N° 631

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mai 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger,

Par M. Serge BABARY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault, secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Sénat :

391 et 632 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Cette proposition de loi déposée par Évelyne Renaud-Garabedian, Jean-Pierre Bansard et plusieurs de leurs collègues vise à définir, pour la première fois en droit, le statut d'entrepreneur français à l'étranger, à organiser leur recensement et à les doter d'un label permettant de les valoriser.

Ce texte s'inscrit dans la continuité des alertes formulées par la délégation aux entreprises du Sénat en décembre 2020 sur la situation des entrepreneurs français à l'étranger pendant la crise sanitaire, où nombre d'entre eux se sont trouvés dans des situations particulièrement préoccupantes alors même que leurs entreprises contribuent bien souvent au commerce extérieur de la France et à son rayonnement à l'international.

Sur le rapport de Serge Babary, par ailleurs président de la délégation aux entreprises, la commission des affaires économiques a adopté cette proposition de loi après avoir adopté trois amendements qui visent notamment à :

- élargir la définition de l'entrepreneur français à l'étranger (article 1er), au-delà des seuls Français créateurs d'une entreprise dont ils sont aussi actionnaires majoritaires ;

- assouplir l'organisation du recensement des entrepreneurs français à l'étranger (article 2) en prévoyant que ce dernier soit mis en oeuvre par des acteurs au plus proche du terrain ;

- renforcer la crédibilité du label valorisant les entrepreneurs français à l'étranger (article 3) en conditionnant son octroi à l'exercice d'une activité contribuant au rayonnement de la France.

I. LES ENTREPRENEURS FRANÇAIS À L'ÉTRANGER, CATÉGORIE MAL APPRÉHENDÉE ET STATISTIQUEMENT MÉCONNUE

A. UNE CATÉGORIE MAL APPRÉHENDÉE QUI DOIT ÊTRE DÉFINIE JURIDIQUEMENT

Le rapport de Jacky Deromedi fait en décembre 2020 au nom de la délégation aux entreprises du Sénat, qui s'intéressait aux entreprises françaises à l'étranger, dressait le constat d'une catégorie « mal appréhendée » par le droit : en l'absence de définition juridique, différentes acceptions de la notion coexistent. Celles-ci peuvent inclure les entreprises créées par des Français à l'étranger, celles qu'ils détiennent, entièrement ou majoritairement, ou encore celles qu'ils dirigent.

Les entrepreneurs français à l'étranger font face à la même difficulté : ils ne sont pas identifiés comme tels par les pouvoirs publics faute de définition, et ce alors même qu'une définition attachée à la personne physique de l'entrepreneur semble plus pertinente en droit qu'une définition attachée à la personne morale de l'entreprise qu'il crée. En effet, la « nationalité » d'une entreprise, dont la gouvernance peut être complexe et évoluer, est difficile à déterminer, tandis que le suivi des personnes physiques est facilité par l'existence du registre des Français hors de France. De plus, la valorisation directe des entrepreneurs permet de renforcer le vivier de personnes « relais » de la France à l'étranger.

B. UNE CATÉGORIE STATISTIQUEMENT MÉCONNUE

En l'absence de définition, les entrepreneurs français à l'étranger et leurs entreprises sont imparfaitement connus. Les estimations disponibles sont produites par les acteurs essentiels que sont, à l'extérieur de nos frontières, le réseau des chambres de commerce et d'industrie françaises ou le comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF). Elles sont établies sur la base de remontées du terrain et d'extrapolations, ce qui explique qu'elles soient encore très approximatives.

Estimation du nombre de Français résidant
à l'étranger

Nombre de Français inscrits au registre
des Français établis hors de France

Estimation
du nombre d'entreprises créées
et détenues par des Français de l'étranger

Estimation du nombre de Français directement salariés par ces entreprises

 
 
 
 

C. POURTANT, DES ENTREPRENEURS QUI CONTRIBUENT AU RAYONNEMENT DE LA FRANCE À L'ÉTRANGER

Une enquête menée en 2020 par le CNCCEF a mis en évidence que la majorité des structures créées par les entrepreneurs français à l'étranger sont de petite taille et contribuent directement ou indirectement au commerce extérieur de la France.

Part des entreprises
avec un chiffre d'affaires inférieur à 2 M€

Part des entreprises
utilisant des produits français

Part des entreprises
entretenant un partenariat
avec une entreprise française

 
 
 

Il en découle, pour les entrepreneurs, un sentiment de manque de reconnaissance de leur valeur ajoutée pour la France, qui pourrait en décourager certains de revenir ou d'investir en France en y installant une filiale de l'entreprise qu'ils ont créée à l'étranger.

II. LES APPORTS DE LA COMMISSION : UN ÉLARGISSEMENT DE LA DÉFINITION MAIS UN RESSERREMENT DU LABEL AUTOUR DES ENTREPRENEURS PROMOUVANT LA MARQUE « FRANCE »

La commission des affaires économiques a souhaité étendre le champ de la définition des entrepreneurs français à l'étranger, pour tenir compte de la diversité de leurs situations professionnelles, tout en réservant la valorisation offerte par le label aux seuls entrepreneurs contribuant à la promotion de la France à l'étranger.

A. UNE DÉFINITION ÉLARGIE DE L'ENTREPRENEUR FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

L'article 1er de la loi introduit, pour la première fois en droit, une définition de l'entrepreneur français à l'étranger. La commission des affaires économiques a élargi le champ de cette définition en en modifiant certains critères.

Critère n° 1 : l'entrepreneur français à l'étranger est un citoyen français,
inscrit au registre des Français établis hors de France...

