et l'évolution du tissu économique et social- perdent leur mobilité et évoluent vers une semi-sédentarisation, souvent imposée par la dégradation de leur situation économique.
D'autre part, certains groupes auxquels l'activité économique assure une réelle autonomie, privilégie pendant l'automne et l'hiver la présence sur un terrain familial privé et choisissent pour leurs itinérances de la belle saison des stationnements de courte à moyenne durée (deux à trois semaines) sur des lieux leur assurant l'hygiène, le confort et la sécurité.
Par ailleurs, la tendance à une concentration plus forte dans les zones urbanisées en période hivernale se heurte à la raréfaction des terrains disponibles face à l'urbanisation accrue.
Enfin, les grands pèlerinages soulèvent à l'évidence des problèmes spécifiques de stationnement d'une ampleur sans comparaison possible avec les autres déplacements limités à quelques caravanes.
Selon l'estimation faite par M. Arsène Delamon dans son rapport de mission remis au Premier ministre en 1990, 5.000 emplacements, dont 3.200 aménagés entre 1981 et 1989, existaient pour l'accueil de 25.000 caravanes. Le rapport soulignait la nécessité de réaliser des équipements plus nombreux.
3. Un problème partagé par les Etats de l'Union européenne
a) Evaluation des besoins de stationnement
Pour des motifs déjà indiqués par votre rapporteur qui tiennent à la diversité de la population concernée (sédentaires, semi-sédentaires, grands itinérants), une évaluation précise du nombre de gens du voyage est difficile.
Une distinction doit, par ailleurs, être opérée entre des populations appartenant à un groupe ethnique défini -tels que les tziganes- et les populations autochtones devenues nomades à une époque ou à une autre de leur histoire, tels que les Yenish en Alsace ou les " Tinkers " irlandais.
Pour s'en tenir aux seuls tziganes, ceux d'entre eux installés en Europe- dont un certain nombre ne sont plus des voyageurs- pourraient s'établir entre six et huit millions de personnes.
Dans son nouveau rapport de mission sur la situation des gens du voyage en Europe, réalisé en 1992, le préfet Arsène Delamon a estimé le nombre de gens du voyage itinérants ayant un " polygone " de vie sur une partie importante de la superficie d'un ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne au sixième de la population concernée, soit environ 200 000 personnes, dont près de 85 000 se déplaçant en France.
Cinq Etats membres seraient les plus concernés par ces déplacements : la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique et le Royaume-Uni.
Enfin, les effets de nouveaux flux migratoires provoqués par la fin de l'affrontement idéologique entre l'Est et l'Ouest et par la situation politique et sociale de certains pays de l'Est européen doivent être pris en compte. Le rapport Delamon faisait ainsi état d'estimations chiffrant entre 3,5 et 8 millions le nombre de citoyens de l'Europe centrale et orientale (pas seulement des Tziganes) susceptibles d'émigrer en direction de l'Union européenne et de l'Amérique du Nord. Il notait en particulier le souhait des Tziganes de Roumanie et de Yougoslavie de s'établir en Allemagne, en Italie, en France ou en Espagne.
b) Les réponses des Etats de l'Union européenne
Dans son rapport de mission -qui, il faut le rappeler date de 1992- M. Arsène Delamon a présenté un panorama très complet de la situation des gens du voyage dans les Etats de l'Europe des Douze, en soulignant leur hétérogénéité.
Pour s'en tenir au seul problème du stationnement qui ne constitue que l'un des aspects des questions abordées par le rapport, on relève qu'en 1992 en Allemagne , la grande majorité des gens du voyage étaient sédentaires. Ils étaient souvent localisés sur des terrains de stationnement aux environs des grandes villes, dans des agglomérations séparées composées d'habitations provisoires ou, dans quelques grandes villes, dans des immeubles modernes.
En Belgique , l'Etat a progressivement unifié les pratiques dans un domaine considéré comme étant d'intérêt local. Quatre catégories de terrains de stationnement pouvaient être distingués dans l'étude réalisée en 1992 : les terrains privés qui étaient loués ou acquis par les gens du voyage, les terrains tolérés qui étaient disséminés sur le territoire, sans équipements particuliers, et utilisés en principe pour des séjours de courte durée afin de résoudre les problèmes que pose l'importante concentration de caravanes en des lieux ne pouvant les accueillir ; les terrains désignés mais non aménagés qui constituaient des affectations temporaires destinées à pallier les insuffisances en terrains équipés ; les terrains désignés par les communes et aménagés, eux-mêmes divisés entre des terrains de séjour généralement destinés à des voyageurs séjournant habituellement dans les communes et qui y étaient rattachés et des terrains de passage, peu nombreux, utilisés quasi-exclusivement pour le transit.
On notera que la réglementation du stationnement des caravanes des gens du voyage constituait une compétence du conseil communal. En l'absence de réglementation, il incombait au bourgmestre de prendre, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de police, toute mesure individuelle afin d'assurer la tranquillité et la sûreté dans les rues. En outre, par extension des dispositions du code de la route qui interdisaient le stationnement de véhicules ou remorques pendant plus de 24 heures , le stationnement des caravanes sur le domaine public n'était pas admis au-delà de cette durée.
Aux Pays-Bas , l'accueil des gens du voyage a été décentralisé à partir de 1973 : la charge de l'accueil a été transférée aux provinces et communes qui ont la responsabilité de l'aménagement et de la gestion d'un ou plusieurs petits centres, d'une capacité limitée à quinze emplacements, situés à une distance déterminée de l'agglomération. La province a été chargée d'assurer la coordination de ces aménagements.
En Espagne , la grande majorité des gitans est sédentarisée depuis la fin du XVIIIè siècle. Les problèmes rencontrés portent donc essentiellement sur le logement. Il en est de même au Portugal , la majorité des Tziganes limitant leurs déplacements à l'époque des foires du printemps à l'été. De même au Danemark , la population nomade est désormais sédentarisée, la politique menée par les pouvoirs publics ayant tendu à la suppression des aires d'accueil et au relogement en habitation. En Grèce , la sédentarisation a concerné le plus grand nombre des Tziganes. Néanmoins, un nombre important qui restent semi-sédentaires ou itinérants vivent dans des baraques pour les premiers et sous des tentes pour les seconds. En Irlande , plus de 50 % des voyageurs sont désormais sédentarisés et ont une résidence permanente.
En Italie , les familles nomades partagent leur année en deux parties : l'une consacrée au voyage, l'autre à une halte prolongée dans un lieu donné.
Les problèmes de stationnement -tels qu'en rendait compte le rapport de M. Delamon en 1992- demeuraient une compétence décentralisée, l'Etat se bornant à donner des orientations aux autorités locales, notamment aux maires.
Le code de la route donnait, par ailleurs, délégation aux maires pour réserver sur le domaine public des espaces spéciaux pour la halte de véhicules déterminés quand cela est nécessaire pour des motifs d'intérêt public. En outre, la loi donnait délégation aux maires pour établir la liste des terrains communaux disponibles pour l'installation des cirques, des activités de spectacle ambulant et des parcs d'attraction.
Les lois régionales prises, depuis 1984, sans contraindre les communes à créer des terrains de stationnement, ont cherché à établir des critères d'aménagement d'aires publiques et des participations financières de la région.
Au Royaume-Uni , 50 % des voyageurs et tziganes sont sédentaires, ce pourcentage pouvant néanmoins fortement varier en fonction des groupes considérés (romanichels, voyageurs écossais ou irlandais, kalé du Pays de Galles, groupes divers).
La loi du 28 juillet 1968 a fait obligation aux 28 conseils de comtés, aux 32 arrondissements de Londres et aux 36 districts de région d'aménager des aires de stationnement pour les nomades vivant dans les communes. L'obligation portait sur la création de terrains de quinze caravanes au plus.
Une loi de 1980 sur l'aménagement du territoire a cherché à clarifier et préciser le dispositif, en supprimant notamment les exemptions prévues en 1968 pour les zones urbaines. Néanmoins, la très grande majorité des terrains permanents ayant un usage résidentiel, ils étaient, selon l'étude de 1992, souvent délaissés par les gens du voyage au profit de terrains privés de transit sommairement équipés. En outre, certaines caractéristiques des déplacements méritent d'être soulignées : les trois quarts des Tziganes anglais s'efforcent de rester près des zones urbaines pendant toute l'année ou les trois quarts de celle-ci, ne voyageant que pendant les mois d'été ; 15 % restent pendant toute l'année dans des zones urbaines limitrophes, 10 % sont des grands itinérants qui exercent pour la plupart des emplois procurant des hauts revenus.
c) Les travaux de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe
Il convient d'abord de relever que de nombreux gens du voyage ont acquis la nationalité du pays dans lequel ils séjournent ou d'un autre pays limitrophe. Cette situation -très généralisée en Europe occidentale- a néanmoins été sensiblement modifiée par les évolutions des pays d'Europe de l'Est, un pourcentage important des Tziganes et gens du voyage émigrés récemment de ces pays ayant soit la nationalité du pays d'immigration, soit le statut d'apatride, soit aucun document administratif.
Différentes réflexions ont été menées dans le cadre du Parlement européen et du Conseil de l'Europe sur les problèmes intéressant les gens du voyage, le stationnement n'étant que l'un des aspects examinés.
Ces réflexions ont notamment tendu à inviter les gouvernements des Etats membres du Conseil de l'Europe à mettre un nombre suffisant de terrains à la disposition des familles d'itinérants pour l'installation de leurs caravanes ( recommandation de l'Assemblée consultative du 30 septembre 1969 ; résolution du comité des ministres du 22 mai 1975 ).
En outre, la constatation que certains Etats et certaines collectivités étaient plus concernées que d'autres a conduit à préconiser une coopération étroite entre les municipalités pour créer les infrastructures nécessaires et une péréquation des charges financières par les instances régionales, nationales et européennes.
Dans une résolution du 24 mai 1984 , le Parlement européen a ainsi chargé la commission d'élaborer des programmes, subventionnés sur crédits communautaires, notamment, en provoquant une intervention adéquate du fonds social européen en vue de l'aménagement de terrains destinés aux populations non sédentaires.
