EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Report du renouvellement général des membres du Congrès
et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

L'article 1er vise à reporter les élections des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Ces élections devaient initialement se tenir au plus tard le 12 mai 2024 et avaient déjà été repoussées, au plus tard au 15 décembre 2024, par la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, afin de permettre la conclusion d'un accord relatif à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie entre l'État, les indépendantistes et les non-indépendantistes.

Face à la nécessité de permettre au dialogue de se renouer entre les différentes parties prenantes néo-calédoniennes à la suite des violents troubles ayant émaillé l'archipel en mai 2024, et dans un contexte de dégradation sans précédent de la situation économique et sociale en Nouvelle-Calédonie, la commission a accepté un nouveau report des élections provinciales, au plus tard le 30 novembre 2025. Elle a en conséquence adopté cet article, tout en en modifiant la rédaction de façon à améliorer sa lisibilité.

1. Le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie a déjà été repoussé en 2024

1.1. Les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie devaient initialement se tenir le 12 mai 2024 au plus tard

· Les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie

Les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie permettent de renouveler intégralement les membres des assemblées délibérantes de chacune des trois provinces de Nouvelle-Calédonie3(*) ainsi que les membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de façon concomitante, puisque celui-ci est composé de membres issus des trois assemblées provinciales, comme récapitulé par le schéma ci-après.

Composition du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

Source : Congrès de la Nouvelle-Calédonie
https://www.congres.nc/lassemblee/composition/

Ces élections permettent ensuite d'élire, indirectement, le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, celui-ci étant élu par les membres du Congrès.

· Les élections provinciales devaient initialement être organisées avant le 12 mai 2024

Les élections provinciales, qui revêtent donc une grande importance pour la vie démocratique et institutionnelle locale, sont organisées tous les cinq ans4(*), dans le mois qui précède l'expiration du mandat des membres sortants, comme le précise l'article 187 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Les dernières élections provinciales s'étant tenues le 12 mai 2019, le prochain renouvellement des membres des assemblées provinciales et du Congrès devait donc intervenir au plus tard le 12 mai 2024.

1.2. La tenue des élections provinciales de Nouvelle-Calédonie a été repoussée par le législateur organique pour « permettre la conclusion d'un accord global tripartite relatif à l'avenir institutionnel5(*) » ainsi que la réforme de la composition du corps électoral spécial

À l'issue des consultations prévues par l'accord de Nouméa, la perspective d'aboutir à un accord entre l'État, les indépendantistes et les non-indépendantistes sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'à une réforme du corps électoral spécial a justifié le report des élections provinciales qui devaient se tenir avant le 12 mai 2024.

En effet, l'accord de Nouméa indique que, « si la réponse [à la troisième consultation prévue] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation politique ainsi créée ». Or, la troisième et dernière consultation prévue, tenue le 12 décembre 2021, a donné lieu à une victoire du non, avec 96,50 % des suffrages exprimés, mais un taux de participation de 43,87 %.

Le dialogue entre les différentes parties prenantes a toutefois eu du mal à être rétabli à la suite de cette dernière consultation, dont le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) demandait le report avant d'appeler à son boycott. Cette difficulté à dialoguer s'est par exemple traduite par le refus du FNLKS, en octobre 2022, de l'invitation de la Première ministre Elisabeth Borne faite aux élus calédoniens d'enclencher un nouveau cycle de discussions pour rechercher un accord en vue de déterminer un nouveau statut institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie.

Le dialogue a finalement pu se renouer à partir de 2023. Ainsi, en février 2024, Philippe Bas, alors rapporteur du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, constatait que « des discussions entre les acteurs calédoniens locaux [étaient] en cours et [commençaient] à porter leurs fruits6(*) ».

Ces discussions et l'optimisme affiché par l'ensemble des acteurs politiques locaux laissaient entrevoir la perspective d'aboutir à un accord global entre les parties, traitant l'ensemble des sujets intéressant l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et pouvant servir de base de discussion avec l'État, même si les positions des principaux responsables politiques indépendantistes et non-indépendantistes demeuraient encore très éloignées sur certains points, notamment en ce qui concernait la question du corps électoral restreint.

