N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 12

ÉCONOMIE

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS ET AVANCES
À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS

Rapporteur spécial et Rapporteure spéciale :
M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La mission « Économie » rassemble une partie des instruments budgétaires et des moyens des administrations et des opérateurs déployés en faveur de l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, les exportations, la concurrence et la protection des consommateurs.

Globalement, les crédits demandés pour 2025 pour la mission baissent fortement en autorisations d'engagement (AE), de 582,9 millions d'euros par rapport à 2024 (- 13,8 %), et en crédits de paiement (CP), de 404,8 millions d'euros (- 9,5 %).

Évolution des crédits de la mission

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat

Cette baisse des crédits est concentrée sur le programme 343 « Plan France très haut débit » et le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Elle s'explique principalement par :

- une baisse de 217,9 millions d'euros des crédits consacrés aux projets de réseaux d'initiative publique financés dans le cadre du Plan France très haut débit (PFTHD) ;

- la suppression de la ligne spécifique dédiée au financement de diverses missions de Bpifrance, qui représente une diminution de 100 millions d'euros en AE=CP ;

Les autres programmes connaissent des évolutions plus modestes. Les crédits du programme 220 « Statistiques et études économiques » sont en baisse de 2,7 % en AE (- 13,3 millions d'euros) et stables à - 0,03 % en CP (- 0,2 million d'euros), tandis que ceux du programme 305 « Stratégies économiques » sont en baisse de 0,1 % en AE (- 0,9 million d'euros) et mais en hausse de 1,1 % en CP (+ 7,3 millions d'euros). Enfin, le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2025 sur le CAS PFE » n'est doté d'aucun crédit.

I. UN EFFORT DEMANDÉ AUX ADMINISTRATIONS ET OPÉRATEURS DE LA MISSION EN 2025

Les dépenses de personnel de la mission sont relativement stables, à + 0,5 % par rapport à 2024 (+ 5 millions d'euros).

La diminution du plafond d'emplois de l'État de 27 ETPT est principalement supportée par la direction générale des entreprises (DGE), et dans une moindre mesure, par la direction générale du Trésor (DG Trésor), l'INSEE et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

L'ensemble des opérateurs de la mission connaissent également une baisse de leurs effectifs de 101 ETPT sous plafond.

A. SI LES EFFECTIFS DE LA DG TRÉSOR SONT EN LÉGÈRE BAISSE, LE RÉSEAU ÉCONOMIQUE À L'ÉTRANGER EST PRÉSERVÉ

En 2023, les effectifs de la DG Trésor étaient renforcés pour la première fois depuis 2015, hors présidence française de l'Union européenne. En 2024, le plafond d'emplois a de nouveau été rehaussé de 19 ETPT. L'année 2025 marque une rupture avec les deux exercices précédents, puisque le plafond d'emploi de la DG Trésor est en baisse de 6 ETPT.

Concernant le réseau de services économiques de la DG Trésor à l'étranger, le rapport de contrôle réalisé par les rapporteurs spéciaux en 20211(*) avait montré les limites de la rationalisation opérée. Entre 2009 et 2022, les effectifs des services économiques à l'étranger s'étaient ainsi réduits d'environ 840 agents. Les rapporteurs spéciaux avaient appelé de leurs voeux la stabilisation de ces effectifs afin de préserver la qualité de la diplomatie économique française.

En 2025, malgré la baisse du plafond d'emplois de la DG Trésor, les effectifs du réseau économique à l'étranger sont préservés, à hauteur de 495 ETPT.

B. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DES EFFECTIFS DE LA DGCCRF, À REBOURS DE LA RECOMMANDATION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les effectifs de la DGCCRF ont baissé de près d'un quart entre 2007 et 2022, soit plus de 900 postes transférés ou supprimés.

Dans leur rapport de contrôle réalisé en 2022 sur la DGCCRF2(*), les rapporteurs spéciaux avaient alerté quant aux conséquences de ces baisses d'effectifs sur le bon accomplissement des missions, en particulier dans certains départements peu dotés en personnel. Ils avaient recommandé de rétablir 49 ETPT, au bénéficie de tous les territoires. Si cette recommandation a été entendue en 2023 et 2024, 49 ETPT ayant été créés sur deux ans, l'année 2025 marque un retour en arrière puisque le plafond diminue de 3 ETPT.

C. UNE BAISSE DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DE LA MISSION

L'ensemble des opérateurs de la mission sont mis à contribution en 2025 dans le cadre des mesures de redressement des finances publiques portées par le Gouvernement. Ainsi Business France, l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (l'ARCEP), la Banque de France et l'Agence nationale des fréquences (ANFR), connaissent globalement une baissent de leurs moyens. En revanche, l'Autorité de la concurrence voit ses crédits stabilisés, malgré un recul de son plafond d'emploi.

Par ailleurs, le cas d'Atout France, qui voit ses crédits diminuer de 3,8 millions et son plafond d'emploi baisser de 32 ETPT, a fait l'objet d'une attention particulière de la part des rapporteurs spéciaux, au lendemain de l'annonce par le Premier ministre d'une possible fusion avec Business France.

La fusion Atout France - Business France : l'annonce prématurée
d'une réforme dont les gains restent à démontrer

Le Premier ministre a annoncé, lors son discours de politique générale du 1er octobre dernier, sa volonté de mutualiser et regrouper des « agences, des opérateurs et des fonds qui partagent des objectifs communs, comme Business France et Atout France ». Cette intention est confirmée par le dossier de presse du PLF 2025, qui indique qu'une « fusion des opérateurs Business France et Atout France est amorcée dès 2025, notamment en vue d'une réorganisation de leur réseau à l'étranger et d'une mutualisation de leurs moyens. »

L'annonce de cette fusion semble prématurée. Elle a été accueillie avec scepticisme par la plupart des personnes entendues par les rapporteurs spéciaux, et a visiblement été formulée sans que cette réforme n'ait fait l'objet d'une concertation avec les acteurs concernés.

Les gains attendus d'une telle fusion sont à ce jour loin d'être démontrés. Si les missions des deux opérateurs se recoupent en partie, notamment en ce qui concerne la promotion de la « destination France » à l'international, celles-ci ne se confondent pas totalement. Atout France dispose par exemple, contrairement à Business France, d'une compétence « métier » illustrée par son action de développement de l'offre touristique sur le territoire français. Une fusion précipitée de ces deux opérateurs pourrait conduire à un affaiblissement de cette offre, avec des conséquences négatives en termes de retombées économiques pour le secteur du tourisme. Par ailleurs, les suppressions d'effectifs au sein d'Atout France qui résulteraient de cette fusion pourraient impliquer des procédures de licenciement et reclassement coûteuses et complexes, d'autant plus qu'une part conséquente des salariés du réseau international d'Atout France relève de contrats de travail de droit local.

Les rapporteurs spéciaux insistent en tout état de cause sur la nécessité de mener une étude approfondie à la fois sur les gains et sur les coûts induits par la fusion entre ces deux opérateurs avant d'envisager la concrétisation de cette réforme.

Source : commission des finances, d'après les auditions des rapporteurs spéciaux

II. UNE LOGIQUE DE RABOT BUDGÉTAIRE APPLIQUÉE SUR CERTAINS DISPOSITIFS POURTANT ESSENTIELS

Le plan France très haut débit, les compensations des missions de service public au groupe La Poste et la compensation carbone des sites électro-intensifs représentent à eux seuls près de trois quarts (75,5 %, soit 2,21 milliards d'euros) des dépenses « hors titre 2 » de la mission. S'y ajoute en 2025 la création d'une ligne budgétaire dotée de 50 millions d'euros en AE destiné à la décarbonation de l'industrie, qui a vocation à être abondée de 1,5 milliard d'euros en cours de navette par le Gouvernement.

A. LA BAISSE DRASTIQUE DES CRÉDITS DU PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT MET EN PÉRIL LE RESPECT DE L'OBJECTIF DE COUVERTURE EN FIBRE OPTIQUE DE L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE EN 2025

Le plan France très haut débit (PFTHD), lancé en 2013, vise, depuis 2020, l'objectif d'un déploiement complet de la fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'horizon 2025.

Le déploiement de la fibre optique s'opère dans le cadre d'un zonage, composé de deux grandes zones. D'une part, la zone très dense (schématiquement, les zones urbanisées), qui est réputée rentable pour l'initiative privée des opérateurs, qui y réalisent le déploiement à leurs frais. D'autre part, la zone moins dense, qui correspond au reste du territoire. La zone moins dense (ZMD) se décompose elle-même en une ZMD d'initiative privée et une ZMD d'initiative publique. Dans la ZMD d'initiative privée, le déploiement de la fibre optique est effectué aux frais des opérateurs, notamment sur la base d'engagements pris avec l'État (zones AMII3(*)) ou avec les collectivités territoriales (zones AMEL4(*)). Dans la ZMD d'initiative publique, le déploiement des « réseaux d'initiative publique » (RIP) est pris en charge par les collectivités territoriales.

Le PFTHD subventionne spécifiquement les réseaux d'initiative publique (RIP), pour un montant cumulé à ce jour, via différents vecteurs financiers, de plus de 3,57 milliards d'euros. Le programme 343 porte aujourd'hui la participation de l'État au financement du PFTHD. L'enveloppe allouée au Plan est gérée depuis 2023 par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT).

En 2024, le programme 343 était doté de 96,9 millions d'euros en AE et 464,5 millions d'euros en CP. Ces crédits ont été largement amputés en 2024 :

- par le décret d'annulation du 21 février 2024 (- 37,8 millions d'euros en AE et - 116,8 millions d'euros en CP) ;

- par le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour l'année 2024 (- 84,6 millions d'euros en CP, dont 40,1 millions d'euros ayant fait l'objet d'un surgel lors de l'été 2024).

Malgré ces annulations de crédits, le financement des projets prévus sur l'année 2024 ne serait pas remis en cause, compte tenu des réserves de trésorerie dont dispose l'ANCT (107 millions d'euros en 2023). Toutefois, le PLF 2025 prévoit une nouvelle diminution massive des crédits consacrés aux RIP. En effet, aucune AE n'est inscrite sur l'action 1 « Réseaux d'initiative publique », et 200 millions d'euros de CP sont prévus, soit une baisse de plus de 52 % par rapport à 2024.

Cette situation est particulièrement préoccupante, puisque cette coupe budgétaire, combinée à la forte mobilisation de la trésorerie de l'ANCT pour compenser les annulations de crédits intervenus en gestion lors de l'année 2024, implique que les crédits de paiement disponibles pourraient être insuffisants pour garantir la poursuite des projets en 2025. Le désengagement de l'État risque de se répercuter sur les collectivités locales, qui devront, dans les cas où leur situation financière le permet, se substituer pour garantir la poursuite des projets. À défaut, cette situation pourrait in fine se répercuter sur les opérateurs et leurs sous-traitants, et fragiliser ainsi le tissu économique local.

Le cas particulier du RIP de Mayotte, dont la concrétisation n'est à ce jour toujours pas garantie, faute de crédits suffisants, a fait l'objet d'une attention particulière de la part des rapporteurs spéciaux. Ils proposent un amendement de majoration des crédits du programme 343 de près de 37,5 millions d'euros en AE pour sécuriser ce projet.

Le réseau d'initiative publique de Mayotte 

Le département de Mayotte a un taux de couverture internet fixe très haut débit en France de 40 %, largement inférieur à la moyenne nationale, qui est de 87 %.

Le réseau d'initiative publique (RIP) de Mayotte nécessiterait, d'après les estimations de la direction générale des entreprises, un investissement d'a minima 210 millions d'euros. Le besoin de subvention de l'État est évalué à 55 millions d'euros, en cohérence avec le taux de subvention accordé aux autres projets de RIP ultramarins (25 % en moyenne).

Dans le cadre de la loi de finances pour 2024, une enveloppe de 50,5 millions d'euros en AE a été ouverte à l'initiative du Sénat afin de compléter les 4,5 millions d'euros déjà provisionnés en 2023. Néanmoins, en raison du décret d'annulation de crédits du 21 février 2024, l'enveloppe dédiée au projet a été diminuée de 12,9 millions d'euros pour participer à la réduction du déficit public. Ainsi, seuls 17,4 millions d'euros sont disponibles à ce jour, ce qui ne sera pas suffisant pour garantir la concrétisation de ce projet.

L'absence d'AE inscrite sur l'action 1 « Réseaux d'initiative publique » fait peser un risque majeur sur la concrétisation du RIP de Mayotte, alors même que la signature de la délégation de service public avec les opérateurs en charge de son déploiement est programmée au cours de l'année 2025.

Source : commission des finances, d'après les auditions des rapporteurs spéciaux et les réponses aux questionnaires budgétaires

Par ailleurs, une enveloppe de 16,1 millions d'euros est prévue dans ce PLF pour la mise en place d'un dispositif expérimental d'aide aux raccordements complexes sur la période 2025-2026. Les rapporteurs spéciaux relèvent que le montant de l'enveloppe financière et le périmètre de cette expérimentation, circonscrit au seul domaine privé, apparaissent très limités au regard de l'ampleur des enjeux.

B. LA RELATIVE STABILISATION DE LA SUBVENTION VERSÉE À LA POSTE, ALORS MÊME QUE LES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC QU'ELLE ASSURE SONT STRUCTURELLEMENT SOUS-COMPENSÉES

La mission « Économie » porte les compensations de quatre missions de service public du groupe La Poste, pour un total de 912,5 millions d'euros :

- la mission d'accessibilité bancaire, dont la compensation est fixée à 269 millions d'euros en 2025, en baisse de 16 millions par rapport à 2024, conformément à la trajectoire pluriannuelle ;

- la mission de transport postal de la presse, dont la compensation est fixée à 38,5 millions d'euros en 2025, en baisse de 4,3 millions d'euros par rapport à 2024 ;

- la mission de service universel postal, dont la compensation est fixée à 500 millions d'euros en 2025, est stable par rapport à 2024 ;

la mission d'aménagement du territoire, consistant à maintenir des points de contact sur l'ensemble du territoire. La compensation de cette mission consiste en un allègement de fiscalité locale doublé d'une dotation budgétaire. Dans le contexte de baisse de rendement des abattements de fiscalité locale, les rapporteurs spéciaux estiment que le maintien de la dotation à 105 millions d'euros, soit le même montant qu'en 2024, est insuffisant pour garantir le niveau de compensation fixé par le contrat signé entre La Poste, l'État et l'Association des maires de France (soit 174 millions d'euros).

C. UNE STABILISATION DE LA COMPENSATION CARBONE DES SITES TRÈS ÉLECTRO-INTENSIFS QUI NE REMET PAS EN CAUSE LE FORT DYNAMISME DES CRÉDITS CONSACRÉS À CE DISPOSITIF

Le dispositif de compensation carbone permet, pour les sites très électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone (sidérurgie, papier/carton, chimie, etc.), la prise en charge d'une partie des coûts liés au système européen des quotas d'émissions (SEQE). Ce dispositif devrait représenter 1,051 milliard d'euros (en AE = CP) en 2025, soit un niveau inférieur de 23 millions d'euros à celui de 2024, mais en hausse par rapport à l'exécution anticipée pour cette même année, qui s'élèverait à 917 millions d'euros. Le montant de cette compensation a été particulièrement dynamique depuis 2017, en raison notamment de la hausse du prix du quota carbone. Cette enveloppe a ainsi été multipliée par quatre entre 2017 et 2024.

Évolution du coût de la compensation carbone entre 2017 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

D. LA SUPPRESSION DE LA LIGNE BUDGÉTAIRE CONSACRÉE AU FINANCEMENT DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ : UN DÉSENGAGEMENT REGRETTABLE DE L'ÉTAT D'UNE POLITIQUE POURTANT PORTEUSE DE CROISSANCE

Le PLF pour 2025 prévoit la suppression de la ligne budgétaire consacrée à la participation de l'État au financement des pôles de compétitivité, dotée de 9 millions d'euros en AE et en CP en LFI 2024.

Ce désengagement du financement de cette politique publique, qui constitue un vecteur de croissance important, est particulièrement regrettable. Ce choix est d'autant plus surprenant à l'heure où le Gouvernement affirme vouloir engager le pays dans la voie de la réindustrialisation.

E. UNE ENVELOPPE DÉDIÉE À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE DONT LES CONTOURS SONT ENCORE FLOUS

Le PLF pour 2025 a prévu la création d'une nouvelle ligne budgétaire dédiée à la décarbonation de l'industrie, dotée de 50 millions d'euros en AE dans le texte initial. Le Gouvernement a en outre déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à majorer les crédits de cette enveloppe, afin de la porter à 1,6 milliard d'euros en AE. Cet amendement n'a finalement pas pu être examiné par l'Assemblée nationale, compte tenu du rejet de la première partie du PLF en séance publique. Les rapporteurs spéciaux souscrivent à l'objectif de décarbonation de notre économie portée par cette nouvelle ligne budgétaire. Ils déplorent toutefois le faible niveau d'information dont dispose le Parlement sur le dispositif qui portera ces crédits, d'autant plus regrettable au regard de l'ampleur des montants annoncés.

III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS » CONNAÎT QUELQUES ÉVOLUTIONS

En 2025, les crédits du compte de concours financiers s'établissent à 25,1 millions d'euros en AE (en baisse de 93,2 %, soit - 250 millions d'euros) et à 250,6 millions d'euros en CP (en baisse de 44,7 %, soit - 227 millions d'euros).

Sur les six programmes, deux ont une importance significative d'un point de vue budgétaire :

- le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » (doté de 25 millions d'euros en AE = CP en 2025) ;

- le programme 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle », qui est doté de 225,5 millions d'euros en CP (en baisse de 38,6 %, soit -141,7 millions d'euros), mais ne fait l'objet d'aucune ouverture d'AE en 2025.

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par un amendement de crédits réallouant 37,5 millions d'euros (AE) du programme « Stratégies économiques » vers le projet de déploiement de la fibre optique à Mayotte. La commission des finances a également proposé l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » sans modification.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 71 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Économie ».

