B. UNE DIMINUTION DES DÉPENSES CONCERNANT SURTOUT LES OPÉRATIONS STRUCTURANTES ET LES CESSIONS

Dans le projet de loi de finances pour 2023, les prévisions de recettes (480 millions d'euros) sont en nette augmentation par rapport à la LFI pour 2022 (+ 29,7 %).

En revanche, les dépenses diminuent : elles passent de 416 millions d'euros l'année dernière à 340 millions , soit une baisse de 18,2 %, afin de reconstituer la trésorerie du CAS, mobilisée en 2022 à un niveau excédant les recettes prévisionnelles.

Ce recul doit toutefois être nuancé pour trois raisons :

- bien qu'inférieur au niveau de 2020 (447 millions d'euros), le niveau de dépense reste supérieur à celui prévu pour 2021 (275 millions d'euros 7 ( * ) ) ;

- la quasi-totalité de cette diminution provient de l'action 11, « opérations structurantes et cessions », dont les crédits de paiement suivent une évolution erratique (170 millions d'euros en 2023 et 260 millions d'euros en 2022 après 110 millions en 2021) ;

- les crédits rassemblés des actions 12 à 14, qui portent sur l'entretien de l'immobilier de l'État, augmentent de 9,3 %.

Cette diminution des dépenses conjuguée à une augmentation des recettes aboutit à un solde excédentaire du CAS de 140 millions d'euros alors qu'il était en déficit de 46 millions en LFI pour 2022.

Il est toutefois à craindre que l'augmentation momentanée des produits de cessions immobilières vienne à priver, à terme, le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » d'une partie de ses ressources.

1. Des dépenses d'entretien qui augmentent enfin, mais pour combien de temps ?

L'action 14 « Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état » connaît en termes absolus une hausse notable, de 90,6 à 106 millions d'euros dans le PLF 2023 par rapport à 2022. 31,2 % des crédits de paiement du CAS seraient alloués à cette action : il s'agit d'une augmentation importante par rapport à 2022, où ce taux était de 21,6 %, mais pas encore d'un rattrapage du taux de 2021 (35 %).

Il est possible que cette proportion diminue à l'avenir puisqu'en autorisations d'engagement, le taux a diminué par rapport à 2022 (24,2 %). Le rapporteur spécial estime pourtant que la cible de 30 % de crédits consacrés à l'action serait un seuil pertinent, auquel il conviendrait de se stabiliser pour éviter la dépréciation des biens et pour continuer de valoriser le patrimoine immobilier de l'État.

La direction de l'immobilier de l'État (DIE), qui entend préserver les crédits consacrés aux dépenses d'entretien du propriétaire (c'est-à-dire les actions 12 à 14 du programme 723), rappelle régulièrement aux ministères et opérateurs publics, en particulier dans sa note de programmation annuelle, que la programmation des opérations financées par le CAS doit privilégier les opérations d'entretien de ce type. Il s'agit d'une évolution d'autant plus nécessaire que, comme l'a évoqué M. Alain Resplandy-Bernard, directeur de l'immobilier de l'État, lors de son audition : « on a derrière nous quarante ans de sacrifice de l'entretien ».

Elle s'était également fixée comme cible de maintenir l'ensemble des dépenses d'entretien à la charge du propriétaire au niveau de 160 millions d'euros 8 ( * ) , et même de les augmenter à 200 millions d'euros à l'horizon 2027 9 ( * ) .

Les crédits prévus pour 2022 ne pouvaient permettre d'atteindre cet objectif, puisque la loi de finances prévoyait 155,6 millions d'euros en crédits de paiement pour ces dépenses. Au 12 septembre 2022, seuls 46 % des crédits de paiements avaient été consommés : il paraît donc de prime abord complexe d'atteindre la cible fixée par la DIE. Le lancement d'un appel à projet doté de 50 millions d'euros d'AE par la DIE pour le financement de projets de réduction de la consommation d'énergie fossile des bâtiments de l'État ou de ses établissements publics en prévision de l'hiver 2022-2023 pourrait toutefois conduire à dépasser la prévision 10 ( * ) .

Il faut cependant noter qu'il est prévu que les dépenses relatives à l'entretien du propriétaire, qui visent à développer la maintenance préventive des bâtiments, à assurer la réalisation des contrôles réglementaires, à financer les travaux lourds et à contribuer à la transition écologique en finançant des opérations conduisant à une meilleure maîtrise de la consommation énergétique, augmentent entre 2022 et 2023 , passant de 155,6 à 170 millions d'euros. Il y a lieu de s'en réjouir.

La marge de manoeuvre devrait encore s'élargir dans les années à venir du fait de la priorisation de l'entretien du propriétaire des immeubles de bureau, puisque ces dépenses devraient être portées à 185 millions d'euros en 2024 et 200 millions d'euros en 2025 11 ( * ) .

