N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 9

DÉFENSE

Rapporteur spécial : M. Dominique de LEGGE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. UNE ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONFORME À LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

En projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les crédits demandés au titre de la mission « Défense » s'élèvent à 93,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE, + 37,9 %) et à 60,0 milliards d'euros en crédits de paiement (CP, + 5,7 %). Cet effort budgétaire correspond à 2,0 % du PIB, soit le niveau cible pour les États membres de l'OTAN. En 2025, la défense constitue la seconde politique publique de l'État en termes d'effort financier global, hors charge de la dette.

L'année 2025 constitue la deuxième annuité d'application de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, entrée en vigueur le 1er août 2023, dans le contexte de bouleversements géostratégiques induits par la guerre en Ukraine. La LPM prévoit une enveloppe de 413,3 milliards d'euros sur la période, dont 400 milliards d'euros de crédits budgétaires, soit une hausse de plus de 100 milliards d'euros par rapport à la précédente LPM.

Hors pensions et à périmètre courant, les CP progressent en 2025 de 3,3 milliards d'euros, pour s'établir à 50,5 milliards d'euros, soit un strict respect de la LPM.

Trajectoire en crédits de paiement prévue par la LPM 2024-2030

(en milliards d'euros courants et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030

Dans un contexte général d'efforts de redressement des comptes publics, la mission « Défense » est celle qui connaît la plus forte hausse de crédits en 2025.

La progression des crédits concerne l'ensemble des 16 « opérations stratégiques »1(*), à la seule exception des contributions au CAS « Pensions ». La progression concernerait principalement les programmes d'équipements à effet majeur (+ 1,45 milliard d'euros), la dissuasion nucléaire (+ 508 millions d'euros), les équipements d'accompagnement (+ 273 millions d'euros), les infrastructures (+ 260 millions d'euros) et l'activité opérationnelle (+ 208 millions d'euros).

II. UNE MISSION SOUMISE EN EXÉCUTION À DES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES AIGUËS

A. UNE TRÈS FORTE HAUSSE DU REPORT DE CHARGES DEPUIS 2022

Le report de charges regroupe les dépenses qui auraient dû être réglées en année N et dont le paiement est reporté à l'année N + 1, soit pour des raisons classiques de délais de traitement des factures transmises par les entreprises en fin d'année (les « charges à payer »), soit faute de crédits de paiement effectivement disponibles ou consommables (les « dettes fournisseurs »).

Depuis la fin de l'exercice 2022, le report de charges de la mission « Défense » tend à progresser de façon très significative. Alors qu'il était de 3,88 milliards d'euros fin 2022, il devrait s'établir à 6,80 milliards d'euros fin 2024, soit une hausse supérieure à 2,9 milliards d'euros (+ 75 %) en deux ans. Cette augmentation est quasiment équivalente à une marche annuelle de hausse des crédits dans le cadre de la LPM (+ 3,3 milliards d'euros).

Montant du report de charges à fin 2024

(en milliards d'euros)

Hausse du report de charges depuis fin 2022

(en %)

Taux du report de charges

(en % des crédits de la mission, hors personnel)

 
 
 

Cette évolution, qui concerne surtout les dettes fournisseurs, se traduit dans l'augmentation très nette du taux de report de charges en proportion des crédits de la mission (hors dépenses de personnel). Entre fin 2022 et fin 2024, il passerait ainsi de 13,7 % à 20,3 %, ce qui est beaucoup plus que les cibles que fixait la LPM 2019-2025 (la LPM 2024-2030 n'en prévoyant pas).

Évolution du report de charges de la mission « Défense »

(en pourcentage des crédits, hors dépenses de personnel)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire

Cette progression du niveau du report de charges peut être expliquée par trois facteurs :

la forte hausse, à compter de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, du niveau d'inflation en 2022 et 2023 par rapport à celui attendu, réduisant mécaniquement le pouvoir d'achat du ministère des armées : l'augmentation du report de charges a alors servi de variable d'ajustement pour maintenir le niveau des achats prévus initialement, alors que le montant des crédits de paiement disponibles ne le permettait plus. Toutefois, le rapporteur spécial constate que le fort tassement de l'inflation en 2024 a inversé la situation : le niveau constaté d'inflation est désormais plus faible que celui attendu par la LPM 2024-2030 ;

- un niveau d'achats élevé, caractéristique des débuts de période de programmation. Dès 2023, en prévision de la LPM 2024-2030, des achats plus nombreux ont été réalisés, dans l'objectif d'atteindre les cibles fixées à l'horizon de la fin de programmation et en mobilisant à cet effet le report de charges comme outil de lissage de la trajectoire de dépenses ;

la volonté gouvernementale de ne pas aggraver le déficit de l'État exécuté et affiché en fin d'année, en reportant les paiements à l'année suivante2(*). Le report de crédits est ainsi passé de 51 millions d'euros de 2021 vers 2022 à 1,65 milliard d'euros de 2023 vers 2024 ; il devrait rester à un niveau similaire de 2024 vers 2025.

Les armées achètent finalement aujourd'hui plus qu'elles ne peuvent payer, soit que le ministère ne dispose pas de crédits à hauteur du montant des achats, soit que les arbitrages gouvernementaux ne lui permettent pas de tous les consommer.

En tout état de cause, il conviendra d'être particulièrement vigilant quant à la soutenabilité de la trajectoire de report de charges à l'avenir. En outre, le financement des dépenses du ministère ne saurait être délégué de facto aux industriels de la défense dans une ampleur trop importante, a fortiori dans un contexte où l'industrie de défense, et notamment les sous-traitants, est censée être fortement soutenue dans le cadre de l'« économie de guerre ».

B. UN SCHÉMA DE FIN DE GESTION EN 2024 QUI MANQUE DE LISIBILITÉ QUANT AU FINANCEMENT DES SURCOÛTS CONSTATÉS

La fin de gestion constitue traditionnellement un enjeu important pour la mission, en ce qu'elle implique d'assurer le financement des surcoûts auxquels les armées sont amenées à faire face au titre de leurs engagements opérationnels. Des dispositions spécifiques sont prévues en LPM à cet égard, prévoyant des contributions interministérielles.

Concrètement, le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 prévoit l'ouverture de 837 millions d'euros pour couvrir les surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et aux missions intérieures (MISSINT), y compris les jeux Olympiques et Paralympiques et les interventions en Nouvelle-Calédonie, aux déploiements sur le front oriental de l'OTAN, et au soutien à l'Ukraine. Ces crédits se cumulent à la provision initiale de 800 millions d'euros au titre spécifiquement des OPEX et des MISSINT, ce qui porte les crédits disponibles pour couvrir les surcoûts sur l'ensemble de l'année à 1 637 millions d'euros.

L'estimation du montant de l'ensemble de surcoûts n'a toutefois pas été communiquée. Si ceux au titre des OPEX et des MISSINT sont estimés à 1,3 milliard d'euros en 2024 (un montant comparable à l'année dernière), l'évaluation de ceux relatifs à la Nouvelle-Calédonie, au soutien direct à l'Ukraine et aux opérations de renforcement du flanc oriental de l'OTAN n'a pas été transmise au rapporteur spécial. Il n'est donc pas possible, à ce stade, de déterminer si les surcoûts seront intégralement couverts par les crédits disponibles à cet effet. Mais il apparaît quasiment certain que cela ne sera pas le cas et que l'écart sera même significatif.

III. LA POURSUITE DES PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENTS, SANS METTRE FIN À TOUS LES ENJEUX DE RECOMPLÈTEMENTS

La LPM 2024-2030 s'inscrit dans la continuité de la précédente LPM, elle-même adossée à une programmation visant à poser les jalons permettant d'atteindre « l'Ambition 2030 ». Pour autant, la programmation proposée pour 2024-2030 prévoit le décalage des cibles capacitaires concernées à l'horizon 2035 sur certains segments pourtant majeurs pour les trois forces. Sont notamment concernés le programme Scorpion de renouvellement des capacités de combat de l'armée de Terre, le programme « Frégates de défense et d'intervention » de la Marine ainsi que le programme Rafale de l'armée de l'Air et de l'Espace.

Néanmoins, en PLF 2025, un effort financier significatif est fourni en faveur de l'achat d'équipements. Il concerne en particulier les CP consacrés à l'opération stratégique « Programmes à effet majeur » (OS « PEM »), qui s'élèveraient à 10,6 milliards d'euros, soit une hausse de 1,45 milliard d'euros (+ 16 %) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2024.

Évolution des crédits prévus au titre de l'opération stratégique
« Programmes à effet majeur » depuis 2019

(en CP, en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

Au-delà de la seule OS « PEM », le programme 146 « Équipement des forces » - dont le niveau d'AE fait plus que doubler par rapport à 2024 (+ 110,6 %, soit + 27 milliards d'euros) - concourt également en 2025 au financement de programmes qui sont d'une importance déterminante pour la « guerre du futur »3(*). Sont notamment concernés le porte-avion de nouvelle génération (PA-NG, 10,2 milliards d'euros en AE et 208 millions d'euros en CP), les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de 3e génération (SNLE 3G, 11,5 milliards d'euros en AE et 745 millions d'euros en CP) et le système de combat aérien du futur (SCAF, 814 millions d'euros en AE et 295 millions d'euros en CP).

Cette hausse des crédits ne doit toutefois pas masquer les besoins de recomplètements importants auxquels les armées font toujours face, liés notamment :

- au prélèvement pour l'export sur la dotation de l'armée de l'Air et de l'Espace de 24 Rafale, au profit de la Grèce et de la Croatie, et au titre desquels le recomplètement intégral n'est prévu que pour 2027 ;

- à l'important effort de soutien aux forces armées ukrainiennes, avec notamment la cession de canons Caesar mais également et surtout, prochainement, de Mirage 2000-5.

IV. APRÈS DES ANNÉES DIFFICILES, UNE RÉELLE AMORCE DE LA HAUSSE DES EFFECTIFS ?

Depuis 2020, les armées ont connu de grandes difficultés pour atteindre les schémas d'emplois fixés, dans une conjoncture marquée par de fortes tensions sur le marché du travail. De 2021 à 2023, les schémas d'emplois réalisés s'établissaient à un niveau très inférieur aux cibles d'augmentation nette d'effectifs prévus par la LPM 2019-2025.

Prévision et exécution des schémas d'emplois depuis 2019

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans ce contexte, la prévision de schéma d'emplois inscrite au PLF 2024 était seulement de + 400 ETP4(*). Il pourrait être tenu, voire dépassé. Si c'est au prix d'une moindre ambition du schéma initial par rapport à la LPM (+ 700 ETP en 2024), il s'agit néanmoins d'une bonne nouvelle. Ce résultat proviendrait en particulier d'un moins grand nombre de départs du ministère, évolution que ce dernier attribue notamment aux mesures prises en faveur de la fidélisation des personnels.

Le PLF 2025 prévoit un schéma d'emplois de + 700 ETP pour 2025, soit un niveau conforme à la LPM. Aucun schéma d'emplois n'a été exécuté à ce niveau depuis 2019.

V. UNE INTERRUPTION DE LA DIFFUSION DES INDICATEURS RELATIFS À LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET À L'ACTIVITÉ DES FORCES, ALORS QUE DES INSUFFISANCES ONT ÉTÉ CONSTATÉES PAR LE PASSÉ

A. DES NIVEAUX DE DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET D'ACTIVITÉ ENCORE INSUFFISANTS

La guerre en Ukraine a rappelé la nécessité impérieuse de préparer les armées françaises à une opération de coercition majeure dans le cadre d'une coalition internationale, pour lesquelles le calendrier est subi et impliquant des combats de haute intensité.

Pour autant, la préparation opérationnelle est grevée par une disponibilité insuffisante des matériels, comme l'a montré le rapporteur spécial dans un rapport de contrôle récent5(*). En effet, si le niveau de disponibilité de certains parcs d'équipements a progressé (notamment s'agissant du Rafale) et que les modalités du maintien en condition opérationnelle (MCO) ont été modernisées, les niveaux de disponibilité technique opérationnelle (DTO) restent insuffisants.

Or, le niveau d'activité (emploi des forces et entraînement) suit, depuis 2014, une évolution en moyenne comparable à la DTO. Les normes de niveau d'activités fixées en LPM ne sont ainsi, dans l'ensemble, pas respectées.

B. DES EFFORTS IMPORTANTS EN TERMES DE MAINTENANCE DES MATÉRIELS

Il convient toutefois de souligner les efforts importants qui sont menés en matière de MCO, avec une hausse soutenue des crédits dédiés, alors qu'une modernisation de la politique de contractualisation avec les industriels de défense a été opérée.

Évolution des crédits en faveur de l'entretien programmé des matériels (CP)

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

C. UNE INTERRUPTION DOMMAGEABLE DE LA PUBLICATION DES INDICATEURS DE DISPONIBILITÉ ET D'ACTIVITÉS

À l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, a été décidée par le Gouvernement l'interruption de la publication des résultats et des cibles des indicateurs relatifs à la disponibilité des matériels, d'une part, et à l'activité des forces, d'autre part. La justification qui en a été donnée était la nécessité de ne plus révéler à nos compétiteurs notre potentiel militaire. Pour les années postérieures à 2022, ces données, désormais classées « diffusion restreinte - spécial France » resteraient accessibles à certains parlementaires appelés à en connaître, mais ne sont plus disponibles en source ouverte et ne peuvent pas être publiées.

Si le rapporteur spécial est sensible aux enjeux de confidentialité de ces données, il n'est pas certain que leur protection au titre de la mention « diffusion restreinte » suffise à empêcher nos concurrents d'y avoir accès in fine. Or, ce changement a pour conséquence de priver le Parlement d'informations importantes pour connaître l'état de nos forces et en tirer les conséquences budgétaires et législatives.

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre 2024, date limite, en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 0,3 % des réponses portant sur la mission « Défense » étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
UN BUDGET 2025 QUI S'INSCRIT DANS LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE ÉTABLIE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

I. UN BUDGET QUI TRADUIT L'EFFORT DE LA NATION EN FAVEUR DE SA DÉFENSE, DANS UN CONTEXTE DE FINANCES PUBLIQUES POURTANT TRÈS CONTRAINTES

A. LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2025 S'ÉLÈVENT À 60 MILLIARDS D'EUROS, SOIT UNE HAUSSE DE 7 % PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024

La mission « Défense » porte le budget du ministère des armées pour assurer la politique de défense de la France.

Les autorisations d'engagement (AE) demandées s'élèvent à 93,6 milliards d'euros en projet de loi de finances (PLF) pour 2025, soit une hausse de 37,9 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Les crédits de paiement (CP) demandés s'élèvent quant à eux à 60,0 milliards d'euros en PLF 2025, soit une augmentation de 5,7 %. En neutralisant l'inflation, la hausse serait de 35,5 % en AE et de 3,9 % en CP, en euros constants.

