N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 25
Régimes sociaux et de retraite

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS


Rapporteure spéciale :
Mme Sylvie VERMEILLET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

1. La mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget général est composée de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux :

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » (18,0 % des crédits de paiement de la mission - CP) ;

- le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » (13,2 % des crédits de paiement de la mission) ;

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP (68,8 % des crédits de paiement de la mission).

2. En 2023, les crédits consommés au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se sont élevés à 5 932,3 millions d'euros, soit une sous exécution de 204,6 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (6 136,9 millions d'euros).

3. Dans la mesure où la mission « Régimes sociaux et de retraites » regroupe principalement des régimes « fermés » ou des régimes « ouverts » en déclin démographique, les réformes successives des retraites sont peu susceptibles d'avoir un impact important sur les régimes suivis au sein de la mission.

4. La rapporteure spéciale salue les évolutions actées en loi de finances initiale pour 2024 qui prévoit le transfert, qu'elle préconisait, du financement des deux régimes de retraite de la culture (Comédie française et Opéra national de Paris) du programme 131 au programme 195.

5. Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État. Il regroupe trois programmes :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » (94,5 % des dépenses du CAS en 2022) qui agrège l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » (3,1 % des dépenses du CAS en 2022) ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » (2,4 % des dépenses du CAS en 2022).

6. Les dépenses du CAS « Pensions » ont atteint, en 2023, 64 304 millions d'euros soit une sous exécution de 55,6 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (64 359,6 millions d'euros).

7. En 2023, les recettes du CAS Pensions ont atteint 63 161 millions d'euros. Ce niveau inférieur à celui des dépenses a généré un déficit de 1,14 milliard d'euros après le déficit enregistré en 2022 à hauteur de 0,55 milliard d'euros. Le solde cumulé s'établit, quant à lui, à 7,81 milliards d'euros.

8. Le solde annuel et le solde cumulé s'inscrivent désormais dans une trajectoire baissière. Pour la seule année 2023, la réforme des retraites n'a eu que peu d'impact sur les dépenses du CAS Pensions dans la mesure où son entrée en vigueur se fait de manière progressive depuis septembre 2023. Il en résulte que ses effets sur les dépenses en 2023 sont considérés comme marginaux et que le Gouvernement estime qu'une amélioration du solde technique du CAS Pensions sera observable à compter de 2027 (avec une estimation de + 0,7 milliard d'euros). La rapporteure spéciale sera donc particulièrement attentive à l'évolution des dépenses du CAS dans les années à venir, d'autant qu'une nouvelle augmentation du déficit est attendue pour les années 2024 à 2026.

9. Aussi, elle réitère son observation de l'année dernière et insiste sur le fait que le solde cumulé ne permet pas de faire face aux aléas auxquels peut être confronté le régime des retraites de la fonction publique d'État et que dans ce contexte, il serait souhaitable que cette fiction comptable soit abandonnée et débouche sur la création de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » EN 2023 

A. L'EXÉCUTION DE LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » : UNE DIMINUTION DES DÉPENSES QUI S'EXPLIQUE PAR UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE CONCERNANT LE CONGÉ DE FIN D'ACTIVITÉ DES CHAUFFEURS ROUTIERS

La mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget général est structurée autour de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux, qu'ils soient fermés (régimes des personnels de la SEITA et de l'ORTF, Caisses de retraites des régies ferroviaires d'outre-mer) ou ouverts (Établissement national des invalides de la marine). Le régime de la SNCF est, quant à lui, fermé depuis le 1er janvier 2020 et celui de la RATP depuis le 1er septembre 2023. Le régime des mines n'accueille qu'un nombre limité de cotisants.

Les caractéristiques démographiques de ces régimes sont proches, et marquées par un fort déséquilibre qui s'accroit mécaniquement entre le nombre de cotisants et celui des pensionnés. La politique mise en oeuvre par l'État vis-à-vis de ces régimes tient compte de cette dimension démographique. Il s'agit pour l'État d'accompagner les régimes fermés, pour lesquels le faible nombre ou l'absence de cotisants réduit la portée d'une éventuelle modification des paramètres de liquidation des droits à la retraite.

Le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » porte les subventions qui visent à équilibrer financièrement certains régimes spéciaux de retraite qui ont pour caractéristique commune d'être fermés et en rapide déclin démographique :

- le fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;

- le régime de retraite de la SEITA ;

- la Caisse des retraites des régimes ferroviaires d'outre-mer ;

- le régime des personnels de l'ORTF.

