LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
Les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Thierry Meignen, rapporteur spécial, sur la mission « Investir pour la France de 2030 ».
M. Thierry Meignen , rapporteur spécial sur la mission « Investir pour la France de 2030 » . - L'an dernier, la mission « Investissements d'avenir » est devenue « Investir pour la France de 2030 », à l'issue de l'adoption de la loi de finances initiale pour 2022.
Le Gouvernement avait décidé d'inscrire les crédits destinés au plan « France 2030 », au sein de la mission, par voie d'amendement, sans en changer l'architecture.
Pour mémoire, il s'agit de 34 milliards d'euros qui se sont ajoutés aux 20 milliards d'euros du programme d'investissement d'avenir (PIA) n° 4, qui avait été voté en loi de finances initiale pour 2021.
Les montants du PIA 4 et de France 2030 se sont donc additionnés : 54 milliards d'euros dédiés au financement de l'innovation pour faire de la France une terre d'excellence.
Quant aux logiques qui les sous-tendent, elles sont différentes et viennent se compléter : la logique portée par les PIA se situe en amont, car elle est axée sur la recherche et la conception de l'innovation ; et celle qui anime « France 2030 » se situe en aval car elle est plus axée sur la mise en oeuvre de l'innovation et l'industrialisation.
Rappelons que « France 2030 » cible trois priorités, celles de mieux vivre, mieux produire et mieux comprendre notre monde, qui renvoient à dix objectifs très concrets, tels que faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille, devenir le « leader » de l'hydrogène vert, ou encore produire de 2 millions de véhicules électriques et hybrides d'ici à 2030, et 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques.
En ayant intégré les crédits de « France 2030 » à la mission, en loi de finances initiale (LFI) pour 2022, la mission prend une toute nouvelle orientation qui est celle de soutenir l'ensemble du cycle de vie de l'innovation jusqu'à son déploiement industriel.
La mission comprend donc aujourd'hui trois programmes relevant du PIA 3. Ils rassemblent les crédits de paiement nécessaires à l'achèvement de ce plan, c'est-à-dire 369,5 millions d'euros en crédit de paiement (CP) en 2023.
Le PIA 3 a été lancé en 2017 avec une enveloppe globale de 10 milliards d'euros. L'ensemble du PIA 3 a été programmé et ne donne donc plus lieu à de nouvelles initiatives. Les derniers appels à projets ont été lancés en 2021, notamment dans le cadre de la crise sanitaire. Toutefois, des décaissements devraient avoir lieu jusqu'en 2028, c'est pourquoi, chaque année des CP sont inscrits sur le programme.
La mission comprend également deux programmes relevant du PIA4 qui ont donc intégré les crédits de « France 2030 ». Le premier est doté de 3,48 milliards d'euros en CP, en 2023. Il est consacré au financement des investissements stratégiques. Le second est un programme de soutien aux écosystèmes. Il est abondé de 2,23 milliards d'euros en CP pour 2023.
Vous remarquerez que je ne mentionne pas les autorisations d'engagement (AE) car cette mission présente la particularité d'avoir, en général, ses autorisations d'engagement consommées dans l'année de lancement du programme.
En 2023, la mission ne rassemble que 262,5 millions d'euros en AE contre 6,1 milliards d'euros en CP. Vous voterez donc sur les 369,5 millions d'euros en CP pour le PIA 3 et les 5,72 milliards d'euros en CP pour le PIA 4 incluant « France 2030 ».
Au total, la mission enregistre une réduction de 13,08 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, que je vais justifier. En effet, je retiendrai deux éléments saillants qui caractérisent le budget alloué en 2023 à la mission « Investir pour la France de 2030 » : un changement méthodologique de calibrage des CP ; une amélioration de la gouvernance des projets.
Je finirai mon propos par les perspectives d'avenir. On assiste à un calibrage plus fin du besoin en CP. Rappelons d'abord que les CP sont versés aux opérateurs qui sont au nombre de quatre, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Chaque opérateur reverse ses crédits aux bénéficiaires des projets sélectionnés. Le nouveau calibrage rapproche les trajectoires de CP de celles des décaissements réels aux lauréats. En termes simples, on budgète les CP qui donneront lieu à des décaissements dans l'année, au profit des lauréats des projets.
Le second élément à relever est la gouvernance des projets, tant en amont qu'en aval. En amont, la sélectivité des projets demeure l'ADN des PIA. Le PIA n'a jamais été un guichet. Bien au contraire, afin de garantir la meilleure sélection possible, le rôle de l'opérateur a été renforcé à chaque étape, que ce soit dès la phase de cadrage du projet, celle de son dépôt ou de la pré-sélection, et de la sélection. Toute logique verticale est bannie, ce qui est à saluer.