Cet effort important doit être salué, a fortiori dans un contexte général d'efforts significatifs de redressement des finances publiques.

Pour mémoire, la mission se décompose en quatre programmes :

le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » rassemble les crédits destinés à éclairer le ministère des armées sur l'environnement stratégique présent et futur ainsi que sur la stratégie internationale du ministère, par le renseignement, la recherche stratégique et industrielle, et la diplomatie de défense. Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 2,2 milliards d'euros en AE, soit une légère baisse de - 1,2 % par rapport à la LFI 2024, et à 2,1 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 5,5 % ;

le programme 178 « Préparation et emploi des forces », placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées, vise à satisfaire aux exigences définies par les contrats opérationnels des armées. Il constitue ainsi le coeur de la mission « Défense ». Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 15,3 milliards d'euros en AE, soit une baisse de - 7,9 % par rapport à 20246(*), et à 14,3 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 5,6 % ;

le programme 212 « Soutien de la politique de défense », rassemble les crédits destinés aux fonctions dites « support » du ministère des armées, hors achat d'armement. Il comprend en particulier l'intégralité des crédits de titre 2 (T2) dédiés aux dépenses de personnel. Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 24,8 milliards d'euros en AE et à 24,9 milliards d'euros en CP, soit une hausse respective de 0,4 % et 1,2 % par rapport à 2024. En particulier, les dépenses de T2 s'élèveront à 23,2 milliards d'euros, restant stables par rapport à 2024 (+ 0,09 %, soit + 21 millions d'euros) ;

le programme 146 « Équipement des forces », co-piloté par le chef d'état-major des armées et par le délégué général pour l'armement (DGA), vise à mettre à disposition des armées les armements et matériels nécessaires à la réalisation de leurs missions et concourt au développement et au maintien de la base industrielle et technologique de défense (BITD) française. Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 51,4 milliards d'euros en AE, soit une hausse de 110,6 % par rapport à 20247(*) et à 18,7 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 12,6 %.

Les crédits des programmes de la mission « Défense »
en LFI 2024 et en PLF 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Programme

LFI 2024

PLF 2025

Variation 2025/2024

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 144 « Environnement et prospective de la défense »

2 198,4

1 967,6

2 173,1

2 076,2

- 1,2 %

+ 5,5 %

Programme 178 « Préparation et emploi des forces »

16 569,5

13 562,5

15 266,0

14 318,1

- 7,9 %

+ 5,6 %

Programme 212 « Soutien de la politique de défense »

24 680,3

24 634,3

24 767,0

24 919,7

+ 0,4 %

+ 1,2 %

Programme 146 « Équipement des forces »

24 392,9

16 591,4

51 373,6

18 689,5

+ 110,6 %

+ 12,6 %

TOTAL

67 841,1

56 755,7

93 579,7

60 003,5

+ 37,9 %

+ 5,7 %

Note : hors attributions de produits et fonds de concours.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le ministère des armées a développé une nomenclature propre pour assurer le pilotage de ses crédits, en les regroupant par opérations stratégiques (OS), transversales aux différents programmes. Les cinq principales OS concernent :

les rémunérations, pensions comprises, qui représentent une dépense de 23,2 milliards d'euros, soit 39 % des CP de la mission ;

les programmes à effet majeur (PEM), qui regroupent les activités associées aux opérations d'armement les plus structurantes, et représentent une dépense de 10,6 milliards d'euros, soit 17,5 % des CP de la mission ;

la dissuasion nucléaire, qui représente une dépense de 6,9 milliards d'euros, soit 11,5 % des CP de la mission ;

- l'entretien programmé du matériel (EPM), soit la maintenance en condition opérationnelle des équipements, qui représente une dépense de 5,9 milliards d'euros et 10 % des CP de la mission ;

- l'agrégat « fonctionnement et les activités spécifiques », qui regroupe les dépenses liées aux fonctions dites « support » du ministère et représente une dépense de 2,9 milliards d'euros, soit 5 % des CP de la mission.

Répartition des crédits de paiement de la mission « Défense »
par opération stratégique en PLF 2025

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

La politique de défense constitue enfin la seconde politique publique de l'État en termes d'effort financier global (dépenses fiscales et ressources affectées comprises), après l'enseignement scolaire. Elle représente néanmoins une masse financière inférieure à celle des engagements financiers de l'État, essentiellement composés de la charge de sa dette.

Moyens globaux alloués aux missions du budget général,
hors dépenses des comptes spéciaux et remboursements et dégrèvements

(en milliards d'euros)

Source : Rapport général (Tome I) relatif au projet de loi de finances pour 2025, fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances du Sénat8(*)

B. UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT EN COMPARAISON INTERNATIONALE, STABILISÉ À 2,0 % DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT

Le budget de défense de la France représentait 2,0 % de son produit intérieur brut (PIB) en 2024. Ce pourcentage est légèrement en hausse. Alors qu'il était de 1,9 % environ en 2023, il atteindrait 2,1 % à compter de 2026.

En 2021, il classait la France devant celui de l'Allemagne mais derrière celui du Royaume-Uni et à plus forte raison des États-Unis et de la Russie.

Classement des budgets de défense de puissances militaires
exprimées en pourcentage de la richesse nationale, en 2022

(en pourcentage du produit intérieur brut)

Note : les dépenses militaires incluent les charges de pensions.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial (données : Otan ; Stockholm International Peace Research Institute pour les pays hors Otan)

Si l'indicateur du budget de défense exprimé en pourcentage du PIB a le mérite de faciliter les comparaisons internationales, notamment dans le cadre de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), il convient toutefois de ne pas en exagérer la portée. L'atteinte imprévue de la cible otanienne des 2 % en 2020, année où le PIB s'est fortement contracté du fait de la crise sanitaire, atteste des limites évidentes de cet indicateur.

En tout état de cause, la détermination du bon niveau du budget de la défense ne peut s'apprécier qu'à l'aune de la menace à laquelle un pays donné fait face, du système d'alliances dans lequel il s'inscrit et de sa doctrine d'emploi de l'outil militaire. L'investissement financier consenti en faveur de l'armée française, armée d'emploi régulièrement engagée sur plusieurs théâtres d'opérations, ne saurait revêtir la même signification que celui qui peut être mené dans d'autres pays relevant de cultures stratégiques distinctes.

D'où l'importance d'inscrire le budget de la défense dans le cadre d'une programmation pluriannuelle répondant à un diagnostic de l'environnement géostratégique, et donc d'une loi de programmation militaire (voir infra).

II. UNE ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONFORME À LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

A. DANS UN CONTEXTE GÉOSTRATÉGIQUE BOULEVERSÉ, LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LA PÉRIODE 2024-2030 PRÉVOIT UNE HAUSSE CONSÉQUENTE DES MOYENS DES ARMÉES

L'invasion de l'Ukraine lancée par la Russie le 24 février 2022 et la guerre qui se poursuit depuis lors constituent un tournant stratégique majeur pour la sécurité en Europe. Elles marquent le retour de l'affrontement entre États souverains et de la guerre de haute intensité en Europe, avec un emploi désinhibé de la force. Elle se caractérise également par un changement d'échelle de la conflictualité, qui se déploie sur tous les champs, aussi bien sur les trois champs historiques (terre, mer, airs) que dans les nouveaux lieux de conflictualité (cyber, information, espace, fonds marins, etc.), et par un volume des unités de combat engagées sans commune mesure avec les combats des dernières décennies.

Ces évolutions s'inscrivent dans le prolongement des tendances géopolitiques identifiées depuis plusieurs années par les principaux documents stratégiques publiés par les armées françaises9(*).

Le bouleversement géostratégique induit par la guerre en Ukraine avait amené le Parlement, à l'initiative du Président de la République, à décider d'interrompre la loi de programmation militaire (LPM) prévue pour la période 2019-2025, au profit d'une nouvelle LPM couvrant la période 2024-2030, entrée en vigueur le 1er août 202310(*). Cette nouvelle LPM poursuit et amplifie l'effort de « réparation » entrepris par la LPM 2019-202511(*).

Elle prévoit une enveloppe de 400 milliards d'euros en CP pour la période, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » (CAS « Pensions »), soit une hausse de plus de 100 milliards d'euros par rapport à la précédente programmation.

Trajectoire budgétaire de la LPM 2024-2030

(en milliards d'euros courants)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total
2024-2030

LPM adoptée

47,2

50,5

53,7

56,9

60,4

63,9

67,4

400,00

Variation par rapport à l'année N - 1

+ 3,3

+ 3,3

+ 3,2

+ 3,2

+ 3,5

+ 3,5

+ 3,5

Note : Le périmètre de la LPM 2024-2030 porte sur les CP de la mission « Défense » à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat

Les CP de la mission, à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions », doivent être portés à 67,4 milliards d'euros en 2030. La trajectoire programmée prévoit ainsi un taux de croissance annuel moyen de 6,1 % des crédits de la mission, dans la lignée de la programmation précédente. En 2030, les CP annuels de la mission seraient supérieurs de 23,4 milliards d'euros à la dernière année précédant la programmation, à savoir 2023.

Trajectoire en crédits de paiement prévue par la LPM 2024-2030

(en milliards d'euros courants et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030

Doivent s'y ajouter 13,3 milliards d'euros tirés de trois leviers :

- un financement interministériel du soutien à l'Ukraine (1,2 milliard d'euros) ;

- des ajustements de dépenses (6,2 milliards d'euros) ;

- des ressources extrabudgétaires (5,9 milliards d'euros, REB).

Décomposition des ressources complémentaires prévues au profit des armées
par la LPM 2024-2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le ministère des armées lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030

Trajectoire des ressources extrabudgétaires exécutées (2019-2022)
et prévisionnelles (2024-2030)

(en millions d'euros)

Source : réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial12(*) lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030

Il est à noter que la programmation intègre une prise en compte de l'impact de l'inflation à hauteur de 30 milliards d'euros sur la période.

B. UNE PROGRESSION DU BUDGET DE 3,3 MILLIARDS D'EUROS, STRICTEMENT CONFORME À LA PROGRAMMATION

Sur le périmètre de la LPM (soit hors contribution au CAS « Pensions »), les crédits demandés au titre de la mission « Défense » s'élèvent à 50,5 milliards d'euros en PLF 2025, soit une hausse de 3,3 milliards d'euros par rapport à la LFI 2024. La mission « Défense » est celle qui connaît la plus forte hausse de crédits dans le PLF pour 2025.

Évolution des crédits des missions entre la loi de finances initiale pour 2024 
et le PLF initial pour 2025

(en milliards d'euros)

LPR : loi de programmation pour la recherche. Hors LPR : dont aides aux entreprises. FRR : programme temporaire lié au plan de relance13(*). Crédits hors remboursements et dégrèvements, hors contributions directes de l'État au CAS « Pensions ». Crédits de la loi de finances initiale pour 2024 au format du projet de loi de finances pour 2025.

Source : Rapport général (Tome I) relatif au projet de loi de finances pour 2025, fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances du Sénat14(*)

Cette hausse est strictement conforme à la marche prévue par la loi de programmation militaire, dans la lignée des exercices précédents, ce dont le rapporteur spécial se félicite, a fortiori dans un contexte de fortes contraintes pesant sur les finances publiques.

Le respect de la trajectoire de crédits prévue dans les LPM depuis 2019

(en milliards d'euros courants)

La LPM applicable utilisée est celle de 2019-2025 jusqu'en 2023 et celle de 2024-2030 à compter de 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

La hausse des crédits concerne l'ensemble des 16 opérations stratégiques, à la seule exception des contributions au CAS « Pensions ». La progression concernerait principalement les OS suivantes (en CP) :

- les programmes d'équipements à effet majeur (PEM, + 1,45 milliard d'euros, soit + 16 %) et d'accompagnement (+ 273 millions d'euros, soit + 16 %), ainsi que les autres opérations d'armement (+ 184 millions d'euros, soit + 13 %) ;

- le renforcement des moyens concourant à la dissuasion nucléaire (+ 508 millions d'euros, soit + 8 %) ;

- les infrastructures de défense (+ 260 millions d'euros, soit + 12 %) ;

- l'activité opérationnelle, regroupant les dépenses de fonctionnement liées à l'entraînement des forces (+ 208 millions d'euros, soit + 12 %) ;

- l'entretien programmé du matériel (EPM), pour son maintien en condition opérationnelle (+ 160 millions d'euros, soit + 2,8 %).

Les hausses de crédits dédiées aux « PEM » et à la dissuasion nucléaire représentent à elles-seules près de 60 % de la progression totale des CP en 202515(*).

Par ailleurs, les dépenses de personnel proposées sont en légère hausse (+ 93 millions d'euros), soit + 0,7 %, hors CAS « Pensions », dont 26 millions d'euros au titre de la réserve opérationnelle.

Le PLF 2025 amorce également des inflexions introduites par les travaux annuels d'ajustement de la programmation militaire réalisés en 2024, qui a notamment renforcé le caractère stratégique de l'intelligence artificielle (+ 100 millions d'euros par rapport à 2024) et des stocks de munitions (+ 400 millions d'euros).

Par ailleurs, d'après les estimations du ministère des Armées, l'impact de l'inflation sur les dépenses financées par la mission serait réduit de 400 millions d'euros en 2025 par rapport à ce qui était prévu initialement (et de 1,2 milliard d'euros en cumulé sur la période 2025-2030).

DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. UNE MISSION SOUMISE EN EXÉCUTION À DES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES AIGUËS

A. DEPUIS 2022, UNE TRÈS FORTE AUGMENTATION DE 75 % DU REPORT DE CHARGES, QUI S'ÉTABLIT À PRÈS D'UN QUART DE POINT DE PIB...

Depuis la fin de l'exercice 2022, le report de charges de la mission « Défense » tend à progresser de façon très significative.

La notion de report de charges

Le report de charges est une notion budgétaire qui regroupe les dépenses qui auraient dû être réglées en année N et qui constituent des dettes certaines. Il peut s'agir soit :

- de charges à payer, à savoir des charges au titre d'engagements juridiques consommés et pour lesquels le service fait a été constaté en N mais le paiement n'a pas été effectué (du fait en particulier, pour les livraisons en fin d'année, du délai normal de traitement des factures) ;

- de « dettes fournisseurs », qui auraient dû être liquidées en année N mais ne l'ont pas été, faute de crédits de paiement effectivement disponibles à cet effet : elles sont en principe liquidées en début d'année N+1, lors de la mise à disposition des crédits de l'exercice suivant ou éventuellement des crédits reportés depuis l'année N.

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, alors que le report de charges de 2022 vers 2023 était de 3,88 milliards d'euros, il devrait s'établir à 6,80 milliards d'euros de 2024 vers 2025, soit une hausse supérieure à 75 % en deux ans, correspondant à 2,9 milliards d'euros.

Évolution du report de charges de la mission « Défense »
en valeur entre fin 2019 et fin 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

L'augmentation du montant du report de charges en deux ans est ainsi quasiment équivalente à une marche annuelle d'augmentation des CP de la mission « Défense » sous la LPM 2024-2030 (+ 3,3 milliards d'euros en 2024 par exemple).

