EXAMEN DES ARTICLES
Article premier- Durée et domaines de l'habilitation
Cet article propose d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans le cadre des dispositions de l'article 38 de la Constitution, les mesures justifiées par la crise de notre protection sociale, pendant une durée fixée à quatre mois.
Ce délai est particulièrement court au regard des précédentes habilitations dont les durées se situent généralement entre six mois et un an. Il traduit la très forte détermination du Gouvernement à entreprendre sans tarder les réformes vigoureuses, nécessaires à la sauvegarde de notre protection sociale.
Les domaines visés font l'objet de huit alinéas distincts qui sont analysés individuellement ci-après. Ils concernent respectivement les domaines suivants :
- l'harmonisation des conditions de prise en compte des durées d'assurance pour le calcul des besoins et le mode de revalorisation des pensions ;
- les prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales et l'équilibre financier de la branche famille ;
- les relations entre les différents acteurs du système de santé et les instruments de la maîtrise des dépenses dans ce secteur ;
- les prélèvements visant les entreprises appelées à contribuer aux rééquilibrages des comptes sociaux :
- la législation relative aux établissements de santé notamment en ce qui concerne leurs modalités de financement, d'évaluation et de contrôle ;
- l'organisation et le fonctionnement des institutions, régimes et branches de sécurité sociale ;
- les modalités de consolidation et d'apurement de la dette sociale accumulée ;
- les missions du Fonds de solidarité vieillesse.
Chacun de ces domaines fait l'objet d'un alinéa spécifique au sein de cet article premier qui mérite une étude détaillée.
Article premier 1° - « modifiant le mode de revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité servies par le régime général de sécurité sociale ainsi que par les régimes appliquant les mêmes règles de revalorisation et, pour les personnes ayant été affiliées à plusieurs régimes d'assurance vieillesse de base obligatoires, les conditions de prise en compte des durées d'assurance pour le calcul de leurs pensions, en vue d'assurer l'équilibre financier des régimes susmentionnés »
Le 1°) de l'article premier prévoyait dans sa version initiale, une habilitation très large permettant de modifier « la législation relative à l'assurance vieillesse et en vue d'assurer l'équilibre financier des régimes de base obligatoires. »
Or, comme l'a souligné à juste titre la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, l'autorisation donnée apparaissait singulièrement étendue au regard des mesures qui devraient être prises sur cette base.
Concrètement, le Gouvernement envisage de prendre quatre mesures d'effets immédiats pour le rééquilibrage de la branche vieillesse :
- une revalorisation des pensions du régime général en fonction de l'indice prévisionnel des prix au 1er janvier 1996. Le rendement de cette mesure serait de 0,5 milliard en 1996 et 0,3 milliard en 1997 ;
- l'harmonisation progressive des conditions de prise en compte des durées d'activité dans le calcul de la pension de retraite. Le rendement de cette mesure est évaluée à 200 millions en 1996 et 500 millions en 1997 ;
- l'amélioration des versements du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) destinés à couvrir le coût de la validation gratuite des périodes de chômage. Le rendement attendu est de 11 milliards en 1996 et en 1997 ;
- l'instauration au profit dudit Fonds d'un prélèvement sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire. Son rendement est estimé à 2,5 milliards dès 1996.
MESURES D'EFFET IMMÉDIAT BRANCHE RETRAITE
Ainsi, le déficit prévisionnel de la branche vieillesse du régime général devrait être ramené dès 1996 de 12,7 milliards à - 1 milliard et faire apparaître un excédent de près de 300 millions en 1997.
I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES
D'un point de vue général, on peut donc observer que la rédaction de cet alinéa méritait, en effet, d'être mieux adaptée afin de viser plus précisément les mesures annoncées par le Gouvernement.
Non seulement la nouvelle rédaction correspond davantage aux prescriptions de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel déjà rappelée mais elle évite de faire naître un débat inopportun sur la portée de cet alinéa, notamment vis-à-vis des régimes spéciaux.
Il est clair en effet que ces régimes spéciaux ne peuvent être visés par le présent texte. D'une part, ce dernier ne peut pas concerner le régime de retraite des fonctionnaires de l'État qui est régi par les dispositions du code des pensions civiles et militaires et non par l'assurance vieillesse. D'autre part, le Gouvernement s'était engagé initialement à traiter les questions relatives aux régimes spéciaux selon une procédure distincte et après l'achèvement des travaux de la commission présidée par M. Dominique Le Vert. Cette commission avait quatre mois pour élaborer des propositions sur les mesures nécessaires à l'équilibre de ces régimes. Ce délai étant également celui de la loi d'habilitation, celles-ci ne pouvaient donc pas en tout état de cause être prises par les ordonnances correspondant à la présente loi d'habilitation.
La question depuis a perdu de son acuité puisque la commission Le Vert a été suspendue et que le 15 novembre dernier, le Premier ministre s'est engagé à ne pas modifier par exemple le régime de retraite des personnels roulants de la SNCF.
Il convient, par ailleurs, de passer en revue les quatre mesures concrètement visées par le 1° de l'article premier car chacune appelle des observations particulières.
II. LES MESURES CONCERNANT L'ASSURANCE VIEILLESSE
1°) S'agissant de la revalorisation des pensions de retraite, au 1er janvier 1996, l'objectif du Gouvernement est de déroger au mode de revalorisation des pensions institué par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de vieillesse et à la sauvegarde de la protection sociale.
Celui-ci a prévu une revalorisation en fonction de l'évolution prévisionnelle des prix, la parité entre l'évolution constatée des prix et celle des pensions au titre d'une année donnée étant garantie ultérieurement par un ajustement (rattrapage en niveau) et par une compensation (rattrapage en masse) qui s'imputent sur la revalorisation de l'année courante.
Le Gouvernement envisage de neutraliser ce double rattrapage, en masse et en niveau, au titre de l'année 1995, de sorte que la revalorisation intervenant au 1er janvier 1996 sera seulement fonction de l'évolution prévisionnelle des prix soit 2,1 %.
Le rendement de cette mesure sera relativement faible car la hausse effective des prix en 1995 ne devrait dépasser que de seulement 0,1 point, les prévisions ayant servi de base aux revalorisations intervenues en 1995.
Votre commission note, à cet égard, que depuis son adoption le nouveau mode de revalorisation des pensions résultant de l'amendement du député Jean-Yves Chamard, n'a jamais été appliqué à la lettre, ce qui de toute façon soulevait à terme la question de sa pérennisation. En effet, non seulement, une revalorisation exceptionnelle de 0,5 % a été accordée au 1er juillet 1995, en dehors de toute obligation législative mais, en sens inverse, pour 1996 l'opportunité d'un ajustement des retraites « au progrès de l'économie » semblait relativement compromise.
2°) La seconde mesure concerne les conditions actuelles de prise en compte des durées d'activité dans le calcul de la pension de retraite.
Celle-ci soulève un problème d'harmonisation. Les différences de modalités de calcul des pensions du régime général et des régimes alignés (artisans, commerçants, salariés agricoles) conduisent à ce que la retraite de base d'un salarié bénéficiant d'une retraite à taux plein est différente selon qu'il a accompli sa carrière en étant affilié à un seul régime d'assurance vieillesse ou, au contraire, à plusieurs régimes.
En effet, la durée d'assurance au régime général prise en compte pour le calcul de la pension est limitée à 150 trimestres. Or, la limite de 150 trimestres s'apprécie pour chacun des régimes, sans liaison entre les régimes, ce qui permet ainsi aux polypensionnés de pouvoir bénéficier d'une pension calculée sur une période supérieure à 150 trimestres.
Le Gouvernement envisage donc d'aligner les droits à pension des polypensionnés sur ceux des monopensionnés grâce à la mise en place de mécanismes d'échanges d'informations entre les régimes.
Votre commission approuve pour des raisons d'équité cette harmonisation. Elle estime que le principe de justice placé au centre du nouveau dispositif voulu par le Gouvernement justifie cette mesure.
3°) En ce qui concerne l'augmentation des versements du Fonds de solidarité vieillesse au titre des validations de période de chômage, elle s'effectuera par la modification du montant du salaire de référence pris en compte pour déterminer le montant. Celui-ci sera porté, en 1996 de 60 % à 90 % du SMIC.
Votre commission ne peut qu'approuver l'ajustement de la base forfaitaire ainsi annoncé puisqu'il est conforme à la vocation essentielle du Fonds à prendre en charge l'ensemble des prestations non contributives financées par la branche vieillesse. Dès l'origine, le pourcentage de 60 % retenu lui paraissait très inférieur à l'objectif de clarification des secteurs du « non contributif » et du « contributif » posés par la loi du 22 juillet 1993. Les 11 milliards d'allégement de charges ainsi opéré en faveur de la CNAVTS constitue en réalité la mesure la plus importante au plan financier pour le redressement de cette branche.
Toutefois, elle note que le relèvement de la base forfaitaire proprement dit est une mesure d'ordre réglementaire et non législative. Ce relèvement s'inscrit plus naturellement dans le cadre des mesures fondées sur le 8°) de l'article premier qui mentionne le recentrage des mesures du FSV sur « le financement des prestations relevant de la solidarité nationale ».
Quant à la taxe sur les couvertures complémentaires d'entreprise, elle est expressément visée par le 4° de l'article premier. Elle sera donc commentée sous ce paragraphe.
Votre commission approuve donc la nouvelle rédaction de cet alinéa adoptée à l'Assemblée nationale qui restreint le champ de l'habilitation aux deux premières mesures exposées ci-dessus.
Article premier 2°- « modifiant les dispositions législatives relatives aux prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales en vue d'élargir l'assiette des revenus lorsque ces derniers constituent déjà un critère de leur attribution, de soumettre complètement à ce critère celles d'entre elles qui le sont déjà partiellement, d'en harmoniser les délais de prescription, d'en simplifier les modalités de gestion et d'assurer l'équilibre financier de la branche famille »
Cet alinéa concerne les prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales et l'équilibre financier de la branche famille.
I. L'ASSEMBLÉE NATIONALE A SENSIBLEMENT AMÉLIORÉ LA RÉDACTION INITIALE DU TEXTE
En effet, la rédaction du 2° du présent article était trop large. Ainsi que l'a noté M. Jean-Pierre Fourcade, président de votre commission des Affaires sociales ( ( * )5) , au cours de l'audition de M. Jean-Paul Probst, président de la CNAF, permettre au Gouvernement d'adapter la nature et le montant des prestations à la situation matérielle des familles porte en germe la mise sous condition de ressources de l'ensemble des prestations familiales et, en particulier, des allocations familiales, disposition à laquelle votre commission n'est pas favorable.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise et restreint l'amplitude de l'habilitation en reprenant le contenu des dispositions mentionnées par le plan du 15 novembre 1995 et le dossier de presse qui lui était joint, concernant les prestations familiales.
Si elle a maintenu la rédaction concernant l'équilibre financier de la branche famille, l'Assemblée nationale a, en effet, délimité un certain nombre de mesures. Ainsi, elle a substitué à l'expression contestée par le président Fourcade, des dispositions plus précises et conformes au contenu du plan du 15 novembre précité comme l'élargissement de l'assiette des revenus pris en compte pour l'attribution des prestations sous condition de ressources, la mise en oeuvre de condition de ressources pendant toute la durée d'octroi de certaines prestations -une seule allocation est en fait concernée : l'allocation pour jeune enfant (APJE)- et l'harmonisation des délais de prescription.
Enfin, l'expression « simplifier les modalités de gestion » des prestations familiales, qui correspond en fait au transfert à la CNAF de la gestion de ces prestations encore servies à leurs personnels par l'État et certaines entreprises publiques, dans une transparence insuffisante, est apparue plus précise et moins vaste que celle de simplifier le régime desdites prestations. En effet, si la simplification du nombre des prestations est souhaitable, et votre commission n'a jamais manqué de le rappeler, ce n'est pas dans le cadre d'une loi d'habilitation dictée par l'urgence, qu'une telle réforme doit être entreprise. Dans la mesure où toutes les conséquences pour les familles d'une telle simplification doivent être appréhendées, une réforme de cette ampleur ne peut prendre place que dans le cadre d'un projet de loi ordinaire, qui pourrait également comporter la création d'une allocation parentale de libre choix.
La rédaction du 2° du présent article est donc, selon votre commission, rendue plus claire grâce aux amendements adoptés par l'Assemblée nationale. Votre commission souhaite toutefois apporter son analyse des différentes dispositions votées. Certaines d'entre elles soulèvent, en effet, quelques questions même si votre commission comprend les considérations qui les ont dictées et, en particulier, l'urgence à prendre des mesures énergiques et d'effet immédiat.
II. L'ANALYSE DE VOTRE COMMISSION CONCERNANT LES CINQ AXES DÉLIMITÉS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Tout d'abord, il convient de préciser que les organismes débiteurs de prestations familiales désignent à l'heure actuelle, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui sert les prestations pour les salariés, les employeurs et travailleurs indépendants des professions non agricoles, la Caisse de mutualité sociale agricole pour les travailleurs agricoles et l'État ainsi que certaines entreprises publiques (EDF, la SNCF, la RATP, France Télécom et la Poste) qui assument encore la gestion des prestations familiales et l'action sanitaire et sociale envers leur personnel.
Ce dernier point constitue d'ailleurs un des éléments de l'habilitation puisque cette gestion par l'État et les entreprises publiques doit être transférée à la CNAF. En revanche, le plan du 15 novembre 1995 ne mentionne pas le transfert à la CNAF des prestations familiales servies par la Caisse de mutualité sociale agricole. Enfin, l'on doit noter (cf. tableau ci-après) que, parmi les organismes débiteurs des prestations familiales, la CNAF est, parmi ceux-ci, de loin le plus important.
Votre commission souhaite également mentionner quel contenu elle entend donner à l'expression « prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales ». En effet, à son sens, celle-ci recouvre, conformément au plan du 15 novembre 1995 et au dossier de presse qui lui était joint, les prestations familiales, stricto sensu, et les allocations de logement. En revanche, les prestations servies pour le compte de tiers, comme l'allocation aux adultes handicapés et le revenu minimum d'insertion, ne peuvent être considérées comme incluses dans les prestations concernées par l'habilitation.
Ces considérations liminaires vont guider l'analyse de votre commission.
1. L'élargissement de l'assiette des revenus concernant les prestations soumises à condition de ressources :
Conformément à l'analyse précédemment donnée, sont concernées à la fois les prestations familiales soumises à condition de ressources, c'est-à-dire, le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation de parent isolé ainsi que l'allocation pour jeune enfant, désormais dans sa totalité, comme cela va être explicité plus avant, et les allocations de logement qui représentent environ 64 milliards de francs actuellement pour la CNAF.