Il faut, par ailleurs, prendre en compte les conséquences de la mise en oeuvre de l'Accord de Schengen et de sa convention d'application . La suppression des contrôles aux frontières intérieures facilitera les déplacements des gens de voyage, sans les dispenser d'avoir à justifier, le cas échéant, de leur qualité de national de l'un des Etats signataires. La situation pourra s'avérer plus délicate pour ceux d'entre eux qui ne seraient pas en possession de documents d'identité valables.
Enfin, le Traité d'Union Européenne , signé à Maastricht le 7 février 1992, peut avoir des effets sur les actions menées en matière d'éducation, de formation professionnelle et de santé en direction des gens de voyage même si, conformément au principe de subsidiarité, la responsabilité dans ces domaines relève des Etats membres, l'Union Européenne ne pouvant intervenir qu'à titre complémentaire.
II. L'INADÉQUATION DU CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE
A. LES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA LOI DU 31 MAI 1990
1. Une réglementation circonstancielle
a) Le contenu du dispositif
Les conditions d'accueil spécifiques des gens du voyage sont régies par les dispositions de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 , adoptée en lecture définitive par la seule Assemblée nationale.
L'article 28 de cette loi -issu des travaux de l'Assemblée nationale- prévoit, pour la détermination de ces conditions d'accueil, l'élaboration d'un schéma départemental qui concerne à la fois le passage et le séjour, les conditions de scolarisation des enfants et celles d'exercice d'activités économiques par ces populations.
En outre, une obligation particulière est faite aux communes de plus de 5 000 habitants qui doivent prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur leur territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet.
Sous la condition de la réalisation de ces aires, le stationnement des gens du voyage peut être interdit sur le reste du territoire communal.
b) Les limites du dispositif
Ainsi conçu, ce dispositif est apparu circonstanciel et en partie inadapté , comme le Sénat l'avait observé lors de l'examen de la loi du 31 mai 1990.
D'une part, il a procédé d'une volonté de régler précipitamment le problème de l'accueil des gens du voyage, alors même que devait être rendu public le rapport de mission confié au préfet Arsène Delamon.
D'autre part, il n'a pas constitué un progrès par rapport aux solutions en vigueur. Une circulaire du 10 juillet 1980 avait, en effet, déjà invité les collectivités locales à créer des zones aménagées dans le cadre d'un plan départemental élaboré par un syndicat intercommunal d'études.
Le respect du droit de passage et de stationnement des gens du voyage était, pour sa part, déjà assuré par la jurisprudence. Dans un arrêt Ville de Lille du 2 décembre 1983, le Conseil d'Etat avait ainsi considéré qu'un maire ne peut pas limiter " à 48 heures, sans possibilité de prolongation, autres que pour des raisons de santé exceptionnelles, le stationnement de ceux-ci sur le territoire de la commune " et interdire le stationnement " hors des emplacements fixés par les arrêtés contestés qui ne permettent l'accès que d'un très petit nombre de véhicules et sont dépourvus des aménagements indispensables, notamment sur le plan sanitaire ".
En outre, dans un arrêt du 25 mars 1988 (Ville de Lille c. comité de quartier rue de Bavai, rue de l'Est) le Conseil d'Etat avait favorisé la réalisation d'aires d'accueil, préconisée par la circulaire ministérielle, en considérant qu'un emplacement réservé pouvait être prévu dans le plan d'occupation des sols.
Enfin, la définition d'un critère de population -initialement fixé à 500 habitants puis à 5 000 habitants- est apparu à la fois comme une solution rigide et mal adaptée à la réalité. Les gens du voyage ont, en effet, essentiellement besoin d'aires d'accueil sur les chemins traditionnels. En outre, les solutions intercommunales paraissent répondre de manière plus adéquate au problème du stationnement.
2. Le bilan mitigé des schémas départementaux
a) Les caractéristiques des schémas départementaux
A la suite de la loi du 31 mai 1990, une circulaire interministérielle du 16 mars 1992 a donné des instructions aux préfets quant au contenu du schéma départemental, à son élaboration et à sa portée.
Pour ce qui est de l 'élaboration du schéma, la circulaire fixe certains principes généraux, notamment :
- une élaboration conjointe par l'Etat et le département ;
- la participation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ;
- la participation d'un représentant du conseil régional et d'associations ;
- la conclusion du schéma par un arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général ;
- la publication du schéma au recueil des actes administratifs de la préfecture, et du département, puis sa transmission aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale.
Pour ce qui est du contenu du schéma, la circulaire précise qu'il s'agit d'un " document constatant les besoins locaux d'accueil, prévoyant les structures nécessaires pouvant fonder les décisions des autorités responsables et leur servir de référence en vue d'une meilleure coordination des actions. ". Il doit notamment comprendre " une analyse des besoins de toute nature liés à l'accueil des gens du voyage dans le département, la présentation du dispositif de stationnement, d'accès aux services publics, notamment d'éducation et de formation ainsi que d'insertion économique. "
b) L'état d'avancement des schémas départementaux
Après deux enquêtes réalisées respectivement en septembre 1992 et avril 1994 afin d'évaluer l'état d'avancement des schémas, une troisième enquête a été menée auprès des préfets conformément à une circulaire du ministère de l'Intérieur du 21 août 1995 , à la suite de plusieurs questions parlementaires notamment celle de votre rapporteur.
A la date du 16 octobre 1995, quinze départements étaient dotés d'un schéma approuvé conjointement par le préfet et par le président du conseil général.
Quatre départements étaient également pourvus d'un schéma mais signé par le seul préfet, le président du conseil général ayant décidé de ne pas endosser la responsabilité du document.
Dans une troisième catégorie, peuvent être situés vingt et un départements qui, bien que non dotés d'un schéma, avaient néanmoins achevé les études préalables et arrêté un avant-projet.
Des départements accusaient un certain retard dans l'élaboration des schémas. Dans un premier groupe ( vingt-huit départements), les études préalables étaient néanmoins désormais achevées et devraient donc pouvoir déboucher sur la rédaction d'un avant-projet. Dans un deuxième groupe ( dix-sept départements), en revanche, l'élaboration des schémas paraissait encore au stade des études préalables.
Notons, par ailleurs, que deux départements sont dotés d'un document directeur faisant fonction de schéma.
Enfin, neuf départements n'avaient pas répondu à la circulaire du 21 août 1995 .
De ces données, il ressort, en premier lieu, qu'une faible minorité de départements est dotée d'un schéma en vigueur en bonne et due forme ( quinze départements), un autre groupe de départements ( vingt et un ) étant néanmoins susceptible d'avoir un schéma élaboré dans un délai rapproché.
Dans l'ensemble, les départements ont cependant conduit des enquêtes préalables qui ont permis de recenser le nombre et de situer l'emplacement des aires d'accueils existantes, de mieux identifier les parcours des nomades, d'identifier les processus de sédentarisation et de prendre en compte, le cas échéant, la survenance de grands rassemblements.
Mais il demeure un certain nombre de facteurs ralentissant la procédure d'élaboration d'un projet de schéma.
Un facteur conjoncturel a pu résulter des échéances municipales de 1995 qui ont pu favoriser un certain attentisme.
D'autres facteurs sont structurels : le caractère intersectoriel du contenu du schéma ; le problème de l'articulation du schéma d'accueil des gens du voyage avec le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (certains départements ont fait du schéma d'accueil un volet du plan départemental) ; l'interférence avec la conduite d'autres politiques publiques (par exemple, la négociation des contrats de ville) ; dans des cas, semble-t-il plus rares, le manque de représentativité des organisations de nomades.
Des difficultés plus sérieuses apparaissent dans certains départements, notamment dans les départements urbanisés où la désignation d'un site pour implanter une aire d'accueil peut soulever des difficultés entre l'hostilité des nomades à l'égard d'emplacements périphériques et le souci des riverains et des commerçants d'éviter le voisinage des aires d'accueil avec des quartiers d'habitat sédentaire. La pénurie foncière est également un motif avancé notamment pour les grands rassemblements.
Par ailleurs, l'insuffisance des crédits (qui sont, s'agissant de la contribution de l'Etat, inscrits au chapitre 65-48 du ministère de l'équipement) pour financer la réalisation et le fonctionnement des aires d'accueil est souligné par certaines préfectures.
L' approche intercommunale semble l'une des voies permettant de remédier à ces difficultés financières.
Enfin, l'enquête met en évidence -comme le Sénat l'avait déjà relevé lors de l'examen de la loi du 31 mai 1990- que le seuil de 5 000 habitants est parfois sans lien avec la réalité. Des communes de plus de 5 000 habitants ne connaissent pas de haltes migratoires habituelles sur leur territoire. A l'inverse, des communes moins peuplées peuvent accueillir de grands rassemblements.
3. La mise en oeuvre de l'obligation de créer des aires de stationnement
a) Les préconisations administratives
Dans le régime antérieur à la loi du 31 mai 1990, conformément à la jurisprudence administrative, toute commune, quelle que soit sa taille et sa fréquentation par les gens du voyage, devait, faute de disposer d'une aire de stationnement aménagée, assurer le stationnement sur des terrains de passage officiellement désignés et bénéficiant d'un équipement minimum convenant à une halte d'une courte durée.
Ce régime juridique est resté inchangé pour les communes de moins de 5 000 habitants.
Pour les communes de plus de 5 000 habitants, la loi du 31 mai 1990 fixe une obligation légale qui confirme et précise la jurisprudence administrative : les communes doivent prévoir les conditions d'accueil en ce qui concerne le passage (halte de courte durée) et le séjour ; l'accueil des gens du voyage doit être assuré par la réservation de terrains spécialement aménagés.
Diverses instructions ministérielles ou interministérielles ont été prises pour conseiller les maires dans le choix des emplacements et la réalisation des équipements, notamment des circulaires du 16 décembre 1986 , du 16 octobre 1991 et du 16 septembre 1992 .
Les caractéristiques de ces terrains avaient été précisées par la circulaire du 16 décembre 1986 .
