Rapport n° 409 (1995-1996) de M. Jacques OUDIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 juin 1996
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N° 409
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 juin 1996.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, portant diverses mesures en faveur des associations,
Par M. Jacques OUDIN,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10ème législ.) : Première lecture : 2476, 2486 et T.A. 451.
Deuxième lecture : 2633, 2705 et T.A. 529.
Sénat : Première lecture : 179, 255 et T.A. 87 (1995-1996).
Deuxième lecture : 340 (1995-1996).
Associations
INTRODUCTION
La Haute-Assemblée est saisie en seconde lecture de la proposition de loi portant diverses mesures en faveur des associations.
Rappelons que c'est à l'initiative de la commission des finances que le Sénat a préféré substituer cet intitulé à l'intitulé initial (proposition de loi "améliorant le financement des associations concourant à l'action humanitaire en vue de leur permettre de participer plus efficacement à la lutte contre l'exclusion") compte tenu des articles additionnels proposés en première lecture par sa commission des finances et aussi du fait de l'adoption par les députés, en première lecture, d'une disposition relative à la taxe sur les salaires qui ne figurait pas dans le texte initial de la proposition de loi.
I. LES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
A l'article premier de la proposition de loi, relatif à l 'amélioration du régime fiscal des dons effectués par les particuliers, le Sénat a apporté au texte, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, deux modifications majeures qui seront rappelées ci-après lors de l'examen de cet article, seul à demeurer en navette.
A l 'article 2, relatif à l 'amélioration du régime fiscal des dons effectués par les entreprises, le Sénat, sur proposition de sa commission des finances, a adopté conforme un texte qui porte de 2 à 2,25 %o du chiffre d'affaires le plafond des dépenses déductibles par les entreprises au titre des dons versés aux oeuvres d'intérêt général et de 3 à 3,25 %o du chiffre d'affaires le plafond des dépenses déductibles par les entreprises au titre des dons versés aux fondations ou associations reconnues d'utilité publique.
Votre commission avait néanmoins regretté que soit ainsi pérennisée la différence de périmètre entre les seuils applicables aux dons faits par les particuliers et aux dons faits par les entreprises. Elle s'était encore interrogée sur les motifs de la différence de l'écart existant entre les plafonds (de 1 à 4 pour les particuliers et de 1 à 1,5 pour les entreprises). Aussi bien, elle avait appelé de ses voeux une meilleure cohérence et une plus grande lisibilité du dispositif.
Après l'article 2, le Sénat a adopté, sur proposition de sa commission, quatre articles additionnels ayant pour objet d'insérer des mesures de coordination dans le code général des impôts en conséquence des dispositions adoptées à l'article 2.
Le Sénat a adopté conforme, sur proposition de la commission des finances, l' article 2 bis , adopté par amendement à l'Assemblée nationale en première lecture, qui a pour objet de permettre aux entreprises qui n'ont pas dégagé de bénéfice imposable, une année donnée, d'étaler sur les années ultérieures les déductions dont elles peuvent bénéficier au titre de leurs dons.
A l' article 2 ter, adopté par amendement à l'Assemblée nationale, qui a pour objet de relever de 20.000 à 28.000 francs le montant de l'abattement annuel de taxe sur les salaires dont bénéficient certains organismes du mouvement associatif, le Sénat, sur proposition de la commission des finances, a modifié le dispositif sur deux points :
- en simplifiant la rédaction de l'article 1679 A du code général des impôts ;
- en instaurant un mécanisme d'indexation du montant de l'abattement sur la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (référence pour l'indexation des différents seuils du code général des impôts).
A l' article 3, relatif à la compensation des pertes de recettes, le Sénat a maintenu la suppression de cet article compte tenu de la décision prise par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale en première lecture de supprimer le gage.
Après l'article 3, la Haute-Assemblée a introduit, à l'initiative de la commission des finances, un premier article additionnel, devenu l' article 4 de la proposition de loi, dont l'objet est de rendre applicable l'engagement pris par le Premier ministre le 15 janvier 1996 devant le Conseil national de la vie associative d'étendre le mécanisme d'exonération de charges sociales patronales pour l'embauche d'un premier salarié aux associations déclarées après le 1er août 1992.
Pour ce faire, elle a modifié l'article 6 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social.
Après l'article 3, la Haute-Assemblée a introduit, sur proposition de votre commission des finances, un deuxième article additionnel, devenu l 'article 5 de la proposition de loi, dont l'objet est d' instituer un "droit de suite" au profit de la Cour des comptes dans son contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique, afin qu'elle puisse vérifier les comptes des organismes qui reçoivent, en provenance des "organismes faisant appel à la générosité publique" visés à l'article L 111-8 du code des juridictions financières, des ressources collectées dans le cadre des campagnes d'appel à la générosité publique.