Si le programme a fait l'objet d'une surexécution en 2020 et 2021, il faut toutefois relever qu'il a connu plusieurs sous-exécutions notables des crédits de paiement hors période de crise, avec par exemple un écart de dépense par rapport à la LFI de - 17,4 % en 2018 et de - 20,12 % en 2019. L'exécution cette année des crédits est donc loin d'être garantie.

Le rapporteur spécial tient à rappeler l'importance, au-delà des projets structurants, des plus petits projets ou opérations d'entretien . Ce sont tous ces projets qui permettent une gestion efficace du parc immobilier et, d'un point de vue budgétaire, ils sont utiles pour éviter des dépenses futures et bien plus lourdes.

Ces projets de moindre envergure ne requièrent pas moins un haut de niveau de technicité. Pour cela, il est impératif de disposer des compétences nécessaires . Il faut préciser à ce titre que l'État est depuis plusieurs années confronté à une perte de ses moyens humains dédiés à la conduite des opérations immobilières et à l'entretien du propriétaire. Cette situation conduit à une carence dans la gestion technique du patrimoine, une insuffisance des opérations d'entretien, à de plus grandes difficultés à piloter les opérations d'investissement, et corrélativement à la consommation de tous les crédits mis à disposition, nonobstant les besoins réels.

Il en résulte que, dans les ministères, ce sont très souvent des personnels non spécialisés qui s'occupent de cette fonction support. Le coût supplémentaire que représenterait une professionnalisation serait très certainement plus que compensé par les améliorations ainsi permises en termes de gestion et d'entretien du parc.

Un indicateur de performance relatif à l'effort d'entretien du parc immobilier par l'État propriétaire est présenté depuis 2019 dans le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État (PIE). Il calcule ce taux d'entretien en rapportant, par mètre carré de surface utile brute, les dépenses immobilières de gros entretien-renouvellement consacrées au parc immobilier de l'État.

Le rapporteur spécial regrette de voir ce taux d'effort stagner voire diminuer (30 euros par mètre carré estimés pour 2022, contre 30,40 euros en 2021), alors même que les dépenses d'entretien sont primordiales pour la valorisation du patrimoine immobilier de l'État . Il est par ailleurs dommageable que l'indicateur ne retienne pas d'éléments de comparaison sur ce taux d'effort ou d'indicateur d'efficacité de ces dépenses.

2. Des opérations structurantes qui refluent pour reconstituer la trésorerie du CAS

L'action 11, « opérations structurantes et cessions », a progressé de 47,6 % en autorisations d'engagement mais a reculé de 34,6 % en crédits de paiement. Ce recul explique quasiment à lui seul la diminution des dépenses de l'ensemble du CAS. Les crédits engagés dans le cadre de l'action 11 représentent la moitié de ceux prévus pour le CAS pour 2023.

Les « opérations structurantes » désignent l'ensemble des travaux qui visent, à travers des modifications structurelles, à améliorer le potentiel de service. Concrètement, il s'agit principalement des travaux de remise à neuf, de restructuration et d'agrandissement. L'action inclut également les frais accessoires directement à la cession d'un bien, comme l'organisation matérielle ou les expertises techniques. Les principales opérations structurantes pour l'année à venir sont publiées tous les ans dans les documents budgétaires.

Les principales opérations structurantes prévues pour 2023

Les principales opérations à financer sur l'action 11 « opérations structurantes et cessions » en autorisations d'engagement, un préalable nécessaire au déblocage des crédits de paiement, seraient les suivantes :

- le projet Quai d'Orsay XXI du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, à hauteur, potentiellement de 70 millions d'euros ;

- le projet de Saint-Mandé mené par le ministère de la transition écologique, à hauteur, potentiellement de 40 millions d'euros.

Source : documents budgétaires et réponses de la direction de l'immobilier de l'État aux questions du rapporteur spécial

Les principales opérations structurantes pour 2023 aboutissent à un montant inférieur de plus de 15 % à celui qui prévalait pour de telles opérations en loi de finances pour 2022 (131,7 millions d'euros).

Tandis que les autorisations d'engagement augmentent , les engagements de dépenses pour 2023 ont diminué pour permettre de reconstituer la trésorerie du CAS , qui se trouvait en déficit en 2022.

La dynamique induite par ces autorisations d'engagement contraste avec celle des recettes, ce qui pourrait à terme affecter la soutenabilité du CAS.


* 7 L'exécution s'est toutefois élevée à 427 millions d'euros.

* 8 Comme cela est précisé dans le document de politique transversale sur la politique immobilière de l'État.

* 9 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire du rapporteur spécial.

* 10 Réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 11 Réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

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