II. DES DÉPENSES DE PERSONNEL STATIONNAIRES, APRÈS DEUX ANNÉES DE REVALORISATIONS SALARIALES DES ENSEIGNANTS

A. LES DÉPENSES DE PERSONNELS, PRINCIPAL POSTE DE DÉPENSE DE LA MISSION ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

1. Près d'1,2 million de personnes rémunérées par la mission
a) La mission compte 74 % d'enseignants

La mission « Enseignement scolaire « se caractérise par l'ampleur des dépenses de personnel. Le ministère de l'Éducation nationale constitue le premier employeur public. Ainsi, 1,2 million de personnes sont rémunérées par le ministère de l'Éducation nationale au titre de l'enseignement scolaire, dont 711 592 enseignants dans le secteur public et 139 985 dans le secteur privé, 438 480 agents au titre d'autres missions, et 11 799 agents n'étant pas en poste. Le nombre d'enseignants auprès d'élèves a augmenté de 0,7 % entre la rentrée 2015 et la rentrée 2023 dans le secteur public.

Les personnels de l'enseignement scolaire
selon leur mission et leur corps en 2023-2024

Source : Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP)

En 2023-2024, 348 480 personnes sont rémunérées au titre du ministère chargé de l'Éducation nationale pour des missions autres que l'enseignement.

Les enseignants représentent 70 % des personnels du ministère en personnes physiques et 74 % en équivalents temps pleins, soit 863 376 personnes, répartis presque à parité entre premier et second degré.

Répartition des enseignants en 2023 selon leur statut

Source : commission des finances d'après la DEPP

Près de 9 % des enseignants sont des contractuels, ce qui représente 76 120 emplois.

Cette proportion est particulièrement importante dans l'enseignement privé, dans la mesure où elle atteint près d'un cinquième des enseignants dans le second degré et 15,6 % dans le premier degré. Elle a d'ailleurs été augmentée d'un tiers dans le premier degré.

Suite aux difficultés de recrutement rencontrées en 2022 et 2023 dans le public, malgré une légère atténuation en 2024, la part des enseignants contractuels du public a augmenté de près de 40 % dans le second degré et été multipliée par 5 dans le premier degré. Dans le public, le premier degré compte ainsi 2,7 % d'enseignants contractuels et le second degré 10,4 %. Près de 50 000 enseignants sont contractuels en 2023.

Évolution de la part des enseignants contractuels entre 2015 et 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la DEPP

b) Une hausse des personnels non-enseignants de l'éducation nationale en raison de la politique de l'école inclusive

Les personnels non-enseignants de l'éducation nationale représentent près de 350 000 emplois en 2023, soit 289 583 ETP. Toutefois, ils sont composés à hauteur de 44,1 % de l'ensemble des personnels dits « d'assistance éducative », y compris les accompagnants en situation de handicap (AESH), soit plus de 185 000 personnes. Le personnel administratif proprement dit ne concerne que 55 682 personnes, soit 16 % des personnels non-enseignants, essentiellement en poste dans les EPLE, comme développé dans un rapport de contrôle1(*) cette année.

Répartition des personnels non-enseignants de l'éducation nationale

(en pourcentage et en ETP)

Note : les personnels de soutien à l'enseignement « interviennent dans la classe avec l'enseignant pour l'aider », les personnels d'animation pédagogique « interviennent dans un rôle de conseil à l'enseignant » et les personnels d'éducation comprennent essentiellement les conseillers principaux d'éducation.

Source : commission des finances d'après la DEPP

Les effectifs des personnels non-enseignants ont significativement augmenté ces dernières années, de près de 52 %, essentiellement en raison de la hausse du nombre d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). En effet, près de 107 000 emplois de personnels d'assistance éducative, soit les AESH et les assistants d'éducation, ont été créés depuis 2015.

Évolution des effectifs des personnels non-enseignants
entre 2015 et 2023

(en nombre d'emplois)

Source : commission des finances d'après la DEPP

L'embauche d'effectifs supplémentaires d'AESH est liée directement à la mise en oeuvre de l'école inclusive, développée infra.