Il s'agit de réintégrer dans l'assiette des revenus pris en considération pour l'attribution des prestations sous condition de ressources, l'ensemble des revenus de remplacement comme les indemnités de maternité et les rentes d'accidents du travail.
Cette disposition apparaît de bon sens et d'équité dans la mesure où, actuellement, qu'il s'agisse des allocations de logement ou des prestations familiales sous condition de ressources, à niveau de revenu identique, les familles concernées peuvent prétendre ou non à une aide, selon le type de ressources perçues. Les revenus de remplacement seront donc réintégrés dans la base de calcul des prestations sous condition de ressources comme dans celle des allocations de logement à compter du 1er juillet 1996. Dans ce cadre, il faut également ajouter une autre disposition qui n'est pas du domaine législatif mais qui est contenue dans le plan du 15 novembre 1995 et qui consiste en la réévaluation de la participation minimale des familles à l'effort de logement.
2. La mise sous condition de ressources intégrale pour les prestations qui le sont déjà partiellement : le cas de l'allocation pour jeune enfant (APJE)
En effet, ce type de disposition ne concerne qu'une seule prestation : l'APJE. Actuellement, cette prestation est accordée sans condition de ressources, à partir du quatrième mois de grossesse et jusqu'au troisième mois de l'enfant inclus. C'est ce qu'on appelle l'APJE courte. Elle ne continue à être versée ensuite jusqu'aux trois ans de l'enfant que si la famille remplit des conditions de ressources. Cela correspond à l'APJE longue.
Le montant des ressources ne doit pas dépasser un plafond annuel qui varie selon le rang et le nombre d'enfants à charge et est majoré en cas de double revenu professionnel ou en cas de parent isolé. Ce plafond de ressources évolue actuellement de la même façon que le niveau général des salaires. Le plan du 15 novembre 1995 inclut une disposition qui prévoit d'unifier le mode de revalorisation des différents plafonds de ressources sur celui des prestations familiales, c'est-à-dire, conformément à la loi du 25 juillet 1994, sur les prix à la consommation. Ceci a donc pour effet de « décrocher » le plafond de ressources pour l'APJE longue de l'évolution générale des salaires conformément à l'article L. 531-2 du code de la sécurité sociale.
La mise sous condition de ressources de l'ensemble de l'APJE pose donc tout d'abord la question du plafond de ressources retenu. Sur un simple plan pratique, sans jugement sur la pertinence de la mesure, il semblerait plus efficace et simple d'adopter le même plafond pour l'ensemble de l'APJE. Mais, étant donné que ce plafond va être « décroché » à l'avenir de l'évolution des salaires nets, et qu'il est relativement peu élevé, on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux le réaménager et l'accroître de manière à ne pas exclure les classes moyennes.
A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler certains chiffres. En 1994, l'APJE sans condition de ressources a concerné 426.450 bénéficiaires.
La mise sous condition de ressources de l'intégralité de l'APJE semble poser trois types de problèmes, démographique, juridique et de santé publique.
Tout d'abord, cette disposition retire à l'APJE son caractère de prime à la naissance, alors même que le taux de natalité en France, en 1994, selon le dernier rapport sur la situation démographique, est stabilisé à 1,65 enfant par femme, soit « la plus basse valeur de la fécondité française depuis 50 ans ». ( ( * )6)
Cette première remarque en induit une deuxième, juridique celle-là. Actuellement, sur le plan européen, suite aux deux arrêts Pinna de 1986 et 1989, et conformément au règlement CEE n° 3427/89 du 30 octobre 1989, les prestations familiales, pour les ressortissants de la Communauté européenne, doivent être acquittées selon le régime de l'État où le bénéficiaire travaille et non selon le régime de l'État de résidence des enfants. Ces prestations sont donc exportables. De plus, depuis le 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord sur l'Espace économique européen, ces règles sont également applicables aux ressortissants des pays non membres de la CE ayant ratifié ledit accord. Toutefois, sont explicitement exclues de ces prestations familiales exportables, conformément au règlement CEE n° 1408/71 modifié du Conseil du 14 juin 1971, les allocations spéciales de naissance comme l'APJE sans condition de ressources ( ( * )7) . Or, si l'APJE devenait uniquement une prestation sociale, elle perdrait sa caractéristique d'allocation spécifique de naissance, et risquerait donc de devenir exportable dans l'Espace économique européen. Il conviendra d'éclaircir ce point.
Le dernier problème posé, et non le moindre, est un problème de santé publique. En effet, actuellement, le versement de l'APJE sans condition de ressources est subordonné à l'accomplissement d'examens médicaux pendant la grossesse et après la naissance de l'enfant. En cas de non-respect de ces obligations, la mensualité d'APJE suivante est réduite. Sans que le mode choisi soit inquisitorial, cela permet une surveillance de l'ensemble des grossesses et de la santé de tous les enfants en bas âge, quel que soit le niveau de ressources des parents. Ceci est donc un vecteur particulièrement adapté pour l'État afin de mettre en oeuvre une politique cohérente et efficace en matière de périnatalité.
A cet égard, le plan en faveur de la périnatalité initié par Mme Simone Veil en mars 1994 commence à peine à porter ses fruits. L'effort dans ce domaine ne doit donc pas être relâché. Or, il ne faut pas oublier que, selon le dernier rapport sur la situation démographique de la France, c'est grâce, certes, au développement de la médecine périnatale mais aussi à la surveillance accrue des grossesses que le taux de mortalité infantile continue de baisser. En ce sens, mettre la totalité de l'APJE sous condition de ressources risquerait de supprimer une incitation à un suivi constant de leur grossesse et de leur bébé pour l'ensemble des jeunes femmes, notamment pour celles qui travaillent à plein temps, même si certains peuvent penser que cette incitation s'avère moins nécessaire pour les plus aisées d'entre elles.
Tout en comprenant les motivations du Gouvernement, votre commission pense donc qu'il convient d'envisager toutes les conséquences de la mise sous condition de ressources de l'intégralité de l'APJE et souhaite donc que, si cette mesure doit être prise, le plafond de ressources finalement choisi soit le plus haut possible.
Votre commission suggère à cet égard de retenir le montant de ressources au-delà duquel les effets du quotient familial sont plafonnés.
3. L'harmonisation des délais de prescription en matière de prestations familiales
Votre commission doit préciser que cette harmonisation est déjà largement mise en oeuvre dans la mesure où l'article L. 553-1 du code de la sécurité sociale précise que l'action en paiement des prestations familiales se prescrit par deux ans. Il faut donc remarquer que cette harmonisation se fera à la baisse puisque le plan du 15 novembre 1995 propose de réduire ce délai à six mois, ce qui semble relativement court pour un usager compte tenu des périodes de vacances et des éventuels changements de domicile.
A cet égard, votre commission souhaite que cette harmonisation et cette réduction des délais de prescription à l'encontre des usagers soient également applicables vis-à-vis des organismes débiteurs des prestations familiales.
La réciprocité dans ce domaine lui semblerait équitable. C'est, d'ailleurs, ce qui se produit déjà pour de nombreuses prestations dont les prestations familiales. L'article L. 553-1 précité mentionne, en effet, que la même prescription de deux ans s'applique à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.
4. La simplification des modalités de gestion
Cela consiste, selon votre commission, dans l'harmonisation des modalités de gestion des prestations familiales pour l'ensemble des entreprises publiques dès 1996 et pour l'État à compter de 1997. En effet, l'État et certaines entreprises publiques comme EDF, la SNCF, la RATP, France-Télécom et la Poste par exemple, assurent encore actuellement le service des prestations familiales et l'action sanitaire et sociale envers leurs personnels.
Toutefois, ainsi que le déplore régulièrement la Commission des comptes de la sécurité sociale, ceci ne se ferait pas dans toute la transparence voulue. Ainsi, ces employeurs versent à la CNAF une contribution calculée par différence entre les prestations servies aux personnels concernés et les cotisations qu'ils auraient dû normalement acquitter, après déduction des dépenses d'action sanitaire et sociale et des frais de gestion supportés pour la mise en oeuvre du service des prestations. Cette disposition, qui contribuera donc à l'universalité des modalités de gestion et de versement des prestations familiales, comprend l'alignement du taux de cotisation de l'État et des entreprises publiques sur ceux applicables aux entreprises et le transfert à la CNAF de la gestion des prestations familiales.
Il faut noter, à nouveau, dans ce domaine, que la CNAF ne gérera pas pour autant l'ensemble des prestations familiales puisque, pour les travailleurs agricoles, l'organisme débiteur reste la Caisse de mutualité sociale agricole. Mais on peut préciser qu'en ce cas, il existe une réelle transparence du côté de la MSA, qu'il s'agisse des cotisations acquittées ou des prestations servies, par rapport à la CNAF.
5. Le retour à l'équilibre financier pour la branche famille
Dans la mesure où l'habilitation ne concerne précisément que les prestations et non les recettes de la branche famille, il est clair que deux dispositions qui figurent dans le plan du 15 novembre 1995 et qui ont trait à l'accroissement desdites recettes ne seront pas incluses dans les ordonnances. Elles devraient trouver leur place au sein de la réforme fiscale qui devrait être adoptée au cours du premier semestre 1996. Il s'agit tout d'abord de l'élargissement de la base de la contribution sociale généralisée (CSG) dont une partie, soit 1,1 %, est affectée à la branche famille. Une telle annonce ne peut être accueillie que positivement par votre commission dans la mesure où, dans les années passées, la branche famille avait vu le fondement de ses ressources réduit (avec la baisse du taux des cotisations notamment).
La deuxième mesure est en revanche fortement contestée, notamment par les mouvements familiaux et le président de la Caisse nationale des allocations familiales. Il s'agit de la fiscalisation, en 1997, des allocations familiales, attribuées à toutes les familles de deux enfants ou plus sans condition de ressources. Cette mesure, à législation fiscale inchangée, devrait entraîner l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des personnes physiques d'environ 250.000 à 300.000 nouvelles familles. Celles-ci pourraient perdre, de ce fait même, nombre d'avantages liés à la non-imposition, attribués notamment par les communes (participation minorée des familles pour la garde des enfants en crèches, pour la cantine scolaire, pour les activités périscolaires).
A cet égard, ainsi que l'a indiqué M. Jean-Pierre Fourcade, président de votre commission des Affaires sociales, les simulations qui doivent être mises en oeuvre par la CNAF afin d'appréhender toutes les conséquences sur la situation des familles de la fiscalisation doivent intégrer les actions en faveur de ces dernières menées par les communes.
Il faut, toutefois, préciser que, selon le dossier de presse joint au plan du 15 novembre 1995, le produit de cette imposition -qui devrait être d'un montant brut de 6 milliards de francs ( ( * )8) , devrait être, pour moitié, consacré, dans le cadre de la réforme fiscale, à des aménagements du barème au profit des familles modestes et des familles nombreuses, ce qui conduirait à lisser, en partie, l'effet de cette fiscalisation et, pour moitié, reversé à la CNAF, pour contribuer au rééquilibrage de cette branche. On peut, toutefois, rappeler, dans la perspective du rééquilibrage de celle-ci, puisque la question de la fiscalisation est ancienne, que, à la fin des années soixante, le rapport présenté par le groupe de travail sur les problèmes démographiques présidé par M.
Lorsque et institué dans le cadre de la préparation du VIème plan, suggérait, certes, l'inclusion des allocations familiales dans les revenus imposables mais avec une ristourne intégrale à la CNAF.
Ces deux dispositions -accroissement de l'assiette de la CSG et fiscalisation des allocations familiales- qui vont permettre d'accroître les ressources de la branche famille, seront donc examinées en leur temps par les assemblées, dans le cadre de la réforme fiscale. Pour la deuxième d'entre elles, il conviendra alors, selon votre commission, d'être particulièrement attentif à ses conséquences sur la situation des familles.
Ces deux dispositions étant exclues du champ de l'habilitation, votre commission distingue deux autres mesures qui vont contribuer au rétablissement de l'équilibre financier de la branche famille, outre celles qui ont déjà été analysées. Il s'agit, tout d'abord, de la non-revalorisation en 1996, et en 1996 seulement, de la base mensuelle des allocations familiales. Comme la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille avait très clairement prévu une indexation sur les prix à la consommation des prestations familiales sur cinq ans le présent texte permettra au Gouvernement de déroger à cette obligation. Mais, selon votre commission, cette possibilité de déroger à l'indexation prévue par la loi relative à la famille ne doit valoir que pour 1996, conformément au plan du 15 novembre 1995.
La deuxième disposition, à laquelle il a déjà été fait allusion à propos de l'APJE concerne l'harmonisation des modes d'évolution des plafonds de ressources des différentes prestations. Ces plafonds devraient être alignés sur le mode d'évolution de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), c'est-à-dire les prix à la consommation. Il convient, à cet égard, de s'interroger si ces plafonds seront bien revalorisés en 1996, comme les prix prévisionnels ou s'ils seront stabilisés pour cette même année, comme la BMAF. Il faut préciser que les plafonds concernés sont, outre celui de l'APJE, celui du complément familial, et celui de l'allocation de rentrée scolaire. Ces plafonds évoluent actuellement en fonction de l'indice des salaires nets ( ( * )9) (APJE ou complément familial) ou du SMIC. Sur ce point également, il convient de se demander s'il ne faut pas revoir complètement l'évaluation de ces plafonds dans la mesure où ils seront à l'avenir « décrochés » des salaires.
Votre commission approuve donc les modifications adoptées par l'Assemblée nationale qui délimitent plus précisément le dispositif de l'habilitation. Elle a toutefois souhaité attirer l'attention de la Haute Assemblée sur un certain nombre de dispositions dont la mise en oeuvre devra être particulièrement surveillée.
Article premier 3°- « modifiant les dispositions relatives aux relations entre les organismes de sécurité sociale, les professions médicales et les assurés sociaux, ainsi que celles concernant la protection sociale, la formation et l'orientation des membres desdites professions, en vue d'améliorer, par des incitations et des modalités appropriées de mesure, de contrôle et de responsabilisation, la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé »
Votre rapporteur n'a pas jugé utile de consacrer, préalablement à l'examen des mesures annoncées pour la médecine ambulatoire, de longs développements relatifs au constat (le déficit de l'assurance maladie) et aux dispositifs de maîtrise médicalisée actuellement applicables aux professions de santé.
Le caractère récurrent du déficit de l'assurance maladie et la relative ancienneté des mécanismes conventionnels qui régissent les relations entre la sécurité sociale et les professions de santé font que l'on pourra utilement se référer, pour ces points, aux rapports budgétaires des années 1991 à 1995 ainsi qu'au rapport n° 2414 de M. Daniel Mandon, député, sur le présent projet de loi d'habilitation.