Le terrain de passage est l'emplacement réservé au stationnement des caravanes qui sont autorisées à s'y arrêter en principe pendant le délai fixé par arrêté municipal. Ces terrains doivent être non seulement salubres et pourvus d'un minimum d'équipements mais aussi permettre une scolarisation aisée des jeunes enfants. Ils doivent également être dotés d'un point d'eau et l'enlèvement des ordures ménagères doit y être assuré régulièrement. Les communes peuvent réclamer aux usagers une redevance de stationnement correspondant au service rendu, calculée de préférence par journée et par caravane.
Pour ce qui est des aires de stationnement envisagées, la circulaire précise qu'elles doivent être conçues pour accueillir un nombre de caravanes relativement important et être implantées de préférence aux abords des agglomérations.
Le choix des emplacements doit, de préférence, être pris en compte lors de l'élaboration du plan d'occupation des sols. La circulaire du 10 juillet 1980 -qui insistait également sur ce point- relevait que le choix des emplacements devait être guidé en particulier par le souci de la compatibilité du caractère de ces terrains (terrains équipés par nature) avec la vocation de chaque zone du plan d'occupation des sols. Elle précisait que les règles générales applicables aux terrains (densité, équipement en voirie et réseaux, implantation de bâtiments à usage social, ...) devaient être fixés.
Une circulaire du 16 mars 1992 a, pour sa part, précisé que le plan d'occupation des sols doit organiser l'accueil des gens du voyage en respectant les diverses modalités d'accueil.
Une réponse ministérielle (Journal officiel, Assemblée nationale, 7 août 1995) indique qu'il résulte de ces différentes circulaires que les terrains destinés au passage et au séjour des nomades doivent être de préférence choisis aux abords des agglomérations, en évitant des emplacements exposés à des nuisances (bretelles d'autoroutes, zones aéroportuaires,...). Pour l'aménagement des terrains d'accueil, il y a lieu de s'inspirer des normes minimales régissant les terrains de camping. Des adductions d'eau, d'électricité, d'éclairage de même que l'installation d'équipements élémentaires destinés à satisfaire l'hygiène (douches, sanitaires, lavoirs,...) doivent être prévus. Les aires d'accueil doivent être adaptées aux besoins locaux tels qu'ils sont recensés par le schéma départemental.
L'établissement d'un règlement intérieur permet, par ailleurs, de fixer les obligations des gens du voyage, le montant des droits d'occupation et la durée du stationnement.
La gestion de l'aire peut être assurée soit directement par la commune, soit par une association avec laquelle la commune a passé convention.
Pour le financement , une circulaire du 3 avril 1992 précise que les apports financiers de l'Etat seront prioritairement affectés aux projets cohérents avec le schéma départemental : financement à hauteur de 35% des investissements par l'intermédiaire du chapitre 65-48 qui comprend des crédits déconcentrés en catégorie II et III du ministère de l'équipement.
D'autres partenaires sont susceptibles d'intervenir (communes, départements, régions, caisses d'allocation familiales, fonds d'action sociale...) pour apporter un appui financier tant en investissement qu'en fonctionnement. La Caisse des dépôts et consignations peut également apporter son concours pour l'aménagement d'aires d'accueil.
b) Les difficultés rencontrées
Pour les raisons déjà indiquées par votre rapporteur, les difficultés concrètes de mise en oeuvre de ces préconisations pour la création d'aires d'accueil ne doivent néanmoins pas être sous-estimées.
En premier lieu, le caractère hétérogène de la population nomade rend d'autant plus délicate l'évaluation puis la prise en compte des besoins en stationnement.
En outre, les besoins en stationnement sont très différents lorsqu'ils concernent un petit groupe familial avec quelques caravanes ou, au contraire, de grands déplacements dans le cadre de pèlerinages . Dès lors, les maires se trouvent confrontés à une triple interrogation qui porte à la fois sur la taille optimale de l'aire d'accueil, le niveau des équipements requis et la programmation, les aires d'accueil existantes pouvant devenir attractives au point d'aboutir à une surfréquentation.
Ces interrogations sont, par ailleurs, d'autant plus fortes que l'enjeu financier est loin d'être négligeable, le coût d'une place pouvant être évalué à 100 000 francs en investissement et à 20 000 francs en fonctionnement.
En second lieu, les communes qui ont créé des aires d'accueil demeurent malgré tout exposées -en fonction de la plus ou moins bonne adéquation de l'offre à la demande- au risque de stationnement en dehors des zones aménagées.
Enfin, le fonctionnement même des aires d'accueil peut soulever des difficultés, notamment si les élus locaux ne peuvent s'adresser à des représentants de la communauté des gens du voyage pour régler les problèmes concrets. Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont souligné que la gestion par un personnel permanent favorisait le bon fonctionnement de l'aire d'accueil.
B. DES MOYENS DE COERCITION INSUFFISANTS POUR FAIRE FACE AUX PROBLÈMES POSÉS PAR LE STATIONNEMENT ILLÉGAL
1. Des moyens théoriquement étendus pour faire cesser le stationnement illégal
a) Les pouvoirs de police municipale
En vertu des pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-2 (2°) et (3°) et L. 2213-2 (2°) du code général des collectivités territoriales, le maire peut réglementer les conditions de stationnement et de séjour des gens du voyage sur le territoire communal.
Néanmoins, dans les communes dotées d'une police d'Etat ( article L. 2214-4 ), le préfet est chargé de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telle que définies à l'article L. 2212-2 (2°) du code général des collectivités territoriales. De même, le préfet a la charge du bon ordre lorsque se produisent occasionnellement de grands rassemblements ( article L. 2214-4 ).
Dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne, le préfet a en outre les pouvoirs de police de la voie publique sur les routes à grande circulation.
Sur le territoire de la Ville de Paris, les pouvoirs de police générale sont exercées par le préfet de police dans les conditions prévues par l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales.
Enfin, dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les compétences des autorités de police sont définies par les articles L. 2542-4 et L. 2542-10 selon que la commune a ou non une police d'Etat.
Sous ces réserves, et comme l'a confirmé l'arrêt du Conseil d'Etat Ville de Lille du 2 décembre 1983, l'autorité de police générale peut réglementer les conditions de circulation et de séjour des nomades pour éviter qu'elles ne créent un danger pour la salubrité , la sécurité ou la tranquillité publique .
Le maire a la faculté de limiter la durée du stationnement sur le territoire communal, aussi bien sur le terrain de passage que sur le reste du territoire communal si le stationnement y est toléré. Cette limitation est fonction des circonstances locales.
Néanmoins, les mesures mises en oeuvre ne sauraient légalement comporter ni une interdiction totale de stationnement et de séjour, ni aboutir en fait à une impossibilité pour les nomades de stationner pendant le temps minimum qui leur est nécessaire. Conformément à la jurisprudence, une limitation inférieure à 48 heures ne peut être prononcée par le maire sauf cas d'absolue nécessité résultant de troubles graves à l'ordre public.
La jurisprudence antérieure à la loi du 31 mai 1990 autorisait, en revanche, les communes qui satisfaisaient à l'obligation d'accueil des gens du voyage par la mise à disposition d'un terrain aménagé à interdire le stationnement des nomades sur le reste du territoire communal.
La loi du 31 mai 1990 a confirmé cette faculté ainsi reconnue aux maires en l'étendant aux maires des communes qui participent, dans le cadre d'un programme intercommunal, à la réalisation d'aires d'accueil.
Enfin, il faut rappeler que le préfet -outre la situation particulière des villes à police d'Etat et le cas des voies à grande circulation- dispose de pouvoirs propres qu'il exerce pour l'ensemble du département.
D'une part, il est seul compétent pour prendre les mesures relatives au bon ordre , à la sécurité et à la salubrité publique dont le champ d'application excède le territoire d'une commune ( article L. 2215-1 (3°) du code général des collectivités territoriales). Les maires conservent alors la faculté de compléter sans les contredire ou d'ajouter aux mesures prises par le préfet lorsque les circonstances l'exigent.
D'autre part, le préfet dispose d'un pouvoir de substitution en cas de carence de l'autorité municipale ou lorsque le maintien de l'ordre concerne deux communes limitrophes ( article L. 2215-1 1° et 2°).
b) Les dispositions spécifiques du code de l'urbanisme
Le code de l'urbanisme réglemente l'occupation de terrains, loués voire achetés, afin d'y implanter une caravane.
Son article R. 443-4 dispose, en effet, que " tout stationnement pendant plus de trois mois par an, consécutifs ou non d'une caravane est subordonné à l'obtention par le propriétaire du terrain sur lequel elle est installée (...) d'une autorisation délivrée par l'autorité compétente ".
Toutefois, pour les caravanes qui constituent l'habitat permanent de leurs utilisateurs, l'autorisation n'est exigée que si le stationnement est continu .
L'autorisation, délivrée par le maire ou par le préfet, selon que la commune est ou non dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé, ne peut être accordée pour une durée supérieure à trois ans mais qui est renouvelable.
L'autorisation peut être subordonnée à des prescriptions spéciales, notamment si le mode d'occupation des sols est susceptibles de porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique ( article R. 443-10 ). En outre, lorsque sur un terrain, plus de six caravanes stationnent de façon habituelle, le propriétaire du terrain ou la personne en ayant la jouissance doit avoir obtenu l'autorisation de l'aménager conformément aux dispositions du code de l'urbanisme (article R. 443-7 ).
Lorsque les gens du voyage stationnent sur des terrains appartenant aux collectivités publiques, outre la mise en oeuvre du pouvoir de police municipale ci-dessus exposé, certaines dispositions du code de l'urbanisme permettent d'encadrer ce stationnement.
D'une part, le camping et le stationnement de caravanes sont interdits , de manière générale, dans certaines zones, telles que les rivages de la mer, les sites classés ou inscrits autour d'un monument historique, dans les zones de protection du patrimoine architectural ou urbain ou des monuments naturels et des sites ( article R. 443-9 ).
