II. LE PROGRAMME 231 « VIE ÉTUDIANTE »

A. LES MOYENS ALLOUÉS À LA VIE ÉTUDIANTE AUGMENTENT DU FAIT DE LA RÉFORME DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX ET DU RENFORCEMENT DES MOYENS DES CROUS

Les crédits du programme 231 devraient renouer en 2024 avec une trajectoire de hausse, après une relative stabilisation en 2023 consécutive à l'importante augmentation consentie en 2022. Ces crédits devraient augmenter à hauteur de 3,4 milliards d'euros en AE et 3,3 milliards d'euros en CP, soit une hausse de respectivement 7 % et 6,3 %.

Évolution des crédits par action du programme 231

(en millions d'euros)

   

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (volume)

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (%)

Action 01

Aides directes

AE

2 372,83

2 534,89

2 542,58

2 658,64

116,06

4,56 %

CP

2 372,83

2 534,89

2 542,58

2 619,93

77,35

3,04 %

Action 02

Aides indirectes

AE

367,98

380,93

407,15

492,49

85,34

20,96 %

CP

366,95

371,90

400,93

461,73

60,80

15,16 %

Action 03

Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

AE

60,19

72,29

80,56

93,91

13,35

16,58 %

CP

60,19

72,29

80,56

93,91

13,35

16,58 %

Action 04

Pilotage et animation du programme

AE

100,89

100,89

107,13

112,36

5,23

4,88 %

CP

100,89

100,89

107,13

112,36

5,23

4,88 %

Total programme 231

AE

2 901,88

3 088,99

3 136,41

3 357,41

221,00

7,05 %

CP

2 900,85

3 079,96

3 130,19

3 326,64

196,45

6,28 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La quasi-totalité de cette hausse découle d'une part de la réforme des bourses sur critères sociaux (action 01) ainsi que de la compensation au réseau des oeuvres universitaires de l'impact de l'inflation et du gel d'une partie de ses ressources (action 02). L'augmentation de l'action 03 « Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives », s'explique par un abondement supplémentaire de 10 millions d'euros par rapport à la LFI 2023 afin de mettre en oeuvre les mesures annoncées en avril 2023 en faveur des étudiants dans le cadre de la Conférence nationale du handicap.

1. Dans un contexte de montée de la précarité étudiante, un fort impact de la réforme des bourses sur critères sociaux après deux années de sous-consommation

L'action 01 regroupe l'ensemble des crédits relatifs aux aides directes aux étudiants, en premier lieu les bourses sur critères sociaux. Un étudiant sur quatre bénéficie d'une aide directe, jusqu'à plus de la moitié en section de technicien supérieur (STS, dont BTS et IUT). En outre, les bénéficiaires des derniers échelons représentent entre 40 % et un quart des boursiers dans la quasi-totalité des filières.

Nombre d'étudiants boursiers par filière

(en % et en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le ministère de l'enseignement supérieur

En revanche, la proportion d'étudiants boursiers est en baisse dans la plupart des filières, à l'exception notable des grandes écoles. Depuis 2016, la proportion de boursiers a diminué de 2,4 points dans les écoles de commerce et de 2,2 points dans les IUT. Elle est cependant stable dans les universités sur la période 2016-2022 (mais en baisse de 0,8 point sur 2020-2022).

Évolution de la proportion d'étudiants boursiers par filière

(en points de pourcentage)

Source : commission des finances d'après le ministère de l'enseignement supérieur

La stabilité des montants ouverts au titre des aides directes enregistrée en LFI 2023 découlait d'une sous-consommation des montants accordés aux bourses sur critères sociaux. Paradoxalement, la précarité qui touche une part croissante des étudiants depuis la crise sanitaire n'a pas entraîné de façon mécanique la croissance du nombre de boursiers. En 2022, les montants ouverts au titre des bourses sur critères sociaux ont été fortement sous-utilisés (à hauteur de 180 millions d'euros). Cette différence découlait d'un nombre de boursiers très inférieur à celui anticipé et à celui de 2021.

Ainsi, au 31 décembre 2022, on dénombrait 77 112 boursiers sur critères sociaux de moins que l'année précédente à la même date. Ce chiffre, qui représente une baisse de 10 %, est extrêmement surprenant alors que la précarité étudiante persiste. Le ministère de l'enseignement supérieur met en avant deux facteurs explicatifs : d'une part un nombre grandissant d'étudiants dont les revenus des parents dépassent le barème pour le calcul des bourses, qui était inchangé depuis 2013, et d'autre part l'augmentation du nombre d'étudiants sous contrat d'apprentissage, non éligibles à une bourse sur critères sociaux.