Elle concerne tant les charges à payer que les dettes fournisseurs, ces dernières ayant un plus grand effet en valeur.

Évolution des deux composantes du report de charges
entre fin 2022 et fin 2023
16(*)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

Cette évolution se traduit également en proportion des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, étant entendu que le niveau de report de charges « structurel incompressible » peut être estimé, sur la base du délai global de paiement moyen du ministère (qui est particulièrement faible), à environ 5 % selon la Cour des comptes17(*). À fin 2024, le report de charges continue de progresser et s'établirait à 20,3 %, contre 13,7 % à fin 2022.

Évolution du report de charges de la mission « Défense »
en proportion des crédits, hors personnel

(en pourcentage des crédits, hors dépenses de personnel)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

La LPM pour 2019-2025 prévoyait une trajectoire de réduction progressive de la proportion du report de charges. Si elle a été globalement respectée jusqu'à fin 2021, un écart apparaît à compter de 2022, dans un contexte de forte hausse de l'inflation à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. L'écart se creuse ensuite nettement, pour s'établir à près de 8 points de décalage à fin 2023, dernière année d'exécution de la LPM 2019-2025. La LPM pour 2024-2030 ne prévoit pas, quant à elle, de trajectoire spécifique pour le report de charges.

Trajectoire prévue par la LPM 2019-2025 pour le report de charges
en proportion des crédits, hors personnel

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Report de charges de la mission « Défense »

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Report de charges

16 %

15 %

14 %

12 %

12 %

11 %

10 %

Source : commission des finances du Sénat d'après la loi de programmation militaire 2019-2025

La hausse du report de charges peut être expliquée par trois facteurs principaux.

Les trois principaux facteurs pouvant conduire à une hausse du report de charges

Trois facteurs principaux peuvent expliquer une variation à la hausse du report de charges s'agissant de la mission « Défense ».

D'un point de vue conjoncturel, cet outil peut être mobilisé pour faire face à une inflation supérieure aux estimations, d'une part, et éventuellement pour réguler le déficit public exécuté en fin d'année, d'autre part.

D'une part, en présence d'un niveau d'inflation supérieur aux prévisions, l'exécution budgétaire de l'ensemble des dépenses prévues en cours d'année n'est pas réalisable à niveau de crédits constant. Dans le cas où l'hypothèse d'une réduction des ambitions est écartée, ce qui est généralement le cas s'agissant de la mission « Défense », la hausse du report de charges peut constituer un outil contracyclique efficace, dans l'attente que le niveau d'inflation baisse les années ultérieures.

D'autre part, une hausse du report de charges de l'année N vers l'année N + 1 peut permettre de respecter la norme de dépenses fixée pour le ministère en année N et/ou de réduire le déficit public exécuté affiché.

D'un point de vue structurel, cet outil peut également être mobilisé comme une variable d'ajustement permettant, en début de période de LPM, de procéder à des dépenses plus élevées que ne le permettent les crédits disponibles - même s'ils sont orientés à la hausse - afin d'atteindre les objectifs capacitaires et opérationnels fixés à l'horizon de la fin de programmation. Concrètement, le report de charges augmente ainsi en début de période de programmation, pour décroître en fin de période, à mesure que le nombre de livraisons se réduit et que les crédits continuent d'augmenter.

Source : commission des finances du Sénat

Concrètement, il semble que l'ensemble des trois facteurs de variation du report de charge sont à l'oeuvre depuis 2022.

En premier lieu, la forte hausse du niveau d'inflation, à compter de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, par rapport aux niveaux attendus en 2022 et 2023 a conduit à rehausser le niveau de report de charges ces années-là, afin de garantir le niveau des livraisons programmées initialement.

En deuxième lieu, l'année 2024 mais également l'année 2023 - du fait de l'ouverture d'une enveloppe exceptionnelle de 1,5 milliard d'euros de crédits en préparation de l'entrée dans la LPM 2024-2030 - ont été marquées par l'utilisation du report de charges comme une variable d'ajustement structurelle caractéristique des débuts de période de programmation.

En dernier lieu, l'exécution budgétaire de fin d'année 2023 a été marquée par une volonté gouvernementale, ne relevant pas de la responsabilité du ministère des armées, de réduire le déficit public exécuté en reportant une partie des crédits qui auraient dû initialement être exécutés en 2023, sur 2024. Ainsi, comme l'a proposé une note des services de Bercy en date du 7 décembre 2023, 1,6 milliard d'euros de dépenses sur la mission « Défense »18(*) prévues pour l'année 2023 ont été repoussées à cet effet à 2024, décision qui n'a pas relevé du ministère des armées. De même, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 procède à différentes annulations de crédits, alors même que le report de charges augmente nettement. Ainsi, à titre d'illustration, alors que ledit projet de loi annule 532 millions d'euros de crédits en AE et en CP sur le programme 146 « Équipement des forces », le report de charges de ce programme augmente de 1,47 milliard d'euros de fin 2023 à fin 2024.

Évolution du report de charges ventilé par programmes
de la mission « Défense » entre fin 2023 et fin 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

Il résulte du cumul de ces trois facteurs une augmentation du report de charges dont l'acuité la rend difficilement soutenable, même en début de période de programmation, et qui rendrait l'absorption d'un nouveau choc très difficile. Le stock de reports de charges de 2024 vers 2025 devrait ainsi atteindre 0,24 point de PIB, contre un peu moins de 0,15 point en 2022. En 2 ans, le report de charges a ainsi augmenté d'environ 0,1 point de PIB.

En outre, le rapporteur spécial constate que le report de charges a continué d'augmenter en 2024, tant en valeur (+ 700 millions d'euros, pour s'établir à 6,8 milliards d'euros) qu'en proportion des crédits hors dépenses de personnel (+ 0,5 point, pour s'établir à 20,3 %), alors même que l'un des facteurs principaux la justifiant a disparu en 2024, à savoir un niveau d'inflation constaté qui serait plus élevé qu'initialement prévu. En effet, selon le ministère des armées, le tassement plus fort qu'anticipé du coût des facteurs en 2024 conduit d'ailleurs même à une économie d'environ 600 millions d'euros cette année.

Au final, il apparaît que, depuis fin 2022, le ministère des armées mobilise très fortement le report de charges comme une variable d'ajustement lui permettant d'ouvrir des droits à paiement auprès des entreprises d'une ampleur plus importante que ce qu'il règle effectivement. Le ministère des armées achète ainsi plus que ce qu'il ne peut payer, soit qu'il ne dispose pas de crédits à hauteur du montant des achats, soit que les arbitrages gouvernementaux ne lui permettent pas de tous les consommer.

Si cette tendance à la hausse est classique en début de loi de programmation et dans un contexte d'inflation plus forte qu'anticipée initialement, son acuité doit interroger, a fortiori dans un contexte de tassement important du coût des facteurs de production depuis 2024. Elle génère une dette exigible qu'il faudra régler un jour.

Par ailleurs, le non-règlement des factures correspondant au report de charges (pour la partie des « dettes fournisseurs ») dans les délais réglementaires donne lieu au règlement par le ministère des armées d'intérêts moratoires auprès des entreprises. En 2023, ces intérêts ont représenté 18,4 millions d'euros à l'échelle de la mission, contre 12,7 millions d'euros en 2022. La forte hausse des dettes contractées auprès des fournisseurs devrait conduire à une hausse des montants concernés. Certes, ces derniers devraient néanmoins restés relativement limités en comparaison de l'ampleur des dettes, grâce à « une certaine virtuosité » des gestionnaires de marchés du ministère pour en limiter l'ampleur, selon l'expression d'une personne auditionnée. Néanmoins, il s'agit d'une perte sèche de ressources publiques.

Surtout, le financement des dépenses du ministère ne saurait être délégué de facto aux industriels de la défense dans une ampleur trop importante. Certes, les titulaires des marchés, à savoir principalement la dizaine de grands industriels de la défense, bénéficient en conséquence des intérêts moratoires. Néanmoins, cela n'est pas forcément le cas des nombreuses entreprises sous-traitantes, dont le financement constitue pourtant une préoccupation majeure, souvent soulignée par le Sénat. Plus largement, la forte progression des dettes auprès des fournisseurs apparaît quelque peu antinomique avec l'« économie de guerre » censée permettre de produire plus et plus vite, en renforçant la base industrielle et technologique de défense.

B. ... QUI S'EST ACCOMPAGNÉE D'UNE HAUSSE DES REPORTS DE CRÉDITS, POUVANT CONDUIRE À LA MISE EN PLACE DE FACTO D'UN « FONDS DE ROULEMENT »

Sur la même période que pour la hausse du report de charges, à savoir de fin 2022 à fin 2024, les reports de crédits ont également nettement augmenté. Alors que seuls 51 millions d'euros de CP avaient été reportés de 2021 à 2022, 263 millions d'euros l'ont été de 2022 vers 2023, puis 1,648 milliard d'euros de 2023 vers 2024.

Évolution du montant des reports des crédits en CP sur trois ans

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

Cette très forte progression du niveau de report de crédits est essentiellement due à l'ouverture d'une enveloppe de près de 1,6 milliard d'euros en loi de finances de fin de gestion pour 202319(*), très rapidement gelée puis reportée vers 2024, pour des raisons de maîtrise du déficit public exécuté20(*). Néanmoins, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, le montant des crédits qui seraient reportés de 2024 vers 2025 serait « similaire au montant des crédits reportés de 2023 vers 2024 », à savoir environ 1,6 milliard d'euros. Ce report de crédits serait dû « à des dépenses initialement prévues fin 2024, qui auront finalement lieu début 202521(*) ». Il convient tout de même de constater que la hausse du report de charges s'accompagne de facto d'une progression des reports de crédits, et ce dès fin 2022.

Une telle évolution simultanée à la hausse, par rapport à fin 2022, des reports de charge et de crédits est de nature à faire craindre que ne se mette en place une forme de « fonds de roulement », consistant à reporter les paiements et les crédits d'une fin d'année au début de la suivante, comme le constatait d'ailleurs récemment la Cour des comptes pour ce qui concerne l'exercice 202322(*). Or, un tel mécanisme est contradictoire avec le principe d'annualité budgétaire et nuit à la lisibilité de l'exécution de la trajectoire de programmation. Il favorise en outre l'augmentation du report de charges.

Finalement, il apparaît que pour des raisons tenant à l'anticipation des commandes pour parvenir aux objectifs capacitaires et opérationnels à l'horizon 2030, au maintien du programme des achats en période de forte inflation, et à la régulation gouvernementale des objectifs de dépenses du ministère des armées et de déficit public affiché exécuté, l'exécution budgétaire de la mission « Défense » est marquée depuis 2023 par des contraintes budgétaires devenues aiguës, tenant à son niveau de report de charges et de crédits.

C. UNE FIN DE GESTION MANQUANT DE LISIBILITÉ ET QUI POURRAIT NE PAS GARANTIR LE FINANCEMENT DE L'ENSEMBLE DES SURCOÛTS POUR 2024

La fin de gestion constitue traditionnellement un enjeu important pour la mission, en ce qu'elle implique de traiter le financement des surcoûts auxquels les armées sont amenées à faire face au titre de leurs engagements opérationnels. Des dispositions spécifiques sont prévues en LPM à cet égard (voir encadré), afin de ne pas faire assumer à la seule mission « Défense » les surcoûts liés aux engagements opérationnels menés pour le compte de la France.

Les dispositions relatives au financement des surcoûts prévus
par la LPM 2024-2030

Cinq types principaux de surcoûts éventuels peuvent apparaître en gestion au titre des engagements opérationnels des armées. La LPM 2024-2030, comme la précédente, prévoit plusieurs dispositifs relatifs à leur financement.

1. Les opérations extérieures et les missions intérieures

L'article 5 de la LPM 2024-30 établit une provision annuelle au titre des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISSINT). Contrairement à celle qui était prévue par la précédente LPM, cette provision intègre les crédits de masse salariale. Son montant est fixé à 750 millions d'euros pour 2025 (et ce chaque année jusqu'en 2030), contre 800 millions d'euros cette année et 1,1 milliard d'euros en 2023. Cette baisse importante résulte du désengagement opérationnel partiel des forces françaises de la bande sahélo-saharienne.

Toutefois, « en gestion, les surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures, nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l'objet d'un financement interministériel. » étant précisé que la « participation de la mission « Défense » à ce financement interministériel ne peut excéder la proportion qu'elle représente dans le budget général de l'État. » En outre, si « le montant des surcoûts nets ainsi défini est inférieur à la provision, l'excédent constaté est maintenu au profit de la mission « Défense » ».

2. Les opérations de renforcement du flanc oriental de l'OTAN en Europe

Les missions menées par les armées françaises depuis février 2022 au titre du renforcement du flanc oriental de l'OTAN (missions AIGLE en Roumanie et LYNX en Estonie, missions aériennes et navales dans plusieurs pays d'Europe), qui ne relèvent pas stricto sensu d'« opérations extérieures », génèrent également des surcoûts importants ayant vocation à être traités dans le cadre des schémas de fin de gestion. La LPM ne comporte toutefois pas de disposition explicite en ce sens.

3. L'effort national de soutien à l'Ukraine

L'article 4 de la LPM 2024-2030 prévoit que s'ajoutent aux ressources prévues au titre de la programmation celles nécessaires au financement de l'effort national de soutien à l'Ukraine, en précisant que celles-ci « concernent notamment le financement de contributions à la Facilité européenne pour la paix, des recomplètements nécessaires, en cas de cessions d'équipements ou de matériels, à la préservation intégrale du format des armées prévu par la programmation [...] ou d'aides à l'acquisition de matériels ou de prestations de défense et de sécurité. Ces moyens seront déterminés en loi de finances de l'année ou en exécution, en cohérence avec l'évolution du contexte géopolitique et militaire ».

4. Le remplacement de matériels prélevés sur les parcs des armées au titre du soutien à l'exportation

Le même article de la LPM 2024-2030 prévoit également qu'« en cas de prélèvement d'équipements ou de matériels sur les parcs des armées au titre du soutien à l'exportation, s'ajouteront les ressources nécessaires au financement des recomplètements nécessaires à la préservation intégrale du format des armées prévu par la programmation militaire présentée dans le rapport annexé à la présente loi. Ces moyens seront déterminés en loi de finances de l'année ou en exécution ».

5. Les énergies opérationnelles

L'article 6 de la LPM 2024-2030 prévoit qu'« en cas de hausse du prix constaté des énergies opérationnelles, la mission « Défense » bénéficiera de mesures financières de gestion, si nécessaire par ouverture de crédits en loi de finances rectificative et en loi de finances de fin de gestion ».