En aval, le suivi financier des projets est piloté par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), en lien avec les opérateurs. Des bilans d'étape sont effectués annuellement sur la base des remontées des lauréats sur les indicateurs qui ont été déterminés en phase de cadrage.
Un contrôle in itinere est désormais mis en oeuvre. Il est effectué en cours d'exécution et porte sur la réalisation des engagements contractuels, l'atteinte des jalons techniques et les perspectives de commercialisation. Des recommandations sur la prolongation ou l'arrêt du projet sont alors émises. Si le projet ne respecte pas les critères d'évaluation, l'arrêt du projet peut intervenir de manière anticipée et les financements réorientés vers de nouveaux besoins. On assiste alors à des redéploiements de crédits autorisés en loi de finances rectificative si la finalité de la dépense ou la nature est modifiée.
J'en viens aux perspectives d'avenir. La mission affiche un objectif ambitieux, celui de soutenir l'innovation tout au long de la chaine de valeur, de la recherche au déploiement. Elle dispose pour cela d'une enveloppe globale hors-normes de 54 milliards d'euros. Je ne reviendrai pas sur les circonstances de l'intégration des crédits de « France 2030 » à la mission : trois amendements lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2022. Nous avons eu peu temps pour en finaliser tous les aspects. Certes, il fallait faire vite. Le constat est encourageant : le programme dirigé d'investissements stratégiques du PIA 4 a déjà lancé 43 procédures de sélection depuis 2022. Ce sont 3,7 milliards d'euros qui ont été formellement engagés auprès de porteurs de projets, au 1 er septembre 2022. Quant au programme de soutien aux écosystèmes, sept appels à projets ont été lancés depuis 2022. Un montant de 1,5 milliard d'euros a été formellement engagé auprès de porteurs de projets, depuis 2021.
Les auditions nous ont démontré que le suivi des crédits par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) est rigoureux. Ce qui est en cause, ce n'est pas la gestion de ces crédits mais la lisibilité de l'information qui est donnée au Parlement afin qu'il exerce pleinement son droit de contrôle.
L'urgence a ses conséquences. Ce qui a été gagné en rapidité de mise en oeuvre a été perdu, vraisemblablement, en lisibilité. En effet, l'architecture actuelle de la mission est demeurée inchangée alors que la mission a changé d'orientation et de paradigmes. Elle n'offre donc pas la transparence des crédits que la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) est censée garantir. L'an dernier, je vous alertais sur nos capacités à suivre et contrôler les crédits des différents PIA. Je réitère mon propos.
Depuis le lancement des investissements d'avenir, nous rencontrons de grandes difficultés à retracer précisément l'emploi des fonds que nous votons annuellement.
Le lancement d'un quatrième programme PIA, alors même que le troisième programme n'était pas achevé avait complexifié l'analyse de la consommation des crédits. Cette complexité avait alors été dénoncée par la Cour des comptes. Vous comprendrez qu'elle s'est accrue avec l'ajout des crédits du Plan de « France 2030 » qui obéit à une toute autre logique que les PIA.
Si l'urgence a prévalu dans un premier temps au détriment de la lisibilité de la maquette, une réforme de cette dernière devrait être envisagée. Une organisation thématisée en trois programmes, correspondant aux trois priorités du plan « France 2030 », permettrait de mieux suivre la consommation des crédits. Les objectifs du plan deviendraient des actions, traitant, pour chaque thème, de l'ensemble de la chaine de valeur, allant de la recherche à la production.
Il serait tellement plus simple de savoir que nous votons pour 2 millions de véhicules électriques et hybrides d'ici à 2030 ou la production de 20 biomédicaments contre le cancer. Toutefois, je conviens qu'une telle refonte de la nomenclature et de la maquette ne peut pas être réalisée immédiatement car elle entraine une réforme du cadre juridique et budgétaire. Cela prend du temps.
C'est pourquoi il importe d'y réfléchir dès maintenant. Le changement de nom de la mission a été la première étape de cette nouvelle orientation. Le Gouvernement doit aller jusqu'au bout de sa logique. Si la marque « PIA » disparait au profit de celle de « France 2030 », cela doit se voir dans l'architecture de la mission. Par ailleurs, la refonte thématisée de la maquette, dans l'esprit de la Lolf, devrait être également accompagnée de la refonte de la maquette de performance.