D'autre part, ils peuvent être interdits en dehors de terrains aménagés, après avis de la commission départementale d'action touristique, par arrêté du maire (ou du préfet dans les communes non dotées d'un plan d'occupation des sols approuvé). Cette interdiction n'est possible que pour des motifs limitativement énumérés par l'article R. 443-10 (atteinte à la réglementation de l'urbanisme notamment les dispositions du plan d'occupation des sols interdisant le stationnement des caravanes dans les zones concernées, l'atteinte à l'ordre public, aux paysages naturels et urbains, à la conservation des perspectives monumentales, à l'exercice d'activités forestières ou agricoles ou à la conservation des milieux naturels, de la faune ou de la flore).
2. Des sanctions pas toujours effectives
a) Les sanctions applicables
L'inobservation des arrêtés de police en matière de stationnement des caravanes donnent lieu à une sanction pénale de portée générale -contravention de première classe- prévue par l'article R.610-5 du Code pénal (amende de 30 à 250 francs ). Cette sanction peut sembler faiblement dissuasive sauf à se répéter.
La même sanction est encourue si la caravane est laissée en stationnement ininterrompu sur une dépendance du domaine public routier pendant une durée excédant sept jours , contrevenant ainsi aux dispositions de l'article R.37 du code de la route. L'occupation sans titre du domaine public routier constitue, en outre, car non conforme à la destination du domaine, une contravention de voirie sanctionnable par le juge pénal.
De même, peuvent être mises en oeuvre les sanctions prévues par l'article R.233-1 du code de la route qui concerne le stationnement abusif, gênant ou dangereux au sens des articles R.37 et suivants du même code.
En revanche, la circulaire du 16 décembre 1986 précisait que les dispositions relatives à l'immobilisation et à la mise en fourrière des véhicules ne pouvaient être appliquées à l'encontre d'une caravane servant à l'habitation, car une telle mesure serait contraire au principe d'inviolabilité du domicile. La jurisprudence a admis que les voitures des nomades constituent leur domicile dont l'inviolabilité est consacrée par le code pénal (Conseil d'Etat, 2 décembre 1983 , ville de Lille).
Le non respect de la réglementation d'urbanisme fait également l'objet de sanctions pénales. L'article L. 480-4 du code de l'urbanisme prévoit que l'utilisation des sols en méconnaissance de cette réglementation peut être punie d'une amende (qui ne peut être inférieure à 8 000 francs ). En cas de récidive, outre cette peine d'amende, un emprisonnement de six mois peut être prononcé.
Même si la multiplication des procès verbaux peut inciter les contrevenants à quitter le territoire de la commune, notamment si la procédure de contrainte par corps prévue par les articles 749 et suivants du code de procédure pénale leur est appliquée, il n'en est pas toujours ainsi. Aussi, existent-ils certaines procédures judiciaires qui permettent d'ordonner le départ des gens du voyage occupant un terrain de manière illicite.
b) Les procédures judiciaires
Le propriétaire du terrain occupé ou celui qui en a la jouissance, peut demander au juge l'expulsion de ceux qui y stationnent sans leur autorisation. Le juge compétent est le juge judiciaire si le terrain appartient à une personne privée ou s'il constitue une dépendance du domaine privé d'une collectivité publique. En revanche, le tribunal administratif est compétent pour prononcer l'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public.
En cas d'urgence, l'expulsion peut être recherchée par la procédure du référé devant la juridiction compétente au principal.
Conformément aux règles générales applicables à l'exécution des actes administratifs, l'autorité administrative ne peut, en revanche, assurer directement l'application de sa décision par la force, en dehors d'une décision de justice le prescrivant ou si l'urgence et la gravité du danger constaté le rendaient absolument indispensable. Le recours à l'exécution forcée en dehors de ces circonstances serait irrégulier et susceptible d'engager la responsabilité administrative .
Force est néanmoins de constater que si des procédures juridictionnelles existent, leur mise en oeuvre requiert inévitablement des délais pendant lesquels la situation créée par un stationnement irrégulier de gens du voyage dans une commune ne peut que s'aggraver .
En outre, lorsque les gens du voyage s'installent de façon irrégulière sur un terrain privé , le maire se trouve relativement démuni pour faire cesser cette situation alors même que la prolongation du stationnement non autorisé pourrait avoir des conséquences néfastes pour l'environnement local.
III. LES PROPOSITIONS DE LOI : LA RECHERCHE D'UNE MEILLEURE ADÉQUATION DES CONDITIONS D'ACCUEIL ET D'UN RENFORCEMENT DES MOYENS DE RÉPRESSION DU STATIONNEMENT ILLÉGAL
- La proposition de loi n°240 de M. Louis Souvet et plusieurs de nos collègues, se fondant, en premier lieu, sur la considération que toutes les communes ne peuvent pas consacrer les mêmes moyens aux aménagements nécessaires, suggère de moduler l'obligation légale de créer des aires de stationnement en fonction de quatre seuils de population ( article premier ):
- les communes de 5 000 à 20 000 habitants devront mettre en place des terrains spécialement aménagés pour accueillir dix caravanes au minimum;
- pour les communes de 20 000 à 40 000 habitants, la même obligation concernera l'accueil de vingt caravanes;
- pour les communes de 40 000 à 80 000 habitants, la capacité d'accueil est porté à quarante caravanes;
- au-delà de 80 000 habitants, cinq emplacements supplémentaires devront être prévus par tranche de 20 000 habitants.
En outre, les auteurs de la proposition de loi jugent nécessaire d'établir une distinction entre, d'une part, les mouvements et les transhumances de grande envergure de ces populations et, d'autre part, les déplacements ne concernant que quelques familles. A cet effet, ils suggèrent de planifier les déplacements importants se renouvelant chaque année, afin de permettre aux préfets compétents d'établir, en liaison avec le ministère de l'Intérieur, une liste des sites aménagés sur lesquels l'ensemble des populations migrantes pourra être ventilé.
Un répertoire national des terrains aménagés pour l'accueil des gens du voyage serait institué. Les préfets se verraient, par ailleurs, confier la responsabilité de prendre toutes mesures techniques afin d'assurer une répartition homogène sur l'ensemble des sites concernés. Une coopération départementale pourrait, le cas échéant être instituée, en liaison avec le ministère de l'Intérieur ( article 3 ).
Par ailleurs, le troisième alinéa de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 recevrait une nouvelle rédaction afin d'établir plus clairement la faculté pour les maires des communes qui se sont regroupées pour créer une aire d'accueil de prendre par la suite un arrêté d'interdiction du stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal ( article 2 ).
Enfin, la proposition de loi prévoit une compensation des pertes de recettes pour les communes et pour l'Etat ( article 4 ).
- La proposition de loi n° 259 présentée par M. Philippe Marini et plusieurs de nos collègues tend, pour sa part, à renforcer la portée de la mesure d'interdiction du stationnement de gens du voyage en dehors des terrains prévus pour leur accueil.
Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat Ville de Lille du 2 décembre 1983, les mesures prises sur le fondement du pouvoir de police municipale ne saurait légalement ni comporter une interdiction totale de stationnement et de séjour ni aboutir en fait à une impossibilité pour les nomades de stationner pendant le temps minimum qui leur est nécessaire. En l'espèce, la Haute juridiction avait sanctionné un arrêté municipal limitant le stationnement à quarante huit heures sans possibilité de prolongation autre que pour des raisons de santé exceptionnelles.
L'article unique de la proposition de loi aurait pour effet de permettre au maire d'interdire par arrêté le stationnement d'une durée excédant vingt quatre heures sur le domaine communal en dehors des aires publiques d'accueil déterminées par le schéma départemental. Seraient concernés par cette mesure les caravanes, remorques, voitures et abris mobiles servant de domicile.
Selon l'exposé des motifs, ce dispositif permettrait non seulement d'améliorer l'accueil des nomades mais aussi de mieux faire respecter l'autorité municipale, souvent affaiblie par les confrontations avec les gens du voyage.
IV. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ROMPRE L'ISOLEMENT DES COMMUNES EN PARVENANT À UN JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE DES CONDITIONS D'ACCUEIL SATISFAISANTES DES GENS DU VOYAGE ET UNE SANCTION EFFECTIVE DU STATIONNEMENT ILLICITE
Votre commission des Lois a cherché à définir de manière pragmatique les moyens de remédier aux difficultés posées à de trop nombreuses communes par le stationnement des gens du voyage, ce qui implique à la fois une amélioration des conditions d'accueil des gens du voyage et des moyens accrus pour sanctionner effectivement le stationnement illicite.
Il s'agit bien, en effet, de concilier, d'une part, le droit légitime des gens du voyage à circuler et à pouvoir stationner dans des conditions régulières sur le territoire et, d'autre part, le respect d'un certain nombre d'obligations nécessaires au bon voisinage. Il faut ainsi veiller à ne pas rompre l'équilibre entre les " droits et les devoirs ", tant dans l'offre de stationnement par les collectivités locales que dans l'observation des règles de vie commune par les gens du voyage. Dans ce but, les positions de " refus systématique " lesquelles peuvent s'exprimer de part et d'autres doivent clairement être écartées.
La démarche à suivre doit être de rompre l'isolement dans lequel se trouvent les communes concernées. Une telle situation -qui est profondément injuste pour les communes qui ont consenti de réels efforts pour aménager des aires d'accueil- rend en outre illusoire tout règlement des difficultés rencontrées dès lors que, par leur nature même, elles dépassent les limites d'une seule commune.
Pour y remédier, il convient donc d'impliquer dans l'accueil des gens du voyage les différents acteurs concernés au niveau départemental, qui semble le niveau adéquat pour régler les difficultés, en-dehors des grandes migrations traditionnelles lesquelles appellent à l'évidence des solutions nationales voire européennes.
Les conclusions que votre commission des Lois vous soumet s'inscrivent dans la démarche ainsi définie en cherchant à répondre aux préoccupations légitimement exprimées par les auteurs des propositions de loi. Elles prennent en compte à la fois le problème de l'accueil et celui de la sanction du stationnement illicite, qu'il soit ou non le fait des gens du voyage.
Par delà ces propositions, votre commission des Lois a jugé nécessaire de souligner que la situation des gens du voyage appelle une réflexion complémentaire afin notamment de simplifier le régime des titres de circulation et de mieux appréhender le statut fiscal.