LA MISSION ÉCONOMIE

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « ÉCONOMIE » CONNAISSENT UNE BAISSE SIGNIFICATIVE EN 2025

A. PRÉSENTATION DE LA MISSION « ÉCONOMIE »

La mission « Économie » rassemble une partie des instruments budgétaires et des moyens des administrations et organismes publics qui ont vocation à favoriser l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, le développement des exportations, la concurrence et la protection des consommateurs. Elle est composée de trois programmes permanents :

- le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » regroupe les instruments de soutien aux entreprises, notamment sous la forme de dépenses d'intervention au profit des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), en particulier dans les secteurs de l'industrie, du commerce et de l'artisanat. Il porte également les crédits des administrations chargées de ces politiques, de deux autorités administratives indépendantes (AAI)5(*) et de plusieurs opérateurs6(*;

- le programme 220 « Statistiques et études économiques » porte les crédits de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ;

- le programme 305 « Stratégies économiques » porte une partie des crédits de la direction générale du Trésor et de son réseau international, ainsi que les crédits de plusieurs opérateurs et les subventions versées à la Banque de France et aux instituts d'émission ultramarins au titre des prestations qu'ils effectuent pour le compte de l'État.

Aux trois programmes « permanents » de la mission « Économie » viennent s'ajouter deux programmes ayant vocation à être temporaires :

- le programme 343 « Plan France très haut débit », qui porte la plus grande partie de la participation de l'État au financement de l'objectif de couverture intégrale du territoire en fibre optique à l'horizon 2025 ;

- le programme 367 intitulé « Financement des opérations patrimoniales en 2025 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » » créé à compter de 2022 et qui constitue le support d'ouvertures de crédits à destination du CAS. Concernant ce programme 367, celui-ci ayant exclusivement vocation à alimenter le CAS « Participations financières de l'État » les rapporteurs spéciaux renvoient aux travaux du rapporteur spécial du compte, M. Claude Raynal.

B. UNE BAISSE CONSÉQUENTE DES CRÉDITS PORTANT PRINCIPALEMENT SUR DEUX PROGRAMMES DE LA MISSION

La mission « Économie » fait l'objet d'une demande d'ouverture de crédits de 3,65 milliards d'euros en AE et 3,88 milliards d'euros en CP pour 2025, contre 4,23 milliards d'euros en AE et 4,29 milliards d'euros en CP en LFI 2024. Les crédits demandés connaissent donc une baisse substantielle de 13,8 % en AE et 9,5 % en CP.

Évolution des crédits de la mission « Économie »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2023

LFI 2024

PLF 2025 

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 

FDC et ADP en 2025

134 - Développement des entreprises et régulations

AE

3 394,2

2 947

2 427,6

- 519,4

- 17,6 %

0,1

CP

3 469,4

2 656,7

2 457,7

- 199

- 7,5 %

0,1

343 - Plan France très haut débit

AE

72,6

96,9

47,7

- 49,2

- 50,8 %

0,0

CP

426,7

464,5

247,8

- 216,7

- 46,6 %

0,0

220 - Statistiques et études économiques

AE

456,6

485,8

472,4

- 13,4

- 2,7 %

6,8

CP

454,9

473,5

473,3

- 0,2

- 0,03 %

6,8

305 - Stratégies économiques

AE

709,2

703,7

702,8

- 0,9 

- 0,1 %

1,5

CP

704,8

698,6

705,9

+ 7,3

+ 1,1 %

1,5

367 - Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2025 sur le CAS « Participations financières de l'État »

AE
=
CP

0

0

0

0

0

0

/

/

0,0

Total mission

AE

4 632,6

4 233,4

3 650,5

- 582,9 

- 13,8 %

8,4

CP

5 055,8

4 293,2

3 884,8

- 408,4 

- 9,5 %

8,4

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La baisse des CP, de l'ordre de 408,4 millions d'euros, est principalement supportée par le programme 343 « Plan France très haut débit », dont les CP baissent d'environ 219 millions d'euros (- 46,6 %), et le programme 134 « Développement des entreprises et régulation », dont les CP diminuent d'environ 200 millions d'euros (- 7,5 %).

La baisse des crédits de la mission en 2025 se répercute sur une multitude de dispositifs, et se traduit plus particulièrement par :

- la baisse des crédits consacrés aux projets de réseaux d'initiative publique financés dans le cadre du Plan France très haut débit (- 217,9 millions d'euros en CP) ;

- la suppression de ligne spécifiquement dédiée au financement de diverses missions de Bpifrance, qui représente une diminution de 100 millions d'euros en AE=CP ;

la suppression de la ligne budgétaire consacrée au fonds territorial d'accessibilité, dotée en 2024 de 50 millions d'euros en AE et de 20 millions en CP ;

- la légère baisse de l'enveloppe consacrée à la compensation carbone des entreprises très électro-intensives exposées à un risque significatif de délocalisation en raison du prix du CO2 du système d'échange européen des quotas d'émission de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité (- 17 millions d'euros en AE et en CP par rapport à 2024, pour atteindre 1,051 milliard d'euros) ;

- la baisse de 13,9 millions d'euros en AE et CP de l'enveloppe consacrée aux conseillers numériques France service, qui s'élève à 27,9 millions d'euros en 2025 ;

- l'évolution de la rémunération de Bpifrance Assurance Export, au titre de la gestion des garanties publiques et d'autres outils de soutien financier à l'exportation des entreprises, qui se traduit par une baisse de 242,6 millions d'euros en AE, et une hausse de 1,3 million d'euros en CP. La baisse du montant des AE s'explique par le fait que l'année 2024 a été marquée par l'engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 signée entre l'État et Bpifrance Assurance Export ;

l'extinction du « Plan Destination France » qui bénéficiait en 2024 de 10,1 millions d'euros en CP ;

- la baisse de 10 millions d'euros en AE=CP de la dotation versée à Business France, qui s'élève cette année à 90,7 millions d'euros.

- la baisse de 9 millions d'euros en AE=CP de la dotation de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), qui est logique dans la mesure où l'année 2024 avait justifié une augmentation exceptionnelle de ses moyens dans le contexte de l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques en France ;

- la suppression de la ligne budgétaire consacrée à la participation de l'État aux pôles de compétitivité, dotée de 9 millions d'euros en 2024.

II. UN EFFORT DEMANDÉ AUX ADMINISTRATIONS ET OPÉRATEURS DE LA MISSION EN 2025

En 2025, les moyens des administrations de la mission sont relativement stables. Les dépenses de personnel de la mission sont en hausse de 0,5 % par rapport à 2025, soit de 5 millions d'euros en AE=CP. Elles s'établissent à 965,9 millions d'euros.

Toutefois le plafond d'emplois de l'État est réduit de 27 ETPT. Cette baisse du plafond est concentrée sur les programmes 134 (- 16 ETPT), 305 (- 6 ETPT) et 220 (- 5 ETPT), tandis que les programmes 343 et 367 ne portent pas de personnel. Le plafond d'emplois de l'État s'établit à 10 903 ETPT pour la mission.

S'agissant des opérateurs disposant d'ETPT rattachés à la mission, qui relèvent tous du programme 134, la baisse est de 101 ETPT sous plafond (et de 108 ETPT en incluant les ETPT hors plafond). Le plafond d'emplois des opérateurs s'établit à 2 2775 ETPT, y compris ETPT hors plafond, pour la mission.

A. LA PLUPART DES ADMINISTRATIONS DE LA MISSION VOIT LEURS CRÉDITS STABILISÉS ET LEURS EFFECTIFS DIMINUER

1. La direction générale du Trésor, une administration qui demeure au coeur de la confection des politiques économiques mais dont les effectifs sont en baisse en 2025
a) L'administration centrale de la direction générale du Trésor, une administration au coeur de la confection des politiques économiques

La direction générale du Trésor (DG Trésor) fait partie des directions dites « d'état-major » du ministère de l'économie. Elle assure des missions stratégiques en participant notamment aux analyses macro-économiques de croissance, d'inflation, de dépenses et de recettes fiscales. Par le biais de l'Agence France Trésor, la DG Trésor assure également la gestion de la dette publique7(*). Elle exerce la tutelle de l'État sur l'Agence française de développement, Bpifrance SA, BPI Assurance export, Business France et Expertise France.

Par ailleurs, le secrétariat du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) est assuré par la DG Trésor. Le CIRI accompagne les entreprises de plus de 400 salariés dans leurs restructurations. Son action est complétée, pour les entreprises de moins de 400 salariés, par celle des Comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) ainsi que celle des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (ex-commissaires au redressement productif). Dans le contexte de crise sanitaire, la gestion par le CIRI du Fonds de développement économique et social (FDES) a pris une ampleur particulière, alors que les crédits qui lui sont dédiés ont été démultipliés.

b) Des effectifs en baisse en 2025, mais une préservation du réseau économique à l'étranger

Le plafond d'emploi de la DG Trésor atteindrait 1 281 ETPT en 2025, contre 1287 en 2024. Le schéma d'emploi diminuerait quant à lui de 10 ETP. Les dépenses de personnel diminuent de 0,7 % soit - 1 million d'euros en AE=CP.

Le réseau économique à l'étranger est préservé, les effectifs restant les mêmes, à 495 ETPT. Les rapporteurs spéciaux, qui avait constaté, dans leur rapport de contrôle réalisé au printemps 20218(*), une situation de tension sur les effectifs du réseau, se satisfont de la stabilisation de ces effectifs. Le rapport de contrôle avait en effet montré les limites de la rationalisation de la direction à l'étranger. Sauf à remettre en cause l'importance de la diplomatie économique en tant que telle, il est apparu indispensable de stabiliser le nombre d'emplois à l'étranger de la DG Trésor.

Les services économiques régionaux et les antennes installées à l'étranger sont autant de relais de l'action de diplomatie économique de la France et produisent des services d'intelligence économique.

Ce réseau, qui permet de soutenir les secteurs stratégiques français, se compose à fin 2022 de 129 implantations, réparties dans 105 pays, dont :

- 32 services économiques régionaux ;

- 66 services économiques ;

- 4 délégations/représentations permanentes de la France au sein d'instances multilatérales ;

- 22 délégués ou correspondants de chefs de services économiques.

Entre 2009 et 2022, l'effectif des services économiques à l'étranger s'est fortement réduit, passant de 1 339 à environ 500 agents9(*), soit une baisse d'environ 840 agents. Si cette réduction résultait en partie d'évolutions dans le périmètre des interventions de la DG Trésor10(*), une part non négligeable de la réduction du nombre d'ETP résultait de la rationalisation du réseau. Les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner l'importance de la fin de la réduction des effectifs depuis 2022, qu'ils avaient appelée de leurs voeux. En effet, les gains à espérer d'une politique de rabot sur les effectifs au sein des services économiques sont sans commune mesure avec les risques qu'une telle réduction pourrait faire courir.

2. L'Institut national de la statistique et des études économiques s'inscrit dans le contrat budgétaire 2023-2025 et voit ses effectifs diminuer légèrement

Les crédits de l'INSEE sont portés par le programme 220 « Statistiques et études économiques ». Ces crédits sont en baisse de 2,7 % en AE (- 13,3 millions d'euros) et stables à - 0,03 % en CP (- 0,2 million d'euros). Les AE s'établissent à 472,5 millions d'euros et les CP à 473,3 millions d'euros.

Ces crédits s'inscrivent dans un nouveau contrat budgétaire 2023-2025, conclu entre le directeur général de l'INSEE et l'État. Comme le précédent, ce contrat présente un cadre pluriannuel qui doit permettre à l'Insee d'engager ses projets d'investissement. Il prévoit le suivi de six projets de transformation :

- la modernisation des enquêtes auprès des ménages à travers le développement du « multimode » ;

- la modernisation des répertoires des entreprises dans le cadre de la mise en place du guichet unique, géré par l'INPI ;

- les évolutions des répertoires administratifs de personnes ;

- l'anticipation des évolutions du recensement ;

- l'optimisation de la gestion des moyens de l'INSEE ;

- l'optimisation de ses transformations numériques.

Les objectifs fixés spécifiquement pour 2025 sont les suivants :

- respecter les engagements européens de la France en matière de diffusion des résultats économiques ;

- développer la dématérialisation des enquêtes, dans le but d'alléger la charge de réponse des enquêtés, de gagner en qualité et de réduire les coûts ;

- « faire parler » les chiffres de l'Insee et aller au-devant des publics.

Par ailleurs, les effectifs sont relativement stables cette année, comme en 2023 et 2024, après plusieurs années de baisse. Le plafond d'emplois est à 5 035 ETPT (- 5 ETPT). Le schéma d'emplois pour 2025 se traduit par une diminution de 1,4 ETP. Les dépenses de personnel sont en légère baisse de 1 %, soit - 1,6 millions d'euros en AE=CP.

3. Un léger recul des effectifs de la DGCCRF, à rebours de la recommandation des rapporteurs spéciaux

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) fait aujourd'hui face à plusieurs enjeux. Dans leur rapport de contrôle réalisé en 202211(*) sur la DGCCRF, les rapporteurs spéciaux ont formulé plusieurs constats et recommandations.

Les effectifs de la DGCCRF, ont connu entre 2007 et 2022 une diminution de 911 ETPT, correspondant à une baisse de près d'un quart12(*) des effectifs en 15 ans.

La baisse des effectifs sur la période s'explique pour une part majoritaire par des transferts à d'autres administrations ou autorités administratives indépendantes. Depuis la création du service commun des laboratoires (SCL), en 2008, les différents transferts ont conduit à une diminution des effectifs de la DGCCRF, en administration centrale et déconcentrée, de 513 ETPT.

Mais, en parallèle, la DGCCRF a également subi des réductions nettes d'effectifs significatives pour un total de 398 ETPT, à tous les niveaux de l'administration, de l'administration centrale aux services départementaux.

Or, les réductions d'effectifs reviennent in fine à réduire les opérations de contrôle. Les rapporteurs spéciaux avaient ainsi constaté qu'alors que les missions de la DGCCRF étaient présentées comme essentielles, ses effectifs continuaient de diminuer. Ils considèrent que les réductions d'effectifs sont allées au-delà du raisonnable, en particulier dans certains départements.

Dans ces conditions, les rapporteurs spéciaux considéraient dans leur rapport qu'il était nécessaire de prévoir un effectif socle par département de 7 ETPT, seuil permettant une certaine spécialisation des équipes. La tension sur les effectifs étant une réalité sur tout le territoire et à tous les échelons de la DGCCRF, la mise en place de ce socle ne pouvait se faire par le biais de redéploiements d'agents mais supposait plutôt, selon l'estimation des rapporteurs spéciaux, le rétablissement de 49 ETPT.

Les LFI 2023 et 2024, avaient prévu une augmentation plafond d'emplois a augmenté de 15 ETPT en 2023 et de 34 ETPT en 2024, hors ajustements de périmètre, soit un total de 49 ETPT, conformément aux recommandations des rapporteurs spéciaux. Toutefois, le PLF 2025 revient en partie sur la hausse des moyens de la DGCCRF accordée ces dernières années, puisqu'il prévoit une baisse du plafond d'emplois, qui est ramené à 2 843 ETPT (- 3 ETPT).

Par ailleurs, le schéma d'emplois est en baisse de 15 ETP, tandis que les dépenses de personnel de la direction sont stables (+ 1,1 millions d'euros en AE=CP, soit une augmentation de 0,4 %). La baisse des effectifs pose question dans un contexte où ce service est amené à porter son activité sur des secteurs en expansion, tels que le e-commerce.

4. Dix ETP en moins pour la direction générale des entreprises

Les missions de la direction générale des entreprises (DGE) ont fait l'objet ces dernières années d'une revue afin d'établir des priorités stratégiques :

- le recentrage des missions avec un resserrement de l'action sur les champs de l'industrie, du numérique et de l'innovation ;

- la réorganisation hiérarchique avec une suppression de l'échelon administratif des bureaux, justifié par le besoin de polyvalence des agents ;

- le travail en « mode projet » avec la création de nouvelles fonctions de directeur et de chef de projets.

Sur la période de 2015 à 2022, le schéma d'emplois de la DGE a été en baisse de 358 ETP, soit 83 suppressions sur l'administration centrale et 275 suppressions dans le réseau régional. Après deux années de stabilisation des effectifs de la DGE en 2023 et 2024, le schéma d'emplois prévoit une baisse de 10 ETP.

En 2025, la DGE sera en charge de la gestion ou du suivi d'un nombre important de dispositifs de la mission, telles que les aides aux entreprises énergo-intensives13(*), le déploiement du plan France très haut débit, la compensation carbone, les dotations au groupe La Poste (hormis la mission d'accessibilité bancaire), ou encore les relations avec les réseaux consulaires.

B. UNE BAISSE DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS DE LA PLUPART DES OPÉRATEURS DE LA MISSION

1. Une diminution des moyens en faveur des exportations et de l'internationalisation des entreprises via les subventions de Business France et de Bpifrance Assurance Export
a) Une diminution de la subvention de Business France

Créé le 1er janvier 2015 et issu de l'absorption de l'Agence française pour les investissements internationaux par Ubifrance, Business France est un opérateur chargé de promouvoir l'internationalisation de l'économie française.

Le financement de Business France relève de diverses missions budgétaires, sans que cette pluralité des sources de financement ne soit pleinement justifiée. Ainsi, en 2025, l'opérateur devrait bénéficier d'une subvention de 90,7 millions d'euros sur le programme 134 mais également de 3,8 millions d'euros sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », et de 3,7 millions d'euros sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ». Ces subventions sont complétées par la facturation par l'opérateur de ses prestations.

En 2025, la subvention accordée à Business France est en baisse de 10 millions d'euros, après avoir été stabilisée en 2024. Business France connaîtra par ailleurs une réduction de son plafond d'emplois de 10 ETPT en 2025, pour atteindre 423 ETPT (-10 ETPT).

b) Une absence d'autorisation d'engagement pour Bpifrance Assurance Export logique après une année 2024 marquée par l'engagement de l'ensemble des dotations de l'opérateur

Bpifrance Assurance Export assure un accompagnement à l'international des PME et des ETI en leur octroyant, pour le compte de l'État, différents types d'assurances et de garanties. Les principales sont l'assurance-crédit, l'assurance investissement, l'assurance prospection, la garantie du risque exportateur (cautions et préfinancements) et la garantie de change.