Cette sous-consommation des montants ouverts pour les bourses sur critères sociaux devrait sous toutes hypothèses se reproduire, quoique dans une moindre mesure, en 2023 (- 90 millions d'euros). Il est cependant à noter que les montants ouverts en 2023 pour les aides directes aux étudiants étaient demeurés stables dans un contexte de forte inflation.

Écart entre la prévision et la consommation des aides directes
à destination des étudiants

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le montant des bourses sur critères sociaux avait été revalorisé de 4 % à la rentrée 2022, afin de tenir compte de la hausse des prix et de limiter son impact sur le pouvoir d'achat des étudiants, pour un montant d'environ 85 millions d'euros en 2023. Cette revalorisation de 4 % n'a cependant pas permis de couvrir l'érosion du pouvoir d'achat découlant de l'inflation constatée en 2022 et 2023.

En conséquence, le Gouvernement avait annoncé en mars 2023 le lancement d'une réforme des bourses sur critères sociaux, dont la première étape s'est appliquée dès la rentrée 2023.

Le rapporteur spécial souligne que la sous-consommation en 2022 et 2023 indique que l'enjeu de la réforme des bourses n'était pas uniquement celui du montant global de l'enveloppe correspondante, mais surtout celui de l'abaissement des plafonds afin de permettre au plus grand nombre d'étudiants dans le besoin d'en bénéficier dans le respect des crédits ouverts en PLF. Cet aspect devrait avoir été pris en compte, dans la mesure où les plafonds de ressources ont été revalorisés à hauteur de 6 %, ce qui correspond à une augmentation prévisionnelle d'entrée de 35 000 nouveaux boursiers. Le ministère indique également qu'environ 140 000 étudiants devraient changer d'échelon de bourse.

En outre, le montant des bourses a été augmenté de 37 euros par mois pour l'ensemble des échelons, correspondant à une hausse des montants de bourses de 34 % pour le premier échelon et de 6 % pour l'échelon le plus élevé. Concernant certains publics spécifiques, 30 euros supplémentaires seront attribués aux étudiants qui suivent leurs études dans les territoires ultramarins. Les étudiants en situation de handicap et les étudiants aidants de parents en situation de handicap bénéficieront de 4 points de charge supplémentaires.

Montants annuels des bourses à partir de la rentrée 2023

(en euros)

0 bis

1 454

1

2 163

2

3 071

3

3 828

4

4 587

5

5 212

6

5 506

7

6 335

Sources : documents budgétaires

Afin d'anticiper les conséquences attendues de cette réforme, le montant inscrit au PLF 2024 au titre des bourses sur critères sociaux s'élève à 2,475 milliards d'euros, en hausse de 9 % par rapport au montant qui devrait avoir été consommé en 2023. Sur le coût de 440 millions d'euros que devrait entraîner la réforme des bourses, seuls 120 millions d'euros sont financés par les moyens nouveaux, le reste découlant d'une prévision pour 2023 supérieure à la consommation reportée sur 2024.

Évolution du montant accordé aux bourses sur critères sociaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'ensemble des autres aides directes est stable par rapport à la LFI 2023 : aides au mérite ; aides à la mobilité internationale ; aides spécifiques ; aide à la mobilité Parcoursup ; aide à la mobilité master et aides dans le cadre de la Grande École du Numérique.

Évolution des dépenses d'intervention

(en millions d'euros)

Mesures

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2023/2024 (en %)

Bourses sur critères sociaux

2355,2

2 355,2

2 475,6

5,1 %

Aide à la mobilité internationale

25,7

28,9

28,9

0,0 %

Aides au mérite

42,8

42,8

42,8

0,0 %

Aides spécifiques

48,8

48,8

48,8

0,0 %

Aide à la mobilité Parcoursup

10

10

10

0,0 %

Aide à la mobilité master

7,2

7,2

7,2

0,0 %

Grande École du Numérique

3,3

2,4

2,4

0,0 %

Total

2 504,3

2 506,6

2 615,70

4,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial se félicite de l'avancée que constitue la première étape de la réforme, qui doit agir non seulement pour compenser l'impact de l'inflation sur les bourses mais aussi permettre à un nombre plus grand d'en bénéficier. Il sera très attentif à ce que l'intégralité des moyens demandés en PLF 2024 soit finalement utilisée.