Source : commission des finances du Sénat

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, les surcoûts au titre des OPEX et MISSINT sont estimés à ce stade à 1,3 milliard d'euros en 2024 (hors dépenses liées à la crise en Nouvelle-Calédonie), soit un montant similaire à 2023 (1,351 milliard d'euros). Par rapport à l'année dernière, la baisse des dépenses des OPEX (causée par la réorganisation du dispositif en Afrique) serait compensée par la hausse de celles liées aux missions intérieures générées par la contribution des armées à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP).

S'y ajoutent les autres surcoûts, dont les montant n'ont pas été communiqués par le ministère des armées au rapporteur spécial, en raison du fait qu'ils « restent à consolider et sont encore susceptibles d'évoluer compte tenu de l'instabilité du contexte géopolitique23(*) ». Sont concernés en particulier cette année24(*) :

le soutien direct à l'Ukraine, correspondant aux recomplètements liés à des cessions d'équipements, aux actions de formation des forces ukrainiennes et à la contribution nette à la facilité européenne pour la paix (FEP). Le montant estimé des dépenses serait en hausse par rapport à 2023 en raison d'une augmentation des coûts liés aux recomplètements de cessions25(*) ;

les opérations de renforcement du flanc oriental de l'OTAN en Europe (missions AIGLE et LYNX, déploiements aériens et navals) ;

- l'appui des forces armées aux forces de sécurité intérieure et civiles en Nouvelle-Calédonie.

Pour faire face à l'ensemble des surcoûts, comme chaque année, le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 prévoit l'ouverture de crédits « frais ». 160 millions d'euros sont ainsi ouverts au titre des dépenses de personnel (en AE et CP sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense ») et 677 millions d'euros au titre des autres types de dépenses (programme 178 « Préparation et emploi des forces »), soit 837 millions d'euros au total. Selon ledit projet de loi, ces crédits ont vocation à couvrir les surcoûts liés aux OPEX, aux JOP, aux déploiements sur le front oriental de l'OTAN, aux interventions en Nouvelle-Calédonie et au soutien à l'Ukraine. Ils se cumulent à la provision de 800 millions d'euros au titre spécifiquement des OPEX et des MISSINT, ce qui porte les crédits disponibles pour couvrir les surcoûts sur l'ensemble de l'année à 1 637 millions d'euros.

S'y ajoutent deux financements complémentaires exceptionnels : d'une part, une économie liée à un moindre inflation pour la mission en 2024 (estimée à 600 millions d'euros) et, d'autre part, les ressources tirées du produit des avoirs russes gelés (estimées à 300 millions d'euros)26(*). Cette économie et ces ressources complémentaires sont affectées à l'aide à l'Ukraine. Au total, 2 537 millions d'euros seraient ainsi disponibles pour financer les surcoûts de 2024.

Financements ou économies dédiés au financement des surcoûts pour 2024

Type de financement ou d'économie

Montant

(en millions d'euros)

Provision initiale au titre des OPEX et MISSINT

800

Crédits ouverts par le PLFG au titre des surcoûts de 2024 (OPEX, JOP, déploiements sur le front oriental de l'OTAN, Nouvelle-Calédonie et Ukraine)

837

Total (crédits)

1 637

Économie liée à un moindre coût des facteurs en 2024, affectée à l'aide à l'Ukraine

600

Ressources liées au produit des avoir russes gelés, affectées à l'aide à l'Ukraine

300

Total (crédits, économies et ressources complémentaires)

2 537

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

Ne disposant pas d'un chiffrage de l'ensemble des surcoûts pour 2024, le rapporteur spécial n'est pas en mesure d'établir si les financements ouverts à cet effet sont suffisants pour les couvrir.

II. APRÈS DES ANNÉES DIFFICILES, UNE RÉELLE AMORCE DE LA HAUSSE DES EFFECTIFS ?

A. UN SCHÉMA D'EMPLOIS POUR 2024 QUI POURRAIT ÊTRE ATTEINT, AU PRIX D'UN ABAISSEMENT DE LA CIBLE PAR RAPPORT À LA TRAJECTOIRE PRÉVUE EN LPM

La trajectoire de hausse des effectifs prévue par la LPM 2024-2030 s'inscrit dans une conjoncture marquée par de fortes tensions sur le marché du travail. Pour tenir compte de ce contexte, l'article 7 de la LPM 2024-203027(*) prévoit une augmentation nette des effectifs du ministère des Armées limitée annuellement à 700 équivalents temps plein (ETP) en 2024 et 2025, soit un net ralentissement par rapport à la cible fixée la même année par la précédente LPM (+ 1 500 ETP), avant d'atteindre 1 200 ETP en fin de période (en 2030). Au total, sur la période de programmation, 6 300 ETP doivent être créés. S'y ajoute un doublement du nombre de réservistes, avec un effectif visé de 80 000 réservistes en 2030.

Cibles d'augmentations nettes d'effectifs du ministère des Armées (périmètre LPM)

(en ETP)

LPM

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total

LPM 2019-2025

450

300

300

450

1 500

1 500

1 500

-

-

-

-

-

6 000

LPM 2024-2030

-

-

-

-

-

700

700

800

900

1 000

1 000

1 200

6 300

Source : commission des finances du Sénat, d'après les LPM 2019-2025 et 2024-2030

Répartition du schéma d'emplois de la programmation 2024-2030 (+ 6300 ETP)
entre les principaux domaines d'emploi

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial28(*) lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030

Néanmoins, les armées ont connu depuis 2020 de grandes difficultés pour atteindre les schémas d'emplois fixés.

Programmation et exécution des schémas d'emplois depuis 2019

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2021, 2022 et 2023, les schémas d'emplois réalisés (respectivement - 540, - 979 et - 2 515 ETP) s'établissaient à un niveau très inférieur aux cibles d'augmentation nette d'effectifs du ministère des armées prévus par la LPM 2019-2025 (respectivement + 300, + 450 et + 1 500 ETP). Au total, les effectifs auront connu une diminution de - 4 034 ETP sur la période 2019-2023, contre + 2 250 ETP prévus en LPM, soit un écart de près de 6 300 ETP en trois ans.

Dans ce contexte, la prévision de schéma d'emplois inscrite au PLF 2024 était seulement de 400 ETP (456 en incluant le service industriel de l'aéronautique et des ré-internalisations d'emplois), soit 300 ETP de moins que ne le prévoyait la LPM.

Selon les personnes entendues par le rapporteur spécial, le schéma d'emplois fixé en PLF 2024 pourrait être tenu, voire dépassé, pour la première fois depuis 2020. Si l'atteinte de l'objectif est obtenue au prix d'une moindre ambition de ce dernier par rapport à la LPM, il s'agit néanmoins d'une bonne nouvelle. Ce résultat résulterait en particulier d'un moins grand nombre de départs du ministère, effet que le ministère attribue notamment aux mesures prises en faveur de la fidélisation des personnels29(*).

B. UN SCHÉMA D'EMPLOIS POUR 2025 DE + 700 ETP CONFORME À LA TRAJECTOIRE PRÉVUE EN LPM ET QUI S'APPUIE SUR UNE STRATÉGIE DE FIDÉLISATION DES PERSONNELS

Le PLF 2025 prévoit un schéma d'emplois de + 700 pour 2025, soit un niveau conforme à la LPM30(*), et supérieur de 300 ETP à celui prévu en 2024. Il convient de noter qu'aucun schéma d'emplois n'a été exécuté à ce niveau depuis 2019.

Le schéma d'emplois se décompose en 630 ETP au profit du ministère des armées et 70 ETP dédiés à la direction des applications militaires du commissariat à l'énergie atomique (CEA). La réserve opérationnelle verrait quant à elle ses effectifs augmenter de 3 800 réservistes.

Répartition du schéma d'emplois de 2025 entre les principaux domaines d'emploi

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

Pour l'atteindre, le ministère des armées table sur une réduction plus forte des sorties que celle des entrées par rapport à la prévision pour 2024. Cette tendance résulterait de succès en matière de fidélisation des personnels, qui fait l'objet d'une politique dédiée depuis plusieurs années.

Celle-ci vise à rentabiliser au mieux l'investissement consenti au profit du personnel. Elle se donne pour objectif de conserver l'expérience acquise et les compétences détenues, notamment au sein des forces, et en particulier s'agissant de compétences en tension. La fidélisation est aussi gage d'efficacité opérationnelle dans un contexte d'augmentation du nombre de missions et de durcissement des opérations.

Les politiques sont déclinées selon trois volets :

- le volet indemnitaire : outre la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), dont l'ensemble des mesures sont applicables depuis 2024, des dispositifs spécifiques ont été déployés dans le cadre de la politique de fidélisation, au premier rang desquels la prime de lien au service (PLS), qui permet de cibler les compétences à fidéliser en orientant les flux et en définissant annuellement les viviers prioritaires, avec une grande souplesse laissée aux gestionnaires.

La nouvelle politique de rémunération des militaires

Le vaste chantier de refonte de la rémunération des militaires baptisé « nouvelle politique de rémunération des militaires » (NPRM) a été engagé en 2017. Il concerne l'ensemble du personnel relevant du statut général des militaires et s'étend à la majorité des éléments de rémunération servis à ce personnel (hors éléments de rémunération interministériels).

Cette nouvelle politique salariale poursuit plusieurs objectifs :

- permettre aux armées de conduire les politiques de ressources humaines dont elles ont et auront besoin demain (recrutement et conservation de compétences concurrentielles, adaptation aux évolutions des métiers) ;

- réaffirmer et mieux prendre en compte les sujétions et obligations inhérentes au statut de militaire ;

- s'adapter aux nouveaux enjeux sociaux de la communauté militaire (logement, mobilité, absence, nouvelles formes de vie familiale, etc.) ;

- permettre de simplifier la solde pour la rendre plus compréhensible et plus lisible par le militaire.

Ce projet a bénéficié de ressources programmées dans la loi de programmation militaire 2019-2025. La réforme repose sur un aménagement ciblé des grilles indiciaires et une rénovation complète du dispositif indemnitaire, réorganisée autour de trois volets et huit indemnités rémunérant chacune une seule sujétion :

- le volet « militarité », traitant des sujétions liées au milieu militaire, avec l'indemnité d'état militaire (IEM), l'indemnité de garnison (IGAR) et l'indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM) ;

- le volet « finalités », valorisant l'engagement opérationnel et l'exercice de responsabilités militaires, avec l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle (ISAO) et la prime de commandement et de responsabilité militaire (PCRM) ;

- le volet « capacités », favorisant la génération des ressources en quantité et en qualité nécessaires à l'accomplissement de la mission, avec la prime de parcours professionnels des militaires (3PM), la prime de performance (PERF) et la prime de compétences spécifiques des militaires (PCSMIL).

Ces primes ont été progressivement instituées à compter de 2021, engendrant à chaque « marche » un surcoût par rapport aux dispositifs remplacés :

- la « première marche » mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2021 s'est traduite par la mise en place de l'IMGM, et a engendré un surcoût de 40,5 millions d'euros ;

- la « deuxième marche » mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2022 s'est traduite par la mise en place de l'ISAO, de la PCRM et de la PERF, qui ont engendré un surcoût cumulé de 62 millions d'euros ;

- la « troisième marche » mise en oeuvre à compter du 1er octobre 2023 s'est traduite par la mise en place de l'IEM, de l'IGAR, de la 3PM et de la PCSMIL (remplaçant à elle seule 19 primes) qui ont engendré un surcoût cumulé de 88 millions d'euros en 2023 et un surcoût en année pleine de 351 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

- le volet carrière, avec notamment des assouplissements des conditions pour passer du statut de contractuel au statut de carrière pour les officiers et des conditions d'âge pour l'accès aux commandements d'unités opérationnelles et l'objectif de modernisation des outils de formation ;

le volet « conciliation entre vie professionnelle et vie privée », avec notamment la mise en oeuvre du plan Famille 2, doté de 750 millions d'euros sur 2024-2030 et centré autour de trois priorités : l'accompagnement de la mobilité (par exemple avec des mesures visant à atténuer la charge administrative, à accompagner les conjoints vers l'emploi, etc.), la compensation des contraintes opérationnelles les plus fortes (par exemple avec des mesures visant l'augmentation de l'offre de garde de jeunes enfants, notamment en horaires atypiques, à proposer au personnel une offre d'accès gratuit à internet en haut débit, y compris à l'étranger et dans certains bâtiments de la Marine) et l'amélioration de la vie quotidienne des familles dans les territoires (infrastructures de loisirs notamment).

Depuis mars 2024, un nouveau plan, intitulé « fidélisation 360 », est déployé dans l'objectif d'adopter une démarche de fidélisation globale et consolidée.

Le plan « fidélisation 360 »

Le plan « fidélisation 360 » a été lancé en mars 2024 par le ministre des armées, Sébastien Lecornu. Il vise à couvrir une logique à 360 degrés et portent aussi bien sur les contraintes opérationnelles que la mobilité, les conditions de travail et de vie en emprise militaire, la rémunération ou encore le parcours professionnel.

La démarche comprend 33 mesures regroupées en 6 axes :

- mieux compenser les sujétions militaires ;

- accompagner la mobilité ;

- améliorer les conditions de travail et de vie en emprise militaire ;

- assurer une juste rémunération ;

- proposer des parcours professionnels flexibles et évolutifs ;

- gagner la bataille des perceptions.

Le plan se structure autour d'outils financiers, d'avantages statutaires, de parcours professionnels qualifiants, de l'amélioration de l'accompagnement du personnel et de la prise en compte de la qualité de vie au travail.

Une partie des dispositifs mobilisés par ces outils existent déjà (NPRM, prime de lien au service, révision des grilles indiciaires31(*)). D'autres sont mis en oeuvre à compter de 2024 (aides aux déménagements, accompagnement vers l'emploi des conjoints, offres de prêts à taux préférentiels pour l'accès à la propriété, aides à la garde en horaires atypiques, etc.), tandis qu'une dernière partie sera mise en oeuvre ultérieurement, notamment à compter de 2025 (étude de l'élargissement de l'assiette de la pension militaire de retraite, développement de l'offre de logement pour les militaires mutés, etc.).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le PLF 2025 prévoit une hausse de 139 millions d'euros des crédits en faveur des revalorisations salariales, dont 89 millions d'euros relevant de l'extension en année pleine de mesures mises en oeuvre en cours d'année 2024 et de 50 millions d'euros de mesures nouvelles entrant en vigueur en 2025.

Sont concernés des efforts indiciaires incitant à la progression de carrière et des efforts indemnitaires ciblant les métiers en tension (cybersécurité, systèmes d'information et de communication, maintien en condition opérationnelle, santé, etc.). Peuvent notamment être citées la révision de la grille indiciaire des sous-officiers supérieurs (+ 42 millions d'euros) et des officiers (+ 12,5 millions d'euros), la politique salariale en faveur des agents contractuels (+ 27 millions d'euros) et une prime dans le domaine du numérique (+ 6,7 millions d'euros).