La commission a maintenu inchangé ce critère, considérant que cette inscription, certes facultative, permet d'identifier facilement un ressortissant français, sur la base d'une démarche volontaire de ce dernier attestant d'un lien minimal avec la France : en effet, sans inscription au registre, un citoyen français ne peut pas voter aux élections nationales.

Critère n° 2 : ...qui crée, assure la direction générale
ou exerce le contrôle effectif du capital d'une entreprise de droit local
sans lien capitalistique avec une entreprise française.

La commission a supprimé le critère exigeant à la fois la création d'une société et la détention de 50 % de son capital. Cumulatif, il risquait d'exclure certains entrepreneurs, comme ceux ayant créé une entreprise sans en être l'actionnaire principal, ceux dirigeant une entreprise qu'ils n'ont pas créée - tout particulièrement dans le cas d'une reprise d'entreprise fondée par un Français - ou encore ceux détenant la majorité du capital d'une entreprise sans l'avoir fondée. La commission a également souhaité inclure les entrepreneurs exerçant en nom propre et éviter les effets de seuil, en préférant au terme de « société » celui d' « entreprise » et au seuil de 50 % la notion de « contrôle effectif du capital », afin de prendre en compte davantage de situations. Elle a ainsi remplacé le critère de création de société et de détention majoritaire du capital par trois critères non cumulatifs plus souples et adaptés, liés à la création de l'entreprise, à l'exercice de sa direction générale ou au contrôle effectif de son capital.

B. UN RECENSEMENT DES ENTREPRENEURS FRANÇAIS À L'ÉTRANGER CONFIÉ AUX ACTEURS DE TERRAIN

Alors que la proposition initiale créait un comité d'identification des entrepreneurs à l'étranger rattaché aux services économiques des ambassades de France à l'étranger (article 2), la commission a souhaité assouplir ce dispositif en confiant le recensement à des acteurs connaisseurs des tissus économiques locaux, sans créer de charge administrative pour les ambassades. Elle a donc supprimé le rattachement juridique du comité aux services économiques des ambassades et confié la mission de recensement à un comité d'identification constitué notamment de représentants du réseau des chambres de commerce et d'industrie françaises et des conseillers du commerce extérieur de la France dans chaque pays, avec une rédaction souple permettant au comité de solliciter et de s'appuyer sur d'autres acteurs selon le contexte local.

C. UN LABEL DÉDIÉ AUX ENTREPRENEURS FRANÇAIS À L'ÉTRANGER POUR VALORISER CEUX QUI CONTRIBUENT À LA « MARQUE FRANCE »

Afin d'éviter tout détournement de la « marque France », la commission a souhaité que le label créé par l'article 3 ne soit pas automatiquement octroyé à tous les entrepreneurs français à l'étranger. Elle a ainsi adopté un amendement conditionnant sa délivrance à l'exercice d'une activité professionnelle contribuant à la promotion d'un savoir-faire français, à la distribution de biens ou services français ou concourant au rayonnement international de la France. Les entrepreneurs labellisés sont sélectionnés, dans chaque pays, par le comité d'identification mentionné à l'article 2.

Concernant le nom du label, la commission a supprimé la référence au nom « Made by French » et renvoie à un décret le soin de le préciser. Toutefois, pour que le label soit approprié par tous, la commission souligne l'importance de la concertation des acteurs chargés du recensement et la nécessité d'une dénomination compréhensible par les acteurs économiques internationaux, en majorité anglophones aujourd'hui.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Définition de l'entrepreneur français à l'étranger

Cet article vise à introduire, pour la première fois en droit, une définition de l'entrepreneur français à l'étranger.

La commission a adopté l'amendement COM-2 du rapporteur modifiant et élargissant la définition de l'entrepreneur français à l'étranger initialement retenue afin d'inclure les personnes de nationalité française et inscrites au registre des Français hors de France qui ont créé une entreprise de droit local, exercent la direction générale d'une entreprise de droit local ou en assurent le contrôle effectif du capital.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - L'absence de définition légale des entrepreneurs français à l'étranger

Les entrepreneurs français à l'étranger ne font l'objet d'aucune définition, ni juridique ni économique. Ce manque a été mis en exergue durant la crise de la Covid-19 : en dépit de leur contribution parfois importante au commerce extérieur et au rayonnement international de la France, ces entrepreneurs français à l'étranger n'étaient pas identifiés par les pouvoirs publics.

Le rapport de Jacky Deromedi fait en décembre 2020 au nom de la délégation aux entreprises du Sénat, qui s'intéressait aux entreprises françaises à l'étranger, dressait ainsi le constat d'une catégorie « mal appréhendée et pourtant essentielle » : ces entreprises, créées par des Français de l'étranger, souffrent d'une absence de définition juridique ou statistique malgré une contribution matérielle au commerce extérieur et une contribution immatérielle à la marque « France ».

Il en découle, pour les entrepreneurs, un sentiment de manque de reconnaissance de leur valeur ajoutée pour la France en termes de contribution au commerce extérieur, de promotion de la marque « France » à travers des savoir-faire ou des produits français et de manière générale, de concours au rayonnement de la France à l'étranger. Ce manque de reconnaissance pourrait, selon certains acteurs auditionnés, décourager des entrepreneurs français à l'étranger de revenir ou d'investir en France, par exemple en y créant une filiale de l'entreprise qu'ils ont créée à l'étranger.

En outre, en l'absence de définition en droit de l'entrepreneur français à l'étranger, différentes acceptions de la notion risquent de coexister, sans cohérence ni lisibilité. À titre d'exemple, l' « entreprise française à l'étranger » ne fait, elle non plus, l'objet d'aucune définition juridique et les tentatives de définitions de la part de différents acteurs laissent apparaître des divergences sur les critères choisis :

- l'Assemblée des Français de l'étranger1(*) évoque ainsi, « les entreprises de droit local créées ou détenues en majorité à l'étranger par des entrepreneurs français, qui ne sont juridiquement, financièrement et fiscalement pas rattachées à la France  » ;

- CCI France International évoque2(*) : « des entreprises de droit local créées et dirigées par un Français résidant à l'étranger. Elles sont sans lien capitalistique avec une entreprise en France, sinon il s'agirait le plus souvent d'une filiale d'entreprise de France ou d'une joint-venture ».

