N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 3
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

Rapporteurs spéciaux : MM. Christian KLINGER et Victorin LUREL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Après deux années consécutives de hausse (714 millions d'euros supplémentaires entre 2020 et 2021 puis 1 milliard d'euros supplémentaires entre 2021 et 2022), le niveau constaté de dépenses de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) se stabilise globalement pour atteindre en 2023, 4,69 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 4,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

La consommation réalisée s'établit à 121 % des AE et 122 % des CP ouverts en loi de finances initiale, dans une tendance désormais malheureusement établie de surexécution budgétaire, même si cette réalité avait été plus marquée encore en 2022 (155 % des AE et 154 % des CP). Les constats formulés les années précédentes demeurent donc avérés : les contraintes non anticipées, du fait des aléas climatiques, d'une part, et des maladies animales d'autre part, ont imposé d'importantes ouvertures de crédits en cours de gestion, posant une nouvelle fois la question de la sincérité des engagements initiaux et de la capacité gouvernementale à mieux anticiper des aléas dont la nature reste certes, par définition, imprévisible, mais la survenance de plus en plus probable.

2. Comme en 2022, l'exécution des crédits a été, en 2023, très supérieure aux ouvertures de la loi de finances initiale (LFI), d'environ 1,3 milliard d'euros, tout en restant dans l'enveloppe des crédits finalement disponibles. Par suite, la sous-consommation des CP finalement ouverts s'est élevée à 433 millions d'euros en AE et 320 millions d'euros en CP, en hausse par rapport à 2022. Celle-ci a entraîné un niveau de reports de crédits sur l'année 2024 sans précédent (433 millions d'euros en AE et 419 millions d'euros en CP, contre 412 millions d'euros en AE et 402 millions d'euros en CP un an plus tôt), ainsi que des annulations de crédits.

Il n'est donc pas étonnant que le contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) ait renouvelé en 2023, comme les années précédentes, son avis défavorable sur le caractère soutenable des dépenses des deux programmes 149 et 206, même s'il s'agissait dans les deux cas, selon ses propres termes, « d'une insoutenabilité très largement subie », du fait de la survenance d'aléas.

3. L'exécution budgétaire du programme 149, qui s'établit à 2,9 milliards d'euros en CP, s'est révélée significativement éloignée de l'autorisation donnée en loi de finances initiale. Le programme 149 a en effet bénéficié d'une ouverture supplémentaire de crédits en cours de gestion d'environ 900 millions d'euros. Cette exécution résulte en réalité d'une sous-programmation structurelle des besoins d'accompagnement d'exploitations systématiquement confrontées aux effets des aléas climatiques et sanitaires, laquelle a mis sous tension le programme 149 en 2021, en 2022 et a de nouveau produit ses effets délétères en 2023.

5. Les rapporteurs spéciaux regrettent enfin, comme leurs prédécesseurs l'an passé, la sous-exécution chronique des crédits de paiement du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR). Ils en appellent, comme la Cour des comptes, au rapatriement dans le budget général des deux programmes 775 et 776 concernés.

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) comprenait1(*), en 2023, cinq programmes budgétaires (par importance budgétaire décroissante) :

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » (2,87 milliards d'euros exécutés en crédits de paiement en 2023 contre 3,28 milliards d'euros en 2022, 2,38 milliards d'euros en 2021 et 1,71 milliard d'euros en 2020) porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières, et les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC). La baisse des dépenses exécutées en 2023, en AE comme en CP, sur ce programme s'explique pour partie par le transfert de l'action 28 « pêche et aquaculture » au programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (48 millions d'euros, en AE comme en CP, en loi de finances initiale pour 2022) ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (770,29 millions d'euros exécutés en 2023, contre 791,68 millions d'euros en 2022, 608,3 millions d'euros en 2021 et 555,6 millions d'euros de dépenses en 2020) couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (593,5 millions d'euros contre 609 millions d'euros en 2021 et 618,7 millions d'euros de dépenses en 2020) est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère (hors éducation) ;

- le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » (433 millions d'euros exécutés en CP), créé par la loi de finances pour 2023, est doté par mesures de transfert (les dépenses objets du programme bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA) ;

- le programme 382 « Protection animale », également créé par la loi de finances pour 2023, (330 000 euros exécutés en CP) est consacré aux soutiens aux associations de protection des animaux de toutes espèces (en complément d'une action existante du programme 206).