Nous analyserons ici :
- l'insuffisance des dispositifs législatifs et conventionnels actuels pour maîtriser activement l'évolution des dépenses de l'assurance maladie et garantir la qualité des soins :
- la réforme de l'assurance maladie : l'architecture générale des nouvelles relations entre l'assurance maladie, les professionnels et les assurés sociaux et les mesures précises annoncées par le Premier ministre.
I. LES DISPOSITIFS LÉGISLATIFS ET CONVENTIONNELS EN VIGUEUR SONT INSUFFISANTS
Les dispositifs législatifs et conventionnels applicables aux professions de santé ne se sont pas avérés suffisants pour garantir la maîtrise de dépenses de l'assurance maladie et la qualité des soins.
Trois raisons expliquent cette insuffisance :
- ces dispositifs n'ont pas été suffisamment appliqués et sanctionnés sur le terrain ;
- ils ne sont pas homogènes ni coordonnés ;
- ils ne maîtrisent pas la croissance de l'offre de soins
- A. LES DISPOSITIFS CONVENTIONNELS DE MAÎTRISE N'ONT PAS ÉTÉ SUFFISAMMENT APPLIQUÉS ET SANCTIONNÉS SUR LE TERRAIN : L'EXEMPLE DES MÉDECINS
Si les dispositifs conventionnels ne sont pas assez efficaces, c'est parce qu'ils ne sont pas tous appliqués rigoureusement sur le terrain.
Cette insuffisance, pour les médecins, s'explique par trois raisons : les retards, la faiblesse de certaines obligations et sanctions, le doute quant à la volonté de maîtrise des pouvoirs publics.
1. Les retards
Ils ont essentiellement concerné la mise en place du codage des actes et du secteur optionnel, qui ne sont toujours pas réalisées.
a) Le codage des actes et des pathologies
L'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale, tel qu'il résulte de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie dispose qu'« en vue de permettre le remboursement aux assurés sociaux des prestations et dans l'intérêt de la santé publique, les professionnels et les organismes ou établissements facturant des actes ou prestations remboursables par l'assurance maladie dispensés à des assurés sociaux ou leurs ayants-droit communiquent aux organismes d'assurance maladie concernés le numéro de code des actes effectués, des prestations services à ces assurés sociaux ou à leurs ayants droit et des pathologies diagnostiquées ». A cette fin, il prévoit que les caisses nationales mettent en oeuvre un traitement automatisé des données résultant du codage.
Le codage des actes et des pathologies, outre son intérêt pour la santé publique constitue un instrument essentiel de la maîtrise médicalisée de l'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Il ne peut en effet y avoir de maîtrise médicalisée des dépenses sans système d'information performant.
De fait, le codage permet aux caisses de connaître l'activité des médecins, la nature et le volume de leurs prescriptions ainsi que la consommation de biens et services médicaux par les patients.
Associé à des instruments normatifs, le codage peut donc permettre aux caisses de sanctionner, le cas échéant, les médecins qui prescrivent trop ou (et) mal et les patients qui consomment trop ou (et) mal aux frais de l'assurance maladie.
Le décret d'application de l'article 14 de la loi du 4 janvier 1993 a été publié le 7 mai dernier, soit plus de deux ans après la promulgation de la loi . Certes, le sujet est technique et difficile.
Mais ces deux ans étaient-ils justifiés ?
D'autant plus que la publication du décret n° 95-564 ne signifie pas pour tout de suite la mise en place effective et généralisée du codage.
Pour que le codage des actes et des pathologies devienne une réalité, d'autres textes réglementaires doivent encore intervenir, le codage doit être étendu à tous les secteurs et l'informatisation des cabinets médicaux généralisée.
b) Le secteur optionnel
L'article 10 de la convention nationale des médecins approuvée par l'arrêté du 25 novembre 1993 prévoyait que « les parties signataires conviennent d'examiner les conditions d'un nouvel équilibre conventionnel en étudiant la création d'un secteur optionnel destiné à remplacer progressivement les deux secteurs existants, valorisant les actes intellectuels et promouvant dans l'activité quotidienne la qualité des soins et la maîtrise médicalisée ». Il indiquait aussi qu'« un avenant à la convention précisera, au plus tard dans les neufs mois suivant l'entrée en vigueur de la présente convention, les modalités d'application de ce dispositif, et notamment les conditions dans lesquelles les praticiens relevant du secteur optionnel Pourront bénéficier d'un supplément d'honoraires remboursables et s'affilier à la CANAM pour le risque maladie ».
Neuf mois après l'entrée en vigueur de la convention, aucun avenant n'avait été écrit. Et aujourd'hui, soit deux ans après l'entrée en vigueur de cette convention, les négociations entre partenaires conventionnels n'ont toujours pas abouti.
2. La faiblesse des sanctions
Si les dispositifs conventionnels n'ont pas produit d'effet durable, c'est aussi que les sanctions à leur manquement, sur le terrain, ont été insuffisantes, soit qu'elles n'ont pas été prévues par la loi, soit qu'elles ont été insuffisamment appliquées.
a) Les sanctions non prévues par la loi l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de la convention médicale et le dossier médical
La convention nationale des médecins, ainsi que les articles du code de la sécurité sociale qui leur donnent une base légale, n'ont pas voulu, prévoir de sanction au non-respect de certains dispositifs conventionnels. Une telle option était légitime, et votre rapporteur l'avait d'ailleurs défendue à l'occasion de l'examen du projet de loi dit « Teulade » qui devait aboutir à la loi du 4 janvier 1993. Il convenait en effet de tenter de faire la preuve que l'application des références médicales sur le terrain permettrait à elle seule de maîtriser l'évolution des dépenses, ce qui fut le cas en 1994.
* L'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses des médecins
L'article L. 162-6-1 du code de la sécurité sociale prévoit que, chaque année, une annexe à la convention médicale fixe « les objectifs prévisionnels d'évolution des dépenses médicales. Ces objectifs prévisionnels d'évolution des dépenses portent respectivement sur l'activité des médecins généralistes et des médecins spécialistes ». Ils sont déterminés en fonction des caractéristiques de la population, du progrès technique et médical, des maladies nouvelles et des conjonctures épidémiques, de la démographie médicale ainsi que de la coordination des différents intervenants du système de soins et de transferts qui en découlent. Cette annexe fixe également les tarifs des honoraires des médecins.
Ces éléments sont repris dans l'article 16 de la convention nationale des médecins.
Ni la loi, ni la convention ne prévoient de lien entre la fixation des tarifs et le respect par les partenaires conventionnels de l'objectif d'évolution des dépenses de l'année précédente, ce dernier étant simplement prévisionnel et concernant des dépenses « médicales », terme trop peu précis pour pouvoir être rendu opposable.
Ainsi, l'avenant n° 5 à la convention nationale des médecins, approuvé le 3 mars 1995, a prévu en premier lieu que l'objectif prévisionnel pour 1995 serait fixé, pour les généralistes comme pour les spécialistes, à 3%.
Elle a prévu en second lieu que les tarifs des actes seraient portés, au 1er mars 1995, à 110 francs pour le C et 150 francs pour le CS. Ces augmentations sont définitives, et ni leur entrée en vigueur ni leur maintien n'est lié au respect des objectifs de dépenses.
Certes, l'on peut affirmer sans hésiter que, si les médecins ont obtenu des revalorisations tarifaires en 1995, c'est parce qu'ils ont respecté l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses. Nul doute non plus qu'en l'absence de réformes, les médecins auraient été en position difficile pour obtenir des revalorisations pour 1996 après les mauvais résultats de 1995.
Mais s'il existe bien un lien entre respect de l'objectif et revalorisation tenant aux rapports de forces entre partenaires conventionnels, les objectifs fixés chaque année en application de l'article L. 162-6-1 ne sont pas juridiquement opposables aux médecins.
* Le dossier médical des patients
L'article L. 145-6 du code de la santé publique, tel qu'il est issu de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 prévoit que, « dans l'intérêt de la santé publique, aux fins de favoriser la qualité, la coordination et la continuité des soins, il est institué un dossier médical » . L'article L. 145-7 dudit code indique que « le patient choisit le médecin généraliste auquel il confie la tenue de son dossier médical (...). Le médecin désigné donne son accord, dans le respect des règles déontologiques ». Enfin, l'article L. 145-9 prévoit qu'« il est délivré à tout patient attributaire d'un dossier de suivi médical un carnet médical ».
Le code de la sécurité sociale, en son article L. 161-15-1, complète le dispositif en subordonnant la prise en charge des dépenses de santé à la « production d'une attestation produite par le médecin de la présentation par le patient de son carnet médical ».
L'entrée en vigueur de ces dispositions a été, dès le départ, conçue comme progressive, catégorie par catégorie.
Les premiers à bénéficier du dossier médical ont été les personnes âgées de plus de 70 ans, atteintes de plusieurs pathologies.
L'article 78 de la loi n° 94-43 indique que, dès que le médecin constate qu'un patient entre dans cette catégorie, il en informe le patient et le service médical.
Aucune sanction n'est cependant prévue pour le médecin s'il ne respecte pas ces dispositions.
De fait, alors que 4,7 millions de personnes relèvent du dossier médical institué cette année,... seuls 5.000 dossiers ont été distribués.
b) Les sanctions insuffisamment appliquées : les références médicales opposables
L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale dispose que la convention nationale des médecins détermine les mécanismes de maîtrise des dépenses médicales concourant au respect de l'objectif prévisionnel, à savoir d'une part « des références médicales opposables à chaque médecin en tenant compte, s'il y a lieu, de la spécificité de son exercice et, d'autre part, la mise en oeuvre des contrats locaux de maîtrise des dépenses ».
Et l'article L. 162-6-3 indique que la convention prévoit la possibilité de mettre à la charge du médecin dont la pratique ne respecte pas ces références médicales des cotisations qui sont normalement payées par les caisses pour le compte des médecins conventionnés.
La convention nationale des médecins approuvée le 25 novembre 1993 a mis en place les références médicales opposables qui concourent, selon son article 14, à la « maîtrise médicalisée par la recherche permanente de la qualité des soins ». Elles sont, « d'une part, des critères scientifiques reconnus permettant notamment de définir les soins et prescriptions médicalement inutiles, d'autre part, des fréquences d'utilisation par patient de certains soins et prescriptions ».
Pour 1995, 147 références médicales sont désormais opposables aux médecins ; 61 sont nouvelles et ont été définies à partir des thèmes retenus pour 1995.
Les médecins sont tenus de signaler et de respecter ces références.
Ils signalent si l'acte et les prescriptions qu'ils ont effectués entrent ou non dans le champ d'application d'une référence, en apposant le code R ou HR (hors référence) sur la feuille de soins.
En cas de non-respect des références, les sanctions prévues par l'article L. 162-6-3 du code de la sécurité sociale et précisées par la convention s'appliquent.
Elles sont calculées en estimant la gravité sanitaire, la gravité financière et la fréquence des manquements du médecin.
Cependant, ainsi que l'a souligné le rapport budgétaire n° 81 (1995-1996) de notre collègue, Louis Boyer, l'intensité des contrôles de la pratique des médecins a laissé à désirer : seuls 0,4 % des médecins libéraux contrôlés avaient fait l'objet d'une sanction au mois de juin 1995...
3. Le doute quant à la réalité de la volonté de maîtrise des pouvoirs publics
Point n'est besoin de consacrer de longs développements à une troisième cause des dérapages intervenus cette année dans la réalisation des objectifs d'évolution des dépenses médicales.
Il ne peut être contesté que l'efficacité des dispositifs de maîtrise dépend étroitement de leur légitimité et que certains messages adressés aux professions de santé ont pu être interprétés, cette année, comme signifiant un relâchement de la volonté de maîtrise des dépenses des pouvoirs publics.
- B. LES DISPOSITIFS CONVENTIONNELS DE MAÎTRISE NE SONT PAS HOMOGÈNES NI COORDONNÉS
Si les dispositifs conventionnels de maîtrise n'ont pas produit tous leurs effets, c'est aussi parce qu'ils ne sont, ni homogènes, ni coordonnés.
Certes, les dispositifs de maîtrise ne peuvent s'envisager que profession par profession : il ne serait pas opportun, par exemple, d'appliquer à l'identique certains mécanismes aux médecins et aux professions « prescrites » (biologistes, infirmières, kinésithérapeutes...).
Mais il convient tout de même que les conventions reflètent une logique commune et que leur élaboration soit coordonnée.
1. Ils ne reflètent pas une logique commune
L'existence d'une logique commune des dispositifs de maîtrise est essentielle dans un souci d'efficacité et d'équité entre les professions.
Or, celle-ci n'existe pas.
La principale rupture de logique concerne l'objectif d'évolution des dépenses pour chaque profession, qui ne leur est pas toujours opposable.
Ainsi, si, par exemple, tout dépassement des objectifs de dépenses de l'hospitalisation privée se traduit par une baisse des tarifs de l'année suivante et si tout dépassement de l'objectif des dépenses de biologie donne lieu à un reversement aux caisses, la convention nationale des médecins ne prévoit pas un tel dispositif.
L'article 40 de la convention nationale prévoit seulement en effet que « les revalorisations tarifaires sont (...) un élément de l'équilibre conventionnel ».
Les parties signataires conditionnent donc l'élaboration des échéances tarifaires annuelles au constat qu'elles dresseront, d'un commun accord, préalablement à chaque échéance, du respect des obligations qu'elles se sont fixées, à savoir :
- la mise en place et le fonctionnement des instances conventionnelles ;
Comme on le voit, la réalisation des objectifs prévisionnels des dépenses médicales pour les généralistes, d'une part (honoraires et prescriptions), et pour les spécialistes, d'autre part (honoraires et prescriptions).
La réalisation des objectifs prévisionnels ne constitue donc qu'un des éléments d'appréciation soumis aux partenaires conventionnels.
Et sa prise en compte ne fait qu'influencer la détermination des tarifs : le texte conventionnel, conformément à sa base légale (article L. 162-6-1 du code de la sécurité sociale), ne prévoit aucune automaticité dans le calcul des revalorisations tarifaires.
Enfin, en aucun cas n'est prévue une éventuelle baisse des rémunérations en cas de dépassement de l'objectif.
L'an dernier, les biologistes ont « mal vécu » la chute de 10 % des dépenses d'analyses consécutives à leurs propres efforts et à ceux des médecins. Certes, les mécanismes conventionnels prévoyant un reversement à la profession ont été appliqués. Mais les biologistes savent qu'à l'inverse, un relâchement de l'effort de maîtrise des prescriptions des médecins qui conduirait à un dépassement des objectifs des médecins et des biologistes n'entraînerait pas les mêmes conséquences financières pour les deux professions.
2. Ils ne sont pas coordonnés
La coordination des dispositifs conventionnels de maîtrise des dépenses est essentielle à leur légitimité et à leur efficacité.