Dans ce contexte, le report des élections provinciales au plus tard le 15 décembre 2024 par la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, soutenu par la majorité des responsables politiques locaux7(*), est apparu justifié par la volonté de « laisser le temps au dialogue de se nouer, se densifier et éventuellement se conclure, [qui constitue] la principale des raisons pour lesquelles il est proposé de reporter les élections8(*) ». Comme souligné par Philippe Bas dans son rapport sur le projet de loi organique, un tel report semblait de nature à favoriser la possibilité de conclure « un accord tripartite global consensuel quant à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie » dont les prémices étaient alors « suffisamment robustes et objectivables (...) pour fonder une telle prolongation des mandats en cours du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ».

Ce report a également été justifié par « un motif d'intérêt général tiré de la mise en oeuvre d'une révision constitutionnelle prévoyant la réforme du corps électoral en vue des prochaines élections provinciales9(*) », le Gouvernement ayant en effet adopté en conseil des ministres, le 29 janvier 2024, un projet de loi constitutionnelle visant à modifier la composition du corps électoral pour les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie.

Déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel10(*), qui a estimé que le législateur organique avait poursuivi un but d'intérêt général en tenant « compte de la réforme visant à modifier les règles de composition du corps électoral spécial afin que cette réforme puisse s'appliquer à ces élections » et retenu pour ce faire un report proportionné, limité à sept mois, la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 a donc repoussé la tenue des élections provinciales de Nouvelle-Calédonie, au plus tard au 15 décembre 2024.

2. La proposition de loi organique prévoit un nouveau report des élections provinciales, au plus tard au 30 novembre 2025, qui semble soutenu par la majorité des acteurs politiques calédoniens

2.1. Un nouveau report des élections provinciales, au plus tard au 30 novembre 2025, justifié par des motifs d'intérêt général, liés notamment à la crise profonde traversée par la Nouvelle-Calédonie depuis mai 2024

L'article unique de la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, présentée par Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, écologiste et républicain, tend à modifier la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 afin de reporter les élections aux assemblées provinciales et au congrès, au plus tard au 30 novembre 2025, ce qui porterait la durée de prorogation totale des mandats, par rapport à la date initialement prévue en application de la loi organique statutaire de 1999, à 18 mois au maximum.

L'exposé des motifs de la proposition de loi organique justifie ce nouveau report par plusieurs raisons, qui sont :

- la dégradation de la situation sociale, économique et sanitaire entraînée par les violentes émeutes de mai 2024 et la nécessité de répondre à cette situation avant toute autre considération ;

- les troubles à l'ordre public qui demeurent récurrents, malgré les nombreuses forces de l'ordre déployées sur le territoire ;

- les difficultés matérielles pour conduire aujourd'hui des opérations électorales, aucune formation politique n'ayant à l'heure actuelle mené un quelconque travail programmatique, organisé une liste électorale ou nommé un mandataire financier ;

- et l'absence d'accord politique sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ou sur le nouveau périmètre du corps électoral.

La crise traversée par la Nouvelle-Calédonie depuis mai 2024

La Nouvelle-Calédonie traverse depuis mai 2024 une crise, dans un environnement économique et social dégradé et un contexte marqué par le projet de réforme du corps électoral.

L'archipel dispose en effet d'un système électoral dérogatoire résultant de l'accord de Nouméa. Trois listes électorales coexistent ainsi en Nouvelle-Calédonie, parmi lesquelles la liste électorale spéciale pour l'élection du Congrès et des assemblées de province, restreinte aux « personnes établies depuis une certaine durée » et définissant les contours de la citoyenneté calédonienne, qui comptait 178 374 inscrits au 1er juillet 202311(*).

Après la présentation, par le gouvernement de l'époque, et l'adoption en mai 2024, du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, qui prévoyait l'introduction d'un corps électoral restreint « glissant », de violentes émeutes ont été déclenchées en Nouvelle-Calédonie, entraînant la déclaration de l'état d'urgence sur le territoire calédonien le 16 mai 2024.

Ces émeutes ont entraîné le décès de 13 personnes et des violences affectent encore le territoire, tandis que de nombreuses mesures visant à rétablir l'ordre public demeurent encore en vigueur (couvre-feu - prolongé à ce jour jusqu'au 21 octobre 2024, barrages routiers, etc.). Ces troubles ont provoqué la perte de l'ordre de 6 000 emplois, témoignant de la destruction du tissu économique.