En 2024, cette dotation a connu une forte hausse en AE, de 246 millions d'euros. Cette augmentation était néanmoins ponctuelle puisqu'elle correspondait à l'engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 signée entre l'État et Bpifrance Assurance Export. En 2025, Bpifrance Assurance Export n'est donc doté d'aucune AE, tandis que les CP sont relativement stables à 81,2 millions d'euros (+ 1,2 millions d'euros)

2. Après une année marquée par une hausse de ses moyens dans le contexte de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, l'Agence nationale des fréquences voit sa subvention et ses effectifs diminuer sensiblement

L'Agence nationale des fréquences (ANFR) est un établissement public administratif créé par la loi du 26 juillet 1996 portant règlementation des télécommunications, qui a pour principale mission de gérer les ressources domaniales rares que constituent les fréquences radioélectriques. Elle exerce son activité en concertation avec les 11 administrations et autorités affectataires de fréquences radioélectriques, qui sont représentées à son conseil d'administration. Elle est organisée en 6 directions et compte 11 implantations en métropole et 4 dans les outre-mer.

Les recettes de l'ANFR relèvent pour l'essentiel de la subvention pour charges de service public portée par le programme 134. Les autres ressources correspondent à des prestations de service à des tiers et à des refacturations réglementaires aux opérateurs14(*).

L'ANFR joue aujourd'hui un rôle central pour le déploiement de la 5G en France en poursuivant l'action d'harmonisation des fréquences 5G au niveau européen et international et les réaménagements nécessaires à la mise à disposition des fréquences via la mise en oeuvre du Fonds de réaménagement du spectre (FRS). En outre, sa mission de surveillance du marché des équipements radioélectriques a été élargie par la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Elle est ainsi chargée, par le décret d'application n° 2023-588 du 11 juillet 2023, de contrôler que les équipements terminaux d'accès à internet (non professionnels) comportent un dispositif de contrôle parental par défaut dont l'activation sera proposée lors de la première mise en service.

En 2025, le plafond d'emplois de l'opérateur diminue de 59 ETPT, pour s'établir à 300 ETPT, et la subvention pour charges de service public s'élève à 42,5 millions d'euros. L'ANFR avait bénéficié en 2024 d'une hausse de ses effectifs (+ 49 ETPT) pour couvrir les besoins de recrutement des personnels au titre des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (JOP). La subvention avait par ailleurs été portée en 2024 à 54,7 millions d'euros, soit une hausse de 9,5 millions d'euros par rapport à l'année précédente, dont 8,1 millions d'euros alloués pour poursuivre la préparation et contribuer à la tenue des JOP. Cette hausse des moyens alloués avait donc vocation à être temporaire et il est logique que la dotation soit en baisse en 2025. Toutefois les rapporteurs spéciaux relèvent que cette évolution, de l'ordre de 12,2 millions d'euros est sensiblement supérieure à l'enveloppe qui avait été accordée à l'ANFR dans le cadre des JOP. Cette situation n'est pas satisfaisante, d'autant plus que l'ANFR doit assumer une charge de travail accrue depuis par la loi du 2 mars 2022 sur le contrôle parental.

3. Les redevances de l'Institut national de la propriété industrielle font l'objet d'un plafonnement, qui connait une baisse substantielle en 2025

L'Institut national de la propriété industrielle (INPI) est un établissement public administratif placé auprès du ministre de l'économie. Ses missions, définies par l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle sont les suivantes :

- centraliser et diffuser toute information nécessaire à la protection des innovations et à l'enregistrement des entreprises, et engager toute action de sensibilisation et de formation dans ces domaines ;

- appliquer les lois et règlements en matière de propriété industrielle et de registre du commerce et des sociétés. À cet effet, l'INPI procède à la réception des dépôts de demandes des titres de propriété industrielle, à leur examen, à leur délivrance ou à leur enregistrement, à la surveillance de leur maintien ; il centralise le registre du commerce et des sociétés ; enfin, il participe à l'élaboration des accords internationaux ainsi qu'à la représentation de la France dans les organisations internationales en matière de propriété industrielle.

Sur le programme 134, l'Institut national de propriété industrielle (INPI) ne fait l'objet d'aucune subvention budgétaire dans la mesure où son financement est exclusivement assuré par les redevances payées par les entreprises pour le dépôt et le maintien de leurs titres de propriété industrielle ou pour leurs formalités administratives.

Avant 2021, les recettes de l'INPI étaient bien supérieures à ses dépenses, générant de très importants excédents de gestion ; l'excédent atteignait 49 millions d'euros en 2019. Dans un référé du 27 mai 2019, la Cour des comptes avait critiqué un modèle économique favorisant une gestion peu économique, qui permet d'accumuler les excédents sans effort. D'après la Cour, cette situation aurait été à l'origine de dysfonctionnements : processus d'achats défectueux, gestion immobilière défaillante, absence de réelle supervision de la part de la tutelle ainsi que des faiblesses dans la politique de gestion des ressources humaines.

Depuis 2021, les recettes de l'INPI font l'objet d'un plafonnement et, partant, d'un écrêtement au profit de l'État, dont le montant, mentionné à l'article 46 modifié de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, était initialement de 124 millions d'euros. La loi de finances initiale pour 2022 a abaissé ce plafonnement à 94 millions d'euros.

Alors qu'à l'occasion de l'instauration de ce plafonnement, en loi de finances initiale pour 2021, il avait été indiqué que le plafond de 124 millions d'euros était « 9,5 millions d'euros au-dessus des dépenses de l'Institut15(*) de façon à lui laisser une marge de manoeuvre pour mener à bien ses investissements, notamment ceux liés au projet de mise en oeuvre du guichet unique et du registre général des entreprises prévus par les articles 1 et 2 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) »16(*), le plafond appliqué depuis 2022 apparaissait nettement sous-évalué.

En 2023, l'action de l'INPI était en effet marquée par l'entrée en vigueur du guichet unique et du registre général des entreprises, prévus par les articles 1 et 2 de la loi PACTE précitée. L'INPI est en effet l'opérateur désigné par l'État pour ces deux dispositifs :

- le guichet électronique des formalités d'entreprises (guichet unique) est un portail internet, auprès duquel toute entreprise peut déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités. À compter du 1er janvier 2023, ce portail devait être la voie unique pour effectuer ces formalités ;

- le registre national des entreprises (RNE) : à partir du 1er janvier 2023, toute entreprise exerçant sur le territoire français (sauf en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna) une activité de nature commerciale, artisanale, agricole ou indépendante doit être enregistrée au RNE. Celui-ci se substitue aux registres d'entreprises nationaux existants : le registre du commerce et des sociétés (RCS), le répertoire des métiers (RM) et le registre des actifs agricoles (RAA).

Le guichet unique a néanmoins connu d'importantes difficultés lors de son déploiement, ce qui a nécessité de mettre en place des solutions de continuité. En 2024, l'action de l'INPI avait vocation à se concentrer sur la consolidation des deux dispositifs précités, et dans ce contexte d'élargissement, le plafond de la redevance avait été maintenu à 94 millions d'euros.

Malgré l'élargissement de ses missions, le plafond des recettes de l'INPI a de nouveau été diminué, et s'élèvera en 2025 à 70 millions d'euros, soit une baisse conséquente de 25,5 %.

L'objectif est de contraindre l'INPI à puiser dans sa trésorerie pour financer son activité. Cette logique, si elle pouvait initialement se justifier par le niveau élevé de trésorerie de l'institut, ne doit pas conduire celui-ci à minorer le niveau de ses investissements. Il semblerait légitime de fixer un horizon plus clair et d'expliciter dès à présent ce que sera l'évolution à moyen terme du plafond.

S'agissant des effectifs, le plafond d'emplois de l'opérateur augmente de 3 ETPT en 2025, pour s'établir à 771 ETPT.

4. La subvention à la Banque de France en forte hausse, à rebours de la trajectoire de baisse constatée depuis une décennie, tandis que celle versée aux instituts d'émission ultramarins reste stable
a) Une hausse substantielle de la dotation de la Banque de France après une diminution de plus de 40 % entre 2013 et 2024

Les crédits versés à la Banque de France, par le biais du programme 305 « Stratégies économiques », visent à couvrir les coûts qu'elle engage dans l'exercice des missions d'intérêt général qui lui sont confiées par l'État (article L. 141-7 du code monétaire et financier).

Évolution de la subvention à la Banque de France depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires.

La Banque de France bénéficiera en 2025 de la compensation de l'État à hauteur de 222,5 millions d'euros en AE et CP, soit une augmentation de 187 millions d'euros en AE=CP, en hausse de 19 % par rapport à 2024, après une décennie de baisse.

D'après les informations transmises par la DG Trésor aux rapporteurs spéciaux, cette hausse par la mise en oeuvre du mécanisme d'ajustement qui permet de compenser l'écart entre le montant versé pour les prestations de l'année N (dotation) et leur coût réel. Ce mécanisme de budgétisation, particulièrement peu lisible, avait déjà fait l'objet de critiques de la part des rapporteurs spéciaux l'année dernière.

Par ailleurs, la hausse de la subvention s'explique également par une augmentation significative de l'activité de surendettement sous l'effet principalement de la conjoncture économique.

b) La subvention aux instituts d'émission ultramarins est stable en 2025 

Le programme 305 verse également une dotation à l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) et à l'institut d'émission d'outre-mer (IEOM - compétent pour la zone pacifique, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et les Îles Wallis-et-Futuna).

Les prestations réalisées pour le compte de l'État sont rémunérées en vertu des contrats passés entre l'État et les deux instituts, une trajectoire ayant été définie entre 2021 et 2023. Les crédits demandés pour 2025 sont stables par rapport à 2024 et s'élèvent à 26,5 millions d'euros, dont respectivement 3,76 millions d'euros pour l'IEDOM et 22,84 millions d'euros pour l'IEOM. 

5. L'Autorité de la concurrence : des crédits de paiement relativement stables

Les crédits de l'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante en charge du contrôle et de la sanction des pratiques anticoncurrentielles, de l'expertise du fonctionnement des marchés et du contrôle des opérations de concentration, sont retracés au sein du programme 134.

Les crédits demandés pour 2025 sont en baisse de 41 % en AE et en hausse de + 2 % en CP, et s'élèvent respectivement à 24,4 millions d'euros et 25,7 millions d'euros. L'année 2024 avait été marquée par une hausse exceptionnelle des AE en raison de l'engagement des dépenses ponctuelles liées au renouvellement des baux des bâtiments hébergeant l'institution.

Le plafond d'emplois de l'Autorité de la concurrence est en baisse de 3 ETPT, pour s'établir à 203 ETPT en 2025.

6. Des moyens stables pour l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en 2025

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est une autorité administrative indépendante chargée de la régulation des communications électroniques et des postes.

Elle intervient afin de favoriser une concurrence équilibrée fondée sur l'innovation et l'investissement des opérateurs dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit fixe et mobile, vecteur du développement économique, de la compétitivité du secteur et de l'attractivité des territoires. Elle veille à la fourniture du service universel, accompagne les pouvoirs publics pour étendre la connectivité sur l'ensemble du territoire et protège contre les atteintes possibles à la neutralité de l'internet. Afin d'intégrer les enjeux de protection environnementale dans sa régulation, elle poursuit aussi ses travaux dans le cadre de la « plateforme pour un numérique soutenable ». Enfin, depuis 2019, l'Arcep est en charge de la régulation de la distribution de la presse.

En 2025, ses crédits sont stables en AE (+ 0,1 million d'euros) et légère hausse de 2 % en CP (+ 0,5 million d'euros), s'établissant respectivement à 22,9 millions d'euros et 25,3 millions d'euros. Son plafond d'emplois est en légère hausse, à 190 ETPT.

7. Atout France : des moyens réduits dans un contexte d'incertitude autour d'une éventuelle fusion avec Business France

Atout France est depuis mai 2009 l'agence de développement touristique de la France, unique operateur de l'État dans le secteur du tourisme, constitué sous forme de Groupement d'intérêt économique (GIE).

S'appuyant sur un réseau de 29 bureaux répartis dans 26 pays et développant une collaboration étroite avec les ambassades, l'agence a vocation à connaître les marchés, acteurs et clientèles touristiques internationales. Elle déploie une stratégie de promotion visant à accroître l'attractivité touristique de la France.

Depuis 2023, Atout France fait l'objet d'une tutelle exclusive du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ce dernier s'étant vu confié une compétence exclusive en matière de tourisme. L'opérateur a intégré la mission « Économie » à compter de 2023, et plus précisément le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Ce programme porte ainsi d'une part, la dotation versée à Atout France et, d'autre part, des crédits destinés à développer le tourisme en France.

Le montant de la subvention pour charges de service public versé à Atout France s'établira à 24,9 millions d'euros, soit une baisse de 3,8 millions d'euros par rapport à 2024. Le plafond d'emploi est en baisse de 32 ETPT par rapport à 2024. Par ailleurs l'année 2025 sera marquée par l'extinction du « Plan Destination France » portés par le programme 134 et qui bénéficiait en 2024 de 10,1 millions d'euros en CP.

Cette diminution des moyens accordés à Atout France suscite de nombreuses interrogations, au lendemain de l'annonce formulée par le Premier ministre lors son discours de politique générale du 1er octobre dernier, de sa volonté de mutualiser et regrouper des « agences, des opérateurs et des fonds qui partagent des objectifs communs, comme Business France et Atout France ». Cette intention est confirmée par le dossier de presse du PLF 2025, qui indique qu'une « fusion des opérateurs Business France et Atout France est amorcée dès 2025, notamment en vue d'une réorganisation de leur réseau à l'étranger et d'une mutualisation de leurs moyens. »

L'annonce de cette fusion semble prématurée. Elle a été accueillie avec scepticisme par la plupart des personnes entendues lors des auditions des rapporteurs, et a visiblement été formulée sans que cette réforme n'ait fait l'objet d'une concertation avec les principaux acteurs concernés.

La fusion des deux opérateurs soulèvera de nombreuses difficultés juridiques induites notamment par les différences de statut entre Atout France, groupement d'intérêt économique (GIE), et Business France, établissement public industriel et commercial (EPIC). Par ailleurs, les gains attendus d'une telle fusion sont à ce jour loin d'être démontrés. Si les missions des deux opérateurs se recoupent en partie, notamment en ce qui concerne la promotion de la « Destination France » à l'international, celles-ci ne se confondent pas totalement. Atout France dispose par exemple, contrairement à Business France, d'une compétence « métier » illustrée par son action de développement de l'offre touristique sur le territoire français. Une fusion précipitée de ces deux opérateurs pourraient conduire à un affaiblissement de cette offre, avec des conséquences négatives en termes de retombées économiques pour le secteur du tourisme. Par ailleurs, les suppressions d'effectifs au sein d'Atout France qui résulteraient de cette fusion pourraient impliquer des procédures de licenciement et reclassement coûteuses et complexes, d'autant plus qu'une part conséquente des salariés du réseau international d'Atout France relève de contrats de droit local.

Les rapporteurs spéciaux insistent en tout état de cause sur la nécessité de mener une étude approfondie à la fois sur les gains et les coûts induits par la fusion entre ces deux opérateurs avant d'envisager la concrétisation de cette réforme. Ils seront particulièrement vigilants sur les suites qui seront données à cette annonce, dont la pertinence reste à démontrer.

III. LA BAISSE DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2025 PORTE SUR UNE MULTITUDE DE DISPOSITIF

Le plan France très haut débit, les compensations des missions de service public au groupe La Poste et la compensation carbone des sites très électro-intensifs représentent à eux seuls plus de trois quarts (75,7 %, soit 2,21 milliards d'euros) des dépenses hors titre 2 de la mission. Ces trois éléments sont déterminants pour l'évolution des crédits et constituent, outre les missions des administrations et opérateurs mentionnées supra, les politiques publiques les plus coûteuses portées par la mission.

S'y ajoute en 2025 la création d'une ligne budgétaire destinée à la décarbonation de l'industrie, actuellement dotée de 50 millions d'euros en AE mais qui a vocation à être abondée de 1,5 milliard d'euros en cours de navette par le Gouvernement.

A. LA BAISSE DRASTIQUE DES CRÉDITS DU PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT MET EN PÉRIL LE RESPECT DE L'OBJECTIF DE COUVERTURE EN FIBRE OPTIQUE DE L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE EN 2025 

1. Le déploiement du PFTHD est fragilisé par les coupes budgétaires massives prévues sur ce programme

Le plan France très haut débit (PFTHD), lancé en 2013, visait initialement deux objectifs : garantir à tous un accès au bon haut débit (supérieur à 8 Mbits/s) à fin 2020 et un accès au très haut débit (supérieur à 30 Mbits/s) à fin 2022. Un objectif additionnel a été ajouté en 2020 : atteindre un déploiement complet de la fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'horizon 2025.

Le PFTHD s'appuie sur l'articulation des initiatives privées et publiques et sur des financements croisés. Le soutien public se matérialise dans les projets des collectivités territoriales et par un soutien de l'État dans le cadre du PFTHD, ainsi que de l'Union européenne.

Le plan France Très haut débit

La technologie du très haut débit : un accès supérieur à 30 Mbit/s

Le « très haut débit » (supérieur à 30 Mbit/s) doit être distingué de la fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH - Fiber to the Home), qui permet de monter jusqu'à 100 Mbit/s.

Pour déployer le très haut débit sur le territoire, plusieurs technologies peuvent être utilisées :

- la fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) : il s'agit du standard le plus élevé, mais aussi le plus coûteux à mettre en oeuvre puisqu'il implique le déploiement de nouveaux réseaux. Le plan France Très haut débit prévoit un objectif de 100 % des locaux raccordables en fibre optique à l'horizon 2025 ;

- le réseau cuivre modernisé (ADSL/VDSL2) ou le réseau câblé modernisé, en mobilisant la fibre optique jusqu'au sous-répartiteur, voire jusqu'à l'immeuble. Ces opérations de « montée en débit » sont plus rapides et moins coûteuses à déployer ;

- les technologies hertziennes de type WiMAX (équivalent de la 4G pour le fixe) ou par satellite, qui constituent des solutions alternatives pour les zones où le déploiement serait trop difficile ou trop onéreux.