L'exécution 2023 a été perturbée, comme les années précédentes, par les effets de crises agricoles, principalement sanitaires et, dans une moindre mesure, climatiques ainsi que par la campagne nationale de vaccination des canards. Ces éléments, devenus récurrents et insuffisamment pris en compte par le Gouvernement en loi de finances initiale malgré les alertes répétées du Sénat, génèrent des besoins de financement en cours d'exercice, lesquels, en l'absence de loi de finances rectificative en cours de gestion ont nécessité des transferts au sein des programmes, principalement pour éviter un risque de rupture de trésorerie pour le programme 206.

Dépenses exécutées pour chacun des cinq programmes
de la mission AAFAR en 2023

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : Commission des finances du Sénat

I. UNE NOUVELLE SUREXÉCUTION BUDGÉTAIRE DES CRÉDITS EN COURS D'ANNÉE

1. Une exécution des crédits qui excède les prévisions initiales de 20 %

Exercice après exercice, le même constat peut être dressé : les ouvertures de crédits en loi de finances initiale sont légèrement supérieures à celles de l'exercice précédent, tandis que les dépenses l'ont été bien davantage. Les crédits de paiement consommés, après avoir augmenté de 30 % entre 2021 et 2022, se stabilisent globalement entre 2022 et 2023 (4,7 milliards d'euros contre 4,6 milliards d'euros un an plus tôt).

Avec une consommation des crédits de 4,7 milliards d'euros en AE et 4,71 milliards d'euros en CP, les dépenses constatées sur la mission AAFAR ont été globalement stables entre 2022 et 2023, après plusieurs années de forte hausse. Comme chaque année, ces dépenses ont toutefois connu des dynamiques contrastées entre programmes.

Alors qu'il avait contribué à une très grande part de l'augmentation des crédits exécutés pour la mission entre 2021 et 2022, le programme 149 a été moins consommateur de crédits en 2023 que lors de l'année précédente, que ce soit en AE ou en CP, quand le programme 206 a été légèrement plus dépensier qu'en 2022, les dépenses du programme 215 parvenant, quant à elles, à être réduites.

Quant aux deux autres programmes, dans la mesure où ils avaient été instaurés par la loi de finances pour 2023, ils ne peuvent faire l'objet d'une comparaison avec les exercices antérieurs.

Données relatives à l'exécution des crédits de la mission en 2023

(en millions d'euros)

Programmes

 

Exécution 2022

Crédits ouverts en LFI 20232(*)

Total des crédits ouverts en 2023

Exécution 2023

Variation exécution 2023/2022

Écart exécution 2023/LFI 2023

Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt »

AE

3 264,9

2 108,4

2 983,2

2 866

- 398,9

757,6

CP

3 283

2 100,7

3 033,6

2 908

- 375

807,3

Programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

AE

797,5

657,5

1 008,9

804,7

7,2

147,2

CP

791,7

654,6

988

770,3

- 21,4

115,7

Programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

AE

602,5

689,1

704,6

593,5

- 9

- 95,6

CP

596,1

675

673

597,4

1,3

- 77,6

Programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) »

AE

 

427

433

433

 

6

CP

427

433

433

6

Programme 382 « Soutien aux associations de protection animale et aux refuges »

AE

1

1

0,376

- 0,624

CP

1

1

0,326

- 0,674

Total Mission

AE

5 075

3 883

5 130,7

4 697,6

- 377,4

814,6

CP

4 670,9

3 858,3

5 128,8

4 709

38,1

850,7

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données du RAP 2023 

2. Des modifications budgétaires, en cours d'exercice, de nouveau substantielles

Comme lors des exercices précédents, et malgré les alertes en ce sens formulées par le Sénat lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2023, l'exécution des crédits cette année a largement dépassé les prévisions. Certes, l'écart entre la loi de finances initiale et le montant exécuté n'est pas aussi important qu'en 2022, où il avait atteint un niveau sans précédent3(*), mais le différentiel demeure conséquent, principalement du fait que le Gouvernement refuse de tenir compte dès la loi de finances initiale d'éléments ayant nécessairement un impact sur le budget. Ainsi, en 2023, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement exécutés sont supérieurs de 20,5 % à la programmation initiale (contre 57 % en 2022 et 20 % en 2021).

