Rapport général n° 77 (1995-1996) de M. Jacques OUDIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 1er décembre 1995
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PRINCIPALES OBSERVATIONS
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AVANT-PROPOS
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CHAPITRE PREMIER LA CRISE FINANCIÈRE DE LA
SÉCURITÉ SOCIALE APPELÉ UNE RÉPONSE
ÉNERGIQUE
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CHAPITRE II UN BOULEVERSEMENT INSTITUTIONNEL
PROFOND
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CHAPITRE III LES MESURES FINANCIÈRES DE
PORTÉE GÉNÉRALE
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CHAPITRE IV LES RETRAITES
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CHAPITRE V LA FAMILLE
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CHAPITRE VI LES CRÉDITS DE LA
SOLIDARITÉ ENTRE LES GÉNÉRATIONS
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CHAPITRE PREMIER LA CRISE FINANCIÈRE DE LA
SÉCURITÉ SOCIALE APPELÉ UNE RÉPONSE
ÉNERGIQUE
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EXAMEN EN COMMISSION
N°77
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M Alain LAMBERT,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 38
SOLIDARITÉ ENTRE LES GÉNÉRATIONS
Rapporteur spécial : M. Jacques OUDIN
(1) Cette commission est composée de MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10éme législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.
Sénat : 76 (1995-1996)
Lois de finances.
PRINCIPALES OBSERVATIONS
1. Les dépenses d'allocation aux adultes handicapés poursuivent leur dérive
Votre rapporteur constate avec regret que l'allocation aux adultes handicapés poursuit manifestement sa dérive.
En loi de finances initiale pour 1995, les crédits consacrés à l'AAH s'élevaient à 18.7 milliards de francs, en augmentation de + 3.4 % par rapport à 1994. Cette dotation considérable s'est pourtant révélée rapidement insuffisante, et a dû être abondée de 1,3 milliard de francs en loi de finances rectificative. Pour 1996, les crédits consacrés à l'AAH s'élèvent à 20,8 milliards de francs, en progression de + 10,8 % par rapport au budget voté de 1995.
Dans son rapport de novembre 1993 sur les dispositifs d'aide aux personnes handicapées, la Cour des comptes avait relevé que, sur la base de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, l'AAH est trop facilement attribuée à des personnes affectées d'une incapacité inférieure à 80 % mais jugée inaptes à se procurer un emploi, qui sont ainsi retirées définitivement du marché du travail.
Tirant les conséquences de cette critique, l'article 95 de la loi de finances pour 1994 a institué un taux d'incapacité minimal pour avoir droit à l'AAH en raison d'une incapacité à se procurer un emploi. Un décret en date du 16 mai 1994 a fixé à 50 % le taux d'incapacité nécessaire pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'article L. 821-2. Cette réforme des conditions d'attribution de l'AAH ne s'applique qu'aux nouvelles demandes, et non au stock des allocataires. Elle n'est donc susceptible de produire des effets d'économies que très progressivement.
Mais force est de constater que ces effets, même limités, ne se sont pas encore manifestés à ce jour :
- au cours du premier semestre 1994, alors que le taux minimal d'incapacité de 50 % n'était pas encore en vigueur, la proportion des AAH attribuées par les COTOREP au titre de l'article L. 821-2 était de 36,1 % ;
- au cours du second semestre 1994, en dépit de l'application du nouveau taux minimal d'incapacité, cette même proportion passe à 37,3 %. Elle revient à 36,3 % au cours du premier semestre 1995.
L'économie de 300 millions de francs prévue pour 1995 au titre de la réforme des conditions d'attribution de l'AAH ne s'est pas réalisée. Il est permis de douter que l'économie de 400 millions de francs prévue à ce même titre pour 1996 se concrétise.
2. L'apurement de la dette de la sécurité sociale : un préalable nécessaire
Le régime général de sécurité sociale est entré depuis 1991 dans une spirale d'endettement que n'a pas interrompu la reprise de sa dette par l'État à la fin de 1993, à hauteur de 110 milliards de francs. Faute d'un retour à l'équilibre financier en gestion, les déficits de trésorerie ont continué de se creuser et devraient atteindre de nouveau en cumulé 120 milliards de francs à la fin de cette année.
Les charges d'intérêt s'accroissent en conséquence : d'un montant de 4,5 milliards de francs en 1995 elles s'élèveraient à 8,2 milliards de francs en 1996. Ce poids croissant de la dette fait obstacle à toute tentative de rétablissement financier de la sécurité sociale.
C'est pourquoi votre rapporteur approuve sans réserve l'opération de cantonnement de la dette sociale qui a été annoncée par le Premier ministre le 15 novembre 1995, à l'occasion de la présentation de son plan de réforme de la protection sociale.
Une caisse d'amortissement de la dette sociale prendra à sa charge la dette cumulée du régime général depuis 1992, soit 230 milliards de francs, son déficit prévisionnel pour 1996, soit 17 milliards de francs, et le déficit de la Caisse autonome nationale d'assurance maladie, soit 3 milliards de francs. En tout, ce sont 250 milliards de francs en principal que la caisse devra amortir.
En conséquence, le fonds de solidarité vieillesse n'aura plus à contribuer au remboursement de la dette du régime général reprise par l'État en 1993, qui sera transférée à la nouvelle caisse d'amortissement. Ainsi, le FSV pourra se consacrer entièrement à sa véritable mission : le financement de dépenses de solidarité (avantages de retraite non contributifs et, à compter de 1997, prestation d'autonomie). Jusqu'à présent, les versements du FSV à l'État au titre du remboursement de la dette du régime général ont absorbé un peu plus de 10 % de ses ressources.
La caisse d'amortissement de la dette sociale sera alimentée par le produit des cessions immobilières des caisses (6.5 milliards de francs), par le remboursement des créances de soins de santé détenues par la France sur les pays étrangers (4.5 milliards de francs pour les seuls pays de l'Union européenne), et surtout par une contribution exceptionnelle au Remboursement de la Dette Sociale. Avec une assiette plus large que celle de la CSG et un taux de 0.5 % ce RDS rapportera annuellement 25 milliards de francs, ce qui permettra de rembourser la dette sociale sur 13 ans.
3. Une réforme d'ensemble de la protection sociale cohérente et ambitieuse
Le plan de réforme rendu public le 15 novembre 1995 ouvre les voies de réformes structurelles extrêmement ambitieuses :
- révision constitutionnelle, qui permettra au Parlement de se prononcer par un vote annuel sur l'équilibre prévisionnel des recettes et des dépenses des régimes de base de sécurité sociale ;
- réforme institutionnelle des caisses nationales de sécurité sociale, dont les conseils d'administration seront élargis et doublés de comités de surveillance auxquels participeront des parlementaires :
- institution d'un régime universel d'assurance maladie :
- réforme de l'hôpital (régionalisation du financement sur la base de contrats d'objectifs avec les établissements, évaluation des services hospitalier par une agence indépendante, coordination au plan local entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée) :
- renforcement de la maîtrise médicalisée des dépenses de médecine de ville (ajustement automatique des rémunérations des médecins en fonctions du respect des objectifs, développement d'outils de bonne pratique médicale) :
- rationalisation des prestations familiales, qui deviendront imposables en contrepartie d'un aménagement du quotient familial ;
- redéfinition des conditions d'équilibre des régimes spéciaux de retraite :
- création d'une caisse autonome des fonctionnaires distincte du budget de l'État ;
- réforme du financement de la protection sociale dans un sens moins défavorable à l'emploi.
L'ensemble de ces réformes de structure créera à moyen terme les conditions durables d'une maîtrise des évolutions financières de notre régime de protection sociale.
A court terme, le plan de réforme du gouvernement propose de réduire le déficit prévisionnel du régime général en 1996, hors charges d'intérêts puisque la dette aura été transférée, de - 53,3 milliards de francs à -16 milliards de francs.
Cette réduction du déficit de 36.6 milliards de francs sera acquise grâce à 27,1 milliards de francs d'économies et de mesures de gestion et à 9.6 milliards de francs seulement de prélèvements nouveaux (2,5 milliards au titre de la contribution de 6 % des entreprises sur les primes d'assurance de groupe et 7,1 milliards de francs au titre du relèvement de 1,2 point des cotisations d'assurance maladie sur les revenus de transferts).
Le régime général devrait retrouver une situation légèrement excédentaire dès 1997, avec un solde des opérations courantes positif de + 3 milliards de francs.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le Premier ministre a présenté le 15 novembre dernier un plan de réforme de la protection sociale sans précédent depuis trente ans par son ampleur, sa cohérence et son ambition.
Face à un endettement de 230 milliards de francs pour le seul régime général, soit 4.000 francs par Français, il était devenu urgent d'agir. Le Gouvernement a eu le courage de décider les mesures immédiates qui permettront de rétablir l'équilibre financier de la sécurité sociale dès 1997, et la sagesse de les compléter par les mesures structurelles qui permettront de préserver cet équilibre dans le long terme.
Les développements qui suivent ne portent que sur les mesures financières de portée générale et les mesures concernant les branches vieillesse et famille de la sécurité sociale. Les réformes relatives au système de soins sont présentées à part, dans le rapport que votre rapporteur a consacré par ailleurs au budget de la Santé publique et de l'assurance maladie.
Votre rapporteur a la satisfaction de voir aboutir cette année nombre des réformes qu'il a eu l'honneur de défendre au nom de la commission des finances. Le renforcement du rôle du Parlement en matière de sécurité sociale, l'élargissement des conseils d'administration des caisses, la mise en place de fonds de pension, la rationalisation des prestations familiales, sont autant de propositions qu'il vous avait faites en 1992 dans son rapport d'information sur les aspects financiers de la protection sociale.
Certains aspects de notre système de sécurité sociale restent en revanche préoccupants. Trop de dépenses sociales, telles que le revenu minimum d'insertion, l'allocation de logement ou l'allocation aux adultes handicapés, poursuivent cette année leur dérive. Par ailleurs, le prélèvement nouveau qu'il faut se résoudre à instaurer pour apurer la dette passée de la sécurité sociale nous rapproche encore de la limite au-delà de laquelle les mécanismes de solidarité risquent de ne plus être tolérés.
Enfin, votre rapporteur s'est attaché à souligner l'importance d'une politique familiale efficace parce que globale. Il convient en effet de ne jamais perdre de vue qu'un renouvellement des générations est indispensable pour assurer l'équilibre tout entier du système de protection sociale et le dynamisme de la société.