L'objectif actuel : 100 % des locaux éligibles à la fibre optique en 2025

Il convient de distinguer la « couverture » du territoire, qui fait référence au nombre de locaux éligibles et constitue la référence du PFTHD, de l'accès effectif, qui implique le raccordement des locaux et la souscription d'un abonnement.

Selon les données de l'ARCEP, la couverture FttH atteignait 38,7 millions de locaux éligibles au 31 mars 2024 (soit 87 % des locaux).

La fourniture généralisée de fibre optique en 2025 ne doit en principe pas souffrir d'exceptions. Il est néanmoins probable, notamment dans les zones très difficiles d'accès, que dans certains cas particuliers le recours à d'autres technologies soit temporairement nécessaire (TH radio, 4G fixe, satellite, etc.), même si cela n'est pas souhaitable.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

L'ensemble du territoire est découpé en deux grandes catégories de zones s'agissant du déploiement de la fibre optique et du très haut débit.

Un découpage complexe des zones de déploiement

La zone très dense (ZTD), correspond à la liste des communes définie par l'ARCEP. Cette zone est réputée rentable pour l'initiative privée des opérateurs ; elle ne fait donc pas l'objet d'engagements spécifiques de leur part, les pouvoirs publics ayant anticipé que la concurrence par les infrastructures devait permettre de garantir le déploiement de la fibre dans ces zones.

La zone moins dense correspond au reste du territoire. Dans cette zone, l'initiative privée n'est pas réputée rentable. Néanmoins, les opérateurs mènent également des projets sans financement public dans cette zone. Cette zone se décompose ainsi elle-même en deux zones : la zone moins dense d'initiative privée et la zone moins dense d'initiative publique (réseau d'initiative publique - RIP), dans laquelle les collectivités doivent s'associer dans leur projet de déploiement à l'échelle au moins départementale pour bénéficier d'un soutien de l'État.

Les zones AMII désignent les territoires dans lesquels le Gouvernement a engagé, à l'intention des opérateurs, un appel à manifestation d'intentions d'investissement (AMII) « afin de définir [en creux] les zones en dehors desquelles les collectivités étaient fondées à intervenir ». Dans ces zones, la fibre optique est déployée sur la base d'une initiative privée. En 2018, « à la demande du Gouvernement, afin de sécuriser et d'accélérer le déploiement de la fibre, les opérateurs se sont engagés de manière contraignante à couvrir près de 3 600 communes (de la zone dite « AMII ») au niveau national, au titre de l'article L.33-13 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) ».

Les zones AMEL désignent les zones pour lesquelles le Gouvernement a autorisé, à compter de 2018, les collectivités territoriales à accélérer les déploiements de la fibre optique via des appels à manifestation d'engagement local (AMEL) afin que des opérateurs privés déploient, sur leurs fonds propres, la fibre optique, dans le cadre d'engagements qui leur sont opposables (sur le modèle des engagements en zones AMII). Sans la création des zones AMEL, les déploiements en question auraient dû être à la charge des collectivités, via la création d'un RIP.

Source : commission des finances et réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

a) Une dynamique de déploiement de la fibre optique inégale en fonction des zones

Selon les données recueillies par les rapporteurs spéciaux, la couverture FttH atteignait 38,7 millions de locaux au 31 mars juin 2024, soit 87 % des locaux du territoire national éligibles à la FttH contre 81 % au 30 juin 2023.

Taux de locaux éligibles au THD filaire et à la fibre
par type de zone géographique

Source : Observatoire du Très haut débit du T1 2024, Arcep

La progression du nombre de locaux éligibles doit néanmoins être nuancée, dans la mesure où la dynamique de déploiement est très hétérogène selon les zones.

Dans la zone d'initiative privée, si le taux d'éligibilité est élevé par rapport à la moyenne nationale (93 % en zone très dense et 91 % en zone AMII), les déploiements sont désormais plus lents.

Dans la zone AMEL, le taux de couverture demeure relativement faible par rapport aux autres zones, à hauteur de 79 % au premier trimestre 2024. Il a toutefois fortement augmenté en un an, puisque le taux d'éligibilité s'élevait 53 % au premier trimestre 2023.

Enfin, dans la zone d'initiative publique, le taux de couverture a sensiblement progressé entre le premier trimestre 2023 et le premier trimestre 2024 (de 71 à 87 %), mais demeure largement en deçà de l'objectif fixé.

Comme l'avait souligné l'ARCEP dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux l'année dernière, les éléments connus aujourd'hui, en particulier « les retards de déploiement sur certains réseaux (certaines parties des zones AMII et AMEL, et certains réseaux d'initiative publique...) ainsi que le fait que certains immeubles en zones très denses ou certaines zones spécifiques (à l'image de Mayotte) ne font pas à ce stade l'objet de projet de déploiement FttH peuvent interroger l'atteinte de l'objectif d'une généralisation de la fibre optique à horizon 2025 ». Cette situation doit d'autant plus interroger que, selon l'ARCEP, Orange prévoit que l'ensemble des lignes cuivre soient fermées commercialement à fin janvier 2026, ce que l'entreprise ne pourra néanmoins pas faire si la fibre optique n'est pas complètement déployée.

b) Les coupes budgétaires massives réalisées sur le programme 343 risquent de fragiliser la poursuite du Plan France très haut débit

L'intervention financière publique n'est possible que dans la zone dite moins dense et à condition que soit établie la carence de l'initiative privée. Sur la zone dite « d'initiative publique », les réseaux fixes sont déployés dans le cadre de projets portés par les collectivités territoriales, qui peuvent s'appuyer sur un soutien de l'État via le guichet « réseaux d'initiative publique » (RIP) du PFTHD.

Le soutien de l'État des RIP, par le biais du PFTHD, s'élevait à ce jour à près de 35,8 milliards d'euros. Alors que la création du programme 343, en loi de finances initiale pour 2015, devait permettre d'offrir un vecteur budgétaire unique en complément des crédits du programme d'investissement d'avenir (PIA), l'ouverture de crédits nouveaux au sein de la mission « Plan de relance » en loi de finances initiale pour 2021 a complexifié le suivi des crédits dédiés au plan. Ainsi, comme cela a été relevé de nombreuses fois par les rapporteurs spéciaux, les modalités de participation de l'État au PFTHD pose des difficultés importantes en termes de lisibilité budgétaire.

Depuis 2023, la gestion du Fonds pour la société numérique, fonds sans personnalité juridique, comportant les sources de financement du PFTHD, est géré par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT).

En 2024, les crédits du programme 343 « Plan France Très Haut Débit » ont été dotés de 96,9 millions d'euros en AE et 464,5 millions d'euros en CP. En ce qui concerne plus particulièrement l'action 1 dédié aux réseaux d'initiative publique (RIP), l'intégralité des 50,5 millions d'euros en AE ont étaient étés inscrits en cours de navette, à l'initiative du Sénat, pour concrétiser le projet très haut débit à Mayotte. Par ailleurs, près de 418 millions d'euros de CP étaient prévus pour la poursuite des RIP hors Mayotte.

Les crédits du programme 343 ont toutefois fait l'objet d'une annulation massive en cours de gestion par le décret d'annulation du 21 février 2024 (- 37,8 millions d'euros en AE et 116,8 millions d'euros en CP). Par ailleurs le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour l'année 2024 prévoit une nouvelle annulation de 84,6 millions d'euros en CP (dont 40,1 millions d'euros en CP ayant fait l'objet d'un surgel lors de l'été 2024).

D'après la DGE, ces annulations de crédits n'ont pas eu d'impact sur l'exécution des projets en 2024, dans la mesure où la trésorerie de l'ANCT, qui s'élevait à 107 millions d'euros fin 2023, aurait permis de garantir la poursuite des financements. Toutefois, le PLF 2025 prévoit une nouvelle diminution massive des crédits sur l'action 1. En effet, aucune AE n'est inscrite, et seulement 200,1 millions d'euros sont prévus en CP, soit une baisse de plus de 52 % par rapport à 2024.

Cette situation est particulièrement préoccupante. Il ressort en effet des auditions des rapporteurs spéciaux que cette coupe budgétaire, combinée à la forte mobilisation de la trésorerie de l'ANCT pour compenser les annulations de crédits intervenus en gestion lors de l'année 2024, implique que les crédits de paiement disponibles pourraient être insuffisants pour garantir la poursuite des projets en 2025.

D'après l'ANCT, une baisse des crédits était certes attendue en 2025, mais celle-ci est bien trop forte au regard du calendrier d'avancement des projets et du besoin de décaissement qui en résulte. Le désengagement de l'État risque de se répercuter sur les collectivités locales, qui devront, dans les cas où leur situation financière le permet, s'y substituer pour garantir la poursuite des projets. À défaut, cette situation pourrait in fine se répercuter sur les opérateurs et leurs sous-traitants, et fragiliser ainsi le tissu économique local.

Par ailleurs, l'absence d'AE inscrite sur l'action 1 fait peser un risque majeur sur la concrétisation du projet « très haut débit » de Mayotte, alors même que la signature de la délégation de service public avec l'opérateur en charge de son déploiement est prévue en cours d'année 2025. Seuls 17,4 millions d'euros sont disponibles à ce jour, ce qui ne sera pas suffisant pour garantir la concrétisation de ce projet pourtant essentiel, seuls 40 % des locaux disposant aujourd'hui d'un accès internet au très haut débit à Mayotte.

Face à ce constat, les rapporteurs spéciaux proposent un amendement de majoration des crédits du programme 343 de 37,6 millions d'euros en AE pour garantir la concrétisation de ce projet, conformément à la position exprimée par le Sénat en 2024.

2. La création d'une enveloppe dédiée à une expérimentation pour les raccordements complexes dont le périmètre apparait toutefois limité

Les raccordements complexes et l'entretien des réseaux existants et nouvellement créés sont des problématiques majeures identifiées de longue date par les rapporteurs spéciaux. Ils s'inquiètent ainsi depuis plusieurs années de l'avenir des réseaux déployés et des coûts liés à l'entretien de ce réseau, ainsi que des financements nécessaires à la réalisation des raccordements complexes. Le bénéfice de la fibre optique pour l'utilisateur final dépend en effet non seulement de l'éligibilité au raccordement du local mais également de la possibilité concrète de procéder au raccordement final.

Les raccordements complexes désignent des « raccordements nécessitant la création ou la mise à niveau des infrastructures mobilisables ou rencontrant des difficultés pour les mobiliser »17(*). Selon une étude pilotée par la Direction générale des entreprises et l'ANCT en 2021, l'absence d'infrastructures de génie civil sur le domaine public en aval des points de branchement optique constitue une complexité susceptible de concerner un nombre conséquent de locaux situés en zone d'initiative publique et de constituer ainsi un frein majeur au raccordement final des locaux concernés.

Une enveloppe de 16,1 millions d'euros est inscrite sur l'action 2 du programme 343 « Autres projets concourant à la mise en oeuvre du plan France très haut débit » dans ce PLF 2025 pour la mise en place d'un dispositif expérimental d'aide aux raccordements complexes en 2025-2026.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le montant de cette enveloppe, ainsi que le périmètre de cette expérimentation, circonscrit au seul domaine privé, apparaissent très limités au regard de l'ampleur des enjeux.

3. La baisse des crédits consacrés aux conseillers numériques France Services

La LFI pour 2024 a créé une nouvelle action n° 3 « Inclusion numérique » au sein du programme 343, qui était dotée de 41,8 millions d'euros en AE=CP. Cette action héberge les crédits dédiés au dispositif des conseillers numériques, qui relevaient auparavant de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) sur le programme 349 « Transformation publique ».

Ce dispositif s'inscrit dans le cadre de la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif » lancée en 2018. Mis en place sur la base de la mobilisation du plan France Relance, il a conduit à la création de 3 600 postes de conseillers numériques depuis 2022. Les financements portent sur la formation et l'activité des conseillers numériques, qui sont accueillis par des collectivités territoriales et des acteurs privés associatifs ou relevant de l'économie sociale et solidaire. Les conseillers sont chargés d'assurer des permanences, des ateliers, et des formations afin de faciliter l'appropriation par ceux qui ont besoin des usages numériques du quotidien. Environ 2 200 000 personnes auraient été accompagnées depuis 2022.

En 2025, cette enveloppe est dotée de 27,9 millions d'euros en AE et CP, soit une baisse conséquente de 33 % d'euros des crédits. Les rapporteurs spéciaux regrettent ce désengagement de l'État, motivé uniquement par des considérations d'ordre budgétaire, et alors même que le dispositif des conseillers numériques semble, d'après l'ANCT, donner pleine satisfaction.

B. LA LIGNE BUDGÉTAIRE DÉDIÉE À CERTAINES MISSIONS DE BPIFRANCE AU SEIN DU PROGRAMME 134 EST SUPPRIMÉE, À PEINE UN AN APRÈS SON RÉTABLISSEMENT

Alors que les missions confiées à Bpifrance en faveur des entreprises et qui présenteraient un lien naturel avec les politiques mises en oeuvre par le programme 134 sont plurielles, aucune ligne budgétaire concernant cet établissement n'y était rattachée depuis quelques années, y compris s'agissant du financement des fonds de garantie gérés par Bpifrance. Si cette situation s'expliquait en partie par la transversalité des missions de Bpifrance, elle n'est pas souhaitable, de nombreuses missions étant financées par des circuits financiers trop peu lisibles, en particulier pour le Parlement. L'année 2024 avait à cet égard marqué un tournant puisqu'une ligne budgétaire dédiée à certaines missions de Bpifrance a été rétablie au sein du programme 134 par la LFI 2024.

Dotée de 100 millions d'euros en AE=CP en 2024, elle avait vocation à financer ses actions d'accompagnement des entreprises (40 millions d'euros) et sa contribution au plan « Quartiers 2030 »18(*) (60 millions d'euros). Cette enveloppe n'est pas reconduite en 2025, en raison, d'après les services de la DG Trésor, du contexte d'effort de rétablissement des finances publiques. La mission d'accompagnement des PME par Bpifrance demeurerait toutefois financée par cet opérateur sur fonds propres. Les rapporteurs spéciaux s'interrogent toutefois sur la soutenabilité de ce mode de financement et sur les conséquences qu'il impliquera sur le financement des projets. Ils regrettent que cette ligne budgétaire spécifique ait été supprimée à peine un an après son rétablissement. Si cette ligne budgétaire ne répondait pas à l'ensemble des besoins de financement de Bpifrance, elle n'en demeurait pas moins une avancée notable, notamment au regard de la lisibilité du financement des politiques publiques portées par Bpifrance.

Par ailleurs, le PLF 2025 ne prévoit, comme en 2024, aucune ligne budgétaire pour abonder les fonds de garanties de Bpifrance, dont l'opacité du mode de financement a déjà été soulignée par les rapporteurs spéciaux. En effet l'abondement repose en principe sur l'affectation d'une dotation budgétaire annuelle, traditionnellement portée par le programme 134. Or, ce financement s'effectue ces dernières années par un nombre significatif de vecteurs financiers, selon un fonctionnement peu lisible pour le Parlement19(*). S'est en effet ajouté au programme 134 un ensemble de financements plus ou moins réguliers et intégrés à ce que la terminologie de Bpifrance classe dans le « périmètre Trésor », à savoir les crédits que la direction générale du Trésor loge dans les fonds de garantie :

- les dotations budgétaires issues du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » ;

- les « résidus futurs probables », qui correspondent à la part des financements des fonds de garantie qui se révèle, en cours d'exercice, supérieure aux besoins en raison d'une sinistralité constatée des prêts garantis plus faible qu'anticipée (lors de la détermination du coefficient multiplicateur), sur un fonds spécifique, voire l'ensemble des fonds, en cumulé. Ces dernières années, dans un contexte de sinistralité plus faible qu'anticipé et d'un mode de détermination prudent des coefficients multiplicateurs, le flux de création de résidus annuels a fortement augmenté. Or, l'accumulation de résidus a contribué à déséquilibrer le financement des fonds de garantie par l'État en conduisant à les mobiliser pour financer le fonctionnement des fonds l'année suivante, en substitution des dotations budgétaires ;

- des « subterfuges financiers », en particulier les abandons d'avances de la part d'actionnaires (l'État ou la Caisse des dépôts et consignations), les transferts de trésorerie de l'EPIC Bpifrance vers les fonds de garantie ou encore les recyclages de dividendes versés à l'EPIC et redirigés vers les fonds.

En 2025, l'activité de garantie de Bpifrance sera de nouveau financée par les résidus futurs probables, à hauteur de 373 millions d'euros.

C. LA SUBVENTION VERSÉE À LA POSTE : LA RELATIVE STABILISATION DES CRÉDITS NE PERMET PAS DE REMÉDIER À LA SITUATION DE SOUS-COMPENSATION DES MISSIONS DE SERVICES PUBLICS QU'ELLE ASSURE

Le groupe La Poste est chargé de quatre missions de service public et d'intérêt général, en application de l'article 2, modifié, de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom :

- la contribution, par son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire ;

- le service universel postal ;

- le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;

- l'accessibilité bancaire dans les conditions prévues par le code monétaire et financier.

Chacune de ces missions fait l'objet d'une compensation budgétaire par la mission « Économie », celle de la mission d'accessibilité bancaire y étant intégrée depuis 2023. Les compensations sont portées par le programme 134 pour les trois premières et par le programme 305 s'agissant de l'accessibilité bancaire.

Les engagements au titre de ces missions du groupe La Poste sont définis dans le nouveau contrat d'entreprise pluriannuel conclu avec l'État pour la période 2023-2027. En outre, a été récemment conclu un contrat de présence postale territoriale pour la période 2023-2025.

