C LES INCIDENCES DU RYTHME DE LA CROISSANCE SUR LES FINANCES PUBLIQUES.
Un récent rapport de notre collègue Bernard Barbier réalisé au nom de la Délégation du Sénat pour la Planification 5 ( * ) illustre les incidences sur les finances publiques d'une croissance plus forte.
Deux variantes par rapport à un compte central ont été réalisées grâce au modèle "Mosaïque" de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Dans chaque cas, il s'agit de simuler les effets sur les comptes des administrations publiques d'une croissance supérieure de 1 % par an par rapport au rythme de croissance du compte central.
La construction de deux variantes répond au souci de différencier l'impact sur les comptes publics de surcroîts de croissance résultant de facteurs différents.
On a testé ainsi, successivement :
- une hypothèse d'augmentation plus rapide de la croissance de nos partenaires, donc de la demande étrangère adressée à la France,
- et une hypothèse ou la croissance est supérieure du fait d'une baisse du taux d'épargne des ménages, qui se traduirait par une progression plus forte de la consommation des ménages.
Les résultats du tableau ci-dessus sont présentés à 1 an, 2 ans et 5 ans pour un niveau de PIB supérieur de 1 % à la situation de référence pour chacune de ces trois dates. La dernière colonne donne l'impact au terme de cinq ans dans l'hypothèse d'un taux de croissance supérieur d'un point chaque année tout le long de la période.
On peut en déduire que 1 % du PIB supplémentaire à cinq ans entraîne une baisse de 0,8 point du ratio déficit public/PIB si la croissance est due à une relance de la consommation des ménages.
L'augmentation de la consommation des ménages majore les recettes de TVA et profite au secteur des services, ce qui, les services étant relativement plus riches en main d'oeuvre que l'industrie, améliore sensiblement l'emploi et le montant des cotisations sociales.
Lorsque le supplément de croissance provient d'un surcroît de la demande extérieure, la baisse du ratio déficit public/PIB est plus faible -0,4 point- car les exportations ne supportent pas la TVA, tandis que la demande étrangère profite au secteur industriel moins riche en main d'oeuvre.
Enfin, il faut souligner qu'un taux de croissance supérieur de un point par an pendant cinq ans permet une réduction d'environ 4 points du ratio déficit public/PIB quand la croissance est "tirée" par la consommation et de deux points quand elle est dynamisée par la demande étrangère.
Les modèles économétriques étant, pour l'essentiel, linéaires on peut estimer que les résultats d'une moindre croissance sur les déficits publics sont les mêmes au signe près. Les économistes de la Caisse des dépôts et Consignations estiment en effet qu'une révision à la baisse de 0,5 point de croissance se traduirait par une dégradation du solde des administrations publiques de 0,2 point.
Si tous les éléments objectifs d'une croissance de 2,5 à 3,0 % du PIB sont réunis, l'opinion favorable des chefs d'entreprise semble se dégrader en novembre. A titre d'exemple, deux grands patrons (1) écrivent :
"Premièrement, la rentrée n'est pas banne. Dans la plupart des secteurs industriels ou de services, nous constatons un ralentissement de l'activité, qui laisse mal augurer de l'année 1996. Les moteurs possibles de la croissance s'essoufflent tous : nous sommes moins tirés par l'étranger ; la reconstitution des stocks est achevée ; les budgets d'investissement 1996 sont en train d'être revus à la baisse ; la consommation n'est jamais vraiment repartie. (...) Notre sentiment de chef d'entreprise est qu'aujourd'hui les conditions d'une croissance soutenue pour 1996 ne sont pas réunies. "
Ils fondent en revanche des espoirs sur un assouplissement de la politique monétaire.
(1) MM. Henri Lachmann et Jean Marie Messier - Le Monde du 4 novembre.
Résumé
La prévision de croissance associée au projet de loi de finances pour 1996 est de 2,8 %.
Elle repose sur :
• une contribution nulle du commerce
extérieur à la croissance compensée par une meilleure
orientation de la demande intérieure avec un accroissement de la
progression de l'investissement et de la consommation des ménages. Elle
s'inscrit dans un contexte de recombinaison des politiques
économiques :
- la politique budgétaire et des finances sociales se resserrent et les déficits publics n'excèdent pas 4 % du PIB en 1996 :
- la politique monétaire devient moins rigoureuse.
Sans qu'il faille les cumuler, les aléas entourant la prévision ne doivent pas être sous-estimés.
Il faut toutefois observer que l'économie française n'étant pas dans une phase de retournement cyclique l'ampleur de ces aléas est probablement modeste.
Toutefois, deux catégories de risques existent :
• l'instabilité des marchés
ajoutée à la situation de l'économie américaine
font peser une hypothèque sur le repli ordonné des taux
d'intérêt en Europe sur la compétitivité des
économies européennes et sur la stabilité des
parités entre les devises européennes ;
• l'accélération de la consommation des
ménages pourrait être moindre que prévue si leur taux
d'épargne ne se réduisait pas comme escompté, ce qui
pourrait être le cas si l'enrichissement de la croissance en emplois
venait buter sur les causes structurelles du chômage ou si les taux
d'intérêt s'infléchissaient moins que prévu.
Compte tenu de l'incidence du rythme de croissance sur les finances publiques, une croissance plus mesurée se traduirait par une dégradation relative des soldes publics.
* 5 Pour parler du moyen terme" Rapport n° 127 - 1994-1995. Bernard Barbier. Délégation du Sénat pour la Planification.