II. Le dispositif envisagé - L'inscription dans la loi d'une définition de l'entrepreneur français à l'étranger

Cet article propose une définition de l'entrepreneur français à l'étranger à l'aide de plusieurs critères :

1. l'entrepreneur français à l'étranger est un citoyen de nationalité française ;

2. inscrit au registre des Français établis hors de France ;

3. qui crée une société de droit local et la détient à plus de 50 % de son capital, ou au maximum de ce qu'autorise le droit local lorsqu'existent des conditions restrictives de possession d'une société par un associé étranger.

L'inscription au registre des Français établis hors de France, tenu par les consulats, permet d'identifier facilement un ressortissant français, sur la base d'une démarche volontaire de ce dernier. En effet, l'inscription au registre des Français hors de France n'est obligatoire aujourd'hui que pour certaines démarches, comme le vote aux élections nationales. Près de 1,8 million de Français établis hors de France sont inscrits auprès des services consulaires, tandis que le ministère des affaires étrangères évalue à 2,5 millions le nombre total de Français qui résident à l'étranger.

Le critère relatif à la création d'une entreprise de droit local et à sa détention capitalistique majoritaire - ou dans la proportion maximale autorisée par le droit local lorsqu'existent des restrictions à la participation étrangère au capital d'une entreprise - permet quant à lui de cibler les entrepreneurs qui sont à la fois fondateurs et principaux détenteurs du capital de leur entreprise.

III. La position de la commission - L'importance d'une définition reflétant la diversité des Français de l'étranger concourant au rayonnement de la France dans le monde

La commission des affaires économiques considère que l'inscription dans la loi d'une définition de l'entrepreneur français à l'étranger est de nature à renforcer leur reconnaissance et leur visibilité, dans la continuité du constat dressé par le rapport de la délégation aux entreprises du Sénat en décembre 2020. Une identification légale des entrepreneurs français à l'étranger permettra aussi de mieux objectiver leurs concours matériels et immatériels à la création de richesse en France et d'améliorer leur suivi, renforçant ainsi les communautés d'affaires au sein de chaque économie locale.

La commission est en faveur d'une définition attachée à la personne physique de l'entrepreneur, et non à la personne morale de l'entreprise ou de la société créée :

- la « nationalité » d'une entreprise peut difficilement être déterminée et ne saurait dépendre de la nationalité du fondateur, dirigeant ou actionnaire majoritaire de l'entreprise ;

- le suivi des personnes physiques qui le souhaitent, facilité par l'existence du registre des Français établis hors de France, semble plus aisé que celui de personnes morales dont la gouvernance peut être complexe ou évoluer rapidement ;

- enfin, l'objet de cette proposition de loi est de valoriser les entrepreneurs français à l'étranger en tant que personnes physiques, constituant un vivier de personnes relais de la France à l'étranger.

La commission estime aussi que l'inscription au registre des Français établis hors de France, facultative, n'est pas gage d'exhaustivité mais est une condition nécessaire et proportionnée afin de garantir l'identification de ces entrepreneurs comme ressortissants français. C'est également une condition attestant des liens de l'entrepreneur avec la France : il est probable que ceux qui entretiennent des liens étroits avec la France soient les plus enclins à s'inscrire au registre.

La commission considère que les entrepreneurs ayant créé une entreprise dont ils détiennent plus de 50 % du capital, ou le maximum de ce qu'autorise le droit local, constituent sans nul doute une part importante des entrepreneurs français à l'étranger. Cependant, cette définition emporte des risques d'exclusion de certains entrepreneurs, à l'instar du cas où plusieurs associés français sont chacun actionnaires minoritaires au capital sans qu'aucun d'entre eux ne détienne plus de 50 % du capital.

La commission a donc adopté l'amendement COM-2 du rapporteur visant à étendre la présente définition aux Français créateurs ou dirigeants d'une entreprise de droit local sans lien capitalistique avec une entreprise française, sans en être l'actionnaire majoritaire ainsi qu'aux Français détenteurs de la majorité du capital de l'entreprise, sans pour autant l'avoir créée.

Pour couvrir tous les cas, y compris les créations d'entreprises individuelles ou aux régimes assimilés, l'amendement substitue au terme « société » celui d' « entreprise ».

Les exigences de nationalité et d'inscription au registre des Français hors de France sont ainsi conservées, mais leur sont ajoutés trois autres critères désormais non cumulatifs :

- la création d'une entreprise de droit local sans lien capitalistique avec une entreprise française ;

- l'exercice de la direction générale de l'entreprise de droit local sans lien capitalistique avec une entreprise française ;

- l'exercice du contrôle effectif du capital d'une entreprise de droit local qui n'a pas de lien capitalistique avec une entreprise française, ou la détention d'une part de capital égale au maximum de ce qu'autorise le droit local lorsqu'existent des conditions restrictives de possession d'une société par un associé étranger. La commission a souhaité supprimer la référence au seuil de détention de 50 % du capital, considérant que la notion de « contrôle effectif », associant des critères relatifs aux parts de capital, aux droits de vote ou encore au statut de dirigeant, est de nature à couvrir davantage de situations.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2

Recensement des entrepreneurs français à l'étranger

Cet article vise à organiser le recensement des entrepreneurs français à l'étranger.