1. La stabilisation de la subvention au titre de l'aménagement et du développement du territoire ne permet pas de remédier à la situation de sous-compensation dont fait l'objet cette mission de service public

La Poste bénéficie d'une compensation du coût net de sa mission d'aménagement et de développement du territoire (maintien de points de contact sur l'ensemble du territoire) via un allégement de fiscalité locale en application de l'article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, abondant un fonds postal national de péréquation territoriale. Cet allègement prend la forme d'un abattement sur la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la taxe foncière.

Alors que les conséquences de la réforme des impôts de production sur le financement du fonds de péréquation postale n'avaient pas été anticipées par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, les rapporteurs spéciaux avaient proposé, lors de l'examen de ce texte, un amendement créant une dotation de 66 millions d'euros au profit du fonds postal national de péréquation territoriale. Ces ressources reviennent aux commissions départementales de la présence postale territoriale (CDPPT) et au financement des points de contact éligibles.

Cet amendement, adopté par le Sénat et conservé dans le texte final, a permis de financer les instruments de péréquation indispensables entre les collectivités. Les rapporteurs spéciaux considèrent en effet que les services des points de contact de La Poste doivent être préservés sur l'ensemble du territoire.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, s'était posée la question du montant de la dotation dans un contexte où la réforme de la CVAE avait pour conséquence de réduire le produit des abattements dont bénéficiait le fonds postal. Par amendement, le Gouvernement avait finalement majoré la dotation de 31 millions d'euros, la portant à 105 millions d'euros. Cette hausse devait permettre de maintenir le niveau total de la compensation à 174 millions d'euros, conformément au contrat signé entre l'État, la Poste et l'Association des maires de France.

En 2024, la dotation budgétaire a été maintenue au même montant, dans un contexte où le rendement des abattements fiscaux continue de se réduire, notamment à l'occasion de la nouvelle baisse de la CVAE en 2024. D'après les informations recueillis par les rapporteurs spéciaux, le rendement de l'abattement des taxes locales pour La Poste s'est établi à 59 millions d'euros en 2023 et devrait s'établir à 54 millions d'euros en 2024. La dotation budgétaire de 105 millions d'euros fixé par le PLF 2025 est donc insuffisante pour respecter la compensation de 174 millions d'euros.

Les rapporteurs spéciaux envisagent de proposer, au stade de la séance publique, un amendement visant à renforcer cette dotation.

2. Une compensation stable pour la mission de service postal universel

La loi du 9 février 201020(*) qui a transformé le groupe La Poste en société anonyme à capitaux publics et a libéralisé le marché du courrier depuis au 1er janvier 2011, a confirmé l'attribution de la mission de service postal universel à La Poste, pour une durée de 15 ans à compter du 1er janvier 2011.

La baisse continue des volumes du service universel, aggravée par la crise sanitaire, rend cette mission de service public fortement déficitaire. Le compte du service universel en coûts complets s'établissait à + 146 millions d'euros en 2017 puis à - 365 millions d'euros en 2018, à - 526 millions d'euros en 2019, à - 782 millions d'euros en 202021(*) et à - 617 millions d'euros22(*) en 2021.

Il est donc apparu nécessaire de mettre en oeuvre une dotation spécifique. Dans le rapport sénatorial sur l'avenir de La Poste, MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon23(*) avaient estimé qu'une dotation budgétaire était nécessaire pour que La Poste continue à assurer un service postal universel de qualité sur le territoire national.

À ce titre, La Poste doit fournir « une offre de services postaux de qualité déterminée, de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs »24(*). D'après les rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat, « la France se caractérise par des obligations de service public à valeur légale ou réglementaire qui n'ont pas été modifiées depuis dix ans et qui permettent d'assurer la distribution du courrier et la livraison des colis six jours sur sept sur l'ensemble du territoire pour un périmètre élargi de services postaux. »

Ainsi la loi de finances pour 2022 a tiré les conséquences de ce besoin de financement en établissant, pour la première fois et dans la continuité des recommandations du Sénat, une compensation d'un montant de 520 millions d'euros à compter de 2021.

En 2022, l'enveloppe devait atteindre 500 à 520 millions d'euros, la part variable de 20 millions d'euros étant attribuée en fonction du taux de lettres vertes effectivement livrées à J+ 2. En 2023, la compensation avait été fixée à 520 millions d'euros, mais a été ramené à 500 millions en LFI 2024. Cette baisse de 20 millions d'euros constituait une mesure d'économie sans lien avec d'éventuels mauvais résultats du groupe s'agissant des lettres vertes. La compensation est reconduite à 500 millions d'euros en PLF 2025, alors même que le taux de lettres vertes effectivement livrées à J+ 2 devrait être au-delà des objectifs fixés.

Les rapporteurs spéciaux estiment qu'il convient d'être prudent quant à ces coupes budgétaires, qui affectent une mission essentielle pour nos territoires.

3. Le transport postal de presse : une compensation en baisse, alors que la réforme globale de la distribution de la presse n'a pas permis de remédier à la situation de sous-compensation de cette mission

La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom met à la charge de La Poste une mission de service public de transport et de distribution de la presse. La loi du 9 février 201025(*) a confirmé l'attribution de cette mission à La Poste. Elle a pour objectif de permettre à chaque citoyen un égal accès à l'information.

Ce dispositif constitue l'un des principaux mécanismes de soutien à la presse écrite papier. En contrepartie de cette mission, l'État verse à La Poste une contribution budgétaire.

Une réforme globale du transport de la presse a été actée à la suite de la présentation du rapport Giannesini-Scotté en avril 2020. Cette réforme, mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2023, a notamment pour objectif de réduire les volumes de presse postés - c'est à-dire la presse distribuée par les services de la Poste - en incitant les éditeurs de presse à se tourner davantage vers le portage.

La réforme devait ainsi se traduire par une moindre sollicitation des services postaux par les éditeurs de presse, une diminution des charges pesant sur les services postaux, et par conséquent, une réduction du déficit du compte presse du Groupe la Poste. Toutefois il semblerait que le report vers le transport porté n'ait pas eu lieu en 2023. En parallèle, le montant de la compensation versée par l'État au titre de cette mission a été divisé par deux entre 2022 et 2024 pour tirer les conséquences de cette réforme. Le PLF pour 2025, qui prévoit une subvention de 38,5 millions d'euros (- 4,3 millions d'euros par rapport à 2024) pour la Poste au titre de cette mission, s'inscrit dans cette trajectoire baissière.

Évolution de la compensation versée par l'État à La Poste
au titre de la mission « transport postal de presse »

(en millions d'euros)

Source : Inspection générale des finances, revue de dépenses du les aides aux entreprises, avril 2024

Le maintien du volume d'exemplaires postés et la diminution de la compensation, sans réforme interne à La Poste, a donc augmenté la situation de sous-compensation de cette mission de service public. D'après les informations transmises par la Poste aux rapporteurs spéciaux, le déficit de la mission aurait ainsi atteint 500 millions d'euros en 2023. Les rapporteurs spéciaux estiment que cette situation n'est pas soutenable et qu'il sera nécessaire de mener une réflexion approfondie sur des nouvelles modalités de compensation de cette mission de service public.

4. La mission d'accessibilité bancaire : une compensation réduite, conformément à la trajectoire prévue

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a généralisé la distribution du Livret A par toutes les banques au 1er janvier 2009. Elle a toutefois fixé des obligations spécifiques pour La Banque Postale en matière de distribution et de fonctionnement du Livret A au titre de sa mission d'accessibilité bancaire.

Cette mission consiste à offrir gratuitement à toute personne qui en fait la demande un livret A ayant des caractéristiques spécifiques permettant de l'utiliser comme un quasi-compte courant. La mission vise un objectif d'insertion bancaire et sociale en permettant à certaines populations, dont les besoins spécifiques en termes de moyens de paiement et d'utilisation du compte ne sont pas couverts par les autres dispositifs, d'avoir accès à un support bancaire simple dont le mode de fonctionnement est adapté à leurs besoins (domiciliations de certains revenus et de certains prélèvements, montant minimum des opérations individuelles de retraits et de dépôts fixé à 1,50 euro contre 10 euros dans les autres établissements, absence de carte de paiement, etc.).

En 2021, La Banque Postale recensait 1,04 million de clients relevant de la mission d'accessibilité bancaire. Cette mission représente un coût élevé pour La Banque Postale lié à l'absence de moyens de paiement associés au livret A, d'une part, et au besoin d'un accompagnement humain renforcé, d'autre part, qui entraînent une consommation accrue de services de guichet.

En contrepartie de sa mission d'accessibilité bancaire, La Banque Postale reçoit donc une compensation. Celle-ci était débudgétisée jusqu'à 2023 : c'était le Fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations qui en assumait la charge.

La loi de finances pour 2023 a transféré au budget général de l'État le financement de la mission d'accessibilité bancaire, conformément à une recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur l'épargne réglementée26(*) de 2022.

La budgétisation de la compensation n'aura en principe pas d'effet sur son montant. La convention passée pour cette mission entre l'État et La Banque Postale et formalisée par un arrêté du 9 août 2021 qui prévoit la trajectoire dégressive, afin de répondre à l'exigence d'incitation à l'efficience de la mission prévue par la réglementation européenne, est la suivante :

Montant de la compensation annuelle
au titre de la mission d'accessibilité bancaire de 2021 à 2026

(en millions d'euros)

2021

2022

2023

2024

2025

2026

338

321

303

287

269

252

En 2025, la compensation prévue est bien de 269 millions d'euros, portée par le programme 305 « Stratégies économiques ». Cette compensation n'est que partielle, en cohérence avec les orientations et les obligations fixées par la Commission européenne en matière d'aides d'État. Ainsi malgré des gains d'efficience réalisés pour réduire les coûts d'exploitation, la rémunération spécifique ne couvre pas la totalité des coûts de la mission d'accessibilité bancaire supportés par La Banque Postale.

D. UNE STABILISATION DE LA COMPENSATION CARBONE DES SITES TRÈS ÉLECTRO-INTENSIFS QUI NE REMET PAS EN CAUSE LE FORT DYNAMISME DES CRÉDITS CONSACRÉS À CE DISPOSITIF

Le dispositif de compensation carbone porté par le programme 134 a vocation à protéger les entreprises exposées au risque de fuite de carbone contre le renchérissement de leur coût d'approvisionnement électrique dû au système d'échange de quotas de l'UE (SEQE). La compensation est indexée sur le prix du quota carbone. Le dispositif, soumis au contrôle de la Commission européenne, est régi par l'article L. 122-8 du code de l'énergie.

Le montant de la compensation carbone dépend de quatre facteurs :

le facteur d'émission de l'électricité consommée en France. Ce facteur est établi sur la base d'une étude de la teneur en CO2 de la technologie marginale déterminant le prix effectif sur le marché européen de l'électricité. Sa détermination a fait l'objet de discussions avec la Commission européenne ;

le prix du quota du SEQE. Il est fixé par arrêté et correspond au prix moyen de la tonne de CO2 l'année précédente. Le prix du quota prévisionnel utilisé pour l'année 2025, pour l'aide au titre de 2024 serait, selon les projections de 89,28 euros par tonne ;

le référentiel d'efficacité, dont la valeur varie en fonction de l'activité de l'entreprise ;

- selon les cas, soit la production annuelle éligible de l'entreprise, soit la consommation d'électricité nécessaire à la production ;

L'intensité de l'aide correspond à 75 % des coûts indirects éligibles de l'entreprise, niveau maximal autorisé par la Commission européenne.

En 2025, la compensation carbone devrait représenter 1,051 milliard d'euros (en AE=CP), soit un montant relativement stable (- 23 millions d'euros) par rapport au montant inscrit en LFI 2024, mais en hausse par rapport à la prévision d'exécution pour 2024, qui s'élève à 917 millions d'euros. Le coût de cette compensation a connu une trajectoire très dynamique depuis plusieurs années, et a ainsi été multiplié par quatre depuis 2017, en raison de la hausse du prix du quota carbone.

Évolution du coût de la compensation carbone en 2017 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les rapporteurs spéciaux réitèrent leurs interrogations quant à la soutenabilité à moyen terme de cette compensation, au regard de son fort dynamisme.

E. LA SUPPRESSION DE LA LIGNE BUDGÉTAIRE CONSACRÉE AU FINANCEMENT DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ : UN DÉSENGAGEMENT REGRETTABLE DE L'ÉTAT D'UNE POLITIQUE PORTEUSE DE CROISSANCE

Le PLF pour 2025 prévoit la suppression de la ligne budgétaire consacrée à la participation de l'État au financement des pôles de compétitivité, dotée de 9 millions d'euros en AE et en CP en LFI 2024.

Créés en 2005, les pôles de compétitivité sont des structures de mise en relation des entreprises, des centres de recherche et de formation dont l'activité porte sur un ou plusieurs thèmes communs. Les pôles cherchent à développer les relations entre leurs membres pour favoriser les synergies, stimuler l'innovation et atteindre une plus grande efficacité économique.

Une structure d'animation et de gestion a été mise en place dans chaque pôle. Cette structure perçoit pour son fonctionnement des financements publics de l'État et des collectivités locales, ainsi que des financements privés issus des cotisations payées par les membres des pôles ou des prestations qui leur sont facturées.

Comme le montre la direction générale des entreprises (DGE) dans une note publiée en mars 2023, l'adhésion à un pôle de compétitivité aurait des effets positifs en termes de dépenses de R&D et de performances économiques, en particulier pour les petites et moyenne entreprises. Cette étude montre que, si les financements privés sont aujourd'hui majoritaires, les financements publics présentent toutefois un effet d'entraînement sur les montants privés consacrés à la R&D. En moyenne, chaque euro d'aide publique engagé engendrerait ainsi près de 2,8 euros de dépenses en R&D privée. Par ailleurs, sur la période 2013 à 2019, les entreprises ayant adhéré aux pôles de compétitivité auraient un chiffre d'affaires plus élevé d'environ 36 % comparé à la situation contrefactuelle de non adhésion. L'adhésion à un pôle aurait également un effet positif sur les entreprises exportatrices, dont les exportations augmenteraient de 20 % du fait de cette adhésion. Enfin, l'amélioration des performances économiques s'accompagnerait d'un impact positif sur l'emploi, correspondant à environ un emploi créé pour moins de 7 000 euros dépensés.

Le désengagement de l'État du financement de cette politique publique, qui constitue un vecteur de croissance important, est particulièrement regrettable. Ce choix est d'autant plus surprenant à l'heure où le Gouvernement affirme vouloir engager le pays dans la voie de la réindustrialisation. C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux souhaitent déposer, au stade de la séance publique, un amendement de majoration des crédits du programme 134 de 9 millions d'euros en AE et en CP, afin de rétablir la ligne budgétaire consacrée au financement par l'État des pôles de compétitivité.

F. UNE ENVELOPPE DÉDIÉE À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE DONT LES CONTOURS SONT ENCORE FLOUS

Le PLF pour 2025 a prévu la création d'une nouvelle ligne budgétaire dédiée à la décarbonation de l'industrie, dotée de 50 millions d'euros en AE dans le texte initial. Le Gouvernement a en outre déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à majorer les crédits de cette enveloppe, afin de la porter à 1,6 milliard d'euros en AE. Cet amendement n'a finalement pas pu être examiné par l'Assemblée nationale, compte tenu du rejet de la première partie du PLF en séance publique.

D'après le projet annuel de performances (PAP), le but de cette enveloppe est « d'accompagner, en tenant compte des incitations issues du marché des quotas carbone, certains projets de décarbonation de l'industrie, mobilisant par exemple l'efficacité énergétique, l'électrification, le changement des procédés et d'intrants ou encore le captage et le stockage du carbone ». Les rapporteurs spéciaux souscrivent à l'objectif de décarbonation de notre économie porté par cette nouvelle ligne budgétaire. Ils déplorent toutefois le faible niveau d'information dont dispose le Parlement sur le dispositif qui portera ces crédits, d'autant plus regrettable au regard de l'ampleur des montants annoncés.

G. L'ABSENCE DE LIGNE BUDGÉTAIRE CONSACRÉE AU FONDS TERRITORIAL D'ACCESSIBILITÉ S'EXPLIQUE PAR LA LENTEUR DU DÉMARRAGE DE CE DISPOSITIF

La Conférence nationale du handicap, présidée par le président de la République, a acté en avril 2023 la création d'un fonds territorial d'accessibilité (FTA). Sur une période s'étendant de novembre 2023 au 31 décembre 2028, ce fonds devrait porter une enveloppe totale de 300 millions d'euros inscrite sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Si l'année 2024 prévoyait d'abonder ce fonds à hauteur de 50 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP, aucun crédit n'est inscrit en 2025.

Le fonds territorial d'accessibilité

L'objet du fonds, qui est confié aux préfets de département, était de participer au financement des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) privés de 5ème catégorie27(*). Étaient ainsi concernés les magasins de vente, les restaurants et débits de boissons, les hôtels ou pensions de famille, les établissements bancaires. Les autres ERP privés de 5e catégorie peuvent être éligibles au dispositif sous la condition d'une demande expresse du sous-préfet référent handicap et inclusion de leur département d'implantation. La création de ce fonds répondait à un double objectif. D'une part, il poursuivait un objectif d'insertion des personnes en situation de handicap, conformément à la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, qui dispose que tous les ERP doivent être accessibles. Selon le gouvernement, 70 % des établissements concernés ne sont aujourd'hui pas adaptés à l'accueil de personnes en situation de handicap. Il répondait, d'autre part, à un objectif de soutien aux établissements du quotidien.

Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie au questionnaire budgétaire

La création de ce fonds avait été accueilli favorablement par les rapporteurs spéciaux, dans la mesure où il répondait à des enjeux d'insertion des personnes en situation de handicap et soutient les établissements de proximité. D'après les informations transmises par la DGE aux rapporteurs spéciaux, l'absence de ligne budgétaire s'explique par une sous-exécution des crédits en 2024, résultant avant tout du faible recours au dispositif, qui aurait fait l'objet de seulement 500 dossiers déposés pour un montant global d'1 million d'euros. Ainsi, l'ensemble des crédits encore disponibles seraient largement suffisants pour couvrir les besoins pour l'année 2025.

LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS
OU À DES ORGANISMES PRIVÉS »

I. UN COMPTE AUX FINALITÉS DIVERSES

L'article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose que « les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. (...) Le montant de l'amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé ».

