L'ESSENTIEL

A la suite de l'Assemblée nationale, qui l'a adopté sans modification le 10 avril 2024 en première lecture, le Sénat est saisi du projet de loi n° 531 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces.

M Hugues Saury, rapporteur, a présenté ses conclusions sur ce texte à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 15 mai 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président. À l'issue de cette réunion, la commission, suivant la proposition du rapporteur, a adopté, sans modification, le projet de loi précité.

Conformément aux orientations du rapport d'information « Redonner tout son sens à l'examen parlementaire des traités »1(*) adopté le 18 décembre 2014 par la commission, celle-ci a autorisé la publication du présent rapport sous forme synthétique : le compte rendu de l'examen en commission qu'on pourra lire ci-après en tient lieu.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 mai 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Hugues Saury sur projet de loi n° 531 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces.

M. Hugues Saury, rapporteur. - Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis concerne l'accord entre la France et la Papouasie-Nouvelle Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, signé à Port-Moresby le 31 octobre 2022.

Le contexte de cet accord est celui du renouveau, depuis 2018, de la stratégie indopacifique française, avec, notamment, un partenariat renforcé avec la Papouasie-Nouvelle Guinée.

Avec un territoire de plus de 462 000 kilomètres carrés, soit l'équivalent de la superficie de la Suède, la Papouasie-Nouvelle Guinée occupe une place centrale dans le Pacifique Sud, entourée par l'Indonésie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, la Chine, et le Japon plus au nord.

Les îles papouasiennes présentent le paradoxe d'être un territoire à la fois très méconnu et très courtisé par ses puissants voisins, pour lesquels elles constituent un enjeu d'influence majeur. Il demeure l'un des pays au monde les moins explorés.

Occupé aux trois quarts par une forêt primaire particulièrement dense, il est l'un des pays les plus ruraux au monde, avec une population vivant à 87 % hors des centres urbains ; sa société est majoritairement constituée de communautés traditionnelles, offrant une très grande diversité culturelle et linguistique - on y recense, suivant les sources, entre 700 et 850 langues, soit 10 % des langues parlées dans le monde. Ces tribus sont le plus souvent organisées de manière autosuffisante, sans accès aux capitaux étrangers.

Cet important isolement culturel et économique contraste avec l'intérêt qu'il suscite pour des partenariats dans les domaines les plus divers. En effet, du fait de sa situation géographique, il représente un enjeu majeur dans la compétition géopolitique à laquelle se livrent les principaux acteurs de la région, notamment la Chine, qui mène une politique d'influence très active dans la région, et l'Australie, qui, du fait de son passé colonial et de sa proximité, demeure un partenaire très présent. Pour illustrer cette rivalité acharnée, je ne vous citerai que les visites concomitantes, fin avril dernier, du ministre des affaires étrangères chinois, qui oeuvre à un futur accord de libre-échange, et du Premier ministre australien, qui entendait réaffirmer l'excellence de la relation bilatérale entre les deux pays. De leur côté, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France multiplient également leurs efforts pour renforcer leur présence et leur influence dans l'état papouasien. Il est à noter que la France est le seul pays européen à disposer d'une ambassade dans ce pays.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée adopte, face à cet environnement complexe, une stratégie prudente et ouverte. Faisant sienne la formule d'Houphouët-Boigny, elle se dit officiellement « amie de tous, ennemie de personne ». Ainsi, l'Australie, qui finance près de la moitié de son développement, demeure son principal partenaire commercial et financier, mais dans le même temps, la Papouasie-Nouvelle Guinée entretient des relations privilégiées avec la Chine, dont elle est le principal partenaire commercial du Pacifique insulaire, et qui détient 25 % de sa dette publique.

Cependant, il est intéressant de souligner que la Papouasie-Nouvelle Guinée entend clairement limiter l'influence chinoise aux domaines économique, commercial et de développement. En ce qui concerne les questions d'ordre politique et sécuritaire, elle demeure résolument tournée vers ses partenaires occidentaux, avec notamment la signature, le 23 mai 2023, d'un important pacte de sécurité avec les États-Unis, et, le 7 décembre dernier, d'un accord de sécurité approfondi avec l'Australie comportant un projet ambitieux de police du Pacifique et impliquant un volet de lutte contre la cybercriminalité.