2.2. Un report des élections provinciales qui semble soutenu par la majorité des acteurs politiques locaux

Le président du Sénat a saisi, le 2 octobre dernier, la présidente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, afin que celui-ci puisse se prononcer sur la proposition de loi organique. L'avis du Congrès ne sera toutefois rendu que le 22 octobre prochain.

Néanmoins, les auditions conduites par les rapporteurs ont d'ores et déjà mis en relief que le projet de report des élections provinciales semble soutenu par la majorité des acteurs politiques locaux.

Ainsi, Philippe Michel, président du groupe « Calédonie Ensemble » au Congrès, s'est déclaré « totalement favorable au report des élections provinciales », estimant que la conduite d'une campagne électorale dans le contexte actuel n'était pas possible et que le report permettrait en outre de reprendre le dialogue sur des bases constructives.

Similairement, Virginie Ruffenach, présidente du groupe « Rassemblement », a indiqué que son groupe était très favorable à ce report, soulignant que « le climat social et sécuritaire ne se prête pas à la tenue d'élections provinciales. Il faut regagner de la sérénité avant d'organiser des élections ».

Françoise Suve, présidente du groupe « Les Loyalistes », a estimé que les conditions n'étaient aujourd'hui pas réunies pour tenir des élections de manière satisfaisante. Elle a cependant souligné que ce report devait permettre de reprendre le dialogue afin d'aboutir à un accord institutionnel. Sonia Backès, présidente de l'Assemblée de la province Sud, après avoir indiqué qu'elle était plutôt favorable à ce que les élections se tiennent le plus vite possible et qu'il n'y avait pas de demande politique de sa part de report, a toutefois estimé que les conditions de sécurité et de corps électoral légal n'étaient pas réunies pour les organiser maintenant.

Pierre-Chanel Tutugoro, président du groupe « UC-FLNKS et nationalistes », a également estimé lors de son audition que le report des élections était nécessaire, au vu de la situation actuelle de la Nouvelle-Calédonie, et permettrait d'engager les discussions plus sereinement par la suite. Il a souligné que le report des élections n'est devenu politiquement acceptable que parce que le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral a été enterré par le Premier ministre Michel Barnier, lors de sa déclaration de politique générale du 1er octobre 2024, et que le Gouvernement semble s'engager dans un changement de méthode. Jacques Lalié, président de l'Assemblée de la province des Îles Loyauté, a quant à lui affirmé ne pas être opposé au report des élections provinciales, reconnaissant la difficulté du contexte économique, social et politique actuel, mais a demandé une clarification du positionnement de l'État dans le cadre de la reprise du dialogue avec les parties prenantes.

Enfin, Jean-Pierre Djaiwé, président du groupe « Union nationale pour l'indépendance » a indiqué que son groupe était lui aussi favorable au report des élections, qui « permettra de donner le temps nécessaire pour aller de l'avant et parvenir à un accord (...), ce qui constitue la priorité des priorités ». Paul Neaoutyine, président de l'Assemblée de la province Nord, s'est lui aussi prononcé en faveur du report, qui lui semble être « une décision de bon sens », les conditions n'étant pas réunies « pour un exercice libre et serein du droit électoral ». Ce report permettra également selon lui d'offrir « les meilleures conditions, en termes de temps principalement, pour que le dialogue entre l'État et les partenaires calédoniens reprenne pour parvenir à un accord politique sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ».

Seuls les représentants du parti de « l'Éveil océanien » se sont déclarés opposés à ce report. Ainsi, Milakulo Tukumuli, entendu par les rapporteurs, a indiqué être opposé à la proposition de loi organique, considérant notamment que le temps laissé par le report ne permettrait pas d'aboutir à un accord entre les différentes parties prenantes, et questionnant la légitimité démocratique des élus actuels en mandat prolongé à négocier un tel accord, tandis que Veylma Falaéo, présidente du Congrès, indiquait être « mitigée » quant à ce report.