Le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » est composé des six programmes suivants :

- le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État », qui permet de faciliter la prise de poste à l'étranger pour certains agents de l'État ;

- le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » qui vise à octroyer des prêts aux entreprises (via le fonds de développement économique et social, FDES) afin de faciliter leur restructuration financière et commerciale ;

- le programme 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle » pour faciliter le financement de la construction de la ligne ;

- le programme 876 « Prêts octroyés dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir », créé en loi de finances initiale pour 2020 ;

- le programme 877 « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 ou par le conflit en Ukraine », créé par la loi de finances rectificative n° 2020-1719 du 25 avril 2020 ;

- le programme 878 « Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie », créé en 2021, qui a pour objet le financement du prêt de l'État à la société qui reprend l'activité d'extraction de minerai et de production de nickel et de cobalt de la société Vale Nouvelle-Calédonie.

En 2025, les crédits du compte de concours financiers s'établissent à 25 millions d'euros en AE (en baisse de 93,2 %, soit - 250 millions d'euros) et à 250,6 millions d'euros en CP (en baisse de 44,7 %, soit - 227 millions d'euros).

Les variations par rapport à 2024 concernent trois programmes :

- le programme 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle » ne dispose pas d'AE en 2025 (- 300 millions d'euros) et voit ses crédits de paiement diminuer de 141,7 millions d'euros en CP (- 38,6 %) ;

- le programme 862 « 862 « Prêts pour le développement économique et social » fait l'objet d'une baisse de ses crédits de 50 millions d'euros en AE = CP (- 66,7 %) ;

- le programme 876 « Prêts octroyés dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir », qui ne fait l'objet d'aucune inscription de crédits en 2025, contre 11 millions d'euros en CP l'année précédente.

Enfin, les crédits du programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État » sont stables à 50 000 euros

Les recettes s'établissent quant à elles à 322,4 millions d'euros en 2025, en hausse de 304,7 %, soit + 242,7 millions d'euros. Cette évolution s'explique par l'évolution des recettes attendues en remboursement des prêts accordés au titre du programme 862, en hausse de 235,8 millions d'euros. Plus marginalement, le programme 896 « prêts octroyés dans le cadre des investissements d'avenir » connaitrait une hausse de 7 millions d'euros de ses recettes.

En 2025, le solde du compte s'établirait à + 71,9 millions d'euros, contre - 373,6 millions d'euros en 2024.

Équilibre en PLF 2025 du compte de concours financiers
« Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés »

(en euros) (crédits de titre 7)

PLF 2025

Recettes

Crédits
AE

Crédits
CP

Programme 861 - Prêts et avances pour le logement des agents de l'État

0

50 000

50 000

Programme 862 - Prêts pour le développement économique et social

305 408 754

25 000 000

25 000 000

Programme 869 - Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle

0

0

225 500 000

Programme 876 - Prêts octroyés dans le cadre des investissements d'avenir

17 000 000

0

0

Programme 877 - Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 ou par le conflit en Ukraine

0

0

0

Programme 878 - Soutien à la filière Nickel en Nouvelle-Calédonie

0

0

0

Total

322 408 754

25 050 000

250 500 000

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. LE LOGEMENT DES AGENTS DE L'ÉTAT : UN POSTE DE DÉPENSES MARGINAL

Le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État » permet d'octroyer des prêts à un taux de 1 % aux agents de l'État servant à l'étranger, afin de faciliter leurs démarches relatives à la location d'un logement dans les environs de leur poste d'affectation. Les crédits demandés en 2025 se situent au même niveau depuis 2019, à 50 000 euros en AE et en CP, contre 250 000 euros en 2018 et 450 000 euros en 2017.

En pratique, ce dispositif a été peu utilisé ces dernières années, en raison notamment des faibles taux d'intérêt pratiqués par les banques commerciales pour les prêts aux particuliers. Il n'a ainsi fait l'objet d'aucune consommation de crédits en 2021 et 2022. Toutefois, dans un contexte de hausse des taux, les crédits prévus en 2023 ont été intégralement consommés. Selon les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux aucun crédit n'aurait été consommé pour l'année 202428(*).

Les rapporteurs spéciaux estiment une nouvelle fois que le choix de recourir à un programme sur un compte de concours financiers apparait surdimensionné au regard de la faiblesse des montants en jeu. Dans un objectif de simplification, sa suppression pourrait être envisagée au profit d'autres instruments budgétaires ou extrabudgétaires.

III. LE FONDS DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » permet à l'État d'octroyer des prêts ponctuels aux entreprises en restructuration et rencontrant des difficultés à accéder au marché du crédit, via le fonds pour le développement économique et social (FDES).

Créé en 1955, il avait été « réactivé » en loi de finances pour 2014 dans le cadre du « plan de résistance économique » annoncé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, le 12 novembre 2013. Dans le contexte de la crise sanitaire, la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 a ouvert 925 millions d'euros (AE=CP).

La doctrine d'emploi « classique » a été fixée par la circulaire du 9 janvier 2015 relative aux modalités d'accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement, qui précise que le recours à ces prêts est « exceptionnel, subsidiaire et suppose un effet de levier sur d'autres sources de financement ». L'objectif cible de cet effet de levier est la mobilisation de cinq euros privés pour un euro public investi.

En 2020, dans le contexte des difficultés économiques liées au Covid-19, la condition de levier a été réduite à un euro investi par des investisseurs privés. En outre, la doctrine d'emploi a été dédoublée entre, d'une part, le maintien d'une doctrine « classique », et, d'autre part, une doctrine dite « covid », s'inscrivant dans le cadre temporaire des aides d'État dans le contexte de l'épidémie de covid-19 prévu par la Commission européenne.

Dans le cadre de la doctrine d'intervention « Covid » les conditions d'accès au FDES ont également été considérablement assouplies pour permettre l'accès au crédit des entreprises de plus de 250 salariés n'y étant pas parvenues auprès d'une banque dans le cadre de la garantie de l'État. À la différence de son usage classique, le FDES « Covid-19 » n'a pas été conditionné à des cofinancements et à une procédure de restructuration mais a permis d'octroyer à des entreprises des liquidités avec une conditionnalité limitée. Enfin, ont été mis en place un fonds de transition et les prêts exceptionnels aux petites entreprises (PEPE).

La doctrine « Covid », les dispositifs temporaires des fonds de transition et des PEPE et l'assouplissement de la doctrine classique ont pris fin au 1er janvier 2023. Le FDES a ainsi repris son cadre d'utilisation de droit commun.

D'après les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, l'année 2024 a été marquée par une mobilisation importante du FDES, pour un montant total de 275,5 millions d'euros, dont 140 millions d'euros accordés à l'usine de nickel Prony Ressources en Nouvelle-Calédonie.

D'après les services de Bercy, les incertitudes macroéconomiques, la hausse constante des défaillances d'entreprise, ainsi que le niveau soutenu d'activité au sein des structures dédiées à l'accompagnement des entreprises en difficulté, conduisent à anticiper une forte mobilisation de cet outil dans les prochains mois. Pour autant les crédits demandés pour le FDES en 2025 ne s'élèvent qu'à 25 millions d'euros, soit une baisse de 50 millions d'euros par rapport aux montants inscrits en LFI 2024.

IV. LE SOUTIEN À LA FILIÈRE NICKEL EN NOUVELLE-CALÉDONIE

À l'initiative du Gouvernement, un amendement a été introduit en première lecture du projet de loi de finances pour 2021, créant un nouveau programme 878 dédié aux prêts destinés au « Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie ».

Le programme a servi à financer deux prêts accordés en 2021 (200 millions d'euros) et en 2022 (220 millions d'euros) à l'entreprise VALE Nouvelle-Calédonie. Ces prêts ont permis le maintien de l'activité d'extraction de minerai (latérites et saprolites) et de production de nickel et de cobalt sur le site de Goro à 60 km au sud de Nouméa. Le site se compose d'une mine, d'une usine hydro-métallurgique et d'un port.

L'abondement du compte de concours financiers ne représente que la traduction technique de l'engagement de l'État auprès des collectivités territoriales pour préserver un site important pour l'emploi local.

En 2025, comme en 2024, aucun crédit n'est ouvert.

V. LES AVANCES REMBOURSABLES ET PRÊTS BONIFIÉS AUX ENTREPRISES TOUCHÉES PAR LA CRISE DE LA COVID-19 OU PAR LE CONFLIT EN UKRAINE

Le programme 877 a été créé par la loi de finances rectificative n° 2020-1719 du 25 avril 2020.

Comme le FDES, les avances remboursables et les prêts bonifiés constituent un dispositif subsidiaire aux prêts garantis par l'État (PGE). Ils relevaient de l'encadrement temporaire des aides d'État adopté par la Commission européenne à l'occasion de l'épidémie de Covid-19. Ce dispositif discrétionnaire vise les entreprises de 50 à 250 salariés, puis les ETI. La gestion du dispositif a été confiée à la DGE.

Les entreprises qui sollicitent ces outils doivent notamment ne pas avoir bénéficié d'un PGE29(*) et :

- justifier de perspectives réelles de redressement de l'exploitation, fondées sur un document prévisionnel de trésorerie et un plan d'affaires présentant les mesures envisagées par l'entreprise ;

ne pas faire l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel30(*) au 31 décembre 2019 ou lors de l'octroi de l'aide, sauf à ce qu'un plan de sauvegarde ou de redressement ait été arrêté par un tribunal avant la date d'octroi de l'avance ou du prêt. Cette dernière condition reprend celle prévue par l'arrêté du 23 mars 2020 fixant le cahier des charges du PGE31(*).

Ce dispositif a été étendu, pour ce qui concerne les taux bonifiés, par la première loi de finances rectificative pour 2022 aux entreprises touchées par les conséquences du conflit en Ukraine, dans le cadre de l'encadrement temporaire spécifique adopté par la Commission européenne en mars 202232(*).

L'enveloppe ouverte pour ces deux dispositifs était initialement de 500 millions d'euros en AE et en CP. À l'été 2022, le Gouvernement indiquait dans le cadre de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 que « lorsque le dispositif des avances remboursables et prêts à taux bonifié a été mis en place en 2020, une enveloppe de 500 millions d'euros a été ouverte sur le programme 877. Ces crédits ont été reportés en 2021 et 2022. Pour l'exercice 2022, le compte a été doté d'une enveloppe de 226 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement provenant de reports de crédits de 2021. La prévision d'exécution à la date d'extinction du dispositif Covid-19 au 30 juin 2022 s'élève à 68 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Le dispositif d'aide aux entreprises touchées par le conflit en Ukraine sera financé par le redéploiement du reliquat d'enveloppe de 158 millions d'euros. »

Les deux dernières LFI ne prévoyaient pas d'ouverture de crédits, tirant notamment la conséquence du fait que le nombre de prêts sollicités était devenu faible. Le présent PLF prévoit également de ne pas abonder le programme en 2025.

VI. LE PROGRAMME 876 « PRÊTS OCTROYÉS DANS LE CADRE DES PROGRAMMES D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR »

Issu d'un amendement du Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le programme 876 est dédié au financement en prêt du plan Nano 2022, dont l'objet est de maîtriser la production de nouvelles générations de composants électroniques, réalisé dans le cadre du PIA 3.

Ce prêt, au bénéfice de l'entreprise SOITEC pour permettre ses investissements (en R&D et en déploiement industriel) nécessaires au plan Nano 2022, a une maturité de 12 ans à compter de 2020, pour un montant total de 200 millions d'euros. 189 millions d'euros ont été versés depuis 2020, correspondant aux tirages successifs du prêt.

Le solde de 11 millions d'euros de CP a été inscrit en LFI 2024 conformément à l'échéancier du prêt. Les intérêts sont reversés depuis 2020 (3,2 millions d'euros depuis 2020). Les premiers remboursements du capital ont démarré en fin d'année 2022 et ont été enregistrés en 2023 (2,8 millions d'euros). Il est attendu 10 millions d'euros en 2024 et 17 millions d'euros en 2025.

VII. LE PROGRAMME 869 RELATIF À LA LIGNE FERROVIAIRE PARIS-CHARLES DE GAULLE EXPRESS

Créé par un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances pour 2018, le programme 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle » permet d'octroyer des prêts à la société concessionnaire de la ligne « Charles de Gaulle Express ». Le contrat de prêt initial a été signé le 20 décembre 2018, pour une durée de 40 ans à partir du 11 février 2019, à un taux fixe de 3,2 % suivant des échéances semestrielles, à partir de 2024.

Ce contrat a consommé l'intégralité des autorisations d'engagement initialement dédiées au programme (1,7 milliard d'euros, soit 1,9 milliard en euros courants). La loi de finances rectificative pour 2019 a ensuite prévu une augmentation des AE de 100 millions d'euros afin de couvrir la signature de l'avenant tenant compte des surcoûts associés à la décision du Gouvernement de reporter la mise en service de l'infrastructure de 2024 au 1er décembre 2025. Il s'agissait ainsi de minimiser la gêne pour les voyageurs des lignes ferroviaires affectées par la réalisation de la liaison, portant le plafond du prêt à 1,8 milliard d'euros.

Les premiers crédits de paiement ont quant à eux été consommés en 2019 ; à fin 2022, 1,122 milliard d'euros ont été consommés.

La mise en service est néanmoins encore reportée début 2027, au lieu du 1er décembre 2025 du fait de la conjonction d'une décision de justice, des effets de la crise sanitaire et de la coordination des travaux avec la circulation des trains de « l'axe Nord ».

Le report de la mise en service entraîne de facto celui du début des remboursements et de l'extinction de la créance à une date qui reste en cours de négociation. Les discussions avec le concessionnaire de l'infrastructure CDG Express pour en tirer les conséquences techniques, financières et juridiques sur le contrat de concession ont été engagées et sont toujours en cours. Elles se traduiront par la conclusion d'un deuxième avenant au contrat de concession, qui devrait intervenir fin 2024.

Le projet annuel de performances pour 2025 précise que « cet avenant prévoit notamment une augmentation des investissements du concessionnaire de l'ordre de 300 millions d'euros ; en tenant compte du décalage de la perception des recettes et du coût de financement induit, le coût total de l'avenant est de l'ordre de 500 millions d'euros. Ce surcoût est financé par une augmentation de l'ordre de 500 millions d'euros du prêt de l'État, et s'est traduit, par le report en 2024 de 200 millions d'AE ouvertes en 2023 et reportées en 2024, puis par l'ouverture de 300 millions d'euros d'AE ouvertes en LFI 2024. Le montant total du contrat de prêt est ainsi porté d'1,8 milliard à 2,3 milliards d'euros.

Les rapporteurs spéciaux constatent que ce programme connait des difficultés opérationnelles de mise en oeuvre récurrentes et représente désormais une part prépondérante du compte de concours financiers. Ils s'inquiètent des importants surcoûts du projet et constatent que la mise en service a déjà été repoussée de 3 ans, alors que l'infrastructure avait été présentée dans le cadre des aménagements prévus pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Thierry Cozic et de Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - Comme vous le savez, mes chers collègues, la mission « Économie » est une mission très composite. Elle porte des crédits de plusieurs administrations rattachées à Bercy, ainsi que ceux d'un nombre conséquent d'opérateurs. En outre, elle héberge de nombreux instruments budgétaires, dont certains sont structurels et d'autres temporaires.

Le point commun de tous ces administrations, opérateurs et instruments budgétaires, c'est qu'ils ont vocation à être déployés en faveur de l'emploi, de la croissance, des exportations, de la concurrence ou encore de la protection des consommateurs.

Je commencerai mon propos en exprimant, au nom de Frédérique Espagnac et moi-même, un regret : la mission « Économie » se voit appliquer, dans le cadre de l'effort des finances publiques engagé par l'État, une logique de rabot budgétaire, au détriment de plusieurs dispositifs dont l'intérêt a pourtant largement été démontré.

Les crédits de la mission diminuent d'environ 583 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit 13,8 %, et d'environ 408 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit près de 9,5 %.

La baisse des crédits de la mission porte principalement sur deux programmes : d'une part, le programme 134 « Développement des entreprises et régulations », qui porte d'ailleurs près des deux tiers des crédits de la mission ; d'autre part, le programme 343 « Plan France Très Haut Débit », sur lequel ma collègue reviendra plus en détail.

Plutôt que d'entrer dans une analyse fastidieuse de l'évolution des nombreux outils portés par la mission, nous vous proposons de concentrer notre propos sur quelques faits saillants du budget pour 2025.

Tout d'abord, les moyens des administrations et des opérateurs sont globalement en baisse dans le PLF. Les dépenses de personnel sont relativement stables, puisqu'elles augmentent d'à peine 0,5 %, mais le plafond d'emplois de l'État diminue de 27 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Pour les opérateurs, l'effort demandé est encore plus conséquent, puisque le nombre d'emplois sous plafond diminue de 101 ETPT.

La direction générale du Trésor (DGT) voit ses effectifs diminuer de 6 ETPT. Toutefois, nous nous félicitons de la préservation des emplois consacrés au réseau économique à l'étranger, conformément à la recommandation que nous avons formulée dans notre rapport de contrôle de juin 2021 sur les services économiques régionaux de la DGT.

Pour ce qui concerne la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous avions recommandé dans notre rapport de contrôle de septembre 2022 de mettre fin à la dynamique de suppression de postes, trop marquée depuis 2007, aboutissant à la disparition de plus de 900 ETPT. Nous avions proposé de recréer 49 postes, au bénéfice de tous les territoires.

Notre recommandation a été entendue ces deux dernières années, puisque ce sont exactement 49 ETPT qui ont été recréés sur cette période. Toutefois, l'année 2025 marque un retour en arrière - 3 ETPT sont supprimés -, alors même que la DGCCRF voit son champ d'action se diversifier avec l'essor de l'économie numérique.