Certes, l'on peut se montrer réservé face à l'idée, évoquée par certains, d'une coordination des objectifs par les professions de santé réunies à cette fin, cette coordination risquant de résulter plus du rapport de force entre professions que de la définition d'une véritable politique de santé.
Mais il est vrai que l'édifice actuel n'est pas satisfaisant non plus.
D'abord, l'État n'a jamais fixé d'objectifs de politique de santé annuels ou pluriannuels qui auraient pu se traduire par des objectifs de dépenses par profession, complémentaires et coordonnés. La détermination de ces objectifs de dépenses n'a jamais été légitimée par une politique cohérente et affichée. Bien au contraire, leurs fondements sont demeurés fort peu transparents.
Ensuite, l'édifice des dispositifs de maîtrise est tel que ce ne sont pas les mêmes autorités qui ont déterminé ces objectifs.
Ainsi, alors que les objectifs des médecins sont déterminés par les seuls partenaires conventionnels, la fixation de l'objectif de dépenses de biologie résulte d'un accord à trois entre les caisses, la profession et l'État.
Pour le médicament, ce sont l'État et l'industrie, sans les caisses, qui fixent l'objectif (si l'on comprend aisément les raisons d'un tel dispositif -aspects industriels de la politique du médicament, il faut bien constater que l'officine n'est en rien associée à la maîtrise des dépenses pharmaceutiques).
Certes, la tutelle de l'État sur les caisses de sécurité sociale fait que, s'il n'est pas signataire de la plupart des accords tarifaires, l'État est toujours présent et rien ne se fait sans son approbation. Mais il serait plus cohérent et efficace que les dispositifs soient officiellement coordonnés et qu'ils résultent d'une politique clairement exprimée.
- C. LES DISPOSITIFS CONVENTIONNELS NE MAÎTRISENT PAS L'ÉVOLUTION DE L'OFFRE DE SOINS
L'évolution des dépenses de santé est en partie déterminée par celle de l'offre de soins. Or, les dispositifs conventionnels, à l'exception de la convention nationale infirmière, ne maîtrisent pas le volume de l'offre de soins.
1. La convention nationale des infirmiers prévoit une règle vertueuse
La convention nationale des infirmiers, approuvée le 18 janvier 1994 a prévu dans son article 9 des conditions à l'exercice libéral sous convention.
Il dispose que « la qualité des soins dispensés à titre libéral par les professionnelles relevant de la présente convention ou leurs remplaçantes est garantie dès lors qu'elles justifient d'une expérience professionnelle en équipe de soins généraux au sein d'un service organisé sous la responsabilité d'une infirmière-cadre ou d'un médecin ».
La règle générale, prévue par le paragraphe I de cet article 9, est celle d'une expérience professionnelle minimale de trois ans au cours des six ans précédant la demande d'installation en libéral sous convention.
Une telle disposition est triplement légitime.
D'une part, elle est garante de la qualité des soins infirmiers en libéral, dans la mesure où elle interdit à des infirmières débutantes de s'installer en exercice libéral conventionné.
D'autre part, elle participe d'une volonté de doter les établissements de santé et des équipes de soins des personnels infirmiers indispensables à
l'exercice de leur mission.
Enfin, dans la mesure où l'économie de la santé est, pour une large part, une économie d'offre, elle contribue à maîtriser l'évolution de la dépense d'assurance maladie en soins infirmiers.
2. Il n'existe pas, pour les médecins, de mécanisme suffisant pour maîtriser l'évolution de l'offre de soins
Les bases légales de la convention nationale des médecins permettent à cette dernière de stipuler des dispositions tendant à maîtriser le volume de l'offre de soins médicaux.
Ainsi, l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale indique que la convention prévoira, « le cas échéant, les modalités de financement et d'organisation de la reconversion professionnelle des médecins exerçant à titre libéral et les conditions d'attribution d'une aide à la reconversion. Le même article indique que la convention peut subordonner cette aide à l'engagement du médecin à renoncer à tout exercice de la médecine.
Pour sa part, la convention a consacré son titre IX à la régulation de la démographie médicale. Elle reconnaît en effet que la régulation médicalisée de l'évolution des dépenses de santé doit s'accompagner de la maîtrise de la démographie médicale.
A cette fin, elle prévoit que les partenaires conventionnels proposeront des mesures susceptibles d'optimiser la répartition des filières d'internat en fixant notamment le nombre de postes offerts par spécialités et par régions en fonction des besoins et de la démographie médicale.
Elle prévoit aussi que les partenaires conventionnels participent à la définition d'une politique de réorientation et tenteront de promouvoir la cessation anticipée d'activité et la reconversion des médecins.
Mais l'aide financière à la reconversion qu'elle met en place est subordonnée au renoncement à l'exercice de toute profession médicale : elle ne peut donc pas bénéficier aux médecins libéraux qui souhaiteraient s'orienter vers la médecine du travail, la médecine scolaire ou la médecine préventive.
La convention a donc utilisé à minima la base législative qui lui était offerte par le code de la sécurité sociale pour mieux réguler la démographie médicale.
II. LES RÉFORMES PROPOSÉES PAR LE PREMIER MINISTRE
Les réformes annoncées par le Premier ministre comprennent deux volets :
- d'une part, elles visent à instituer de nouvelles relations entre l'État, les caisses et les professions ;
- d'autre part, elle prévoient différentes mesures destinées à mieux maîtriser l'évolution des dépenses de santé.
- A. LES NOUVELLES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT, LES CAISSES ET LES PROFESSIONS
Le plan annoncé par le Premier ministre dessine une nouvelle architecture des rapports entre l'État, les caisses et les professions de santé.
Celle-ci permettra :
- la définition d'une politique de l'assurance maladie et de sa traduction financière par le Parlement ;
- la coordination concertée des objectifs de dépenses.
1. Le Parlement sera appelé à définir les orientations de la politique d'assurance maladie et à garantir l'équilibre du système
Dans le cadre du plan de réforme annoncé par M. Alain Juppé, le Parlement sera appelé, chaque année, à fixer :
« - les orientations générales et les objectifs des politiques de protection sociale ;
- les ressources de l'assurance maladie financées par l'impôt ;
- le taux d'évolution de l'ensemble des dépenses qui permettra de garantir l'équilibre du système ;
- les critères de répartition des objectifs quantifiés nationaux ainsi arrêtés ».
Cette réforme, qui n'entre pas dans le cadre du projet de loi d'habilitation et qui ne sera réalisée qu'au terme d'une révision de la Constitution, doit cependant être exposée pour comprendre la logique et le contenu des nouvelles relations entre l'assurance maladie et les professions de santé.
Elle va jusqu'au bout du chemin qui avait été tracé par votre commission dans sa proposition de loi organique et par la loi du 25 juillet 1994 réformant la sécurité sociale.
Votre commission souhaite que cette réforme soit réalisée de telle manière que le Parlement dispose des compétences nécessaires en matière de recettes et de dépenses de sécurité sociale et qu'il ne soit pas amené à prendre la responsabilité, par son vote, de décisions qui auraient été prises ailleurs.
2. Les objectifs de dépenses seront fixés de manière coordonnée et concertée et l'objectif des dépenses médicales de viendra opposable
a) La fixation des objectifs
Après le vote du Parlement, qui aura fixé un objectif de dépenses pour l'assurance maladie (si l'on comprend bien l'annonce du Premier ministre), des conventions entre le Gouvernement et les caisses déclineront ces objectifs « par grands secteurs ».
Ces conventions n'interviendront qu'après consultation d'une « conférence annuelle de la santé », dont elle peut penser qu'elle réunira toutes les professions de santé et les représentants des établissements.
Si, là aussi, on comprend bien la déclaration du Premier ministre, ces conventions préciseront, par exemple, les objectifs de dépenses pour l'hôpital et la médecine de ville, au niveau national et régional.
Ce sont ensuite des conventions entre les caisses et les professions qui déclineront les objectifs par profession, qu'ils soient nationaux ou par régions.
On aurait donc, jusqu'à plus ample informé, l'architecture suivante :
Parlement : objectif d'évolution des dépenses
d'assurance maladie
Convention : objectifs par secteurs (ville, hôpital),
Gouvernement-CNAM nationaux et régionaux
Conventions : objectifs par profession, nationaux
CNAM-professions et régionaux
Elle suscite deux observations :
ï les conventions Gouvernement-CNAM détermineront des objectifs à la fois très larges (« grands secteurs ») et très précis (objectifs régionaux par grands secteurs).
ï Le Premier ministre n'a pas précisé comment sera fixé l'objectif d'évolution des dépenses hospitalières. Si l'on en reste à une fixation par arrêté ministériel, on ne voit pas quelle serait la répartition « par grands secteurs » qui serait soumise à l'avis de la Conférence annuelle de la santé...
b) Un objectif de dépenses médicales opposable
Le Premier ministre a annoncé la mise en place d'un dispositif d'ajustement automatique des rémunérations des médecins en fonction du respect des objectifs : les revalorisations tarifaires a-t-il dit, seront désormais conditionnelles et temporaires.
Très clairement, ceci veut dire que les hausses tarifaires seront subordonnées au respect des objectifs et qu'elles pourront être suspendues en cas de dépassement.
Deux questions se posent cependant :
ï les sanctions tarifaires seront-elles collectives ou individuelles ?
ï si elles sont collectives, la fixation d'objectifs régionaux supposé-telle que, dans certaines régions « vertueuses » la rémunération des médecins soit différente de celle qui sera pratiquée dans des régions où les objectifs auraient été dépassés ?
Votre commission souligne la nécessité, pour que le dispositif proposé soit applicable, de mieux définir la notion d'« objectif de dépenses médicales » telle qu'elle existe aujourd'hui dans la loi.
Elle estime que, certes, par principe, les sanctions individuelles sont toujours préférables aux sanctions collectives, qui peuvent apparaître injustes. A quelles conditions les sanctions individuelles peuvent-elles être efficaces ? A quelles instances en confier la responsabilité ?
La mesure proposée par le Gouvernement sera efficace car elle permettra de conjuguer les effets de maîtrise des dépenses résultant de l'application par les médecins des références médicales et ceux qu'induisent leurs efforts en matière de volumes d'actes et de prescriptions. Cette efficacité sera renforcée par les nouveaux moyens de contrôle que le Premier ministre veut instituer. Il a en effet annoncé la création, au niveau régional, d'unions régionales de caisses d'assurance maladie qui auront la responsabilité de gérer les objectifs quantifiés régionaux et de renforcer le contrôle médical. Cette dernière mesure sera prise conformément à l'habilitation donnée par le Parlement dans le cadre du 6° de l'article premier du présent projet de loi.
- B. LES AUTRES MESURES TENDANT À MAÎTRISER L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L'ASSURANCE MALADIE
Certaines mesures annoncées par le Premier ministre ne nécessitent pas de modification de la loi, soit parce que le cadre législatif actuel les prévoit déjà, soit parce qu'elles entrent dans le champ réglementaire. Elles n'entrent donc pas a priori dans le champ d'habilitation.
Il s'agit :
ï de la mise en oeuvre effective du codage des actes et des pathologies (prévue par la loi) ;
ï de la modification de la nomenclature des actes professionnels (pas du domaine de la loi) ;
ï de l'extension des références médicales opposables aux médecins (prévue par la loi) ;
ï de l'aide à la reconversion des médecins (prévue par la loi) ;
ï de l'expérimentation de nouvelles formes de prise en charge des patients avec incitation à consulter un médecin généraliste avant de consulter un spécialiste, ou rémunération forfaitaire de la prise en charge de certaines pathologies lourdes (prévue par la loi, article L. 162-31 du code de la sécurité sociale) ;
ï le paiement par avance des frais d'hospitalisation programmée par les étrangers non-résidents (pas du domaine de la loi) ;
ï la généralisation du dossier médical (prévue par la loi) ;
ï la réforme de la formation initiale des médecins (domaine réglementaire) ;
ï le renforcement des mécanismes de contrôle et de sanction des références médicales opposables (domaine réglementaire ou conventionnel) ;
ï le développement des médicaments génériques (pas du domaine de la loi) ;
ï la possibilité de déconditionner les médicaments (déjà prévue par la loi au 4° de l'article L. 511-1) ;
ï la mise en place d'une photo d'identité sur les cartes d'assurés sociaux (pas du domaine de la loi).
En revanche, justifient la modification de la loi et, donc, l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances :
- l'institution d'une formation continue obligatoire pour les professions de santé et les professions de santé et les modalités de sanction de cette obligation ;
- l'institution d'une contribution des médecins pour alimenter un fonds d'information ;
- l'institution d'un objectif de dépenses opposable aux médecins ;
- la pérennisation des références médicales.
Bien entendu, nous commenterons l'ensemble de ces mesures qui forment un tout cohérent, qu'elles nécessitent ou non une modification de la loi.
Ces mesures concernent :
- les relations entre les médecins et les caisses ;
- l'exercice des professions de santé ;
- les relations entre médecins et malades ;
- le médicament ;
- la gestion assurés sociaux par les caisses de sécurité sociale.
1. Les relations entre les médecins et les caisses
La réforme annoncée par le Premier ministre modifie les relations entre les médecins et les caisses : elle concerne à la fois des instruments de maîtrise (objectif d'évolution des dépenses et références médicales) et la protection sociale des médecins.
a) Les instruments de maîtrise
•
L'objectif de dépenses
Nous l'avons vu, le Premier ministre souhaite rendre opposable aux médecins un objectif de dépenses, négocié annuellement avec la profession après qu'auront été fixées par le Parlement les orientations de dépenses de l'assurance maladie.
Cette mesure ne peut qu'avoir des effets positifs sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie : grâce à elle, l'assurance maladie ne fonctionnera plus « à guichet ouvert » pour les grandes masses de dépenses par profession.
Afin de permettre un redressement rapide des comptes de la sécurité sociale, le Premier ministre a annoncé que l'objectif serait fixé, pour l'ensemble des dépenses, à 2,1 % en 1996.
Une étude réalisée par la CNAM citée par le journal « Le quotidien du médecin » indique que, pour obtenir un tel résultat, la croissance des honoraires devra être limitée à 1,6 % et celle des prescriptions à 2,3 %, ce qui est très inférieur aux évolutions spontanées qu'auraient pu connaître ces deux composantes des dépenses médicales en 1996 (2,6 % pour les honoraires, 5 % pour les prescriptions). L'effort à réaliser sera donc de 1,1 % pour les honoraires et de 2,5 % pour les prescriptions. En ce qui les concerne, l'effort devra porter en priorité sur les médicaments, dont la progression des dépenses a été de 8,5 % en 1995 selon la Commission des comptes.
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Les références
médicales
Le Premier ministre a annoncé l'extension et la pérennisation des références médicales opposables aux médecins.
Si l'extension des références est prévue par la convention, leur « pérennisation » nécessite une modification de la loi.