3. Un nouveau report des élections justifié par la nécessité de renouer le dialogue pour aboutir à un accord institutionnel, dans un contexte économique et social dégradé

3.1. Un report qui respecte les exigences constitutionnelles en raison de son caractère limité et des motifs d'intérêt général qui le sous-tendent

Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, il est loisible au législateur de modifier la durée des mandats en cours d'une assemblée élue, « dans un but d'intérêt général et sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle12(*) ».

Ainsi, comme l'avait souligné Jean-Louis Debré devant la commission des lois du Sénat en 2020, le report d'une élection « ne peut être décidé que d'une main tremblante, en s'assurant que les motifs qui le justifient sont impérieux, non partisans, et font l'objet d'un diagnostic partagé13(*) ».

Le report d'une élection doit en particulier :

- respecter l'exigence constitutionnelle selon laquelle les électeurs doivent être appelés à exercer, selon une périodicité raisonnable, leur droit de suffrage ;

- présenter un caractère exceptionnel et transitoire ;

- poursuivre un but d'intérêt général.

· Un report respectant l'exigence constitutionnelle de consultation des électeurs selon une périodicité raisonnable

La commission des lois a en premier lieu estimé que le report des élections provinciales proposé présentait un caractère suffisamment limité, respectant à ce titre l'exigence constitutionnelle selon laquelle les électeurs doivent être appelés à exercer, selon une périodicité raisonnable, leur droit de suffrage.

Si le législateur est en effet compétent, aux termes de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales, et notamment pour déterminer la durée du mandat des élus appartenant à l'organe délibérant d'une collectivité territoriale, il doit respecter, dans l'exercice de cette compétence, plusieurs principes constitutionnels, qui impliquent notamment que « les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage14(*) ».

Comme rappelé par Jean-Louis Debré devant la commission des lois du Sénat en 202015(*), « la démocratie repose sur le respect des échéances électorales déterminées par la loi et leur tenue dans les conditions les plus parfaites de liberté, d'équité et de sincérité ».

Pour respecter cette exigence constitutionnelle, le report d'une élection doit donc présenter un caractère limité. En l'espèce, le nouveau report des élections provinciales porterait la durée cumulée du report à 18 mois au plus, ce qui ne méconnaît pas, selon le Conseil d'État16(*), l'exigence constitutionnelle d'exercice du droit de suffrage selon une périodicité raisonnable.

Dans son avis du 7 décembre 2023 relatif à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie17(*), le Conseil d'État avait du reste déjà indiqué qu'un report « de l'ordre de douze à dix-huit mois ne se heurterait à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel ».

· Un report présentant un caractère exceptionnel et transitoire

La commission relève en deuxième lieu que le report des élections provinciales présente un caractère exceptionnel et transitoire.

En effet, hormis le report des élections provinciales auquel a procédé la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024, dont la présente proposition de loi organique n'est que la prolongation, toutes les autres élections provinciales ont été organisées dans les temps, sans report, depuis les accords de Nouméa. Des élections provinciales ont ainsi été organisées en mai 1999, 2004, 2009, 2014 et 2019.

· Un report justifié par un but d'intérêt général

Suivant la position des rapporteurs, la commission a enfin constaté que le report des élections provinciales de Nouvelle-Calédonie poursuivait un but d'intérêt général.

Le report des élections, comme rappelé par le Conseil d'État dans son avis sur la présente proposition de loi18(*), est en effet justifié par « la volonté de permettre le dialogue entre les partenaires politiques de l'accord de Nouméa, en vue de rechercher un nouvel accord sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie », ce qui répond à un but d'intérêt général, « alors que la gravité et l'ampleur de la dégradation de sa situation économique et sociale compromettent la sérénité nécessaire tant au dialogue qu'à l'organisation du scrutin provincial » avant le 15 décembre 2024.

3.2. Un report approuvé par la commission des lois, qui s'est attachée à améliorer la lisibilité du dispositif proposé

La commission des lois, suivant l'avis des rapporteurs, s'est montrée favorable au report des élections provinciales de Nouvelle-Calédonie, au plus tard au 30 novembre 2025.

Après avoir constaté que le dispositif proposé satisfaisait aux exigences constitutionnelles, elle a estimé que ce report était nécessaire au vu du contexte actuel sur l'archipel et de la nécessité de renouer le dialogue pour tenter d'aboutir à un accord entre l'ensemble des parties prenantes.