Je pense notamment aux nombreuses enquêtes menées par ce service sur le drop shipping, modèle de vente en ligne qui connaît une forte expansion depuis quelques années. Dans ce modèle, le vendeur n'est en charge que de la commercialisation du produit, et c'est le fournisseur partenaire, situé généralement à l'étranger - notamment en Chine - qui se charge de la gestion du stock et de l'expédition de la marchandise au consommateur final. Ce procédé est à l'origine de nombreuses pratiques illicites, qui peuvent être liées à la qualité et la sécurité des produits, à leur origine, aux faux avis en ligne, à la disponibilité des produits, et surtout aux délais de livraison et à l'absence de remboursement. Face à la montée en puissance de ces pratiques frauduleuses, il nous semble nécessaire que la DGCCRF soit dotée de moyens à la hauteur des enjeux.

Les opérateurs de la mission prennent également largement leur part dans le redressement de nos finances publiques. À l'exception de l'Autorité de la concurrence, qui voit sa dotation stabilisée, tous les opérateurs de la mission connaissent une baisse de leurs crédits. Nous avons mis l'accent dans nos travaux sur le cas d'Atout France, dont la baisse conséquente des crédits et des emplois semble traduire l'amorçage d'une fusion avec Business France annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. À nouveau, ma collègue Frédérique Espagnac reviendra plus en détail sur ce point.

Je poursuis avec les principales évolutions des instruments budgétaires en faveur des entreprises portées par la mission.

La première évolution concerne la compensation dite « carbone ». Elle est octroyée aux sites électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone, pour compenser les coûts liés au système européen des quotas d'émissions, à savoir le quota carbone. Sont notamment concernés les secteurs de la sidérurgie, du papier, ou encore de la chimie. Depuis plusieurs années, la hausse du prix du carbone conduit à une augmentation mécanique du coût de la compensation. En 2025, elle atteint plus de 1 milliard d'euros, en baisse de 23 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

La deuxième évolution concerne Bpifrance. Nous nous félicitions l'an dernier de la création, sur le programme 134, d'une ligne budgétaire dotée de 100 millions d'euros et dédiée au financement des actions d'accompagnement des entreprises de Bpifrance. Cette création était pour nous une avancée notable : nous considérions effectivement que cette politique publique en faveur des entreprises devait être budgétisée et soumise annuellement au vote du Parlement. Or, la ligne budgétaire est purement et simplement supprimée dans le PLF 2025 ! Il s'agit d'un retour en arrière regrettable du point de vue du contrôle du Parlement sur les financements de Bpifrance. Il ressort de nos auditions que Bpifrance devrait être amenée à poursuivre ses actions d'accompagnement des entreprises par la mobilisation de ses fonds propres.

La troisième évolution ayant retenu notre attention concerne la création dans ce PLF d'une nouvelle enveloppe consacrée à la décarbonation de l'industrie, dotée dans le texte initial de 50 millions d'euros en AE. Le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à majorer ces crédits de 1,5 milliard d'euros en AE, qui sera très probablement redéposé en séance publique au Sénat. Si nous souscrivons à l'objectif de décarbonation de notre économie portée par cette enveloppe, nous déplorons la méthode. Elle nuit considérablement à la lisibilité de nos débats. Au regard de l'ampleur des montants annoncés, il aurait été préférable que le Gouvernement fasse l'effort d'inscrire ces crédits dans le texte initial, d'autant plus que nous ne disposons à ce stade que de très peu d'informations sur le dispositif qui les portera, ainsi que sur sa temporalité.

J'en viens maintenant à un sujet qui a particulièrement retenu notre attention lors de nos travaux : le désengagement de l'État du financement des pôles de compétitivité.

Créés en 2005, les pôles de compétitivité sont des structures de mise en relation des entreprises, des centres de recherche et de formation dont l'activité porte sur un ou plusieurs thèmes communs. Les pôles cherchent à développer les relations entre leurs membres pour favoriser les synergies, stimuler l'innovation et atteindre une plus grande efficacité économique. Ils font l'objet de financements publics de l'État et des collectivités locales, ainsi que de financements privés issus des cotisations payées par les membres des pôles ou des prestations qui leur sont facturées.

Les pôles de compétitivité ont fait la démonstration de leur intérêt pour le développement du tissu économique local et l'investissement privé dans la recherche et développement (R&D). En moyenne, chaque euro d'aide publique engagé engendrerait près de 2,8 euros de dépenses en R&D privée. L'adhésion à un pôle de compétitivité a un effet positif sur les entreprises exportatrices, dont les exportations augmenteraient de 20 %. Les pôles de compétitivité ont également un impact positif sur l'emploi, correspondant à environ un emploi créé pour moins de 7 000 euros dépensés.

Pourtant, l'enveloppe de 9 millions d'euros consacrée à ces pôles a été supprimée dans ce PLF. Ce choix nous semble regrettable et particulièrement surprenant dans un contexte où le Gouvernement affirme vouloir engager notre pays dans la voie de la réindustrialisation. Il nous semble nécessaire de rétablir cette ligne budgétaire et nous vous présenterons un amendement en ce sens.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - J'aborderai pour ma part trois sujets : l'état du déploiement de la fibre optique ; les compensations des missions de service public au groupe La Poste ; la fusion d'Atout France et de Business France annoncée par le Gouvernement, sur laquelle nous sommes très réservés.

Le plan France Très Haut Débit porte l'objectif d'un déploiement complet de la fibre optique à l'horizon de 2025. Il est financé en particulier par le programme 343, dont l'objet est de subventionner les réseaux d'initiative publique (RIP) dans des zones où le déploiement de la fibre n'est pas rentable pour les opérateurs. Ces RIP sont mis en oeuvre dans le cadre de projets portés et financés par les collectivités territoriales.

Il ressort de notre analyse que les crédits du programme 343 subventionnant les RIP ont des effets positifs sur le déploiement dans les zones concernées. Toutefois, il y a en réalité de quoi s'inquiéter sur l'atteinte de l'objectif d'un déploiement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire en 2025, dans les zones RIP et ailleurs. À ce jour, seuls 87 % des locaux recensés en France sont éligibles à la fibre optique, c'est-à-dire raccordables. En outre, le taux de déploiement est très hétérogène sur le territoire.

Surtout, les crédits consacrés au plan France Très Haut Débit ont fait l'objet de coupes budgétaires massives en cours d'année 2024, coupes qui sont visiblement amenées à se poursuivre en 2025.

Le décret du 21 février dernier a en effet annulé 37,8 millions d'euros en AE et 116,8 millions d'euros en CP sur le programme 343, et le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 prévoit lui aussi l'annulation de près de 84,6 millions d'euros en CP. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui gère les financements dédiés au plan France Très Haut Débit, devrait néanmoins disposer de suffisamment de trésorerie pour garantir le décaissement des crédits nécessaires en 2024.

Toutefois, le PLF 2025 prévoit une nouvelle diminution massive des crédits consacrés aux RIP. En effet, aucune AE n'est inscrite et seulement 200,1 millions d'euros sont prévus, soit une baisse de plus de 52 % par rapport à l'an dernier. Il ressort de nos auditions que cette enveloppe pourrait être insuffisante pour garantir la poursuite du déploiement de la fibre sur le territoire en 2025. Cette situation risque de se répercuter sur les collectivités locales, qui devront, dans les cas où leur situation financière le permet, se substituer à l'État pour garantir le financement des projets.

À défaut, cette situation se répercutera sur les opérateurs et encore plus sur leurs sous-traitants, fragilisant ainsi le tissu économique local. Ce désengagement de l'État nous semble particulièrement préoccupant et nuit à la crédibilité de la parole publique, puisque, rappelons-le, le déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire en 2025 avait fait l'objet d'un engagement gouvernemental.

À cet égard, nous vous présenterons tout à l'heure un amendement visant à sécuriser la concrétisation du plan France Très Haut Débit à Mayotte en 2025. Ce département a un taux de couverture internet fixe très haut débit de 40 %, très largement inférieur à la moyenne nationale. Au total, 55 millions d'euros sont nécessaires en AE pour engager la signature de la délégation de service public.

Notre assemblée avait inscrit dans LFI 2024 une enveloppe de 50,5 millions d'euros en AE pour compléter les 4,5 millions d'euros déjà provisionnés en 2023. Mais cette enveloppe a été fortement réduite en raison du décret d'annulation de crédits du 21 février 2024. Faute de financements suffisants, la concrétisation de ce projet n'est à ce jour pas garantie. Il nous semble donc essentiel de rétablir ces crédits, conformément à la position exprimée par notre assemblée l'année dernière.

J'en viens aux quatre compensations financées par la mission « Économie » et versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public.

Concernant la compensation au titre de sa mission d'accessibilité bancaire, la baisse envisagée en 2025 est conforme à la trajectoire pluriannuelle prévue. La dotation s'établira à 269 millions d'euros.

La dotation pour financer la mission de transport postal de la presse est, quant à elle, en baisse par rapport à 2024 et sera de 38,4 millions d'euros. Une réforme du transport de presse a été mise en oeuvre depuis 2023 afin de favoriser le report des éditeurs vers le portage. Cette réforme était censée alléger les charges assumées par La Poste au titre de cette mission de service public. Toutefois, cette réforme n'a pas eu les effets escomptés, alors qu'en parallèle, le montant de la compensation versée au titre du transport de presse a été divisé par deux ! Cette situation n'est pas soutenable, et il faudra en tout état de cause que la représentation nationale s'interroge à l'avenir sur les modalités de financement de cette mission de service public essentielle.

La mission de service universel postal est compensée en 2025 à hauteur de 500 millions d'euros, soit un montant stable par rapport à l'année dernière. Je relève que, depuis deux ans, la part variable de 20 millions d'euros censée être accordée en fonction du taux de lettres vertes effectivement livrées à J+ 2 par La Poste n'est pas prévue dans le PLF, alors que les résultats de l'entreprise en matière de délais de livraison sont conformes aux objectifs fixés.

Enfin, des questions majeures demeurent sur la mission d'aménagement et de développement du territoire de La Poste. Cette mission essentielle consiste, comme vous le savez, à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays.

Elle fait l'objet d'un financement par le biais du fonds postal national de péréquation territoriale, alimenté par deux canaux : d'un côté, des allégements de fiscalité locale ; de l'autre, une dotation budgétaire. L'objectif est d'apporter, par ces deux biais, une compensation globale de l'État de 174 millions d'euros.

Dans un contexte de baisse de rendement des allégements de fiscalité locale, liée notamment à la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la dotation avait été rehaussée en 2023 de 74 millions d'euros à 105 millions d'euros. Mais la dotation est maintenue depuis 2023 à ce même niveau, alors que le rendement des abattements fiscaux a diminué. La Poste estime que 15 millions d'euros manqueront en 2025 pour atteindre le niveau de compensation cible de 174 millions d'euros.

Ce chiffrage nous semble cohérent, et c'est pourquoi nous vous proposerons un amendement rehaussant de 15 millions d'euros la dotation budgétaire. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une mission de service public essentielle à nos territoires et que l'amendement n'a vocation qu'à maintenir le niveau global de compensation prévu dans le cadre du contrat conclu entre l'État et La Poste.

Je souhaiterais enfin attirer votre attention sur le projet de fusion entre Atout France et Business France, annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale d'octobre dernier. L'ambition du Gouvernement est de réaliser des économies budgétaires, notamment par une mutualisation du réseau international de ces deux opérateurs.

Or les gains qu'est censée générer cette fusion sont aujourd'hui très loin d'être démontrés et nous laissent même présager un résultat inverse. Cette réforme a été visiblement annoncée sans avoir été sérieusement préparée, et sans que les acteurs concernés aient été consultés. J'insiste sur le fait que les missions d'Atout France et de Business France ne se recoupent pas totalement. Atout France dispose d'une compétence « métier », illustrée par son action de développement de l'offre touristique sur le territoire français. Une fusion précipitée des deux opérateurs pourrait conduire à un affaiblissement de cette offre, avec des conséquences négatives en termes de retombées économiques pour le secteur du tourisme.

Par ailleurs, les suppressions d'effectifs au sein d'Atout France qui résulteraient de cette fusion pourraient impliquer des procédures de licenciement et reclassement de certains agents particulièrement coûteux. La fusion des deux opérateurs soulèvera enfin de nombreuses difficultés juridiques induites par la différence de statut entre Atout France, groupement d'intérêt économique (GIE), et Business France, établissement public industriel et commercial (Épic).

Nous sommes donc très sceptiques quant à l'intérêt de cette réforme, dont les contours sont encore flous. D'après nos informations, une étude a été lancée par le Gouvernement pour identifier les différentes traductions possibles de ce rapprochement entre Atout France et Business France. Nous serons particulièrement attentifs à ses conclusions, qui devraient être rendues d'ici début 2025.

En tout état de cause, Thierry Cozic et moi-même souhaitons pouvoir approfondir ce sujet l'an prochain, dans le cadre de nos travaux de contrôle.

En conclusion, nous considérons que le budget de la mission « Économie » pour 2025 n'est, en l'état, pas satisfaisant. Nous serons toutefois favorables à l'adoption des crédits, sous réserve de l'adoption des amendements que nous vous proposons.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette présentation laisse apparaître une attention particulière à différents acteurs, qu'il s'agisse des opérateurs publics ou des pôles de compétitivité.

S'agissant de ces derniers, nous constatons qu'ils perdent en visibilité au fil du temps, en raison d'opérations de communication multiples et d'une superposition avec d'autres dispositifs - tels que les Territoires d'industrie - qui rendent la situation complexe et l'évaluation de la valeur ajoutée de l'ensemble malaisée. Alors que nous recommandons aux collectivités locales de rechercher des chefs de file et des regroupements, ceux-ci sont rarement mis en oeuvre, ce qui soulève un problème d'efficacité de la dépense publique.

J'entends la demande visant à rétablir les fonds de ces pôles de compétitivité, mais j'invite les rapporteurs spéciaux à proposer, en séance publique, une vraie mesure d'économie, pour rendre cet amendement acceptable.

Concernant la Poste, j'ai bien conscience de la situation de sous-compensation des missions de service public assurées par le groupe. Le problème ne se limite d'ailleurs pas à la seule mission d'aménagement du territoire, comme les rapporteurs l'ont très justement souligné. Il me semble que ce sujet ne pourra être réglé uniquement par cet amendement de crédits, et doit faire l'objet d'un débat plus large que nous pourrions avoir en séance publique.

Enfin, je suis pleinement favorable à l'amendement proposé pour Mayotte, qui répond à une véritable urgence.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Économie ». - La commission des affaires économiques examinera mercredi prochain mon rapport pour avis sur les crédits dédiés au commerce, à la consommation et à l'artisanat de la mission « Économie ». Ayant achevé mes auditions, je peux d'ores et déjà vous communiquer quelques premières conclusions.

D'abord, la DGCCRF : ses dépenses hors titre 2 augmentent en raison du déménagement de l'école de formation des agents. Cette opération spécifique mise de côté, ces crédits hors titre 2 sont en baisse de 3 % par rapport à 2024. Les effectifs sont quant à eux globalement stables. La DGCCRF prend donc sa part à l'effort de réduction des dépenses, proportionnellement au champ large de ses missions.

Au niveau du commerce, l'an dernier, le fonds territorial d'accessibilité prévoyait 300 millions d'euros d'ici à 2028 pour financer les travaux de mise en accessibilité des petits commerces. Ces crédits ne sont pas présents au PLF 2025 en raison du très faible succès de ce fonds, qui s'explique sans doute par un reste à charge trop important pour les entreprises et une faible mobilisation pour l'atteinte des objectifs de mise en accessibilité, en l'absence de sanctions. Sur le principe, je le regrette, mais il est de bonne gestion de ne pas pérenniser un fonds qui ne fonctionne pas.

Concernant l'artisanat, la stratégie nationale des métiers d'art a totalement disparu du PLF 2025, alors que 3,4 millions d'euros de crédits lui étaient dédiés en 2024. Seuls 200 000 euros sont prévus pour la gestion du label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV) par voie de marché public. Avec seulement 200 000 euros, non seulement l'objectif de 2 500 entreprises labellisées en 2025 ne sera pas atteint, mais le marché public risque d'être rompu, exposant l'État à un versement d'indemnités au gestionnaire ainsi qu'à un remboursement des entreprises qui avaient payé une redevance pour l'instruction de leur dossier, pour un montant allant jusqu'à 1 950 euros par entreprise. Ces indemnités et remboursements seront plus onéreux que le rétablissement des crédits nécessaires à la préservation du label, qui s'élèvent à 1,5 million d'euros ! Je proposerai donc un amendement en ce sens.

Un mot, aussi, sur Atout France : sa subvention pour charge de service public est en baisse de près de 13 % et l'avenir de l'opérateur est incertain à la suite de l'annonce de sa fusion avec Business France. Il me semble que la rationalisation des opérateurs est favorable à la bonne gestion des deniers publics, mais j'attends d'en savoir davantage, notamment concernant les modalités de cette fusion puisqu'Atout France est un GIE tandis que Business France est un établissement public. Il est probable que le Parlement soit saisi de cette fusion.

Enfin, je souhaite souligner l'effort de contribution à la réduction de la dépense publique des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) et des chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Je proposerai donc un avis favorable à la commission des affaires économiques, avec l'amendement mentionné concernant le label EPV.

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Économie ». - Les crédits de l'action 23 « Industrie et services » sont en baisse sensible par rapport au budget 2024, avec une diminution de 11 % en AE et de 13 % CP. En excluant la compensation carbone, qui représente comme les années précédentes plus de trois quarts des crédits de l'action, la baisse est encore plus drastique, avec - 39 %. Dans une période critique pour l'industrie, cette diminution considérable affecte pourtant certains mécanismes de soutien qui se sont avérés efficaces et peu coûteux.

La quasi-totalité des lignes de l'action 23 fléchées vers le soutien à l'industrie sont en baisse ; de plus, la subvention pour charges de service public de Business France diminue de 10 %. On ne peut que s'interroger, de surcroît, sur la suppression du financement de l'activité « fonds de garantie et accompagnement » de Bpifrance, notamment sur le volet de l'accompagnement, qui bénéficie pour moitié à des entreprises industrielles.