III. LES ÉQUIPEMENTS : UNE ANNÉE MARQUÉE PAR LA POURSUITE DES PROGRAMMES D'ACQUISITIONS CAPACITAIRES

A. LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE A ENTRAÎNÉ LE DÉCALAGE DE PLUSIEURS PROGRAMMES D'ARMEMENTS STRUCTURANTS

La LPM 2024-2030 s'inscrit dans la continuité de la précédente LPM, qui avait été adossée à une programmation visant à poser les jalons permettant d'atteindre « l'Ambition 2030 ».

Cette ambition définit les contrats opérationnels, et les formats des armées à l'horizon 2030, en posant des jalons intermédiaires en 2021 et en 2025 sur chaque segment capacitaire. Pour autant, la programmation proposée pour 2024-2030 prévoit le décalage de ces cibles à l'horizon 2035 sur certains segments pourtant majeurs concernant les trois forces. Sont notamment concernés le programme Scorpion de renouvellement des capacités de combat de l'armée de Terre, le programme « Frégates de défense et d'intervention » de la Marine ainsi que le programme Rafale de l'armée de l'Air et de l'Espace.

D'après les responsables du ministère des armées auditionnés par le rapporteur, ce choix se justifierait notamment par un souci de faire primer la « cohérence » sur la masse. En d'autres termes, la programmation proposée permettrait de s'assurer que chaque capacité soit pleinement opérationnelle en termes de soutien, de maintien en condition opérationnelle, de munitions et de formation des effectifs appelés à l'utiliser, quitte à retarder certaines livraisons et décaler l'atteinte des cibles prévues.

Cependant, comme le rapporteur spécial l'avait rappelé en sa qualité de rapporteur pour avis sur le projet de loi de programmation militaire32(*), si ce raisonnement est fondé, on ne peut que constater que la nouvelle programmation militaire n'est pas à la hauteur de l' « Ambition 2030 ». Ces décalages envoient un signal ennuyeux alors que la guerre en Ukraine, conflit de haute intensité faisant appel à la masse, a justement confirmé le diagnostic posé à l'époque sur la dégradation du contexte stratégique qui a justifié l'élaboration de l' « Ambition 2030 ».

Principaux décalages de programmes à effet majeur
prévus par la LPM 2024-2030

Force

Capacités

« Ambition 2030 »

Parc fin 2023

Parc fin 2030

Parc à horizon 2035

Équipements

Description

Armée de Terre

Leclerc rénovés

Char de combat. Les travaux de rénovation doivent permettre d'intégrer cette capacité au programme SCORPION pour le combat collaboratif avec les autres blindés.

200

19

160

200

SCORPION (programme de renouvellement des capacités de l'armée de Terre autour d'un système de combat collaboratif)

Jaguar

Engin blindé de reconnaissance. Appelé notamment à remplacer l'AMX- 10 RC.

300

60

238

300

Griffon

Véhicule blindé multirôle (VBMR) lourd destiné au transport de soldats au plus près des combats. Appelé à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB).

1 818

575

1 437

1 818

Serval (dont Scorpion)

VBMR léger tactique polyvalent (transport de troupe, pose de commandement...). Appelé à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB).

2 038 (978)

189 (nc)

1 405 (660)

2 038 (978)

Marine nationale

Frégates de défense et d'intervention (FDI)

Bâtiments de combat capables d'opérer dans tous les domaines de lutte (antinavire, antiaérien, anti-sous-marin et projection de forces spéciales). Appelées à remplacer les Frégates type La Fayette (FLF).

5 FDI

5 FLF

3 FDI + 
2 FLF rénovées

5 FDI

Patrouilleurs hauturiers (PH)

Bâtiments contribuant à des missions de surveillance et de défense maritime du territoire. Appelés à remplacer les Patrouilleurs de haute-mer et les Patrouilleurs de service public (PSP).

10 PH

6 PHM + 3 PSP

7 PH

10 PH

Armée de l'Air et de l'Espace

Rafale

Avions de chasse omnirôle (pénétration et attaque au sol par tous les temps, attaque à la mer, défense et supériorité aérienne, intervention à long rayon d'action avec ravitaillement en vol, reconnaissance tactique et stratégique). Objectif de remplacement des Mirage 2000 D pour atteindre le « tout-Rafale ».

185 Rafale

100 Rafale + 36 M2000 D rénovés

137 Rafale + 48 M2000 D rénovés

185 Rafale

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annexé à la LPM 2024-2030

B. LE BUDGET 2025 CONSACRE NÉANMOINS UN EFFORT FINANCIER IMPORTANT AUX PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT

En PLF 2025, un effort financier significatif est fourni en faveur de l'achat d'équipements.

Il concerne en particulier les CP consacrés à l'OS « Programmes à effet majeur » (PEM), qui s'élèveraient à 10,6 milliards d'euros, soit une hausse très significative de 1,45 milliard d'euros par rapport à la LFI 2024 (+ 16 %). Cette progression s'inscrit dans la continuité des années précédentes, le taux de croissance annuel moyen de ces crédits étant de 11 % depuis 2019.

Évolution des crédits prévus au titre de l'opération stratégique
« Programmes à effet majeur » depuis 2019

(en CP, en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

D'importantes livraisons sont en effet prévues, notamment sur les segments suivants :

- avions de chasse : 14 Rafale (un de plus que ce qui était prévu pour 2024) et 12 Mirage 2000D rénovés ;

- 1 avion de transport militaire A400M Atlas, 2 avions Atlantique 2 rénovés et 1 avion multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT) ;

- blindés : 308 véhicules Scorpion et environ 20 chars Leclerc rénovés33(*) ;

- 1 frégate de défense et d'intervention.

Le programme Scorpion

Lancé en 2014, le programme Scorpion consiste en la modernisation des groupements tactiques interarmes (GTIA) afin d'accroître, dans une approche globale et cohérente, leur efficacité et leur protection, en utilisant au mieux les nouvelles capacités d'échanges d'information au sein du GTIA.

Il comprend notamment les composantes suivantes :

- des véhicules blindés multi-rôles (VBMR) Griffon et Serval, destinés à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB) - actuellement en service ;

- des engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar, destinés à remplacer l'AMX10-RC, l'engin blindé ERC Sagaie et le VAB HOT ;

- un système d'information du combat Scorpion (SICS) unique destiné à l'ensemble du groupement tactique interarmes ;

- l'adaptation du système de préparation opérationnelle aux nouvelles capacités Scorpion ;

- un premier standard de robotique à des fins de reconnaissance, d'observation, de cartographie et de dépose de charge ;

- des mortiers embarqués pour l'appui au contact (MEPAC) destinés à remplacer une part importante des mortiers de 120mm tractés, par l'intégration d'un mortier semi-automatique de 120mm sur Griffon adapté.

Le programme Scorpion s'accompagne d'un programme de rénovation à mi-vie (RMV) des chars Leclerc, visant à intégrer ce char de la génération précédente dans le combat collaboratif Scorpion à l'adapter aux nouvelles menaces (renforcement des fonctions de protection et d'agression) et à traiter les obsolescences lourdes.

Source : commission des finances, d'après les informations du ministère des armées

D'importantes commandes sont en outre prévues en 2025. Peuvent être cités le lancement de la phase de réalisation du porte-avions de nouvelle génération (PA-NG, voir infra), la commande d'une frégate de défense et d'intervention, de bâtiments de guerre des mines, d'infrastructures liées au programme Rafale ou encore de 8 000 fusils d'assaut.

Au-delà de la seule OS « PEM », le programme 146 « Équipement des forces » - dont le niveau d'AE fait plus que doubler par rapport à 2024 (+ 110,6 %, soit + 27,0 milliards d'euros) - concourt également au financement de programmes qui sont d'une importance déterminante pour la guerre du futur :

- le porte-avion de nouvelle génération (PA-NG), appelé à succéder au Charles-de-Gaulle à l'horizon 2038, au titre duquel pas moins de 10,2 milliards d'euros en AE sont prévus en 2025 (et 208 millions d'euros de CP), destinés à financer en particulier la poursuite de l'établissement de l'avant-projet détaillé du navire et la commande du marché principal de réalisation du PA-NG ;

- les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de 3e génération (SNLE 3G) qui doivent remplacer les quatre SNLE actuels au-delà de l'horizon 2035 afin de moderniser la composante océanique de la dissuasion nucléaire, au titre duquel pas moins de 11,5 milliards d'euros en AE sont prévus en 2025 (et 745 millions d'euros), dans le cadre de la poursuite de la réalisation des travaux ;

le système de combat aérien du futur (SCAF), appelé à succéder au Rafale à l'horizon 2040, programme réalisé en coopération avec l'Allemagne et l'Espagne, au titre duquel 814 millions d'euros en AE sont inscrits (et 295 millions d'euros en CP), portant le total des engagements consentis au titre de ce programme lancé en 2017 à 2,14 milliards d'euros. Après une première phase d'études conceptuelles, la deuxième phase du programme devra permettre la réalisation des démonstrateurs (chasseur de 6e génération, drones et cloud de combat). Prévu initialement en 2025, son lancement a toutefois été reporté à avril 2026 en raison du calendrier politique allemand, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial34(*) ;

- le projet Main Ground Combat System (MGCS), appelé à succéder au char Leclerc à l'horizon du milieu des années 2030, programme réalisé en coopération avec l'Allemagne, suite à la signature d'un accord en 2020. Après de nombreux retards, un accord a été conclu en avril 2024 entre les deux nations afin de démarrer des travaux de recherche incluant des démonstrations. En 2025, des AE seront engagés au titre de ce programme, quoiqu'à un niveau modeste (97,6 millions d'euros, et 15 millions d'euros en CP) ;

- l'acquisition de munitions, pour 1,9 milliard d'euros en 2025, soit 400 millions d'euros de plus qu'en 2024.

L'avancement des programmes SCAF et MGCS, réalisés en coopération, constitue un point de vigilance majeur du rapporteur spécial. Malgré la convergence exprimée par les états-majors sur le besoin militaire, la mise en oeuvre industrielle a pris un retard très important.

C. DES BESOINS DE RECOMPLÈTEMENT ENCORE SIGNIFICATIFS, QUI PÈSENT SUR LE POTENTIEL MILITAIRE DES ARMÉES

1. La cession de 24 Rafale à la Croatie et à la Grèce

Le 25 janvier 2021, un contrat a été signé entre la France et la Grèce pour la vente de 18 avions Rafale, dont 12 d'occasion prélevés sur la dotation de l'Armée de l'air et de l'espace, faisant de la Grèce le premier client export du Rafale membre de l'UE, mais aussi de l'OTAN. Le premier avion a été livré au client le 21 juillet 2021 ; les activités de formation des personnels grecs se poursuivent en France.

Fin mai 2021, le gouvernement croate a également fait le choix de l'offre française proposant 12 avions Rafale d'occasion (prélevés sur la dotation de l'Armée de l'air et de l'espace). Cette commande porte à 24 le nombre total d'appareils prélevés sur la flotte actuelle de l'armée de l'air.

Le programme Rafale

Le Rafale est un appareil polyvalent, capable d'effectuer toutes les missions dévolues à un avion de chasse : dissuasion nucléaire, pénétration et attaque au sol par tous les temps, attaque à la mer, défense et supériorité aérienne, intervention à long rayon d'action avec ravitaillement en vol, reconnaissance tactique et stratégique. Il est aussi un appareil omni-rôle : il peut, au cours du même vol, assurer différents types de missions, par exemple l'attaque au sol et la défense aérienne. Premier appareil conçu dès l'origine pour opérer aussi bien à partir d'une base terrestre que depuis un porte-avions, il est mis en oeuvre par l'armée de l'Air et de l'Espace et la Marine nationale.

Le périmètre du programme Rafale comprend la fourniture des avions, avec leurs équipements de mission et leur stock initial de rechanges. Il comprend également des moyens de maintenance et des centres de simulation. L'architecture industrielle du programme est confiée à Dassault Aviation. La cellule est conçue et produite par Dassault Aviation, les moteurs par Safran Aircraft Engine, le radar et la grande majorité des capteurs par Thales. Les sociétés Safran Electronics & Defense et MBDA sont également impliquées dans le programme Rafale.

La logique de conduite du programme Rafale s'appuie sur des développements continus permettant d'adapter les appareils par standards successifs à l'évolution du besoin.

Source : commission des finances, d'après des informations du ministère des armées

Cette ponction intervient en outre dans un environnement capacitaire d'ores et déjà tendu, ayant d'ailleurs conduit au report successif des cibles de nombre d'avions Rafale. La précédente LPM 2019-2025 fixait ainsi une capacité opérationnelle de 171 appareils Rafale en 2025, dont 129 pour l'armée de l'Air et de l'Espace (et 42 pour la Marine nationale), et de 225 appareils Rafale pour l'année 2030 (dont 185 pour l'armée de l'air et de l'espace). Cette cible prévisionnelle du programme Rafale avait déjà été revue deux fois à la baisse depuis le lancement du programme (cible initiale de 320 avions), ce qui traduit le caractère « minimal » de cette cible (en 1996 : révision de la cible de 320 à 294 avions ; en 2006 : révision de la cible de 294 à 286 avions). La même LPM prévoyait que les forces aériennes comprendraient, à l'horizon 2030, 225 Rafale (air et marine) et 55 Mirage 2000D rénovés. La LPM 2024-2030 (voir supra) a toutefois décalé la cible de 225 Rafale de 2030 à 2035 et celle de 171 Rafale de 2025 à 2030.

Le ministère des armées a confirmé que la flotte serait recomplétée des deux prélèvements, avec la commande de 24 Rafale neufs :

- la cession des 12 Rafale à la Grèce serait achevée. La commande de recomplètement portant sur 12 appareils neufs a été passée, avec une livraison attendue pour 2025. La commande représente un coût total d'environ 1,5 milliard d'euros, dont 1 milliard d'euros pris sur l'enveloppe LPM 2019-2025 et 500 millions d'euros tirés du produit de cession.

- les premières cessions à la Croatie sont intervenues en 2023 et se poursuivent jusqu'en 2025. Une seconde commande de recomplètement portant sur 12 appareils neufs a également été passée en 2023 (portant le total des appareils commandés à 42), pour une livraison attendue en 2027. Le coût de cette commande peut être estimé à plus de 1,5 milliard d'euros.

À terme, l'opération ne serait pas dépourvue d'effets bénéfiques, puisqu'elle aura conduit à une homogénéisation et une modernisation de la flotte de Rafale de l'armée de l'Air et de l'Espace.

Toutefois, dans l'attente du recomplètement de la flotte en 2027, soit avec deux ans de retard par rapport au jalon prévu par la LPM 2019-2025, cette cession entraine une réduction préoccupante des capacités opérationnelles intermédiaires. Cette remise en cause capacitaire aura un effet direct sur la capacité opérationnelle de l'armée de l'air et de l'espace. Elle devrait se traduire par une baisse de la préparation opérationnelle des équipages de pilotes de chasse, alors que cette dernière n'atteint pas les objectifs fixés par la LPM (voir infra). En effet, ce prélèvement de 24 appareils constitue un effort substantiel pour le parc opérationnel de l'armée de l'Air et de l'Espace, composé d'une centaine d'appareils. Il représente ainsi une ponction de plus de 20 % des capacités de Rafale actuellement en dotation de l'armée de l'air.