Les effectifs des autres personnels non-enseignants de l'éducation nationale sont stables depuis 2015.

2. Une stabilisation des dépenses de personnels

La mission « Enseignement scolaire » a la particularité d'être essentiellement constituée de dépenses de personnel (titre 2), qui correspondent à 90 % des dépenses de la mission hors CAS « Pensions ».

Les programmes 140 et 141 portent quasiment uniquement des dépenses de personnel, en grande majorité liées à la rémunération des enseignants comme indiqué plus haut. Le programme 139 comporte une part plus importante de dépenses d'intervention du fait du soutien apporté aux établissements scolaires privés. Le programme 230 est par construction le seul où les dépenses de personnel sont minoritaires, dans la mesure où il porte les crédits immobiliers et informatiques.

a) Une stabilisation des dépenses de personnels, après deux années de forte hausse

Les dépenses de personnels sont stables en 2025, après deux années de hausse importante, en 2023 et 2024. Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel représente ainsi 58,97 milliards d'euros hors CAS « Pensions », en augmentation de 1,6 % seulement par rapport à l'année précédente.

Les dépenses de personnels hors contribution au CAS « Pensions » ont augmenté de près de 20 % en quatre ans, soit une hausse moyenne de 5 % par an, concentrée essentiellement sur les années 2023 et 2024.

Dépenses de personnel (titre 2)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Par rapport à 2021, les dépenses de personnels auront ainsi augmenté en 2025 de 8,8 milliards d'euros hors contribution au CAS « Pensions », et de seulement 900 millions d'euros par rapport à 2024.

Les hausses de dépenses de personnels de ces dernières années étaient liées tant à des mesures catégorielles qu'à des mesures générales. Lors de la présentation du PLF pour 2024, les mesures catégorielles de revalorisation salariale représentaient une hausse de 1,3 milliard d'euros des dépenses par rapport à 2023. Elles comprenaient notamment le relèvement des principales indemnités de fonction perçues par les personnels enseignants, avec le doublement de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du premier degré, et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du second degré. La prime d'attractivité avait été revalorisée pour les quinze premières années de carrière.

Les mesures générales comportaient les hausses successives du point d'indice, en 2022 et 2023, qui ont représenté 2,5 milliards d'euros en 2024, ou encore les mesures du « rendez-vous salarial » annoncé en juin 2023, notamment la prime de pouvoir d'achat pour un coût de près de 300 millions d'euros en 2023.

b) Une évolution des dépenses de personnels déterminée par les mouvements de tendance

En 2025, pour la première fois en quatre ans, l'évolution des dépenses de personnels est davantage impactée par les mouvements de tendance, que par les mesures de revalorisations, générales ou catégorielles. Notamment, le glissement vieillesse-technicité - GVT augmente de 394 millions d'euros les dépenses de personnels. En comparaison, les revalorisations catégorielles n'ont représenté qu'une hausse de 158 millions d'euros des dépenses de personnels par rapport à 2024.

Répartition de la hausse des dépenses de personnels
sur la mission Enseignement scolaire en 2024 (hors CAS « Pensions »)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les mesures catégorielles comprennent :

- la revalorisation sans condition des enseignants mise en oeuvre à la rentrée 2024 au titre de la montée en charge de la hausse du taux de promotion à la hors classe et à la classe exceptionnelle à hauteur de 5,6 millions d'euros ;

- la revalorisation de 65 millions d'euros des enseignants du second degré au titre de leur adhésion à des missions complémentaires ;

- la revalorisation des AESH au bénéfice des AESH antérieurement rémunérés par les EPLE, à hauteur de 60,3 millions d'euros sur le programme 230 au titre des mesures du rendez-vous salarial de juin 2023, de la revalorisation de la grille indiciaire et de la création d'une indemnité de fonction.

3. Une suppression de 4 000 postes d'enseignants
a) La suppression de 4 000 postes d'enseignants, essentiellement dans le premier degré, un risque pour les écoles rurales

Un point particulièrement marquant du budget de la mission « Enseignement scolaire » en 2023 est la baisse du plafond d'emplois d'enseignants. En intégrant les effets de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2024, le nombre de postes d'enseignants diminuera en 2025 de 2 191 ETPT (équivalent temps plein annuel travaillé) dans le premier degré et de 383 ETPT dans le second degré. Dans l'enseignement privé, 567 ETPT de moins seront rémunérés en 2025, essentiellement dans le premier degré.