La commission a adopté un amendement de rédaction globale COM-3 du rapporteur visant à confier cette mission de recensement à un comité d'identification constitué notamment de représentants du réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) françaises et des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) dans chaque pays. La commission a souhaité ainsi adopter un dispositif souple, à la main des acteurs les plus connaisseurs des réalités de l'économie locale, au lieu d'un dispositif dépendant directement des ambassades.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - L'absence de statistiques officielles sur les entrepreneurs français à l'étranger et leurs entreprises

Non définis en droit, les entrepreneurs français de l'étranger ne sont pas non plus saisis par la statistique. Le rapport de Jacky Deromedi susmentionné proposait en 2020 de charger le Comité national de l'information statistique (Cnis), avec le concours de l'Insee, de la définition d'une méthodologie permettant d'identifier une entreprise française à l'étranger. Cette recommandation n'a pour l'instant pas été mise en oeuvre.

Les entrepreneurs français à l'étranger et leurs entreprises sont donc imparfaitement connus. Des estimations existent toutefois :

- en extrapolant la présence totale de Français à l'étranger, le réseau des chambres de commerce et d'industrie à l'étranger, CCI France International, estime à environ 130  000 le nombre d'entreprises créées et détenues par des Français de l'étranger. Par conséquent, environ 500 000 Français pourraient être directement salariés par des entreprises françaises de l'étranger - créées et détenues par des Français à l'étranger ;

- le comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF) estime pour sa part, au vu des remontées du terrain, entre 130 000 et 150 000 le nombre d'entreprises françaises à l'étranger.

Les études menées n'ont pour l'instant abouti ni à un recensement ni à une méthodologie d'identification, mais permettent d'appréhender la diversité des entreprises créées par des Français à l'étranger : en juillet 2020, le CNCCEF a reçu plus de 600 réponses à une enquête menée auprès de son réseau, provenant en large majorité de très petites entreprises (TPE) de moins de 10 salariés dont les trois quarts ont un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros. L'enquête a également mis en évidence que ces entreprises interviennent dans des secteurs d'activité variés : en premier lieu, le conseil et l'audit ; puis l'alimentation, les boissons, vins et spiritueux ; suivis de l'informatique ; du tourisme ; et enfin de l'hôtellerie-restauration en cinquième position.

II. Le dispositif envisagé - Confier le recensement des entrepreneurs français de l'étranger à des comités constitués auprès de chaque ambassade

Cet article prévoit de confier le recensement des entrepreneurs français à l'étranger à un comité d'identification établi auprès de chaque ambassade, sous la responsabilité de leurs services économiques. Ce comité est constitué de l'union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger et des conseillers du commerce extérieur de la France.

III. La position de la commission - L'adoption d'un dispositif souple de recensement, dans chaque pays concerné

La commission des affaires économiques est en faveur d'une meilleure connaissance des entrepreneurs français de l'étranger.

Toutefois, elle considère que pour garantir son effectivité, le recensement doit être mené au plus près du terrain, par les acteurs disposant d'une connaissance étayée du tissu économique local, sans créer de charge administrative supplémentaire pour les ambassades ou leurs services économiques.

Les CCI françaises à l'étranger et les CCEF travaillent ensemble depuis 2021 dans le cadre des activités de l'entité « EFE International » qui permet à des entreprises françaises de l'étranger de bénéficier de volontaires internationaux en entreprises (VIE) : pour sélectionner les entreprises françaises à l'étranger éligibles, des comités mixtes locaux associant les chambres de commerce et d'industrie françaises et les conseillers du commerce extérieur de la France ont été mis en place.

La commission a donc souhaité tirer le meilleur bénéfice de cette expérience réussie et poursuivre l'association des CCI et des CCEF dans le cadre d'une mission de recensement des entrepreneurs français à l'étranger.

Elle a souhaité introduire dans la loi un dispositif souple de recensement, sans prescrire dans le détail son organisation, qui pourra être adaptée aux réalités du tissu économique de chaque pays.

Par conséquent, la commission a adopté l'amendement COM-3 du rapporteur visant à confier cette mission de recensement des entrepreneurs français à l'étranger à un comité d'identification constitué notamment de représentants des CCI françaises à l'étranger et des CCEF dans chaque pays.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3

Création du label « Made by French »

Cet article vise à créer un label à destination des entrepreneurs de l'étranger ainsi qu'un répertoire public unique regroupant les bénéficiaires de ce label.

La commission a adopté un amendement de rédaction globale COM-4 du rapporteur visant à :

- conditionner la délivrance du label à une activité professionnelle de promotion d'un savoir-faire français, de distribution de produits et services français ou plus largement contribuant au rayonnement international de la France, afin d'éviter tout détournement de la « Marque France » et garantir la crédibilité du label. Les bénéficiaires du label sont sélectionnés dans chaque pays par un comité d'identification, mentionné à l'article 2 ;

- supprimer la mention au nom « Made by French » et confier à un décret le soin de préciser le nom du label, en lien avec les instances centrales des acteurs chargés du recensement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Aucun label ne permet aujourd'hui de distinguer les entreprises françaises de l'étranger

De nombreux labels existent aujourd'hui afin de distinguer certaines entreprises. Parmi les labels créés par l'État, il est possible d'en citer plusieurs types :

- les labels relatifs à des produits, comme le Label rouge ;

- les labels venant distinguer une entreprise au titre de l'ensemble de ses activités, comme le label Entreprise du patrimoine vivant. Créé en 2005, il distingue des « entreprises françaises artisanales et industrielles aux savoir-faire rares et d'exception » ;

- les labels relatifs à des personnes physiques (pour les artisans) comme le label Reconnu garant de l'environnement (RGE)...

