B. L'IMPORTANCE DES DÉPENSES FISCALES POUR L'ÉCONOMIE ULTRAMARINE REND NÉCESSAIRE DES ÉVALUATIONS PRÉCISES SUR LEUR IMPACT
Les rapporteurs spéciaux ne remettent donc pas en cause le principe même des dépenses fiscales en ce qu'elles constituent un complément indispensable aux crédits budgétaires et présentent des avantages connexes en termes de compétitivité des entreprises ultramarines et de création d'emplois.
Cependant, ils partagent le constat récurrent de la Cour des comptes sur la nécessité de mieux les évaluer pour, au besoin, mieux les cibler ou les étendre.
1. Les évaluations déjà menées
Sur la période 2021 à 2023, la direction générale des outre-mer a coordonné trois évaluations portant sur des dépenses fiscales suivantes :
- l'évaluation des abattements applicables dans les collectivités d'outre-mer en application des articles 44 quaterdecies, 1388 quinquies, 1395 H et 1466 F du code général des impôts, dit dispositif des « zones franches d'activité nouvelle génération » (2021) ;
- l'évaluation de l'augmentation du seuil pour bénéficier de la franchise en base de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion (2022) ;
- l'évaluation de l'impact de l'aide fiscale à l'investissement productif neuf en outre-mer (rapport de l'IGF paru en juillet 2023).
En revanche, le programme d'évaluation des dépenses fiscales pour 2024, présenté dans le Tome 2 - Voies et moyens, annexé au PLF 2024, ne prévoit pas d'évaluation sur des dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer ».
Les rapporteurs spéciaux sont pleinement conscients des difficultés qui pèsent sur l'évaluation des dépenses fiscales.
L'impact sur la création d'emplois est délicat à déterminer dans la mesure où les emplois mentionnés dans les agréments correspondent aux engagements de créations de la société bénéficiaire de l'agrément fiscal et non à une réalité mesurée ex-post.
Par ailleurs, par manque de données disponibles, il est difficile de reconstituer le niveau de recettes potentiel avant la mise en place d'une dépense fiscale.
L'évaluation des dépenses fiscales demeure donc un exercice très complexe, subséquemment incomplet et à la fiabilité relative.
Il apparait cependant nécessaire de poursuivre ces travaux d'évaluation et de fiabilisation des montants, préalable nécessaire à une réflexion relative à l'extension et/ou prorogation de certains dispositifs existants à l'efficacité démontrée ou à la suppression des dépenses fiscales les moins efficientes avec possibilité d'une réallocation de ces montants pour renforcer d'autres dispositifs (dépenses fiscales ou rebudgétisation).
2. Focus sur l'évaluation du régime d'aide fiscale à l'investissement productif (RAFIP)
Les ministres chargés de l'économie, des comptes publics, de l'intérieur et de l'outre-mer ont demandé à l'inspection générale des finances de conduire des travaux sur ce régime qui comporte cinq dispositifs en :
- analysant la répartition actuelle des aides fiscales à l'investissement en outre-mer ;
- évaluant l'impact de ces aides fiscales sur le tissu productif ultramarin ;
- appréciant les conditions de fonctionnement et de contrôle de cette dépense fiscale.
Il résulte des travaux de la mission 16 propositions destinées à :
- mieux cibler le RAFIP au bénéfice de l'exploitant, en favorisant notamment la montée en charge des dispositifs désintermédiés (crédit d'impôt) ;
- améliorer le pilotage et le suivi de la dépense fiscale, tout en simplifiant son fonctionnement ;
- renforcer les prérogatives et contrôles assurés par les services de l'État ;
- réorienter le RAFIP vers des actifs productifs, les petites entreprises et le verdissement des économies ultramarines ;
- réguler davantage l'activité des intermédiaires, et singulièrement celle des « monteurs en défiscalisation ».
Si les rapporteurs spéciaux partagent certains constats et recommandations notamment pour étendre ces dispositifs à la transition écologique ou pour limiter les fraudes, ils se montrent plus prudents sur les préconisations relatives au ciblage et alertent sur le fait qu'une restriction trop importante du régime ne serait pas sans conséquence sur l'économie ultramarine.
Aussi, ils estiment nécessaire, avant toute décision, de mettre en place une consultation avec les élus locaux et les parlementaires sur ce sujet.