En donnant à la Cour des comptes les mêmes pouvoirs que ceux qui ont été conférés à l'inspection générale des affaires sociales lors de l'examen du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social statutaire et sanitaire, ou à l'inspection générale des finances lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, le Sénat a souhaité permettre à la haute juridiction financière d'exercer pleinement son pouvoir de contrôle sans toutefois porter atteinte aux principes de la liberté associative.
Après l'article 3, le Sénat a, enfin, introduit, sur proposition de la commission des finances, un troisième article additionnel, devenu l' article 6 de la proposition de loi, qui a pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur les conditions dans lesquelles pourrait être réexaminée périodiquement la reconnaissance d'utilité publique.
Votre commission a, en effet, estimé que le retrait éventuel de la reconnaissance d'utilité publique pourrait constituer une sanction simple et efficace de la mauvaise gestion d'une association.
Afin de sécuriser les dons aux associations dans un cadre clair et transparent, il a été ainsi demandé au Gouvernement de déposer un rapport au Parlement avant le 31 décembre 1996.
Enfin, le Sénat a, comme il l'a été précisé en introduction, modifié l'intitulé de la proposition de loi sur proposition de la commission des finances.
II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE
En deuxième lecture, les députés ont adopté conformes, hormis à l'article premier, les modifications et nouvelles dispositions adoptées par le Sénat en première lecture.
Comme on va le voir lors de l'examen de l'unique article demeurant en navette, l'Assemblée nationale a souhaité, s'agissant du régime fiscal des dons effectués par les particuliers :
(1) étendre aux soins dispensés à l'étranger par les associations de type "Coluche" le bénéfice du nouveau régime d'exonération fiscale ;
(2) revenir au taux de réduction (60 %) et au plafond (2.000 francs) qu'elle avait retenu en première lecture, toujours au bénéfice des organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leurs logements ou qui procèdent à la fourniture gratuite de soins.
EXAMEN DE L'ARTICLE RESTANT EN DISCUSSION
Article premier - Amélioration du régime fiscal des dons effectués par les particuliers
Commentaire : Cet article a pour objet l'amélioration des conditions dans lesquelles les dons versés aux associations par les particuliers ouvrent droit à réduction d'impôt.
I. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE
Rappelons brièvement que l'article 200 du code général des impôts prévoit actuellement trois mécanismes de réduction d'impôt au titre des dons effectués par des particuliers :
- une réduction d'impôt de 40 % des sommes versées dans la limite de 1,25 % du revenu imposable pour les dons aux oeuvres d'intérêt général ;
- une réduction d'impôt de 40 % des sommes versées dans la limite de 5 % du revenu imposable pour les dons aux fondations ou associations reconnues d'utilité publique ;
- une réduction d'impôt de 50 % des sommes versées dans la limite de 1.040 francs pour les organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté ou qui contribuent à favoriser leur logement (associations dites "Coluche")
Lors de la première lecture de la proposition de loi, l'Assemblée nationale a adopté les innovations suivantes :
- s'agissant du plafond des sommes pouvant être prises en compte pour la réduction d'impôt, elle a relevé le taux de 5 à 5,25 % du revenu imposable pour les fondations ou associations reconnues d'utilité publique et de 1,25 à 1,75 % pour les autres oeuvres d'intérêt général ;
- s'agissant de la réduction d'impôt applicable aux dons versés à toutes les associations autres que les "associations Coluche" (fondations, associations reconnues d'utilité publique et oeuvres d'intérêt général), l'Assemblée nationale en a relevé le taux de 40 à 50 % à l'exception des dons aux partis politiques pour lesquels le taux de la réduction d'impôt à être maintenu à 40 % ;
- en ce qui concerne, enfin, la réduction d'impôt dite "Coluche", les députés ont modifié le dispositif existant sur deux points :
• ils ont porté de 50 à 60 % du
montant des sommes versées dans la limite de 2.000 francs (au lieu de
1.040 francs actuellement), le taux de la réduction d'impôt.
• ils ont étendu le régime de
réduction d'impôt "Coluche" aux associations
fournissant
gratuitement des soins aux personnes en difficulté.
II. LES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
En première lecture, la Haute-Assemblée a modifié le texte transmis par l'Assemblée nationale sur deux points importants :
En premier lieu, elle a fixé à 6 % au lieu de 5,25 % le plafond des sommes qui peuvent être déduites du revenu imposable, pour les associations reconnues d'utilité publique ou assimilées, c'est-à-dire celles dont le rôle est considéré comme essentiel aux yeux de la société.