Ces régimes étant en incapacité de se financer par eux-mêmes dans le cadre d'un fonctionnement en répartition, l'État leur verse, via ce programme budgétaire, des subventions.

Le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » est spécifiquement dédié à cette profession.

Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » est principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP. Jusqu'à 2022 ce programme comprenait également le financement du congé de fin d'activité des chauffeurs-routiers ce que la rapporteure spéciale a critiqué à plusieurs reprises. La loi de finances pour 2023 a transféré ces crédits au programme 203 « Infrastructures et services de transports » rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilités durables » qui n'apparaissent donc plus, dans la présente loi relative aux résultats de la gestion, dans la mission « Régimes sociaux et de retraites ».

1. La consommation des crédits ouverts en LFI

En 2023, les crédits consommés au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se sont élevés à 5 932,3 millions d'euros, soit une sous-exécution de 204,6 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (6 136,9 millions d'euros). 96,67 % de crédits ont ainsi été exécutés par rapport à la prévision contre 99,6 % en 2022.

L'exécution 2023 de la mission enregistre une baisse de 2,4 % par rapport à 2022 soit 145,1 millions d'euros en raison, essentiellement, d'une mesure de périmètre touchant le programme 198. En effet, les crédits du congé de fin d'activité (146,2 millions d'euros) ont été transférés, à compter de 2023, sur le programme 203. À périmètre constant, les dépenses de la mission sont très stables puisqu'elles augmentent de 1,1 million d'euros par rapport à 2022.

Évolution de l'exécution des crédits de la mission
« Régimes sociaux et de retraite » entre 2022 et 2023

(en euros et en pourcentage)

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : données issues des lois de finances initiales. Exécution : consommation constatée dans le rapport annuel de performances annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Répartition par programme des crédits de paiement consommés en 2023

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. La consommation des crédits disponibles

Afin de tenir compte des actualisations de prévisions de consommation en cours de gestion, les programmes de la mission « Régimes sociaux et de retraites » ont enregistré des ouvertures et des annulations de crédits en cours de gestion.

Mouvements intervenus en gestion sur les crédits de la mission
« Régimes sociaux et de retraites » en 2023

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au total, près de 190 millions d'euros ont été annulés en cours de gestion en AE et CP. Pour autant, l'exécution est demeurée en deçà des crédits disponibles à hauteur de 16,4 millions d'euros.

Les dépenses de la mission restent à un niveau inférieur au plafond défini pour 2023 dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2013-2027 (6,2 milliards d'euros).

B. L'EXÉCUTION DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » : UNE CROISSANCE DES RECETTES INFÉRIEURE À CELLE DES DÉPENSES

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État : pensions de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État et des ouvriers d'État, pensions de retraite des militaires, pensions militaires d'invalidité, autres allocations assimilées

Il est composé de trois programmes :

le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », qui recense l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État et représente logiquement l'essentiel des dépenses du CAS en 2023 ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » agrège les dépenses du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'État (FSPOEIE) et du Fonds rente accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;

le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » qui retrace les dépenses et recettes consacrées aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et à d'autres allocations viagères.

1. La consommation des crédits ouverts en LFI

En 2023, les crédits consommés au titre du CAS Pensions se sont élevés à 64 304 millions d'euros, soit une sous exécution de 55,6 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (64 359,6 millions d'euros). 99,9 % de crédits ont ainsi été exécutés par rapport à la prévision, contre 101,9 % en 2022.

L'exécution 2023 du CAS Pensions enregistre une hausse de 3,25 % par rapport à 2022 soit 2 milliards d'euros exclusivement sous l'effet de la hausse des dépenses du programme 741 en raison, notamment, de la revalorisation des pensions (extension en année pleine de la revalorisation exceptionnelle de 4 % appliquée au 1er juillet 2022) et de la revalorisation annuelle au 1er janvier 2023 pour les pensions de retraite et au 1er avril pour les pensions d'invalidité.

