N° 111
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation,
du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1)
sur la proposition de loi
constitutionnelle visant à
accélérer
le
redressement des finances
publiques,
Par M. Stéphane LE RUDULIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, MM. Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, MM. Georges Naturel, Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
783 (2023-2024), 109 et 112 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques déposée par Mme Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants - République et Territoires) poursuit trois finalités principales.
En premier lieu, elle tend à créer une nouvelle catégorie de lois financières : les lois portant cadre financier pluriannuel. Ces lois, qui remplaceraient les lois de programmation des finances publiques, vaudraient pour la durée d'une législature et auraient la particularité de s'imposer aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
En deuxième lieu, elle vise à instaurer un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales, dans un souci de renforcer la cohérence des politiques fiscales et budgétaires.
Enfin, elle prévoit de consacrer dans la Constitution l'existence du Haut Conseil des finances publiques, tout en élargissant ses missions, en lui confiant notamment un rôle d'élaboration de prévisions économiques.
Si la commission des lois partage la préoccupation, dont cette initiative témoigne, d'une maîtrise renforcée de nos finances publiques, elle a considéré que les dispositions qu'elle comporte, dont les modalités d'application restent incertaines, étaient de nature à entraver de manière excessive les droits budgétaires du Parlement ainsi que la libre administration des collectivités territoriales.
La commission des lois, suivant l'avis de son rapporteur Stéphane Le Rudulier, n'a pour ces raisons pas adopté cette proposition de loi constitutionnelle.
I. UN CONSTAT PARTAGÉ : LA SITUATION TRÈS DÉGRADÉE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA FRANCE APPELLE DES RÉPONSES FORTES
La commission ne peut que partager le constat qui a présidé au dépôt de la proposition de loi constitutionnelle : l'état très dégradé des finances publiques de la France.
Le fait est connu : aucun budget n'a été voté à l'équilibre depuis 1974. Pour autant, la situation actuelle dans la conjoncture de la sortie de la crise sanitaire apparaît particulièrement préoccupante dans la mesure où, après une large aggravation du déficit rendue nécessaire pour préserver les ménages et les entreprises, celui-ci s'est maintenu à un niveau très élevé, et continue même de se détériorer.
Évolution du solde des administrations publiques depuis 2004
(en pourcentage du PIB)
Note : en rouge, le seuil de déficit excessif au sens des critères de l'Union européenne, fixé à 3 % du produit intérieur brut.
Source : commission des lois du Sénat, d'après les données de l'Insee
Cette situation est le résultat d'un double échec. D'abord et surtout un échec politique, puisque le Gouvernement et le Parlement ne peuvent qu'être tenus pour collectivement responsables d'une situation qui résulte directement des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale adoptés. Il faut néanmoins rappeler ici que les budgets 2023 et 2024, principalement en cause, n'ont pas reçu d'approbation parlementaire, ayant été adoptés selon la procédure prévue à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.
Il s'agit également d'un échec juridique puisque ces niveaux de déficit et de dette s'élèvent à des niveaux très éloignés des seuils correspondant à nos engagements européens mais également de la cible de déficit à 4,4 % prévue par la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 qui, bien qu'adoptée il y a moins d'un an, constitue d'ores et déjà « une référence dépassée » selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
La question posée par la présente proposition de loi constitutionnelle est donc la suivante : face à ce constat alarmant qui appelle des réponses fortes, une révision de la Constitution est-elle nécessaire ?