2. Un renforcement des moyens consacrés au réseau des oeuvres universitaires qui ne répond pas entièrement à la baisse constatée de ses ressources

En 2024, le réseau des oeuvres universitaires se voit doté d'une subvention pour charges de service public en hausse de 69,8 millions en AE et en CP par rapport à 2023. Le montant total versé au réseau des oeuvres universitaires en 2024 par le programme 231 est de 704,4 millions d'euros en AE et 673,9 millions d'euros en CP. En 2023, le réseau des oeuvres avait bénéficié, en dehors des crédits de la mission, d'une enveloppe de 20 millions d'euros au titre du fonds de compensation du surcoût de l'énergie, auxquels s'est ajouté un versement complémentaire de 3 millions d'euros intervenu en fin de gestion 2022 pour tenir compte de l'augmentation du prix des denrées.

Le gel de l'indexation des loyers des résidences universitaires gérées par les CROUS depuis le 1er janvier 2020 est prolongé jusqu'à la rentrée 2023 pour l'année universitaire 2023-2024. Il devrait être compensé aux Crous à hauteur de 19 millions d'euros (contre 12,7 millions d'euros en 2022 et 2023).

La dotation d'investissement du réseau, permettant aux CROUS de financer la construction ou la rénovation de structures de restauration ou d'hébergement, augmente quant à elle de 25 millions d'euros en AE.

Enfin, 25 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la mise en place de l'aide instaurée par la loi du 13 avril 202310(*) à destination des étudiants n'ayant pas accès aux structures de restauration universitaire, notamment en milieu rural. Cette loi d'initiative sénatoriale, inspirée par les conclusions de la mission d'information du Sénat sur la condition de la vie étudiante, vise à remédier aux inégalités d'accès au service public de la restauration universitaire en distribuant une aide spécifique, qui devrait toucher environ 200 000 étudiants.

Décomposition des moyens supplémentaires accordés
au réseau des oeuvres universitaires en 2024

(en AE en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le schéma d'emploi du réseau des oeuvres universitaires pour 2024 devrait augmenter de 38 ETP, afin notamment d'accompagner le développement de son offre de restauration. Il sera toutefois réalisé sans rehaussement du plafond d'emplois de 12 723 ETPT.

L'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a récemment consacré une analyse au réseau des Crous11(*). Sans remettre en cause le sens de l'action menée par le réseau des oeuvres auprès des étudiants, la mission soulève un certain nombre de difficultés.

S'agissant plus particulièrement de la situation économique des Crous, l'inspection générale souligne les fragilités du modèle actuel, alors que les mesures en faveur de la vie étudiante prises au cours des dernières années « ont fait progressivement glisser le modèle économique des Crous en le rendant de plus en plus dépendant du financement de l'État » du fait de ressources structurellement en baisse (en particulier la tarification des repas).

Le corolaire de cette élasticité des ressources du réseau des oeuvres à la SCSP est la nécessité d'une hausse continue des crédits versés par l'État. En d'autres termes, « si l'abondement de la SCSP par l'État s'avérait insuffisante, une augmentation du ticket étudiant serait alors inévitable ». Les ressources propres des Crous représentent actuellement 873,6 millions d'euros, pour 1,347 milliard d'euros de charges.

En conséquence, l'une des préconisations de la mission est de revoir le modèle économique global des Crous et de consolider le financement de la restauration. Le rapporteur spécial reprend cette recommandation, ses précédents rapports budgétaires soulignant tous l'effet « ciseaux » auquel sont durablement confrontées les ressources du Cnous.

Au-delà des enjeux strictement budgétaires, l'inspection générale souligne le déficit d'articulation entre le réseau et les universités. De même, le pilotage du réseau des oeuvres par l'administration centrale d'une part et par le Cnous d'autre part fait l'objet de critiques mettant en avant le « brouillard » des responsabilités : « loin d'une approche intégrée de l'expérience étudiante, l'organisation actuelle subit la juxtaposition d'opérateurs divers fonctionnant en silo et répondant parfois à des logiques et à des contraintes différentes : cette organisation est préjudiciable, au premier chef, à l'étudiant ».

Le rapporteur spécial souhaite que le ministère s'empare des pistes avancées par l'inspection générale pour améliorer l'organisation générale du réseau et appelle à approfondir la notion de « chef de file » privilégiée par la mission. D'après les informations transmises par le ministère, des travaux ont d'ores et déjà été engagés sur le pilotage et le modèle économique des Crous, devant aboutir d'ici le début 2024.


* 10 Loi n° 2023-265 du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

* 11 Le réseau CNOUS - CROUS : points forts, points faibles et évolution possible du modèle, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, rapport n° 22-23 002B - avril 2023.

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