D'autres labels sont attribués à des entités de droit étranger :

- le label LabelFrancEducation est attribué par le ministère des affaires des étrangères à des établissements étrangers proposant des filières francophones d'excellence ;

- la mission French Tech, rattachée au ministère chargé de l'économie, labellise des associations privées appelées « Communautés French Tech » en France mais aussi à l'international : il en existe 33 en France contre 67 à l'international réparties dans 52 pays. Elles sont labellisées à la suite d'un appel à projets renouvelé tous les trois ans et doivent démontrer au cours du processus de sélection leur volonté et capacité à contribuer aux objectifs stratégiques de la mission French Tech sur le territoire.

Le fait de délivrer un label créé par l'État à une entité de droit étranger ou à une personne physique ne semble donc pas poser de difficulté juridique. Pourtant, les entrepreneurs français de l'étranger, faute de définition, ne font l'objet d'aucun dispositif permettant de les distinguer et de les valoriser.

II. Le dispositif envisagé - Un label à destination des entrepreneurs français de l'étranger

Le label « Made by French » est automatiquement octroyé aux entrepreneurs français de l'étranger répondant à des critères de nationalité, d'inscription au registre consulaire des Français de l'étranger et de détention capitalistique.

Un répertoire public unique regroupe les entrepreneurs ayant obtenu ce label.

III. La position de la commission - La création d'un label à destination d'entreprises sélectionnées en raison de leurs liens spécifiques avec la France

La commission considère que la création d'un label à destination des entrepreneurs français de l'étranger est de nature à valoriser leurs activités, ce qui permet de mettre en avant la « marque France », tout en constituant un moyen d'identification de ces entrepreneurs, propice au développement d'un réseau d'affaires.

Toutefois, si la commission des affaires économiques souhaite vivement soutenir les entrepreneurs français de l'étranger, elle considère que la valorisation apportée par ce label à ses récipiendaires ne doit pas bénéficier aux entrepreneurs ayant pour seul lien avec la France leur nationalité. À rebours d'un label automatiquement octroyé, elle souhaite ainsi circonscrire le champ de ce label aux entrepreneurs dont l'activité implique un lien avec la France, afin d'éviter tout détournement du label et garantir sa crédibilité. Par conséquent, elle confie au comité mentionné à l'article 2 la mission de sélectionner les entrepreneurs bénéficiaires du label.

En accord avec les exigences de promotion de la langue française au sein de la loi, la commission supprime la mention du nom « Made by French », considérant par ailleurs que la détermination du nom d'un label ne relève pas du domaine de la loi.

Toutefois, la commission rappelle que pour que le label soit approprié par tous, il doit faire l'objet d'une visibilité suffisante. Le choix du nom du label devra associer les acteurs du recensement des entrepreneurs français de l'étranger et le nom choisi devra être aisément compris par tous les acteurs économiques, dont l'immense majorité est anglophone aujourd'hui. À titre d'exemple, le mot « entrepreneur » est identique en langue française comme anglaise.

Sensible à l'objectif d'identification des entrepreneurs français à l'étranger au moyen d'un répertoire public, la commission considère toutefois qu'un répertoire public unique constituerait un dispositif trop lourd administrativement. Afin de conserver un dispositif souple, proche du terrain, elle souhaite que le répertoire public introduit par cet article ne soit pas unique et centralisé, mais puisse être propre à chaque pays et mis en place par les instances chargées de la sélection des entrepreneurs labellisés.

Par conséquent, la commission a adopté l'amendement de rédaction globale du rapporteur COM-4 qui :

- conditionne la délivrance du label à la promotion d'un savoir-faire français, à la distribution de produits et services français ou plus largement au rayonnement international de la France ;

- précise que les entrepreneurs bénéficiaires de ce label sont sélectionnés par un comité mentionné à l'article 2, composé notamment de représentants des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger et des conseillers du commerce extérieur de la France dans chaque pays. La commission souhaite donc là encore favoriser la connaissance de l'économie locale par des acteurs au plus proche du terrain, sans pour autant prescrire une organisation trop précise qui ne tiendrait pas compte des caractéristiques de chaque pays. L'amendement indique que les modalités d'octroi du label sont précisées par un décret, de même que la durée de sa validité et ses modalités de publicité ;

- dispose que ce label est rattaché au ministère de l'Europe et des affaires étrangères mais qu'un décret précise l'autorité le délivrant ainsi que son nom ;

- supprime la mention du caractère unique du répertoire public regroupant les noms des bénéficiaires du label.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 mai 2023, la commission a examiné le rapport de M. Serge Babary sur la proposition de loi n° 391 (2022-2023) visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger.

M. Serge Babary, rapporteur. - Nous abordons aujourd'hui le sujet des entrepreneurs français à l'étranger. Nous les connaissons peu : pourtant, environ 2,5 millions de Français sont établis dans 169 pays du monde et, parmi eux, environ 130 000 seraient entrepreneurs.

La proposition de loi de Mme Renaud-Garabedian et M. Jean-Pierre Bansard, dont je salue l'initiative, vise à reconnaître et à soutenir ces entrepreneurs. Elle intervient deux ans et demi après un premier rapport de la délégation aux entreprises du Sénat, qui avait déjà mis en évidence l'absence de définition juridique ou statistique de l'entrepreneur français à l'étranger. La proposition de Mme Renaud-Garabedian vise à y remédier et à formuler, pour la première fois en droit, une définition de l'entrepreneur français à l'étranger, comblant ainsi un vide préjudiciable à la fois pour ces entrepreneurs et pour la France.

Ces entrepreneurs, ce sont des Français partis en Amérique du Sud qui y ont ouvert un restaurant, d'autres partis en Asie pour y vendre d'excellents vins français, d'autres encore qui ont créé une société de conseil ou d'informatique en Afrique et ont recours à des talents ou à des partenariats français. Tous ces entrepreneurs contribuent, directement ou indirectement, à notre commerce extérieur. Toutefois, cette contribution est très difficile à quantifier, si l'on ne sait pas ce qu'est exactement un entrepreneur français à l'étranger.

Ils concourent aussi au rayonnement de la France à l'international, en incitant tous les jours des milliers de personnes dans le monde à aller en France, à mieux connaître la culture française ou encore à consommer des produits français.

Pour continuer à mettre en valeur la France comme ils le font, ils ont besoin d'être reconnus, identifiés et de disposer d'outils pour se valoriser. Ce ne sont pas de grandes entreprises connues du grand public. Ce sont à 77 % de petites structures avec un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros par an. Nous devons donc les distinguer et leur donner la visibilité dont ils ont tant besoin.

C'est aussi une question de reconnaissance : faute de reconnaissance, certains entrepreneurs pourraient être découragés de revenir en France et d'y investir, par exemple en y installant une filiale de leur entreprise créée à l'étranger.

Il y a là aussi un intérêt économique et commercial pour la France : mieux connaître ces entrepreneurs, c'est nous donner les moyens de mieux structurer les réseaux et communautés d'affaires à l'étranger, au service du développement international de nos entreprises. Or, pour cela, il faut les recenser, et pour les recenser, il faut leur donner une existence juridique.

C'est tout l'objet de cette proposition de loi : définir, recenser, valoriser.

Avec Mme Renaud-Garabedian, nous avons échangé en amont de cette réunion de commission, pour proposer un dispositif qui soit le plus opérationnel possible. Je tiens à saluer la qualité de nos échanges préparatoires. Je constate que nous avons su travailler ensemble en mettant à profit nos expériences respectives et complémentaires sur la question.

Définir les entrepreneurs français à l'étranger n'est pas simple. Cela n'avait jamais été fait. Différentes définitions étaient régulièrement utilisées, sans cohérence ni lisibilité : on pouvait parler d'entreprises créées et détenues par les Français de l'étranger, d'entreprises créées ou détenues, d'entreprises dirigées. La première question a donc été de déterminer les critères de définition du statut de l'entrepreneur français à l'étranger, en prenant en compte la diversité des situations de ces entrepreneurs, qui exercent dans des dizaines de pays.

À l'article 1er, le premier critère de définition de l'entrepreneur français à l'étranger posé par cette proposition de loi est d'être un ressortissant français inscrit au registre des Français hors de France. Sur les 2,5 millions de Français établis à l'étranger, seul 1 million d'entre eux y est inscrit.

Certes, l'inscription sur ce registre n'est pas obligatoire. Cependant, elle permet de témoigner un attachement, un engagement minimal envers la France. En effet, ne pas être inscrit sur ces listes, cela signifie ne pas pouvoir voter aux élections nationales.

Au-delà de ce critère primordial de nationalité et d'inscription au registre, il fallait déterminer des critères liés à l'activité économique de l'entrepreneur. La proposition de loi initiale définit comme entrepreneurs français à l'étranger les Français qui ont créé une entreprise de droit local dont ils détiennent plus de 50 % des parts. Ce critère risque malheureusement de ne pas couvrir tous les cas. L'entrepreneur peut créer une entreprise sans en être l'actionnaire majoritaire. Il peut aussi diriger une entreprise sans l'avoir créée, notamment dans le cas de la reprise d'une entreprise créée par un Français. Enfin, les Français qui permettent à d'autres d'entreprendre, en investissant dans une entreprise qu'ils n'ont pas créée, doivent aussi être pris en compte.

C'est pourquoi nous sommes d'accord pour modifier cette définition dans le sens d'une extension au-delà des seuls cas de Français fondateurs d'une entreprise à l'étranger dont ils détiennent la majorité des parts. Je vous propose donc un amendement visant à inclure les personnes de nationalité française inscrites au registre des Français hors de France qui ont créé ou exercent la direction générale ou assurent le contrôle effectif du capital d'une entreprise de droit local. Non seulement cet amendement permettra d'élargir la définition, mais il permettra aussi de remédier aux effets de seuil que pouvait entraîner la fixation d'un critère de détention de 50 % du capital. Également, grâce à la notion d'« entreprise » et non de « société », les entrepreneurs individuels ou leurs équivalents seront pris en compte.

Après la définition, un recensement des entrepreneurs français est nécessaire : c'est l'objet de l'article 2. Mais il n'est pas suffisant d'inscrire ce principe dans la loi, il faut qu'il soit effectivement mis en oeuvre ! C'est pour cela qu'après avoir discuté avec les acteurs économiques comme administratifs, nous avons décidé de ne pas confier cette mission de recensement aux services économiques des ambassades. D'abord, pour ne pas leur créer une charge administrative supplémentaire qu'ils ne pourraient pas gérer. Ensuite, parce que ce ne sont pas les meilleurs connaisseurs des économies locales : leur approche est beaucoup trop macroéconomique. Je vous propose donc un amendement qui supprime le rattachement du comité d'identification des entrepreneurs aux services économiques des ambassades. Ce comité d'identification sera composé notamment de représentants des chambres de commerce et d'industrie (CCI) françaises à l'étranger et des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF).

Nous avons privilégié une rédaction qui leur permet de s'organiser avec souplesse, éventuellement en sollicitant d'autres acteurs et en s'appuyant sur eux, afin que le recensement soit adapté aux contextes locaux.

