Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Sébastien MEURANT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 16

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

Rapporteur spécial : M. Sébastien MEURANT

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

I. UNE MISSION DONT LES CRÉDITS CONTINUENT D'AUGMENTER DANS UN CONTEXTE D'ABSENCE DE MAÎTRISE DES FLUX MIGRATOIRES

Après une année 2020 marquée par l'épidémie de COVID-19, la pression migratoire a repris sa tendance haussière en Europe et en France dès 2021. Comme l'indique le projet annuel de performance de la présente mission, « la pression migratoire demeure exceptionnellement élevée en Europe depuis 2015 ». En France, le nombre de demandes d'asile, après une baisse en 2020, est ainsi reparti à la hausse dès 2021 (+ 7 %, pour s'établir à 103 164 demandes). Le Gouvernement précise d'ailleurs dans le même document que « les contextes migratoire et géopolitique (évolution de la situation politique en Afghanistan, impact économique de la crise sanitaire dans les pays du Sud, effet de rattrapage des migrations stoppées par la crise sanitaire) permettent de penser que la tendance observée historiquement va se poursuivre » et que 135 000 demandes d'asile sont attendues en 2023. Le rapporteur spécial estime que l'augmentation pourrait en réalité être bien supérieure.

Dans ce contexte, les crédits de la mission augmentent de 5,9 % en CP (+ 112,6 millions d'euros) et de 34,2 % en AE (+ 681,4 millions d'euros) . Les crédits demandés pour l'ensemble de la mission s'élèvent ainsi à 2 675 millions d'euros en AE et 2 009 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si les deux programmes présentent des crédits en hausse tant en AE qu'en CP, le programme 303 « Immigration et asile » concentre la plus grande part des augmentations des AE (+ 575 millions d'euros), tandis que le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » regroupe la quasi-totalité de la hausse des CP (+ 106 millions d'euros).

La hausse des crédits inscrits au PLF 2023 pour la mission « Immigration, asile et intégration », qui fait suite à plusieurs années d'augmentation, traduit le caractère incontrôlable des dépenses de cette mission et en particulier des dépenses d'asile . Et ce, d'autant plus que les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent pas à la mission « Immigration, asile et intégration ». Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration était ainsi, selon le Gouvernement, de 6,4 milliards d'euros en 2020 et de 6,7 milliards d'euros en 2021 et en 2022. Il serait de 7,1 milliards d'euros en 2023 . En outre, ce coût n'inclut pas l'ensemble des dépenses : celles liées à l'aide médicale d'État, à l'hébergement d'urgence et à l'enseignement scolaire, ainsi qu'aux missions des forces de sécurité intérieure et à certaines dépenses des collectivités territoriales ne sont pas, ou pas totalement, intégrées dans les calculs.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une réduction du coût de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) de 36 % en 2023, pour s'établir à 314,7 millions d'euros. Cette prévision apparaît extrêmement optimiste . Elle supposerait notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) parvienne à diviser par deux ses délais de traitement en un an sans que ceux de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'augmentent, et que la hausse du nombre de demandeurs d'asile soit limitée, deux conditions qui apparaissent irréalistes. En outre, les personnes bénéficiant d'une protection en France dans le contexte du conflit en Ukraine sont éligibles à l'ADA, ce qui va augmenter son coût.

La mission est en effet marquée en 2022 et 2023, ainsi probablement que pour les années suivantes, par l'accueil en France de personnes déplacées du fait du conflit en Ukraine . En application de la décision UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 et de l'instruction ministérielle du 10 mars 2022 , ces personnes sont susceptibles de se voir protégées en France au titre du régime spécifique de la protection temporaire, dont il s'agit de la première application. Selon le projet annuel de performance de la mission, à la fin de l'été 2022, plus de 100 000 personnes avaient déjà obtenu ce statut en France , chiffre qui pourrait augmenter sensiblement. Cette protection temporaire représente un coût budgétaire potentiellement très conséquent puisqu'elle implique notamment, pour un nombre important de personnes, leur hébergement, en partie public, le bénéfice de l'ADA, la possibilité de présenter une demande d'asile, leur protection universelle maladie et, pour les mineurs, leur scolarisation.

Or, ni le projet annuel de performance de la mission, particulièrement lacunaire sur ce point, ni le document de politique transversale sur la politique française de l'immigration et de l'intégration ne fournit d'estimation précise des différents coûts de cet accueil des personnes fuyant le conflit en Ukraine. Le rapporteur spécial est même contraint de s'interroger sur leur prise en compte effective et entière dans les crédits demandés pour la présente mission.

II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS EN 2023 DUE POUR LA PLUS GRANDE PART À L'HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D'ASILE, MALGRÉ UN LÉGER RÉÉQUILIBRAGE DES CRÉDITS ENTRE LES DEUX PROGRAMMES À L'HORIZON 2025

Les dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en réalité très concentrées sur l'asile (instruction et conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile), puisque l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile » concentre à elle seule 71 % des AE et 63 % des CP demandés en 2023 .

Répartition des crédits de paiement demandés pour 2023 pour la mission

(en %)

Source : commission des finances

Il convient toutefois de noter qu'un rééquilibrage progressif est annoncé entre la part des crédits de la mission consacrée au programme 303 « Immigration et asile », principalement centré sur les dépenses d'asile, et celle dédiée au programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». En crédits de paiement, ce léger rééquilibrage est amorcé en 2023 .

Répartition des crédits de paiement de la mission par programme
de 2022 à 2025

À l'horizon 2025, à l'échelle de la mission, les AE de la mission baisseraient de 16,8% (- 333,9 millions d'euros) et les CP augmenteraient de 9,4 % (+ 177,4 millions d'euros) par rapport à 2022 . La baisse des AE est concentrée sur le programme 303, probablement en lien avec une baisse de l'effort en AE dédié à l'hébergement en matière d'asile. Le rapporteur spécial note qu'il s'agit là de prévisions du Gouvernement qui ne pourront être vérifiées que dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances successifs. En outre, la forte dynamique des demandes d'asile pourrait rapidement rendre ces prévisions caduques.

III. UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE EN ÉCHEC

La légère augmentation des dépenses directement liées à l'éloignement des migrants en situation irrégulière ne devrait pas permettre d'amélioration de la politique de lutte contre l'immigration illégale. Les crédits proposés dans ce domaine pour 2023 s'établissent à 44,7 millions d'euros en CP et en AE, soit une augmentation de 20,8 % par rapport aux crédits prévus pour 2022 (+ 7,6 millions d'euros). Cette hausse est toutefois bien trop faible et répond d'ailleurs pour une part importante aux conséquences de l'augmentation du prix des carburants sur le coût de l'éloignement. En 2023, les dépenses directement liées à l'éloignement des migrants en situation irrégulière représentent 1,65 % des AE et 2,2 % des CP de la mission.

Le volume de la dépense affectée à cette politique est en contradiction majeure avec l'objectif affiché par le président de la République de rendre effectives les mesures d'éloignement prononcées à l'encontre des étrangers en situation irrégulière . Ces crédits seront ainsi très insuffisants pour inverser la baisse constante, depuis plusieurs années, du taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Après avoir atteint 22 % en 2012, il a connu une forte baisse, ne dépassant plus le plafond des 15 % depuis 2016, et s'établissant à moins de 13 % en 2018 et en 2019. Son niveau est inférieur à 10 % depuis 2020 ; il s'établit à 6,0 % en 2021 et à 6,9 % pour la première partie de 2022. Ces chiffres portent une atteinte grave à la crédibilité du discours du gouvernement en la matière.

Évolution du taux d'exécution des OQTF (en %)

Source : commission des finances, d'après le ministère de l'intérieur

Réunie le mercredi 26 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 34 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial en ce qui concerne la mission « Immigration, asile et intégration ».

PREMIÈRE PARTIE
UNE MISSION DONT LES CRÉDITS CONTINUENT D'AUGMENTER SANS OFFRIR DE VISION GLOBALE DES DÉPENSES LIÉES À L'IMMIGRATION NI PERMETTRE UNE MAÎTRISE DES FLUX MIGRATOIRES

I. UNE MISSION, DONT LES CRÉDITS NE REPRÉSENTENT QU'UNE PART MINORITAIRE DES DÉPENSES LIÉES À L'IMMIGRATION ET QUI SOUFFRE D'UNE ABSENCE DE MAÎTRISE DES FLUX

A. UNE ABSENCE DE VISION D'ENSEMBLE DES DÉPENSES LIÉES À L'IMMIGRATION DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT ET EN PARTICULIER DANS LA PRÉSENTE MISSION

L'examen de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances s'effectue cette année encore dans un contexte marqué par l'absence de données fiables permettant d'évaluer clairement la situation migratoire de la France, ce qui réduit grandement la portée de cet examen.

Ce problème d'insuffisance de chiffres fiables et de sincérité de la part de l'exécutif est accentué par l'absence de consolidation des différents coûts de l'immigration.

Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent en effet pas à la mission « Immigration, asile et intégration ». Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration était ainsi de 6,4 milliards d'euros en 2020 et de 6,7 milliards d'euros en 2021 et en 2022. Il serait de 7,1 milliards d'euros en 2023.

En outre, ce coût, issu du document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au projet de loi de finances pour 2023, auquel contribuent 19 programmes répartis au sein de 13 missions budgétaires, ne prend en réalité en compte que les dépenses directes et orientées à titre principal vers les étrangers. Le coût des forces de sécurité intérieure, de l'hébergement d'urgence et de l'enseignement scolaire n'est par exemple que partiellement intégré.

Part des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration » par rapport à l'ensemble des crédits de la « Politique française
de l'immigration et de l'intégration » en 2023

(en %)

Source : commission des finances, d'après le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au présent projet de loi de finances

Le rapporteur spécial estime que certaines dépenses de l'État, comme celles relatives à l'aide médicale d'État (AME), intégralement destinées à des immigrés, pourraient être intégrées à la mission « Immigration, asile et intégration », afin d'apporter une vision davantage consolidée du coût réel de cette politique publique. Le rapporteur spécial de la mission « Santé » s'interrogeait d'ailleurs, en 2021 1 ( * ) , sur l'opportunité d'intégrer l'AME dans la mission « Immigration, asile et intégration » ; il posait déjà cette question en 2020, tout en précisant que cette prestation « constitue un facteur de croissance de l'immigration irrégulière » 2 ( * ) .

Il est regrettable, à cet égard, que le ministère de l'intérieur, pourtant chef de file de cette politique, ne soit pas en mesure d'apporter de réponse aux questions du rapporteur spécial 3 ( * ) relatives aux coûts de l'immigration supportés par les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

La difficulté d'accès aux données est cette année accentuée par le fait que seul un tiers des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial ont été transmises à la date limite du 10 octobre 2022 fixée par les dispositions organiques 4 ( * ) .