Toutefois, comme lors des exercices précédents, ces crédits sont demeurés dans l'enveloppe de crédits finalement disponibles du fait de modifications budgétaires intervenues en cours d'exercice. En effet, au total, les crédits ouverts en cours de gestion s'élevaient à environ 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement : à l'ouverture, en loi de finances initiale, de 3,86 milliards d'euros se sont ajoutées des ouvertures opérées en lois de finances de fin de gestion4(*) (836 millions d'euros en CP), des reports de crédits (337,45 millions d'euros en CP), des mouvements de crédits (75,6 millions d'euros)5(*) et plus marginalement de fonds de concours et attributions de produits (21,2 millions d'euros). Ce sont en tout un peu moins de 420 millions d'euros de crédits de paiement qui n'ont pas été consommés.

Une fois de plus, ces abondements en cours de gestion ont surtout concerné le programme 149, qui a bénéficié de près de 900 millions d'euros supplémentaires (dont 642 millions d'euros supplémentaires en AE et 574,5 millions d'euros en CP du fait de la loi de fin de gestion pour 2023). 68 % des ouvertures de crédits réalisées en lois de finances rectificatives ont d'ailleurs concerné ce programme (contre 78 % en 2022).

Il s'est agi principalement d'intervenir pour compenser l'impact sur la filière agricole de multiples crises survenues au cours de l'année : indemnisation économique liée aux crises de l'influenza aviaire, difficultés connues par la filière viticole, ; en particulier du fait d'épisodes de gel, soutien à la filière biologique particulièrement touchée par de nouveaux comportements des consommateurs au regard d'une inflation accrue, etc. Ces facteurs exogènes ont d'ailleurs grandement contribué à la diminution des revenus des agriculteurs constatée en 20236(*).

Outre l'abondement de crédits par la voie législative, les mouvements infra-annuels qui ont touché la mission ont résulté de transferts, de virements, d'avances et, dans une moindre mesure, de fonds de concours et d'attributions de produits.

Mouvements infra-annuels de crédits sur les différents programmes
de la mission en 2023

(en millions d'euros)

 

P149

P206

P215

P381

P382

Total Mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

2 108,40

2 100,71

657,54

654,62

689,05

675,00

427

427

1,00

1,00

3 882,99

3 858,32

Fonds de concours et attribution de produits

0,04

0,04

12,90

12,90

8,30

8,30

0

0

0

0

21,24

21,24

Autres mouvements de crédits

232,61

358,31

49,27

44,84

21,11

9,90

0

0

0

0

302,99

413,05

dont Reports

191,01

292,36

38,54

34,17

22,13

10,92

0

0

0

0

251,68

337,45

dont Avances

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

dont Virements

- 0,85

- 0,85

11,18

11,12

- 0,10

- 0,10

0

0

0

0

10,23

10,17

dont Transferts

42,45

66,80

- 0,45

- 0,45

- 0,92

- 0,92

0

0

0

0

41,09

65,44

dont Répartitions

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Loi de finances de fin de gestion

642,18

574,54

289,17

275,79

- 13,88

- 20,19

6,00

6,00

0

0

923,47

836,13

Total des crédits ouverts

2 983,22

3 033,60

1 008,89

988,15

704,58

673,00

433

433

1,00

1,00

5 130,70

5 128,75

Crédits consommés

2 865,99

2 907,93

804,74

770,29

593,49

597,40

433

433

0,38

0,33

4 697,59

4 708,94

Source : commission des finances du Sénat à partir de la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2023 de la Cour des comptes

Au total, les crédits ouverts durant l'exercice 2022 ont excédé de près de 1,27 milliard d'euros les prévisions de la LFI (contre 2 milliards d'euros en 2022), pour atteindre 5,1 milliards d'euros en CP. Toutefois, la sous-consommation des crédits finalement ouverts s'est élevée à près de 433 millions d'euros en AE et 320 millions d'euros en CP.

Cette sous-consommation, qui représente tout de même 8,3 % des CP ouverts est en particulier marquée pour les dépenses d'investissement. Comme le relève la Cour des comptes7(*), ces dépenses font l'objet « depuis plusieurs années d'une sous-exécution récurrente, de l'ordre de 60 à 75 % selon les années, tant en AE qu'en CP. Cette tendance se poursuit en 2023, avec une sous-exécution de 51 % des AE et 42 % des CP. Si cette situation perdurait, un rebasage pourrait s'avérer nécessaire. »²

Cette sous-consommation des dépenses d'investissement explique en grande partie le niveau proportionnellement important de crédits non consommés du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (217 millions d'euros de crédits de paiement non consommés sur 988 millions d'euros ouverts). Les crédits ouverts pour la rénovation du système informatique destiné à l'identification et à la traçabilité des animaux vivants, inscrits sur ce programme, n'ont pas été consommés en 2023, ce que les rapporteurs jugent regrettables au regard de l'importance du but poursuivi, a fortiori à l'issue d'une crise sanitaire sans précédent.