Dans le droit en vigueur, en effet, la maîtrise médicalisée des dépenses, qui repose largement sur les références médicales, est chaque année à la merci d'un désaccord entre partenaires conventionnels.
Le code de la sécurité sociale prévoit en effet qu'en cas d'un tel désaccord, le Gouvernement pourra reconduire les tarifs et fixer un objectif de dépenses pour l'année suivante. Mais le code ne prévoit pas que le Gouvernement pourra reconduire les références...
Aussi, chaque année, les médecins disposent d'une position privilégiée dans les négociations avec les caisses et le Gouvernement pour fixer l'objectif de dépenses de l'année suivante : en cas de désaccord, c'est tout le système de maîtrise qui s'écroule.
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Le codage des actes
Le Gouvernement a annoncé la généralisation du codage des actes et des pathologies. L'on peut penser que cette mesure, indispensable et urgente, n'entre pas dans le champ de l'habilitation, dans la mesure où elle est prévue par la loi depuis 1993...
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L'information des cabinets
médicaux
Le Gouvernement souhaite accélérer l'information des cabinets médicaux, qui doit être réalisée très rapidement pour que le codage puisse être généralisé.
Plutôt que de poser le principe de l'informatisation comme une condition du conventionnement, ce qui aurait été peut-être mal perçu, mais légitime, le Gouvernement a choisi de créer un Fonds de mutualisation qui sera alimenté par une contribution des médecins (1 franc par feuille de soins).
Le rendement de cette contribution devrait être inférieur à celui qui est attendu par le Gouvernement (900 millions de francs) dans la mesure où, sur les 900 millions de feuilles de soins remplies chaque année, on estime qu'environ un tiers est rempli par d'autres professionnels de santé que les médecins.
b) La protection sociale des médecins
Dans le cadre des mesures de sauvegarde annoncées pour 1996, le Premier ministre a prévu deux mesures qui concernent la protection sociale des médecins : un effort supplémentaire sera demandé aux médecins du secteur 1 pour leur protection sociale, et les médecins du secteur 2 devront obligatoirement s'affilier à la CNAM.
L'effort supplémentaire demandé aux médecins concerne la suspension « partielle » (sans plus de précision) de la prise en charge par la sécurité sociale d'une fraction des cotisations d'allocations familiales dues par les médecins. Compte tenu du rendement annoncé pour cette mesure (480 millions de francs) et du nombre de médecins libéraux du secteur I (75.000 selon le Gouvernement), l'effort demandé aux médecins serait de 530 francs par mois.
Dans la mesure où le nombre de médecins du secteur I n'est pas 75.000, mais plutôt 85.000, l'on peut penser que, soit l'effort demandé à chaque médecin sera inférieur (si le taux d'effort individuel est calculé par rapport au rendement attendu), soit que le rendement de la mesure sera supérieur à 480 millions de francs (si le Gouvernement a déjà fixé le taux...).
Le Premier ministre a également annoncé que les praticiens exerçant en secteur 2 devront s'affilier à la CNAM.
Dans le droit en vigueur, les médecins du secteur 2 ont le choix entre l'adhésion à la CNAM et à la CANAM, régime qui bénéficie de leur préférence majoritaire en raison du montant plus faible des cotisations qu'il exige.
S'ils perdent cette faculté de choix, les médecins actuellement affiliés à la CANAM devront consentir un effort d'environ 1.600 F de cotisations supplémentaires chaque mois.
On ne peut croire que le Gouvernement ait annoncé cette mesure en raison de son seul rendement financier pour la CNAM (entre 400 millions et 1 milliard de francs), même si les sommes gagnées pour le régime général ne seront pas toutes des sommes perdues par la CNAM (car son taux de cotisation est inférieur à celui de la CNAM). En outre, la CANAM perdra encore une fois une « bonne » catégorie de cotisants, au revenu supérieur à celui de la moyenne de ses ressortissants.
L'on peut penser que cette unification de la protection sociale des médecins est un préalable à une unification, au moins partielle, des modes de relation entre les médecins des secteurs 1 et 2 et les caisses. Dans la mesure où les médecins du secteur 1 bénéficient d'une prise en charge partielle de leurs cotisations par les caisses, cette mesure diminue en outre l'avantage relatif dont bénéficiaient les médecins du secteur 2 par rapport à ceux qui sont en secteur 1.
2. L'exercice des professions de santé
Plusieurs mesures annoncées par le Premier ministre tendent à réformer les conditions d'exercice des professionnels de santé ; elles concernent la formation initiale et continue et la reconversion de certains médecins libéraux.
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La formation des
médecins
Si le Premier ministre a annoncé une réforme de la formation initiale tendant à intensifier l'enseignement de l'économie de la santé au cours des études médicales, la mesure essentielle consiste en la mise en place d'une formation continue obligatoire.
Votre commission est tout à fait favorable à une telle mesure.
Dans le droit en vigueur, les médecins sont libres de participer ou non à des actions de formation continue, même si le code de déontologie et les dispositions conventionnelles sont de fortes incitations.
Le nouveau code de déontologie (décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995) a renforcé, à cet égard, les obligations déontologiques prévues par le précédent code en disposant dans son article 11 que « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances : il doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue ».
Les dispositifs conventionnels prévoient pour leur part des aides aux médecins qui acceptent de suivre des actions de formation médicale continue conventionnelles. Les médecins perçoivent ainsi une indemnisation de 15C par jour (pour un maximum de dix jours) au titre de la convention qui dispose que « la formation médicale continue est un élément essentiel de la qualité et du bon usage des soins ».
L'institution d'une formation médicale continue obligatoire pose cependant les problèmes de la qualité de cette formation, qui doit être améliorée et contrôlée, et de la sanction de l'obligation, qui doit être effective.
•
La réorientation de médecins
libéraux
Nous avons vu que la convention médicale n'a utilisé qu'a minima les possibilités qui lui étaient offertes par le code de la sécurité sociale en ne prévoyant d'aide à la reconversion que pour les médecins qui renoncent à l'exercice de cette profession.
Le Premier ministre a été plus ambitieux. Il propose en effet, non seulement une réorientation d'assez grande ampleur, mais aussi une réorientation vers des secteurs tels que la médecine préventive, la médecine du travail qui sont assurés actuellement par un trop petit nombre de médecins.
Votre commission approuve sans réserve une telle mesure qui réduira l'excédent de l'offre de soins libéraux (que l'on estime généralement à 15 % de l'effectif des médecins libéraux) tout en respectant les aspirations des médecins à continuer à exercer et en assurant une meilleure satisfaction des besoins de la population.
Votre commission souhaite, à cet égard, formuler deux remarques :
- elle souhaite que le dispositif mis en place soit particulièrement incitatif pour les médecins spécialistes ;
- elle observe que les crédits budgétaires nécessaires à une réorientation des médecins d'ampleur significative n'ont pas encore été ouverts.
3. Les relations entre médecins et malades
Les mesures annoncées concernent le dossier médical et des expérimentations de nouveaux modes de prise en charge.
•
La généralisation du dossier
médical
Votre commission approuve cette généralisation, déjà prévue par la loi comme devant être réalisée par décret en Conseil d'État. Elle a cependant quelques interrogations sur les bases juridiques de cette généralisation et estime qu'elle ne pourra se faire dans les conditions financières qui ont été jusqu'ici consenties aux médecins (rémunération de 2C pour l'examen de synthèse annuel des personnes bénéficiaires du dossier).
• L'expérimentation de nouveaux modes
de prise en charge
Le Premier ministre a annoncé deux expérimentations.
La première concerne la prise en charge forfaitaire de certaines pathologies lourdes, telles que le cancer ou le Sida. Votre commission y est très favorable, que ce soit pour les objectifs de santé publique d'une telle mesure ou pour ses effets attendus sur les finances de l'assurance maladie.
La seconde mesure viserait à inciter les patients à consulter un généraliste avant de s'adresser à un spécialiste. Votre commission comprend bien les objectifs d'une telle mesure. Mais elle estime que, sauf à être généralisée et surtout accompagnée d'une suppression totale du paiement à l'acte, elle ne peut que coûter plus cher à l'assurance maladie qu'une prise en charge traditionnelle. Il est toutefois utile de l'expérimenter pour s'en assurer.
4. Le médicament
Le Premier ministre a annoncé deux mesures visant à mieux maîtriser l'évolution des dépenses de médicaments : il s'agit du développement des médicaments génériques et de la possibilité offerte aux pharmaciens de déconditionner les médicaments.
Concernant la première mesure, votre commission y est favorable sous réserve qu'elle s'inscrive dans une politique de prix globale qui satisfasse à la fois un objectif de dépenses d'assurance maladie et l'objectif de développement industriel.
Elle est très réservée sur la seconde mesure, estimait qu'elle est en contradiction avec l'objectif d'informatisation et de codage et qu'elle n'entraînera pas d'économies pour l'assurance maladie.
5. Les économies de l'assurance maladie
Le Premier ministre a annoncé que les étrangers non résidents devraient désormais régler à l'avance les factures hospitalières concernant des opérations qui ne sont pas pratiquées en urgence.
Votre commission y est très favorable. Elle est beaucoup plus réservée sur l'idée de modifier les cartes d'assurés sociaux pour y apposer la photo des bénéficiaires, sauf à renoncer à l'objectif de généralisation de la carte informatisée d'assuré social en 1997 qui est aussi annoncée par le plan Juppé...
Article premier 4°- « instituant des prélèvements faisant contribuer au financement de la protection sociale et à l'équilibre financier des organismes qui y concourent les entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques, celles qui effectuent des versements au profit de leurs salariés au titre de la prévoyance et les débiteurs des organismes de sécurité sociale, au titre des frais engagés pour le recouvrement des sommes dues »
Cet alinéa concerne les prélèvements visant les entreprises appelées à contribuer au rééquilibrage des comptes sociaux.
Trois mesures sont ainsi prévues : une contribution exceptionnelle à la charge de l'industrie pharmaceutique, un prélèvement sur les primes d'assurance de groupe et la prise en charge des frais engagés pour le recouvrement des sommes dues aux organismes de sécurité sociale.
I. UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE À LA CHARGE DE L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE
Le Premier ministre a annoncé dès le 15 novembre dernier que le secteur pharmaceutique serait mis à contribution à hauteur de 2,5 milliards selon des modalités qui pourront être négociées avec elle. Cette mesure est pour l'instant limitée dans le temps.
Elle a été mis en rapport avec l'augmentation, importante, du chiffre d'affaires de ce secteur qui a crû de 12 % entre septembre 1994 et septembre 1995.
Elle n'est sans doute pas sans lien non plus avec le « dérapage » des dépenses de médicaments remboursés. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, ces dépenses devraient augmenter de 8,5 % en 1995 pour la branche maladie du régime général alors que le taux d'évolution de l'ensemble des dépenses de médecine de ville a été fixé à 3 % par la convention médicale.
L'industrie pharmaceutique est appelée périodiquement à contribuer « de façon exceptionnelle » au redressement de la branche maladie. On peut noter en particulier qu'elle devra en 1996 acquitter environ 1,7 milliard au titre de la publicité pharmaceutique.
Votre commission constate donc que nombre de mesures prises à titre exceptionnel ont été par la suite pérennisées. De plus, elle appelle l'attention du Gouvernement afin que l'effort effectué par ces entreprises en faveur de la recherche ne soit pas pénalisé.
Elle souhaite que la négociation prévue par le Gouvernement s'engage de manière ouverte et permette une appréciation, au cas par cas, de la situation des entreprises concernées en concertation, par exemple, avec le Comité économique du médicament.
II. LE PRÉLÈVEMENT SUR LES PRIMES D'ASSURANCE DE GROUPE
Les versements des entreprises au profit de leurs salariés, réalisés dans le cadre de contrats supplémentaires de prévoyance et maladie résultant d'accords collectifs, bénéficient d'une exonération totale de cotisations sociales, dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale.
Les primes versées annuellement au titre de ces contrats sont estimées à environ 52 milliards de francs, dont 25 milliards de francs pour l'assurance maladie complémentaire et 27 milliards de francs pour l'assurance complémentaire prévoyance. La part des primes à la charge des entreprises est estimée à environ 80 % de ces montants.
Cette exonération de prélèvements sociaux crée une inégalité de traitement en matière de protection sociale complémentaire au profit des salariés des entreprises qui souscrivent des contrats collectifs et au détriment des salariés ou non salariés qui ne peuvent souscrire qu'à des compléments de couverture sociale facultatifs, sans part patronale et donc assujettis à prélèvements fiscaux et sociaux.
De plus, les contrats collectifs d'assurance maladie complémentaire favorisent la consommation de biens médicaux sans que ceux-ci participent aucunement au financement de notre système de protection sociale.
Afin de remédier partiellement à cette situation, le Gouvernement propose d'instituer, au profit du Fonds de Solidarité Vieillesse, un prélèvement de 6 %, à la charge des entreprises, assis sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire.
Le produit de cette mesure est estimé à 2,5 milliards en 1996. toutefois, ce montant paraît un peu « optimiste » car les entreprises ne financeraient, selon certaines sources, qu'environ 60 % des couvertures de prévoyance collective, le reste étant assumé par les salariés eux-mêmes.
Votre commission appelle l'attention sur le risque de voir les entreprises concernées répercuter le coût de cette mesure sur les salariés par exemple en réduisant les garanties offertes aux salariés dans le cadre de ses contrats ou par une baisse de leur participation financière. Il ne faudrait pas que cette mesure se traduise par ailleurs par un désengagement des entreprises vis-à-vis de la prévoyance collective complémentaire.
Votre commission s'interroge sur les risques d'aggravation des inégalités de couvertures entre les différentes catégories de salariés : on observe en effet de façon générale, que les cadres sont mieux couverts que les employés et les ouvriers. Ils pâtiraient donc, en premier lieu, de la mesure du fait du retrait des entreprises ou du coup d'arrêt porté au développement de la couverture conventionnelle de ces risques chez les non cadres.
Elle appelle par ailleurs l'attention sur la complexité du dispositif en résultant. Plutôt que de créer une nouvelle taxe qui se superpose aux dispositifs existants, il eut peut-être été plus simple de réduire ou de supprimer l'exonération actuelle de cotisations sociales en matière de prévoyance (au-delà de 85 % du SMIC).
III. LE PRÉLÈVEMENT POUR LE RECOUVREMENT DES SOMMES DUES PAR LES DÉBITEURS DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
Les recours contre tiers visent à permettre aux branches maladie et accident du travail de récupérer les frais médicaux engagés par les victimes d'accidents, sur les responsables de ces accidents. Le nombre de recours contre tiers dans le régime général est de 337.000 environ, y compris les accidents du travail. Ces recours représentent actuellement 4,8 milliards de francs de « refacturation » (dont 3,2 milliards de francs pour la branche maladie).