B. UNE REPRISE DES FLUX MIGRATOIRES DÈS 2021, APRÈS UNE ANNÉE 2020 PARTICULIÈRE MARQUÉE PAR L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19

1. Après une année 2020 marquée par l'épidémie de COVID-19, la pression migratoire a repris sa tendance haussière en Europe et en France dès 2021

Comme l'indique le projet annuel de performance de la présente mission annexé au projet de loi de finances pour 2023, « la pression migratoire demeure exceptionnellement élevée en Europe depuis 2015 ».

En 2020, la situation de crise sanitaire liée à la Covid-19 avait entrainé une baisse des flux migratoires à destination de la France et de l'Europe . Les restrictions sur les déplacements intérieurs et internationaux intervenus en France et en Europe ainsi que dans les pays de départ et de transit avaient concouru à cette diminution, notamment les restrictions sur les vols commerciaux. Les flux migratoires à destination des pays de l'Union européenne avaient ainsi diminué de moitié au premier semestre 2020 5 ( * ) . En Europe, les demandes d'asile avaient ainsi diminué de 33 % au cours des six premiers mois de 2020 par rapport à la même période en 2019, ce qui coïncidait avec la restriction des déplacements sur le continent pour endiguer la crise sanitaire 6 ( * ) . En 2020, l'Europe demeurait néanmoins la plus grande terre d'accueil de migrants internationaux en volume avec un total de 87 millions de migrants y vivant 7 ( * ) .

Cette situation était conjoncturelle et le retour progressif à une situation sanitaire maitrisée s'accompagne d'un retour progressif des flux migratoires à un niveau proche de celui d'avant-crise. En 2021, plus de 617 800 personnes ont demandé l'asile dans les États membres ou associés de l'Union européenne, « ce qui représente une augmentation d'un tiers par rapport à 2020 et un retour à la situation antérieure à la pandémie de Covid-19 » 8 ( * ) . En France, alors que 223 093 premiers titres de séjour avaient été délivrés en 2020, 270 925 l'ont été en 2021, soit une hausse de 21,4 % 9 ( * ) . Le nombre de demandes d'asile, après une baisse en 2020, est ainsi reparti à la hausse dès 2021 (+ 7 % avec 103 164 demandes). En outre, le projet annuel de performance de la mission « Immigration, asile et intégration » relève que « les contextes migratoire et géopolitique (évolution de la situation politique en Afghanistan, impact économique de la crise sanitaire dans les pays du Sud, effet de rattrapage des migrations stoppées par la crise sanitaire) permettent de penser que la tendance observée historiquement va se poursuivre ».

Outre les flux en eux-mêmes et les demandes d'asile, les autres volets de la politique migratoire ont également progressé en 2021, après un ralentissement en 2020. Les délivrances de visas ont augmenté de 2,9 % et les acquisitions de nationalité de 53,6 % par rapport à 2020 10 ( * ) . Les contrats d'intégration républicaine ont également été signés en plus grand nombre (109 000 CIR ont été signés en 2021, contre 78 764 CIR en 2020).

2. Des demandes d'asile qui ont repris leur progression en 2021 et devraient augmenter en 2022 et 2023

Les indicateurs sur la demande d'asile ont fait l'objet d'un changement de méthode de calcul en 2020. Le système d'information asile (SI Asile) a succédé à la source de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). La nouvelle méthodologie permet désormais de dénombrer, outre les demandes passant par l'Ofpra, les demandes en procédure Dublin « III » 11 ( * ) et les demandes déposées en guichet unique pour demandeur d'asile (Guda) mais jamais arrivées à l'Ofpra. Pour rappel, le règlement européen Dublin « III » prévoit qu'un seul État membre est responsable du traitement d'une même demande d'asile au sein de l'Union européenne. Les demandes d'asile concernées sont celles qui relèvent de la compétence d'un autre État membre, c'est-à-dire de migrants arrivés en Europe qui, après avoir enregistré cette demande dans un premier pays européen, la réitèrent dans un autre État membre de l'Union européenne. Ce nouvel indicateur donne ainsi une image plus fidèle de l'évolution du nombre de demandes d'asile à partir de 2018, année pour laquelle le nouveau périmètre est applicable.

Évolution du nombre de demande d'asile en France

Premières demandes

Réexamens et réouverture de dossiers clos

Total demandes d'asile

Évolution nombre demandes d'asile

2018

114 226

9 399

123 625

+ 22,7 %

2019

123 682

9 144

132 826

+ 7,4 %

2020

87 514

8 910

96 424

- 27,4 %

2021

89 256

13 908

103 164

+ 7,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'Ofpra

La baisse observée entre 2019 et 2020 revêt un caractère exceptionnel (- 27,4 %). En 2021, le nombre de demandes d'asile est ainsi reparti à la hausse pour s'établir à 103 164 demandes, soit une hausse de 7 %. À titre d'exemple, le nombre de demandes d'asile à Mayotte a augmenté de 64,3 % entre 2020 et 2021. La poursuite de la levée des restrictions sanitaires au cours des années 2021 et 2022 et les effets de rattrapage devraient accentuer cette hausse 12 ( * ) . Pour 2022, le Gouvernement anticipe 135 000 demandes d'asile en 2023.

Les décisions de protection rendues par l'Ofpra et la Cnda

En 2021, l'Ofpra et la Cour nationale du droit d'asile (Cnda) ont rendu 54 384 décisions de protection (octroi du statut de réfugié ou d'apatride, protection subsidiaire), contre 33 204 en 2020 (et 45 988 en 2019), soit une hausse de 63,8 %. 34 754 demandeurs d'asile se sont vu accorder le statut de réfugié (+ 72 % par rapport à 2020) et 19 630 demandeurs d'asile ont obtenu une protection subsidiaire (+ 51 % par rapport à 2020).

La majorité de ces décisions sont prises par l'Ofpra : 35 919 admissions ont été enregistrées en 2021 (66 % des décisions prises). 22 550 personnes protégées par l'Ofpra en 2021 se sont vu octroyer un statut de réfugié ou d'apatride (62,8 % des demandes acceptées) et 13 369 une protection subsidiaire (37,2 % des demandes acceptées). Le taux de protection de l'Ofpra augmente de deux points et s'établit à 25,9 %, en 2021.

La CNDA a quant à elle rendu en appel 18 465 décisions de protection en 2021 , contre 12 338 en 2020 (+ 49,7 %). La proportion de décisions d'octroi de la protection subsidiaire est comparable à celle observée pour l'Ofpra : 12 204 personnes se sont vues octroyer un statut de réfugié ou d'apatride (66 % du total) et 6 261 une protection subsidiaire (34 %) .

À l'issue des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, 52,7 % des demandeurs se sont vus accorder une protection en 2021 , contre 34,4 % en 2020 et 34,6 % en 2019.

Au total (décisions de l'OFPRA et de la CNDA), les trois principales nationalités concernées par la protection subsidiaire en 2021 sont les Afghans (57 % de l'ensemble des protections subsidiaires), les Syriens (14 %) et les Albanais (2,1 %). Le statut de réfugié a été octroyé principalement à des Afghans (20,5 % du total des statuts de réfugié), des Syriens (4,8 %), des Turcs (3,7 %), des Chinois (2,8 %) et des Russes (2 %).

Source : commission des finances, d'après l'Ofpra

3. Une immigration irrégulière très conséquente et un dispositif d'éloignement en échec

Malgré l'absence persistante de données officielles fiables relatives au nombre d'étrangers en situation irrégulière en France, certains indicateurs permettent d'appréhender la hausse structurelle de l'immigration irrégulière sur le territoire français.

Le nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État (AME) rend compte de cette dynamique de hausse, qui s'est accentuée en 2020, malgré le contexte sanitaire. Il s'établissait à 382 899 en 2020, soit une hausse de + 15 % par rapport à 2019. En 2021, il s'établit à 380 762 13 ( * ) , soit à un niveau quasiment identique à 2020 et supérieur de 147 % par rapport à 2004. Dans les réponses au questionnaire budgétaire, le ministère de l'Intérieur indique pour sa part que le nombre de bénéficiaires a augmenté de 2 % en 2021 par rapport à 2020 . Il convient de rappeler que cette aide est versée sous condition de résidence ininterrompue en France de trois mois, et que son taux de recours n'est pas connu, et ne peut donc donner qu'une image tronquée du nombre d'étrangers résidant en France en situation irrégulière, qui est certainement bien supérieur. Il est néanmoins possible que le contexte de crise sanitaire ait entrainé une hausse du taux de recours.

Évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performance successifs de la mission « Santé »

Dans le même temps, les retours forcés n'ont augmenté que de 10,8 % en 2021 par rapport à 2020, année durant laquelle ils avaient été très peu nombreux du fait du contexte sanitaire. Ils restent inférieurs de 46,7 % au nombre de retours forcés constatés en 2019, qui était déjà très faible .

Nombre de retours forcés exécutés

Source : commission des finances du Sénat, d'après le ministère de l'intérieur

Plus spécifiquement, les obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui constituent la majorité des mesures administratives d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, connaissent un taux d'exécution inférieur à 10 % depuis le début 2020 (voir infra ) ; il s'établit à 6,0 % en 2021 et à 6,9 % pour la première partie de 2022. Le rapporteur spécial estime que les mesures budgétaires prévues par le présent projet de loi de finances ne devraient pas permettre d'augmenter significativement leur nombre.

Évolution du nombre d'OQTF prononcées
et exécutées et de leur taux d'exécution (en %)

Source : commission des finances, d'après le ministère de l'intérieur

Par ailleurs, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la possibilité, pour les étrangers en situation irrégulière, de se voir délivrer, dans certains cas, une carte de séjour temporaire. En 2021, le nombre d'étrangers ayant ainsi bénéficié d'une régularisation s'établit à 31 129 14 ( * ) . Entre 2020 et 2021, ce chiffre a connu une hausse de plus de 15 % . Le nombre de délivrances de cartes de séjour temporaires a très fortement augmenté en 10 ans (+ 79 % entre 2010 et 2021).

Nombre d'admissions exceptionnelles au séjour

Source : commission des finances du Sénat, d'après le ministère de l'intérieur

C. UN ACCUEIL DES PERSONNES FUYANT LE CONFLIT EN UKRAINE QUI FAIT L'OBJET D'INFORMATIONS EXTRÊMEMENT LACUNAIRES AU SEIN DE LA PRÉSENTE MISSION

La directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 15 ( * ) prévoit la possibilité d'octroyer une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes qui fuient des zones de conflit ou de violences ou qui ont été victimes de violations systématiques ou généralisées des droits de l'homme. Cette directive poursuit un double objectif : éviter un effondrement des systèmes d'asile des États membres de l'Union européenne et assurer une protection « immédiate » des personnes déplacées.