Le tableau ci-après récapitule le niveau de sous-consommation pour chacun des cinq programmes de la mission :

Crédits non consommés au sein de la mission AAFAR en 2023

(en millions d'euros)

 

Crédits ouverts

Crédits consommés

Sous-consommation constatée

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt »

2 983,2

3 033,6

2 866

2 908

117,2

125,6

Programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

1 008,9

988

804,7

770,3

204,2

217,7

Programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

704,6

673

593,5

597,4

111,1

75,6

Programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

433

433

433

433

0

0

Programme 382 « Soutien aux associations de protection animale et aux refuges »

1

1

0,376

0,326

0,624

0,674

Total

5 130,7

5 128,8

4 697,6

4 709

433,1

419,8

Source : commission des finances du Sénat à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

3. Un niveau de reports de crédits sans précèdent

Comme le mentionne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire relative à la présente mission, cette sous-consommation des crédits disponibles ainsi que des annulations de crédits a entraîné un niveau significatif de reports de crédits sur l'année 2024 : ce report pourrait être de 433 millions d'euros en AE et 419 millions d'euros en CP (contre 412 millions d'euros en AE et 402 millions d'euros en CP un an plus tôt).

Rappelons toutefois que depuis le 1er janvier 2023, le régime de report des crédits est davantage encadré. La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques plafonne désormais le montant total des crédits de paiement reportés à 5 % des crédits ouverts, modifiant les conditions de report jusqu'alors fixées à l'article 15 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Bien que ces plafonds soient respectés, il est légitime de partager les interrogations de la Cour des comptes lorsqu'elle indique qu'il serait « plus respectueux des principes d'annualité et de sincérité budgétaires que le MASA ouvre les crédits pour les besoins résiduels du seul exercice en cours, et non pour des besoins prévisionnels de l'exercice à venir8(*) ».

Au-delà des questions de principe, qui ne semblent pas entrer dans le champ des considérations retenues par le Gouvernement quant à l'exécution budgétaire, les rapporteurs spéciaux constatent, que les reports de crédits sur l'année 2024 représentent vingt fois le montant des reports effectués quatre ans plus tôt. La simultanéité entre, la même année, un niveau jamais égalé de crédits reportés et un haut niveau de crédits non consommés constitue une tendance regrettable, qui ne saurait perdurer, c'est pourquoi ils plaident là aussi pour davantage de rigueur, de réalisme et de sincérité dans le prévisionnel budgétaire du MASA.

4. Une forte hausse des dépenses d'investissement, même si elles demeurent marginales et sous-exécutées

Les dépenses d'investissement exécutées s'établissent à 50,7 millions d'euros en CP pour l'année 2023 soit cinq fois le montant de 2022. Malgré cette croissance notable, qui leur ont permis de peser 1,08 % des CP consommés de la mission contre 0,27 % en 2022, ces dépenses demeurent marginales par rapport au total des dépenses de la mission.

De surcroît, elles font l'objet d'une sous-exécution qui se confirme d'ailleurs d'année en année. Pour 2023, ces 50,7 millions d'euros de dépenses d'investissement en CP sont à mettre en regard avec les 87,6 millions d'euros qui étaient ouverts, Les rapporteurs spéciaux relèvent que ces dépenses semblent donc être devenues l'une des variables d'ajustement retenues par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire pour compenser des dépenses liées aux aléas que le Gouvernement n'a pas souhaité anticiper. La Cour des comptes a ainsi relevé que ces dépenses faisaient l'objet d'une sous-exécution de l'ordre de 60 à 75 % selon les années, tant en AE qu'en CP. Pour 2023, cette sous-exécution n'est « que » de 51 % des AE et 42 % des CP, mais elle demeure préoccupante.