Enfin, nous avons conservé le principe d'un label, tout en affinant son dispositif : c'est l'objet de l'article 3. En effet, tous les entrepreneurs ne représentent pas la même valeur ajoutée pour la France. À mon sens, il est indispensable de ne pas tous leur octroyer ce label, mais il importe de valoriser ceux qui représentent véritablement un atout pour la France. Je propose donc un amendement visant à ne pas rendre l'octroi de ce label automatique, mais à conditionner sa délivrance à une activité professionnelle contribuant à la promotion d'un savoir-faire français, à la distribution de biens ou services français ou encore au rayonnement international de la France. Il s'agit de critères larges, qualitatifs. Ces critères seront appréciés par le comité chargé du recensement, constitué notamment de représentants des CCI et des CCEF. L'objectif n'est pas de créer de nouvelles complexités, de nouvelles contraintes, mais encore une fois de laisser les acteurs les plus connaisseurs des économies locales s'organiser.

Nous avions le même parti pris de privilégier la concertation des acteurs au niveau local, en ce qui concerne le nom du label. Initialement, le nom « Made By French » avait été proposé. Il nous est ensuite apparu nécessaire de le modifier. D'une part, il paraît difficile d'inscrire un label en anglais au sein de la loi même si, bien sûr, les acteurs économiques auxquels s'adressent nos entrepreneurs français sont en grande majorité anglophones ; d'autre part, il est essentiel de choisir un nom qui soit approuvé par tous : le choix du nom du label doit être concerté entre les différents acteurs. Nous avons décidé de ne pas mentionner le nom du label dans la loi, tout en nous assurant que le réseau des CCI et des CCEF, très enthousiastes sur ce dossier, fassent part de leurs propositions.

Enfin, la proposition de loi crée un répertoire public unique regroupant les noms des bénéficiaires du label. Je propose de conserver ce principe, mais de ne pas le rendre unique, afin qu'il puisse être mis en oeuvre au niveau des CCI et par les CCEF dans chaque pays. Je crains en effet qu'il ne voie jamais le jour si ce répertoire devait être unique et centralisé au niveau de l'État.

Mon objectif est de créer un cadre qui donne l'impulsion nécessaire à une meilleure connaissance et reconnaissance des personnes qui contribuent à la valorisation de la France dans le monde.

Je vous remercie de votre écoute.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la proposition de loi. - Le sujet des entrepreneurs français a toujours été un angle mort des politiques publiques, notamment à cause de leur éloignement. J'espère que ce statut y remédiera.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je vous remercie pour ce travail, issu du rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises. Dans un autre rapport de la délégation sur le commerce extérieur, mes collègues MM. Jean Hingray et Vincent Segouin et moi-même avions pointé un manque d'identification des entrepreneurs à l'étranger, contrairement à l'Italie, qui fait de ses entrepreneurs des ambassadeurs du savoir-faire italien et une véritable vitrine. Cette proposition de loi contribue donc à notre stratégie publique de commerce extérieur. Nous la saluons.

Nous souscrivons à la définition de l'entrepreneur français, tout comme à la nouvelle rédaction de l'article 2. Nous avions une inquiétude sur l'automaticité du label à l'article 3, tout comme sur le nom de ce label ; les acteurs choisiront le nom adéquat, c'est une bonne chose. Nous sommes favorables au texte et aux amendements proposés, tout en restant vigilants quant au périmètre de la définition proposée à l'article 1er.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Les chiffres du commerce extérieur appellent souvent des larmes de crocodile. Cependant, notre présence au monde est aussi le fait de produits et services réalisés par des Français à l'étranger, avec parfois des retombées sur le territoire national. Aux Émirats arabes unis, deux fleuristes français, après avoir conquis le marché des Émirats, se sont développés en France.

Pendant le covid, les dispositifs mis en place en France étaient vus avec envie, car très protecteurs. La difficulté venait du fait que les structures étaient juridiquement étrangères. Des mesures ont été prises. Par exemple, grâce à des associations, en Israël, nous avons pu soutenir des entrepreneurs français. Je salue le nouveau label - le label « French Tech » s'est très bien développé à l'étranger.

Je remercie le rapporteur pour son travail : les rédactions proposées sont très utiles et consolident le dispositif, en y associant des forces vives. Le RDPI votera ce texte.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - L'attachement à la France et le patriotisme de ces entrepreneurs français à l'étranger sont très hétérogènes. Le dimanche, je regarde souvent M6, qui présente des émissions sur les entrepreneurs français installés à l'étranger : certains sont très heureux d'avoir délocalisé leur activité pour ne pas payer d'impôt ; d'autres, au contraire, ont construit une activité, comme une boulangerie, tout en étant très attachés à leur région d'origine, et animent des réseaux locaux qui mettent en valeur la France.

Il faudra être vigilant sur les labels. Mes impôts ne sont pas là pour aider une entreprise israélienne. Recenser et définir, oui, mais pourquoi ne pas adosser ces entreprises aux conseillers français des ambassades ? Ce serait aussi une façon de nourrir nos conseillers techniques en matière d'intelligence économique au niveau du terrain. Donnons ce label avec discernement.

M. Franck Montaugé. - Les entreprises agricoles entrent-elles dans le champ de ce texte ? Sur le volet valorisation, des dispositions sont-elles envisagées ? Pensons à la compétitivité de la ferme France.

Par ailleurs, qu'en est-il du régime de sécurité sociale ? Un choix est-il possible ? Peut-on cotiser tout en résidant à l'étranger ?

M. Daniel Gremillet. - Cette proposition de loi arrive au moment opportun : nous voulons réindustrialiser la France. Ce texte peut y contribuer de manière indirecte. De plus, avoir une meilleure connaissance de ces acteurs permettra de mettre en avant la question de la compétitivité au niveau de l'Hexagone. Les sujets qui en découlent sont très nombreux.

M. Daniel Salmon. - Je souscris aux propos de Mme Lienemann. Il faut des conditions sociales et environnementales à l'octroi du label. Les entreprises doivent mériter ce label mettant en avant le savoir-faire français. Les entreprises sont très disparates.