Par une décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 16 ( * ) , le Conseil de l'Union européenne a constaté l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées et a introduit la protection temporaire dans l'Union européenne pour la première fois, dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine lancée par les forces armées russes, le 24 février 2022.

Dans ce cadre, les personnes déplacées et susceptibles de se voir protégées au titre de la protection temporaire sont libres d'accéder à l'État de l'Union de leur choix. En effet, la directive ne prévoit aucun mécanisme de détermination d'un État responsable de la protection temporaire, à l'inverse du système dit de « Dublin ».

La directive du 20 juillet 2001 ne prévoit pas de « procédure d'octroi » de la protection temporaire. Ce sont ainsi les États qui sont compétents pour déterminer les règles d'octroi de cette protection temporaire. En France, ces règles sont fixées par l'instruction INTV2208085J 17 ( * ) du 10 mars 2022 adressée aux préfets . Sont concernés par la protection temporaire :

- les ressortissants ukrainiens qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022 ;

- les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui bénéficient d'une protection internationale ou d'une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022 ;

- les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui établissent qu'ils résidaient régulièrement en Ukraine « sur la base d'un titre de séjour permanent en cours de validité délivré conformément au droit ukrainien et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d'origine dans des conditions sûres et durables » ;

- les membres de famille des personnes mentionnées dans les trois premiers cas et eux-mêmes déplacés d'Ukraine à partir du 24 février 2022, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils pourraient retourner dans leur pays ou région d'origine dans des conditions sûres et durables.

Si l'appréciation des conditions mentionnées soulève une difficulté, les préfectures peuvent s'appuyer sur la direction générale des étrangers en France (DGEF) qui peut solliciter, en tant que de besoin, l'OFPRA.

En application de l'instruction ministérielle susmentionnée, les bénéficiaires de la protection temporaire se voient remettre une autorisation provisoire de séjour d'une durée de 6 mois portant la mention « bénéficiaire de la protection temporaire ». Cette autorisation est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de validité de la décision du Conseil de l'Union européenne actionnant la protection temporaire . Il est demandé aux préfets de « veiller à ce que les bénéficiaires de la protection temporaire aient accès à un hébergement si elles n'en disposent pas à titre personnel », étant entendu que « les personnes bénéficiant de la protection temporaire n'ont pas vocation à être hébergées au sein du dispositif national d'accueil pour demandeurs d'asile dès lors qu'elles ne relèvent pas de ce statut ». Le document de politique transversale sur la politique française de l'immigration et de l'intégration précise que des places d'hébergement collectif dédiées ont été financées par le programme 303 en 2022.

En outre, les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent bénéficier de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) pendant la durée de leur protection s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources. Ils peuvent, sans délai à leur arrivée en France, être affiliés à la protection universelle maladie et se voir ouvrir un droit d'un an à la complémentaire santé solidaire. Ils sont éligibles aux aides personnalisées au logement . En outre, les bénéficiaires de la protection temporaire âgés de moins de 18 ans ont accès au système éducatif .

Par ailleurs, l'étranger bénéficiant de la protection temporaire peut demander à être rejoint par un membre de sa famille qui bénéficie de la protection temporaire dans un autre État membre de l'Union européenne et par un membre direct de sa famille non encore présent sur le territoire de l'Union européenne. La demande est adressée au préfet qui tient compte des capacités d'accueil dans le département et des motifs de nécessité et d'urgence invoqués par les intéressés.

Enfin, le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas la reconnaissance de la qualité de réfugié et ne fait pas obstacle à l'introduction d'une demande d'asile . L'étranger bénéficiaire de la protection temporaire qui sollicite l'asile reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l'instruction de sa demande. Si, à l'issue de l'examen de la demande d'asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n'est pas accordé à l'étranger bénéficiaire de la protection temporaire, celui-ci conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu'elle demeure en vigueur.

Le rapporteur spécial constate qu'il s'agit d'une évolution majeure du contexte migratoire pour la France pour 2022 et, probablement, pour les années suivantes .

Selon le projet annuel de performance de la mission Immigration, asile et intégration, « l'année 2022 a été marquée par l'arrivée massive de personnes fuyant le conflit en Ukraine, auxquelles les États membres de l'Union européenne ont accordé le statut de bénéficiaire de la protection temporaire. À la fin de l'été [2022], plus de 100 000 personnes avaient obtenu ce statut en France . »

Un tel flux de personnes, qui va augmenter, emporte des enjeux particulièrement importants, notamment en ce qui concerne l'hébergement de ces personnes, la satisfaction de leurs besoins élémentaires et leur accès au système de soins, l'accès à la scolarisation des mineurs, etc . Elle induit des enjeux budgétaires forts, notamment pour la présente mission.

Or le projet annuel de performance est extrêmement lacunaire sur le sujet et n'offre ni de vision globale des coûts associés à la protection temporaire de ces personnes ni leur ventilation . Par exemple, s'il précise que les personnes bénéficiant de la protection temporaire bénéficient de l'allocation pour demandeur d'asile, il n'en donne le coût ni pour 2022, ni pour 2023. S'il précise que la mission a financé en 2022 « des places d'hébergement collectif dont l'ouverture est apparue indispensable pour mettre à l'abri ces personnes », il n'en détaille ni la nature ni le nombre. Il énonce même à deux reprises que « compte tenu des incertitudes qui entourent le conflit et l'évolution des flux, les dépenses prévisionnelles correspondantes pour 2023 ne sont pas présentées ici », ce qui est pourtant l'objet de la documentation budgétaire. Le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » n'apporte pas beaucoup plus de précisions.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial estime que le Parlement n'est pas en situation de procéder à un vote éclairé sur les crédits de la mission. En outre, il y a lieu de s'interroger sur la bonne prise en compte des coûts de la protection temporaire dans les crédits demandés pour la présente mission.

II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS EN 2023 DUE POUR LA PLUS GRANDE PART À L'HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D'ASILE

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2023 PROBABLEMENT SOUS-ESTIMÉE ET SANS VISION CLAIRE POUR LA POLITIQUE D'IMMIGRATION, EN DÉPIT DE LA PRÉSENTATION DU PLUSIEURS PROJETS DE LOI QUI CONCERNENT L'IMMIGRATION

Le périmètre de la mission n'évolue pas pour 2023 . Il reste composé de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile » , qui porte les crédits de garantie du droit d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui porte les crédits d'intégration des étrangers primo-arrivants et des réfugiés, notamment la subvention à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et les subventions aux associations oeuvrant en la matière.

Les effectifs de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » ; il n'y a donc pas de dépenses de personnel sur les programmes 303 et 104 de la mission.

1. Des crédits en hausse notable de 5,9 % en crédits de paiement et de 34,2 % en autorisations d'engagement

Les crédits de la mission augmentent de 5,9 % en CP (+ 113 millions d'euros) et de 34,2 % en AE (+ 681 millions d'euros).

Si les deux programmes présentent des crédits en hausse tant en AE qu'en CP, le programme 303 « Immigration et asile » concentre la plus grande part des augmentations des AE (+ 575 millions d'euros), tandis que le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » regroupe la quasi-totalité de la hausse des CP (+ 106 millions d'euros).

Les crédits demandés pour l'ensemble de la mission s'élèvent ainsi à 2 675 millions d'euros en AE et 2 009 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

303 - Immigration et asile

AE

1 260,6

1 556,5

2 131,7

+ 575,2

+ 37,0 %

32,7

CP

1 364,2

1 459,5

1 465,9

+ 6,4

+ 0,4%

32,7

104 - Intégration et accès à la nationalité française

AE

443,1

436,9

543,1

+ 106,2

+ 24,3 %

81,8

CP

442,2

437,0

543,2

+ 106,2

+ 24,3 %

81,8

Total mission

AE

1 703,7

1 993,4

2 674,8

+ 681,4

+ 34,2 %

114,5

CP

1 806,4

1 896,5

2 009,2

+ 112,6

+ 5,9 %

114,5

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 303 « Immigration et asile » augmente de 37 % en AE (+ 575,2 millions d'euros) et de 0,4 % en CP (+ 6,4 millions d'euros) par rapport à 2022.

Évolution des crédits par action du programme 303

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

01 - Circulation des étrangers et politique des visas

AE

0,5

0,5

0,0

0,0 %

8,5

CP

0,5

0,5

0,0

0,0 %

8,5

02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

AE

1 394,2

1 897,2

+ 502,9

+ 36,1 %

11,3

CP

1 309,5

1 267,4

- 42,1

- 3,2 %

11,3

03 - Lutte contre l'immigration irrégulière

AE

156,1

205,5

+ 49,4

+ 31,7 %

44,7

CP

143,9

169,5

+ 25,6

+ 17,8 %

44,7

04 - Soutien

AE

5,7

28,5

+ 22,8

+ 401,8 %

3,3

CP

5,7

28,5

+ 22,8

+ 401,8 %

3,3

Total programme 303

AE

1 556,5

2 131,7

+ 575,2

+ 37,0 %

67,8

CP

1 459,5

1 465,9

+ 6,4

+ 0,4 %

67,8

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits accordés au programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » augmentent de 106,2 millions d'euros en CP et en AE, soit une progression de 24,3 %.

Évolution des crédits par action du programme 104

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

11 - Accueil des étrangers primo arrivants

AE

255,1

273,3

+ 18,2

+ 7,1 %

34,7

CP

255,1

273,3

+ 18,2

+ 7,1 %

34,7

12 - Intégration des étrangers primo-arrivants

AE

79,5

135,4

+ 56,0

+ 70,4 %

50,8

CP

79,5

135,4

+ 56,0

+ 70,4 %

50,8

14 - Accès à la nationalité française

AE

1,0

1,1

+ 0,1

+ 7,9 %

0,0

CP

1,1

1,1

+ 0,1

+ 6,7 %

0,0

15 - Accompagnement des réfugiés

AE

93,2

122,0

+ 28,7

+ 30,8 %

48,3

CP

93,2

122,0

+ 28,7

+ 30,8 %

48,3

16 - Accompagnement des foyers de travailleurs migrants

AE

8,1

11,3

+ 3,2

+ 39,1 %

0,0

CP

8,1

11,3

+ 3,2

+ 39,1 %

0,0

Total programme 104

AE

436,9

543,1

+ 106,2

+ 24,3 %

201,6

CP

437,0

543,2

+ 106,2

+ 24,3 %

201,6

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Plusieurs projets de loi qui concernent l'immigration ont été présentés, sans apporter à ce stade d'informations précises sur la trajectoire et la stratégie budgétaires à moyen terme

L'examen du budget pour 2023 s'opère, s'agissant de la mission Immigration, asile et intégration dans un contexte législatif nourri . En effet, outre le projet de loi de finances pour 2023, d'autres projets de loi déposés ou qui devraient prochainement l'être concernent l'immigration.