Évolution des dépenses de la mission, en CP consommés, par titre
entre 2022 et 2023

(en millions d'euros)

 

2022

2023

Variation 2023/2022

Variation 2023/2022

Dépenses de personnel

844,7

857,9

13,2

+ 1,56 %

Autres dépenses dont :

3 724,3

3 851

126,7

+ 3,4 %

Dépenses de fonctionnement

920,4

1 012

91,6

+ 9,95 %

Dépenses d'investissement

10,2

50,7

40,5

+ 397 %

Dépenses d'intervention

2 499,2

2 677,7

178,5

+ 7,14 %

Dépenses d'opérations financières

294,5

110,2

- 184,3

- 62,58 %

Total

4 569

4 708,9

139,9

+ 3,06 %

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2023

5. Une légère augmentation des dépenses de personnel

Après avoir régulièrement diminué depuis 2020 (845 millions d'euros en 2022, 850 millions d'euros en 2021 et 860 millions d'euros en 2020), les dépenses effectives de personnel augmentent légèrement cette année. Toutefois, leur part dans le total reste stable puisqu'elles ont approximativement progressé au même rythme que les crédits de paiement dans leur ensemble : elles pèsent 18,2 % du total des dépenses en 2023 contre 18 % en 2022, alors qu'elles représentaient le quart du total des dépenses en 2021.

Au total, 11 834 ETPT ont été ouverts pour la mission en LFI 2023, contre 11 714 ETPT en 2022, soit 120 ETPT supplémentaires (+ 1,02 %), après une hausse de 1,9 % l'année précédente qui faisait elle-même suite à deux années consécutives de baisse (- 1,4 % entre 2020 et 2021 et - 1,6 % entre 2019 et 2020).

L'exécution de la mission s'est établie à 11 394 ETPT (contre 11 585 ETPT en 2022). Le plafond d'emplois n'a pas été consommé en totalité, avec une sous-exécution qui demeure néanmoins assez faible (autour de 3,7 %) même si elle est plus importante qu'en 2022 (1,2 %), et que les évolutions d'emploi sont différents selon le programme considéré.

À titre d'exemple, comme l'an passé, le programme 215 fait apparaître une sous-consommation du plafond d'emplois (46 ETPT en 2023 contre 68 ETPT en 2022) s'expliquant par des difficultés à pourvoir certains postes, au regard de la moindre attractivité des services territoriaux.

Par ailleurs, plusieurs décisions ont eu une incidence sur l'emploi : c'est le cas du transfert du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) aux conseils régionaux depuis le 1er janvier 2023 qui entraine progressivement la suppression à l'échelon ministériel de 385 ETP, dont certains sont d'ores et déjà gelés.

Les crédits du titre 2 de la mission ont été exécutés à hauteur de 90 % des crédits disponibles (un peu moins de 858 millions d'euros consommés pour 952,5 millions d'euros ouverts) contre 94,3 % en 2022 (845 millions d'euros pour 896 millions d'euros). Cette sous-exécution s'explique, d'une part, par les difficultés de certains des dix opérateurs relevant de la mission à recruter (c'est le cas par exemple du Conseil national de la propriété forestière) en raison du manque d'attractivité de certaines offres d'emploi, et d'autre part, par des décisions d'embauche parfois reportées.


* 1 Après une seule année d'existence, le programme 382 a été supprimé en loi de finances initiale pour 2024 et les crédits correspondants ont depuis été intégrés au programme 206.

* 2 Crédits ouverts en loi de finances initiale hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (AdP).

* 3 Les crédits ouverts en cours de gestion en 2022 avaient presque égalé les autorisations de la LFI, tant en AE qu'en CP, principalement du fait des ouvertures opérées en lois de de finances rectificatives (939 millions d'euros en CP), des reports de crédits (402 millions d'euros en CP), et plus marginalement de fonds de concours et attributions de produits (45 millions d'euros).

* 4 Contrairement à l'exercice précédent qui avait connu deux lois de finances rectificatives, les ouvertures de crédits en cours d'exercice ont résulté, en 2023, de la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023, à hauteur de 923 millions d'euros en AE et 836 millions d'euros en CP. Il s'agit d'un montant net et arrondi puisque la loi précitée a en réalité ouvert 937 349 467 euros en AE et 856 326 896 euros en CP, en annulant parallèlement 13 876 077 euros en AE et 20 194 046 euros en CP.

* 5 En l'espèce, les mouvements recouvrent des reports, des virements ainsi que des transferts.

* 6 Sur le revenu des exploitants agricoles, un décryptage du journal « Le Monde » du 31 janvier 2024, consultable via le présent lien, est particulièrement éclairant.

* 7 Cf. note d'analyse de l'exécution budgétaire 2023 de la Cour des comptes.

* 8 Cf. la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2023 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de la Cour des comptes (page 30).

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