Elle a en conséquence adopté l'article 1er de la proposition de loi organique, après l'avoir réécrit à l'initiative des rapporteurs et par l'adoption d'un amendement COM-2, conformément aux recommandations émises par le Conseil d'État dans son avis sur la présente proposition de loi organique19(*), pour en améliorer la lisibilité tout en assurant son articulation avec la précédente loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

L'article 1er prévoit dorénavant que les prochaines élections provinciales, initialement reportées, au plus tard, au 15 décembre 2024, devront avoir lieu au plus tard le 30 novembre 2025, avec une mise à jour de la liste électorale spéciale au plus tard dix jours avant la date du scrutin et une expiration des mandats en cours des membres du congrès et des assemblées provinciales le jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 1er bis (nouveau)
Prorogation des fonctions des membres des organes du Congrès

L'article 1er bis vise à proroger les fonctions des membres du bureau, de la commission permanente et des commissions intérieures du Congrès de la Nouvelle-Calédonie jusqu'au jour de la première réunion du Congrès nouvellement élu, au plus tard au 30 novembre 2025, en application de la présente loi organique.

La commission a adopté cet article, introduit à l'initiative des rapporteurs, afin d'éviter deux renouvellements successifs des instances internes du Congrès dans un laps de temps réduit.

1. Le renouvellement des organes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

1.1. Les organes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie est organisé autour de plusieurs instances internes.

En premier lieu, le bureau est composé du président du Congrès, de huit vice-présidents au plus, de deux secrétaires et de deux questeurs20(*). Il est consulté par le président sur :

- l'ordre du jour des séances publiques ;

- les dates de séances publiques ;

- toute question relative à la recevabilité des amendements ;

- toute contestation des procès-verbaux et comptes rendus des séances ;

- toute autre question procédurale.

En deuxième lieu, la commission permanente, qui siège durant l'intersession, c'est-à-dire en dehors des sessions ordinaires du Congrès21(*) et est composée de sept à onze membres, parmi lesquels un président, un vice-président et un secrétaire.

La commission permanente est plus précisément chargée de régler par ses délibérations les affaires qui lui sont renvoyées par le Congrès durant l'intersession. Elle ne peut être saisie de lois du pays, ni de délibérations portant sur le budget et le compte administratif ou présentant un caractère fiscal.

Les sessions du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

Aux termes de l'article 65 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le Congrès tient deux sessions ordinaires chaque année :

- la session administrative, ouverte entre le 1er et le 30 juin ;

- la session budgétaire, ouverte entre le 1er et le 30 novembre.

Ces sessions ne peuvent durer plus de deux mois chacune.

Pendant l'intersession, c'est-à-dire durant la période entre les deux sessions ordinaires, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie peut se réunir en session extraordinaire22(*), sur demande du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, de la majorité des membres du Congrès ou du haut-commissaire et sur un ordre du jour déterminé pour une durée maximale d'un mois. En dehors des sessions extraordinaires, la commission permanente siège et règle les affaires qui lui sont renvoyées par le Congrès.

En troisième lieu, les commissions intérieures, composées de onze membres chacune, sont chargées d'examiner et d'amender les textes entrant dans leur domaine de compétences, avant leur discussion en séance publique.

Ces commissions intérieures sont au nombre de treize et listées par l'article 18 du règlement intérieur du Congrès (commission des finances et du budget, commission du travail et de la formation professionnelle, commission de la santé et de la protection sociale, commission des sports, commission de l'agriculture et de la pêche, etc.).

1.2. Le renouvellement des organes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

· Le renouvellement annuel des membres des organes du Congrès

Les membres des organes internes du Congrès sont renouvelés intégralement chaque année.

Ainsi, aux termes de l'article 63 de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et de l'article 4 du règlement intérieur du Congrès, celui-ci élit chaque année un bureau parmi ses membres. Le président est élu au scrutin secret à la majorité absolue des membres du Congrès, tandis que les autres membres du bureau sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

De même, le Congrès procède chaque année à l'élection des membres de la commission permanente23(*) et des commissions intérieures24(*).