La France, pour sa part, cherche à se positionner dans cet échiquier en multipliant les contacts au plus haut niveau, comme la visite du Président de la République à Port-Moresby en juillet 2023 et l'accueil à Paris du Premier ministre James Marape en septembre 2023 le montrent. La coopération franco-papouasienne est particulièrement approfondie dans le domaine environnemental, avec le projet de « plateforme pays », initié par la France en vue de rassembler des bailleurs internationaux pour financer la protection de la biodiversité et la préservation de la forêt. L'Agence française de développement (AFD) intervient en outre sur les enjeux liés au changement climatique. Enfin, la France participe aux opérations dites HADR (Humanitarian Assistance and Disaster Relief), la Papouasie-Nouvelle Guinée étant très exposée aux risques météorologiques, sismiques et volcaniques.

Dans ce contexte de lutte d'influence, l'accord qui nous occupe aujourd'hui vient renforcer la coopération franco-papouasienne en matière de défense en établissant bilatéralement un statut des forces armées, ce que l'on appelle communément un Sofa (Status of Forces Agreement).

Du point de vue opérationnel, la Papouasie-Nouvelle Guinée relève de la zone de responsabilité des Forces armées en Nouvelle-Calédonie (Fanc), soit un effectif de 1 500 militaires, essentiellement structuré autour du régiment d'infanterie de marine du Pacifique, de la base navale de Nouméa et de la base aérienne de Tontouta.

De son côté, l'armée papouasienne compte 3 600 soldats, pour un budget de 80 millions d'euros. Nettement sous-dimensionnée compte tenu de la superficie du pays et des troubles tribaux qui l'agitent périodiquement, elle compte sur ses partenaires pour pallier ses lacunes capacitaires.

La coopération actuelle entre nos deux armées se déroule actuellement dans le cadre d'arrangements techniques, voire informels, et permet d'ores et déjà la participation des forces papouasiennes aux exercices Équateur et Croix du Sud. Néanmoins, un cadre juridique plus solide et protecteur sera bienvenu afin de développer une coopération pérenne.

Pour ce qui est du contenu de l'accord en lui-même, il correspond en tous points aux standards français. Sa rédaction a été proposée par la France en 2022 et acceptée sans négociation par la partie papouasienne la même année.

Les formes de coopération impliquées par l'accord concernent notamment la formation, l'entraînement des forces, l'aide humanitaire, le conseil, le soutien technique et logistique. L'article 3 les définit par une liste non exhaustive. Aussi ai-je interrogé les commissaires du Gouvernement afin de m'assurer que cette rédaction n'était pas de nature à entraîner la France au-delà des domaines cités, dans des interventions qui s'avéreraient étrangères à la philosophie de ce texte. Les commissaires du Gouvernement m'ont pleinement rassuré sur ce point, confirmant qu'une telle dérive n'était pas possible dans le cadre de cet accord, qui régit la coopération bilatérale en temps de paix.

L'accord reprend par ailleurs les clauses standards des Sofa, précisant notamment les modalités de financement des opérations, de séjour et de circulation des troupes, de port d'arme, de règlement des dommages, de fiscalité, d'accès aux soins, d'échange d'informations. Il intègre enfin, bien que la peine de mort ait été abolie en Papouasie-Nouvelle Guinée en 2022, la clause de précaution selon laquelle la peine capitale ne peut être prononcée à l'encontre de personnels poursuivis sur le territoire de l'autre partie. Il s'agit là d'un garde-fou prudent, en cas de retour en arrière, même si rien ne laisse supposer que cela puisse être un jour le cas.

Compte tenu de ces éléments, je vous propose d'approuver ce texte, qui viendra consolider un partenariat stratégique que la France, comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, appelle de ses voeux, et renforcer la présence de la France dans une zone d'importance majeure, à savoir l'Indo-Pacifique. L'Assemblée nationale l'a, quant à elle, adopté le 10 avril dernier. Son examen en séance publique au Sénat est prévu le 19 juin prochain, selon une procédure simplifiée.

M. Rachid Temal. - Nous y sommes favorables. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a-t-elle des accords de ce type avec d'autres pays ?

M. Hugues Saury, rapporteur. - Oui, avec l'Australie, l'Indonésie, les Fidji... Elle a des accords à la fois militaires et commerciaux avec des polarités différentes selon le domaine.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.


* 1 Rapport d'information n° 204 (2014-2015).

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