Dans sa version initiale, l'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 présente notamment l'évolution des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration » pour les trois prochaines années, qui seraient de 2,0 milliards d'euros en 2023 et de 2,1 milliards d'euros en 2024 et 2025. Cette information n'en est toutefois pas vraiment une puisque le projet annuel de performance de la présente mission est plus précis : il indique que les crédits de paiement devraient être de 2,058 milliards d'euros en 2024 et de 2,073 milliards d'euros en 2025. En outre, elle est, par nature, très générale puisqu'elle n'est pas ventilée par programmes et actions.

Par ailleurs, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (dit « LOPMI »), déposé le 7 septembre 2022 au Sénat prévoit, dans sa version initiale, en son article 2, une trajectoire budgétaire à l'horizon 2027 pour les dépenses du ministère de l'Intérieur, sans les ventiler par mission (Immigration, asile et intégration, Sécurités, Administration générale et territoriale de l'État, etc .). Il en résulte qu'aucune information précise ne peut en être tirée à ce stade s'agissant de la présente mission. Par ailleurs, le rapport annexé au projet de loi et dont l'approbation est prévu à l'article 1 er ne traite quasiment pas du sujet de l'immigration , alors même que le périmètre de la loi concerne l'ensemble du ministère de l'Intérieur. Le mot « immigration » n'y apparaît ainsi que sept fois, tandis que le mot « asile » n'y figure pas.

Enfin, si un projet de loi concernant l'immigration est annoncé pour un examen début 2023, son contenu précis reste à être dévoilé.

Au final, si quatre projets de loi en cours d'examen ou à venir prochainement touchent à l'immigration, il apparaît qu'à ce jour, aucune stratégie budgétaire à moyen terme n'apparaît clairement concernant l'immigration.

B. DES CRÉDITS TOUJOURS LARGEMENT DESTINÉS À L'ASILE, EN DÉPIT D'UN POTENTIEL TRÈS LÉGER RÉÉQUILIBRAGE À L'HORIZON 2025 AU PROFIT DE L'INTÉGRATION

Les dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en réalité très concentrées sur l'asile (instruction des demandes et conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile), puisque l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile » concentre à elle seule 71 % des AE et 63,1 % des CP demandés pour 2023 .

Par ailleurs, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), dont les dépenses dépendent également du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », concourt aux missions relatives à l'asile (guichet unique d'accueil des demandeurs d'asile et d'information des demandeurs d'asile, gestion du plan « Migrants », gestion de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA), frais de transport et frais d'interprétariat pour les demandeurs d'asile, etc.).

Répartition des crédits de paiement demandés pour 2023 pour la mission

(en %)

Source : commission des finances

Il convient toutefois de noter qu'un rééquilibrage progressif est annoncé entre la part des crédits de la mission consacrée au programme 303 « Immigration et asile », principalement centré sur les dépenses d'asile, et celle dédiée au programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». Il ne s'agit toutefois que de simples prévisions affichées.

S'agissant des AE, alors qu'en 2022, 78,1 % des AE étaient concentrés sur le programme 303, ce taux s'établirait à 65,2 % en 2025. Toutefois, en 2023, la part des AE du programme 303 augmente, pour atteindre 79,7 %, contre 78,1 % en 2022. Cette évolution s'explique par les AE consacrées à l'asile (action n°2 du programme 303) en hausse par rapport à 2022 (+ 503 millions d'euros) ; les dépenses d'asile représentent, en 2023, 70,9 % des crédits de la mission, contre 69,9 % en 2022. Cette évolution entre 2022 et 2023 s'explique par une augmentation significative des AE consacrées à l'hébergement des demandeurs d'asile . L'effort se réduirait ensuite en 2024 et en 2025.

Répartition des AE de la mission par programme en 2022, 2023 et 2025

Source : commission des finances

Le rééquilibrage entre les deux programmes est beaucoup plus limité en crédits de paiements, à l'horizon 2025 . Alors qu'en 2022, 77,0 % des CP de la mission relevaient du programme 303, ce taux baisserait d'ici 2025 à 72,2 %. En 2023, le programme 303 concentre 73,0 % des crédits de paiement, cette baisse par rapport à 2022 s'expliquant par la hausse des CP consacrés au programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » de 106 millions d'euros (au bénéfice de l'intégration des immigrés) , contre 6,4 millions d'euros pour le programme 303.

Répartition des crédits de paiement de la mission par programme
de 2022 à 2025

Source : commission des finances

À l'horizon 2025, à l'échelle de la mission, les AE baisseraient de 16,8 % (- 333,9 millions d'euros) et les CP augmenteraient de 9,4 % (+ 177,4 millions d'euros) par rapport à 2022. En 2025, les AE s'établiraient à 1,66 milliard d'euros, contre 1,99 milliard d'euros en 2022 et les CP s'établiraient à 2,07 milliard d'euros, contre 1,90 milliard d'euros en 2022. La baisse des AE est concentrée sur le programme 303, en lien avec une baisse de l'effort en AE prévue en faveur de l'hébergement en matière d'asile. Le rapporteur spécial note qu'il s'agit là de prévisions du Gouvernement qui ne pourront être vérifiées que dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances successifs et qui apparaissent très difficilement compatibles avec la dynamique des flux migratoires, à laquelle s'ajoute la protection temporaire des personnes fuyant le conflit en Ukraine.

SECONDE PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE » : DES DÉPENSES D'ASILE QUI CONTINUENT D'AUGMENTER ET UNE POLITIQUE D'ÉLOIGNEMENT DÉFICIENTE

A. LA POURSUITE DE LA HAUSSE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ASILE

En 2023, les dépenses d'asile, regroupées au sein de l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile », continuent de concentrer l'essentiel des dépenses de la mission. Elles représentent 70,9 % des AE et 63,1 % des CP de la mission.

En 2023, les AE de cette action sont en hausse de 36,1 % (+ 502,9 millions d'euros), tandis que les CP baissent légèrement, de 3,2 % (- 42,1 millions d'euros). La hausse des AE est très largement destinée à l'hébergement des demandeurs d'asile, tandis que la baisse des CP est liée à la baisse prévue de la dotation consacrée à l'allocation pour demandeur d'asile, baisse que le rapporteur spécial n'estime d'ailleurs pas réaliste.

La plus grande part des dépenses d'asile de la mission concerne l'hébergement des demandeurs (77,5 % des AE et 66,3 % des CP de l'action en 2023). Les dépenses d'allocation pour demandeur d'asile (ADA) représentent quant à elles 16,6 % des AE et 24,8 % des CP de l'action.

1. La poursuite du développement du parc d'hébergement des demandeurs d'asile

En 2023, la dynamique de création de places d'hébergement pour les demandeurs d'asile se poursuit avec un total de 4 900 places créées (2 500 en CADA 18 ( * ) , 1 500 en CAES 19 ( * ) et en 900 HUDA 20 ( * ) ). En outre, différentes conventions pluriannuelles en matière d'hébergement sont renouvelées, avec un coût budgétaire important en AE. Au total, les crédits dédiés à l'hébergement des demandeurs d'asile augmentent de 77,7 % en AE (+ 643 millions d'euros) et de 13,2 % en CP (+ 98,0 millions d'euros) en 2023 par rapport à 2022, pour atteindre respectivement 1 470,3 millions d'euros et 840,6 millions d'euros.

Par ailleurs, les 2 194 places financées par le plan France Relance jusqu'au 31 décembre 2022 sont pérennisées et les crédits associés intégrés dans la mission « Immigration, asile et intégration ». 986 places relèvent des CAES qui hébergent des demandeurs d'asile et 1 208 places des CPH 21 ( * ) , qui hébergent des réfugiés (programme 104).

Au total, le parc d'hébergement pour demandeurs d'asile pourrait représenter 108 814 places en 2023.

Répartition des autorisations d'engagement par type d'hébergement
des demandeurs d'asile en 2023 (action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile »)

a) Une forte hausse des crédits en faveur de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile

Le dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) désigne la totalité du parc d'hébergement d'urgence dédié, principalement, aux demandeurs d'asile en procédure accélérée et sous procédure Dublin.

Ce parc est composé de différents dispositifs, à savoir : les hébergements d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) à gestion déconcentrée ; les hébergements du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile (PRAHDA), les centres d'accueil et d'orientation (CAO), des places de « halte de nuit » créées à Paris en 2019 pour des familles en demande d'asile, ainsi que des nuitées hôtelières à titre transitoire.

Les crédits affectés à l'hébergement d'urgence étaient en diminution de 2019 à 2021. Pour 2022, les AE avaient augmenté de 95 % en raison de la reconduction du PRAHDA pour 5 ans.

En 2023, les crédits demandés augmentent de 105,3 % en AE (+ 456,5 millions d'euros, soit 67 % de la hausse des AE de la mission en 2023). Cette hausse est principalement liée cette année au renouvellement pour trois ans des conventions pluriannuelles de l'HUDA. Elle couvre, en outre, la création de 900 nouvelles places en outre-mer et la transformation de 110 places d'HUDA en CADA en Pays-de-la-Loire, ainsi que la revalorisation du coût cible journalier (entre 1,5 et 1,75 euros supplémentaires par jour et par place) afin de prendre en compte, selon le projet annuel de performance de la mission « la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de 183 euros nets par mois annoncée par le Premier ministre lors de la conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social du 18 février 2022, ainsi que les conséquences de l'inflation, en particulier pour les dépenses d'énergie et de fluides ».

Les crédits demandés au titre de l'HUDA s'élèvent à 890,0 millions d'euros en AE et à 395,0 millions d'euros en CP (en hausse pour leur part de 12,4 %) . Cette évolution fait craindre un niveau de demande d'asile à attendre en 2023 élevé ; ces crédits pourraient, en outre, se révéler insuffisants, comme en 2018 et 2019.

b) Une forte hausse également des crédits dédiés aux centres d'accueil et d'examen des situations

Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) proposent un premier accueil aux personnes migrantes , d'où elles débutent leurs démarches administratives, avec une durée d'hébergement fixée à un mois.

Lancés en 2018, leur capacité d'accueil est en hausse constante. Fixée à 2 986 places en 2018, elle devrait atteindre 6 122 places à fin 2023, avec la création de 1 500 places supplémentaires l'année prochaine et la pérennisation des 986 places financées dans le cadre du plan de relance de 2021 à 2022, dont les crédits associés sont intégrés dans la mission « Immigration, asile et intégration ». Ces nouvelles places doivent permettre, selon le projet annuel de performance de la mission « d'accompagner le déploiement par paliers de l'orientation régionale, qui permettra à terme d'orienter 2 500 demandeurs d'asile par mois depuis l'Île-de-France vers les autres régions du territoire. »

Le présent projet de loi de finances prévoit le financement des CAES à hauteur de 202,1 millions d'euros en AE et de 67,3 millions d'euros en CP en 2023, en hausse respective de 321,3 % et de 49,0 % en CP. La hausse est liée d'une part à la création de places supplémentaires et, d'autre part, au rehaussement du coût cible journalier (26,5 euros contre 25 euros hors Ile-de-France et 33,5 euros au lieu de 32 euros en Ile-de-France) afin de prendre en compte la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de 183 euros nets par mois et les conséquences de l'inflation 22 ( * ) .

c) Une augmentation des crédits dédiés aux centres d'accueil pour demandeur d'asile

Les centres d'accueil pour demandeur d'asile (CADA) sont des structures spécifiques d'hébergement à destination des demandeurs d'asile . Ils constituent leur principale solution d'accueil, en leur proposant, outre l'hébergement, des prestations d'accompagnement social et administratif. Leur nombre est en augmentation constante : il s'élève à plus de 360 centres en 2022. Plus de 23 000 places ont été créées depuis 2013.