Ces élections annuelles, dont la date est fixée par le règlement intérieur du Congrès, ont lieu lors de la dernière séance de la première session ordinaire, qui s'ouvre entre le 1er et le 30 juin25(*). Ainsi, ces élections ont généralement lieu à la fin du mois d'août. L'ensemble des instances internes du Congrès ont ainsi été renouvelées le 29 août 2024, donnant lieu à l'élection de Veylma Falaeo, membre du parti l'Éveil océanien, en tant que présidente du Congrès.

· Le renouvellement des membres des instances internes après les élections des membres du Congrès et des assemblées de province

En sus de ce renouvellement annuel, les membres des organes du Congrès sont également renouvelés après les élections provinciales, organisées tous les cinq ans et donnant lieu au renouvellement intégral du Congrès.

Ainsi, lors de la première réunion du Congrès suivant son renouvellement, un bureau provisoire est constitué pour procéder à l'élection du président, avant d'élire les autres membres du bureau, ainsi que les membres de la commission permanente et des commissions intérieures26(*).

2. Proroger les fonctions des membres des organes du Congrès jusqu'à la prochaine élection des membres du Congrès, afin d'éviter l'organisation de deux renouvellements successifs des instances internes

À l'initiative des rapporteurs et par l'adoption d'un amendement COM-3, la commission a introduit l'article 1er bis, qui tend à proroger les fonctions des membres du bureau, de la commission permanente et des commissions intérieures du Congrès actuellement en exercice, jusqu'à la première réunion du Congrès nouvellement élu, en application de la présente loi organique.

L'introduction de cet article fait suite à une demande transpartisane émanant de l'ensemble des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, transmise aux rapporteurs par un courrier signé par l'ensemble des présidents de groupe et par le président du parti l'Éveil océanien.

L'objectif de ce dispositif est d'éviter deux renouvellements successifs des instances internes du Congrès dans un délai très court (trois mois au plus). En effet, sans ce dispositif, le bureau et les commissions du Congrès devraient normalement faire l'objet d'un renouvellement à la fin du mois d'août 2025. Ils seraient ensuite à nouveau renouvelés lors de la première réunion du Congrès nouvellement élu, au plus tard le 30 novembre 2025 en application de la présente loi organique.

Comme rappelé par les présidents de groupe et par le président de l'Éveil océanien dans leur courrier, le renouvellement des instances du Congrès correspond « à une organisation relativement lourde d'un point de vue administratif » et « ne prendrait effet que pour deux mois au maximum alors même que les élus seraient en pleine campagne électorale provinciale ».

Suivant la proposition des rapporteurs, la commission a donc approuvé le principe d'une prorogation des fonctions des membres du bureau, de la commission permanente et des commissions internes du Congrès, jusqu'à la première réunion du Congrès nouvellement élu, au plus tard au 30 novembre 2025.

La commission a adopté l'article 1er bis ainsi rédigé.

Article 1er ter (nouveau)
Entrée en vigueur dès le lendemain de la publication
au Journal officiel de la République française

L'article 1er ter, introduit à l'initiative des rapporteurs, tend à fixer les conditions d'entrée en vigueur de la présente proposition de loi organique et précise que celle-ci, par dérogation à la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, entre en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.

Consciente de la nécessité de garantir une entrée en vigueur rapide, afin que la loi organique puisse produire ses effets avant la convocation des électeurs de Nouvelle-Calédonie aux urnes, la commission a adopté cet article.

1. L'entrée en vigueur des lois et des actes administratifs en Nouvelle-Calédonie

Dans le droit commun, l'article 1er du code civil prévoit que les lois et actes administratifs faisant l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française (JORF) entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication au JORF.

Toutefois, en Nouvelle-Calédonie, par dérogation à l'article 1er du code civil, l'article 6-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie précise que « les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le dixième jour qui suit leur publication au Journal officiel de la République française ».

2. La nécessité d'une entrée en vigueur rapide de la présente proposition de loi organique, afin de garantir son application en temps utile

Introduit par la commission des lois, par l'adoption d'un amendement COM-4 des rapporteurs, l'article 1er ter tend à préciser les conditions d'entrée en vigueur de la présente proposition de loi organique afin qu'elle produise ses effets en temps utile, suivant ainsi l'avis formulé par le Conseil d'État27(*).