L'efficacité du dispositif a en effet été mise en évidence par plusieurs études scientifiques, notamment par rapport à des aides financières du même montant. Surtout, alors que les défaillances d'entreprise sur douze mois sont en hausse de plus de 20 % par rapport à octobre 2023 et que l'horizon semble particulièrement s'assombrir pour les entreprises industrielles, la suppression de la ligne d'accompagnement à la restructuration et à la résilience des PME, qui finançait des prestations d'appui et de conseil dans le cadre de la mission de restructuration des entreprises pilotées par la direction générale des entreprises (DGE), pose question.

En outre, la DGE ne dispose pas des ressources en interne pour assurer ces missions, a fortiori avec le schéma d'emplois négatif qui s'annonce et une diminution de 16 équivalents temps plein (ETP) sur 2025.

En ce qui concerne les pôles de compétitivité, le transfert en 2019 d'une partie des crédits étatiques aux régions et plusieurs années de baisse des engagements de l'État sont à relever. Un financement stable de 9 millions d'euros par an de la part de ce dernier avait été arrêté pour la cinquième phase du programme, qui couvrait la période 2023-2026. Ce montant n'est pas renouvelé dans le PLF 2025, mettant en péril le fonctionnement de certains pôles dont les financements étatiques représentent en moyenne un tiers du budget. Compte tenu de leur importance et du montant modeste de l'enveloppe concernée, qui représente à peine 0,2 % des crédits de la mission, je proposerai à la commission des affaires économiques le maintien de ces crédits en 2025 et en 2026.

Pour ce qui concerne la compensation carbone versée aux industries électro-intensives des secteurs soumis au risque de fuite de carbone, qui représentera un budget initial de 1 milliard d'euros pour la deuxième année consécutive, le coût pour les finances publiques devrait continuer à augmenter à long terme, principalement en raison de l'évolution du prix des quotas carbone et de l'augmentation de la consommation d'électricité dans les secteurs éligibles.

Malgré son coût très important pour les finances publiques, cet outil est pour l'heure indispensable à la compétitivité de l'industrie française, par rapport tant à nos voisins qu'aux États tiers. Il conviendra donc de le maintenir au terme de la révision du dispositif à laquelle procédera la Commission européenne en 2025. L'accent est souvent mis sur sa soutenabilité, d'autant qu'il pourrait être nécessaire, dans un avenir proche, de mettre en place des mécanismes similaires au profit de secteurs industriels situés en aval de ceux qui sont concernés par le mécanisme de la taxe carbone aux frontières de l'Union européenne.

En effet, ces industries en aval se trouveront exposées au risque de fuite de carbone et de pertes de marchés à l'export, ainsi qu'à la concurrence d'États tiers susceptibles de flécher leur production moins carbonée vers l'Europe. Cela pourrait notamment être le cas de la filière automobile, déjà en grande vulnérabilité.

Comme les années précédentes, la commission des affaires économiques remarque que la mission « Économie » ne représente que la portion congrue de la politique industrielle de la France. À l'exclusion de la compensation carbone, la plupart des aides directes ou indirectes à l'industrie passent désormais par le plan France 2030 pour un montant de 54 milliards d'euros, sans commune mesure avec les crédits de la mission. On ne peut que déplorer l'éclatement de ces moyens, qui n'offre pas une visibilité satisfaisante sur la conduite de la politique industrielle française.

On peut en outre s'interroger sur cette répartition qui pourrait laisser penser que la seule industrie digne d'intérêt serait celle des grandes entreprises, à même de répondre aux appels d'offres France 2030, alors même que 70 % des capacités de réindustrialisation se trouvent au niveau de l'industrie déjà implantée sur le territoire français.

Dans le PLF 2025, la seule nouvelle ligne dédiée à l'industrie de la mission « Économie » concerne la décarbonation de l'industrie. Cette ligne, qui a vocation à prendre le relais d'appels à projets auparavant financés via France 2030, n'est cependant dotée que de 50 millions d'euros, bien loin des 50 milliards à 70 milliards d'euros d'investissements et de surcoûts nécessaires au financement de la décarbonation pour la période 2023-2030, selon les calculs du ministère de l'industrie.

Un amendement déposé par l'ancien ministre de l'industrie vise cependant à abonder cette enveloppe à hauteur de 1,5 milliard d'euros afin de donner une visibilité aux porteurs de projets dès à présent et de sécuriser la mise en service de projets à moyen terme. Bien que l'objectif de soutien à la décarbonation de l'industrie soit partagé par la commission des affaires économiques, la méthode consistant à faire plus que doubler, par amendement, le montant total des crédits de la mission consacrée aux politiques industrielles est discutable.

Sous réserve du vote, notamment, de l'amendement concernant les pôles de compétitivité, je proposerai un vote négatif sur le volet de cette mission compte tenu des réductions drastiques qui sont proposées.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la mission « Économie ». - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a d'ores et déjà examiné l'avis qui vous est présenté.

Il porte sur les deux versants du volet relatif à l'aménagement numérique du territoire, à savoir les infrastructures et l'accompagnement aux politiques dites d'inclusion numérique. Pour ce qui est du plan France Très Haut Débit, notre collègue Frédérique Espagnac a rappelé l'essentiel : nous constatons une baisse drastique des crédits dévolus à ce plan essentiel pour la couverture en fibre optique du territoire national, avec une diminution de près de 280 millions d'euros des crédits inscrits entre 2024 et 2025.

À l'occasion d'une table ronde organisée par notre commission, l'ANCT a eu l'occasion de rappeler ce point, qui fait écho au seul amendement que nous avons émis dans le sillage de notre avis et qui concerne Mayotte. À cet égard, nous rejoignons les rapporteurs spéciaux et défendons un montant similaire, afin que le RIP de Mayotte puisse enfin être mis en oeuvre. L'année dernière, il nous avait en effet été objecté que la copie n'était pas prête : c'est désormais chose faite, il ne manque que les crédits. Il faut pouvoir amorcer la réalisation de ce plan que les Mahorais attendent tout particulièrement.

Nous avons conçu cet avis budgétaire avec, en ligne de mire, l'abandon progressif du réseau cuivre, totalement méconnu de la population, mais aussi des élus locaux. Cela me permet d'aborder la question des raccordements complexes. Si nous pouvons nous satisfaire de l'ouverture de lignes de crédits dédiés, aussi bien sur le domaine public que sur le domaine privé - à hauteur de 16 millions d'euros pour ce dernier -, nous sommes encore loin des sommes estimées par le Conseil général de l'économie (CGE), pour qui les montants nécessaires à une couverture complète du territoire en fibre optique sont compris entre 640 millions d'euros et 1 milliard d'euros.

Je vous ferai grâce de la question de la qualité des raccordements, régulièrement abordée par notre collègue Patrick Chaize. Lors de la table ronde que je mentionnais précédemment, il a néanmoins fait état de signes d'ouverture permettant d'envisager dans les prochaines semaines ou les prochains mois, un examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi adoptée par le Sénat sur ce sujet en 2023. Ce serait un pas en avant considérable.

En ce qui concerne l'inclusion numérique, nous devons être particulièrement vigilants quant à la baisse de crédits pour le dispositif des conseillers numériques France Services, de l'ordre de 14 millions d'euros. En 2023, le gouvernement de l'époque avait pourtant affiché un dispositif financier sur trois ans, afin d'accompagner nos concitoyens sur le chemin de l'inclusion numérique. Malheureusement, cette baisse de crédits se matérialisera probablement par une réduction de 4 000 à 1 500 conseillers numériques, alors que les besoins persistent et se renouvelleront sans cesse du fait de l'évolution des usages numériques.

Nous avons auditionné l'ANCT à ce sujet, ainsi que l'association Emmaüs Connect, particulièrement inquiète pour les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette baisse des crédits aura des conséquences importantes, car les collectivités locales ne pourront pas assumer le transfert de charges : il faudra supprimer ces postes récemment créés, alors même que les associations et collectivités qui mettant en oeuvre cette politique s'accordent à dire qu'elle apporte une totale satisfaction.

Malgré cela, nous avons rendu un avis favorable, sous réserve de l'adoption de l'amendement permettant la mise en oeuvre du RIP à Mayotte.

M. Grégory Blanc. - Je partage les remarques de nos rapporteurs, en particulier sur les pôles de compétitivité. Au regard du discours tenu sur la réindustrialisation du pays et alors qu'une série de plans sociaux sont en cours, il serait incompréhensible de fragiliser ces pôles : nous avons au contraire besoin d'acteurs qui nous aident à accompagner la réindustrialisation, sans oublier le fait que les régions ont tendance, parallèlement, à réduire leur soutien. Ainsi, il n'est pas rare de voir ces pôles perdre de 20 % à 25 % de leur financement, ce qui doit nous inquiéter profondément.

Nous voterons donc en faveur de ces amendements, avec un avis qui restera en suspens durant le temps nécessaire pour lever le gage sur l'ensemble de la mission.

M. Jean-Marie Mizzon. - Concernant le rapprochement d'Atout France et de Business France, il me semble avoir appris, chemin faisant, que les fusions des structures n'étaient pas toujours source d'économies, notamment lorsque ces dernières sont publiques. La fusion des régions, de l'aveu même de la chambre régionale des comptes du Grand Est, a été un fiasco en la matière... En l'occurrence, je ne connais pas le statut juridique de ces deux entités, ni l'ampleur des budgets en cause. Il me semble cependant qu'elles remplissent pour partie les mêmes missions.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Ce n'est pas tout à fait le cas.

M. Jean-Marie Mizzon. - Pourquoi avez-vous ces doutes sur la fusion ? Dans le secteur privé, les fusions permettent de réaliser des économies et fonctionnent en général. Quel est le statut des personnels des deux entités ? Pourquoi l'opération ne permettrait-elle pas des économies ?

Par ailleurs, je regrette que l'on ne s'occupe plus de l'inclusion numérique. Le sujet avait été pris au sérieux à l'occasion du plan de relance, ce qui avait conduit à consacrer 250 millions d'euros à cette politique, qui reste une urgence de tous les instants. Je regrette cette évolution, mais il s'agissait d'un financement par des crédits de circonstance. Il est regrettable que le PLF ne prévoie pas de crédits suffisants, car des millions de personnes ont besoin d'une mise à niveau : sans politique dédiée, elles continueront à vivre le martyre consistant à se retrouver face à un écran sans savoir quoi faire.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je remercie les rapporteurs. Nous soutiendrons l'amendement portant sur les pôles de compétitivité, car la moitié des jeunes pousses de la tech qui partent aux États-Unis ne le décident pas seulement pour des raisons fiscales ; ils le font, aussi afin de bénéficier d'un écosystème auquel contribuent lesdits pôles.

Par ailleurs, nous déplorons la diminution de crédits de Business France au moment même où notre commerce extérieur commence à peine à relever la tête, tout comme la baisse des crédits alloués à l'économie sociale et solidaire (ESS).

Enfin, je regrette que la baisse des plafonds de taxes affectées aux CMA et aux CCI soit supérieure à ce qui avait été négocié avec l'État, alors qu'il s'agit d'acteurs essentiels pour les entreprises dans nos territoires.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je précise que nous avons adopté, lors de l'examen de la première partie en commission, un amendement visant à rétablir les plafonds de taxes affectées aux CCI et CMA, conformément à la trajectoire négociée avec l'État.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Les pôles de compétitivité représentaient une petite partie de la mission et n'avaient pas été identifiés comme un sujet de préoccupation les années précédentes, mais de réelles inquiétudes ont émergé les concernant. Les entreprises qui y participent sont souvent plus viables et durables que les autres, et ces pôles ont démontré leur intérêt. Alors que nous cherchons à réindustrialiser le pays, j'estime que l'adoption de notre amendement enverrait un signal fort.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Lesdits pôles permettent de créer un emploi pour 7 000 euros, sans oublier leur effet de levier pour les dépenses de R&D.

Par ailleurs, Atout France compte environ 300 salariés de droit privé, tandis que l'effectif de Business France, qui est un Épic, s'établit à 1 500 salariés. En raison de la différence de statuts, nous nous dirigerions vers 300 suppressions de postes, ce qui représenterait 12 à 15 millions d'euros, alors que seuls 5 millions d'euros sont provisionnés du côté d'Atout France à ce jour, d'où nos inquiétudes. En outre, nous pensons que la disparition du budget d'Atout France consacré à la promotion touristique aura des conséquences à moyen et long termes pour nos territoires.

Comme l'a indiqué le rapporteur général, la commission a effectivement proposé le rétablissement du plafond de taxes affectées aux CCI, tout en prévoyant, en contrepartie, un prélèvement de 20 millions d'euros sur leurs fonds de roulement. Cette proposition est conforme à ce qui avait été négocié entre les CCI et l'État, mais cela peut induire, pour les CCI régionales, des difficultés à réaliser des investissements.

Enfin, nous souscrivons naturellement aux propositions avancées par le rapporteur général pour La Poste.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'insiste sur le fait qu'il faudra présenter des mesures d'économie pour compenser les propositions coûteuses qui seraient adoptées. Enfin, je le répète, je soutiens la démarche s'agissant du projet de déploiement de la fibre à Mayotte.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Sur le sujet du déploiement du plan France Très Haut Débit à Mayotte, la convention est prête à être signée, mais l'ANCT refuse de s'engager tant que les crédits font défaut.

M. Claude Raynal, président. - Je soumets au vote l'amendement II-28 (FINC.1), qui concerne ce territoire de Mayotte.

L'amendement II-28 (FINC.1) est adopté.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Pour tenir compte des remarques formulées par le rapporteur général, nous retirons les amendements FINC.2 et FINC.3 en vue d'en présenter deux autres, retravaillés, en séance.

Les amendements FINC.2 et FINC.3 sont retirés.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de son amendement.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale du Trésor (DG Trésor)

- M. Bertrand DUMONT, directeur général ;

- Mme Constance VALIGNY, secrétaire générale ;

- Mme Adèle CHARTOUNY, adjointe à la cheffe du bureau FINENT2

- M. Julien BRACQ, secrétaire général adjoint du CIRI

- Mme Constance ANDRÉ-CHIOSSONE, adjointe au chef de bureau BANCFIN4 ;

- Mme Anne-Claire FOREAU-DEGRASSAT, adjointe au chef du bureau BUDGET ;

- Mme Elisabeth RODRIGUES, adjointe au chef de bureau BUDGET ;

- Mme Camille SUTTER, cheffe du bureau FINENT2.

Direction générale des entreprises (DGE)

- Mme Elodie MORIVAL, sous-directrice du pilotage, de la stratégie et de la performance.

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

- Mme Sarah LACOCHE, directrice générale ;

- Mme Nejma MONKACHI, cheffe du service « Soutien au réseau ».

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

- M. Zacharia ALAHYANE, directeur de la mission France Très Haut Débit.

Groupe La Poste

- M. Philippe WAHL, président-directeur général ;

- M. Yannick IMBERT, directeur des affaires publiques et territoriales ;

- Mme Rebecca PERES, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires.

Atout France

- Mme Rose-Marie ABEL, secrétaire générale et directrice générale par intérim.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* Le réseau des services économiques de la direction générale du Trésor à l'étranger. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances n° 659 (2020-2021) - 2 juin 2021.

* La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances - n° 903 (2021-2022) - 28 septembre 2022.

* Appels à manifestation d'intention d'investissement.

* Appels à manifestation d'engagements locaux.

* 5 L'Autorité de la concurrence et l'Autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP).

* Principalement Business France, l'Agence nationale des fréquences, l'Institut national de la propriété industrielle et, depuis 2023, Atout France.

* 7 Les crédits alloués à la gestion de la dette sont portés par le programme 117 « Gestion de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État ».

* Le réseau des services économiques de la direction générale du Trésor à l'étranger. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances n° 659 (2020-2021) - 2 juin 2021.

* 9 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 10 L'évolution correspond au transfert de 270 ETP à Business France pour ses activités de conseil à l'export et 79 ETP au ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour assurer les fonctions supports.

* 11 La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances - n° 903 (2021-2022) - 28 septembre 2022.

* 12 Plus exactement 24,5 %.

* 13 Voir supra.

* 14 Principalement les recettes de prestations de contrôles des fréquences, à la demande d'administrations affectataires ou de tiers privés, notamment des organisateurs d'évènements sportifs, ainsi que des recettes d'expertise technique, de refacturation de coûts aux éditeurs numériques de 2011 à 2015, de refacturations de coûts aux opérateurs mobiles pour le traitement des brouillages par les stations de base dans les bandes 700 MHz et 800 MHz (CPCE L43 bis) depuis 2014 et de produits support (cessions et indemnités de Sécurité sociale).

* 15 Cette évaluation étant elle-même erronée, s'agissant des dépenses de l'INPI en 2019, elle ne tient pas compte de plusieurs de ses missions.

* 16 Évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2021.

* 17 Audition de l'ANCT en 2021.

* 18 Doté de 456 millions d'euros par l'État et la Banque des Territoires, le programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 », porté par Bpifrance, s'inscrit dans les ambitions du plan Quartiers 2030 et permet d'intensifier les actions de soutien menées par Bpifrance envers les entrepreneurs des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

* 19 Sur ce point, voir le rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances - n° 876 (2022 2023) - 12 juillet 2023 et le rapport général n° 128 (2023-2024), tome III, annexe 12, déposé le 23 novembre 2023

* 20 Loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

* 21 Hors provisions comptables pour dépréciations des actifs du courrier ou du colis.

* 22 Hors provisions comptables pour reprise de dépréciations des actifs du courrier ou du colis.

* 23 Compenser, contrôler, améliorer, détecter : pour une Poste partout et pour tous, rapport d'information de MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 499 (2020-2021) - 31 mars 2021.

* 24 Article 3 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service.

* 25 Loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

* 26 L'Épargne réglementée (2016-2021), observations définitives, Cour des comptes, septembre 2022.

* 27 Établissements recevant moins de 200 personnes en rez-de-chaussée et moins de 100 personnes en étage ou sous-sol.

* 28 Au 31 août 2024.

* 29 Ou en avoir bénéficié dans des proportions insuffisantes.

* 30 Procédures prévues aux titres II, III, IV du livre VI du code de commerce.

* 31 Arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 4 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 32 Voir supra.

Partager cette page