Évolution de l'exécution des crédits du CAS Pensions
entre 2022 et 2023

(en euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Répartition des dépenses du CAS Pensions en 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. La consommation des crédits disponibles

Afin de tenir compte des actualisations de prévisions de consommation en cours de gestion, le programme 743 du CAS Pensions a enregistré une ouverture de crédits en cours de gestion qui s'explique par une revalorisation du point de la pension militaire d'invalidité (PMI) plus élevée qu'anticipé en LFI, ce qui a conduit à une hausse des dépenses des pensions militaires d'invalidité et d'allocations de reconnaissance du combattant par rapport à la prévision de la LFI pour 2023. Cette hausse des dépenses du programme 743 a justifié une ouverture de crédits de 14,29 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion pour 2023.

Mouvements intervenus en gestion sur les crédits de la mission
« Régimes sociaux et de retraites » en 2023

(en euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, en raison de reports sur 2023 de crédits non consommés en 2022, la sous-exécution du CAS Pensions par rapport aux crédits disponibles s'établit à 1,4 milliard d'euros.

3. L'évolution des recettes et des dépenses du CAS Pensions

Pour rappel, la quasi-totalité des dépenses du CAS correspondent à des dépenses dites de « guichet » qui ne peuvent donc pas être pilotées en cours d'exercice.

En revanche, pour permettre un fonctionnement équilibré du programme 741, et donc du CAS Pensions dans son ensemble, les recettes peuvent, quant à elles, bénéficier d'un ajustement, en fin d'année, du taux de contribution employeurs.

Dans ce contexte d'augmentation des dépenses, ces taux de contribution des employeurs ont nettement progressé depuis la création du CAS Pensions. Ainsi, les taux civils ont progressé de 3,05 points par an en moyenne entre 2006 et 2014 et les taux militaires de 3,26 points.

Cette faculté n'a, cependant, plus été utilisée depuis 2014. Le projet annuel de performances pour 2025 prévoit néanmoins l'augmentation du taux de quatre points de pourcentage afin d'accroître les recettes du CAS Pensions et maintenir son solde cumulé à un niveau positif.

Évolution du taux de cotisation employeur de l'État depuis 2006

Année

Taux de cotisation employeur de l'État

Pension de retraite - civils

Pensions militaires

Allocation temporaire d'invalidité - civils

2006

49,90 %

100,00 %

0,30 %

2007

50,74 %

101,05 %

0,31 %

2008

55,71 %

103,50 %

0,31 %

2009

58,47 %

108,39 %

0,32 %

2010

62,14 %

108,63 %

0,33 %

2011

65,39 %

114,14 %

0,33 %

2012

68,59 %

121,55 %

0,33 %

2013

71,78 %

126,07 %

0,32 %

Depuis 2014

74,28 %

126,07 %

0,32 %

2025 (p)

78,28 %

126,07 %

0,32%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Il en résulte que les recettes du CAS Pensions ont atteint 63 161 millions d'euros en 2023. Ce montant est en hausse de 1,43 milliard d'euros par rapport à 2022 mais inférieur à la prévision inscrite en LFI 2023 (- 379 millions d'euros, soit -0,6 %), malgré la revalorisation de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet 2023 résultant du décret n° 2023- 519 du 28 juin 2023. Ces recettes inférieures aux prévisions portent essentiellement sur le programme 741 en raison des difficultés de prévoir avec exactitude les modalités de réalisation, par les employeurs, de leurs schémas d'emplois, de sorte que la revalorisation du point d'indice n'a pas permis une hausse des recettes en sur-compensant des moindres recrutements.

Répartition des recettes perçues en 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Recettes du CAS « Pensions » par programme en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ce niveau de recettes 2023, malgré la revalorisation du point d'indice, est inférieur à celui des dépenses avec une différence de 1,14 milliard d'euros contre une différence de 551 millions d'euros en 2022, soit un doublement du déficit du CAS Pensions.

Évolution des recettes, des dépenses, du solde et du solde cumulé
du CAS Pensions depuis 2013

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Il en résulte une diminution, pour la deuxième année consécutive, du solde cumulé du CAS Pensions qui passe de 8,9 milliards d'euros en 2022 à 7,8 milliards d'euros en 2023. Toutefois, l'obligation organique d'équilibre du CAS Pensions demeure respectée, cette dernière portant uniquement sur le solde cumulé du compte depuis sa création.

Cet excédent technique ne constitue cependant pas des réserves et est reversé au budget de l'État.

II. L'ANNÉE 2023 CORRESPOND AU PREMIER EXERCICE BUDGÉTAIRE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RÉFORME DES RETRAITES ADOPTÉE EN LOI DE FINANCEMENT RECTIFICATIVE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2023

1. Un impact limité de la réforme des retraites de 2023 sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraites »

Dans la mesure où la mission « Régimes sociaux et de retraites » regroupe principalement des régimes « fermés » ou des régimes « ouverts » en déclin démographique, les réformes successives des retraites sont peu susceptibles d'avoir un impact important sur les régimes suivis au sein de la mission.

En effet, seuls les régimes avec des nouveaux retraités sont concernés par des réformes impliquant des évolutions des paramètres (notamment durée de cotisation) déterminant les pensions.

En 2023, les régimes de la SNCF et de la RATP ont appliqué, avec un décalage qui a pris fin au 1er janvier 2024, l'augmentation progressive de l'âge d'ouverture des droits à retraite liée à la réforme de 2011 qui a pour principale conséquence de réduire le nombre des nouveaux retraités dans ces régimes, en conduisant les assurés à décaler leur âge de liquidation, et à freiner la dynamique d'évolution de leurs dépenses1(*).

La loi de finances rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023, publiée le 14 avril 2023, prévoit, quant à elle, la fermeture du régime spécial de retraite de la RATP pour les nouveaux embauchés au cadre permanent de la RATP à partir du 1er septembre 2023. Cette fermeture a pour conséquence d'accélérer le vieillissement de la population du régime.

En outre, la LFRSS pour 2023 prévoit un décalage de deux ans des âges d'ouverture des droits aux assurés du régime spécial de la SNCF et de la RATP. Ce décalage devrait intervenir à la fin de la montée en charge décalée des réformes précédentes, soit à partir du 1er janvier 2025.

2. Une révision de la maquette budgétaire de la mission « Régimes sociaux et de retraite » pour inclure les régimes spéciaux culturels à compter de 2024 

En dehors des régimes de pensions des fonctionnaires civils et militaires et des ouvriers de l'État ciblés spécifiquement par le compte d'affectation spéciale « Pensions », le budget de l'État a financé 12 régimes à hauteur de 11,32 milliards d'euros, via des taxes affectées ou des subventions d'équilibre. Ce montant n'intègre pas les sommes résiduelles affectées à des régimes en voie d'extinction comme les pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer et les pensions de certains agents des chemins de fer secondaires (Caisse autonome mutuelle de retraite - CAMR), financés par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Financement de l'État en 2022 vers les régimes spéciaux
et autres régimes (hors CAS Pensions)

(en millions d'euros)

Source : Jaune « Pensions » annexé au projet de loi de finances pour 2024

Ce montant total du financement par l'État des régimes spéciaux est en très légère hausse par rapport à 2021 (+ 11 millions d'euros), en raison de la hausse des taxes affectées au régime de base et au régime complémentaire des non-salariés agricoles qui passent de 3 225 millions d'euros en 2021 à 3 305 millions d'euros en 2022. À l'inverse, les subventions et taxes affectées aux autres régimes spéciaux diminuent légèrement passant respectivement de 5 940 millions d'euros à 5 923 millions d'euros et de 2 144 millions d'euros à 2 092 millions d'euros.

Toutefois, la mission « Régimes sociaux et de retraites » ne couvrait pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite auxquels l'État contribue financièrement.

Ainsi, le financement des caisses de retraites de l'Opéra de Paris ou de la Comédie française était, jusqu'en 2023, prévu au sein du programme 131 « Création », rattaché à la mission « Culture ». Par ailleurs, le régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), le régime des non-salariés agricoles, le régime de retraite des avocats (CNBF) et celui des clercs et des employés de notaire sont financés au moyen de taxes affectées. Ces dépenses fiscales ne sont donc pas non plus recensées au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

La maquette budgétaire ne permettait donc pas, dans ces conditions, de disposer d'une approche complète des régimes spéciaux financés par l'État. Dans ce contexte, la rapporteure spéciale avait insisté dans son rapport relatif aux résultats de la gestion 2022 sur la nécessité d'une modification rapide de celle-ci.

Cette évolution apparaît d'autant plus indispensable que la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit la fermeture, au 1er septembre 2023, de nouveaux régimes spéciaux - RATP, Banque de France, clercs et employés de notaires, Industries électriques et gazières, Conseil économique, social et environnemental - et pose de fait la question de leur financement. Cette fermeture devrait, en effet, conduire à une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par les caisses. Le versement d'une subvention d'équilibre par l'État, en attendant une convention avec le régime général et les complémentaires (AGIR-ARCCO et IRCANTEC), pourrait constituer une solution transitoire. Or, seul le régime de la RATP est actuellement couvert par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Dans ces conditions, il est rapidement apparu indispensable de réviser la maquette budgétaire afin de pouvoir disposer d'une mission élargie à tous les régimes spéciaux, bénéficiant de crédits de l'État et la rapporteure spéciale avait alors posé la question de l'intégration des régimes spéciaux culturels de l'Opéra national de Paris et de la Comédie française au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Principales caractéristiques des régimes spéciaux « culturels » en 2022

Caisse

Nombre de cotisants

Nombre de bénéficiaires

Dépenses du régime
(en millions d'euros)

Subvention de l'État
(en millions d'euros)

Part du financement de l'État
(en pourcentage)

Caisse de l'Opéra national de Paris

1 859

1 877

33

19

57,6 %

Caisse de la Comédie française

347

436

7

5

71,4 %

Source : commission des finances, d'après le Jaune « Pensions » annexé au projet de loi de finances pour 2024

La rapporteure spéciale salue donc les évolutions actées en loi de finances initiale (LFI) pour 2024 qui prévoit le transfert du financement des deux régimes de retraite de la culture du programme 131 au programme 195, qui bénéficient, en 2024, d'une subvention de 4,9 millions d'euros pour le régime de la Comédie française et de 20,1 millions d'euros pour le régime de l'Opéra national de Paris votée en LFI.

3. Une dégradation du solde technique du compte d'affection spéciale « Pensions » pour la deuxième année consécutive malgré la réforme des retraites de 2023

Les dépenses du CAS « Pensions » ont augmenté de 3,13 % entre 2021 et 2022 et de 3,24 % entre 2022 et 2023, soit un rythme supérieur à celui des années précédentes (hausse comprise entre 0,62 % et 1,41 % entre 2013 et 2021).

Comparaison entre les recettes et les dépenses du CAS Pensions
et des taux d'évolution entre 2017 et 2023

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette évolution des dépenses et des recettes, à compter de 2022, s'explique par deux phénomènes qui ont eu des incidences contraires sur le solde du CAS Pensions.

Ainsi, trois mesures de soutien au pouvoir d'achat ont eu, au global, un impact positif sur le solde, en augmentant les recettes dans une proportion plus importante que les dépenses du CAS en 2023 :

- la revalorisation exceptionnelle de 4 % des pensions en juillet 2022 qui a généré une dépense supplémentaire de 22 millions d'euros ;

- les augmentations du point de pension militaire d'invalidité de décembre 2022 et mars 2023 qui ont généré une dépense supplémentaire de 38 millions d'euros ;

- l'augmentation de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique de juillet 2023 qui a généré des recettes supplémentaires de 440 millions d'euros mais également des dépenses supplémentaires de 18 millions d'euros.

Au total, ces différentes mesures ont conduit à des recettes supplémentaires de l'ordre de 440 millions d'euros et à une augmentation d'environ 78 millions d'euros des dépenses ce qui a contribué à améliorer le solde de l'exercice d'environ 362 millions d'euros.

À l'inverse, la démographie du régime des pensions civiles et militaires de retraite, qui représentent environ 95 % des dépenses du CAS, et qui est donc déterminante pour la trajectoire du compte, a eu un impact négatif sur le solde.

Déjà, entre 2016 et 2022, le nombre de cotisants a diminué de 8 % tandis que celui des pensionnés a augmenté de 4 %. Ainsi, le nombre de pensionnés a progressé en moyenne de 0,7 % par an tandis que celui des cotisants a diminué de 1,4 % par an. Il en résulte que le ratio démographique2(*) pour les pensions des fonctionnaires civils était de 1,28 en 2010, de 1,19 en 2016 et de 0,99 en 2022. Celui des pensions des militaires reste stable mais inférieur à 1.

Évolution du nombre de cotisants et de pensionnés et du ratio démographique
du régime des pensions civiles et militaires

Source : Jaune Pensions, PLF 2024

En 2023, le nombre d'entrées en pensions a augmenté de 1,9 % tandis que celui des sorties a diminué de 2,1 %. Il en résulte un solde démographique du régime sur l'exercice de 17 400 personnes, en hausse de 27 % par rapport à l'année précédente (+ 13 700 personnes en 2022).