Dans cette optique, l'article 1er ter prévoit que la présente proposition de loi organique entrera en vigueur dès le lendemain de sa publication au JORF.

Sans cette précision, la loi organique entrerait en vigueur le dixième jour après sa publication. Or, celle-ci doit impérativement entrer en vigueur avant la publication du décret de convocation des électeurs, pour écarter tout risque contentieux et éviter une situation dans laquelle le Gouvernement serait tenu de convoquer les électeurs, alors même que l'Assemblée nationale et le Sénat auraient adopté une loi organique procédant au report de ces élections.

Aux termes de l'article 187 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le décret de convocation des électeurs doit en effet être publié au moins quatre semaines avant la date du scrutin, lequel doit être organisé au plus tard le 15 décembre 2024, en application de l'article 1er de la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Les électeurs doivent donc être convoqués au plus tard le 17 novembre 2024.

Selon le calendrier prévu, le texte devrait être examiné par le Sénat le 23 octobre prochain, puis par l'Assemblée nationale le 6 novembre. S'agissant d'une loi organique, qui fait l'objet d'un contrôle obligatoire de la part du Conseil constitutionnel, il faudrait ensuite au moins huit jours pour que celui-ci se prononce selon la procédure d'urgence. Une journée supplémentaire serait enfin nécessaire pour promulguer et publier le texte au JORF.

Compte tenu des délais d'examen extrêmement contraints, il est donc apparu indispensable à la commission de prévoir une entrée en vigueur de la loi organique dès le lendemain de sa publication au JORF, afin qu'elle produise ses effets en temps utile. Dans le meilleur des cas, la présente proposition de loi organique entrerait donc en vigueur le 15 novembre 2024.

La commission a adopté l'article 1er ter ainsi rédigé.


* 3 Les provinces du Nord, du Sud et des Îles Loyauté.

* 4 Article 186 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 5 Rapport n° 335 (2023-2024) de Philippe Bas sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, 14 février 2024.

* 6 Rapport n° 335 (2023-2024) de Philippe Bas sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, 14 février 2024.

* 7 Dans son avis du 17 janvier 2024 sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle Calédonie, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie s'est montré majoritairement favorable au report des élections provinciales. 38 membres ont ainsi exprimé un avis « favorable » au texte, tandis que 16 membres ont émis un avis « défavorable ».

* 8 Propos de Stanislas Alfonsi, secrétaire général du Haut-commissaire de la République française en Nouvelle-Calédonie, devant le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, saisi pour avis sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle Calédonie.

* 9 Avis n° 407931 du 24 janvier 2024 du Conseil d'État sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

* 10 Décision n° 2024-864 DC du 11 avril 2024, Loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

* 11 La liste électorale générale, établie suivant les règles de droit commun pour les élections nationales, européennes et municipales ainsi que pour les référendums nationaux, comptait quant à elle 219 154 inscrits au 1er juillet 2023.

* 12 Voir par exemple : Décision n° 2005-529 DC du 6 décembre 2007, Loi organique modifiant les dates des renouvellements du Sénat.

* 13 Rapport de Jean-Louis Debré au Premier ministre « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ? », 13 novembre 2020.

* 14 Décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

* 15 Rapport de Jean-Louis Debré au Premier ministre « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ? », 13 novembre 2020.

* 16 Avis n° 408782 du 10 octobre 2024 du Conseil d'État sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

* 17 Avis n° 407713 du 7 décembre 2023 du Conseil d'État relatif à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie.

* 18 Avis n° 408782 du 10 octobre 2024 du Conseil d'État sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

* 19 Avis n° 408782 du 10 octobre 2024 du Conseil d'État sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

* 20 Article 63 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et article 4 du règlement intérieur du Congrès.

* 21 Article 81 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 22 Article 66 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 23 Article 80 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et article 28 du règlement intérieur du Congrès.

* 24 Article 17 du règlement intérieur du Congrès.

* 25 Articles 4, 17 et 28 du règlement intérieur du Congrès.

* 26 Article 63 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et articles 5, 17 et 28 du règlement intérieur.

* 27 Avis n° 408782 du 10 octobre 2024 du Conseil d'État sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

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