Les compagnies d'assurance versent l'essentiel de ces sommes car les accidents sont généralement couverts par une police d'assurance (assurance automobile, habitation ou scolaire pour les particuliers, assurances des professionnels et des entreprises, etc.).
Pour autant, les branches concernées ne refacturent pas les coûts de gestion et de procédure (frais d'avocats, dépens...) dans les procédures de recours contre tiers. Les cotisations des assurés supportent donc ces coûts qui devraient être logiquement à la charge des responsables d'accident.
La mesure arrêtée consiste à facturer, en sus des frais médicaux, un forfait de 5.000 francs, pour frais de recours, lors de l'ouverture d'un dossier.
Le rendement de cette mesure est évalué à 1 milliard pour la branche maladie et à 0,5 milliard pour la branche accidents du travail dès 1996.
Votre commission s'interroge, comme la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, sur le caractère un peu ambigu de la rédaction retenue, notamment sur la référence aux sommes dues qui pourraient être assimilées au produit des cotisations sociales. Mais elle ne conteste pas la pertinence de la mesure compte tenu de l'importance des sommes en jeu.
Article premier 5°- « modifiant la législation relative à l'organisation et à l'équipement sanitaires ainsi que celle relative à l'organisation, en fonctionnement et aux modalités de financement et de contrôle des établissements de santé, en vue d'assurer, en créant le cas échéant de nouvelles instances de décision, une répartition plus adaptée des responsabilités, une attribution plus efficace des moyens de ces établissements et une meilleure maîtrise des coûts »
Votre commission ne reviendra pas sur l'analyse de la crise de l'hôpital public qu'elle a réalisée dans le cadre de l'examen des crédits ouverts au titre de la santé et de l'assurance maladie par le projet de loi de finances pour 1996.
Elle consacrera son propos à l'examen des annonces faites par le Premier ministre concernant la réforme hospitalière, non sans observer qu'elles sont beaucoup moins précises que celles qui ont été faites au sujet de la médecine de ville, par exemple, ce qui explique la moindre longueur de ses commentaires.
Votre commission réaffirme ici tout particulièrement son souci de voir le Parlement convenablement associé à la préparation des ordonnances.
I. ANALYSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORT DEVULDER
Au mois de juin dernier, le Gouvernement a installé un Haut Conseil de la Réforme Hospitalière ayant pour mission d'étudier les moyens propres à améliorer l'adaptation des structures de soins publiques et privées aux besoins quantitatifs et qualitatifs de la population et les modalités de financement et de fonctionnement de ces structures.
Votre commission n'a pu avoir connaissance des propositions du Haut Conseil, présidé par M. le Professeur Devulder. Elle s'étonne du contraste entre les conditions de publicité qui ont entouré l'installation du Haut Comité et la remise des conclusions, dont elle ne sait si elle est ou non réalisée tant la presse s'est fait l'écho des propositions contenues dans le rapport.
C'est donc, faute de mieux ( ( * )10) , à partir des articles de presse que votre commission présente ici, sous réserve et au conditionnel, les conclusions du Haut Conseil de la Réforme Hospitalière.
Le rapport du Haut Conseil prévoirait d'instituer une véritable organisation régionale sanitaire et sociale.
Dans chaque région serait en effet créée une instance rassemblant l'État, l'assurance maladie, les collectivités territoriales et des représentants des personnels et des professions de santé.
Cette instance aurait pour mission d'élaborer les schémas régionaux de l'organisation sanitaire et sociale.
Une commission exécutive régionale de l'hospitalisation, présidée par le Préfet ou un haut fonctionnaire, rassemblerait pour sa part les services de l'État et de l'assurance maladie. Elle aurait pour mission d'agréer les structures hospitalières et de conclure des contrats d'objectifs avec les établissements de santé. A titre dérogatoire, ces contrats pourraient être conclus avec les services hospitaliers agréés.
Votre commission estime qu'il ne peut être question que les services hospitaliers concluent directement des contrats d'objectifs avec la commission exécutive. Une telle possibilité ferait courir un risque d'éclatement des établissements de santé et serait en outre fortement préjudiciable à la maîtrise des dépenses hospitalières.
En ce qui concerne l'agrément, le projet du Haut Conseil prévoirait qu'il ne peut être accordé qu'aux structures accréditées par une agence indépendante et dont les réponses à un appel d'offres régional auront été retenues.
Les propositions du Haut Conseil prévoiraient en effet de transformer l'ANDEM afin qu'elle puisse évaluer, sur le plan médical et économique, les structures hospitalières.
Jusqu'à plus ample informée, votre commission ne peut se prononcer sur l'opportunité d'un dispositif aussi lourd qui remet en cause l'ensemble de la planification sanitaire actuelle, et notamment les autorisations accordées par l'État.
Elle a beaucoup de mal à apprécier la cohérence entre :
- les réponses aux appels d'offres de soins présentées par les médecins ;
- les contrats pluriannuels conclus entre l'instance régionale et les établissements ;
- les contrats d'objectifs conclus entre cette instance et les établissements ;
- les contrats d'objectifs conclus entre cette même instance et les services.
Le projet prévoirait aussi, à notre connaissance, la création de structures spécifiques au niveau du secteur ou de la région chargées de gérer les personnels non médicaux des établissements de santé. Elles seraient notamment chargées, d'organiser les concours de recrutement. Là aussi, votre commission, en l'absence d'informations plus précises, ne peut apprécier quelle serait l'utilité de la création de ces nouvelles structures.
II. LA RÉFORME ANNONCÉE PAR LE PREMIER MINISTRE
Même si la réforme hospitalière annoncée par le Premier ministre doit être précisée pour en apprécier la portée, votre commission en approuve les orientations générales. Elles sont en effet, non seulement justifiées mais aussi relativement consensuelles, dans la mesure où elles reprennent les propositions formulées par de nombreux rapports au cours de ces dernières années.
Elles reposent sur quatre piliers :
- la régionalisation du financement de l'hospitalisation publique et privée ;
- l'accréditation et l'évaluation des services hospitaliers, en fonction de normes de qualité et de coût, par une institution indépendante ;
- la contractualisation entre des agences régionales pour le financement de l'hospitalisation publique et privée et les structures hospitalières ;
- la coordination sur une base volontaire de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée grâce à la mise en place de structures de coopération au plan local.
Le Premier ministre a également annoncé deux mesures qui ont trait à l'organisation générale des établissements de santé, à savoir la suppression de la présidence des conseils d'administration des hôpitaux par les seuls élus et la nomination de nouveaux directeurs de CHU en Conseil des ministres.
1. La régionalisation du financement de l'hôpital public et des établissements privés de santé
Votre commission approuve une telle orientation, déjà engagée depuis deux ans. Des agences régionales de financement de l'hospitalisation, dont on peut penser qu'elles seraient constituées de représentants de l'assurance maladie et des services de l'État, alloueraient des ressources aux établissements. On peut également penser que ces ressources seront globalement accordées aux agences après la répartition régionale de l'enveloppe globale de l'hospitalisation déterminée en fonction de la loi sociale votée par le Parlement.
Votre commission s'interroge sur les relations qui pourront exister entre les nombreuses instances, telles que les DRASS, les CRAM, les CROSS, les agences régionales et les unions régionales de l'assurance maladie, qui existeront désormais au niveau régional.
2. L'accréditation et l'évaluation des services hospitaliers
Votre commission estime que l'accréditation des services hospitaliers en fonction de critères sanitaires est une bonne chose.
Elle devra cependant être réalisée en fonction de critères fiables, consensuels et uniformes, par une agence indépendante.
Votre commission s'interroge cependant sur les liens qui seront établis entre l'accréditation et la planification sanitaire.
Peut-on, dans les faits, accréditer un service mais ne pas l'autoriser à fonctionner pour des raisons de planification sanitaire ?
Votre commission n'émet pas de telles réserves sur l'évaluation de l'activité des établissements et des services hospitaliers, dont elle estime qu'elle doit avoir des conséquences budgétaires et qu'elle doit pouvoir conduire à remettre en cause, le cas échéant, une accréditation.
3. La contractualisation entre les agences régionales et les
structures hospitalières
Les relations entre structures hospitalières et l'agence régionale seront désormais contractualisées. Ces contrats seront le support d'un projet et de sa traduction budgétaire : des contrats devront donc être conclus chaque année.
L'on ne sait pas encore si ces contrats concerneront également les établissements privés de santé : il serait en effet hautement souhaitable que les modalités de financement des établissements publics et privés soient harmonisées.
Votre commission souhaite que la conclusion des contrats soit réservée aux seuls établissements de santé, à l'exclusion des services hospitaliers. En effet, le discours du Premier ministre, qui a évoqué « les structures hospitalières », ne permet malheureusement pas de dissiper toute ambiguïté.
Comme il a été dit plus haut, la faculté offerte aux services de contracter directement avec les agences régionale remettrait en cause, non seulement la cohérence, mais peut-être l'existence des établissements de santé. Un tel système ne serait probablement pas non plus générateur d'économies pour l'assurance maladie.
4. La coordination, sur une base volontaire, de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée
Votre commission est tout à fait favorable à la coordination entre établissement publics et privés annoncée par le Premier ministre.
Elle estime qu'une harmonisation des financements la rendrait plus facile et plus efficace.
Elle souhaite que le dispositif mis en place, bien que reposant sur le volontariat, soit accompagné de mécanismes incitatifs, à l'image de ce qui avait été prévu par l'article 40 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale. Voté à l'initiative du Sénat, et toujours dépourvu de décret d'application, cet article prévoit un « retour sur investissement » accordé aux établissements publics de santé qui acceptent de coopérer et dont la coopération se traduit par des économies pour l'assurance maladie.
Comme elle l'a fait à l'occasion de l'examen du budget, votre commission regrette que cet article, introduit par le Sénat, soit en pratique dépourvu de portée du fait des lenteurs ou de l'inertie administrative.
5. La nomination de certains directeurs de CHU en Conseil des ministres.
Le Premier ministre a annoncé que les directeurs de certains centres hospitalo-universitaires seront désormais nommés en Conseil des ministres.
A l'heure actuelle, seuls les directeurs généraux des Assistances publiques de Paris, Lyon et Marseille sont nommés selon cette procédure.
6. La suppression de la présidence des maires
Le code de la santé publique, en son article L. 714-2, prévoit que la présidence du conseil d'administration des établissements publics de santé communaux est assurée par le maire, et celle du conseil d'administration des établissements départementaux par le président du conseil général. Toutefois, sur proposition du président du conseil général ou du maire, la présidence est dévolue à un représentant élu désigné par le conseil général ou le conseil municipal.
La réforme annoncée par le Premier ministre tend à supprimer cette automaticité.
Votre commission est très réservée sur cette mesure, sauf à réformer très largement la composition des conseils.
En effet, la majorité des membres actuels des conseils d'administration serait placée, en tant que président, dans une position de juge et partie, ce qui n'est pas souhaitable. Et les personnalités qualifiées, jusqu'ici, n'ont pas été choisies dans la perspective de devenir présidents. Si la présidence était réservée aux personnalités qualifiées, il faut bien savoir que, dans la mesure où celles-ci sont désignées par le préfet, les établissements de santé seraient demain dirigés par un directeur et un président de conseil d'administration nommés par l'État.
Votre commission estime que, plus que la modification des instances dirigeantes des conseils d'administration, la réforme devrait concerner, en premier lieu, les compétences des conseils d'administration.
Article premier 6°- « modifiant les dispositions relatives à l'organisation, au fonctionnement, au champ d'application et aux relations mutuelles des institutions, régimes et branches de sécurité sociale, afin d'en simplifier et d'en rationaliser les structures et la gestion »
Cet alinéa concerne le volet institutionnel de la réforme de la protection sociale et vise notamment l'organisation et le fonctionnement des caisses.
Dans sa déclaration du 15 novembre dernier, le Premier ministre a indiqué que son objectif était de clarifier les responsabilités.
Ainsi, l'organisation générale des caisses sera revue pour les rendre plus efficaces et plus resserrées :
- au niveau national, la composition des conseils d'administration sera revue de sorte que syndicats, patronat et personnalités qualifiées y trouvent leur place. Les administrateurs ne seront plus élus mais désignés. Les pouvoirs du directeur général seront renforcés de sorte qu'il puisse notamment nommer les directeurs des caisses locales. Un Conseil de surveillance comprenant des parlementaires en particulier sera institué auprès de chaque caisse nationale.
- au niveau local, le réseau des caisses du régime général sera réorganisé avec l'objectif de constituer un seul organisme par département et par branche sans pour autant diminuer le nombre de services de proximité.
S'agissant plus précisément de l'assurance maladie, il a annoncé un dispositif plus complet avec l'intervention d'une Conférence annuelle de la santé chargée de donner un avis sur les taux d'évolution des dépenses par grands secteurs, fixées par les conventions d'objectifs et de gestion qui interviendront, sur la base des délibérations de la représentation nationale.
Il a également précisé qu'une nouvelle organisation sera mise en place au plan régional tant vis-à-vis des hôpitaux que de la médecine de ville.
S'agissant des hôpitaux, il est prévu de créer des agences régionales de financement de l'hospitalisation publique et privée. Ces agences seront chargées de répartir les crédits limitativement alloués au plan régional par le Gouvernement en fonction des priorités de santé publique et en application du vote du Parlement. Par ailleurs, une « institution indépendante sera chargée de l'accréditation et de l'évaluation des services hospitaliers ».
S'agissant de la médecine de ville, il sera créé des unions régionales de caisses d'assurance maladie qui auront la responsabilité de gérer les objectifs quantifiés régionaux, de coordonner et de renforcer le contrôle médical.
Il convient donc de distinguer les réformes concernant l'organisation générale des caisses de celles visant les structures qui seront propres à l'assurance maladie. Ces dernières seront étudiées dans le cadre des commentaires 3° et 5° de cet article.
Au plan national, s'agissant du retour à la désignation des administrateurs, on peut noter qu'aucune élection n'ayant pu être organisée depuis 1983. L'abandon de ce mode de désignation ne fait que traduire sa caducité dans les faits. Ceci met fin, en outre, à la longue série de prolongations de mandats, toujours à titre provisoire, et généralement prévus par « DDOS » (projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social) qui donnait un côté « surréaliste » aux mandats électifs actuels. De plus, il convient de souligner que le Gouvernement s'est engagé à demander aux partenaires sociaux de proposer leurs représentants au Gouvernement qui les nommera. Il n'y aura donc pas de rupture brutale entre les deux systèmes et ceci garantit une désignation de personnes impliquées dans la gestion partenariale. Au-delà, votre commission ne pense pas qu'il faille modifier la composition des conseils d'administration qui devrait rester fondée sur le paritarisme.