Évolution du plafond d'emplois

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaire budgétaire

En conséquence, ce ne sont pas moins de 4 000 postes d'enseignants qui vont être supprimés, dont 3 815 emplois d'enseignants du premier degré et 220 emplois d'enseignants du second degré. L'enseignement privé portera une baisse de 700 emplois, dont 660 dans le premier degré. Cette baisse représente 0,4 % du plafond d'emploi de l'enseignement privé (programme 139), 0,7 % du plafond d'emploi pour 2025 de l'enseignement public du premier degré et 0,1 % pour le second degré.

Évolution du schéma d'emplois en 2025 par programme

(en emplois)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette baisse du nombre d'enseignants du premier degré représente un risque notamment pour les écoles situées en territoire rural, probablement plus soumises à des enjeux de fermeture de classe. Ainsi, les écoles situées dans les communes rurales peu éloignées représentent 16 % des écoles et seulement 7 % des élèves. Elles comptent en moyenne 17,9 élèves par classe, y compris hors éducation prioritaire, alors que la moyenne nationale est de 22,7 élèves par classe et qu'elle est même de 23,8 dans les écoles hors zone prioritaires des zones urbaines très denses.

Répartition des écoles et taux d'encadrement selon le type de territoire

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Il est donc possible que les fermetures de classe envisagées visent des zones rurales. Or les conséquences d'une fermeture d'une classe destinée à accueillir des populations enclavées sont fortes en termes d'attractivité du territoire. La fermeture d'une classe dans un territoire peu accessible risque d'être particulièrement mal perçue par des populations déjà éloignées des services publics et devrait donc être évitée.

Toutefois, comme développé infra, au vu de l'ampleur des baisses démographiques anticipées, une diminution graduée et ciblée dans des territoires non enclavés des emplois d'enseignants peut permettre une réorientation efficiente des moyens budgétaires.

b) Une baisse totale du plafond d'emploi de 2 000 emplois grâce au recrutement de 2 000 AESH

Par ailleurs, la baisse du nombre d'enseignants est compensée par le relèvement du plafond d'emploi des AESH. La hausse de 21 017 ETPT sur le programme 230 tient à la fois à l'intégration de 18 350 ETPT d'AESH dans le titre 2 et à la création de 2667 ETPT supplémentaires, représentant - 2 000 emplois. Ainsi, la mission ne subit une suppression au total que de 2 000 emplois.

En effet, jusqu'en 2022, un grand nombre d'emplois permanents d'AESH demeuraient non comptabilisés dans les plafonds d'emplois de la mission et relevaient des dépenses « hors T2 » du programme 230. Or, la politique de transformation des contrats de droit public de trois ans, renouvelable une fois en contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 6 ans d'ancienneté, a conduit à l'intégration massive d'AESH dans les plafonds d'emplois de la mission. Depuis décembre 2022, la « CDIsation » est par ailleurs possible dès trois ans, pour les AESH comme pour les assistants d'éducation2(*).

De plus, au cours des années précédentes, malgré la hausse de la dépense, le plafond d'emplois consacrés aux AESH restait sous-consommé de façon importante. Ainsi, il manquait, en 2023, 3 493 ETPT en exécution par rapport aux prévisions d'emplois et de recrutement en LFI. Le métier d'AESH restant précaire et majoritairement constitué de femmes exerçant à temps partiel, les recrutements ne parviennent pas à suivre la hausse de la demande en accompagnement humain.

D'après le ministère de l'éducation nationale, la baisse de 2 000 emplois représenterait une économie budgétaire de l'ordre de 60 millions d'euros pour 2025.


* 1 Les personnels administratifs du ministère de l'Éducation nationale, du rapporteur spécial Olivier Paccaud, 22 mai 2024.

* 2 Loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation.

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