Ce nouveau plafond a été considéré comme devant exercer un effet incitatif a l'égard des donateurs, étant observé que l'augmentation du taux de la réduction d'impôt procure plutôt un "effet d'aubaine."
En second lieu, sur proposition de sa commission des finances, le Sénat a souhaité apporter un soutien plus actif aux associations bénéficiant du régime "Coluche".
Il lui a semblé plus efficace de fixer à 55 % du montant des dons, le taux de réduction de l'impôt tout en relevant le plafond de 2.000 francs (montant retenu par l'Assemblée nationale) à 2.200 francs.
La Haute Assemblée a aussi fait valoir que le taux de 55 % présentait, par ailleurs, l'intérêt de se situer en-deçà du taux marginal de l'impôt sur le revenu, pour le même coût budgétaire que la solution retenue par les députés.
III. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE
Si elle a adopté conformes toutes les autres dispositions et mesures nouvelles adoptées par le Sénat en première lecture, l'Assemblée nationale a cru devoir confirmer sa position de première lecture sur le quatrième paragraphe de l'article premier relatif à la réduction d'impôt dite "Coluche" (déduction de 60 % du montant des dons dans la limite de 2.000 francs, soit un avantage maximal de 1.200 francs) tout en étendant le bénéfice du dispositif aux dons versés au profit d'associations fournissant des soins gratuits non seulement en France mais également à l'étranger.
Sur ce dernier point, les députés ont estimé que la limitation de la réduction d'impôt aux dons pour la distribution de soins gratuits au seul territoire français poserait de sérieuses difficultés de gestion aux associations concernées.
S'agissant du taux de réduction de l'impôt et du plafond applicables aux dons, l'Assemblée nationale a jugé "difficile" de relever de 10 % le taux applicable aux dons en faveur des associations d'intérêt général (c'est-à-dire de le porter de 40 % à 50 %), sans relever, parallèlement, dans une même proportion, le taux applicable aux associations "Coluche".
C'est pourquoi, contre l'avis du Gouvernement, elle a suivi la proposition de sa commission des finances et confirmé son vote de première lecture.
IV. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre commission estime que l'extension du bénéfice des nouvelles dispositions aux associations délivrant des soins à l'étranger n'est pas sans poser quelques problèmes.
La contrepartie de l'amélioration du régime d'exonération doit être le renforcement de la transparence des comptes et des possibilités de contrôle. Comment effectuer un véritable contrôle sur la gestion des activités des associations situées à l'extérieur du territoire français ?
En première lecture, votre commission avait plaidé pour la mise en place d'un plan comptable adapté aux associations dans lequel seraient clairement définis les frais de fonctionnement de celles-ci. Elle ne peut qu'appeler de ses voeux, au sein de ce plan comptable adapté, des dispositions spécifiques rigoureuses pour les associations qui exercent leurs activités à l'étranger.
En ce qui concerne le régime d'exonération, la solution retenue par le Sénat, sur proposition de sa commission des finances, en première lecture, avait sa logique. Elle avait, au demeurant, reçu l'approbation du Gouvernement qui a, vainement, tenté de la défendre à l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Le représentant du Gouvernement a ainsi fait valoir que le taux maximal d'impôt sur le revenu constituait un "butoir" et qu'il serait "paradoxal, voire choquant" que le taux d'une réduction d'impôt lui soit supérieur. En second lieu, le Gouvernement a rappelé que l'objet de la proposition de loi était de venir en aide à certaines associations. Or, a-t-il souligné : "On aidera mieux les associations en relevant le plafond qu'en accroissant son taux. Nous préférerions donc porter le plafond à 2.200 francs, ce qui, compte tenu de nos équilibres budgétaires, permettrait d'accorder un taux de 55 %, plutôt que de revenir à un plafond plus bas de 2.000 francs avec un taux de 60 %.
En l'occurrence, la question est celle de la priorité. S'il s'agit d'accorder une petite faveur aux contribuables, il faut retenir la solution du taux de 60 % avec un plafond de 2.000 francs. En revanche si la priorité, est d'aider les associations, le texte adopté par le Sénat qui prévoit un taux de 55 % avec un plafond de 2.200 francs me paraît plus favorable..."
Votre commission continue, elle aussi, à penser que le texte du Sénat était plus favorable aux associations.
Néanmoins, dans un souci de conciliation et afin de ne pas prolonger à l'excès l'attente du monde associatif par rapport à un texte que la Haute-Assemblée a notablement amélioré et enrichi, votre commission vous proposera un vote conforme de l'article premier de la proposition de loi.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification