II. UNE STRUCTURE ORIGINALE AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ
Pour permettre à la « Fondation du patrimoine » de remplir l'ensemble des missions décrites ci-dessus et de répondre aux attentes des différents acteurs, le Gouvernement vous propose d'autoriser la création d'une personne juridique originale.
Sur le plan des principes, le texte soumis à votre approbation est particulièrement audacieux. Alors que l'on connaît l'attachement séculaire du ministère de l'intérieur et du Conseil d'État 1 ( * ) au respect du droit des fondations, élaboré de façon prétorienne, le projet de loi tend à permettre à la « Fondation du patrimoine » de se constituer sous la forme d'une fondation reconnue d'utilité publique à statut largement dérogatoire.
Qui plus est, il vous invite à faire bénéficier la future « Fondation », personne morale de droit privé, de prérogatives exorbitantes du droit commun susceptibles de garantir l'efficacité de ses interventions.
A. UNE FONDATION RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE À STATUT DÉROGATOIRE
Plutôt que de créer une personne morale sui generis, le projet de loi vous propose de rattacher la « Fondation du patrimoine » à une catégorie de personnes privées préexistante, celle des fondations reconnues d'utilité publique.
En tant que telle, la création de la future « Fondation » restera subordonnée à autorisation administrative. Seule la publication au Journal Officiel du décret en Conseil d'État lui accordant la reconnaissance d'utilité publique et approuvant ses statuts permettra à la « Fondation du patrimoine » d'accéder à la personnalité juridique.
Le Gouvernement vous invite toutefois à considérer que cet organisme d'utilité publique pourra déroger sur certains points au droit classique des fondations. Le projet de loi soumis à votre approbation tend précisément à définir la nature et la portée de ces dérogations.
Trois d'entre elles sont particulièrement importantes. Elles portent sur la possibilité offerte aux personnes physiques ou morales d'adhérer directement à la « Fondation », sur la définition de modalités originales d'engagement des fondateurs au sein de celle-ci, et sur la garantie offerte aux fondateurs de conserver, ensemble, le pouvoir de décision au sein de son conseil d'administration.
1. La possibilité offerte aux personnes physiques ou morales d'adhérer directement à la « Fondation du patrimoine »
• On distingue traditionnellement en droit
français, deux types de personnes morales de droit privé à
but non lucratif : la fondation et l'association. Chacune obéit
à un régime juridique différent et,
a priori,
antinomique.
La fondation est un groupement de biens personnifié constitué par l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général. Sa création est subordonnée à autorisation administrative. Elle est gérée par un conseil d'administration, qui échappe au contrôle des fondateurs, et est chargé d'administrer la fondation conformément aux objectifs qui ont présidé à sa création. La fondation a vocation à la perpétuité. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'État exige, pour formuler un avis favorable à la déclaration d'utilité publique qui conditionne son accession à la personnalité morale, un apport en capital conséquent, les revenus de la dotation initiale devant suffire à financer durablement ses activités.
L'association est au contraire un groupement de personnes. Sa constitution n'est subordonnée à aucune formalité 1 ( * ) , la liberté d'association figurant parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et protégés par le Conseil constitutionnel. L'association tire l'essentiel de ses ressources des cotisations annuelles versées par ses adhérents. Sa politique est définie par une assemblée générale, émanation de la volonté de ses membres. La dissolution d'une association peut être décidée à tout moment par une décision de l'assemblée générale.
• Pour permettre à la « Fondation du
patrimoine » de répondre à l'un de ses principaux objectifs,
la mobilisation de l'ensemble des passionnés du patrimoine autour de
cette cause commune, le projet de loi, s'inspirant du modèle
britannique, vous propose d'offrir aux personnes physiques ou morales la
faculté d'adhérer directement à la future fondation.
Ce faisant, il réalise, de façon subtile et relativement audacieuse, la synthèse entre les deux régimes juridiques décrits ci-dessus.
L'adhésion directe à la « Fondation du patrimoine » ne s'effectuera pas librement, mais dans les conditions déterminées par ses statuts. Cette circonstance n'est pas de nature à porter atteinte aux principes constitutionnels, puisqu'il s'agit ici d'adhérer à une fondation, et non pas à une association.
Les membres adhérents de la « Fondation du patrimoine » éliront leurs représentants au conseil d'administration. Ils disposeront, avec les représentants des collectivités locales et des assemblées parlementaires, d'un tiers des voix au sein de cet organe de décision.
2. Une pérennité qui repose sur l'engagement durable des fondateurs
À la différence de la dotation initiale des fondations classiques, les apports constitutifs de la « Fondation du patrimoine » ne seront pas immobilisés : ils pourront directement servir à financer les actions définies par le conseil d'administration.
La pérennité pour la « Fondation du patrimoine » ne pourra donc pas reposer, comme pour les fondations classiques, sur l'importance du capital immobilisé lors de leur constitution. Elle procédera de la continuité de l'engagement des fondateurs au sein de cet organisme. Pour garantir cette continuité, le projet de loi institue un mécanisme original de responsabilité des fondateurs à l'égard des dettes de la « Fondation du patrimoine ».
3. Les fondateurs conserveront le pouvoir de décision au sein de la « Fondation du patrimoine »
À la différence des fondations classiques dont les fondateurs perdent immédiatement le contrôle, ceux de la « Fondation du patrimoine » conserveront la maîtrise des décisions prises par cet établissement : ils disposeront ensemble de la majorité absolue des voix au sein de son conseil d'administration. Qui plus est, chaque fondateur bénéficiera d'un nombre de voix proportionnel à son apport, dans la limite toutefois du tiers de celles-ci.
Cette dérogation au droit classique des fondations est justifiée par la nécessité de permettre aux fondateurs, responsables à l'égard des dettes de la « Fondation du patrimoine », de contrôler le processus de décision au sein de cet organisme.
* 1 La section de l'intérieur du Conseil d'État formule un avis sur la déclaration d'utilité publique, à laquelle est subordonnée l'accession des fondations à la personnalité juridique.
* 1 Seules les associations régulièrement déclarées accèdent cependant à la capacité juridique, la « grande capacité », comportant notamment la faculté de recevoir des dons ou des legs, étant par ailleurs réservée aux associations reconnues d'utilité publique.