En outre, le problème de la scolarisation des enfants dans le contexte très spécifique du voyage ne doit pas être sous-estimé. Il justifie vraisemblablement une approche originale destinée à tenir compte de la mobilité périodique de ces enfants.
Enfin, la sédentarisation appelle des réponses d'une nature particulière qui concernent à la fois les problèmes de logement et d'insertion professionnelle et sociale. Une coordination devrait, en particulier, être recherchée entre le plan départemental pour le logement et les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage.
A. UN TRAITEMENT DIFFÉRENCIÉ POUR L'ACCUEIL DES PETITS GROUPES DE GENS DU VOYAGE ET LES GRANDES MIGRATIONS TRADITIONNELLES
1. L'élaboration d'un schéma national d'accueil des gens du voyage
Comme le souligne à juste titre l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 240 de M. Louis Souvet, il est nécessaire " d'établir une distinction entre les mouvements et les transhumances de grande envergure de ces populations ", d'une part, et " des déplacements ne concernant que quelques familles (moins d'une dizaine de caravanes par exemple) ", d'autre part. Les premiers de ces déplacements, en raison de leur ampleur, doivent être planifiées afin de permettre un recensement des terrains d'accueil et d'éviter des concentrations excessives sur un même lieu, qui ne peuvent avoir que des effets néfastes en termes d'hygiène et de protection des sites.
Votre commission des Lois approuve en conséquence la suggestion de la proposition de loi n° 240 de confier aux pouvoirs publics la mission de planifier ces grands déplacements.
Néanmoins, elle estime que la démarche doit être plus ambitieuse qu'un simple répertoire national des terrains aménagés pour l'accueil des gens du voyage, tel qu'il résulte de l'article 3 de la proposition de loi n° 247.
Cette planification devrait plus profondément s'inscrire dans le cadre d'un schéma national qui permettrait de lier véritablement l'accueil des grandes migrations traditionnelles des gens du voyage aux préoccupations d'aménagement du territoire. A cette fin, le schéma national devrait prendre en compte les orientations de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire. La concertation préalable serait organisée au sein du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et de la commission nationale consultative des gens du voyage. Tel est l'objet de l'article premier du texte proposé par votre commission.
Par ce schéma national, l'Etat devrait ainsi réellement s'impliquer dans la prise en charge de ces grandes migrations traditionnelles qui, par leur nature même, ne concernent pas une seule collectivité.
2. La prise en compte des grandes migrations traditionnelles dans les directives territoriales d'aménagement
En outre, l'Etat devrait, le cas échéant, pouvoir traduire les orientations définies dans le schéma national dans des documents d'urbanisme. Votre commission des Lois a considéré que les directives territoriales d'aménagement, créées par la loi d'orientation du 4 février 1995, pouvaient permettre à l'Etat de préciser ses objectifs en matière de localisation de terrains d'accueil dans le cadre des grandes migrations traditionnelles. Ces directives devraient alors prendre en compte les orientations du schéma national prévu par l'article premier. Tel est l'objet de l'article 2 du texte qui vous est proposé.
3. L'affirmation du rôle de coordination du représentant de l'Etat dans le département pour les grandes migrations traditionnelles
Enfin, comme le suggère la proposition de loi n° 240 de M. Louis Souvet, le représentant de l'Etat dans le département doit jouer un rôle particulier afin d'assurer une répartition équilibrée sur le territoire des personnes participant à des grandes migrations. Cette proposition est formalisée à l'article 3 du texte de la commission, qui rattache cette mission aux pouvoirs du représentant de l'Etat en matière de police.
Par cet ensemble de dispositions, l' isolement des communes pour les grandes migrations de gens du voyage serait ainsi rompu, l'Etat assumant clairement les responsabilités qui doivent être les siennes.
B. UNE APPROCHE PLUS RÉALISTE DES OBLIGATIONS FAITES AUX COMMUNES
1. Le maintien des schémas départementaux
Quelle que soit la valeur des précisions ou compléments qui pourraient être apportés aux schémas départementaux prévus par la loi du 31 mai 1990, votre commission des Lois considère néanmoins qu'il serait de mauvaise méthode de remettre en cause ces schémas d'ores et déjà adoptés dans un certain nombre de départements ou en cours d'élaboration dans d'autres. Tel n'est d'ailleurs l'objet d'aucune des deux propositions de loi.
Néanmoins, la situation spécifique de l'Ile-de-France au regard du staionnement des gens du voyage devrait probablement justifier la recherche plus affirmée de formules de coordination interdépartementale.
2. Une plus juste appréciation des obligations communales
Par ailleurs, la mise en oeuvre des schémas départementaux justifie une approche plus réaliste que celle prévue par la loi du 31 mai 1990.
Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur ont mis en évidence que le seuil de 5 000 habitants retenu pour faire obligation aux communes de se doter d'un terrain d'accueil ne correspondait pas aux réalités locales. D'une part, suivant les orientations fixées par le schéma départemental, un tel terrain pourra être plus utilement créé dans une commune de taille inférieure. D'autre part, certains départements étant plus concernés que d'autres par les déplacements des gens du voyage, c'est dans ces départements qu'une éventuelle obligation peut avoir tout son sens. Enfin, il apparaît que la coopération intercommunale peut constituer le cadre le plus adapté en favorisant les nécessaires solidarités entre communes voisines sur un problème qui les concerne toutes.
Dans ces conditions, votre commission a jugé préférable de supprimer le seuil de 5 000 habitants institué par la loi du 31 mai 1990 et n'a pas retenu la suggestion de la proposition de loi n° 240 ( article premier ) tendant à moduler l'obligation faite aux communes à partir de strates de population.
En revanche, elle vous propose -à l'article 4 du texte qu'elle vous soumet- d'établir clairement l'obligation faite aux communes et à leurs groupements de concourir à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation de terrains aménagés, en fonction des orientations fixées par le schéma départemental.
Enfin, l'isolement des communes dans la mise en oeuvre des schémas serait supprimé par la généralisation d'un cadre conventionnel impliquant tous les partenaires concernés -à savoir prioritairement l'Etat, la région, le département, les communes mais aussi les groupements de communes et les autres organismes publics- et précisant les modalités concrètes de la réalisation de l'aire, notamment sur le plan financier.
C. LA CRÉATION D'UN CADRE DE CONCERTATION ET DE MÉDIATION AU PLAN LOCAL
Lorsque des difficultés surviennent au plan local, les élus locaux déplorent, souvent à juste titre, l'absence d'interlocuteurs avec lesquels rechercher des solutions de manière pragmatique.
Votre commission a donc considéré qu'il était nécessaire d'encourager des formules de concertation et de médiation au plan local.
Telle serait la finalité de la commission consultative départementale ( article 5 du texte proposé) qui associerait les différentes parties concernées, examinerait les problèmes rencontrés et pourrait désigner en son sein un médiateur.
D. UN ACCROISSEMENT NÉCESSAIRE DES POUVOIRS DU MAIRE POUR FAIRE CESSER LE STATIONNEMENT ILLICITE
1. Un renforcement nécessaire par la voie réglementaire des contraventions de police
Si elle relève du pouvoir réglementaire, cette mesure n'en mérite pas moins d'être soulignée.
Ayant le sentiment, souvent justifié, d'être isolés dans la mise en oeuvre des schémas départementaux, les maires des communes concernées éprouvent le même isolement pour faire cesser le stationnement illicite des gens du voyage sur le territoire de leurs communes.
Pourtant, comme l'a rappelé votre rapporteur, des moyens existent, en théorie du moins, pour parvenir à ce dernier objectif.
D'une part, dès qu'une aire d'accueil a été réalisée, le maire peut interdire le stationnement sur le reste du territoire communal. D'autre part, le maire peut agir dans le cadre de ses pouvoirs de police municipale. Enfin, des sanctions sont prévues et des procédures juridictionnelles peuvent être mises en oeuvre. Il reste que ces sanctions ne semblent avoir qu'une portée limitée .
Pour les rendre effectives, votre commission des Lois estime que le niveau des contraventions, fixé par la voie réglementaire et manifestement peu dissuasif, devrait être relevé .
2. Renforcer les moyens d'action du maire
Votre commission des Lois vous suggère, par ailleurs, de mieux établir le pouvoir du maire pour faire cesser le stationnement illicite.
A cette fin, elle vous propose d'insérer dans le chapitre du code général des collectivités territoriales qui traite du pouvoir de police municipale la faculté reconnue au maire par la loi du 31 mai 1990 d'interdire le stationnement sur le reste du territoire communal dès lors qu'une aire d'accueil a été réalisée ( article 6 du texte proposé). Cette faculté est -conformément au souhait exprimé par les auteurs de la proposition de loi n° 240- clairement étendue aux maires des communes qui se sont groupées au sein d'un établissement public de coopération intercommunale pour réaliser cette aire d'accueil.
Dès lors, l'objet de la suggestion de la proposition de loi n° 259, de M. Philippe Marini, consistant à permettre aux maires d'interdire le stationnement hors de ces aires pour une durée excédant vingt-quatre heures paraîtrait satisfait.
En outre, une difficulté spécifique est posée aux communes lorsque le stationnement illégal se produit sur des terrains privés.
Afin de lever cette difficulté, votre commission vous propose d'élargir l'objet initial des deux propositions de loi afin de renforcer le dispositif destiné à faire cesser le stationnement irrégulier de caravanes, que celles-ci appartiennent ou non à des gens du voyage.
Elle vous suggère de permettre désormais au maire d'engager une action auprès du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour obtenir l'évacuation de caravanes qui stationneraient irrégulièrement sur un terrain privé et dont la présence serait de nature à porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique ( article 6 du texte proposé).
Rappelons que notre législation reconnaît déjà, soit au maire soit au préfet, des prérogatives spécifiques pour faire cesser certaines situations périlleuses, notamment en matière sanitaire et social.
Votre commission considère qu'une mise en oeuvre effective des moyens destinés à mettre un terme au stationnement illicite doit être impérativement recherchée.
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* *
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous demande d'adopter les conclusions qu'elle vous soumet pour ces deux propositions de loi et qui sont reproduites à la fin du présent rapport .