Dans un contexte de hausse constante de la demande d'asile, l'État a engagé un effort soutenu de développement de la capacité d'hébergement des CADA. Le présent projet de loi de finances prévoit l'ouverture de 378,3 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 32,4 millions d'euros par rapport à 2022 (+ 9,4 %).

En 2023, cette dotation permettra le financement du parc, qui sera étendu à 49 242 places après la création de 2 500 places supplémentaires et la transformation de 110 places d'HUDA en CADA dans les Pays-de-la-Loire. Les places seront financées à un coût cible journalier rehaussé de 21 euros (au lieu de 19,50 euros) afin de prendre en compte la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de 183 euros nets par mois et les conséquences de l'inflation 23 ( * ) .

2. Une dynamique de création de places d'hébergement qui ne suffit pas à optimiser la prise en charge des demandeurs d'asile, témoignant d'une dynamique insoutenable de l'asile en France

Les efforts budgétaires toujours plus importants consacrés à la création de places d'hébergement des demandeurs d'asile ont pour objectif d'optimiser leur prise en charge, tant du point de vue de leurs besoins essentiels (hébergement, alimentation, etc .) que concernant leur accompagnement social et pour la procédure de demande d'asile.

Or, en dépit de l'augmentation significative du nombre de places d'hébergement, la part des demandeurs d'asile hébergés à titre gratuit demeure faible. Elle est de 58 % en 2021 pour un objectif qui avait été fixé par le Gouvernement à 65 %. Ce résultat est d'autant plus décevant que le nombre de demandeurs d'asile s'était temporairement réduit en 2020.

Par ailleurs, la part des places occupées par des personnes qui ne devraient pas ou plus y séjourner 24 ( * ) se maintient à 16 % en 2021, contre un objectif de 12 %.

Ces éléments témoignent du fait que la dynamique d'asile apparaît insoutenable tant s'agissant des enjeux budgétaires que des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.

B. UNE RÉDUCTION PRÉVUE DES DÉPENSES D'ALLOCATION POUR DEMANDEUR D'ASILE EN 2023 EXCESSIVEMENT OPTIMISTE

1. L'ADA : une aide financière allouée aux demandeurs d'asile

Créée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile 25 ( * ) , l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) est versée aux demandeurs d'asile d'au moins 18 ans pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande , y compris en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile (Cnda). Cette allocation est familialisée et versée à l'ensemble des demandeurs d'asile dès lors qu'ils ont accepté l'offre de prise en charge qui leur a été présentée lors de leur admission au séjour . Les demandeurs d'asile relevant des dispositions du règlement Dublin peuvent également percevoir l'ADA jusqu'à leur transfert effectif vers l'État membre responsable de l'examen de leur demande. En outre, les personnes bénéficiant de la protection temporaire au titre du conflit en Ukraine peuvent également percevoir l'ADA 26 ( * ) . La gestion de l'ADA est assurée par l'Ofii.

Son montant varie en fonction de la composition familiale, des ressources de la famille et du besoin et des modalités d'hébergement. Il est de 6,8 euros par jour pour une personne seule. Il augmente de 3,4 euros par membre de la famille supplémentaire. Le montant supplémentaire, si aucune place d'hébergement n'a été proposée au demandeur, est de 7,4 euros (ce montant est identique que le demandeur soit seul ou qu'il ait une famille). Ainsi, le montant mensuel pouvant être versé à un demandeur d'asile seul, s'il ne s'est pas vu proposer de place d'hébergement, est de 432 euros mensuel.

Montants journaliers de l'ADA, en fonction de la composition familiale
et du département d'enregistrement de la demande

Composition familiale

Métropole

Guyane/Saint-Martin

1 personne

6,80 €

3,80 €

2 personnes

10,20 €

7,20 €

3 personnes

13,60 €

10,60 €

4 personnes

17,00 €

14,00 €

5 personnes

20,40 €

17,40 €

6 personnes

23,80 €

20,80 €

7 personnes

27,20 €

23,20 €

8 personnes

30,60 €

27,60 €

9 personnes

34,00 €

30,00 €

10 personnes

37,40 €

34,40 €

Source : commission des finances, annexe 8 de la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)

2. Une réduction anticipée du coût de l'ADA en 2023 qui apparaît excessivement optimiste, en dépit de l'amélioration des délais de traitement des demandes par l'Ofpra
a) Un raccourcissement observé des délais de traitement des demandes d'asile par l'OFPRA, dans un contexte de réduction temporaire de ces dernières en 2020 et de moyens humains en hausse,...

L'Ofpra est l'office chargé, en première instance, d'accorder ou non la protection de la France aux demandeurs d'asile qui la sollicitent. Établissement public administratif de l'État placé sous la tutelle du ministre de l'intérieur depuis 2010, il bénéficie de l'indépendance fonctionnelle. Son financement est assuré presque intégralement par une subvention pour charges de service public versée par le ministère.

En 2020, les subventions accordées à l'Ofpra avaient augmenté de près de 30 % et ses effectifs de 200 ETPT, en cohérence avec l'objectif de réduction des délais de traitement des demandes. La subvention s'établira en 2023 à 103,5 millions d'euros, en hausse de 11 % par rapport à 2022, tandis que 8 ETPT seront créés, pour atteindre 1 011 ETPT, tous rémunérés par l'opérateur. La hausse des moyens budgétaires de l'Ofpra en 2023 vise à faire face à l'augmentation des dépenses, aux conséquences de l'inflation et à permettre la mise en place de mesures visant à réduire le taux de rotation des officiers de protection, qui grève la performance de l'établissement. Au cours du second semestre 2022, une antenne de l'Ofpra entrera en service à Mamoudzou (Mayotte), afin de traiter spécifiquement, conformément au décret n° 2022-211 du 18 février 2022, la demande d'asile enregistrée à Mayotte, sur le même modèle que l'antenne de Cayenne, qui traite des demandes d'asile déposées en Guyane.

Évolution des moyens accordés à l'Ofpra (subvention), en millions d'euros

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2020, l'activité de traitement des demandes par l'Ofpra avait été très affectée par la mise en place de restrictions sanitaires, les périodes de confinement et par la réduction du flux de demandes. Alors qu'en 2019, l'Ofpra avait rendu 120 634 décisions, seules 89 774 ont été rendues par lui en 2020, soit une baisse de 25,6 %.

Dans un contexte d'une levée progressive des restrictions sanitaire et de moyens humains et budgétaires en hausse, l'Ofpra a rendu 139 810 décisions en 2021, soit 55,7 % de plus qu'en 2020 et 15,9 % de plus qu'en 2019 . Il en résulte une baisse du délai moyen de traitement des demandes d'asile par l'Ofpra , qui est passé de 262 jours en 2020 à 140 jours en août 2022 , soit un niveau comparable à 2018.

Cette amélioration du délai moyen de traitement se poursuivrait selon le projet annuel de performance de la mission, pour s'approcher de 100 jours fin 2022 et viser l'objectif, fixé par le Président de la République, de 60 jours, en 2023 . Par ailleurs, le nombre relativement élevé de décisions de l'Ofpra en 2021 a permis de réduire les stocks de dossier pendants et donc l'âge moyen des dossiers, qui s'établit à 176 jours en 2021. Enfin, il est prévu une hausse des décisions rendues par l'Ofpra, qui s'établiraient à 150 000 en 2022.

b) ...qui ne suffit pas à justifier la baisse prévue de la dotation au titre de l'ADA en 2023, laquelle est exagérément optimiste

La dotation au titre de l'ADA (hors frais de gestion) est réduite pour 2023 à 314,7 millions d'euros en AE et en CP, en diminution de 36 % (- 176,3 millions d'euros), par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 (qui prévoyait une dotation de 491 millions d'euros, en incluant la provision de 20 millions d'euros pour couvrir un éventuel dépassement).

L'explication donnée à cette réduction importante annoncée des dépenses d'ADA tient dans le raccourcissement du délai moyen de traitement des demandes d'asile, qui a un effet mécanique sur le coût de l'ADA , laquelle est ainsi versée sur une moins longue période à chaque demandeur.

Le rapporteur spécial estime toutefois que la prévision du Gouvernement s'agissant de la dotation au titre de l'ADA est excessivement optimiste. En effet, plusieurs risques importants pèsent sur elle.

En premier lieu, le raccourcissement prévu du délai moyen de traitement des dossiers par l'Ofpra dont dépend la baisse du coût de l'ADA apparaît extrêmement ambitieux puisqu'il suppose de le réduire de 140 jours en août 2022 à 60 à fin 2023, soit plus de deux fois moins . Or, rien ne permet de penser qu'une telle accélération soit possible ; elle n'a jamais eu lieu dans le passé. En outre, si le délai moyen a été réduit en 2021 et 2022 par rapport à 2020, c'est non seulement grâce à la hausse des effectifs et de l'efficacité de l'Ofpra mais aussi, et peut-être surtout, en raison du fait que le nombre de demandes d'asile a été réduit en 2020, contribuant moins qu'à l'accoutumée à la hausse du stock de dossiers. Or, la reprise de la hausse des demandes d'asile en 2021, 2022 et 2023 constituera un obstacle majeur pour réduire, voire même pour maintenir, le délai moyen de traitement des demandes. Pour mémoire, en 2021, le nombre de demandes d'asile est ainsi reparti à la hausse pour s'établir à 103 164 demandes, soit une progression de 7 %. La poursuite de la levée des restrictions sanitaires au cours des années 2021 et 2022 et les effets de rattrapage devraient accentuer cette hausse. Le Gouvernement anticipe d'ailleurs 135 000 demandes d'asile en 2023, chiffre probablement sous-estimé.

En deuxième lieu, les conséquences de l'accueil d'un nombre élevé de personnes fuyant le conflit en Ukraine pourraient compliquer la tâche de l'Ofpra . En effet, les personnes sollicitant ou ayant obtenu la protection temporaire 27 ( * ) peuvent également demander l'asile en France, ce qui devrait augmenter le nombre de dossiers à traiter par l'Ofpra. En outre, dans la procédure d'octroi de la protection temporaire, les préfectures peuvent solliciter indirectement l'Ofpra pour les assister dans la prise de décision, ce qui augmentera leur charge de travail.