En outre, le recomplètement de la flotte a été financé sous enveloppe LPM, alors que ces opérations n'avaient pas été prévues par la précédente programmation, et donc au détriment de l'atteinte des objectifs opérationnels et capacitaires fixés.

L'effort national de soutien aux exportations de matériel militaire (Soutex) constitue une politique par essence interministérielle, au service de l'autonomie stratégique et de l'économie française.

Pour cette raison, le rapporteur spécial, en sa qualité de rapporteur pour avis sur le projet de LPM 2024-2030, a été à l'initiative d'un amendement, retenu dans l'article 4 du texte final, visant à prévoir que le financement des recomplètements rendus nécessaires par les prélèvements d'équipements ou de matériels sur les parcs des armées au titre du soutien à l'exportation, au même titre que les cessions réalisées au profit des forces armées ukrainiennes, fasse l'objet d'abondements de crédits supplémentaires en cours de gestion.

2. Le soutien aux forces armées ukrainiennes

Les exercices 2022, 2023 et 2024 ont été marqués par d'importantes cessions d'équipement aux forces armées ukrainiennes.

Les cessions les plus emblématiques concernent les canons Caesar. Ces camions équipés d'un système d'artillerie (Caesar), développés par le groupe français Nexter, constituent l'armement principal des régiments d'artillerie des brigades multi-rôles et d'engagement d'urgence de l'armée de Terre. Il permet avant tout de frapper avec la puissance d'une munition de 155 mm, à 40 kms et avec une excellente précision.

Néanmoins, d'autres cessions sont également intervenues, notamment en termes de munitions, y compris des missiles, et de carburant. Est également prévue la cession d'avions Mirage 2000-5 au profit de l'Ukraine. Ces cessions devront être compensées rapidement et sur financement supplémentaire à la LPM, afin d'atteindre les cibles capacitaires prévues en LPM.

S'agissant de la cession des Mirage 2000-5, le rapporteur spécial constate qu'à défaut d'un recomplètement très rapide via des livraisons de Rafale, la tension sur le parc d'avions de chasse va encore augmenter.

IV. UNE INTERRUPTION DE LA DIFFUSION DES INDICATEURS RELATIFS À LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET À L'ACTIVITÉ DES FORCES, ALORS QUE DES INSUFFISANCES ONT ÉTÉ CONSTATÉES PAR LE PASSÉ

A. DES INSUFFISANCES CONSTATÉES LES ANNÉES PRÉCÉDENTES PAR RAPPORT AU NIVEAU REQUIS PAR LA HAUTE INTENSITÉ

Comme l'avait déjà rappelé le rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 202435(*), la disponibilité des matériels pèse fortement sur l'activité opérationnelle.

Or, comme l'a récemment montré le rapporteur spécial dans un rapport de contrôle sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires36(*), la disponibilité technique opérationnelle (DTO)37(*) des équipements militaires ne s'est pas réellement améliorée sur les dernières années d'un point de vue global.

Certes, les efforts portés sur le MCO, notamment ces dernières années, ont produit des effets réels.

D'une part, le niveau de disponibilité de certains parcs d'équipements a progressé. Celui des Rafale version marine a ainsi par exemple augmenté de 12,2 % depuis 2018, tandis que pour les hélicoptères Fennec, le coût à l'heure de vol a été divisé par deux et le taux de disponibilité a été multiplié par deux entre 2018 et 2021.

D'autre part, le système de MCO connaît une modernisation progressive significative, tant dans ses principes que dans ses modalités concrètes. À titre d'exemple, alors que le système de MCO traditionnel est fondé sur des contrôles périodiques des matériels, certains équipements innovants, comme les avions Rafale, permettent de mettre en oeuvre une maintenance « conditionnelle », opérée en fonction de l'état réel du matériel, qui détecte ses propres avaries.

Néanmoins, d'un point de vue global, les données fournies par l'indicateur de DTO38(*) sont insatisfaisantes, et ce pour les trois armées. À fin 202239(*), sur les 21 matériels structurants répertoriés par l'indicateur, seuls 2 avaient une DTO supérieure à 90 %, correspondant à un niveau proche ou conforme aux contrats opérationnels, tandis que 12 avaient une DTO inférieure à 75 %, dont 2 en-dessous de 50 %.

Or, si ce constat d'une DTO générale insuffisante n'est pas nouveau et n'est pas spécifique à la France, il ne s'améliore pas d'un point de vue global sur la dernière décennie (depuis 2014), en dépit des efforts réalisés et de progrès pour certains types de flottes.

Évolution de la disponibilité technique opérationnelle (DTO)
de quatre équipements structurants de l'armée de terre

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cet état de fait peut être expliqué par différents facteurs, qui échappent largement au système de MCO en lui-même :

- un niveau élevé d'engagement de nos forces armées ces dernières années, qui constitue par nature une contrainte très forte pesant sur le MCO ;

- des parcs de matériels en partie hétérogènes et de générations différentes, réduisant la possibilité pour le MCO de s'appuyer sur des économies d'échelle ;

- des limites de capacités de maintenance au sein la BITD française et européenne ;

- des cessions non anticipées de matériels à des pays étrangers qui alourdissent les besoins en MCO des équipements restants dans le parc, davantage sollicités.

En tout état de cause, si cette situation a en partie été compensée par la capacité d'adaptation de nos forces armées (mobilisation de simulateurs, utilisation des chars sans faire tourner les moteurs, etc.), elle induit de facto des capacités réduites d'engagement, d'entraînement et de formation.

Le lien direct, à taille de parc constant, entre le taux de disponibilité des matériels et celui de l'activité des forces se manifeste dans le fait que le niveau d'activité (emploi des forces et entraînement) suit, depuis 2014, une évolution en moyenne comparable à la DTO, selon les données disponibles dans les documents budgétaires jusqu'en 202240(*).

Évolution du niveau d'activité de différents types de personnels
des forces armées entre 2014 et 2022

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 202241(*), sur les 9 types d'activités mentionnés ci-dessus, seul un satisfaisait la norme correspondante fixée par la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 202542(*), à savoir les heures des pilotes de chasse de la marine. Pour tous les autres, la norme n'est pas atteinte et parfois de façon significative, comme pour les heures de vol des pilotes de transport de l'armée de l'air.

Indicateurs du niveau d'activités des forces armées en 2022,
en comparaison de la norme LPM 2019-2025

(en jours ou en heures selon le cas)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et la LPM 2019-2025

Cette situation induit des capacités réduites d'engagement et d'entraînement. Pourtant, l'invasion de l'Ukraine lancée par la Russie le 24 février 2022 et la guerre qui se poursuit depuis lors ont confirmé un tournant géostratégique majeur, qui avait d'ailleurs déjà été amorcé depuis plusieurs années. Le risque d'« engagement majeur » fait aujourd'hui partie des hypothèses sérieuses d'engagement des forces, nécessitant de s'y préparer.

Or, le système de MCO des armées n'est aujourd'hui pas adapté à ce nouveau contexte, à plusieurs égards. Alors que notre modèle actuel est notamment fondé sur des interventions dans un calendrier relativement maîtrisé, sur une large externalisation de la maintenance lourde et sur un niveau de stocks très limité, le nouveau contexte stratégique impose au système de MCO :

- une grande réactivité (dans un calendrier subi et impérieux) ;

- une capacité de monter fortement en puissance dans des délais courts ;

- et une faculté à tenir dans la durée.

Dans ce contexte, des efforts importants sont fournis depuis plusieurs années en matière de MCO, notamment d'un point de vue budgétaire.

B. UN EFFORT IMPORTANT EST NÉANMOINS RÉALISÉ EN FAVEUR DU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE

Depuis plusieurs années, les budgets successifs de la mission « Défense » accordent opportunément des moyens croissants au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires.

En 2024, les crédits dédiés à l'opération stratégique « entretien programmé des matériels » (EPM) ont ainsi connu une hausse + 775 millions d'euros en CP, soit une hausse de 14 % par rapport à 2023, amplifiant la dynamique de ces dernières années. En 2025, les crédits concernés augmentent de 160 millions d'euros par rapport à 2024, soit de 2,8 %.

Cette hausse s'opère au profit de la Marine, dont les crédits d'EPM augmentent de 11,4 % en 2025 (après + 8 % en 2024). Les crédits d'EPM de l'armée de Terre (- 0,5 %) et de l'armée de l'Air et de l'Espace (- 1,4 %) sont quant à eux globalement stables, après de nettes hausses les années précédentes, respectivement de + 19 % et de + 17 % en 2024.

Le taux de croissance annuel moyen des dépenses d'EPM s'établirait ainsi à 7,6 % sur la période 2020-2025.

Évolution des crédits en faveur de l'entretien programmé des matériels (CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

Le rapporteur spécial ne peut que saluer cette évolution, qui est de nature à permettre d'améliorer la disponibilité des matériels et donc le niveau d'activité des forces, même si l'effort de MCO ne saurait être perçu comme un moyen de compenser les trous capacitaires provoqués notamment par les prélèvements pour l'exportation de matériels et les décalages de programmes prévus par la LPM 2024-2030. En outre, comme l'a récemment montré le rapporteur spécial43(*), la portée de la hausse des crédits est limitée par le fait que les coûts moyens de maintenance ne cessent de progresser, ce qui s'explique notamment par la sophistication croissante des matériels militaires et par la hausse du coût des intrants.

C. UNE INTERRUPTION SUBITE ET DOMMAGEABLE DE LA PUBLICATION DES INDICATEURS

À l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, le projet annuel de performances de la mission « Défense », qui lui est annexé, comportait une refonte de la maquette de performance du programme n° 178 « Préparation et emploi des forces », qui s'est accompagnée d'une interruption de la publication des résultats et des cibles des indicateurs relatifs à la disponibilité technique opérationnelle (DTO) des matériels, d'une part, et à l'activité des forces, d'autre part. Le PLF pour 2025 ne revient pas sur cette décision.

Pour les années postérieures à 2022, ces données, désormais classées « diffusion restreinte - spécial France » restent accessibles aux parlementaires des commissions chargées de la défense et à certains parlementaires des commissions des finances appelés à en connaître44(*) mais ne sont plus disponibles en source ouverte et ne peuvent pas être publiées.

À l'occasion d'auditions du rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, il lui avait été indiqué que le ministère des armées, dans un souci de transparence, aurait fait preuve par le passé d'une forme de « naïveté » en publiant ainsi des éléments de nature à révéler de façon assez précise notre potentiel militaire à nos compétiteurs.

Comme il l'a récemment rappelé45(*), le rapporteur spécial est bien entendu sensible à cet enjeu, même s'il n'est pas certain que la protection des données au titre de la mention « Diffusion restreinte », qui ne relève pas du secret de la défense nationale, suffise à empêcher nos principaux concurrents internationaux d'avoir in fine accès à ces informations.

Or, en l'état, ce changement a en revanche bel et bien pour conséquence de priver le débat budgétaire d'informations importantes et de réduire la capacité du Parlement à contrôler et à évaluer les politiques mises en oeuvre. À l'avenir, le décalage temporal croissant avec l'année 2022 conduira à l'impossibilité de procéder à une analyse sur la base de ces indicateurs, tout en excluant d'apprécier les évolutions ultérieures. C'est pourtant une condition pour évaluer l'état et la performance des forces armées et en assurer l'examen budgétaire annuel.

Le rétablissement de l'information du Parlement s'agissant de la disponibilité des équipements et de l'activité des forces à un niveau suffisant apparait ainsi indispensable pour que la représentation nationale puisse en tirer les conséquences budgétaires et législatives. Un meilleur équilibre entre la protection de la sécurité nationale et la transparence vis-à-vis des parlementaires et des citoyens doit être trouvé.

V. LE DÉFI DE LA COHÉRENCE : FOCUS SUR L'EFFORT EN FAVEUR DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES

Dans un souci de renforcement de la « cohérence » du modèle d'armées, la LPM 2024-2030 a prévu un renforcement des moyens consacrés aux services de soutien (18 milliards d'euros), soit une progression de 4 milliards d'euros par rapport à la LPM 2019-2025. Ces services avaient en effet été « taillés au plus juste » au cours de la décennie 2008-2018, marquée par la politique de déflation impulsée au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis de la LPM 2014-2029.

C'est notamment le cas s'agissant du service de santé des armées (SSA). Comme le rapporteur spécial l'a rappelé à l'occasion du travail de contrôle budgétaire qu'il a consacré en 2023 à ce service46(*), face à la dégradation de notre environnement stratégique, marqué par le retour de la guerre en Europe, l'indispensable remontée en puissance de nos armées ne pourra se faire qu'avec un service de santé capable de soutenir un engagement des forces dans un conflit de haute intensité.

Le SSA est un service interarmées ayant pour mission d'apporter en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances, à tout militaire exposé à un risque lié à son engagement opérationnel, un soutien qui lui garantit la prévention la plus efficace et la meilleure qualité de prise en charge en cas de blessure ou de maladie.

Si le service a été structurellement fragilisé par la politique de déflation qui lui a été appliqué au cours de la décennie passée, avec une baisse d'effectifs de 10 % sous la programmation 2014-2019, les LPM 2019-2025 et 2024-2030 ont entendu accompagner la remontée en puissance de ce service indispensable au regard des objectifs opérationnels fixés aux armées à cet horizon.

La programmation 2024-2030 prévoit une enveloppe de crédits totale, hors dépenses de personnel, de 3,8 milliards d'euros, soit environ 1 milliard d'euros de plus que celle prévue pour la LPM 2019-2025.

Évolution des crédits de paiement, hors dépenses de personnel,
programmés au profit du SSA entre 2024 et 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial47(*) lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030

Il en résulte une trajectoire de nette augmentation de ces crédits (+ 12 % par an en moyenne), pour les porter à plus de 700 millions d'euros en 2030. Il est cependant à noter que la principale marche (+ 144 millions d'euros) est prévue pour la dernière année de la programmation, et est donc renvoyée au milieu du prochain quinquennat, rendant sa réalisation quelque peu hypothétique.

Le remplacement de l'hôpital Laveran par un hôpital de nouvelle génération

Les crédits prévus par la LPM pour le SSA permettront notamment d'améliorer les infrastructures du service.

Il en va notamment ainsi de l'hôpital d'instruction des armées Laveran, situé à Marseille, aujourd'hui vétuste. La décision de le remplacer par un HIA de nouvelle génération (HIA-NG) à l'horizon 2030 constitue un symbole fort et positif. Le projet avait été inscrit dans le rapport annexé à la LPM 2024-2030 grâce à un amendement du rapporteur spécial (alors en sa qualité de rapporteur pour avis) retenu dans le texte adopté.