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Schéma national d'accueil des gens du voyageCet article premier reprend la suggestion faite par la proposition de loi n° 240, dont M. Louis Souvet est le premier signataire, qui, dans son article 3 , prévoit un répertoire national des terrains aménagés pour l'accueil des gens du voyage. Cette suggestion est fondée sur la considération que les déplacements importants se renouvelant chaque année (conventions bibliques, pèlerinages) doivent être planifiés afin d'établir une liste de sites aménagés sur lesquels l'ensemble des populations migrantes pourra être réparti.
Dans le même esprit, le présent article prévoit l'établissement d'un schéma national qui devra définir les conditions d'accueil des gens du voyage dans le cadre des grandes migrations traditionnelles.
Ce schéma aura pour objet de fixer une liste de terrains susceptibles d'être utilisés pour accueillir ces grands déplacements que constituent notamment les pèlerinages. Il prévoira les aménagements nécessaires sur ces terrains.
Document d'orientation, le schéma national n'aura pas pour objet de figer les situations par une définition rigide d'une liste de terrains destinés à l'accueil des grandes migrations. Il s'agira par ce document de mettre en cohérence les mesures destinées à permettre le déroulement de ces migrations dans des conditions satisfaisantes. L'établissement d'un schéma national permettra ainsi de mieux affirmer la responsabilité de l'Etat dans un domaine où les collectivités locales se trouvent trop souvent isolées.
En outre, l'accueil des grandes migrations traditionnelles de gens du voyage ne doit pas être séparé des préoccupations d'aménagement du territoire . A cette fin, le présent article prévoit que le schéma national d'accueil des gens du voyage devra respecter les orientations de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire.
Le respect de ces orientations sera facilité par l'association du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire à l'élaboration du projet de schéma national d'accueil des gens du voyage. Le conseil national donnera son avis sur ce projet.
On rappellera que, créé par l'article 3 de la loi d'orientation du 4 février 1995, le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire est présidé par le Premier ministre. Il est composé au moins pour moitié de représentants des assemblées parlementaires et des collectivités territoriales ainsi que de représentants des activités économiques, sociales, familiales, culturelles, associatives et de personnalités qualifiées.
Le conseil national formule des avis et des suggestions sur la mise en oeuvre de la politique d'aménagement et de développement du territoire par l'Etat, les collectivités territoriales et l'Union européenne. Il est également associé à l'élaboration du schéma national d'aménagement et de développement du territoire ainsi qu'à celle des projets sectoriels. Il donne son avis sur ces projets.
Par ailleurs, le conseil national est également consulté sur les projets de directives territoriales d'aménagement prévues à l' article L 111-1-1 du code de l'urbanisme. Il peut enfin se saisir de toutes questions relatives à l'aménagement et au développement du territoire qui lui paraissent nécessiter son avis.
La commission nationale consultative des gens du voyage sera également associée, dans les mêmes conditions, à cette procédure.
Créée par le décret n° 92-262 du 24 mars 1992 , la commission nationale consultative des gens du voyage a une composition tripartite : dix représentants des ministères concernés ; dix représentants des élus (deux députés, deux sénateurs, un président de conseil général, un président de conseil régional, quatre maires dont un d'une commune de moins de 5 000 habitants) ; dix représentants des gens du voyage.
Présidée par le Premier ministre, cette commission est chargée d'étudier les problèmes spécifiques que connaissent les gens du voyage et de faire au Premier ministre les propositions de nature à les résoudre, en vue d'assurer une meilleure insertion de cette population dans la communauté nationale.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article 2
Localisation des terrains d'accueil
pour les grandes migrations traditionnelles de gens du voyageCet article a pour objet de prendre en compte le cas où il serait nécessaire pour l'Etat de traduire dans des documents d'urbanisme les objectifs définis par le schéma national prévu à l'article premier, en ce qui concerne les grandes migrations traditionnelles.
Ainsi l'Etat pourra souhaiter préciser ses objectifs en matière de localisation des terrains d'accueil des gens du voyage pour ces migrations dans le cadre des directives territoriales d'aménagement prévues par l'article L 111-1-1 du code de l'urbanisme.
On rappellera que ces directives ont été instituées par l'article 4 de la loi d'orientation du 4 février 1995. Elles peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires.
Elles doivent également fixer les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages. Elles peuvent préciser pour les territoires concernés les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme, adaptées aux particularités géographiques locales.
Ces directives territoriales sont élaborées sous la responsabilité de l'Etat et à son initiative. Les collectivités locales ainsi que les groupements de communes compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme et les comités de massif sont associés à leur élaboration. Elles sont approuvées par décret en Conseil d'Etat.
Les schémas directeurs et les schémas de secteur doivent être compatibles avec les directives territoriales d'aménagement.
En l'absence de schémas de directeurs ou de schémas de secteur, les plans d'occupation des sols doivent être compatibles avec ces directives.
En visant les directives territoriales d'aménagement, le présent article souligne la responsabilité de l'Etat pour les grandes migrations traditionnelles, en concertation avec les collectivités locales.
On rappellera, par ailleurs, que le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire est consulté sur les projets de directives territoriales.
Lorsque l'Etat aura recours à ce document d'urbanisme, celui-ci devra prendre en compte les orientations inscrites au schéma national.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article 3
(article L 2215-1-1 du code général des collectivités territoriales)
Pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département dans le cadre
des grandes migrations traditionnelles des gens du voyageCet article tend à insérer un article L 2215-1-1 dans le chapitre V " Pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département " du titre premier " Police " du Livre deuxième " Administration et services communaux " du code général des collectivités territoriales, afin d'affirmer le rôle du représentant de l'Etat dans le département dans la prise en charge des grandes migrations traditionnelles des gens de voyage.
Cette disposition reprend la suggestion de la proposition de loi n° 240 ( article 3 ) dont M. Louis Souvet est le premier signataire.
Le représentant de l'Etat agira, en l'espèce, dans le cadre des pouvoirs de police qui lui sont dévolus par l'article L 2215-1 du code général des collectivités territoriales.
Rappelons qu'en application de l'article L 2215-1 , le représentant de l'Etat peut prendre, par toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la sécurité , de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat.
En outre, lorsque le maintien de l'ordre est menacée dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l'Etat peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires des communes pour leurs pouvoirs de police qui concernent la répression des atteintes à la tranquillité publique, le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes et la police des baignades et activités nautiques.
Enfin, et cette disposition est particulièrement importante en l'espèce, le représentant de l'Etat est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune.
Précisant ces pouvoirs et affirmant le rôle de l'Etat en la matière, le présent article confie au représentant de l'Etat le soin de prendre les mesures nécessaires à une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département qui ont été inscrits au schéma national prévu par l'article premier, lequel concerne les grandes migrations traditionnelles.
Le représentant de l'Etat devra exercer sa mission conformément aux orientations retenues par le schéma national.
Il jouera donc un rôle essentiel pour veiller à éviter -comme le révèle l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 240 - " des concentrations anarchiques dans des lieux incongrus, concentrations qui entraînent des pollutions et des dégradations des sites ainsi que des conditions d'hygiène plus que précaires pour les principaux intéressés ".
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article 4
(article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990)
Modalités d'aménagement des aires d'accueil des gens du voyageCet article tend à modifier l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, afin de mieux définir les obligations des communes pour l'aménagement d'aires d'accueil des gens du voyage.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 prévoit l'élaboration d'un schéma départemental qui détermine les conditions d'accueil spécifiques des gens du voyage, en ce qui concerne le passage et le séjour, en y incluant des conditions de scolarisation des enfants et celles d'exercice d'activités économiques.
En outre, l'article 28 fait obligation aux communes de plus de 5 000 habitants de prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire par la réservation de terrains aménagés à cet effet. A partir des informations transmises par 85 préfectures, le ministère de l'intérieur recense 378 aires municipales en métropole pour 1739 communes soumises à l'obligation légale, une cinquantaine d'aires étant gérées sur un mode intercommunal.
En contrepartie, dès la réalisation d'une aire d'accueil, le maire ou les maires des communes qui se sont groupées pour sa réalisation peuvent, par arrêté, interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal.
Bien que la procédure du schéma départemental n'ait pas été appliquée dans tous les départements, votre commission juge préférable de ne pas la remettre en cause ni même de prévoir des modifications substantielles de cette procédure. D'une part, le niveau départemental paraît le niveau adéquat pour définir un cadre cohérent de l'accueil des gens du voyage dès lors que ne sont pas en cause de grandes migrations qui, elles, doivent être planifiées au niveau national. D'autre part, si des schémas n'ont pas été mis en place dans tous les départements, il ne paraît pas souhaitable de définir de nouveaux principes qui impliqueraient nécessairement la révision des schémas existants.
En revanche, les obligations imposées aux communes par la loi du 31 mai 1990 méritent d'être corrigées .
En premier lieu, le seuil de 5 000 habitants retenu pour la création obligatoire d'aires d'accueil ne correspond pas aux réalités locales . Il peut être plus logique, dans certains départements de créer des aires d'accueil dans des communes de taille inférieure. En outre, cette obligation uniforme ne peut avoir de sens que dans certains départements qui sont les plus concernés par les déplacements des gens du voyage. Enfin, la définition d'un seuil uniforme ne permet pas de prendre en compte suffisamment la coopération intercommunale . Or, celle-ci semble dans bien des cas la solution adéquate pour l'aménagement d'aires d'accueil. Elle favorise, en effet, la concertation entre les communes pour le choix des terrains et permet une mutualisation des coûts au niveau tant de l'investissement que du fonctionnement.
C'est pourquoi, tout en maintenant l'obligation faite aux communes par la loi du 31 mai 1990, le présent article supprime tout seuil de population. Par conséquent, il ne reprend pas la suggestion de la proposition de loi n° 240 tendant à moduler cette obligation à partir de strates de population. Il définit une obligation pour les communes et leurs groupements de concourir à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation de terrains aménagés en vue du passage et du séjour des gens du voyage, en fonction des orientations retenues par le schéma départemental.