Sur la création d'un conseil de surveillance composé notamment de Parlementaires et de personnalités qualifiées, votre commission est favorable à un tel rééquilibrage qui semble s'inspirer d'un dispositif (le comité de surveillance) qu'elle avait elle-même institué par amendement à la loi du 22 juillet 1993 auprès du conseil d'administration du Fonds de solidarité vieillesse. Celui-ci, actuellement présidé par notre collègue Alain Vasselle, exerce un rôle de contrôle et de proposition sur les activités en FSV et se réunit au moins une fois par an.
Votre commission souhaite que ce conseil de surveillance puisse jouer un rôle « d'interface » entre les parlementaires, qui seront également au point de départ des décisions concernant la protection sociale à l'issue de la révision constitutionnelle, et les gestionnaires des régimes sociaux qui ne devront pas être exclus de ces structures.
Elle espère, par ailleurs, que cette innovation permettra d'assurer enfin la représentation des autres acteurs du système de protection sociale, actuellement absents du conseil d'administration, comme par exemple les professions de santé, les associations familiales ou de retraités.
En ce qui concerne la contractualisation des rapports entre l'État et les caisses nationales de sécurité sociale, elle approuve la recherche d'une clarification des responsabilités et la définition d'objectifs communs desquelles devrait ressortir plus d'efficacité.
Enfin, contrairement à ce que semble indiquer le rapport du rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Daniel Mandon, votre commission considère que les règles relatives à la tutelle exercée par l'État sur ces caisses pourront être visées par les ordonnances afin de les rendre compatibles avec les objectifs définis ci-dessus.
Sur le plan local, les trois mesures principales, à savoir la rationalisation de la répartition sur le territoire national des caisses locales de sécurité sociale, l'élargissement de la composition des conseils d'administration et le renforcement des responsabilités des directeurs qui seront désormais nommés par les directeurs de caisses nationales apparaissent cohérentes avec les objectifs de clarification et d'efficacité assignés à la réforme.
Toutefois, votre commission appelle l'attention sur le fait que la rationalisation des caisses ne doit pas remettre en cause les conditions d'accueil du public et estime même qu'une rationalisation judicieuse devrait se traduire par une amélioration de celui-ci notamment au plan qualitatif.
Quant à la responsabilité des directeurs locaux, elle attend en effet un renforcement de la cohérence de la pyramide des décisions et des responsabilités entre les échelons nationaux et locaux mais s'interroge également sur les risques d'une trop forte centralisation du dispositif qui serait contraire aux objectifs annoncés.
Article premier 7°- « définissant, sans empiéter sur le domaine exclusif de la loi de finances, les modalités de consolidation et d'apurement de la dette accumulée au 31 décembre 1995 par le régime général de sécurité sociale et par le régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, ainsi que du déficit prévisionnel de l'exercice 1996 de ces régimes, et instituant les organismes et les ressources, notamment fiscales, nécessaires à cet effet »
Cet alinéa concerne le traitement qui sera réservé à la dette sociale accumulée. On a rappelé dans l'exposé général que celle-ci s'établira à environ 230 milliards fin 1995 pour le seul régime général.
L'opération de reprise des déficits cumulés à la fin de l'année par l'État à hauteur de 110 milliards n'a pas empêché ce régime général de connaître en 1994 et 1995 des déficits considérables.
Ces déficits pèsent lourdement sur les comptes du régime général.
Ainsi, les charges d'intérêts du régime ont crû fortement sous l'effet du déséquilibre entre les dépenses et les recettes : atteignant 4,5 milliards de francs en 1995, elles se seraient élevées, sans mesures de redressement, à 8,2 milliards de francs en 1996.
C'est pourquoi la sauvegarde de notre protection sociale rend indispensable d'accompagner les mesures structurelles de réforme du régime général de l'apurement des déficits accumulés depuis 1994, soit près de 120 milliards de francs.
Au-delà de l'apurement de la dette cumulée, cette opération doit permettre de reconstituer le fonds de roulement du régime général, afin de lui garantir, une fois l'équilibre restauré, une situation de trésorerie satisfaisante.
I. LES MODALITÉS DE CONSOLIDATION D'APUREMENT DE LA DETTE SOCIALE ACCUMULÉE
Un établissement public national, à caractère administratif, sera créé à cet effet et autorisé à reprendre la dette du régime général dès la fin de l'année.
Cet établissement se verra affecter, par ailleurs, le patrimoine immobilier locatif des caisses nationales de sécurité sociale. Il recevra également le produit des remboursements par les États étrangers des dettes sanitaires qu'ils ont contractées auprès des établissements hospitaliers publics français ; les dettes non soldées viendront en déduction des concours mis en place par la France au titre de l'aide publique au développement.
En outre, dans un souci de clarification, le Gouvernement réservera le Fonds solidarité de Vieillesse à la seule prise en charge des prestations non contributives de solidarité servies aux personnes âgées.
Dans cette perspective, le Fonds de Solidarité Vieillesse sera libéré des dépenses exceptionnelles correspondant à la prise en charge de la dette de 110 milliards de francs accumulée à la fin de l'année 1993. Cette opération permettra de renforcer les transferts de solidarité au profit du régime général d'assurance vieillesse.
Le financement des charges correspondant à la reprise de l'intégralité de la dette du régime général à la fin de l'année 1995 sera assuré par une contribution relevée sur l'ensemble des revenus des Français et dont le taux sera fixé à 0,5 point. Son rendement est évalué à 25 milliards en 1996.
Cette contribution, exceptionnelle et temporaire, couvrira la période amortissement de la dette , soit une durée de 13 ans.
II. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre commission tient à relever les éléments positifs de cette démarche :
1. Les conditions de la reprise de la dette
La reprise de dette ainsi opérée s'effectue dans des conditions de clarté plus satisfaisantes que la précédente opération mise à la charge du FSV.
Sur le plan des principes, la commission avait souligné dès l'origine le risque de confusion qu'entraînait la reprise de dette par le FSV par rapport à sa vocation « naturelle » : la prise en charge du non-contributif vieillesse. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, elle avait prévu par amendement à la loi du 22 juillet 1993 de préciser que le FSV a une mission à titre permanent correspondant à sa vocation fondamentale et une mission à caractère temporaire, celle de rembourser les avances faites à l'ACOSS par l'État jusqu'au 31 décembre 1993. Il faut préciser que les dépenses du FSV font également, à la suite d'un amendement de votre commission, l'objet de deux sections distinctes correspondant à ces deux missions.
De plus, en 1993, l'opération de reprise de dette ne s'était pas effectuée dans des conditions de grande transparence. Comme l'a souligné le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de 1995, la dette réelle a été surévaluée, pour des raisons techniques, d'environ 16,7 milliards, les déficits cumulés finalement constatés ayant représenté moins de 94 milliards. Ce reliquat a été un moment considéré dans son ensemble comme un fonds de roulement utile pour les différentes branches, une fois apurés les comptes des organismes bénéficiaires. Mais de cette somme a été retranché le montant nécessaire au financement de la majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire pour l'année 1993. En définitive, seuls 10,9 milliards ont été réservés à ce fonds de roulement, soit 3,6 milliards à chaque branche.
Cet objectif de transparence conduit votre commission à souhaiter que la gestion de cette nouvelle caisse d'amortissement de la dette sociale ne soit pas seulement confiée à des représentants des ministères concernés et des grands corps de l'État mais fasse également une place aux caisses nationales concernées par la reprise des dettes.
2. La question du déficit prévisionnel pour 1996
Il s'agit d'une opération globale qui se présente comme « solde de tout compte ».
En effet, non seulement elle concerne la dette constatée fin 1993 déjà en cours d'amortissement mais elle intègre par anticipation le déficit prévisionnel pour 1996 estimé à 17 milliards.
Cette modalité est cohérente avec le projet de « refondation du système », selon l'expression du Premier ministre, qui se traduit donc ainsi par l'apurement de la situation passée pour reconstruire sur des bases nouvelles. Votre commission mesure l'importance et le courage de l'engagement ainsi pris par le Gouvernement.
Elle considère que pour optimiser cette opération, il est essentiel que la reprise de dettes prenne réellement effet au 1er janvier 1996 pour éviter que l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) ait à supporter des frais financiers excessifs. Ceci justifie notamment les dispositions rétroactives de l'article 2.
Elle s'interroge néanmoins sur les modalités d'une reprise par anticipation du déficit prévisionnel pour 1996 compte tenu des incertitudes qui pèsent sur sa prévision.
3. Un objectif d'équité
Il faut souligner que le financement sera assuré dans des conditions d'équité.
En effet, il sera essentiellement constitué par un nouveau prélèvement appelé RDS, remboursement de la dette sociale. Celui-ci aura une assiette très large à savoir tous les revenus, à l'exception des minima sociaux, des pensions militaires d'invalidité, des rentes d'accidents du travail et de revenus des livrets d'épargne exonérés (livret A et assimilés).
Votre commission suggère que son champ d'application concernant les personnes visées soit de préférence lié au critère de l'existence d'une couverture sociale en France, plutôt qu'au critère du domicile fiscal de façon à en faciliter la gestion. Cette distinction permettrait ainsi de viser plusieurs milliers de travailleurs frontaliers.
Au taux retenu, volontairement modéré, de 0,5 %, ce prélèvement devrait rapporter 25 milliards de recettes à cette caisse, par ailleurs alimentée par le produit des cessions immobilières des caisses et le remboursement de leurs dettes de sécurité sociale par les pays étrangers.
A cet égard, le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale comporte des développements très intéressants sur le patrimoine des régimes de base de sécurité sociale.
Comme l'indique ce rapport, il peut paraître étonnant, en effet, que des caisses en quasi état de cession de paiement puissent conserver un important patrimoine de rapport, sous forme notamment de biens immobiliers. Le rapport précise que sont principalement concernées deux caisses du régime général (la CNAVTS et la CNAMTS) et la Caisse nationale de sécurité sociale dans les Mines (CANSSM).
Le patrimoine de la CNAVTS provient des anciennes caisses de capitalisation et est évalué à environ 1,4 milliard de francs. Celui de la CNAMTS est estimé à environ 2,5 milliards. Celui de la CANSSM, enfin, avoisinerait environ 2,5 milliards. Au total, selon le rapport de la Commission des comptes, l'ensemble peut être estimé à 6,5 milliards dont environ 4 milliards au titre du régime général.
Ce patrimoine bénéficie d'une rentabilité assez faible que le rapport impute notamment aux retards constatés dans la mise en oeuvre d'une politique volontariste de revalorisation des loyers.
Toutefois, votre commission estime que l'état actuel du marché immobilier, notamment dans la région parisienne, n'est guère propice à la cession dans les meilleures conditions financières, d'importants actifs immobiliers et que la valeur réelle de ce patrimoine est peut-être surévaluée. Par ailleurs, elle relève que l'affectation de produit de la vente du patrimoine de la CANSSM soulève des problèmes juridiques puisqu'il est de nature privé.
Au-delà de ces observations générales, votre commission s'interroge sur certains aspects de cette opération, notamment :
- sur la reprise de la dette des régimes des non salariés non agricoles. Celle-ci est limitée au déficit de la branche maladie à travers la Caisse autonome d'assurance maladie des travailleurs indépendants alors que les deux principales caisses d'assurance vieillesse enregistrent également de sérieux problèmes de trésorerie liés à des découverts croissants, notamment la caisse ORGANIC concernant les professions industrielles et commerciales. Le fait que le texte soumis au Parlement ne comporte plus de condition pour la reprise de la dette de la CANAM (suppression des termes « le cas échéant » qui figuraient dans la version initiale du projet de loi) constitue néanmoins une garantie pour les ressortissants de ce régime que votre commission approuve ;
- sur les liens entre le RDS et la « CSG élargie ». Le Gouvernement a annoncé une réforme du financement de la protection sociale passant par l'élargissement de l'assiette de la CSG, le basculement progressif d'une partie des cotisations maladie des salariés sur la CSG ainsi élargie et, enfin, une réforme des cotisations patronales dont l'assiette pourra être diversifiée, en intégrant par exemple la notion de valeur ajoutée de l'entreprise. Mais, votre commission appelle l'attention sur la nécessité d'éviter d'introduire durablement pour les employeurs une « troisième assiette sociale » (cotisations, CSG, RDS) impliquant une énième rubrique déclarative et alourdissant les risques d'évasion et de fraude.
Article premier 8°- « modifiant, sous la même réserve, les dispositions relatives au fonds de solidarité vieillesse pour recentrer ses missions sur le financement des prestations relevant de la solidarité nationale tout en préservant, par les ressources mentionnées au 7° ci-dessus, la neutralité de cette mesure pour le budget de l'État »
Cet alinéa concerne les missions du Fonds de solidarité vieillesse. Il indique que celles-ci seront « recentrées » sur la prise en charge des prestations relevant de la solidarité nationale sous réserve d'une part de respecter le domaine exclusif de la loi de finances, d'autre part de rester neutre vis-à-vis du budget de l'État.
I. LES MISSIONS DU FSV
Le Fonds de solidarité vieillesse a été institué par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 et est régi par le décret n° 93-1354 du 30 décembre 1993. C'est un établissement public de l'État à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget.
Deux missions lui ont été assignées : d'une part, à titre permanent, le financement d'avantages d'assurance à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale ; d'autre part, à titre exceptionnel, le remboursement du capital et des intérêts des dettes du régime général envers la Caisse des dépôts et consignations au 31 décembre 1993 prises en charge par l'État dans la limite de 110 milliards de francs.
Ses recettes sont constituées du produit de la majoration de 1,3 point de la CSG instituée à compter du 1er juillet 1993 et de l'essentiel des droits sur les alcools et les boissons non alcoolisées. En 1995, celles-ci devraient atteindre 65,8 milliards et pour 1996 les estimations s'établissent (avant le plan gouvernemental) à 68 milliards.
Ses dépenses peuvent être réparties entre trois postes essentiels : les prestations prises en charge, telles que le minimum vieillesse et les majorations de pension pour enfants à charge, soit un total de 33 milliards, les cotisations correspondant à des validations gratuites de périodes d'affiliation soit environ 22,8 milliards et le remboursement des dettes constatées au 31 décembre 1993 soit 6,7 milliards (chiffres pour 1995).
(1) Avant le plan gouvernemental.
Le FSV verse sur ce total environ 60 % au régime général, soit 39 milliards en 1994 et 42,6 milliards en 1995. Le solde se répartit entre les régimes autonomes alignés (CANCAVA, ORGANIC, salariés agricoles), le régime d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et le régime des exploitants agricoles.
Cette prépondérance du régime général résulte notamment du poids de la prise en charge des périodes d'assurance chômage et de service et des majorations pour enfants à charge.