Le budget prévu par la LPM pour ce projet était de 300 millions d'euros. Les ajustements et actualisations du projet conduisent à un besoin financier de 380 millions d'euros selon les informations recueillies par le rapporteur spécial48(*). La recherche des financements complémentaires nécessaires, à savoir 80 millions d'euros, est en cours.

Néanmoins, le financement du projet étant d'ores et déjà assuré jusqu'en 2027, le projet continue d'avancer, tandis que le terrain a été identifié au sein du camp militaire de Sainte-Marthe, à Marseille.

Source : commission des finances, notamment d'après les informations transmises en audition par le service de santé des armées

Cependant, malgré la hausse importante des moyens, la remontée en puissance ne se décrète pas. En effet, la déflation des moyens et des effectifs du SSA est intervenue au pire des moments, à savoir à l'orée d'une période de fortes tensions sur les ressources humaines et sur les compétences qui affecte l'ensemble du secteur de la santé et qui perdure à ce jour. Cette conjoncture a pour effet de saper les efforts budgétaires déployés en faveur du SSA pourtant entrepris depuis 2019. Comme le montre en effet le graphique ci-dessous, la hausse significative des crédits prévus au titre du SSA sous la programmation 2019- 2025 s'est accompagnée d'une stagnation des effectifs : elle a seulement permis de mettre fin à « l'hémorragie ».

Comme l'a indiqué le rapporteur spécial dans le cadre de ses travaux, les tensions sur les ressources humaines - qui affecte au demeurant les armées dans leur ensemble (voir supra) - constituent aujourd'hui la principale limite à la montée en puissance du SSA jusqu'au niveau requis par la haute intensité.

La LPM 2024-2030 prévoit ainsi un renforcement conséquent des effectifs (+ 460 ETP). La capacité du SSA à atteindre cet objectif sera en tout état de cause soumise à la conjoncture sur le marché du travail dans le secteur de la santé.

Évolution des effectifs du service de santé des armées depuis 2015
et cible d'augmentation prévue par la programmation 2024-2030

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial49(*) lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030

En PLF 2025, 34 nouveaux ETP sont créés, après près de 155 ETP en 2024. Le rapporteur spécial estime qu'il est essentiel d'atteindre les objectifs fixés par la LPM.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Défense ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Défense ».

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Défense ».

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense ». - L'examen du budget de la mission « Défense » aurait pu être une formalité cette année, une simple application de ce que prévoit pour 2025 la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, adoptée l'année dernière dans un contexte de bouleversements stratégiques. Mais il n'en est rien, car, d'une part, des enjeux budgétaires significatifs sont apparus en gestion depuis 2023, et, d'autre part, l'information du Parlement tend à se réduire dans certains domaines. Dans les deux cas, j'appelle à la vigilance.

Je commencerai, comme il est de coutume, par présenter les grandes tendances du budget de la défense pour 2025.

Les ouvertures de crédits demandées s'élèvent à un peu plus de 93 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 60 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui fait de la mission le troisième poste du budget de l'État, après l'enseignement scolaire et la charge de la dette.

Sur le périmètre de la LPM, c'est-à-dire hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits demandés s'élèvent à 50,5 milliards d'euros, soit une progression de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2024. Il s'agit là d'un effort conséquent - le plus important de ce projet de loi de finances (PLF) -, qu'on ne peut que saluer, a fortiori dans un contexte général d'efforts de redressement des comptes publics. Cette progression est strictement conforme à la marche annuelle prévue par la LPM.

Concrètement, la hausse des crédits se répercute sur l'ensemble des « opérations stratégiques » de la mission, qui sont transversales aux différents programmes de la mission. Seule la contribution au CAS « Pensions » est en légère baisse.

Le principal poste de hausse des crédits concerne les « programmes à effet majeur », qui regroupent les opérations d'armement les plus structurantes. Les dépenses afférentes connaîtront en 2025 une augmentation de près de 1,5 milliard d'euros en CP. Le deuxième poste principal de hausse concerne la dissuasion nucléaire, dont les crédits augmentent de plus de 500 millions d'euros.

Sont également en augmentation, dans une moindre ampleur, les crédits en matière d'infrastructures, d'activité opérationnelle ou encore de maintien en condition opérationnelle des matériels. En outre, les dépenses de personnel progressent de 93 millions d'euros.

Enfin, en autorisations d'engagement, la forte augmentation des crédits permet de poursuivre l'avancée de projets structurants, parmi lesquels le renouvellement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et le lancement en phase dite de « réalisation » du porte-avions de nouvelle génération.

J'en viens aux effectifs. Vous le savez, depuis 2020, les armées ont connu de grandes difficultés pour atteindre les schémas d'emploi fixés, dans une conjoncture marquée par de fortes tensions sur le marché du travail.

Dans ce contexte, le schéma d'emploi inscrit au PLF 2024 prévoyait un solde positif de seulement 400 équivalents temps plein (ETP), contre 700 prévus par la LPM 2024-2030. Même si c'est donc au prix d'une moindre ambition, le schéma d'emploi devrait être tenu, pour la première fois depuis 2020 ; nous ne pouvons que nous en réjouir. Pour 2025, le schéma d'emplois visé est de + 700 ETP, soit un niveau conforme à la LPM. Je note qu'aucun schéma d'emploi n'a été exécuté à ce niveau depuis 2019.

J'en viens à ce qui, à défaut de fâcher, appelle a minima à la vigilance de notre part.

Mon premier point d'attention concerne plusieurs éléments relatifs à l'exécution budgétaire de la mission « Défense » en 2023 et 2024.

Vous le savez, les crédits de la mission augmentent régulièrement depuis 2019. C'est en particulier le cas depuis 2023, année dite de « pré-LPM 2024-2030 », qui a été l'occasion d'ouvertures exceptionnelles de crédits en gestion. En 2024, les crédits de la mission ont nettement progressé, cette fois dans le cadre de la nouvelle LPM proprement dite.

Dans le même temps - c'est le revers de la médaille -, le ministère a dû assumer un programme d'achats significatif pour atteindre les cibles capacitaires et opérationnelles fixées pour 2030. En outre, il a dû faire face, en 2022 et 2023, à un niveau d'inflation très élevé, réduisant mécaniquement son pouvoir d'achat. Enfin, il a subi des arbitrages gouvernementaux, en particulier fin 2023, ayant consisté à reporter des paiements et les crédits associés sur l'année suivante, afin de limiter l'ampleur du déficit public exécuté. Les travaux de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, dont Claude Raynal était le président et Jean-François Husson le rapporteur, ont montré comment, sur proposition des services de Bercy, il a été décidé de reporter des crédits du ministère des armées de 2023 sur 2024 afin de limiter le déficit exécuté pour 2023.

Dans ces conditions, alors qu'il a été décidé du maintien des ambitions d'acquisition, les crédits effectivement disponibles pour être consommés, bien qu'en hausse, n'ont pas permis de couvrir l'ensemble des paiements dus au titre de 2023 et 2024. En bref, le ministère a davantage acheté qu'il n'a pu payer. Dès lors, le report de charges a servi de variable d'ajustement. Concrètement, depuis 2023, le ministère reporte une part croissante des paiements dus au titre des livraisons effectuées.

Ce phénomène est relativement classique en début de période de programmation : de nombreux achats sont réalisés, au prix d'une augmentation du report de charges, avant que ce dernier ne se réduise en seconde partie de LPM, à mesure que les achats diminuent et que les crédits continuent d'augmenter.

Néanmoins, la hausse du report de charges est aujourd'hui particulièrement significative, pour ne pas dire inquiétante. Entre fin 2022 et fin 2024, son niveau est passé de 3,9 milliards d'euros à 6,8 milliards d'euros, c'est-à-dire une augmentation presque équivalente à une marche annuelle de progression des crédits en LPM - à savoir 3,3 milliards d'euros. Fin 2024, le report de charges représente plus de 20 % des crédits de la mission, hors personnel, contre moins de 14 % fin 2022.

Je rappelle qu'il s'agit d'une forme de dette, qu'il nous faudra bien régler un jour ou l'autre aux fournisseurs. Si le ministère devait aujourd'hui la liquider en totalité, le déficit public exécuté augmenterait ainsi d'un quart de point de PIB.

Je veux être clair : je n'appelle pas le ministère des armées à réduire ses achats. Ils sont nécessaires pour atteindre les objectifs capacitaires et opérationnels en 2030, déjà revus à la baisse dans la LPM. Je ne plaide pas non plus pour réduire les crédits de la mission, ce qui aggraverait encore le report de charges. Mais il est difficile de parler d'une économie de guerre quand on demande à la base industrielle et technologique de défense (BITD) d'assurer une partie de la trésorerie du ministère.

Le deuxième point de vigilance concerne l'information du Parlement sur la mission « Défense ». En effet, le ministère tend, ces dernières années, à réduire l'information du Parlement pour certaines données importantes.

Ainsi, les estimations des surcoûts liés aux engagements opérationnels des armées en 2024, qui ont vocation à être financés par des contributions interministérielles en fin de gestion, ne m'ont pas toutes été communiquées cette année. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures seraient relativement stables par rapport à 2024, s'établissant à environ 1,3 milliard d'euros. En revanche, nous n'avons pas le détail des surcoûts liés aux jeux Olympiques et Paralympiques, à la crise en Nouvelle-Calédonie, au renforcement du flanc oriental de l'OTAN et au soutien à l'Ukraine.

Le Parlement n'est donc pas en mesure de déterminer, à ce stade, si les surcoûts sont intégralement couverts par les crédits disponibles à cet effet, c'est-à-dire ceux qui sont ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, à savoir 837 millions d'euros de crédits nouveaux, qui s'ajoutent à une provision prévue en loi de finances initiale, de 800 millions d'euros, dédiée aux surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures. Cela ne suffira sans doute pas.

Ensuite - et c'est encore plus significatif -, le Parlement n'est plus informé depuis deux ans des niveaux de disponibilité des matériels militaires et de l'activité des forces dans les documents budgétaires, prétendument pour éviter de révéler à nos compétiteurs notre potentiel militaire. Je vous ai déjà parlé de cette difficulté, notamment dans le cadre de la présentation de mes travaux de contrôle il y a quelques semaines sur le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires. Il s'agit, me semble-t-il, d'une vraie difficulté, et ce d'autant plus que les niveaux de disponibilité des équipements et d'activité des forces sont encore insatisfaisants.

Je peine par ailleurs à croire que nos compétiteurs dépendent de la transmission de documents budgétaires au Parlement pour se faire une idée de la capacité de nos forces armées.

En conclusion, le budget de la mission « Défense » pour 2025 s'inscrit dans la trajectoire de la LPM et en respecte les principes. Il doit être salué, a fortiori dans un contexte général d'efforts de redressement des comptes publics. Il convient néanmoins de faire preuve de vigilance au regard de l'exécution budgétaire de 2023 et 2024, notamment en termes de reports de charges. En outre, l'exécution du budget pour 2025 devra s'accompagner d'une information suffisante du Parlement : si l'adoption d'une LPM est nécessaire et utile, il ne s'agit en aucun cas d'un blanc-seing budgétaire pour sept ans. Le respect de la trajectoire prévue relève de l'examen annuel approfondi des budgets proposés. Or cet examen, pour être éclairé, doit être pleinement informé. J'y serai attentif.

Sous réserve de ces observations, je me prononce en faveur de l'adoption des crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je rejoins la conclusion de Dominique de Legge : il faut se questionner chaque année sur les lois de programmation, quelles qu'elles soient. Une grande vigilance s'impose en particulier sur la consommation effective des crédits. Lorsqu'un effort national massif est demandé, il faut accepter d'envisager de revoir l'ensemble des missions, y compris celles qui s'inscrivent dans le cadre d'une loi de programmation. Aucune mission ne doit échapper à notre examen minutieux et nous devons disposer des informations nécessaires pour nous assurer de la bonne exécution de chacune d'entre elles.

M. Marc Laménie. - Le travail d'investigation mené par notre collègue Dominique de Legge résume parfaitement les caractéristiques de ce budget particulièrement important. Parce que nous sommes tous très attachés à nos militaires, la question de leur recrutement et de leur fidélisation apparaît en effet centrale.

La Journée défense et citoyenneté (JDC) permet de susciter des vocations : serait-il possible d'en savoir plus sur leur coût, leur répartition, le contenu des programmes ? Je pense aussi au service militaire volontaire, financé pour partie par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Nous dénombrons aussi quelques classes de défense dans nos départements, mais pas suffisamment selon moi, alors que c'est pourtant le lien avec l'éducation nationale qui permet de susciter des vocations parmi les collégiens et les lycéens. On constate aussi que les militaires partent souvent après quelques années de contrat, ce qui est coûteux pour le budget de l'État. Quelles sont les pistes envisagées en haut lieu ?

M. Vincent Delahaye. - Je n'avais pas voté la loi de programmation militaire, considérant que nous n'avions pas les moyens de financer une croissance aussi importante des crédits. Comme l'a souligné le rapporteur général, il est toujours possible de réinterroger une loi de programmation, surtout après la baisse inédite des recettes par rapport aux prévisions - 24 milliards d'euros - que nous avons connue en 2024.

On demande aux collectivités locales des efforts pour près de 10 milliards d'euros, mais on augmente de 3 milliards d'euros le budget de la défense sans s'interroger plus avant. Le budget de la défense est passé de 35 milliards d'euros en 2019 à 50 milliards aujourd'hui. Il serait de 41 milliards d'euros seulement si nous nous étions contentés de suivre l'inflation. Il me semble que la mission « Défense » devrait elle aussi participer à l'effort de redressement des comptes publics.

M. Rémi Féraud. - À ce stade, nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission. L'esprit de la LPM nous semble globalement respecté, et les efforts budgétaires généraux ne doivent pas se faire au détriment de notre réarmement.

Vous proposez d'approuver les crédits de la mission, mais vous déplorez aussi l'absence d'informations précises dans certains domaines. Ne craignez-vous pas que la charge des opérations en Nouvelle-Calédonie, en Roumanie, ou encore dans les pays baltes ne vienne grever la trajectoire de la LPM ? Ne faudrait-il pas être plus exigeant avec le Gouvernement, et s'assurer qu'il ne s'agit pas de faire porter par le budget de la défense des opérations qui sont généralement prises en charge au niveau interministériel ?

M. Michel Canévet. - Monsieur le rapporteur spécial, vous évoquez un risque significatif d'atteindre un niveau de dépenses supérieur aux crédits dédiés pour les opérations extérieures (Opex), malgré les crédits ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Avez-vous une idée de l'ampleur des crédits supplémentaires qui seraient nécessaires pour assurer la couverture des dépenses ?