Cette nouvelle rédaction conduit ainsi à privilégier une approche départementale pour la définition des orientations et une approche intercommunale pour l'aménagement des aires d'accueil.
En outre, le second alinéa du présent article prévoit la conclusion d'une convention qui associera tous les partenaires concernés par l'aménagement d'aires d'accueil et évitera ainsi l'isolement des communes.
Cette convention devra être conclue obligatoirement entre l'Etat, la région, le département et la commune d'accueil. Un établissement public de coopération intercommunale qui aurait été doté de cette compétence par les communes adhérentes mais aussi tout autre organisme public susceptible d'intervenir dans ce domaine pourra participer à la convention.
Celle-ci devra préciser les modalités d'aménagement de l'aire. A cet égard, votre rapporteur relève -à partir des exemples d'aires d'accueil qui fonctionnent bien- que, pour être opérationnelles, celles-ci ne doivent pas être trop étendues, faire l'objet d'une gestion par un personnel permanent et être différenciées selon la population concernée. A partir des données recensées dans le schéma départemental et les objectifs fixés par celui-ci, la convention devra donc permettre de concevoir une aire d'accueil adaptée aux besoins.
En outre, la convention doit favoriser une mutualisation des coûts entre les différentes parties intéressées tant pour l'investissement que pour le fonctionnement.
Le coût d'une place peut être évalué à 100 000 francs en investissement et à 20 000 francs par an en fonctionnement.
La contribution de l'Etat par l'intermédiaire du chapitre 65-48 s'élève actuellement à 35 % des investissements. Ce taux est probablement insuffisant, comme en témoigne notamment la faible consommation des crédits.
L'Etat devrait donc, en fonction des objectifs arrêtés par la convention, accroître sa contribution. Il pourrait également envisager de la moduler en fonction du calendrier de réalisation de l'aire d'accueil. Le département, la région et, le cas échéant, des organismes publics intéressés pourraient également financer le programme d'aménagement d'aires d'accueil.
En outre, comme votre rapporteur l'a indiqué ci-dessus, l'intervention d'un établissement public de coopération intercommunale ne peut que renforcer cette nécessaire mutualisation des coûts.
Pour donner toute son efficacité à ce cadre conventionnel, il serait vraisemblablement utile de pouvoir faire bénéficier les communes ou leurs groupements d'" opérateurs techniques " ayant une bonne connaissance de réalisations antérieures ayant réussi.
Enfin, le présent article ne reprend pas la faculté ouverte au maire d'une commune ayant créé une aire d'accueil d'interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal, cette faculté étant codifiée dans le code général des collectivités territoriales par l'article 6.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article 5
Création d'une commission consultative
départementale des gens du voyageCet article a pour objet de prévoir la possibilité de créer une commission consultative départementale des gens du voyage, afin de favoriser la mise en place d'un cadre de concertation et de médiation au plan local.
Cette commission, à l'instar de la commission nationale consultative des gens du voyage associera des représentants de l'Etat, des collectivités locales et des gens du voyage. En outre, des personnalités qualifiées devront y siéger. Elle sera coprésidée par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général.
Sa création ne sera pas rendue obligatoire, afin de tenir compte de la diversité des situations dans les départements au regard du problème des gens du voyage.
La commission consultative exercera une double mission. En premier lieu, elle devra établir chaque année un bilan de l'application du schéma national défini par l'article premier et du schéma départemental prévu par l'article 28 de la loi du 31 mai 1990.
La commission pourra ainsi identifier les difficultés rencontrées et proposer des solutions pour y remédier. Cette mission devra la conduire à examiner non seulement le fonctionnement des aires d'accueil mais aussi, le cas échéant, les difficultés suscitées par un stationnement illicite en dehors de ces aires. Elle sera ainsi appelée à favoriser la recherche de solutions amiables et, si nécessaire, à promouvoir une action coordonnée de l'Etat et des maires des communes concernées pour y mettre un terme.
En second lieu, la commission consultative exercera une fonction de médiation dont la nécessité est clairement mise en évidence par la " confrontation de points de vue " opposés que l'on peut observer dans certaines communes.
Cette fonction de médiation est évidemment étroitement liée à la première mission de la commission consultative telle qu'elle a été décrite ci-dessus. Elle conduira, en effet, la commission à chercher à remédier aux difficultés concrètes dans le fonctionnement des aires d'accueil. Elle pourra également la conduire à rechercher une solution amiable pour faire cesser un stationnement illicite.
Pour exercer cette médiation, la commission désignera l'un de ses membres qui devra lui rendre compte de sa mission. La composition de la commission lui permettra de choisir , selon la nature du problème en cause, celui de ses membres qui lui paraîtra le plus qualifié pour le résoudre.
On notera que la création d'une commission consultative au plan local devrait atténuer les difficulés trop souvent rencontrées par les élus locaux pour s'adresser à des interlocuteurs qualifiés issus de la communauté des gens du voyage.
La commission consultative constituera enfin un cadre adéquat pour évoquer les autres aspects de la situation des gens du voyage, notamment ceux liés à la sédentarisation. Elle pourra ainsi utilement se rapprocher du conseil départemental d'insertion et de la commission locale d'insertion.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article 6
(articles 2213-6-1 et 2213-6-2
du code général des collectivités territoriales)
Moyens d'action du maire pour faire cesser
le stationnement irrégulierCet article a pour objet d'insérer deux nouveaux articles L. 2213-6-1 et L. 2213-6-2 dans la section 1 (" Police de la circulation et du stationnement ") du chapitre III (" Pouvoirs de police portant sur des objets particulier ") du titre premier (" Police ") du livre deuxième (" Administration et services communaux ") du code général des collectivités territoriales, afin de renforcer les moyens d'action du maire pour faire cesser le stationnement irrégulier.
Dans le droit en vigueur, le maire dispose en premier lieu de ses pouvoirs de police municipale qui lui permettent de réglementer les conditions de stationnement et de séjour des gens du voyage sur le territoire communal ( articles L. 2212-2, 2° et 3°, L. 2213-2, 2° du code général des collectivités territoriales).
La jurisprudence a confirmé la faculté de réglementer ces conditions de stationnement afin d'éviter qu'elles ne créent un danger pour la salubrité , la sécurité ou la tranquillité publique.
En fonction des circonstances locales le maire peut ainsi limiter la durée du stationnement sur le territoire communal aussi bien sur le territoire de passage que sur le reste du territoire communal si le stationnement y est toléré.
Néanmoins, sont illégales les mesures comportant une interdiction totale du stationnement et de séjour. Il en est de même de celles qui aboutissent en fait à une impossibilité pour les nomades de stationner pendant le temps minimum qui leur est nécessaire. La jurisprudence n'admet ainsi une limitation inférieure à 48 heures qu'en cas d'absolue nécessité résultant de troubles graves à l'ordre public.
Par ailleurs, la loi du 31 mai 1990 a confirmé la solution jurisprudentielle reconnaissant au maire d'une commune qui met à la disposition des gens du voyage un terrain aménagé la faculté d'interdire leur stationnement sur le reste du territoire communal. Elle a étendu la même faculté aux maires des communes qui se sont groupées pour réaliser un tel équipement.
Le code de l'urbanisme réglemente par ailleurs le stationnement des caravanes et reconnaît dans ce cadre un certain nombre de prérogatives au maire.
L' article R. 443-4 subordonne un stationnement pendant plus de trois mois par an, consécutif ou non, d'une caravane à l'obtention par le propriétaire du terrain sur lequel elle est installée d'une autorisation qui est délivrée par le maire ou le préfet, selon que la commune est ou non dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé. Cette autorisation ne peut être délivrée pour une période supérieure à trois ans mais qui est renouvelable. Lorsque les caravanes constituent l'habitat permanent de leurs utilisateurs, l'autorisation n'est exigée que si le stationnement est continu.
L'autorisation peut elle-même être subordonnée à des prescriptions spéciales notamment si le mode d'occupation des sols est susceptible de porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique ( article R. 443-10 ).
Dans le même esprit, lorsque plus de six caravanes stationnent de façon habituelle sur un terrain, le propriétaire de celui-ci ou la personne en ayant la jouissance doit avoir obtenu l'autorisation de l'aménager conformément aux dispositions du code de l'urbanisme ( article R. 443-7 ).
Le code de l'urbanisme réglemente, par ailleurs, le stationnement sur des terrains appartenant aux collectivités publiques, en l'interdisant de manière générale dans certaines zones protégées ( article R. 443-9 ) ou en permettant au maire de le prohiber également en-dehors des terrains aménagés, après avis de la commission départementale d'action touristique et pour des motifs limitativement énumérés ( article R. 443-10 ).
Le non respect de cet ensemble de dispositions fait l'objet de sanctions , lesquelles ne sont pas toujours suffisamment dissuasives.
Ainsi, l'inobservation des arrêtés de police en matière de stationnement donne lieu à une contravention de première classe (amende de 30 à 250 francs) prévue par l' article R. 610-5 du code pénal.
Une sanction identique est encourue en cas de stationnement ininterrompu d'une caravane sur une dépendance du domaine public routier, pendant une durée excédant sept jours , en infraction avec les dispositions de l' article R 37 du code de la route.
L'occupation sans titre du domaine public routier constitue, par ailleurs, une contravention de voirie sanctionnable par le juge pénal.
Le stationnement abusif, gênant ou dangereux au sens des articles R. 37 et suivants du code de la route est lui-même passible des sanctions prévues par les articles R. 233-1 et suivants du même code.
L'article L. 480-4 du code de l'urbanisme sanctionne pour sa part pénalement la violation des règles d'urbanisme, en édictant une peine d'amende qui ne peut être inférieure à 8 000 francs et, en cas de récidive, une peine de six mois d'emprisonnement.
L'ensemble de ces sanctions ne suffit cependant pas toujours à mettre un terme au stationnement irrégulier. Le maire peut alors saisir les tribunaux aux fins de faire ordonner l'évacuation des contrevenants. Il s'agit du tribunal administratif dans le cas d'un occupant sans titre du domaine public et du juge judiciaire si le terrain appartient au domaine privé de la commune. En cas d'urgence, la procédure de référé peut être utilisée.