En troisième lieu, le délai de traitement des demandes d'asile ne dépend pas que de l'Ofpra puisque la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) traite des recours contre ses décisions . Durant la période de recours, l'ADA continue à être versée. Or si la CNDA a augmenté le nombre de ses décisions en 2021 de 63 % pour retrouver un niveau d'activité comparable à 2019, elle n'a pas réduit son délai moyen de traitement des demandes puisqu'elle a fait face à un nombre élevé de recours sur les décisions elles-mêmes plus nombreuses de l'Ofpra. L'augmentation des demandes d'asile en 2021, 2022 et 2023, devrait donc conduire à un rallongement du délai moyen de traitement des demandes par la CNDA.

En quatrième lieu, l'incapacité de l'État à assurer l'application systématique du règlement « Dublin » contribue au dérapage systématique des dépenses d'ADA. En effet, si le nombre de transferts de demandeurs d'asile réalisés vers des pays européens était en progression jusqu'au début de la crise sanitaire (de 12 % en 2018 à 19 % en 2019) ce dernier diminue depuis 2020. Il s'est ainsi élevé à 17 % en 2020, en raison des transferts suspendus pendant le premier confinement, puis de la reprise modérée qui a suivi avec les restrictions de circulation. En 2021, le taux de transfert a baissé, à 16 %, alors que le nombre d'enregistrements sous procédure Dublin est plus soutenu qu'en 2020. En 2022, le Gouvernement s'était fixé la cible, déjà très faible, de 20 % de transferts. Celle-ci ne sera pas atteinte et est ramenée à 16 %, soit 3 600 transferts. Le rapporteur spécial estime que des mesures de retrait systématique de l'ADA aux personnes qui ne coopèrent pas à la mise en oeuvre de leur transfert dans un pays de l'Union européenne doivent être prises de manière ferme. Plus largement, il estime que ce faible taux de transfert traduit l'impuissance de l'Union européenne en matière migratoire.

Dans ces conditions, le rapporteur spécial estime que la dotation prévue pour 2023 au titre de l'ADA est encore davantage sous-estimée que les années précédentes.

C. UNE HAUSSE LARGEMENT INSUFFISANTE DES CRÉDITS DESTINÉS À LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

L'action 03 du programme 303 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière finance trois principaux postes :

- les dépenses de fonctionnement des centres et locaux de rétention administrative et zones d'attente ;

- les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière ;

- diverses subventions aux associations chargées du suivi sanitaire, social et juridique des étrangers retenus .

Elle voit ses crédits augmenter de 31,7 % en AE (+ 49,4 millions d'euros) et de 17,8 % en CP (+ 25,6 millions d'euros) en 2023, pour s'établir à 205,5 millions d'euros en AE et 169,5 millions d'euros en CP.

1. Une politique d'éloignement des migrants en situation irrégulière en échec

La hausse des crédits de l'action 3 du programme 303 en 2023 ne se répercute qu'à 15,4 % en AE et 29, 7 % en CP sur les dépenses directement liées à l'éloignement des migrants en situation irrégulière , soit une hausse de 7,6 millions d'euros en AE et en CP (+ 20,8%), pour atteindre 44,1 millions d'euros. En outre, la hausse de ces crédits directement liés à l'éloignement des migrants en situation irrégulière répond pour une part importante aux conséquences de l'augmentation du prix des carburants sur le coût de l'éloignement, notamment par avion.

En 2023, les dépenses directement liées à l'éloignement des migrants en situation irrégulière représentent 21,5 % des AE et 26,0 % des crédits de l'action et 1,65 % des AE et 2,2 % des CP de la mission .

Part des crédits de paiement directement dédiés à l'éloignement des migrants
en situation irrégulière en 2023 au sein de la mission

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ces dépenses portent sur l'organisation des procédures d'éloignement par voie aérienne et maritime des étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement dont la mise en oeuvre revient à la police aux frontières (PAF) : principalement les frais de billetterie centrale (avions commerciaux, trains et bateaux), les coûts des aéronefs de type Beechcraft (19 places) et Dash, et les dépenses locales de déplacement supportés par la police notamment.

En n'augmentant pas significativement les dépenses d'éloignement, le présent projet de loi de finances traduit l'absence de volonté réelle du gouvernement sur ce sujet. Ainsi, depuis 2015, les dépenses d'éloignement n'ont connu aucune augmentation significative et oscillent entre 30 et 45 millions d'euros.

Le volume de la dépense affectée aux reconduites à la frontière et sa dynamique apparaissent largement insuffisants dans un contexte de hausse de l'immigration irrégulière et d'une efficacité déclinante de la politique de renvoi.

Ainsi, le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui constituent la quasi-totalité des mesures d'éloignement prononcées 28 ( * ) , est en baisse constante depuis plusieurs années. Après avoir atteint 22 % en 2012, il a connu une forte baisse, ne dépassant plus les 15 % depuis 2016, et atteignant moins de 13 % en 2018 comme en 2019. Son niveau est inférieur à 10 % depuis 2020. Il s'établit à 6,0 % en 2021 et à 6,9 % pour la première partie de 2022 29 ( * ) .

Cette stagnation des crédits est d'autant plus surprenante que le président de la République a réaffirmé dans le courant de l'été 2021 l'objectif d'augmenter significativement l'effectivité des mesures d'éloignement.

Le rapporteur spécial regrette la dichotomie entre le nombre croissant de personnes déboutées, lié au nombre croissant de demandes, et la faiblesse des crédits affectés à la lutte contre l'immigration irrégulière.

2. Une hausse des crédits en réalité concentrée sur les dispositifs de préparation au retour et les dépenses de fonctionnement des centres de rétention administrative

L'essentiel des hausses de crédits de l'action 03 du programme 303 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière en 2023 ( 84,6 % de la hausse des AE et 70,3 % de la hausse des CP) portent sur les dépenses liées aux dispositifs de préparation au retour (DPAR) et aux dépenses de fonctionnement des centres de rétention administration (CRA), des locaux de rétention et des zones d'attente.

a) Le hausse des dépenses liées aux dispositifs de préparation au retour

En 2023, les dépenses liées aux dispositifs de préparation au retour (DPAR) augmentent de 309 % en AE (+ 29,1 millions d'euros) et de 104,5 % en CP (+ 8,4 millions d'euros), pour s'établir à 38,5 millions d'euros en AE et 19,3 millions d'euros en CP.

Ces dispositifs hébergent en priorité des familles séjournant irrégulièrement sur le territoire français, majoritairement après avoir été déboutées de leur demande d'asile et en présence indue dans le dispositif national d'accueil, volontaires au retour aidé de l'Ofii ou susceptibles de l'être, pour lesquelles il existe une perspective raisonnable d'éloignement.

2 151 places ont été ouvertes depuis l'expérimentation de ce dispositif en 2015. Ce dispositif, bien que marginal, se révèle assez efficace puisqu'en 2021, 76 % des personnes hébergées dans un centre de province ont été éloignées.

L'augmentation des crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 s'explique par la prise en compte des 1 100 places financées par le plan de relance en 2021 et 2022 et intégrés à compter de 2023 dans la présente mission.

b) Le hausse des dépenses de fonctionnement des CRA, locaux de rétention administrative et des zones d'attente

Le parc d'hébergement en CRA (26 centres de rétention administrative) fait face à une hausse constante des besoins. Ces structures logent les étrangers ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, dans l'attente de son exécution. Elles concourent à la bonne poursuite de la lutte contre l'immigration irrégulière, dans un contexte de hausse constante des flux migratoires vers la France. La loi du 18 septembre 2018, qui introduit un allongement de la durée de rétention administrative (de 45 à 90 jours) est venue aggraver les tensions sur un parc immobilier déjà proche de la saturation.

En 2022, les crédits demandés au titre de l'investissement immobilier dans le parc d'hébergement des CRA avaient augmenté de 51,1 % en CP pour financer la tranche 2022 du plan d'extension des CRA, notamment les opérations d'Olivet (90 places) et de Bordeaux (140 places). Si les crédits d'investissement sont en baisse en 2023 par rapport à 2022 (de 5,7 millions d'euros en AE et de 5,8 millions d'euros en CP), des investissements immobiliers importants seront réalisés en 2023 pour financer la tranche 2023 du plan d'extension des CRA , notamment les opérations d'Olivet (90 places), de Bordeaux (140 places) et de Perpignan (12 places). En 2023, la capacité des centres de rétention administrative est ainsi portée à 1 961 places.

Les taux d'occupation, qui ont connu une baisse pendant la crise sanitaire, commencent d'ores et déjà à retrouver des niveaux proches de ceux qui prévalaient les années précédentes. Le taux d'occupation des CRA de métropole a fortement augmenté depuis l'automne 2017, puisqu'il s'élevait en moyenne à 86 % en 2019 contre 68 % en 2017. Il était même concernant les hommes isolés de 91 % à la veille du confinement. En 2020, avec la crise sanitaire qui s'est traduite par des restrictions en termes de places ouvertes en rétention, il s'élevait à 61 % en métropole. Pour 2021, il s'élève à 82 %.

En 2023, ce sont les crédits de fonctionnement des CRA et des locaux de rétention administrative et des zones d'attente qui augmentent le plus, de 16,9 millions d'euros en AE (+ 37,8 %) et de 12,5 millions d'euros en CP (+ 31,4 %), notamment pour faire face à la hausse de leur taux d'occupation par rapport à 2020, développer les activités occupationnelles dans le contexte d'allongement de la durée de rétention administrative (de 45 à 90 jours), financer les hausses des coûts de l'énergie et externaliser les tâches non régaliennes effectuées par les fonctionnaires de police dans les CRA.

II. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION VISANT À APPLIQUER LES MESURES DÉCIDÉES EN 2018, DONT LA MISE EN oeUVRE AVAIT ÉTÉ RALENTIE EN 2020

L'année 2020 représentait la première année de mise en oeuvre des mesures d'intégration des étrangers en situation régulière qui résultent notamment de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France 30 ( * ) . Cette dernière a réformé le dispositif d'accueil et d'intégration des étrangers accédant pour la première fois au séjour en France et désireux de s'y installer durablement en remplaçant l'ancien « contrat d'accueil et d'intégration » par un « contrat d'intégration républicaine ».

L'article 48 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie 31 ( * ) a précisé et enrichi le contenu du contrat d'intégration républicaine (CIR), notamment :

- en indiquant que la formation en langue française dispensée dans le cadre du CIR est suffisante pour permettre à l'étranger primo-arrivant d'occuper un emploi et de s'intégrer dans la société française, et que cette formation peut donner lieu à une certification standardisée permettant d'évaluer le niveau de langue de l'étranger. On peut y rattacher le doublement du volume des formations linguistiques proposées et le choix de dédier un module spécifique, d'une durée de 600 heures, aux stagiaires non lecteurs, non-scripteurs, décidé par le comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018 ;

- en ajoutant au contenu du CIR un conseil en orientation professionnelle et un accompagnement destiné à favoriser l'insertion professionnelle de l'étranger . Un entretien de fin de CIR est destiné à faire à la fois le bilan des formations suivies lors de celui-ci et le bilan de la situation du signataire vis-à-vis de l'emploi afin de l'orienter, selon sa situation, vers l'acteur pertinent au sein du service public de l'emploi (selon les cas, Pôle Emploi, missions locales, Cap Emploi, APEC), et de faciliter la prise d'un rendez-vous avec ce service, auprès duquel le primo-arrivant bénéficiera d'un entretien approfondi.

En conséquence, les crédits ouverts avaient connu une hausse significative entre 2019 et 2020, de près de 7 % en AE et en CP. Dans un contexte de crise sanitaire, la mise en oeuvre de ce nouveau parcours d'intégration a été ralentie. La suspension de l'accueil au sein des organes de l'Ofii et des formations linguistiques en présentiel ont notamment freiné les parcours d'intégration. Le rythme de signature des contrats s'en est également ressenti puisque seuls 78 764 CIR ont été signés en 2020, contre 100 000 habituellement.

En 2021, les parcours d'intégration ont repris une configuration plus normale. 109 000 CIR ont ainsi été signés , tandis que les formations civiques et linguistes ont repris à un rythme relativement soutenu et que l'Ofii a rouvert ses accueils.

Pour 2023, les crédits accordés aux actions 11 « Accueil des étrangers primo arrivants » et 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants » augmentent respectivement de 7,1 % (+ 18,2 millions d'euros) et 70,4 % (+ 56,0 millions d'euros) en AE et en CP. L'objectif visé est celui d'une mise en oeuvre renforcée des mesures décidées en 2018.

Ces hausses notables de crédits visent notamment à :

- financer la mise en oeuvre progressive 32 ( * ) à Mayotte du contrat d'intégration républicaine ;

- permettre le déploiement du programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) , qui proposera à terme à chaque bénéficiaire de la protection internationale, qu'il soit ou non hébergé dans le dispositif national d'accueil, la possibilité de bénéficier, auprès d'un guichet unique départemental mandaté par l'État, d'un accompagnement global et individualisé, notamment vers le logement et l'emploi ;

- renforcer les moyens mis à disposition des territoires pour l'intégration sociale et professionnelle des étrangers primo-arrivants, notamment par l'intermédiaire des contrats territoriaux d'accueil et d'intégration (CTAI), qui permettent aux collectivités territoriales de s'engager en faveur de l'intégration des étrangers résidant sur leur territoire en mettant en oeuvre des actions adaptées à chaque contexte local, avec le soutien de l'État ;

- améliorer les formations linguistiques .

Par ailleurs, l'action 15 « Accompagnement des réfugiés » voit ses crédits augmenter en 2023 de 30,8 % (+ 28,7 millions d'euros) en AE et en CP, pour s'établir à 122 millions d'euros . Cette action porte la gestion des centres provisoires d'hébergement (CPH) , destinés aux bénéficiaires de la protection internationale les plus vulnérables.

En 2023, 1 000 nouvelles places en CPH seront créées et les 1 208 places financées dans le cadre du plan de relance ces deux dernières années seront pérennisées dans le cadre du programme 104, portant le parc à près de 11 000 places au total .

B. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS À DESTINATION DE L'OFII, DONT LA MAJORITÉ DES CRÉDITS RELÈVE TOUJOURS DE L'ASILE

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) est un organe chargé de plusieurs missions dans le champ de l'intégration, de l'asile et de l'aide au retour, notamment :

- l'accueil des demandeurs d'asile, la gestion des procédures régulières d'immigration et d'asile notamment le versement de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) ;

- l'accueil et l'intégration des immigrés autorisés à séjourner durablement en France notamment via la signature du contrat d'intégration républicaine ;

- l'aide au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine.

L'extension des missions de l'Ofii opérée depuis 2015, en même temps que la hausse constante de la demande d'asile, ont entrainé une forte augmentation de ses moyens financiers. Pour 2023, les crédits proposés au titre de la subvention pour charges de service public de l'Ofii s'élèvent à 258,3 millions d'euros, soit une augmentation de près de 2,6 % par rapport à 2022. En outre, pour permettre un traitement plus rapide des demandes en hausse d'actes d'état civil de la part des bénéficiaires de la protection internationale, 9 ETPT supplémentaires sont attribués à l'Ofii en 2023, pour s'établir au total à 1 196 ETPT, tous rémunérés par l'opérateur.

Le financement total par l'État de l'Ofii est de 602 millions d'euros 33 ( * ) et connaît une baisse de 136,3 millions d'euros (- 18,5 %), malgré, notamment, la généralisation progressive de la visite de prévention en matière de santé à destination des demandeurs d'asile et des signataires du CIR, l'amélioration des formations linguistiques et la mise en place d'une formation linguistique à visée professionnelle. La baisse du financement est en réalité directement liée à la réduction prévue du coût de l'ADA pour 2023, qui apparaît extrêmement optimiste 34 ( * ) , en particulier dans le contexte où les bénéficiaires de la protection temporaire liée au conflit en Ukraine bénéficient de l'ADA.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons désormais les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Sébastien Meurant , rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration » . - Les années se suivent et se ressemblent : le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est toujours frappé d'insincérité. Autant le dire d'emblée, je vous proposerai de ne pas l'adopter !

En premier lieu, je regrette d'avoir obtenu de la part du Gouvernement seulement 34 % de réponses à mon questionnaire budgétaire dans le délai prévu par la loi organique relative aux lois de finances. On peut s'interroger sur la manière dont le Gouvernement considère le Parlement : il devient chaque année plus difficile d'obtenir les réponses. Ce n'est pas normal.

Par ailleurs, je regrette que le budget de cette mission soit très parcellaire. Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent pas à la présente mission. Il conviendrait notamment que l'aide médicale d'État (AME) soit incluse dans le budget de la mission. Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration, indiqué dans le document de politique transversale correspondant, serait de 7,1 milliards d'euros en 2023. C'est la première fois que l'on dépasse 7 milliards d'euros. Et ce montant n'inclut pas toutes les dépenses liées à l'immigration, loin de là.

Plus globalement, il est évident que le nombre des demandeurs d'asile et de réfugiés dépend étroitement du contexte géopolitique. Ainsi, la mission est notamment marquée cette année par l'accueil en France de personnes déplacées du fait du conflit en Ukraine. Il est d'ailleurs difficile d'avoir des chiffres exacts en matière d'immigration, c'est un problème structurel. Le rapport d'information des députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis montre que le nombre évalué d'immigrés clandestins en Seine-Saint-Denis varie entre 150 000 à 400 000 selon les estimations !

En outre, évidemment, je ne peux que souligner le faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) depuis plusieurs années ; il était de 6 % en 2021 et serait de 6,9 % sur la première partie de 2022. Avant la crise sanitaire, ce taux s'élevait à 13 %. On est loin de la promesse du Président de la République de porter ce taux à 100 % ! Selon le député de la majorité Jean-Carles Grelier, il y aurait 700 000 personnes sous OQTF dans notre pays. Il ne sert à rien de voter des lois si elles ne sont pas appliquées ! En matière migratoire, la volonté d'appliquer les lois n'est clairement pas au rendez-vous. Il en va de même des moyens puisque la lutte contre l'immigration irrégulière ne représente que 8,4 % du budget de la mission.

La situation s'aggrave de jour en jour. En particulier du point de vue de l'asile qui est, hélas, devenu l'une des principales filières d'immigration clandestine. Ainsi, à Mayotte, les demandes d'asile ont augmenté de 64,3 % entre 2020 et 2021. Mayotte et la Guyane concentraient 87 % des demandes d'asile outre-mer en 2021. Globalement, les demandes d'asile ont augmenté de 7 % entre 2020 et 2021 et le ministère estime à 135 000 les demandes qui seront déposées en 2023. Mais il est très vraisemblable que ce chiffre soit nettement sous-estimé tant la pression migratoire reste élevée.

Plus étrange encore, les dépenses de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) devraient baisser de 36 % en 2023. On voit mal comment cette baisse pourrait correspondre à la situation de l'asile l'année prochaine. Cela supposerait notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) parvienne à diviser par deux ses délais de traitement en un an, sans que ceux de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'augmentent, et que la hausse du nombre de demandeurs d'asile soit limitée - des conditions qui me semblent singulièrement peu réalistes.

Un effort a été réalisé, depuis plusieurs années, sur notre dispositif d'accueil pour créer des places d'accueil, reflet de la volonté du Président de la République de répartir les migrants en province. Fin 2023, notre dispositif national d'accueil et d'hébergement comptera près de 109 000 places selon le Gouvernement, s'agissant des demandeurs d'asile. Près de 6 000 places d'hébergement supplémentaires seront créées au total en 2023, dont 2 500 en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) - soit 300 dans la région Auvergne Rhône-Alpes, 110 en Bourgogne-Franche-Comté, 190 en Bretagne, 210 dans le Centre-Val-de-Loire, 280 dans le Grand Est, 100 dans les Hauts-de-France, 200 seulement en Ile-de-France, 150 en Normandie, 230 en Nouvelle-Aquitaine, 350 en Occitanie, 150 dans les Pays-de-la-Loire, et 230 en Provence-Alpes-Côte d'Azur - 1 500 en centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) et 900 en hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), toutes en outre-mer. S'agissant des éloignements, 90 places sont créées au centre de rétention administrative (CRA) d'Olivet et 12 dans celui de Perpignan. Enfin, 1 000 places sont créées en centres provisoires d'hébergement (CPH), destinés aux bénéficiaires de la protection internationale les plus vulnérables.

Finalement, les crédits de cette mission sont dans la lignée des années précédentes. Il semble difficile d'estimer que l'État traite ces questions par le bon bout.

M. Roger Karoutchi . - Je note une certaine schizophrénie : on veut accueillir les réfugiés, mais on ne sait pas où les mettre, et lorsque ceux-ci s'installent dans des tentes sous les ponts, on fait semblant de regarder ailleurs... Il faudrait organiser une table ronde sur l'immigration avec tous les acteurs pour prendre des mesures, afin que si l'on décide d'accueillir des migrants, on les accueille de manière digne.

On compte 700 000 personnes ayant fait l'objet d'une OQTF dans notre pays : comme les OQTF deviennent caduques au bout d'un an, cela signifie que 700 000 personnes qui auraient dû partir sont restées. C'est la preuve de l'échec de notre système.

Le Gouvernement promet un texte sur l'immigration et l'asile. Mais je ne comprends pas comment le coût de l'ADA pourrait baisser alors que le Gouvernement prévoit 6 000 places d'hébergement de plus... Je crains que le Gouvernement ne demande une remise à niveau des coûts de l'ADA dans un prochain PLFR. La CNDA veut territorialiser ses instances, car elle n'arrive pas à traiter les dossiers. J'ai du mal à imaginer dans ces conditions que les délais de traitement de l'Ofpra baissent de moitié.

M. Arnaud Bazin . - Le Gouvernement invoque la baisse des délais d'instruction pour justifier la baisse des crédits de l'ADA. On peut être sceptique. Notre commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques s'était justement intéressée à une mission d'un de ces cabinets auprès de l'Ofpra, pour réfléchir aux moyens de réduire le délai d'instruction. Cette mission, qui semble d'ailleurs s'être mal passée avec les agents de l'Office, aurait-elle eu un résultat miraculeux ?

M. Rémi Féraud . - Cette mission budgétaire est très politique et peut être source de polémiques. Sans vouloir faire de la question des OQTF le point central, force est de reconnaître que l'on est loin des engagements du Président de la République dans Valeurs actuelles en 2019 qui promettait un taux d'exécution des OQTF de 100 %. Le problème, ce sont les engagements démagogiques !

Je partage votre scepticisme sur la sincérité du budget, notamment de l'ADA.

Notre rapporteur spécial fait un lien entre l'AME et l'immigration ; or il me paraît pertinent qu'elle figure dans la mission « Santé ». Il faut aussi évoquer l'hébergement d'urgence : beaucoup des personnes hébergées à ce titre sont en situation irrégulière, souvent non expulsables ; notre dispositif est engorgé. Si le Gouvernement entend réduire les délais d'instruction de l'Ofpra, il faut s'attendre à une hausse du nombre de déboutés du droit d'asile qui se tourneront davantage vers l'hébergement d'urgence ; or le budget de ce dernier est en chute libre... Bref quelque chose ne tourne pas rond et le budget n'est pas réaliste.

M. Christian Bilhac . - Je rejoins Roger Karoutchi : il serait bon de se mettre autour d'une table pour trouver des solutions et sortir des « y a qu'à » et des « faut qu'on » !

La situation géopolitique va rester tendue et le flux des réfugiés ne baissera pas. On aura beau construire des barbelés, les gens poussés par la misère ou la guerre viendront.

S'agissant des OQTF, j'ai l'impression qu'il en va un peu comme de la surveillance de nos eaux territoriales à La Réunion qui ne sont survolées par un avion de surveillance que périodiquement : on fait semblant d'agir !

M. Jean-Michel Arnaud . - Dans nos circonscriptions, nous sommes régulièrement confrontés à des situations de personnes faisant l'objet d'une OQTF, alors qu'elles sont bien insérées dans la société, travaillent et ont parfois construit une famille. Elles sont pourtant dans l'impossibilité de travailler légalement. Elles font un recours devant le juge ; au bout d'un an, l'OQTF tombe. Une nouvelle OQTF est prononcée, s'ensuit un nouveau recours, etc . Finalement, ces personnes deviennent des zombies dans la société alors qu'elles pourraient être parfaitement insérées. Pour les préfectures, prononcer des OQTF est une solution de facilité, faute de solutions d'accompagnement par les réseaux associatifs ou de l'État. De quels moyens les services déconcentrés de l'État devraient-ils disposer pour pouvoir traiter les dossiers de manière fluide et offrir des solutions adaptées et humaines ?

Il est difficile d'avoir un débat apaisé sur ces questions, de dépasser les oppositions entre ceux qui ont une vision humaniste et ceux qui ont une vision moins tolérante : notre commission pourrait-elle organiser une réflexion sur ces questions ? Nous pourrions ainsi faire notre travail d'évaluation et de contrôle, sur la base de chiffres objectifs.

M. Daniel Breuiller . - Je m'associe à ces propos.

Les demandes d'asile continueront à augmenter, car parfois les gens n'ont d'autre choix que de migrer pour sauver leur vie. Le réchauffement climatique ne fait qu'aggraver la situation. Je rappelle que le flux principal des migrations concerne l'Afrique, et non notre pays. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un sujet politique majeur que nous devons être capables de traiter.

Certaines personnes ayant reçu une OQTF sont pourtant bien intégrées. La presse se fait parfois l'écho de ces histoires, du cas d'un boulanger qui défend son employé, etc . Je me soutiens notamment de l'affaire des « 1000 de Cachan », ces sans-papiers qui occupaient un Crous à Cachan : tous travaillaient, évidemment en dehors de tout cadre légal. Ce sujet mériterait que nous débattions sereinement.

On joue à la patate chaude : on dépense des sommes folles pour évacuer des bidonvilles, tout en espérant que les gens ne reviennent pas et aillent dans la commune voisine... Trouver des solutions d'intégration coûterait moins cher, on l'a constaté dans le Val-de-Marne. Quelles seront les conséquences de la baisse du nombre de places d'hébergement ? Je plaide aussi pour l'organisation d'une table ronde : si les OQTF ne sont pas appliquées, ce n'est pas parce que ce gouvernement est incapable, la situation n'était guère différente avant.

M. Sébastien Meurant , rapporteur spécial . - Sur la baisse de l'ADA, nous verrons bien si McKinsey a bien fait son travail ! Mais j'en doute : une telle réduction des délais d'instruction de l'Ofpra dans les mois qui viennent semble bien improbable.

Le taux d'exécution des OQTF était de 22 % sous Nicolas Sarkozy. Il était de plus de 50 % en Allemagne avant la crise du covid. La moyenne en Europe est de 33 %. Il y a donc une spécificité française.

Je ne suis animé par nulle démagogie. Je souhaite depuis longtemps la création d'une mission d'information au Sénat pour chiffrer le coût de l'immigration, depuis l'aide au développement jusqu'à la prise en charge sur notre territoire. Cela permettrait de sortir des polémiques. Il ya plusieurs moyens de raccompagner une personne ; un retour forcé coûte très cher. Beaucoup reviennent aussitôt. Dans les Hautes-Alpes, l'État a dû voler au secours du département, dont les structures de l'aide sociale à l'enfance étaient déjà saturées, et qui a dû accueillir du jour au lendemain un flot de 1 250 personnes qui avaient passée le col de Montgenèvre. Il y a des trafics d'être humains.

Nous devrions examiner les faits sereinement. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche : Didier Leschi explique bien dans Ce grand dérangement ; L'immigration en face pourquoi nous sommes les plus mauvais en Europe et comment nos procédures sont détournées. Les juges ont parfois un sentiment d'inutilité. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est devenu un pavé massif qui s'est construit pas strates, sans rationalité. La moitié des recours en droit administratif concernent le droit des étrangers.

Évidemment, cela ne date pas d'hier, mais la tendance s'aggrave. Nul ne peut croire que le coût de l'ADA va baisser vu le contexte international. En ce qui concerne les OQTF, je ne reviendrai pas sur une affaire récente liée à un tragique événement.

On crée des places d'accueil supplémentaires, mais j'aimerais disposer d'une vision consolidée des chiffres entre les différentes missions. Nous devons y voir clair si l'on veut parvenir à maîtriser nos dépenses publiques tout en parvenant à traiter les gens humainement. On fabrique des sans-papiers à la chaîne. Il est très difficile d'obtenir un rendez-vous pour obtenir un titre de séjour. M. Karoutchi a parlé de schizophrénie, il a raison. Le livre de Stephen Smith La ruée vers l'Europe décrit une réalité. Il est temps de s'emparer sereinement de ce sujet sensible, car des personnes perdent la vie en traversant la mer. Il s'agit souvent de personnes prises dans des trafics d'êtres humains. La moitié des interventions de secours en mer sont ainsi liées à des secours aux migrants. Je déplore que la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) ne comprenne pratiquement rien sur l'immigration, l'asile ou l'intégration. Or ces sujets sont liés ! Souvenons-nous aussi des attentats de 2015, ou de Nice en 2016.

La guerre est à nos portes. Évidemment, cela aura des incidences sur ce budget. Dans ces conditions, celui-ci semble bien insincère. Je déplore enfin l'absence de contrôle parlementaire sur ces questions stratégiques.

M. Claude Raynal , président . - Monsieur Arnaud, la question de l'immigration, de l'asile et de l'intégration est complexe et politiquement sensible ; elle ne peut se traiter uniquement à travers le prisme financier. Je ferai part de votre demande au président de la commission des Lois. S'il est facile de pointer du doigt les difficultés, il est plus compliqué d'avoir un discours construit et de faire des propositions sur ces sujets.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Le présent rapport n'a pas fait l'objet d'audition.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Rapport général n° XX (2021-2022) de M. Christian Klinger, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021.

* 2 Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Christian Klinger, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 3 Réponses aux questionnaires budgétaires.

* 4 Article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 5 Edition 2020 des perspectives des migrations internationales, OCDE, Octobre 2020.

* 6 Rapport d'activité 2020 de l'OFPRA.

* 7 Organisation internationale pour les migrations, World migration report 2022.

* 8 Rapport d'activité 2021 de l'OFPRA.

* 9 Les principales données de l'immigration en France, Ministère de l'Intérieur, 20 juin 2022.

* 10 Les principales données de l'immigration en France, Ministère de l'Intérieur, 20 juin 2022.

* 11 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

* 12 Voir supra .

* 13 Projet annuel de performance de la mission « Santé » annexé au projet de loi de finances pour 2023.

* 14 Les données du ministère de l'Intérieur fournissent deux chiffres : 31 576 et 31 129.

* 15 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.

* 16 Décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire.

* 17 Instruction NOR: INTV2208085J du ministre de l'intérieur, du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.

* 18 Centres d'accueil pour demandeur d'asile, voir infra .

* 19 Centres d'accueil et d'examen des situations, voir infra .

* 20 Hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, voir infra .

* 21 Centres provisoires d'hébergement, voir infra .

* 22 Voir supra .

* 23 Voir supra .

* 24 Sont autorisés à y séjourner les demandeurs d'asile, les bénéficiaires d'une protection dans un délai de six mois maximum après notification de la décision et les déboutés dans un délai d'un mois maximum après notification de la décision. Dans le cas où une solution d'hébergement ou de logement ne peut être trouvée durant cette période, les bénéficiaires de la protection internationale basculent en présence indue.

* 25 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 26 Voir supra .

* 27 Voir supra .

* 28 Les autres mesures sont les interdictions de territoire et les expulsions, qui connaissent des taux d'exécution bien supérieurs à celui des OQTF.

* 29 Voir également les graphiques supra s ur l'évolution du nombre d'OQTF prononcées et exécutées et de leur taux d'exécution.

* 30 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 31 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 32 Prévue par la loi n° 2016-724 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 33 320,65 millions d'euros au titre du programme 303 et 281,32 millions d'euros au titre du programme 104.

* 34 Voir supra .

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