CHAPITRE PREMIER LA CRISE FINANCIÈRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE APPELÉ UNE RÉPONSE ÉNERGIQUE
I. LE DÉFICIT DU RÉGIME GÉNÉRAL CONTINUE DE SE CREUSER
A. UNE DÉGRADATION MARQUÉE DEPUIS 1993
Depuis 1990, le solde des opérations courantes du régime général de sécurité sociale a été constamment négatif. Ce déficit de trésorerie, qui était de l'ordre de 15 milliards de francs chaque année, s'est brutalement amplifié en 1993 sous l'effet de la récession économique, pour dépasser les 55 milliards de francs.
En 1994 l'ensemble des branches du régime général est devenu déficitaire. Elles l'auraient d'ailleurs été dès 1993, si le produit du relèvement de 1,3 point de la CSG décidé en cours d'année n'avait pas été temporairement versé à la branche famille, avant d'être affecté l'année suivante au Fonds de solidarité vieillesse. Cette situation de déséquilibre simultané de toutes les branches du régime général est sans précédent depuis la création de la sécurité sociale en 1945.
En dépit d'un moindre déficit en 1994, les comptes du régime général ne se sont pas redressés depuis leur brutale détérioration de 1993. Les rentrées de cotisations sociales ont pourtant retrouvé un rythme de progression de + 1,8 % en 1994 et de + 4.6 % en 1995 mais les dépenses se sont accrues encore plus vite.
Évolution du solde du régime général et ventilation par branches
(en milliards de francs)
Source Commission des comptes de la sécurité sociale
(p) prévisions
B. LES PERSPECTIVES POUR 1996 NE LAISSENT PAS ESPÉRER D'AMÉLIORATION SPONTANÉ
Les prévisions tendancielles établies par la Commission des comptes de la sécurité sociale le 31 octobre dernier ne laissent pas espérer, en l'absence de mesures nouvelles, un rétablissement spontané de la situation financière du régime général en 1996 : malgré une progression des recettes de + 3,8 %, son déficit ne se réduirait que d'environ 5 milliards de francs, pour s'établir à - 60,4 milliards de francs.
Les comptes prévisionnels du régime général en 1996
(en millions de francs)
Cette prévision pour 1996 intègre les décisions récentes relatives à la fixation du taux directeur hospitalier à 2,1 % et le relèvement de 55 à 70 francs du forfait hospitalier, mais n'anticipe aucune des réformes annoncées par le Premier ministre le 15 novembre dernier.
II. LA SITUATION DE LA PLUPART DES AUTRES RÉGIMES EST ÉGALEMENT DÉGRADÉE
A. LES RÉGIMES SPÉCIAUX
1. La caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL)
La situation de la CNRACL reste critique, en dépit du relèvement de 3,5 points du taux de cotisation employeur intervenu au 1er janvier 1995.
Cette mesure, douloureuse pour les budgets des collectivités locales et des hôpitaux, a certes permis de réduire son besoin de financement de - 6,5 milliards de francs en 1994 à - 1,2 milliard de francs en 1995. Mais celui-ci devrait rester négatif de - 589 millions de francs en 1996 et, sauf a envisager de nouvelles mesures, la CNRACL sera conduite à financer les déficits des exercices 1995 et 1996 en prélevant une nouvelle fois sur ses réserves, qui se trouveraient réduite à 1 milliard de francs à la fin de 1996.
2. La progression des subventions budgétaires
La situation des autres régimes spéciaux est également inquiétante. Mais, à la différence de la CNRACL, ils sont par construction équilibrés par des subventions versées par l'État.
La dégradation de leur situation financière se traduit donc par une progression continue au cours des dernières années des subventions d'équilibre inscrites au budget général.
Concours de l'État au profit des principaux régimes spéciaux et au régime agricole
(en millions de francs)
Source Direction du budget
B. LES RÉGIMES DE RETRAITE COMPLÉMENTAIRE
1. L'AGIRC
Les partenaires sociaux ont signé le 9 février 1994 un accord visant à rétablir l'équilibre du régime de retraite complémentaire des cadres, à la fois par une diminution des prestations et par une augmentation des cotisations (hausse du pourcentage d'appel de 117 à 121 % et du taux minimum de cotisation de 8 à 12 %).
Les retombées de cet accord ont permis à l'AGIRC d'enregistrer un supplément de ressources, qui a cependant été effacé par une dégradation des résultats financiers due à la mauvaise tenue des marchés financiers.
En termes de résultats, le solde des opérations courantes passerait de 2,2 milliards de francs en 1994 à - 3,5 milliards de francs en 1995, puis à 4,9 milliards de francs en 1996.
2. L'ARRCO
Les partenaires sociaux ont signé le 1er janvier 1993 un accord prévoyant, comme pour l'AGIRC un relèvement des taux contractuels de cotisation.
Cet accord a permis au régime de retraite complémentaire des non-cadres de retrouver un solde positif de + 4,7 milliards de francs en 1994, après le résultat négatif de - 8,6 milliards de francs enregistré en 1993. Toutefois, le solde des opérations courantes de l'ARRCO redeviendrait négatif de - 2,2 milliards de francs dès 1995, pour atteindre - 2,5 milliards de francs en 1996.
C. LES RÉGIMES DES PROFESSIONS INDÉPENDANTES
1. L'augmentation du produit de la C3S
La cotisation sociale de solidarité des sociétés (C3S) a été instituée par une loi du 3 janvier 1970 au profit des régimes de sécurité sociale des professions indépendantes, c'est-à-dire principalement la CANAM l'ORGANIC et la CANCAVA. Au 1er janvier 1995, pratiquement aucun reliquat n'était disponible sur le compte d'emploi de la C3S géré par l'ORGANIC et les encaissements, à législation constante, devaient s'élever à 9,5 milliards de francs, ce qui était insuffisant pour faire face aux besoins de financement des régimes bénéficiaires.
La loi de finances rectificative pour 1995 du 4 août dernier a modifié simultanément le champ de recouvrement, l'assiette et le taux de cette contribution.
A compter de 1995, le taux de la C3S a été porté de 0,10 % à 0,13 %, le surcroît de ressources pour ce motif devant atteindre 2,7 milliards de francs. Les encaissements correspondants devraient être effectués en novembre 1995 et reversés aux régimes attributaires dans le courant du mois de décembre prochain. Les encaissements totaux de C3S réalisés durant l'année 1995 devraient ainsi se monter à 12,2 milliards de francs.
A compter de 1996, deux mesures entrent en vigueur :
- le relèvement du plancher de chiffre d'affaires entraînant la taxation à la C3S : ce plancher passe de 3 millions de francs en 1995 à 5 millions de francs en 1996. La perte de ressources correspondante est estimée à 300 millions de francs ;
- l'extension du champ des entreprises assujetties à cette contribution aux sociétés en nom collectif, aux GIE, aux groupements européens d'intérêt économique, aux établissements de crédit, entreprises d'assurances, de capitalisation et de réassurance et à la plupart des sociétés coopératives, du moins dans le secteur non agricole.
Le complément de ressources correspondant est estimé par le ministère des Finances à 2 milliards de francs. L'incertitude affectant cette estimation, particulièrement délicate, ne sera levée que lorsque les premiers encaissements réalisés à ce titre auront été effectués en juin 1996.
Au total, le rendement de cette contribution pourrait atteindre 14,2 milliards de francs en 1996.
2. Un rétablissement financier incomplet
L'accroissement du produit de la C3S ne devrait pas suffire à redresser la situation financière de tous les régimes de sécurité sociale auxquels elle est affectée.
Le solde des opérations courantes de la CANAM est ramené de 1,7 milliard de francs en 1994 à - 1 milliard de francs en 1995 (contre 2,5 milliards de francs à produit de la C3S inchangé). Pour 1996, il serait réduit à - 434 millions de francs.
Le redressement de l'ORGANIC est beaucoup moins marqué : après avoir enregistré un solde des opérations courantes négatif de - 1,8 milliard de francs en 1994, l'ORGANIC serait déficitaire à hauteur de - 1,6 milliard de francs en 1995 et -1,2 milliard de francs en 1996. Les recettes supplémentaires de C3S restent donc nettement insuffisantes pour équilibrer ce régime.
En revanche, la CANCAVA, dont le solde était positif de 75 millions de francs en 1994, devrait retrouver un excédent de + 193 millions de francs en 1996, après avoir enregistré un déficit de - 284 millions de francs en 1995. La CANCAVA devrait en effet bénéficier d'un surcroît de C3S de 350 millions de francs en 1995 et de 400 millions de francs en 1996.
CHAPITRE II UN BOULEVERSEMENT INSTITUTIONNEL PROFOND
I. LE RENFORCEMENT DU RÔLE DU PARLEMENT
A. L'AMÉLIORATION DE L'INFORMATION DU PARLEMENT
Au cours des deux dernières années, l'information du Parlement en matière de sécurité sociale a déjà connu une amélioration sensible, sans toutefois que ses compétences soient étendues dans ce domaine.
1. La consécration de la commission des comptes de la sécurité sociale
La commission des comptes de la sécurité sociale est l'institution chargée d'arrêter périodiquement un état global et officiel de la situation et des perspectives financières à court terme de l'ensemble des régimes de sécurité sociale.
Cette commission, à laquelle participent quatre députés et quatre sénateurs, dont votre rapporteur, est passée d'un statut réglementaire à un statut légal en vertu de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.
Un décret, actuellement en cours de signature, devrait bientôt être publié qui précisera que la réunion du printemps de la commission, consacrée aux comptes du régime général, se tiendra entre le 15 avril et le 31 mai de chaque année, tandis que celle d'automne, consacrée aux comptes de l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale, aura lieu entre le 15 octobre et le 30 novembre.
Votre rapporteur est satisfait de la régularité ainsi conférée aux réunions de la commission, dont il vous avait demandé de voter le principe lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité sociale.
2. Le premier rapport de la Cour des Comptes au Parlement sur la sécurité sociale
Au mois de septembre dernier, la Cour des Comptes a transmis au Parlement son premier rapport sur les organismes de sécurité sociale, en application de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1994 précitée. Votre rapporteur vous avait proposé, au nom de la commission des finances, cette extension fondamentale des missions de la Cour des Comptes, qui contribuera beaucoup à améliorer l'information du Parlement.
La Cour des Comptes a une très large compétence sur les organismes de sécurité sociale :
- pour les caisses nationales de sécurité sociale, qui sont des établissements publics administratifs, le contrôle de la Cour des Comptes s'exerce dans le cadre de droit commun de sa juridiction sur les comptables publics et de son pouvoir de vérification sur pièces et sur place de la régularité des recettes et des dépenses décrites dans les comptabilités publiques ;
- pour les organismes de sécurité sociale de droit privé assurant tout ou partie de la gestion d'un régime légalement obligatoire, sa compétence est précisée par l'article 7 de la loi du 22 juin 1967.
Il existe un dispositif de contrôle des organismes locaux de droit privé, qui fait appel à des comités départementaux spécifiques d'examen des comptes de la sécurité sociale (CODEC) présidés par les trésoriers-payeurs généraux. Le réseau des CODEC qui ne fonctionne pas très bien actuellement, devra être redynamisé et coordonné sous l'autorité de la Cour des Comptes.
Le rapport annuel de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale n'est pas exactement comparable à son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances. Pour ce dernier, la Cour peut s'appuyer sur la vérification de documents centralisés rapidement dans le cadre de l'organisation comptable propre à l'État. En revanche, l'émiettement du système de sécurité sociale entre plus d'un millier d'organismes dont les comptes sont trop hétérogènes pour pouvoir être consolidés interdit à la Cour de certifier les comptes de la sécurité sociale comme elle le fait pour les comptes de l'État.
Dans son premier rapport, la Cour s'est donc livré à une analyse critique de la gestion administrative et financière des organismes de sécurité sociale, faisant preuve à cette occasion d'une liberté plus grande que celle qui est autorisée à la commission des comptes de la sécurité sociale.
Votre rapporteur apprécie particulièrement l'esprit pratique dont a fait preuve la Cour des Comptes, qui a assorti chacune de ses observations d'une suggestion d'amélioration des règles en vigueur. Son rapport se présente ainsi comme un véritable guide pratique de la réforme en matière de sécurité sociale, et constitue une invite au législateur à intervenir.
3. Le débat annuel au Parlement
L'article 14 de la loi du 25 juillet 1995 relative à la sécurité sociale prévoit que "le Gouvernement présente chaque année au Parlement, lors de la première session ordinaire, un rapport relatif aux principes fondamentaux qui déterminent l'évolution des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. '
Votre rapporteur avait salué l'an dernier le progrès représenté par le débat organisé à l'occasion de la présentation de ce rapport, tout en regrettant sa brièveté et l'absence de vote final. En revanche, cette année, le débat sur la sécurité sociale a pris toute l'ampleur que l'on pouvait souhaiter.
Le Gouvernement, tout en engageant dès l'automne une vaste consultation des partenaires sociaux et en mobilisant les acteurs régionaux, a veillé à conserver au Parlement la primeur de la présentation de son plan de réforme de la protection sociale. La déclaration faite à ce sujet par le Premier ministre le 15 novembre dernier devant l'Assemblée nationale a été répétée le lendemain devant le Sénat.
Suite à cette déclaration, le Premier ministre a engagé la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale et demande l'approbation du Sénat, sur la base de l'article 49 de la Constitution. Dans les deux assemblées, la majorité parlementaire lui a apporté un soutien massif.
Votre rapporteur se félicite que l'équilibre financier de notre système de protection sociale soit enfin reconnu comme une question d'importance majeure, même s'il doit regretter que cette prise de conscience se fasse sous la pression de déficits sans précédents. Mais le Parlement sera désormais amené à se prononcer chaque année sur cette question, grâce à l'extension fondamentale qui sera bientôt apportée à son champ de compétence.
B. LE PARLEMENT EST ENFIN PLACE AU SOMMET DU DISPOSITIF DE SÉCURITÉ SOCIALE
1. Un partage de compétences jusqu'à présent défavorable au Parlement
Le partage des compétences entre les gestionnaires des caisses de sécurité sociale, le Gouvernement et le Parlement a cantonné ce dernier dans un rôle secondaire en matière de finances sociales. Appelé à déterminer les principes légaux régissant les régimes sociaux en vertu de l'article 34 de la Constitution, le Parlement voit lui échapper l'essentiel des paramètres financiers de leur équilibre (taux de cotisations et montant des prestations).
Certes, le Parlement est périodiquement appelé à se prononcer sur des plans de redressement, qui sont pour lui autant d'occasions de se pencher sur les comptes sociaux. Mais les situations d'urgence auxquelles ces plans entendent répondre ne lui laissent qu'une faible marge d'appréciation. En fait, il manquait jusqu'à présent un mécanisme solennel de vérification périodique par le Parlement de l'adéquation entre l'évolution de la sécurité sociale et son environnement.
2. Une demande constante de votre rapporteur
En 1987, les deux chambres avaient cherché à remédier à cette situation peu satisfaisante en adoptant, à l'initiative de M. Michel d'Ornano, une loi organique relative au contrôle du Parlement sur les finances des organismes de protection sociale. Mais le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 87-234 du 7 janvier 1987, l'a invalidée, considérant qu'elle ne paraît pas s'inscrire dans le cadre de l'article 34 de la Constitution.
En 1992, tirant les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, votre rapporteur avait déposé une proposition de loi constitutionnelle tendant à réaffirmer les principes démocratiques devant présider au contrôle de l'effort social de la Nation (n° 190, première session extraordinaire de 1992-1993), qui prévoyait d'organiser chaque année un débat parlementaire sur les recettes et les dépenses des organismes concourant à l'effort social de la Nation.
En 1993, le comité consultatif pour la révision de la Constitution mis en place par le Président de la République et présidé par le doyen Georges Vedel avait à son tour préconisé, parmi bien d'autres propositions de réformes constitutionnelles, d'institutionnaliser un débat annuel au Parlement sur les comptes prévisionnels des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Enfin, votre rapporteur a redéposé au début de cette année une proposition de loi constitutionnelle tendant à renforcer le contrôle du Parlement sur les comptes des régimes obligatoires de sécurité sociale, ainsi que sur les concours de l'État à leur financement (n° 367 troisième session extraordinaire de 1994-1995).
En effet, avec la création de la CSG puis la mise en place du Fonds de solidarité vieillesse, il était devenu de moins en moins concevable de continuer à tenir à l'écart le Parlement du financement de la sécurité sociale.
3. La révision prochaine de la Constitution
Élément fondamental du plan de réforme de la protection sociale, une révision de la Constitution interviendra au début de l'année prochaine pour permettre au Parlement, sur proposition du Gouvernement, de se prononcer sur :
- les orientations générales et les objectifs des politiques de protection sociale ;
- les ressources de la sécurité sociale financées par l'impôt ;
- le taux d'évolution de l'ensemble des dépenses permettant de garantir l'équilibre du système ;
- le critère de répartition des enveloppes de dépenses ainsi arrêtées.
Comme l'a très justement déclaré le Premier ministre, cette révision constitutionnelle "sera l'acte fondateur qui donnera, cinquante ans après, une nouvelle légitimité à notre protection sociale". Elle permettra de bâtir l'architecture des responsabilités qui faisait jusque là défaut au système de sécurité sociale, en plaçant le Parlement à son sommet.
C. LE RECOURS AUX ORDONNANCES EST JUSTIFIÉ PAR L'URGENCE
Il peut sembler paradoxal de la part du Gouvernement, dans le même temps qu'il propose au Parlement de renforcer son rôle en matière de sécurité sociale, de lui demander l'autorisation de mettre en oeuvre une partie des réformes annoncées par voie d'ordonnances.
Votre rapporteur estime toutefois que l'urgence et la technicité des mesures concernées justifient amplement le recours à cette procédure extraordinaire. Les modalités envisagées par le Gouvernement présentent d'ailleurs toutes les garanties nécessaires pour limiter le dessaisissement du Parlement à ce qui est strictement nécessaire.
1. Un champ bien circonscrit
Le projet de loi d'habilitation, qui a été examiné en conseil des ministres le 29 novembre dernier, devrait porter sur les cinq points suivants :
- la création d'une caisse d'amortissement de la dette sociale et de la contribution destinée à l'alimenter ;
- les mesures immédiates de rééquilibrage financier des différentes branches vieillesse et famille ;
- la réforme de l'organisation des caisses de sécurité sociale
- la réforme hospitalière ;
- le renforcement de la politique de maîtrise médicalisée des dépenses.
2. Une ratification rapide
La loi d'habilitation devant être adoptée dès la mi-décembre, les premières ordonnances pourrait être prises avant la fin de cette année et au plus tard dans un délai de quatre mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
Le Premier ministre s'est engagé à informer et consulter les commissions compétentes du Parlement pendant la mise au point des ordonnances et à présenter le projet de loi de ratification avant le 31 mai 1996.
II LA RÉFORME DE L'ORGANISATION DES CAISSES DE SÉCURITÉ SOCIALE
A. UN STRICT PARITARISME INADAPTÉ
Il y a trois ans, votre rapporteur préconisait, dans son rapport d'information sur les aspects financiers de la protection sociale, un aménagement de la composition et des modalités de désignation des membres des conseils d'administration des organismes sociaux. Son analyse était la suivante :
"En 1945, la gestion des organismes sociaux fut confiée aux organisations syndicales, représentatives des salariés, et aux employeurs réunis au sein des conseils d'administration.
Ce mode d'organisation était à l'époque parfaitement justifié en raison :
- de la nature même du système de sécurité sociale mis en oeuvre, à savoir la création d'assurances professionnelles dont le financement était assuré par des cotisations assises sur le revenu du travail,
- de la vaste audience recueillie au sein du monde du travail et de la société dans son ensemble, par les organisations syndicales représentatives de salariés.
Depuis lors, notre système de protection sociale a connu un élargissement continu de son champ d'application, tant en ce qui concerne les risques couverts que les populations protégées. Cette évolution a progressivement remis en cause la nature strictement professionnelle de la solidarité ainsi mise en oeuvre.
A cet égard, l'exemple le plus caractéristique est fourni par la branche famille du régime général dont les allocations sont susceptibles, depuis 1978, d'être versées à toute personne résidant sur le territoire national.
Les assurés ne sont donc plus seulement des travailleurs. La procédure de représentation par les seules organisations syndicales constitue, de ce fait, une modalité en partie dépassée.
De même, l'évolution générale de notre société a considérablement réduit l'audience et la représentativité des principales organisations syndicales qui, si elles demeurent très attachées à leur présence au sein des conseils d'administration, n'assurent plus de véritables responsabilités en ce qui concerne la gestion des organismes sociaux (...).
Le monopole actuel des organisations syndicales au sein des conseils d'administration des organismes sociaux, et plus particulièrement du régime général, devra inéluctablement, à terme, être adapté et modifié. "
Cette analyse est toujours d'actualité aujourd'hui, même si votre rapporteur veut bien donner acte aux gestionnaires des caisses de leur changement d'état d'esprit récent, plus responsable et plus soucieux des équilibres financiers.
B. L'ÉLARGISSEMENT DES CONSEILS D'ADMINISTRATION
Le Gouvernement entend réformer l'organisation des caisses de sécurité sociale pour la rendre plus opérationnelle.
Au niveau national, la composition des conseils d'administration sera élargie. Des représentants des assurés, des entreprises et de l'État pourraient y faire leur entrée.
Les représentants des organisations professionnelles, qui continueront bien sûr d'y siéger, seront directement nommés par les instances syndicales. Leur désignation par voie d'élections, reportées d'année en année, était en effet devenue une fiction.
Ces conseils d'administration élargis seront doublés de conseils de surveillance composés notamment de parlementaires et de personnalités qualifiées (représentants des professions de santé, des associations familiales, des associations de retraités...).
Au niveau local, les conseils d'administrations des caisses seront également élargis. Par ailleurs, les directeurs des caisses locales ne seront plus désignés par le président de leur caisse nationale de tutelle, mais par le directeur de celle-ci.
Enfin, le réseau des caisses locales du régime général sera rationalisé, avec l'objectif de parvenir à un seul organisme par département et par branche, sans que pour autant le nombre des services de proximité soit diminué. Il existe aujourd'hui 129 caisses primaires d'assurance maladie, 125 caisses d'allocations familiales et 105 URSSAF (la branche vieillesse s'appuie sur les 17 caisses régionales d'assurance maladie, qui prennent en charge le service des pensions de retraite).
CHAPITRE III LES MESURES FINANCIÈRES DE PORTÉE GÉNÉRALE
I. UN PRÉALABLE : LA REPRISE DE LA DETTE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
A. LA SPIRALE DE LA DETTE
1. Les avances de l'État au régime général
Jusqu'en juin 1992, le régime général a pu faire face à ses besoins de trésorerie, en recourant aux avances de la Caisse des dépôts et consignations plafonnées à 11,7 milliards de francs. Ces avances se sont révélées insuffisantes à compter du second semestre 1992. Pour assurer la continuité des paiements, l'ACOSS a dû faire appel aux avances du Trésor qui ont été permanentes jusqu'à la fin de l'année.
En 1993, la trésorerie du régime général a été obérée par deux phénomènes cumulatifs : le report des déficits des années antérieures et le déséquilibre financier de l'année 1993, que le plan de redressement du mois de juin a permis de stabiliser mais non de réduire. Le Trésor a donc dû, à nouveau, assurer le financement de la trésorerie de l'ACOSS. Au cours du mois d'octobre, les concours du Trésor ont atteint 90 milliards de francs.
Après la reprise de dette intervenue à la fin de l'année 1993, les difficultés de trésorerie sont réapparues en 1994, nécessitant la conclusion d'un nouveau protocole entre l'ACOSS et la Caisse des dépôts. Ce protocole a relevé le plafond des avances de la CDC DE 11,7 milliards de francs à 15 milliards de francs et ouvre la possibilité d'avances supplémentaires dans la limite de 5 milliards de francs. Cette nouvelle marge de manoeuvre a été aussitôt utilisée en totalité. A nouveau, le Trésor a dû participer, de façon quasi continue, à l'équilibre de la trésorerie du régime général au cours du dernier trimestre 1994. Cette situation s'est prolongée en 1995.
Trésorerie quotidienne de l'ACOSS en 1995
(en millions de francs)
2. Un financement à crédit qui pèse sur les comptes
En quatre ans le régime général aura ainsi accumulé une dette de 230 milliards de francs, soit près de 4.000 francs par Français. Cet endettement de la sécurité sociale est incompatible avec la logique d'un système de solidarité fonctionnant par répartition et aboutirait, s'il se prolongeait, à reporter sur les générations futures la charge de son financement.
Par ailleurs, le poids de la dette cumulée entraîne des charges d'intérêt importantes pour le régime général (4,5 milliards de francs en 1995, 8,2 milliards de francs en 1996) qui absorbent les marges dégagées par les mesures de redressement déjà adoptées. Si rien n'était fait, la dette du régime général s'accroîtrait encore de 60 milliards de francs en 1996.
B. LE CANTONNEMENT DE LA DETTE
1. La création d'une caisse d'amortissement de la dette sociale
Le Gouvernement a décidé la création d'une caisse d'amortissement de la dette sociale, sous la forme d'un établissement public national à caractère administratif, qui prendra à sa charge :
- le capital et les intérêts de la dette cumulée du régime général depuis 1992, soient 230 milliards de francs ;
- le déficit résiduel du régime général en 1996, après les premiers effets du plan de réforme, soit 17 milliards de francs ;
- le déficit prévisionnel de la Caisse autonomie d'assurance maladie (CANAM), soit 3 milliards de francs.
Pour rembourser ce total de 250 milliards de francs, la caisse d'amortissement de la dette sociale disposera des ressources suivantes :
- le produit des cessions du patrimoine immobilier locatif des caisses nationales de sécurité sociale, estimé à 6,5 milliards de francs par le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale ;
- le remboursement par les pays étrangers de leurs dettes d'assurance maladie envers la France, estimé à 4,5 milliards de francs pour les seuls pays membres de l'Union européenne ;
- le produit d'une contribution exceptionnelle au remboursement de la dette sociale qui lui sera affecté.
Cette contribution sera assise sur tous les revenus à l'exception des minima sociaux, des pensions militaires d'invalidité, des rentes d'accidents du travail et des revenus des livrets d'épargne exonérés (livret A et assimilés). Son taux sera fixé à 0,5 %, ce qui devrait lui donner un rendement de 25 milliards de francs par an, suffisant pour permettre un amortissement de la dette sociale sur treize ans.
2. Les conséquences pour le Fonds de solidarité vieillesse
Le Fonds de solidarité vieillesse sera donc déchargé de l'obligation de contribuer au remboursement de la dette annulée du régime général sur la période 1992-1993 qui a été reprise par l'État à la fin de 1993.
Les dépenses du fonds s'en trouveront sensiblement allégées : normalement, les versements du FSV au budget de l'État à ce titre devraient se Prolonger jusqu'en 2008, à raison de 12,5 milliards de francs par an à compter de 1996 (les deux versements de 1994 et 1995, représentatifs des seuls intérêts, ne s'élèvent chacun qu'à 6,8 milliards de francs).
Il convient de remarquer que cet échéancier des versements du FSV, figurant dans l'exposé des motifs de l'article 105 de la loi de finances pour 1994 qui a autorisé le transfert de la dette de l'ACOSS à l'État, n'a pas de valeur juridique. Dans sa décision du 29 décembre 1993, le Conseil constitutionnel a considéré que cette opération de transfert ne pouvait pas s'analyser comme un prêt consenti au FSV et qu'aucun lien juridique n'était établi entre le règlement par l'État de la dette de l'ACOSS et le prélèvement mis à la charge du fonds. En droit, la seule obligation du FSV est celle qui figure chaque année en loi de finances initiale, à l'état annexe À "Voies et moyens" (ligne 816 du budget général).
Le FSV pourra ainsi être recentré sur sa véritable mission, qui est le financement des prestations de solidarité servies aux personnes âgées. A l'issue d'un arbitrage difficile, le Gouvernement a choisi d'affecter prioritairement la marge financière de 11 milliards de francs ainsi dégagée à la prise en charge de dépenses de retraite non contributives supplémentaires, de préférence à la prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes.
En effet, dans le projet de loi que le Sénat a commencé d'examiner, le FSV devait prendre en charge le coût supplémentaire de cette prestation d'autonomie par rapport aux dépenses d'aide sociale que les départements consacrent déjà aujourd'hui aux personnes âgées dépendantes.
La mise en place de la prestation d'autonomie se trouve donc reportée au 1er janvier 1997, date à laquelle de nouvelles ressources auront été dégagées pour permettre au FSV de la financer. Votre rapporteur se réjouit de l'instauration prochaine de cette nouvelle prestation sociale dont il a rapporté pour avis, au nom de la commission des finances, les aspects financiers (1 ( * )) . Attribuée en nature, gérée par les départements et recouvrable sur succession, la prestation d'autonomie ne devrait pas se prêter aux mêmes dérives que l'allocation compensatrice pour tierce personne à laquelle elle est appelée à se substituer.
II. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
A. L'INÉGALE RÉPARTITION ACTUELLE DU FINANCEMENT
1. Un financement qui pèse essentiellement sur les revenus du travail
En dépit du relâchement du lien entre les droits à la protection sociale et l'affiliation professionnelle ou l'effort contributif, le financement de la sécurité sociale est resté assis pour l'essentiel sur les revenus professionnels sous forme de cotisations. Les ressources de la Sécurité sociale se sont certes diversifiées depuis quelques années, avec la création de la CSG et l'accroissement des concours budgétaires, mais les cotisations constituent encore 86 % des recettes du régime général et 75 % des recettes de l'ensemble des régimes de sécurité sociale.
La France se singularise d'ailleurs en Europe par l'importance de la part des cotisations sociales dans le total de ses prélèvements obligatoires.
Structure des prélèvements obligatoires en Europe, en % du PIB (1992)
Source : Commission Européenne
Ce mode de financement pèse directement sur le coût du travail. Certes, les coûts salariaux unitaires globaux de la France sont restés comparables à ceux de ses principaux partenaires. Mais le poids relatif des charges sociales y est nettement plus élevé pour les bas salaires : le taux de cotisation au niveau du SMIC, tous régimes confondus (régime général, retraites complémentaires, UNEDIC) s'est élevé de 57,8 % en 1980 à 61,4 % en 1992. Or, c'est précisément sur ce segment du marché du travail que le taux de chômage est le plus important.
2. Un financement qui pèse assez peu sur les revenus du capital ou de transfert
La part des revenus du travail salarié et non salarié dans les revenus des ménages, qui s'élevait à 77,9 % en 1980 ne représentait plus en 1994 que 72,5 %. Alors que les revenus de transfert et de l'épargne occupent dans notre société une place croissante, leur régime fiscal et social demeure très diversifié.
Régime fiscal et social des revenus du capital ou de remplacement
Instituée pour diversifier le financement de la sécurité sociale, la CSG a été conçue comme une imposition sur l'ensemble des revenus à assiette large et à taux modéré. Cependant, du fait des exonérations spécifiques dont bénéficient certains titulaires de revenus de remplacement et du fait des règles fiscales applicables aux revenus du patrimoine et aux produits de placement, la CSG pèse encore principalement sur les revenus d'activité.
B. LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT
1. Les allégements de cotisations sociales
Le Gouvernement a donné une nouvelle dimension à la politique d'exonérations de cotisations sociales destinées à alléger le coût du travail, notamment pour les bas salaires et les chômeurs de longue durée.
La loi du 4 août 1995 relative aux mesures d'urgence en faveur de l'emploi a institué une ristourne dégressive (800 francs au niveau du SMIC) pour les rémunérations inférieures à 1.2 SMIC. Compte tenu de l'exonération totale des cotisations patronales familiales au niveau du SMIC, l'allégement total des charges s'élève à 12,6 % du coût du travail (1.137 francs par mois). Dans un souci de simplification, cette ristourne sera fusionnée, à compter du 1er juillet 1996, avec l'exonération de cotisations d'allocation familiale. La ristourne unique dégressive sera de 1.137 francs par mois au niveau du SMIC et concernera les salaires inférieurs à 1,34 SMIC.
Par ailleurs, la loi précitée a institué le contrat initiative emploi, qui prévoit notamment pour les chômeurs de longue durée l'exonération totale des charges patronales de sécurité sociale sur la partie du salaire ne dépassant pas le SMIC : cette mesure, assortie d'une prime mensuelle de 2.000 francs, permet de réduire le coût du travail de plus de 40 % pour un emploi rémunéré au SMIC. Un objectif de 350.000 embauches par an est fixé, à comparer aux 160.000 contrats de retour à l'emploi prévus en 1995.
Au total, les exonérations de cotisations liées aux mesures destinées à favoriser l'emploi, qu'elles soient ou non compensées par l'État, devraient s'élever en 1995 à 45,8 milliards de francs contre près de 31,8 milliards en 1994. Le montant des compensations par le budget de l'État serait respectivement de 30,8 milliards de francs en 1995 et de 40,8 milliards de francs en 1996, contre 18,9 milliards en 1994. De 1994 à 1996, selon les prévisions, ce seront près de 134 milliards de francs d'exonérations de cotisations de sécurité sociale qui auront été consacrées à l'amélioration de l'emploi, dont 90,5 milliards de francs pris en charge par l'État.
Évolution des exonérations de cotisations sociales
2. Le renforcement de la CSG
Le récent rapport du Conseil des impôts consacré à la CSG a bien montré que celle-ci est globalement préférable, en termes de neutralité économique et d'équité, aux cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu.
Son assiette devrait donc être élargie à la majeure partie des revenus de transferts et des revenus de capitaux qui en sont exclus aujourd'hui. L'assiette définie pour la nouvelle contribution de remboursement de la dette sociale préfigure d'ailleurs ce que pourrait être à terme celle de la CSG.
Le Gouvernement entend également, dans le cadre de la vaste réforme des prélèvements fiscaux et sociaux qui sera lancée l'an prochain, transférer une fraction conséquente des cotisations de sécurité sociale vers la CSG.
3. La mise en place d'un nouveau mécanisme d'épargne retraite
Les mesures décidées par le Gouvernement permettront de rétablir l'équilibre financier des régimes d'assurance vieillesse fonctionnant par répartition, qui doivent rester le socle du système des retraites. Mais, au-delà des régimes de base et des régimes complémentaires, il convient de favoriser les mécanismes de retraite fonctionnant par capitalisation, qui sont complémentaires des premiers.
Un nouveau mécanisme fiscal d'encouragement à l'épargne retraite, plus large que ceux existant actuellement, sera donc proposé dans le cadre de la réforme des prélèvements fiscaux et sociaux.
4. L'institution d'un prélèvement sur les primes d'assurance de groupe
Le Gouvernement entend compenser, au moins partiellement, certaines inégalités de traitement en matière de protection sociale complémentaire.
Les versements des entreprises au profit de leurs salariés, réalisés dans le cadre de contrats supplémentaires de prévoyance et maladie résultant d'accords collectifs, bénéficient d'une exonération totale de cotisations sociales, dans la limite de 85 % du plafond de sécurité sociale.
Cette exonération de prélèvements sociaux crée une inégalité de traitement entre les salariés des entreprises qui souscrivent des contrats collectifs et les salariés ou non salariés qui ne peuvent souscrire qu'à des compléments de couverture sociale facultatifs, sans part patronale, et donc assujettis à prélèvements fiscaux et sociaux.
Afin de remédier à cette situation, le Gouvernement propose d'instituer un prélèvement de 6 % à la charge des entreprises, assis sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire.
Les primes versées annuellement au titre de ces contrats sont estimées à environ 52 milliards de francs, dont 25 milliards de francs pour l'assurance maladie complémentaire et 27 milliards de francs pour l'assurance complémentaire prévoyance. La part des primes à la charge des entreprises est estimée à environ 80 % de ces montants.
Le produit de ce prélèvement, qui sera affecté au Fonds de solidarité vieillesse, peut donc être évalué à 2,5 milliards de francs pour 1996.
CHAPITRE IV LES RETRAITES
I. LES PERSPECTIVES A MOYEN TERME DE LA BRANCHE VIEILLESSE
A. LE NIVEAU MOYEN DES RETRAITES EST SATISFAISANT
La montée en charge des régimes de retraite de base et complémentaires s'est accompagnée d'une très nette amélioration du niveau des pensions de vieillesse.
Cette amélioration s'est traduite par une forte diminution du nombre des bénéficiaires du minimum vieillesse, qui ne représentaient plus en 1992 que 11,8 % des personnes âgées de plus de 65 ans, contre 21 % en 1983. Cette évolution est d'autant plus remarquable que le minimum vieillesse a été fortement revalorisé depuis le début des années 1970, plus rapidement que les pensions du régime général.
Les niveaux moyens des pensions et des salaires sont devenus comparables. En 1993, pour l'ensemble des retraités du régime général, la retraite moyenne représentait environ 80 % du salaire moyen net (mais 70 % seulement du salaire moyen net en fin de carrière, les rémunérations de fin de carrière étant généralement plus élevées).
Les pensions de vieillesse atteignaient en 1993 un montant moyen de 7.600 francs par mois pour les salariés (public et privé) et de 5.094 francs tous régimes confondus.
Au-delà des seules pensions, il existe aujourd'hui une parité des niveaux de vie moyens entre les retraités et les actifs, si l'on prend en compte tous les facteurs de nature à améliorer les ressources disponibles des premiers : des revenus du patrimoine plus importants, la fin de l'endettement ayant pesé sur la vie active (notamment pour l'accès au logement), le non-paiement d'un loyer lié à la possession fréquente de la résidence principale, l'absence de charges familiales.
B. LES EFFETS DE LA RÉFORME DE 1993
La loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de vieillesse et à la sauvegarde de la protection sociale a modifié les principaux paramètres de calcul des retraites du régime général et des régimes alignés :
Montant moyen de la pension de droits directs en 1993
(en francs)
Ø augmentation progressive de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein, de 150 à 160 trimestres ;
Ø passage progressif au calcul des pensions sur la base des 25 meilleures années de la carrière professionnelle ;
Ø revalorisation des pensions en fonction de l'évolution de l'indice des prix hors tabac.
Par ailleurs, la création du Fonds de solidarité vieillesse par la loi précitée a permis de décharger les régimes concernés de leurs dépenses de pensions non contributives.
Le récent rapport du groupe de travail du Plan présidé par M. Raoul Briet sur les perspectives à long terme des retraites a analysé les effets prévisibles de cette réforme des retraites.
Le tableau ci-dessous compare l'équilibre de la branche vieillesse du régime général avant et après la réforme sur la période 1993-2015 sans tenir compte toutefois de l'indexation sur les prix, qui était dans les faits en vigueur depuis 1987 bien qu'elle n'ait été inscrite dans la loi qu'en 1993.
Les besoins de financement du régime général avant et après réforme
(en milliards de francs 1993)
Source : Groupe de travail "Perspectives à long terme des retraites" - CCP, octobre 1995
Globalement, la réforme du régime général décidée en 1993 (hors indexation sur les prix) permet de couvrir 70 % à 80 % du besoin de financement prévisionnel à l'horizon 2005 : celui-ci ne serait plus que de 0,9 point de cotisations vieillesse, contre plus de 3 points avant réforme.
En revanche, à l'horizon 2015. la dégradation du rapport démographique est telle que la réforme ne suffirait pas à enrayer la croissance du déficit, qui s'établirait alors à plus de 4 points de cotisations vieillesse, contre près de 8 points avant réforme.
En effet, le rapport démographique du régime général devrait varier de 1,75 en 1995 à 1,22 en 2015 soit une diminution de 30 % en vingt ans La baisse de ce ratio tient évidemment à une progression beaucoup plus rapide des retraites (+ 70 %) que des cotisants (+ 20 %).
C. LES DÉSÉQUILIBRES INQUIÉTANTS DES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE
Les perspectives financières des régimes spéciaux de retraite sont tout à fait préoccupantes.
La dégradation du rapport démographique est en effet beaucoup plus prononcée dans ces régimes que dans le régime général, notamment pour les deux principaux d'entre eux celui des fonctionnaires de l'État et celui ces agents des collectivités locales et des hôpitaux (CNRACL).
Cette détérioration résulte pour le régime des fonctionnaires de la structure actuelle de la pyramide des âges des cotisants, qui reflète la politique d'embauché de la fonction publique des années 1960 à nos jours : forte augmentation des effectifs à compter des années 1960, puis stabilisation depuis 10 ans.
Dans le cas du régime des collectivités locales, la baisse importante du rapport démographique est imputable à la montée en charge de ce régime encore jeune. En outre, ses ressortissants sont majoritairement de sexe féminin (63 % des retraités de droits directs sont de sexe féminin en 1994, 74 % en 2015) et ont donc une espérance de vie plus élevée que la moyenne. Le rapport démographique est divisé par presque 3 d'ici 2015.
Source Groupe de travail Perspectives à long terme des retraites (Gp octobre 1995
II LES RÉFORMES DÉCIDÉES PAR LE GOUVERNEMENT
A. LES MESURES STRUCTURELLES
1. L'adaptation des régimes spéciaux
Alors que les perspectives démographiques des régimes de retraite spéciaux sont très préoccupantes, leurs règles de fonctionnement différentes de celles du régime général tendent à aggraver leur déséquilibre financier. Les régimes spéciaux se distinguent notamment du régime général sur les points suivants :
Ø l'assiette des cotisations : elle correspond au salaire et à l'ensemble des rémunérations annexes pour le régime général, alors que seul le traitement hors indemnités est pris en compte pour les fonctionnaires de l'État et les régimes spéciaux publics ;
Ø la durée de cotisation pour une retraite à taux plein : cette durée reste de 150 trimestres (37,5 années) dans les régimes spéciaux, alors qu'elle va être portée progressivement à 160 trimestres (40 ans) dans le régime général ; l'âge de l'ouverture des droits à pension : certains régimes spéciaux autorisent un départ en retraite à 55 ans, voire 50 ans, alors que l'âge de droit commun est de 60 ans dans le régime général, sous réserve des mécanismes de préretraite ;
Ø les conditions de versement des pensions de réversion : le taux de la réversion a été porté à 54 % dans le régime général alors qu'il est resté à 50 % dans les régimes spéciaux des salariés du secteur public, mais ces derniers n'imposent aucune condition d'âge pour le conjoint bénéficiaire (55 ans au minimum dans le régime général) ni aucune restriction au cumul avec les ressources personnelles (plafond équivalent au SMIC dans le régime général).
Une réforme des régimes spéciaux de retraite apparaît aujourd'hui nécessaire pour assurer leur pérennité. Le Gouvernement a donc installé une commission ad hoc, présidée par M. Dominique Le Vert, Conseiller d'État, qui aura pour mission dans un délai de quatre mois :
- de préciser les modalités de création d'une caisse autonome des fonctionnaires, afin que soit isolé du budget de la Nation l'effort de l'État et des fonctionnaires en matière de retraite ;
- de définir les mesures nécessaires à assurer l'équilibre de ces régimes et notamment les conditions dans lesquelles devrait être portée, le cas échéant, de 37,5 ans à 40 ans la durée nécessaire pour l'obtention d'une retraite à taux plein.
2. L'extension des attributions du Fonds de solidarité vieillesse
La loi du 22 juillet 1993 a confié au Fonds de solidarité vieillesse la mission de prendre en charge, à titre permanent, les prestations de retraite à caractère non contributif et relevant de la solidarité nationale.
Il s'agit notamment des allocations constitutives du minimum vieillesse, et des frais qui y sont attachés (18,1 milliards de francs en 1994), des transferts au titre des majorations pour charges de familles accordées par le régime général et les régimes alignés (14,7 milliards de francs) et de la validation des périodes de chômage ou de service militaire n'ayant pas donné lieu à perception de cotisations (19,4 milliards de francs). Au total, la masse des transferts ainsi prévus atteint 53,9 milliards de francs en 1994.
La reprise de l'ensemble de la dette cumulée de la sécurité sociale par une caisse d'amortissement spécifique permettra de libérer le FSV des sommes qu'il doit, à titre exceptionnel, verser au budget de l'État pour permettre à celui-ci de rembourser le capital et les intérêts correspondant à la dette du régime général de 110 milliards de francs déjà reprise à la fin de 1993.
Le Gouvernement a décidé d'utiliser la marge de financement ainsi dégagée pour renforcer les transferts de dépenses non contributives des régimes de retraite vers le FSV.
En effet, les contributions versées par le Fonds de solidarité vieillesse au titre de la validation des périodes de chômage sont calculées sur des bases forfaitaires : le salaire de référence pris en compte pour en déterminer le montant est égal à 60 % du salaire minimum de croissance (SMIC).
Dès 1996 le salaire de référence pour le calcul des sommes prises en charge par le FSV sera porté à 90 % du SMIC. Ainsi, le FSV sera recentré sur sa mission principale, et le partage entre les dépenses de retraite contributives et non contributives se trouvera amélioré.
L'économie afférente pour la branche vieillesse est estimée à 11 milliards de francs par an.
B. LES MESURES D'ÉCONOMIES
1. L'harmonisation des règles de calcul des durées d'activité
Les différences de modalités de calcul des pensions du régime général et des régimes alignés (artisans, commerçants, salariés agricoles) conduisent à ce que la retraite de base d'un salarié bénéficiant d'une retraite à taux plein est différente selon qu'il a accompli sa carrière en étant affilié à un seul régime d'assurance vieillesse ou à plusieurs régimes.
En effet, la durée d'assurance au régime général prise en compte pour le calcul de la pension est limitée à 150 trimestres. La limite de 150 trimestres s'apprécie pour chacun des régimes, sans liaison entre eux, ce qui permet aux titulaires de plusieurs pensions de pouvoir bénéficier d'une pension calculée sur une période en fait supérieure à 150 trimestres.
Pour des raisons d'équité, les droits à pension des titulaires de plusieurs pensions seront alignés sur ceux des titulaires d'une seule Pension grâce à la mise en place de mécanismes d'échanges d'informations entre les régimes.
Cette nouvelle règle ne s'appliquera qu'aux seules pensions liquidées à compter de 1996 : son effet sera donc progressif. L'économie attendue de cette mesure est estimée à 200 millions de francs en 1996 et à 500 millions de francs en 1997 pour la branche vieillesse.
2. L'indexation des retraites sur les prix
Les pensions de retraite ont bénéficié au 1er juillet 1995 d'une revalorisation de 0,5 %. Sans préjudice de cette revalorisation exceptionnelle, les pensions du régime général ne seront revalorisées au 1er janvier 1996 qu'à hauteur de l'indice prévisionnel des prix, soit 2,1 %.
L'économie attendue de cette mesure est estimée à 500 millions de francs en 1996 et 300 millions de francs en 1997.
Tableau récapitulatif des mesures d'effet immédiat sur la branche vieillesse
CHAPITRE V LA FAMILLE
I. LES PERSPECTIVES DE LA BRANCHE FAMILLE
A. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE
1. Des moyens considérables à préserver
Les moyens consacrés à la politique en faveur des familles sont considérables. Ainsi, selon les comptes de la protection sociale, la politique familiale mobilise environ 300 milliards de francs en 1994, soit 4,1 % de la richesse nationale, la France se situant au troisième ou au quatrième rang en Europe. Les familles allocataires sont plus de 5,8 millions (en 1993) et le nombre d'enfants bénéficiaires de la politique familiale dépasse 12,2 millions (en 1993). En outre, les instruments de la politique familiale sont riches et variés. Les prestations familiales sont plus nombreuses et d'une étendue plus vaste qu'ailleurs en Europe.
Les prestations familiales en Europe (1990)
Le volume des prestations versées par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a atteint 226 milliards de francs en 1994. S'y ajoutent des aides fiscales à hauteur de 100 milliards de francs environ, dont 68 milliards de francs au titre du seul quotient familial, ainsi que des aides Personnelles au logement.
Les branches maladie et vieillesse de la sécurité sociale prennent également en compte la dimension familiale. Ainsi, la seule cotisation maladie d'un actif sert à couvrir tous les membres de sa famille, quel que soit leur nombre. En vieillesse, parmi d'autres éléments, les pensions sont majorées en fonction du nombre d'enfants.
Il n'en reste pas moins que la part des dépenses de prestations familiales dans la richesse nationale tend à diminuer sur longue période, passant de 3,9 % du PIB en 1972 à 2 % du PIB en 1994.
Par ailleurs, les excédents de la branche famille ont trop longtemps servis à combler les déficits des autres branches du régime général. Mais en 1994 la branche famille du régime général est devenue à son tour déficitaire, à hauteur de - 10,5 milliards de francs. Son déficit devrait atteindre - 13,3 milliards de francs en 1995, et serait encore de -11,6 milliards de francs, si rien n'était fait.
Cette situation nouvelle impose une réflexion sur les moyens et les objectifs de la politique familiale.
2. Une situation démographique inquiétante
Votre rapporteur estime qu'une véritable politique familiale, sans être pour autant "nataliste", ne peut être jugée qu'à l'aune de la situation démographique de la France. Or. force est de constater que celle-ci s'est récemment dégradée.
Le remplacement des générations n'est plus assuré depuis plus de vingt ans. Le taux de fécondité a baissé en France à partir de 1965, comme dans beaucoup de pays européens. Passé en dessous du seuil de remplacement des générations de 2,1 enfants par femme en 1974, l'indice synthétique de fécondité s'est stabilisé pendant une quinzaine d'années à un niveau médiocre, autour de 1,8. Mais il a de nouveau fortement reculé à partir de la fin des années 1980, pour atteindre 1,65 enfant par femme en 1994.
Évolution de l'indice de fécondité
Le nombre de naissances atteignait 800.000 en 1980 et 762.000 en 1990. Il a chuté à seulement 712.000 en 1993 et 708.000 en 1994. Le nombre de naissances "perdues" est donc de près de 100.000 en quinze ans. Si la fécondité demeurait semblable d'ici vingt-cinq à trente ans, on ne dénombrerait plus alors que 570.000 naissances, compte tenu de la chute parallèle des effectifs des générations en âge de procréer.
La baisse de la fécondité se répercute sur la taille des 8,9 millions de familles qui comportent des enfants de moins de 25 ans. Les familles nombreuses se raréfient progressivement. Ainsi, la proportion de familles qui ont au moins quatre enfants de moins de 25 ans parmi les familles qui en comptent au moins un (600.000) est tombée de 15 % à 6 % entre 1968 et 1990.
La chute de la natalité, si elle se prolongeait durablement, compromettrait l'équilibre tout entier de notre système de protection sociale.
Votre rapporteur a bien conscience que le mécanisme redistributif des prestations familiales ne peut pas. à lui seul, remédier à cette situation. Mais les enquêtes d'opinion ont montré qu'il y a un écart entre le nombre d'enfants que les couples souhaiteraient avoir et le nombre d'enfants qu'ils ont effectivement. La politique familiale doit donc se fixer pour objectif de permettre aux français d'exercer librement leur choix parental et de faciliter la naissance des enfants auxquels ils doivent aujourd'hui renoncer. Cela implique que cette politique soit globale, qu'elle prenne en compte aussi bien les aspects éducatifs que ceux de l'emploi, du loyer et ou des rythmes de vie.
B. UN FINANCEMENT GARANTI
1. Des dispositions protectrices des ressources
Les articles 2 et 3 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale ont institué une séparation comptable entre chacune des branches du régime général, dont les trésoreries sont désormais gérées de façon distincte par l'ACOSS. Cette réforme attendue depuis longtemps est Particulièrement protectrice pour la branche famille, dont les excédents ont été jusqu'à présent utilisés pour combler les déficits des branches vieillesse et maladie. La remise à zéro des soldes comptables des différentes branches réalisée par un arrêté en date du 26 décembre 1994 montre que près de 70 milliards de francs ont été ainsi prélevés sur la branche famille au cours des années passées.
Par ailleurs, l'article 5 de cette même loi pose le principe d'une compensation intégrale par le budget de l'État de toute nouvelle mesure d'exonérations de cotisations sociales. Cette règle est également très protectrice pour la branche famille, alors que le dispositif d'allégement des cotisations d'allocations familiales sur les bas salaires institué par la loi quinquennale sur l'emploi monte en charge. Le montant des compensations versées par l'État à la CNAF à ce titre, qui était de 14 milliards de francs en 1994, devrait atteindre 19,3 milliards de francs en 1995 et 21 milliards de francs en 1996.
Enfin, l'article 34 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille garantit à la CNAF des ressources au moins égales, chaque année, pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998, au montant qu'elles auraient atteint à législation constante. La commission des comptes de la sécurité sociale, à qui le contrôle de la bonne application de ces dispositions a été confié, évalue dans son dernier rapport à 292,3 millions de francs le complément de financement auquel la CNAF a droit en 1994 au titre de cette garantie de recettes.
2. Des irrégularités subsistantes
L'État gère lui-même le régime de prestations familiales de ses agents et ne reverse à la CNAF que le solde excédentaire de ses opérations. Toutefois, le compte définitif du régime spécifique des prestations familiales des agents de l'État est toujours établi avec retard : le compte pour l'exercice 1992 n'a été arrêté qu'en août 1994, et au dernier trimestre de 1995, les comptes des exercices 1993 et 1994 n'étaient toujours pas arrêtés. La commission des comptes de la sécurité sociale dénonce régulièrement ces retards préjudiciables au bon ordre des finances publiques.
Par ailleurs, des divergences existent entre la direction du budget et l'ACOSS quant au chiffrage des exonérations de cotisations familiales sur les bas salaires.
Enfin, le financement de la majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire reconduite depuis 1993 ne s'effectue pas dans des conditions parfaitement régulières. En 1993, le coût de la majoration, soit 6,05 milliards de francs, a été imputé sur les 110 milliards de francs apportés par l'État lors de la reprise de la dette du régime général en fin d'année. En 1994, les crédits correspondants, soit 6,23 milliards de francs, ont été inscrits en loi de finances rectificative. Dans les deux cas, une charge de trésorerie a été supportée par la CNAF, l'allocation de rentrée scolaire étant versée aux familles à la fin du mois d'août. Pour 1995, sur un coût total de 6,35 millions de francs, l'État ne prendrait en charge que 4,85 millions de francs, le solde de 1,5 million de francs restant à la charge de la CNAF.
II. LES RÉFORMES DÉCIDÉES PAR LE GOUVERNEMENT
A. LES MESURES STRUCTURELLES
1. L'intégration des régimes spécifiques de prestations familiales
Outre celui des agents de l'État il existe un certain nombre de régimes dits "d'employeurs" : historiquement, ce turent les premiers régimes de prestations familiales constitués lorsque certains employeurs ont établi des systèmes de protection sociale propres à leurs secteurs d'activité. L'article L. 212-1 du code de la sécurité sociale définit la dérogation au régime général qui autorise ces régimes spécifiques à se perpétuer.
Les employeurs gestionnaires de ces régimes versent à la CNAF une contribution calculée par différence entre les prestations séries à ces Personnels et les cotisations qu'ils auraient normalement versées à la CNAF après déduction des dépenses d'action sanitaire et sociale et des frais de gestion supportés pour le service de ces prestations.
Depuis le 1er janvier 1994 la dérogation de l'article L. 212-1 est limitée aux seules administrations de l'État à la SNCF, à l'EDF-GDF et à la RATP La période transitoire avant réintégration dans le régime général ouverte à compter du 1er janvier 1991 pour quelques établissements publics (notamment le CEA et la Banque de France) a expiré le 31 décembre 1993.
Pour achever l'universalité des modalités de gestion et de versement des prestations familiales, le Gouvernement a décidé d'aligner les taux de cotisation de l'État et de ces entreprises publiques sur les taux applicables à l'ensemble des entreprises, et de transférer progressivement la gestion des prestations familiales à la CNAF.
Cette mesure s'appliquera dès 1996 aux entreprises publiques et à Partir de 1997 à l'État. Son rendement par la branche famille est évalué à 700 millions de francs en 1996 et 1.7 milliards de francs en 1997.
2. La rationalisation des modalités d'attribution des prestations familiales
Les prestations familiales sous conditions de ressources sont aujourd'hui attribuées sans tenir compte de l'ensemble des revenus de remplacement, notamment les indemnités versées en cas de maternité, et les rentes d'accidents du travail. Un récent rapport du Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics (2 ( * )) a souligné les incohérences et finalement, les injustices liées à la variété des modes de calcul des ressources.
Le Gouvernement a donc décidé d'intégrer ces revenus de remplacement dans l'évaluation des ressources des ménages bénéficiaires de ces prestations, à compter du 1er juillet 1996.
Par ailleurs, les plafonds de ressources de ces prestations seront revalorisés, à compter du 1er janvier 1996 dans les mêmes conditions que la base mensuelle des allocations familiales.
Enfin, le délai de prescription pour l'attribution des prestations familiales, qui varie actuellement en fonction des prestations servies, sera fixé de façon uniforme à six mois.
Le rendement de cette mesure est estimé à 600 millions de francs en 1996 et à 1,1 milliard de francs en 1997.
Votre rapporteur estime que cette harmonisation des règles d'attribution des prestations familiales devra également s'accompagner de la simplification de celles-ci. Actuellement, la CNAF doit servir 24 prestations différentes, dont certaines sont redondantes, et gérer pour ce faire un ensemble de 15.000 règles de droit.
3. La fiscalisation des allocations familiales
Les prestations familiales sous conditions de ressources se sont beaucoup développées depuis deux décennies. Toutefois, les prestations sans condition de ressources, dont les plus importantes sont les allocations familiales servies à toutes les familles en fonction du nombre d'enfants, représentent encore 57,2 % du total des prestations familiales.
Le Gouvernement, dans un souci d'équité, a décidé de soumettre ces prestations familiales sans conditions de ressources à l'impôt sur le revenu en 1997. Cette mesure modifie sensiblement la logique des allocations familiales en les assimilant à des revenus de remplacement, alors qu'il semble plus exact de les considérer comme des compensations de charges.
Elle est toutefois acceptable dans la mesure où le Gouvernement a veillé à l'assortir d'une triple condition :
- la fiscalisation des prestations familiales sans condition de ressources s'intégrera dans une réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu qui l'adaptera plus justement aux capacités contributives réelles ;
- des dispositions spécifiques en faveur des familles modestes et des familles nombreuses seront prises dans le cadre de cette réforme de l'impôt :
- le solde des recettes supplémentaires générées par cette fiscalisation sera intégralement affecté à la branche famille.
Le produit attendu de cette mesure pour 1997 est estimé à 6,9 milliards de francs.
Politique familiale et redistribution
Le double jeu des prestations familiales et du quotient familial modifie, de façon significative le revenu disponible des familles. Mais leur combinaison introduit aussi un certain nombre de distorsions.
Impact de la politique familiale sur le revenu disponible (en francs)
Salaire net annuel (en F)
Source : Direction de la Prévision, bureau des études fiscales
Le graphique ci-dessus montre l'impact de la politique familiale (prestations et quotient) sur le revenu disponible dans plusieurs cas de figure. La partie en gras sur les courbes correspond à la zone de revenu où se situent 80 % des familles.
Le graphique se lit de la façon suivante une personne seule avec un enfant et percevant un salaire net annuel de 227 745 francs va bénéficier d'un revenu disponible "supplémentaire" d'environ 20.000 francs (sous forme de prestations familiales ou d'un allégement d'impôt dû au quotient).
Cette somme est pratiquement la même que celle dont bénéficie une personne seule avec un enfant, percevant un revenu annuel net de 40.665 francs. Dans le premier cas ces 200.000 francs correspondent à l'application du quotient familial Dans le second cas ils proviennent du versement des prestations familiales,
Ce graphique fournit plusieurs enseignements
• la politique familiale apporte une aide qui
augmente de façon significative avec le nombre d'enfants.
•à salaire net équivalent, la politique
familiale a davantage d'impact sur le revenu disponible d'une personne seule
avec un enfant que sur celui d'un couple marié avec un enfant. C'est
là l'effet de la demi-part supplémentaire dont
bénéficient les personnes seules avec un enfant ;
•quel que soit le nombre d'enfants, le montant de
l'aide commence par diminuer au fur et à mesure que le revenu
s'élève (aides sous condition de ressources), puis augmente
(effet du quotient familial) et enfin se stabilise (plafonnement de ce
même quotient).
On peut ainsi identifier trois grandes catégories de familles
•celles à revenus modestes, qui
perçoivent des prestations soumises à conditions de
ressources ;
•celles à revenus élevés, qui
bénéficient fortement du quotient familial et de la non
imposition des prestations familiales non soumises à condition de
ressources (allocations familiales. AGED, APE) ;
•celles ont revenus intermédiaires, pour
lesquelles les effets du quotient familial et des prestations familiales
s'équilibrent globalement
B. LES MESURES D'ÉCONOMIES
1. Le gel de la base mensuelle des allocations familiales en 1996
La situation lourdement déficitaire de la branche famille rend nécessaire de stabiliser en 1996 le montant des prestations familiales à leur niveau de 1995.
La base mensuelle qui sert de référence à leur calcul ne sera donc pas revalorisée l'an prochain.
Il s'agit d'une mesure provisoire de sauvegarde de la branche famille. Au 1er janvier 1997 les prestations familiales seront à nouveau revalorisées en fonction de l'évolution prévisionnelle des prix.
L'économie induite par cette mesure est estimée à 2.6 milliards de francs en 1996 et 2.8 milliards de francs en 1997.
2. Le recentrage de l'allocation pour jeune enfant
L'allocation pour jeune enfant (APJE) dont le montant s'élève à 955 francs par mois, est actuellement versée, à compter du premier jour du mois civil suivant le troisième mois de la grossesse :
- jusqu'au troisième mois après la naissance à l'ensemble des ménages, quel que soit leur revenu.
- jusqu'aux trois ans de l'enfant, si les ressources du foyer ne dépasse pas un plafond déterminé en fonction de la situation familiale.
Cette allocation, principalement destinée à aider les familles modestes à faire face aux frais d'accueil d'un nouvel enfant, sera désormais réservée aux ménages dont le faible niveau de revenus rend nécessaire une telle aide.
Ainsi, pour les ménages ayant deux enfants à charge, l'allocation sera accordée à ceux dont les revenus n'excèdent pas 172.000 F par an.
L'économie résultant de cette mesure est estimée à 600 millions de francs en 1996 et 1.2 milliards de francs en 1997.
3. La rationalisation des aides au logement
La CNAF assure le versement de l'allocation de logement familial et contribue au financement des aides personnalisées au logement versées par le Fonds National de l'Habitat.
Ces allocations sont aujourd'hui calculées sans tenir compte de l'ensemble des revenus de remplacement, notamment les indemnités versées en cas de maternité, les rentes d'accidents du travail et certains abattements liées à des exonérations fiscales.
Ces différents abattements conduisent à des situations inéquitables dans la mesure où à des niveaux de ressources identiques, les allocataires perçoivent des prestations différentes.