Il reste que ces procédures juridictionnelles peuvent, dans certains cas, paraître lourdes à mettre en oeuvre pour des élus locaux confrontés à des situations d'urgence. En outre, le maire se trouve relativement démuni pour faire cesser un stationnement irrégulier sur un terrain privé alors même que ce stationnement peut avoir des effets néfastes pour l'ordre public.
Votre commission des Lois tient à souligner que la recherche d'une application effective des mesures destinées à faire cesser le stationnement illicite doit constituer un objectif prioritaire .
- Le présent article prévoit, en premier lieu de codifier dans le code général des collectivités territoriales les dispositions du dernier alinéa de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 qui permettent au maire d'une commune qui a aménagé une aire d'accueil d'interdire le stationnement sur le reste du territoire communal et étendent cette même faculté aux maires des communes qui se sont groupées aux mêmes fins.
Cette codification permet de répondre aux préoccupations exprimées par les propositions de loi n° 240 et n° 259.
On rappellera qu'une circulaire du 16 octobre 1991 a défini deux facteurs principaux sur lesquels devrait se fonder le contrôle de légalité s'exerçant sur des arrêtés d'interdiction du stationnement en dehors des aires aménagés : d'une part, les conditions générales d'accueil en fonction des besoins locaux, en particulier la capacité de l'aire qui peut être appréciée par référence au schéma départemental; d'autre part, dans le cas d'un regroupement intercommunal, l'aire géographique desservie, laquelle " si elle peut raisonnablement correspondre aux limites d'un canton en zone rurale (...) doit être appréciée, en zone urbaine et périurbaine, en fonction des réalités locales (itinéraires pratiqués et structures intercommunales existantes) ".
En outre, la même circulaire indiquait " qu'il ne peut être envisagé de prendre un arrêté d'interdiction de stationnement sur des terrains privés permettant l'accueil des caravanes en application des prescriptions du code de l'urbanisme (articles R. 443-7 et R. 443-4 de ce code) ".
- En second lieu, le présent article ouvre au maire la faculté de saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés lorsque le stationnement irrégulier de caravanes sur un terrain privé ou sur le domaine privé communal est de nature à porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique, afin d'obtenir l'évacuation ce ces caravanes.
Dans le droit en vigueur, comme votre rapporteur l'a indiqué précédemment, le maire se trouve, en effet, relativement démuni pour faire cesser un stationnement irrégulier sur un terrain privé. Certes, des sanctions pénales sont prévues par le code de l'urbanisme mais leur application reste subordonnée à la mise en ouvre de l'action publique, dont l'objectif est d'obtenir une condamnation pénale. En outre, si l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme permet au tribunal de statuer sur la remise en conformité des lieux, force est d'observer que ces dispositions -qui ont été conçues pour des ouvrages ou constructions- peuvent être d'application plus délicate s'agissant de caravanes.
Aussi, le présent article reconnaît au maire un intérêt à agir devant le juge civil aux fins d'obtenir l'évacuation de caravanes d'un terrain privé à la double condition que le stationnement de ces caravanes soit irrégulier et que leur présence soit de nature à porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique.
On rappellera que le droit en vigueur prévoit d'ores et déjà une faculté d'intervention du maire ou du représentant de l'Etat, s'agissant de propriétés privées, pour des motifs d'ordre public.
Dans le cas des immeubles insalubres , l'article L. 30 du code de la Santé publique prévoit que le préfet est recevable à engager une action aux fins d'expulsion des occupants d'un tel immeuble, lorsque, à l'expiration du délai fixé pour le départ de ces occupants, les locaux n'ont pas été libérés et à défaut pour le propriétaire ou l'usufruitier d 'avoir engagé cette action. Le maire peut, pour sa part, saisir le juge des référés afin de faire autoriser l'exécution d'office de travaux aux frais du propriétaire.
En ce qui concerne les bâtiments menaçant ruine , les articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation reconnaissent au maire un certain nombre de prérogatives, notamment celle de provoquer la nomination d'un homme de l'art par le tribunal d'instance. Si le rapport de l'expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent le maire peut ordonner l'évacuation de l'immeuble.
En matière de lutte contre le bruit , l'article 27 de la loi du 31 décembre 1992 permet, indépendamment des poursuites pénales, à l'autorité administrative compétente de demander au juge que l'objet ou le dispositif facteur de trouble soit rendu inutilisable ou détruit.
Dans le droit en vigueur, le maire peut, par ailleurs, dans certains cas être habilité à ordonner des mesures sur des propriétés privées. Ainsi, l'article 94 de la loi du 2 février 1995 a permis au maire, pour des motifs d' environnement , de notifier par arrêté au propriétaire qui n'entretient pas son terrain l'obligation d'exécuter à ses frais les travaux de remise en état du terrain après mise en demeure. Faute d'exécution de ces travaux dans les délais prescrits, le maire peut procéder d'office à ces travaux aux frais du propriétaire.
En vertu du présent article, le président du tribunal de grande instance statuera en la forme des référés . Cette procédure est prévue dans un certain nombre de domaines par le droit actuel : lorsque le juge relève le défendeur de la forclusion ( article 540 du nouveau code de procédure civile); lorsqu'il statue sur des demandes d'institution d'une servitude d'utilité commune ( article R. 451-1 du code de l'urbanisme); pour la désignation d'un expert afin de procéder à une évaluation des droits sociaux ( article 1843-4 du code civil); pour la prescription de mesures d'urgence en matière d'indivision ( article 815-6 du code civil); lorsque le juge aux affaires familiales statue après le prononcé du divorce et de la séparation de corps; pour certains contentieux en matière de marchés publics (article 11-1 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée).
Dans toutes ces hypothèses, le juge statue comme juge du fond. Son ordonnance est donc prise au principal et non pas au provisoire. Elle a donc autorité de la chose jugée . Elle peut bénéficier dune exécution provisoire mais conformément à l'article 515 du nouveau code de procédure civile, soit à la demande des parties soit d'office chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.
En outre, l'assignation à peine d'irrecevabilité devra obligatoirement être notifiée au propriétaire du terrain, à l'usufruitier ou à tout autre titulaire du droit d'usage. Ainsi, celui-ci pourra contester le motif d'ordre public qui fonde la démarche du maire ou exciper de l'illégalité de l'arrêté du maire interdisant le stationnement sur ce terrain.
On notera, enfin, que les dispositions des articles 61 et 62 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, qui concernent les mesures d'expulsion pourront s'appliquer.
Ainsi conçu ce dispositif paraît de nature à concilier de manière satisfaisante le respect de l'ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle et le droit de propriété.
Votre commission vous propose d'adopter cet article 6 dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Intitulé de la proposition de loi
Votre commission des Lois vous propose un intitulé qui vise les conditions de stationnement des gens du voyage.
TEXTE PROPOSE PAR LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX CONDITIONS
DE STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGEArticle premier
Le schéma national d'accueil des gens du voyage définit les conditions d'accueil des gens du voyage dans le cadre des grandes migrations traditionnelles.
Dans le respect des orientations de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire, le schéma national fixe la liste des terrains susceptibles d'être utilisés à cette fin et prévoit les aménagements nécessaires qui devront être réalisés sur ces terrains.
Le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire créé par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et la commission nationale consultative des gens du voyage sont associés à l'élaboration du projet de schéma national d'accueil des gens du voyage. Ils donnent leur avis sur ce projet.
Article 2
Les directives territoriales d'aménagement mentionnées à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme lorsqu'elles précisent les objectifs de l'Etat en matière de localisation des terrains d'accueil des gens du voyage dans le cadre des grandes migrations traditionnelles prennent en compte les orientations du schéma national prévu à l'article premier.
Article 3
Il est inséré dans le chapitre V du titre premier du Livre deuxième de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales un article L. 2215-1-1 ainsi rédigé:
" Art. L. 2215-1-1.- Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus par l'article L. 2215-1, le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, conformément aux orientations fixées par le schéma national d'accueil des gens du voyage prévu à l'article premier de la loi n° du relative au stationnement des gens du voyage, les mesures nécessaires à une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département et inscrits au schéma national. "
Article 4
Les deux derniers alinéas de l'article 28 de la loi n° 90- 449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement sont ainsi rédigés:
" Les communes et leurs groupements concourent à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation, en fonction des orientations fixées par celui-ci, de terrains aménagés en vue du passage et du séjour des gens du voyage.
" Une convention conclue entre l'Etat, le département, la commune d'accueil et la région, ainsi que, le cas échéant, un établissement public de coopération intercommunale compétent et tout autre organisme public définit les modalités d'aménagement de l'aire et de prise en charge des dépenses qui en résultent. "
Article 5
Il peut être créé une commission consultative départementale des gens du voyage chargée d'évaluer les conditions d'application dans le département du schéma national défini à l'article premier et du schéma départemental prévu à l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée.
La commission consultative établit chaque année un bilan d'application desdits schémas. Elle peut désigner en son sein un médiateur chargé d'examiner les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces schémas et de formuler des propositions de règlement de ces difficultés. Le médiateur rend compte à la commission de ses activités.
La commission consultative est coprésidée par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général. Elle comprend, en outre, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des représentants de la région, des représentants des communes et de leurs groupements, des représentants des services de l'Etat, des représentants des gens du voyage et des personnalités qualifiées.
Article 6
La section 1 du chapitre III du titre premier du Livre deuxième de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par deux articles L. 2213-6-1 et L. 2213-6-2 ainsi rédigés:
" Art. L. 2213-6-1.- Dès la réalisation d'une aire d'accueil, le maire de la commune concernée ou les maires des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale qui a réalisé ladite aire d'accueil peuvent, par arrêté, interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal.
" Art.- L. 2213-6-2.- Lorsque le stationnement irrégulier de caravanes sur un terrain privé ou sur le domaine privé communal est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique, le maire peut saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins de faire ordonner l'évacuation desdites caravanes.
" L'assignation est, à peine d'irrecevabilité, notifiée au propriétaire, à l'usufruitier ou à tout autre titulaire d'un droit d'usage sur le terrain concerné. "
TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE