N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11c
Écologie, développement et mobilité durables

(Programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie »)

BUDGET ANNEXE : CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS

Rapporteur spécial : M. Vincent CAPO-CANELLAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Si le transport aérien a confirmé en 2023 sa reprise vigoureuse, en France, les vols intérieurs stagnent à un niveau nettement inférieur à la situation d'avant crise.

2.  A la faveur de la reprise du trafic et portées par le rendement des redevances de navigation aérienne (1,8 milliard d'euros et 77 % des ressources du BACEA) les recettes du BACEA ont progressé de 17 % en 2023 pour s'établir à 2,4 milliards d'euros, soit un niveau supérieur à la situation qui prévalait avant la crise sanitaire.

3. En 2023, la dette colossale contractée par le BACEA durant les années de crise a entamé sa décrue. Cependant, il est regrettable qu'en 2023 la DGAC ait revu sensiblement à la baisse l'ambition de la trajectoire de désendettement du BACEA qu'elle avait annoncée l'année précédente.

4. La trajectoire de désendettement du BACEA ne peut s'envisager sans des réformes ambitieuses visant à accroître la performance de la DGAC, notamment en matière d'organisation du travail de ses personnels.

5. Alors que cinq ans sont nécessaires aujourd'hui pour former un contrôleur aérien, la reprise vigoureuse du trafic démontre qu'une approche conjoncturelle et court-termiste de la gestion de leurs recrutements n'a pas de sens. Ce constat se vérifie d'autant plus aujourd'hui dans la mesure où une vague de départs à la retraite de contrôleurs aériens doit intervenir à la fin de la décennie 2030. À ce titre, la trajectoire pluriannuelle de gestion des effectifs de la DGAC négociée en 2022 avec la direction du budget va dans le bon sens.

6. Au terme d'un processus laborieux, un nouveau protocole social a été conclu en mai dernier, pour la période 2023-2027. Plus ambitieux que les précédents en matière de performance, il sera également plus coûteux. Il aura un effet inflationniste sur les charges de personnel du BACEA dans les années à venir.

7. Alors que le coût total des programmes de modernisation du contrôle aérien avoisine les 2,3 milliards d'euros et que la trajectoire pluriannuelle d'investissements de la DGAC vient d'être sensiblement revalorisée, la DSNA doit rapidement donner des garanties renforcées en matière de transparence, de performance ou encore de pilotage opérationnel et budgétaire de ses projets.

8. En 10 ans, le plafond d'emploi de Météo-France s'est contracté de près d'un quart. La réduction des effectifs de l'opérateur et la contraction de sa subvention pour charges de service public (SCSP) se sont inscrits dans le cadre d'une restructuration profonde de son réseau territorial. Constatant que l'on était parvenu au bout de ce processus et que les dérèglements climatiques induisaient de nouveaux enjeux pour l'opérateur, le rapporteur avait appelé à une stabilisation des moyens de l'établissement à compter de 2023. Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2023 comme de l'exécution relative à cet exercice budgétaire, cette recommandation a bien été mise en oeuvre.

9. Dans un rapport d'information de 2022, le rapporteur spécial avait souligné les fragilités associées au nouveau modèle économique de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Le risque de « trou d'air » qu'il avait alors identifié s'est matérialisé dès la fin de l'exercice 2023, rendant impératif un abondement exceptionnel de la SCSP de l'opérateur à hauteur de 7,6 millions d'euros.

10. Fort d'un nouveau modèle fondé sur un système de quasi-régie conjointe partagée entre l'État et les collectivités locales, le Cerema semble inscrit dans une dynamique positive illustrée par l'augmentation de ses ressources propres et de ses investissements ainsi que par la stabilisation de sa SCSP et de ses effectifs.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2023

A. EN 2023, LA DYNAMIQUE DE REPRISE DU TRAFIC AÉRIEN S'EST CONFIRMÉE

En 2023, à l'échelle mondiale, le trafic aérien a retrouvé 94 % de son niveau d'avant crise. En France, le nombre de passagers transportés en 2023 a représenté 94,5 % du niveau constaté en 2019. Si au niveau mondial se sont les liaisons intérieures qui sont les plus dynamiques, la situation est inversée en France. Ainsi, en 2023, les liaisons intérieures en France1(*), concurrencées par le train et affectées par le développement des visio-conférences, n'avaient-elles retrouvé que 79 % de leur niveau de 2019 tandis que le trafic international avait déjà atteint 97 % de ses performances d'avant la crise.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2023

(en millions d'euros)

 

LFI 20232(*)

Reports entrants

Mouvements de crédits

LFFG3(*)

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 483,8

16,4

- 0,9

- 11,0

0,5

1 488,8

1 447,7

97,2 %

612- Navigation aérienne

592,6

15,4

-

- 1,5

23,3

629,8

608,4

96,7 %

614 Transports aériens, surveillance et certification 

45,5

1,7

0,9

-0,2

6,9

54,8

49,1

89,6 %

Total BACEA

2 121,9

33,5

-

- 12,7

30,7

2 173,4

2 105,2

96,9 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En loi de finances initiale (LFI) pour 2023 des crédits de 2,1 milliards d'euros4(*) avaient été adoptés pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA). Compte tenu des reports, des fonds de concours et des attributions de produits ainsi que de la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023, le total des crédits disponibles s'est élevé, en 2023, à 2,2 milliards d'euros. Au cours de la gestion, les taux de consommation des crédits se sont élevés à 95,3 % pour les AE et 96,9 % pour les CP.

Évolution des crédits du BACEA 2022-2023

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2022

LFI 20235(*)

Total crédits disponibles 2023

Exécution 2023

Variation exécution 2023/2022

(en %)

612 « Navigation aérienne »

AE

619,3

679,6

679,3

610,3

- 1,5 %

CP

615,5

629,8

629,8

608,4

- 1,2 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

AE

1 742,9

1 484,3

1 486,2

1 455,5

- 16,5 %

CP

1 736,0

1 484,3

1 488,8

1 447,7

- 16,6 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

AE

53,6

55,2

55,2

52,3

- 2,4 %

CP

50,7

54,8

54,8

49,1

- 3,2 %

Total

AE

2 415,8

2 221,0

2 220,7

2 118,1

- 12,3 %

CP

2 402,2

2 173,3

2 173,4

2 105,2

- 12,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2023, les recettes du BACEA se sont établies à 2,4 milliards d'euros, en hausse de 17 % par rapport à 2022. Leur niveau supérieur aux dépenses du budget annexe permettent à celui-ci de se désendetter.

Variation des recettes d'exploitation du BACEA
entre 2018 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2023, les redevances de navigation aérienne représentaient 77 % des recettes du BACEA.

Principales recettes du BACEA en 2023

(en millions d'euros)

 

Exécution 2022

LFI 2023

Exécution 2023

Variation exécution 2023/ LFI 2023

Variation exécution 2023 / exécution 2022

Redevances de route

1 301,1

1 481,8

1 518,8

+ 2,5 %

+ 16,7 %

RSTCA-M

186,1

230,3

227,4

- 1,3 %

+ 22,2 %

RSTCA-OM et redevance océanique

43,5

34,3

47,9

+ 39,7 %

+ 10,1 %

Redevances de surveillance et de certification

20,9

25,5

26,7

+ 4,7 %

+ 27,8 %

Taxe de l'aviation civile

422,4

444,3

484,6

+ 9,1 %

+ 14,7 %

Frais taxes pour compte tiers

6,2

5,1

7,4

+ 45,1 %

+ 19,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2023 les sommes reçues par le BACEA au titre des redevances de navigation aérienne ont augmenté de près de 20 % par rapport à 2022, pour s'établir à 1,8 milliard d'euros.

Variation du montant de redevances aériennes perçu par le BACEA
entre 2018 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toujours à la faveur de la sortie de crise du secteur aérien, le rendement du tarif de l'aviation civile6(*), a progressé de 63 millions d'euros (soit + 15 %) en un an pour s'établir à 485 millions d'euros en 2023, retrouvant ainsi son niveau d'avant crise.

Évolution des rendements de taxe d'aviation civile entre 2009 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Il est regrettable que la DGAC ait revu à la baisse l'ambition de la trajectoire de désendettement du BACEA

En 2023, la dette colossale contractée par le BACEA durant les années de crise a entamé sa décrue. Au cours de l'exécution 2023, le BACEA n'a eu recours à l'emprunt qu'à hauteur de 50 millions d'euros tandis que l'autorisation prévue en loi de finances initiale pour 2023 atteignait 257 millions d'euros. Au 31 décembre 2023, l'encours de dette du budget annexe s'est ainsi replié à 2,4 milliards d'euros après avoir atteint un pic de 2,7 milliards d'euros à la fin de l'année 2022.

Évolution de l'encours de dette du budget annexe de 2008 à 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Alors que l'année dernière la DGAC prévoyait de réduire sa dette à 1,3 milliard d'euros en 2027, elle se montre désormais moins ambitieuse et n'a plus qu'un objectif de 1,5 milliard d'euros à cet horizon, soit un montant qui resterait encore plus de deux fois supérieur à son niveau d'avant crise.

Le rapporteur spécial rappelle le caractère impératif de la résorption de la dette du BACEA. Elle revêt un enjeu de crédibilité majeur pour la DGAC et conditionne les investissements considérables qu'elle doit réaliser par ailleurs pour se moderniser. La révision à la baisse significative des objectifs de désendettement du BACEA constitue à cet égard un mauvais signal.

Le rapporteur considère aussi que la trajectoire de désendettement ne peut s'envisager sans des réformes ambitieuses visant à accroître la performance de la DGAC, notamment en matière d'organisation du travail de ses personnels.

2. En augmentation, les dépenses de personnel du BACEA vont être stimulées à l'avenir par les revalorisations prévues par le nouveau protocole social signé au printemps 2024

Le schéma d'emploi nul prévu pour l'année 2023 a été respecté en exécution. Toutefois, comme au cours des gestions précédentes, des écarts significatifs entre les entrées et les sorties programmées et celles effectivement constatées ont cependant été observés.

La période de formation des contrôleurs aériens s'étend aujourd'hui sur cinq années. Cette situation rend impérative la réalisation par la DGAC d'un exercice rigoureux de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). De ce dernier dépend la capacité des services du contrôle aérien à traiter le trafic, un facteur absolument déterminant de la compétitivité économique des compagnies ainsi que du secteur dans son ensemble.

Du fait de la crise sanitaire et de ses répercussions sur le trafic aérien, les recrutements de contrôleurs aériens (les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ou « ICNA ») avaient été très sensiblement réduits en 2021 et 2022, le nombre de promotions annuelles passant de quatre en 2020, à deux en 2021 puis à l'équivalent d'une seule en 2022. La reprise vigoureuse du trafic démontre une nouvelle fois qu'une approche conjoncturelle et court-termiste de la gestion des recrutements de contrôleurs aériens n'a pas de sens. Ce constat se vérifie d'autant plus aujourd'hui dans la mesure où une vague de départs à la retraite de contrôleurs aériens doit intervenir à la fin de la décennie 2030.

Ce contexte a conduit la DGAC à négocier en 2022 avec la direction du budget une trajectoire pluriannuelle (2023-2027) d'évolution de ses effectifs. Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion dans des rapports précédents de saluer cette initiative indispensable. Le nombre de nouvelles promotions annuelles d'ICNA a ainsi été réévalué à trois en 2023 puis à quatre en 2024.

Les dépenses de personnel du BACEA ont augmenté de 3 % par rapport à 2022 pour s'établir à 1 259 millions d'euros en 2023, soit 60 % du total des dépenses du budget annexe.

Depuis la fin des années 1980, la DGAC conclut à intervalles réguliers des « protocoles sociaux » avec les organisations syndicales représentatives de ses personnels. Ces accords pluriannuels ont pour principe d'octroyer des avantages catégoriels aux agents de la DGAC en contrepartie de mesures de productivité, principalement s'agissant du niveau de performance du contrôle aérien. Le coût des mesures catégorielles du dernier protocole social en date, pour la période 2016-2019, s'est élevé à près de 50 millions d'euros par an.

Du fait de la crise sanitaire les négociations du nouveau protocole social prévu initialement sur la période 2020-2024 avaient dû être interrompues. Au début de l'année 2023, la DGAC avait relancé sa négociation avec les organisations syndicales représentatives de ses personnels. Au terme d'un processus laborieux, un nouveau protocole a été signé en mai dernier, pour la période 2023-2027, par trois des cinq syndicats représentatifs de personnel.

Plus ambitieux que les précédents en matière de performance du contrôle aérien, ce protocole sera également plus coûteux en termes de contreparties financières pour les personnels de la DGAC. Ses dispositions tireront ainsi à la hausse les charges de personnel du BACEA dans les années à venir. Dans un rapport d'information qu'il a présenté le 2 octobre 2024, le rapporteur a évalué cette incidence, à l'horizon 2027, à près de 100 millions d'euros par an7(*).

2023 a par ailleurs été l'année de concrétisation du programme de réorganisation et de mutualisation des fonctions supports de la DGA. L'ensemble des secrétariats interrégionaux (SIR) ont ainsi été mis en service. La DGAC s'attend à économiser 200 ETP d'ici 2025 en raison de cette réorganisation.

3. La « douloureuse » modernisation des outils de la DSNA

L'essentiel des dépenses d'investissements du BACEA (184 millions d'euros) sont portées par le programme 612 « Navigation aérienne » pour financer les grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne.

L'évolution des dépenses d'investissement entre 2013 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans un rapport d'information de juin 2023 intitulé « la navigation aérienne fait atterrir en urgence son programme de modernisation »8(*), le rapporteur spécial a mis en lumière le fait qu'en termes d'investissements, « la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) se trouve actuellement, et pour au moins encore quelques années, dans une phase critique dans laquelle elle doit tout à la fois assumer le coût financier des dérives constatées sur ses différents programmes de modernisation, assurer leur aboutissement, anticiper les projets de modernisation à venir et combler des années de sous-investissement dans des infrastructures aujourd'hui en situation d'obsolescence avérée ».

Dans ce contexte, au cours de l'année 2023, la DGAC a négocié auprès de la direction du budget une trajectoire d'investissements nettement réévaluée à compter de l'année 2024. Celle-ci comprend notamment les coûts prévisionnels de la transition du programme 4-Flight vers un système mutualisé (à travers un nouveau programme de modernisation technologique baptisé « 4-Flight révolution ») et les investissements nécessaires pour remédier à l'obsolescence de certaines infrastructures de la DSNA.

Comme il a pu le souligner au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, le rapporteur spécial estime que cette réévaluation à la hausse de la trajectoire prévisionnelle d'investissements de la DSNA était nécessaire. Cependant, elle doit s'accompagner de contreparties strictes à travers lesquelles la DSNA devra donner des garanties renforcées en matière de transparence, de performance ou encore de pilotage opérationnel et budgétaire de ses projets. Dans cette perspective, le rapporteur spécial formule une série de recommandations9(*) :

- garantir une régulation réellement indépendante et efficace des performances de la DSNA et mettre en oeuvre un comité de suivi financier des grands programmes ;

- améliorer le pilotage budgétaire des programmes de la DSNA, notamment en généralisant la budgétisation AE ? CP ;

- instaurer un contrat d'objectifs et de performance pluriannuel entre la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la direction du budget ;

- tenir les engagements pris par la DGAC au titre de la trajectoire de désendettement du BACEA.

Pour se prémunir d'un déclassement technologique, la DSNA poursuit des programmes de modernisation des outils du contrôle aérien. Comme le rapporteur spécial a pu le souligner dans son rapport d'information précité de juin 2023, la réalisation de ces programmes s'est traduite par des dérapages majeurs tant en termes de délais que de surcoûts financiers. Les principaux programmes de modernisation ont ainsi connu des surcoûts d'environ un milliard d'euros.

Évolution des coûts d'investissement
des programmes 4-Flight, Coflight et Sysat

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les annexes budgétaires aux lois de finances

En intégrant le nouveau projet « 4-Flight révolution », le coût total des programmes de modernisation du contrôle aérien atteint environ 2,3 milliards d'euros. Sur ce montant total, 850 millions d'euros sont consacrés au seul projet « 4-Flight révolution », dont 342 millions d'euros resteront encore à décaisser dans les années à venir.

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2023 (en CP)

Coût total programme après 2023 (en CP)

Coût total programme

4-Flight

2011-2026

818,3

80,7

899,0

4-Flight Révolution

2024-2030

0,0

342,0

342,0

Coflight

2003-2026

270,6

35,1

305,7

Sysat

2012-2032

135,7

294,3

430,0

Erato

2002-2015

127,2

-

127,2

NVCS

2012-2027

75,6

24,6

99,6

CATIA

2020-2025

10,9

26,6

37,5

Data Link

2006-2022

32,6

-

32,6

Seaflight

2012-2027

25,0

6,0

31,0

Autres programmes

-

81,6

39,6

121,2

Total

-

1 467,9

848,9

2 316,8

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe les subventions pour charges de service public (SCSP) de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ainsi que les moyens du commissariat général au développement durable (CGDD).

Les crédits autorisés par LFI pour 2023 sur ce programme s'élevaient à 499,8 millions d'euros (AE = CP). La totalité des crédits disponibles en 2023 a atteint 499,6 millions d'euros et leur exécution (497,2 millions d'euros) a avoisiné les 100 %.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2023

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2023 

Reports entrants

LFFG

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

499,8

+ 1,5

- 2,2

+ 0,2

+ 0,3

499,6

497,2

99,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. MÉTÉO-FRANCE SORT D'UNE LONGUE ET EXIGEANTE PÉRIODE DE RESTRUCTURATION

La trajectoire de diminution constante (près de 20 % en dix ans) de la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à Météo France s'est inversée en 2023 puisque celle-ci a progressé de 4 % pour s'établir à 181 millions d'euros.

Évolution de la SCSP versée à Météo-France (2013-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2023, Météo-France a également perçu 15,1 millions d'euros au titre de la dotation de l'État destinée à contribuer au financement de ces nouveaux supercalculateurs. Aussi, au total, en 2023, Météo-France a perçu du programme 159 des dotations à hauteur de 195,6 millions d'euros.

L'année 2023 a aussi consacré une inflexion en matière de trajectoire d'effectifs pour l'opérateur. Après plus de dix ans d'une diminution constante, Météo France a ainsi appliqué un schéma d'emploi en hausse de 23 ETP. En 2023, Météo-France comptait 2 524 ETPT sous plafond et 49 ETPT hors plafond. Pendant 10 ans, le plafond d'emploi de l'établissement s'était contracté de près d'un quart. Cette longue tendance baissière s'est également inversée en 2023.

Évolution du plafond d'emploi fixé à Météo-France (2013-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Sous l'effet de la hausse du point d'indice de la fonction publique, la masse salariale de Météo-France est repartie à la hausse en 2023.

Évolution de la masse salariale de Météo-France (2013-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réduction des effectifs de l'opérateur et la contraction de sa SCSP se sont inscrits dans le cadre d'une restructuration profonde de son réseau territorial. Entamée en 2012, cette restructuration, achevée en 2022, a conduit à une contraction de 66 % des implantations territoriales de Météo-France.

Dans un rapport de 202110(*), le rapporteur spécial avait souligné que la poursuite de la trajectoire budgétaire de l'opérateur n'était plus tenable compte-tenu des efforts significatifs déjà réalisés depuis dix ans et des défis exigeants qui se dressent devant Météo-France, en particulier du fait des conséquences des dérèglements climatiques sur les phénomènes météorologiques extrêmes. Aussi, le rapporteur spécial avait formulé la recommandation de stabiliser les moyens financiers et les effectifs de l'opérateur à compter de 2023 et sur l'ensemble de la période de son nouveau contrat d'objectifs et de performance (2022-2026). Il se félicite que cette inflexion qu'il avait appelée de ses voeux se soit concrétisée.

B. LE NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L'IGN EST DÉJÀ SOUS TENSION

Dans un rapport d'information publié au mois de novembre 2022 et intitulé « acteur de référence de la donnée géolocalisée souveraine, l'IGN avance sur un chemin à baliser »11(*), le rapporteur spécial s'est intéressé aux incidences financières de la transformation engagée par l'opérateur depuis 2019. À travers celle-ci, l'opérateur évolue d'un modèle de production-diffusion d'information géographique vers des missions d'agrégateur de données, d'expert, de coordinateur ou de certificateur tout en concentrant son activité de production sur les données souveraines. Dans ce cadre, l'établissement se recentre sur le pilotage de projets d'accompagnement de politiques publiques censés être financés par des contributions directes provenant de leurs commanditaires.

Son nouveau modèle a stimulé l'activité de l'IGN. Son budget a ainsi gonflé de 150 millions d'euros à environ 180 millions d'euros. Cette croissance à effectifs constants, et même en diminution, s'explique par l'effet de levier généré par le recours à la sous-traitance.

Dépenses et recettes effectives de l'IGN (2017-2023)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2022, l'IGN, ses autorités de tutelle et la direction du budget (DB) ont conclu un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM) sur la période 2022-2024, un contrat qui s'apparente aux anciens contrats d'objectifs et de moyens12(*) et qui retrace les engagements réciproques de l'opérateur et de l'État. Pour conduire sa refondation, l'IGN avait besoin d'un assouplissement et d'une visibilité budgétaire à moyen-terme. Cette contractualisation prévoit ainsi la stabilisation de la SCSP de l'établissement ainsi qu'un assouplissement de son schéma d'emploi jusqu'en 202413(*).

Au cours de l'exercice budgétaire 2023, l'IGN a perçu 93,7 millions d'euros en provenance du programme 159 au titre de sa SCSP, soit une augmentation de plus de 11 % en un an. Cependant, cette hausse exceptionnelle provient d'un abondement exceptionnel de 7,6 millions d'euros réalisé en fin de gestion destiné à remédier aux difficultés budgétaires rencontrées par l'établissement (voir infra). Sans cet abondement exceptionnel, la SCSP historique de l'opérateur n'aurait progressé que de 2 % en 2023.

Dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial avait souligné la fragilité économique du nouveau modèle de l'IGN. L'un des principaux risques associés à la logique de projets qui lui est inhérente est celui du « trou d'air », c'est-à-dire, à un moment donné, un volume de grands marchés insuffisant pour assurer l'équilibre budgétaire de l'opérateur. Le rapporteur spécial avait alors considéré que si ce risque devait se matérialiser, l'État devrait être amené à ajuster temporairement la subvention pour charges de service public (SCSP) d'un établissement essentiel pour garantir la maîtrise de données souveraines stratégiques.

Les inquiétudes du rapporteur se sont concrétisées encore plus rapidement qu'il ne l'avait envisagé et, dès l'exercice 2023, l'IGN a été confronté à d'importantes difficultés financières. Deux mesures exceptionnelles ont ainsi dû être mises en oeuvre à la fin de l'année 2023 afin de consolider la situation financière de l'opérateur :

- Premièrement, en octobre 2023, 3,6 millions d'euros de la réserve de précaution du programme 159 ont été dégelés au profit de l'IGN ;

- Deuxièmement, dans le cadre de loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023, à l'initiative du rapporteur spécial qui avait fait adopter par le Sénat un amendement en ce sens, la SCSP de l'opérateur a été abondée de 4 millions d'euros supplémentaires.

Ainsi, au total, la subvention de l'IGN a-t-elle été exceptionnellement abondée de 7,6 millions d'euros en 2023 pour assurer son équilibre économique.

C. UNE DYNAMIQUE S'EST ENCLENCHÉE AUTOUR D'UN CEREMA RÉNOVÉ

Après une diminution continue depuis la création de l'établissement, la SCSP du Cerema a légèrement augmenté en 2023 pour s'établir à 191 millions d'euros.

Évolution de la SCSP versée au Cerema (2014-2023)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Mettant un terme à une trajectoire baissière continue depuis la création de l'établissement il y a dix ans, le plafond d'emploi du Cerema a été stabilisé à 2 495 ETPT en 2023.

Évolution du plafond d'emploi du Cerema et de son exécution (2015-2023)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Jusqu'en 2023, les dépenses d'investissement de l'opérateur étaient particulièrement insuffisantes, oscillant entre 5 et 8 millions d'euros. Lors de l'examen du PLF pour 2022, le rapporteur spécial avait alerté le Gouvernement sur les risques d'une situation de nature à compromettre gravement les capacités de production et l'avenir du Cerema.

En juin 2021, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)14(*) avait dressé un constat particulièrement sombre des perspectives du Cerema, pointant notamment ce déficit chronique d'investissement très préoccupant et éloigné du seuil de 14 millions d'euros annuels qu'il estimait indispensable au maintien des capacités de production de l'établissement.

Le rapporteur spécial note avec satisfaction qu'en 2023, ce seuil a été quasiment atteint puisque les dépenses d'investissements de l'établissement ont été portées à 13,9 millions d'euros. Il est prévu que ces dépenses augmentent encore davantage en 2024 notamment en lien avec le lancement d'un programme de réhabilitation du parc immobilier, extrêmement vétuste, du Cerema.

L'article 159 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dit loi « 3DS », a ouvert la voie à une nouvelle ère et à un nouveau modèle économique pour l'opérateur. La loi a prévu de faire de l'établissement un outil partagé entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique dit de « quasi-régie conjointe ».

Ce modèle permet aux collectivités qui font le choix d'adhérer d'attribuer au Cerema des marchés publics par simple voie conventionnelle, sans application des obligations de publicité et de mise en concurrence exigées par le code de la commande publique. Les collectivités adhérentes s'engagent sur une durée de quatre ans et s'acquittent d'une cotisation selon leur démographie ou en fonction de leur type selon un barème délibéré en conseil d'administration.

Le Cerema nourrit des ambitions de croissance optimistes en lien avec son nouveau modèle. Alors que 850 collectivités ont déjà adhéré à la quasi-régie conjointe en 2023, l'établissement s'est fixé un objectif de 2 000 adhésions à l'horizon 2027.

Le nouveau modèle de l'établissement a conduit à stimuler la progression de ses ressources propres, déjà inscrites auparavant dans une dynamique haussière. Celles-ci ont ainsi atteint 50 millions d'euros en 2023 et le Cerema ambitionne de les porter à près de 60 millions d'euros en 2027. Cette augmentation doit être tirée par la hausse prévisionnelle des recettes provenant des collectivités locales qui pourraient, à la faveur de la quasi-régie conjointe et d'après les prévisions du Cerema, doubler d'ici à 2027.

Évolution prévisionnelle des ressources propres du Cerema
dont les recettes provenant des collectivités territoriales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial


* 1 Hors liaisons outre-mer.

* 2 Hors prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 3 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 4 En autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

* 5 Y compris prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 6 Ancienne taxe de l'aviation civile.

* 7 Rapport d'information n° 5 (2024-2025) fait au nom de la commission des finances sur les protocoles sociaux, l'organisation du travail des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la performance du contrôle aérien français par M. Vincent Capo-Canellas, octobre 2024.

* 8 Rapport d'information n° 758 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances sur les programmes de modernisation de la navigation aérienne 4-Flight, Co-Flight et Sysat par M. Vincent Capo-Canellas, juin 2023.

* 9 Formalisées dans son rapport d'information précité de juin 2023.

* 10 « Temps instable sur Météo-France : quand le refroidissement budgétaire se confronte au réchauffement climatique », rapport d'information n° 840 (2020-2021) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 septembre 2021.

* 11 Rapport d'information n° 17 (2022-2023) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, novembre 2022.

* 12 Il constitue le volet financier du contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'IGN.

* 13 Les engagements de l'IGN renvoient quant à eux au respect d'une trajectoire d'évolution de sa masse salariale, au maintien d'un niveau de trésorerie prudentiel, au développement de ses partenariats financiers ou encore à la concrétisation de son programme de recrutement.

* 14 « Le rôle du Cérema en matière d'appui aux collectivités territoriales : renforcer son activité au bénéfice des collectivités locales », juin 2021.

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