Vous avez également mentionné des reports de charge qui augmentent pour le ministère des armées, affectant les entreprises travaillant dans le secteur de la défense, ce qui est contraire aux ambitions portées par l'État. Comment allons-nous résoudre ce problème ? Ces retards perturbent-ils financièrement la BITD ? Je n'ai pas entendu de réclamation particulière à ce sujet dans mon département. En avez-vous reçu de votre côté ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je peux partager certains avis, notamment celui de mon collègue Vincent Delahaye quant à la légitimité des interrogations sur chacune des dépenses, mais s'il y a bien un budget sur lequel des efforts surdimensionnés seraient véritablement coupables, c'est celui de la défense. Ce budget a été mis à mal pendant des années et, au regard de la situation mondiale et de ce que décident nos voisins allemands - pour ne parler que d'eux -, je crois que la question se pose beaucoup moins. Réduire considérablement ces crédits reviendrait à jouer avec une partie de notre assurance, et je pense qu'il faut réfléchir à deux fois avant de prononcer quelque coupe claire que ce soit dans le domaine militaire.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Rappelons-nous que la LPM a permis de remettre à niveau un domaine régalien qui avait été délaissé, comme malheureusement une série d'autres secteurs. Le contexte géopolitique doit sans doute nous amener à considérer que nécessité fait loi et je vous engage à prêter attention notamment à ce qui se passe en Finlande et au message de préparation à un conflit qu'envoient les autorités à la population. Je pense que nous devons absolument voter les crédits de cette mission, particulièrement pour cet exercice budgétaire.

M. Emmanuel Capus. - Merci au rapporteur spécial pour la qualité de son rapport. Je partage les propos de Mme Paoli-Gagin et de M. Hugonet, notre groupe étant particulièrement attaché au maintien de ces crédits de la défense - voire à leur augmentation - au regard de la poursuite de la guerre en Europe et de l'inquiétante élection de Donald Trump aux États-Unis. Cette situation doit nous conduire à renforcer notre propre défense et à prendre en main notre destin.

Notre position est extrêmement simple : les crédits régaliens doivent être maintenus ou augmentés ; les autres missions doivent voir leurs crédits diminuer sensiblement. C'est ce que j'ai proposé sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » avec une diminution des crédits de 12 % : des choix forts et difficiles doivent être effectués par notre commission.

Par ailleurs, les efforts en faveur de l'équipement des forces connaissent une augmentation très nette des crédits, mais le rapporteur spécial indique dans son rapport qu'elle ne couvre pas complètement, dans certains domaines, les importants besoins d'acquisition de nos armées, notamment à la suite des cessions d'avions Rafale à la Grèce et à la Croatie, ainsi que de canons Caesar et, prochainement, d'avions Mirage pour l'Ukraine. Quel est le montant de ces cessions de matériels, qui ne semblent pas être incluses dans les besoins financiers visés par le rapport ?

Mme Nathalie Goulet. - Où en est le Fonds européen de défense (FED) ? Par ailleurs, nous aurions besoin d'identifier un véritable budget dédié à la lutte contre les influences étrangères.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Je me satisfais d'avoir provoqué un débat au sein de notre commission. Dans le contexte actuel, la question de la soutenabilité de la LPM telle qu'elle a été écrite est effectivement posée.

Nous observons finalement aujourd'hui les conséquences du péché originel de la LPM, dont je rappelle que l'enveloppe s'élevait à 400 milliards d'euros, auxquels s'ajoutaient 13,3 milliards d'euros de recettes extrabudgétaires. Dès le début, nous avions bien indiqué avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées qu'environ la moitié de ces dernières recettes était réelle - dont la contribution du service de santé des armées (SSA) -, mais que tel n'était pas le cas pour le reste. Il était ainsi notamment prévu des reports de charges, présentés comme des recettes, dès le départ.

Toutefois, les montants atteints aujourd'hui pour les reports de charge sont très élevés, sans qu'une parfaite transparence ne soit assurée à ce sujet, de la même manière que pour les indicateurs dont je parlais tout à l'heure, dont les résultats ne sont plus publiés. J'ai indiqué au chef d'état-major des armées, que j'ai rencontré il y a quelques jours, que le meilleur service à rendre aux armées ne consistait certainement pas à ne pas tout dire à la représentation nationale, qui est fondée à voter les crédits.

Monsieur Delahaye, le report de charges en début de LPM n'est pas en soi si problématique. Il est assez logique que nous engagions des montants plus importants en début de LPM, de manière à payer au fur et à mesure.

J'ai cependant un problème car on ne me dit pas jusqu'où ira ledit report de charges, ni à partir de quelle date nous allons réduire nos commandes et profiter de l'augmentation des crédits pour payer ce qui constitue en réalité une dette.

Par ailleurs, la hausse du report de charges est à mettre en perspective avec le fait que nous avons perçu des « dividendes de la paix » pendant trente ans. Alors que l'effort de la nation en faveur de sa défense était de l'ordre de 4,8 % du PIB trois décennies plus tôt, il atteint désormais péniblement 2 % du PIB. Dans le cadre du contrôle budgétaire sur le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, j'avais ainsi indiqué que le nombre d'avions de combat et de chars dont nous disposons a été divisé respectivement par trois et six. Si nous ne sommes pas fondés à remettre en cause l'indispensable effort de réarmement, nous devons en même temps exiger de disposer de tous les éléments permettant d'apprécier la soutenabilité de cette LPM.

Parmi les bonnes nouvelles, monsieur Laménie, le schéma d'emploi a été mieux exécuté cette année et les perspectives sont plutôt positives pour 2025. Le contexte économique, avec un marché de l'emploi moins favorable, a sans doute contribué à la fidélisation des personnels et à l'atteinte des objectifs de recrutement.

Concernant les surcoûts opérationnels, dont les Opex, monsieur Féraud, ont été débloqués 1,637 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros de provision et 837 millions d'euros ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion. On nous explique que le seul besoin de financement pour les Opex et les missions intérieures serait in fine de 1,3 milliard d'euros. Je peine à croire que les 330 millions d'euros restants suffiront à financer les surcoûts liés au flanc oriental, à l'Ukraine et à la Nouvelle-Calédonie. J'espère que nous y verrons plus clair au moment où nous serons saisis du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.

S'agissant de la BITD, monsieur Canévet, ce sont surtout les sous-traitants qui semblent souffrir. Je peine néanmoins à voir ce qui se passe en deuxième ligne, derrière les grands industriels.

Monsieur Hugonet et madame Paoli-Gagin, je vous remercie pour vos interventions, car nous sommes sur la même longueur d'onde. Pour ce qui est des besoins de recomplètements, monsieur Capus, cela concerne des matériels spécifiques cédés à d'autres pays, dont les Rafale. Cela prend en effet du temps de les fabriquer et de les intégrer aux armées, même si l'on a les crédits associés.

Madame Goulet, une démarche est engagée à l'échelle européenne dans le prolongement du FED afin d'aider à l'acquisition de matériels, mais nous ne sommes en l'espèce même pas dans l'épaisseur du trait avec seulement 1,5 milliard d'euros en jeu, un montant à comparer aux 50 milliards d'euros du budget de la défense française. Il ne s'agit donc que d'une amorce de solution et pas d'une réponse à nos problèmes de financement actuels.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

État-major des armées (EMA)

- Vice-amiral d'escadre Éric MALBRUNOT, sous-chef d'état-major « plans » ;

- Colonel Pierre ABRY, division « plans-programmes-évaluation » ;

- Colonel Valérie MORCEL, chargée des relations avec le Parlement.

État-major de l'armée de Terre (EMAT)

- Général de division Laurent PROENÇA, sous-chef d'état-major « performance et soutiens ;

- Colonel Hervé FERNAND, chef du bureau « programmation, finances et budget » ;

- Lieutenant-Colonel Jean-Marc SOULIER, chargé des relations avec le Parlement.

État-major de la Marine (EMM)

- Contre-amiral Ludovic SEGOND, sous-chef « soutien-finances ».

État-major de l'armée de l'Air et de l'Espace (EMAAE)

- Général de corps aérien Philippe MORALÈS, Major général.

Service de santé des armées (SSA)

- M. Jean-Christophe BEL, médecin général inspecteur, directeur central adjoint ;

- M. Frédéric HONORÉ, médecin général inspecteur, sous-directeur « études et politiques des ressources humaines » ;

- Mme Muriel PACAUD, sous-directrice « achats-finances » ;

- M. Tom HARISTIAS, chef du bureau « analyse, synthèse et relations d'armées ».

Secrétariat général pour l'administration (SGA)

- M. Christophe MAURIET, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées et des anciens combattants ;

- Colonel Charles-Emmanuel DAVIET, chef de cabinet du secrétaire général pour l'administration ;

- M. Jean-Dominique PAOLI, chargé de missions « relations avec le Parlement et études stratégiques » ;

- M. Charles DUFOUR, adjoint au chargé de missions « relations avec le Parlement et études stratégiques » ;

- Mme Evelyne SATONNET, cheffe du service « synthèses et pilotage budgétaire » de la direction des affaires financières ;

- M. Laurent GRAVELAINE, chef de service, adjoint de la directrice des territoires, de l'immobilier et de l'environnement ;

- M. David KNECHT, chef de service de la politique des ressources humaines de la direction des ressources humaines du ministère de la défense.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Le ministère des armées a développé une nomenclature propre pour assurer le pilotage de ses crédits, en les regroupant par opérations stratégiques (OS), transversales aux différents programmes.

* 2 Ainsi, comme l'a proposé une note des services de Bercy en date du 7 décembre 2023, 1,6 milliard d'euros de dépenses sur la mission « Défense » prévues pour l'année 2023 ont été repoussées à 2024 pour réduire le déficit public exécuté, comme l'a montré le rapport, déposé le 6 juin 2024, fait au nom de la commission des finances par la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, dont M. Jean-François HUSSON est le rapporteur et M. Claude RAYNAL le président.

* 3 Et qui relèvent de plusieurs opérations stratégiques.

* 4 456 en incluant le service industriel de l'aéronautique et des ré-internalisations d'emplois.

* 5 Rapport d'information n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, de M. Dominique de LEGGE.

* 6 Cette baisse résulte du niveau élevé des AE en 2024, dans un contexte de notification de marchés pluriannuels de maintien en condition opérationnelle.

* 7 Dans un contexte d'engagement de nombreuses AE du fait du lancement des programmes liés notamment au porte-avion de nouvelle génération (PA-NG) et aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G).

* 8 La version du rapport est consultable ici.

* 9 Dès 2017, la Revue nationale stratégique de défense et de sécurité nationale (RSDSN) faisait état d'un « durcissement des menaces » dont il résultait « un risque accru d'escalade et de montée aux extrêmes entre États, potentiellement jusqu'au franchissement du seuil nucléaire ». La Revue nationale stratégique (RNS) présentée par le Président de la République le 9 novembre 2022 s'inscrivait ainsi dans la continuité de la précédente. Tirant les premiers enseignements de la guerre en Ukraine, la RNS insistait sur la nécessité de se préparer à des conflits placés sous le triple signe du retour du fait nucléaire, de la haute intensité et de l'hybridité. Pour faire face à un éventuel « engagement majeur sous la voûte nucléaire de l'agresseur », elle soulignait explicitement « le besoin de masse et de densité de l'action interarmées ». Elle rappelait également l'importance de renforcer notre capacité à nous défendre et à agir dans les champs hybrides, notamment cyber.

* 10 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 11 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 12 Alors en qualité de rapporteur pour avis.

* 13 Programme 379 « Reversement des recettes de la facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) ».

* 14 La version du rapport est consultable ici.

* 15 1,96 milliard d'euros sur un total de 3,3 milliards d'euros.

* 16 Les données ne sont pas disponibles pour ce format à fin 2024.

* 17 Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission « Défense », avril 2024, Cour des comptes.

* 18 Rapport fait au nom de la commission des finances par la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, dont Jean-François HUSSON est le rapporteur et Claude RAYNAL le président, déposé le 6 juin 2024.

* 19 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 20 Voir supra.

* 21 Réponse du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial.

* 22 Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission « Défense », avril 2024, Cour des comptes.

* 23 Réponse du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial.

* 24 Les énergies opérationnelles ne donnent pas lieu à un surcoût en 2024. Par ailleurs, le rapporteur spécial ne dispose pas d'informations sur le remplacement d'éventuels matériels prélevés sur les parcs des armées au titre du soutien à l'exportation.

* 25 Réponse du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial.

* 26 Idem.

* 27 L'objectif ne porte que sur les emplois financés par les crédits de personnel du ministère des armées à l'exclusion des apprentis, des volontaires du service militaire volontaire et des effectifs militaires éventuellement nécessaires au service national universel.

* 28 Alors en qualité de rapporteur pour avis.

* 29 Voir infra.

* 30 70 ETP ne relèvent toutefois pas du périmètre du ministère des armées.

* 31 Voir infra.

* 32 Rapport pour avis n° 730 (2022-2023) fait par M. Dominique de Legge au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, déposé le 13 juin 2023.

* 33 La livraison de 20 chars Leclerc rénovés a été annoncée par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le mardi 15 octobre 2024.

* 34 Réponse du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial.

* 35 Annexe n° 9 au rapport général n° 128 (2023-2024) de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2023.

* 36 Rapport d'information n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, M. Dominique de Legge.

* 37 On distingue en général, d'une part, la disponibilité technique (DT), dont le ratio correspond au nombre de matériels du parc concerné en état de fonctionnement par rapport à la totalité du parc, et d'autre part, la disponibilité technique opérationnelle (DTO), dont le ratio renvoie au nombre de matériels en état de fonctionnement par rapport au nombre de matériels disponibles nécessaires afin d'honorer le scénario le plus dimensionnant des contrats opérationnels fixés en loi de programmation militaire. Si la DT est le critère le plus simple pour mesurer la disponibilité des matériels, les données correspondantes ne sont pas intégrées aux documents budgétaires et ne sont pas publiables en raison de leur confidentialité.

* 38 Dont les résultats sont publiés deux fois par an dans les documents budgétaires.

* 39 Les données postérieures à 2022 sont classées « Diffusion restreinte - spécial France » et ne peuvent être divulguées. Voir infra.

* 40 Qui contiennent chaque année un indicateur portant sur le « niveau de réalisation des activités ». Les chiffres ne sont plus publiables à partir de 2023, voir infra.

* 41 Les données postérieures à 2022 sont classées « Diffusion restreinte - spécial France » et ne peuvent être divulguées. Voir infra.

* 42 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 43 Rapport d'information n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, M. Dominique de Legge.

* 44 En particulier, le rapporteur spécial.

* 45 Rapport d'information n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, M. Dominique de Legge.

* 46 « Le service de santé des armées, une pièce maîtresse de notre outil de défense » Rapport d'information n° 936 (2022-2023) fait par Dominique de Legge au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 27 septembre 2023.

* 47 Alors en qualité de rapporteur pour avis.

* 48 Audition du service de santé des armées (SSA).

* 49 Alors en qualité de rapporteur pour avis.

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