Il convient de noter qu'à compter de 1996, le FSV aurait dû commencer à rembourser non plus seulement les intérêts liés à la dette du régime général prise en charge par l'État au 1er janvier 1994 mais également le capital. L'annuité afférente à cette opération serait passée ainsi de 6,8 milliards de francs en 1995 à 12,5 milliards en 1996.
Mais comme le souligne chaque année le rapport de la Commission des comptes depuis la création du FSV, aucun texte, qu'il soit de nature législative, réglementaire ou contractuelle, ne détermine les obligations du FSV en ce qui concerne le remboursement de cette dette. Seul, l'exposé des motifs de l'article 105 de la loi de finances pour 1994, sans valeur juridique prévoyait un tel dispositif étalé sur quinze ans.
II. LES MODIFICATIONS ENVISAGÉES ET LEURS EFFETS
Le plan gouvernemental prévoit que l'intégralité de la dette accumulée jusqu'en 1993 devra faire l'objet d'un transfert du FSV à la nouvelle caisse d'amortissement de la dette sociale. Celui-ci va donc se trouver déchargé du poids d'un versement qui à partir de 1996 devait s'établir à 12,5 milliards par an.
Comme par ailleurs, le Premier ministre a annoncé que l'entrée en vigueur de la prestation d'autonomie serait retardée d'un an, les ressources libérées par l'externalisation de la dette vont pouvoir être réemployées au profit de la mission permanente du FSV : la prise en charge des prestations à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale.
L'habilitation demandée au Parlement dans le cadre du 8° de l'article premier répond donc précisément à l'orientation définie ainsi par le Premier ministre le 15 novembre dernier : « Il n'est pas sain que le remboursement de cette dette pèse sur l'équilibre des branches. Il n'est pas normal que les ressources du Fonds de solidarité vieillesse soient amputées de 12,5 milliards de francs pour financer l'annuité de la dette des années 92 et 93. L'argent du FSV doit aller à de vraies dépenses de solidarité, pas à l'apurement du passé. Le Gouvernement souhaite clarifier une fois pour toutes la situation. »
Le Gouvernement envisage donc de réaffecter les 12,5 milliards susmentionnés au rééquilibrage de la branche vieillesse. Ceci prendra la forme d'un accroissement de la prise en charge par le FSV de la validation des périodes de chômage. En effet, les contributions versées par le FSV au titre de cette validation sont calculées sur une base forfaitaire définie par décret. Le salaire de référence actuellement pris en compte est équivalent à 60 % de la valeur du SMIC. Ce pourcentage devrait être porté à 90 % du SMIC selon les indications qui ont été fournies à votre commission. Cette augmentation correspond effectivement à une charge pour le FSV évaluée à 11 milliards de francs pour les exercices 1996 et 1997.
Parallèlement, à côté de cette nouvelle dépense, le FSV bénéficiera d'une nouvelle recette : le prélèvement de 6 % à la charge des entreprises, assis sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire. Son rendement est réévalué à 2,5 milliards de francs en 1996 et 1997.
Il convient de rappeler qu'actuellement ce type de versement des entreprises au profit de leurs salariés est totalement exonéré de cotisations sociales, dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale. Les primes versées annuellement au titre de ces contrats sont estimées à 52 milliards dont 25 milliards pour l'assurance maladie complémentaire et 27 milliards pour l'assurance complémentaire prévoyance.
L'habilitation demandée au Parlement concernant le FSV appelle donc plusieurs remarques.
1. Le recentrage des missions du FSV
L'annonce d'un recentrage des missions du FSV constitue un indéniable progrès dans le sens de la clarification souhaitée par le Gouvernement. Elle n'élimine toutefois pas toute ambiguïté.
En premier lieu, votre commission se félicite de la volonté du Gouvernement d'opérer une clarification et de mettre un terme à la mission rattachée initialement à titre exceptionnel au FSV. Dès l'origine, votre commission avait souligné les risques de confusion liés à l'existence de deux missions d'une portée radicalement différente.
Le rapporteur du projet de loi qui a institué ce Fonds notait ( ( * )11) ainsi que le projet de loi lui confiait le soin « de régler deux problèmes de nature et de portée très différentes, au risque de créer une confusion préjudiciable à la réussite des objectifs de ce texte.
En effet, d'une part, il vise à répondre à un problème de nature structurelle qui est celui de la nécessité de clarifier le domaine du non-contributif par rapport au contributif afin d'engager les réformes évoquées précédemment : financement distinct, remise en ordre des avantages redistributifs, responsabilisation des partenaires sociaux à l'égard de l'évolution des dépenses d'assurance vieillesse.
Mais, d'autre part, le projet prévoit également que le fonds devra régler, et ceci avec les mêmes ressources, un problème qui est davantage conjoncturel et de trésorerie, à savoir, l'équilibre financier du régime général d'ici la fin de l'année 1993. »
Votre commission ne peut donc qu'approuver la demande gouvernementale tendant à réserver les ressources du FSV au financement des prestations relevant de la solidarité nationale.
Toutefois, elle s'interroge sur l'emploi du verbe « recentrer » qui pourrait laisser entendre que la mission rappelée ci-dessus ne serait pas exclusive mais serait seulement la principale, du point de vue financier par exemple.
Cette crainte est d'autant plus vive que votre commission constate qu'à l'issue des modifications annoncées par le Gouvernement le FSV pourrait se retrouver en « suréquilibre » d'environ 4 milliards de francs en fonds de roulement.
Si ces sommes sont mises en réserve pour le financement de la future prestation d'autonomie, votre commission ne saurait que louer cette sage précaution mais il ne faudrait pas que l'excédent ainsi dégagé en 1996 soit absorbé par de nouvelles charges permanentes qui compromettraient d'autant l'équilibre financier à venir du FSV.
2. Sa portée juridique
Une partie seulement des mesures envisagées par le Gouvernement relève du domaine législatif.
En effet, l'accroissement des versements en faveur de la CNAVTS à travers le changement de la base forfaitaire relève du domaine réglementaire, l'article L. 135-2 précisant que celle-ci est déterminée après avis des conseils d'administration des caisses des régimes d'assurance vieillesse concernées et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
En revanche, l'élargissement des recettes du FSV au produit du prélèvement sur les primes d'assurance de groupe et le resserrement des missions ainsi que des dépenses requièrent des dispositions législatives modifiant les articles L. 135-1 et L. 135-2 du code de la sécurité sociale.
3. Les limites de l'habilitation
Les conditions fixées par le 8° de l'article premier (respect du domaine exclusif de la loi de finances et neutralité vis-à-vis du budget de l'État) traduisent la prise en compte de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel.
Il existe en effet un domaine exclusif des lois de finances, et le juge constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler notamment dans sa décision du 29 décembre 1994. A propos de la mise à la charge du FSV du montant des bonifications de pensions pour enfant à charge le Conseil a ainsi réaffirmé que
« Considérant que le respect des règles d'unité et d'universalité budgétaires ainsi énoncées s'impose au législateur ; que ces règles fondamentales font obstacle à ce que les dépenses qui, s'agissant des agents de l'État, présentent pour lui par nature un caractère permanent ne soient pas prises en charge par le budget ou soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas ; qu'il en va ainsi notamment du financement des majorations de pensions, lesquelles constituent des prestations sociales légales dues par l'État à ses agents retraités ;
Considérant en outre que les règles énoncées ci-dessus s'appliquent aux budgets annexes, dont les dépenses d'exploitation suivent les mêmes règles que les dépenses ordinaires du budget, en vertu de l'article 21 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1003-4 du code rural, le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) comporte en dépenses notamment les versements destinés au paiement par les caisses... « des prestations de l'assurance vieillesse des non-salariés agricoles ... » ;
Considérant que, par suite, en prévoyant la prise en compte dans les dépenses du fonds de solidarité vieillesse d'une dépense à caractère permanent incombant au budget annexe des prestations sociales agricoles, l'article 34 de la loi déférée a méconnu le principe d'universalité susvisé ; »
Votre commission note cependant que dans le projet de loi de finances initiale pour 1996, cette jurisprudence ne semble pas avoir été prise en compte et qu'une même opération visant à « débudgétiser » les majorations de pension pour enfant à charge du régime agricole figurant au BAPSA a été prévue.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous demande d'adopter l'ensemble de cet article sans modification.
Art. 2 - Entrée en vigueur des ordonnances
Cet article vise à permettre de donner un effet rétroactif aux ordonnances comportant des mesures de financement, d'économie ou de trésorerie nécessaires à la réduction du déficit prévisionnel des régimes obligatoires de base de sécurité sociale pour 1996, à l'exception de celles qui concernent les établissements de santé visées par le 5° de l'article premier. Cette rétroactivité serait, en tout état de cause, limitée puisque l'article 2 prévoit qu'elle prendrait effet au plus tôt le 1er janvier 1996.
Il s'agit d'une précaution nécessaire et justifiée, dans la mesure où il n'est pas sûr que les ordonnances seront promulguées effectivement avant le 31 décembre. Il convient en particulier de tenir compte de l'éventualité d'une saisine du Conseil Constitutionnel et des délais inhérents à l'élaboration de textes particulièrement techniques et importants. Or, l'entrée en vigueur de nouvelles règles, en cours d'année et même au milieu d'un mois civil, soulève de sérieuses difficultés, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de mesures financières.
Il convient de souligner, par ailleurs, que cette rétroactivité sera strictement encadrée. D'une part, le champ de la rétroactivité ne s'étend pas aux dispositions relatives aux établissements de santé et ne concerne que les mesures ayant une incidence financière afin d'éviter les difficultés comptables.
D'autre part, l'article 2 fait explicitement référence à la nécessité de respecter les principes de valeur constitutionnelle. Un tel rappel n'était pas indispensable dans la mesure où le juge constitutionnel se réserve en effet, s'il est saisi, la possibilité de contrôler la conformité des ordonnances à l'occasion de l'examen des lois de ratification.
En effet, le contrôle de la constitutionnalité d'une loi de ratification conduit le juge constitutionnel à apprécier la constitutionnalité des ordonnances. Dans une décision n° 83-156 DC du 28 mai 1983, le Conseil Constitutionnel, saisi d'une loi de ratification, a examiné la constitutionnalité de ce texte, en se référant tantôt à la loi, tantôt à l'ordonnance ratifiée. De même, dans une décision n° 84-176 DC du 4 juin 1984, le Conseil a apprécié, par le biais de la loi la ratifiant, la constitutionnalité d'une ordonnance.
Mais c'est au regard des seuls principes et règles à valeur constitutionnelle, que le Conseil se prononce et non par rapport à la loi d'habilitation qui reste un texte de valeur législative.
La précision apportée par l'article 2 est surtout significative de la volonté du Gouvernement d'agir dans le strict respect de notre Constitution et : la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de portée essentiellement rédactionnelle sur cet article afin d'en clarifier l'énoncé.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 3 - Délai de ratification
Cet article fixe la date du dépôt du projet de loi portant ratification les ordonnances qui seront prises, en vertu de l'article premier, au plus tard le 1 mai 1996.
Ce délai marque là encore, par sa relative brièveté, la détermination au Gouvernement d'agir vite tout en préservant les droits du Parlement. Ainsi, : projet de loi sera déposé un mois environ après l'adoption des dernières ordonnances, si le présent projet de loi est bien voté avant la fin du mois de décembre prochain.
A défaut de dépôt avant le délai imparti, l'article 38 de la Constitution indique que les ordonnances prises sur la base de l'habilitation législative deviennent caduques. Celui-ci est donc particulièrement important pour assurer la pérennité des mesures qui seront mises en oeuvre par le Gouvernement dans le cadre desdites ordonnances.
Il convient de préciser cependant trois particularités concernant la procédure de ratification. Premièrement, si la Constitution impose la fixation un délai pour déposer le projet de loi de ratification, elle n'oblige pas à révoir la délibération et le vote de ce projet. Les termes de l'article 38, en effet, ont été interprétés au sens strict par le Conseil Constitutionnel comme visant la procédure formelle.
Deuxièmement, on distingue les ratifications explicites, c'est-à-dire faisant l'objet d'un projet de loi de ratification à part entière et les ratifications implicites, c'est-à-dire intervenant selon d'autres procédures.
Ainsi, dans sa décision n° 72-732 du 29 février 1972 relative à l'ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 concernant la participation des salariés aux fruits de l'expansion, le Conseil Constitutionnel a admis que à l ' article 38 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce qu'une ratification intervienne selon d'autres modalités que celles de l'adoption du projet de loi de ratification ; elle peut résulter d'une manifestation de volonté implicitement mais clairement exprimée par le Parlement » .
Une ratification implicite peut intervenir, par exemple, à l'occasion de la modification législative d'une disposition d'une ordonnance.
Enfin, la ratification a pour effet de réintégrer le contenu des ordonnances dans le domaine législatif. Dans ce cas, le Conseil Constitutionnel considère qu'aucun recours administratif ne peut plus être exercé contre elles.
Les voies de recours concernant des ordonnances sont donc les suivantes :
1° A l'égard d'ordonnances non ratifiées, des recours devant les juridictions administratives peuvent être formés dans le délai de deux mois à compter de la publication de l'ordonnance ;
2° Lorsque les ordonnances sont ratifiées (explicitement ou implicitement), elles ne peuvent plus faire l'objet de recours. Le Conseil Constitutionnel peut seulement se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi de ratification des ordonnances dans le cas où cette loi serait votée par le Parlement et serait déférée au Conseil dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution.
Votre commission manifeste évidemment sa préférence pour que le Gouvernement fasse, le moment venu, le choix d'une ratification explicite afin d'organiser un vrai débat sur l'action du Gouvernement dans le cadre de l'habilitation accordée et de permettre un contrôle approfondi du Parlement sur le contenu des ordonnances. C'est d'ailleurs ce qu'a évoqué le Premier ministre le 15 novembre 1995 en prévoyant un « débat de ratification avant l'été 1996 ».
Sous le bénéfice de cette observation, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.
C'est pour tous ces motifs que votre commission vous demande d'adopter le présent projet de loi sans le modifier.
* (5) le compte rendu de cette audition figure en annexe (tome II)
* (6) vingt-quatrième rapport sur la situation démographique de la France p. 7
* (7) Ceci est repris dans une lettre ministérielle du 19 mars 1990
* (8) Cela signifie que les allocations familiales ne bénéficieront pas de la déduction de 20 % octroyée aux salariés pour leurs revenus
* (9) Le plafond de ressources pour l'APJE varie ainsi, conformément à l'article R. 531-9 du Code de la sécurité sociale, au 1er juillet de chaque année, par utilisation de l'indice d'évolution des salaires nets pour l'année civile précédant la date de revalorisation du plafond figurant dans le rapport de printemps des comptes de la Nation
* (10) et d'avoir pu entendre le professeur Devulder qui n'a pas pu se rendre à l'invitation de commission.
* (11) Rapport Sénat n° 370 (1992/1993).