C'est l'autre chantier à entreprendre dans les plus brefs délais. La mesure de la performance est perfectible. Les deux programmes qui portent l'enveloppe globale des 54 milliards d'euros du PIA 4 et de « France 2030 », ne font l'objet que de six objectifs et huit indicateurs de performance. Là encore, nous ne disposons pas des outils nécessaires à une évaluation complète de la mise en oeuvre des programmes.
Compte tenu des facteurs d'amélioration constatés, je vous propose d'adopter les crédits de la mission avec, cependant, les réserves que j'ai mentionnées, c'est-à-dire une l'amélioration attendue l'an prochain des mesures de la performance et la refonte thématisée de l'architecture de la mission, à court terme.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Ce qui m'inquiète, c'est que les observations sur cette mission pour 2023 sont quasiment identiques à celles formulées en 2022. Il s'agit tout de même d'un budget très important : 54 milliards d'euros. Je soutiens la demande de notre rapporteur d'essayer d'y voir plus clair et d'associer autrement le Parlement pour suivre et évaluer cette fusion entre les PIA et « France 2030 », opération sur laquelle le Gouvernement a largement communiqué. Il s'agit probablement, dans l'esprit de l'exécutif, d'une manière de passer outre les contraintes liées à la lenteur des procédures politiques et administratives ; il ne saurait pourtant être question de contourner le contrôle nécessaire et légitime du Parlement. Notre rapporteur spécial voit-il des pistes pour enjoindre le Gouvernement à modifier sa façon de procéder dans le cadre de ce PIA et de la mission « France 2030 » ?
M. Gérard Longuet . - Quelle est la définition de l'hydrogène vert ?
M. Michel Canévet . - Comment expliquer que les crédits de la mission - 262,5 millions d'euros en AE - soient aussi faibles ?
M. Claude Raynal , président . - J'ai tendance à considérer que nous ne verrons guère les réalisations de cette mission avant la fin. Le comité de suivi, dont nous faisons partie, se réunit une fois par an, ce n'est pas beaucoup... Tout au plus, pourrons-nous voir si quelques opérations auront réussi. Je ne rappellerai pas certains investissements du passé, comme le plan calcul, qui ont eu les succès que l'on sait ! La question n'est pas tant l'argent que la capacité à faire et à mener à bien les projets. Tout ce qui contribuera à améliorer l'évaluation et le suivi, en associant un regard extérieur, est bienvenu.
M. Emmanuel Capus . - À quoi correspondent les 500 millions d'euros prévus pour le nucléaire dans le cadre de la mission ? Je déplore par ailleurs l'absence de véhicules français fonctionnant au gaz naturel (GNV).
Mme Christine Lavarde . - Depuis des années, on observe un problème de gouvernance et un turn-over assez important au sein du SGPI. De plus, les crédits de la mission sont répartis entre quelques prestataires, comme la CDC, l'ANR ou l'Ademe, qui sont également gestionnaires délégués de certains programmes. Constatez-vous une professionnalisation parallèle à la hausse des crédits ?
M. Thierry Meignen , rapporteur spécial . - Nous n'en sommes qu'au tout début, Monsieur Husson. Nous posons les premiers pas. La refonte du dispositif va prendre du temps. Progressivement, nous pourrons davantage contrôler. On a toutefois gagné en souplesse et en efficacité. On regrettait l'an passé l'insuffisance des moyens de contrôle. Des progrès ont été faits en la matière.
Monsieur Longuet, la seule définition scientifique dont je dispose pour l'hydrogène vert est succincte. Celui-ci est produit à partir de l'électrolyse de l'eau, en faisant passer un courant électrique dans l'eau.
M. Gérard Longuet . - L'Europe hésite à reconnaître le nucléaire, dans sa taxonomie, comme une énergie verte. Or pour produire de l'hydrogène vert, on a besoin de quantités d'électricité considérables que seul le nucléaire peut produire ! J'aurais donc aimé que le Gouvernement précise sa conception de l'hydrogène vert.
M. Thierry Meignen , rapporteur spécial . - Monsieur Capus, les crédits sur le nucléaire concernent de petits réacteurs modulaires destinés à être utilisés à des fins médicales. Je n'ai pas de réponses sur le GNV.
Monsieur Canévet, les crédits que vous mentionnez correspondent à des crédits d'AE. Il s'agit du reliquat qui n'a pas encore été engagé. J'en profite pour préciser que la baisse de 13,08 % des crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 s'explique par un meilleur calibrage des CP.
Madame Lavarde, quatre organismes - l'Ademe, Bpifrance, la CDC et l'ANR - bénéficient des crédits de la mission : il leur appartiendra de reverser ces crédits aux bénéficiaires des projets sélectionnés. Le circuit est ainsi plus court, on y gagne en temps et en réactivité.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 ».
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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.