M. Serge Babary, rapporteur. - Un comité est mis en place pour attribuer le label. Il sera composé de membres de la CCI internationale et, notamment, des CCEF. Ils feront appel par principe à des personnes du consulat et des ambassades. À eux de s'organiser. Le Quai d'Orsay n'a pas souhaité une mention automatique. J'avais évoqué un tiers de confiance, à l'origine. La rédaction permet d'associer les personnes pertinentes, notamment les conseillers commerciaux. Notre rédaction reste ouverte.

Les entreprises agricoles sont aussi incluses. Je pense à une remarquable entreprise d'aquaculture au Vietnam.

Les salariés expatriés des entreprises françaises à l'étranger peuvent cotiser à la sécurité sociale française ; en revanche, nous parlons ici d'entreprises locales, soumises au droit local.

Des entreprises françaises reviennent de l'étranger. En les valorisant et en maintenant le lien avec la France, nous les intéresserons d'autant plus.

Concernant les inquiétudes sur les délocalisations, je fais confiance à l'éthique des comités locaux pour définir ceux qui participent au rayonnement de la France. Si la motivation initiale est celle de l'optimisation fiscale, ils sauront décider.

Mme Sophie Primas, présidente. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose que le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger comporte les dispositions relatives à la définition des entrepreneurs français à l'étranger, au recensement des entrepreneurs français à l'étranger et aux dispositifs de mise en valeur des entrepreneurs français à l'étranger.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Serge Babary, rapporteur. - L'amendement  COM-2 vise à étendre la définition de l'entrepreneur français à l'étranger, en revenant sur le critère de détention de 50 % du capital, qui n'est pas significatif de l'engagement des entrepreneurs. Je vous propose d'adopter cet amendement.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Serge Babary, rapporteur. - L'amendement  COM-3 prévoit que le comité d'identification n'est pas rattaché de manière automatique aux services économiques des ambassades. Il y va du respect du droit européen.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le Quai d'Orsay ne peut se laver les mains de tels types de démarche. J'ai conscience des problèmes de ressources humaines que cela implique, mais les services économiques ont aussi besoin d'une approche microéconomique. Le comité pourrait fonctionner sur le modèle des conseils consulaires, où le représentant de l'administration est le rapporteur, et tient donc la plume ; une telle expertise serait précieuse.

M. Serge Babary, rapporteur. - Nous sommes d'accord. Nous avons voulu respecter les exigences européennes et la demande du Quai d'Orsay. Il reste impliqué, puisqu'il va mettre en oeuvre le système.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je vais réfléchir à un amendement de séance.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 2

M. Serge Babary, rapporteur. - Adopter l'amendement  COM-1 rectifié ter impliquerait d'adresser un questionnaire à chacun de ces entrepreneurs. Certaines motivations sont personnelles, tout à fait intimes. Il n'y a pas d'intérêt à connaître la motivation première de leur choix. Avis défavorable.

L'amendement COM-1 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 3

M. Serge Babary, rapporteur. - L'amendement  COM-4 prévoit que le label n'est pas délivré de manière automatique, mais après sélection par un comité local ad hoc. Je vous propose d'adopter cet amendement.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. BABARY, rapporteur

2

Extension de la définition de l'entrepreneur français à l'étranger

Adopté

Article 2

M. BABARY, rapporteur

3

Recensement des entrepreneurs français à l'étranger par un comité d'identification, sans rattachement aux services économiques des ambassades.

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme PAOLI-GAGIN

1 rect. ter

Mise en place d'une collecte de données sur les raisons pour lesquelles un entrepreneur a créé une société à l'étranger en vue d'un rapport au Parlement donnant lieu à un débat sur la compétitivité de la France

Rejeté

Article 3

M. BABARY, rapporteur

4

Mise en place d'un label dédié aux entrepreneurs promouvant la marque France dans le cadre de leur activité professionnelle

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION
DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION
ET DE L'ARTICLE 44 bis
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 3(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie4(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte5(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial6(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 24 mai 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 391 (2022-2023) visant à reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives :

- à la définition des entrepreneurs français à l'étranger ;

- au recensement des entrepreneurs français à l'étranger ;

- aux dispositifs de mise en valeur des entrepreneurs français à l'étranger.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 2 mai 2023

- Direction générale du Trésor - Service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises : Mme Karine MAILLARD, cheffe du bureau FinInter4 (« Business France et partenaires de l'exportation »).

Mercredi 3 mai 2023

- Ministère des affaires étrangères - Direction de la diplomatie économique : Mme Caroline GONDAUD, sous-directrice chargée du commerce extérieur et de la coopération économique.

- Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France : MM. Alain TAIEB, conseiller du commerce extérieur, président de la société EFE International, Nicolas RETOURNARD, conseiller du commerce extérieur, président du groupe d'expertise EFE au sein de la commission Appui aux entreprises des conseillers du commerce extérieur, et Mme Marine GUYOT, chargée de mission Formation, mentorat, EFE International.

Mercredi 10 mai 2023

- CCI France International : MM. Arnaud VAISSIÉ, président de CCI France International, et Charles MARIDOR, délégué général de CCI France International et directeur général d'EFE International.

Vendredi 19 mai 2023

- Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères - Cabinet du ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger : Mmes Mariella CERIANI, conseillère spéciale, et Sarah FINKELSTEIN, directrice de cabinet adjointe.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Business France

- La French Tech

- Union des Français de l'étranger (UFE)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-391.html


* 1 Commission du commerce extérieur, du développement durable, de l'emploi et de la formation de l'Assemblée des Français de l'étranger, session des 5 au 9 octobre 2020.

* 2 Cité dans le rapport de la délégation aux entreprises du Sénat, 17 décembre 2020.

* 3 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 4 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 5 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 6 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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