Ces revenus seront intégrés dans le calcul de ces allocations à compter du 1er juillet 1996, tandis que, parallèlement, la participation minimale à l'effort de logement demandée aux familles sera réévaluée.
L'économie liée à cette mesure est estimée à 1.2 milliards de francs en 1996 et 1.2 milliards de francs en 1997.
Tableau récapitulatif des mesures d'effet immédiat pour la branche famille
CHAPITRE VI LES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ ENTRE LES GÉNÉRATIONS
Le budget de la Solidarité entre les générations est issu de la scission du budget des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville. Défini en quelque sorte par défaut, il regroupe tous les crédits qui, de par leur nature, ne pouvaient être rattachés ni au ministère de l'Intégration et de la lutte contre l'exclusion, ni au ministère de la Santé publique et de l'assurance maladie. Cela donne à ce budget un caractère un peu hétérogène, même si en pratique il est essentiellement constitué de crédits consacrés aux personnes handicapées, les dépenses d'allocation aux adultes handicapés (AAH) en représentant à elles seules 70 %.
Ainsi définis, les crédits du ministère de la Solidarité entre les générations pour 1996 s'élèvent à 29,704 milliards de francs soit, a structure constante, une progression de 9,6 % par rapport à 1995.
(en millions de francs)
Le budget de la Solidarité entre les générations est constitué essentiellement de dépenses d'intervention, qui représentent 98,3 % de l'ensemble de ses crédits.
I. LES DÉPENSES D'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS
Évolution des bénéficiaires de l'AAH et des crédits afférents
L'évolution des crédits budgétaires relatifs à l'AAH entre 1986 et 1995 s'explique :
- par l'accroissement du nombre des bénéficiaires de 482.000 pour 1986, à 597 au titre de 1994 (soit 23,85 %), dont 95.000 environ pour le seul complément d'AAH en 1994 ;
- d'autre part, par l'augmentation sur l'ensemble de la période du montant de la prestation de 2.579 francs au 1er janvier 1993 à 3.322 francs au 1er juillet 1995) et par la création à partir du 1er février 1993 de l'aide forfaitaire en faveur de la vie autonomie à domicile des personnes adultes handicapées, transformée en complément d'AAH par la loi du 18 janvier 1994. Le coût de ce complément d'AAH a été de 516 millions de francs en 1994.
En 1995, la dotation initiale du chapitre 46-92 "Contribution de l'État au financement de l'allocation aux adultes handicapés" était de 18,7 milliards de francs. Elle a été complétée à hauteur de 1,3 milliards de francs par le collectif budgétaire du 4 août dernier.
Pour 1996, la dotation du chapitre 46-92 s'élève à 20,764 milliards de francs, en progression de + 10,8 % par rapport au budget voté de 1995 et de + 3,8 % par rapport aux crédits effectivement disponibles cette année.
Le montant de cette dotation résulte des deux mesures suivantes :
- une mesure d'ajustement de + 2,425 milliards de francs sur la base d'un taux de revalorisation prévisionnel de 3.46 % et d'un effet volume de 2,86 % ;
- une mesure de révision des services votés de - 400.000 francs, correspondant à l'incidence de la réforme des conditions d'admission à l'AAH en application de l'article 95 de la loi de finances pour 1994.
L'article 95 de la loi de finances pour 1994 a modifié l'article L 821-2 du code de la sécurité sociale. Désormais, cet article prévoit que les personnes qui sont, en raison de leur handicap dans l'impossibilité reconnue par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) de se procurer un emploi, doivent également justifier d'un taux minimal d'incapacité. Ce taux a été fixé à 50 % par le décret n° 94-379 du 16 mai 1994.
La fixation d'un taux minimal devrait avoir pour conséquence d'exclure du droit à l'AAH les demandeurs dont le handicap -quelle qu'en soit l'origine - n'est pas la cause principale de leur impossibilité de se procurer un emploi. Ces derniers peuvent bénéficier d'une part, du dispositif d'insertion et de protection sociale offert à l'ensemble des demandeurs d'emploi et d'autre part, sur décision des Cotorep, de formations dispensées dans des centres de rééducation professionnelle.
Les nouvelles dispositions législatives ne s'appliquent qu'aux premières demandes d'AAH à l'exclusion des demandes de renouvellement. Elles ne sont par ailleurs entrées en vigueur qu'avec la publication du décret Précité, à compter du 18 mai 1994.
L'observation des relevés statistiques des décisions d'attribution de l'AAH montre que :
- pour le premier semestre 1994, qui se situe dans la période où ne s'applique pas encore le taux de 50 %. la proportion des AAH attribuées au titre de l'article L 821-2 est de 36.1 % pour les premières demandes ;
- pour le deuxième semestre 1994. où s'applique le taux de 50 %, cette proportion augmente à 37,3 % ;
-enfin, pour le premier semestre 1995, cette proportion revient à 36,3 %.
Il résulte de ces éléments statistiques que la baisse attendu ne s'est pas produite jusqu'à présent.
Cette observation est corroborée par celle des dépenses d'AAH enregistrée par la CNAF. Ainsi, au titre de 1994, l'effet volume global des dépenses se situe à 3,04 % et cette tendance se poursuit en 1995, ainsi qu'il ressort des résultats provisoires des sept premiers mois de cette même année, soit un effet volume global de l'ordre de 3 %.
L'économie de 300 millions de francs fixée par la loi de finances pour 1994 n'a donc pas été réalisée et, au stade actuel des données disponibles, il est encore trop tôt pour que l'administration puisse évaluer si l'économie attendue de 400 millions de francs prévue par la loi de finances pour 1995 sera réalisée.
Votre rapporteur s'étonne de cette absence d'inflexion du rythme de progression de l'AAH, qui semble démontrer une certaine indifférence des COTOREP aux modifications du dispositif législatif. Il s'interroge également quant au bien-fondé de l'inscription d'une mesure de révision des services votés de 400 millions de francs à ce titre, alors que les mesures analogues prévues pour 1994 et 1995 ne se sont pas concrétisées.
II. LES DOTATIONS AUX CENTRES D'AIDE PAR LE TRAVAIL
(1) Source : SES1 - Enquête ES
dnd : données non disponibles
Votre rapporteur relève que l'objectif de 75.000 places de CAT qui avait été fixé il y a dix ans est d'ores et déjà largement dépassé.
Les dépenses consacrées aux CAT et à la création de places nouvelles restent cependant très dynamiques sur la période récente.
Évolution des crédits consacrés aux CAT depuis 1992
(en millions de francs)
Depuis 1992, les CAT connaissaient des difficultés de financement récurrentes en raison d'une progression de leurs dépenses de fonctionnement courant plus rapide que celle de leurs ressources budgétaires, principalement en raison des effets des mesures de revalorisation des rémunérations de leur Personnel, qui bénéficie des mêmes protocoles que la fonction publique hospitalière. Toutefois, les situations de tous les CAT n'étant pas comparables, Mme Simone Veil a confié en 1994 à une mission conjointe de l'IGAS et de l'IGF le soin de procéder à un examen des comptes de chaque CAT, dans une logique de remise à plat complète.
En 1995, la dotation inscrite en loi de finances initiale au titre de l'ajustement des moyens s'est élevée à 5,294 milliards de francs, soit une hausse de + 6 % par rapport à la base 1994 (LFI + LFR). Cette progression des moyens alloués aux CAT a permis une remise à niveau de certaines enveloppes départementales compte tenu, d'une part, des avenants salariaux non encore financés et, d'autre part, des recommandations de la mission conjointe de l'IGAS et de l'IGF. Par ailleurs, 2000 places nouvelles ont été créées.
Pour 1996, la dotation de 5,590 milliards de francs inscrite au chapitre 46-23, en hausse de + 5,6 % par rapport à 1995, résulte des deux mesures suivantes :
- une mesure nouvelle de + 151,2 millions de francs destinée à financer la création de 2.750 places en CAT ;
- une mesure d'ajustement aux besoins de + 145 millions de francs, soit une actualisation de la base 1995 de 2,74 %.
Ainsi, en 1995 et 1996, 4.750 places nouvelles de CAT auront été créées, portant le nombre total de places à 84.982, soit un accroissement de + 5,9 % en deux ans.
III. LA SUBVENTION D'ÉQUILIBRE À LA CAISSE DES MINES
Pour 1996, les subventions à divers régimes de sécurité sociale (chapitre 47-23) progressent de + 17 %, pour atteindre 2,449 milliards de francs. Cette augmentation globale recouvre deux mouvements de sens contraire :
- une augmentation de + 357 millions de francs de la subvention à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), qui s'élève à 2,441 millions de francs (en 1995, cette subvention d'équilibre a déjà été complétée à hauteur de 123,2 millions de francs en loi de finances rectificative) ;
- une diminution de - 400.000 francs des crédits destinés à l'allocation vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui s'élèvent à 7,4 millions de francs.
La forte progression de la subvention d'équilibre à la CANSSM résulte de la dégradation continue du rapport démographique sous-jacent à ce régime spécial de sécurité sociale, qui a passé le cap d'un cotisant pour dix pensionnés en 1991.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le vendredi 17 novembre 1995, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a examiné les crédits de la solidarité entre les générations, sur le rapport de M. Jacques Oudin, rapporteur spécial.
Un débat a suivi l'intervention de M. Jacques Oudin.
M. Denis Badré a relevé le contraste entre la modestie des moyens des administrations sociales et la masse des dépenses sociales. Il a estimé que ces administrations souffraient de ne pas pouvoir attirer les vocations et qu'il convenait d'inverser la hiérarchie des primes et des bonifications indiciaires actuellement en vigueur entre les différents secteurs de l'administration de l'État.
M. Yann Gaillard s'est demandé si l'on avait prévu les moyens nécessaires pour accueillir les médecins libéraux que l'on allait inviter à se reconvertir vers la médecine scolaire.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué que la modification du seuil des recouvrements sur successions lui paraissait une idée intéressante, mais qu'elle relevait vraisemblablement de la compétence réglementaire et qu'il convenait d'interpeller le ministre à ce sujet
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial, a estimé qu'il était important d'engager le débat sur ce sujet, qui ne lui paraissait pas tant technique que Politique et a proposé de déposer un amendement à titre personnel.
La commission a alors adopté les crédits du budget de la santé Publique et des services communs, ainsi que ceux du budget de la solidarité entre les générations.
* (1) Avis n° 45 - Session ordinaire de 1995-1996
* (2) "Les modes d'évaluation des conditions de ressources appliquées pour l'attribution de certaines prestations sociales" CCERSP - août 1995