II. MESURER ET ÉVALUER LES MOYENS BUDGÉTAIRES OCTROYÉS À LA MISE EN oeUVRE DES RÉFORMES DE LA JUSTICE

Après avoir présenté les enjeux du ministère de la justice en matière de fonctions support, absolument essentielles pour que les personnels soient en capacité d'assurer pleinement leurs missions, le rapporteur spécial a souhaité terminer son examen de la mission « Justice » en s'intéressant aux politiques justement mises en oeuvre par ces personnels. Deux angles ont été retenus : la traduction budgétaire des réformes intervenues ces deux dernières années en matière judiciaire et l'accès au droit, un axe essentiel du service public de la justice.

A. LES RÉCENTES RÉFORMES VOTÉES PAR LE PARLEMENT DEVRAIENT TROUVER UNE PREMIÈRE TRADUCTION EN 2024

L'année dernière, le rapporteur spécial s'était penché sur la priorité donnée à la justice de proximité, sur les peines alternatives à la réinsertion ainsi que sur le nouveau code de justice pénale des mineurs. Il a choisi cette année deux autres angles : l'équipe autour du magistrat et la loi organique relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire49(*), objets des réformes les plus récentes votées par le Parlement, qui auront des effets à court et moyen terme sur la mission « Justice ».

1. La constitution de l'équipe autour du magistrat

La constitution d'une équipe autour du magistrat apparait clé pour alléger la charge de travail des magistrats afin qu'ils puissent se concentrer sur leurs missions fondamentales. Elle implique le recrutement suffisant de greffiers et de juristes assistants, ce qui ne peut se faire sans une réflexion sur leurs statuts et sur la valorisation de ses métiers. Cette réflexion est essentielle, ainsi que le relève la Cepej : « l'existence, aux côtés des juges, d'un personnel compétent exerçant des fonctions bien définies et doté d'un statut reconnu est une condition essentielle au fonctionnement efficace des systèmes judiciaires »50(*). Un rapport sur ce sujet avait été remis à l'été au garde des Sceaux à l'été 2022 par Dominique Lottin, magistrate, ex-membre du Conseil constitutionnel (2017-2022).

À la suite des États généraux de la justice et de ces travaux, l'article 11 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-202751(*) prévoyait de consacrer un chapitre du code de l'organisation judiciaire à l'équipe autour des magistrats, avec deux articles définissant le statut des attachés de justice, qui succèdent aux juristes assistants, et celui des assistants spécialisés. Ils peuvent désormais recevoir des délégations de signature en matière de réquisitions pénales et également, pour les attachés de justice, en matière civile.

Sur les 1 307 ETP créés sur le programme 166 « Justice judiciaire », environ 400 postes de contractuels seraient consacrés au renforcement de l'équipe autour du magistrat. Par ailleurs, si la direction des services judiciaires entend s'appuyer sur les référentiels de charge de travail pour répartir les renforts en personnel sur ces prochaines années, elle insiste également sur la nécessité de revoir les organisations en interne pour optimiser le traitement des dossiers, en s'appuyant justement sur l'équipe autour du magistrat.

Alors que les deux statuts d'attachés de justice et d'assistants spécialisés viennent tout juste d'être renforcés, le rapporteur spécial portera une attention particulière, lors de l'examen de l'exécution du budget 2024 et de la préparation du budget pour 2025, aux recrutements effectués sous ces deux statuts ainsi qu'aux moyens qui leur ont été alloués pour accomplir leurs missions, en appui des magistrats. Il estime également que ces personnes pourraient, pour une partie d'entre elles, présenter des qualifications et une expérience suffisantes pour ensuite souhaiter se présenter au concours de l'École nationale de la magistrature, constituant par là un nouveau vivier de recrutement pour l'ENM.

2. La loi organique relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire

Le même effet budgétaire « décalé » serait observé pour les dispositions de la loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, qui nécessitent en effet de nombreuses mesures règlementaires d'application et prévoient des mesures transitoires.

Quelques-unes commenceraient toutefois à produire leurs effets dès le projet de loi de finances pour 2024. L'évaluation élargie des chefs de cours supposerait la mobilisation de 1,2 million d'euros en fonctionnement, hors coût induit par l'intervention d'un prestataire externe, qui serait a minima chargé de former les membres du collège d'évaluation.

La création d'un troisième grade au sein de la hiérarchie judiciaire aura un impact au plus tard en 2026, la mesure devant entrer en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2025. Elle amènera toutefois à une révision du régime indemnitaire des magistrats, déjà affecté en 2023 et en 2024 par la révision des primes forfaitaire et modulable, pour permettre la revalorisation de 1 000 euros en moyenne du traitement des magistrats.

Enfin, la possibilité de procéder au recrutement de magistrat exerçant à titre temporaire et de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles devrait se traduire par un coût supplémentaire de 1,1 million d'euros en 2024 sur les dépenses de personnel. Ces magistrats honoraires sont notamment susceptibles d'être mobilisés dans le cadre des cours criminelles départementales (cf. supra).


* 49 Désormais loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

* 50 Partie 1 du rapport de la Cepej publié en 2020, sur les données 2018.

* 51 Article 11 du projet de loi, désormais article 37 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

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