Les deux phénomènes susmentionnés (mesures en faveur du pouvoir d'achat et évolution du ratio démographique) ont donc eu pour conséquence, à compter de 2022, une hausse des dépenses supérieure à celle des recettes, créant ainsi un effet ciseaux.

Progression des dépenses du CAS « Pensions » depuis 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette progression des dépenses a eu un impact direct sur l'équilibre du compte, dont le solde cumulé enregistre une baisse à partir de 2022 alors que le solde annuel diminue depuis 2021 et devient négatif en 2022 et 2023.

Évolution du solde annuel et du solde cumulé du CAS « Pensions » depuis 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le solde annuel et le solde cumulé s'inscrivent désormais dans une trajectoire baissière. La réforme paramétrique introduite par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (relèvement de la borne d'âge et allongement de la durée de cotisation) ne devrait pas remettre en cause cette perspective à court terme.

Pour la seule année 2023, la réforme des retraites n'a eu que peu d'impact sur les dépenses du CAS Pensions dans la mesure où son entrée en vigueur se fait de manière progressive depuis septembre 2023. Il en résulte que ses effets sur les dépenses sont considérés comme marginaux par le service des retraites de l'État.

La montée en charge de la réforme devrait se traduire dans un premier temps par une réduction des dépenses de pensions, liée au report de l'âge d'ouverture des droits et à l'accélération de l'augmentation de la durée de référence pour atteindre le taux plein. L'économie attendue est évaluée à 150 millions d'euros en 2024 et à plus de 300 millions d'euros en 2025 et le Gouvernement estime qu'une amélioration du solde technique du CAS Pensions sera observable à compter de 2027 (avec une estimation de + 0,7 milliard d'euros). Dans ce contexte, la rapporteure spéciale sera attentive à l'évolution des dépenses du CAS dans les années à venir.

Sans réforme paramétrique, le solde cumulé aurait été amené à devenir négatif à l'horizon 2025, avec un déficit cumulé estimé à 0,2 milliard d'euros.

La réforme devrait atteindre son effet maximal en 2034, avec un écart entre les dépenses avec et sans réforme évalué à - 1 234 millions d'euros. Dans un second temps, le maintien en emploi plus longtemps induira une hausse du montant des pensions à la liquidation. Aussi, le service des retraites de l'État (SRE) anticipe, à partir de 2045, des dépenses supérieures à ce qu'elles auraient été dans le système antérieur.

Cependant, malgré les économies attendues par la réforme, le projet annuel de performances (PAP) du CAS Pensions pour 2025 prévoit pour les années 2025 à 2027 une poursuite de la détérioration du solde annuel en raison d'une augmentation des dépenses due à la démographie et une hausse des recettes insuffisantes pour la compenser.

Ainsi, d'après les données du PAP 2025, les dépenses et les recettes du CAS Pensions devraient évoluer comme suit durant les trois prochaines années, en tenant compte des effets de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et en incluant la progression prévue de 4 points du taux de contribution employeur au titre des fonctionnaires civils :

Évolution des dépenses, des recettes et du solde annuel
du CAS « Pensions » entre 2024 et 2027

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires.

Il en résulte que malgré la réforme des retraites d'avril 2023 et le relèvement du taux de contributions, le solde cumulé du CAS Pensions deviendrait négatif en 2027, soit deux ans plus tard que sans ces évolutions.

Par convention, ces prévisions pluriannuelles reposent sur une hypothèse de stabilité des taux de contribution employeur et de la politique salariale. Dans les faits toutefois, toute réduction du solde cumulé du CAS Pensions à un niveau ne respectant pas l'obligation organique d'équilibre du compte pour l'année n+ 1 rendrait nécessaire une hausse des taux de contribution employeur à un niveau permettant d'assurer le respect de cette obligation. 

Aussi, la dégradation annoncée du solde cumulé du CAS Pensions devrait inciter à repenser le financement des retraites servies par l'État.

Dans ce contexte, la rapporteure spéciale réitère son observation de l'année dernière et insiste sur le fait que le solde cumulé ne permet pas de faire face aux aléas auxquels peut être confronté le régime des retraites de la fonction publique d'État et que dans ce contexte, il serait souhaitable que cette fiction comptable soit abandonnée et débouche sur la création de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).


* 1 L'Énim (établissement national des invalides de la marine) n'était pas concerné par cette réforme.

* 2 Rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés.

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