C. UN MANQUE DE LISIBILITÉ MANIFESTE DE LA PRÉSENTATION DES CRÉDITS RELATIFS AU BOUCLIER TARIFAIRE

Pour soutenir certains consommateurs finals face à la crise des prix de l'énergie, des dispositifs dits de « boucliers tarifaires » sur les prix du gaz et de l'électricité ont été adoptés par le Parlement en loi de finances initiale pour 2022.

L'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 a prévu que l'État compense le coût de ces mesures aux fournisseurs de gaz et d'électricité. Ce même article a également prévu que ces compensations soient intégrées dans le dispositif des charges de service public de l'énergie (CSPE) qui ont ainsi vu leur périmètre s'élargir à compter de 2022.

Aussi, pour suivre les crédits budgétaires dédiés à ces compensations des charges de service public liées à la mise en oeuvre des dispositifs de boucliers tarifaires, une nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » a-t-elle été ajoutée à la maquette du programme 345. Elle se décompose en deux sous-actions dont la première (17.01 « Mesures à destination des consommateurs d'électricité ») retrace les compensations dues au titre du bouclier sur l'électricité et la deuxième (17.02 « Mesures à destination des consommateurs de gaz ») celles dues au titre du bouclier sur le gaz.

Sans un prolongement des boucliers tarifaires mis en place pour 2022, les prix de l'énergie pour les particuliers seraient amenés à plus que doubler en 2023 . Aussi, en septembre dernier, le Gouvernement avait-il pris l'engagement de contenir en 2023 l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz à 15 % pour les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes. Son coût, extrêmement dépendant de l'évolution des prix de l'énergie en 2023, était estimé alors à au moins 45 milliards d'euros pour les finances publiques : 34 milliards d'euros pour le bouclier « électricité » et 11 milliards d'euros pour son homologue « gaz ». Depuis, dans ses estimations les plus actualisées, la DGEC a revu à la hausse le coût potentiel du bouclier « gaz » qui pourrait dépasser les 20 milliards d'euros pour un coût global du dispositif qui serait alors réévalué à 55 milliards d'euros .

Coûts globaux 18 ( * ) prévisionnels des dispositifs de bouclier tarifaire
pour 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la DGEC

Les mécanismes des boucliers « nouvelle formule » pour 2023 ne figuraient pas dans le projet de loi initial . Ils figurent désormais dans les dispositions proposées à l'article additionnel 42 ter issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Les dispositions proposées sont proches de celles prévues à l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 et visent à contenir l'évolution des tarifs réglementés de vente de gaz et d'électricité et à prévoir les compensations des fournisseurs au titre des charges de service public de l'énergie (CSPE).

D'après les informations obtenues par le rapporteur spécial, la révision actualisée du coût des compensations dues par l'État aux fournisseurs en raison des dispositifs de bouclier tarifaire pour 2023 devrait ainsi représenter 20 milliards d'euros pour le gaz et 25 milliards d'euros pour l'électricité . Concernant le bouclier sur l'électricité, il convient d'ajouter une baisse de recettes de 10 milliards d'euros pour parvenir au coût total du dispositif. En effet, l'article 6 du présent projet de loi de finances prévoit de reconduire en 2023 la réduction des tarifs de l'accise sur l'électricité (l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ou TICFE) à leur minimum autorisé par le droit de l'Union européenne.

Par ailleurs, et après le versement d'une avance de 131 millions d'euros en 2022 due aux fournisseurs de moins d'1 million de clients, un peu plus de 2 milliards d'euros devraient être dus aux fournisseurs en 2023 au titre des compensations liées au bouclier tarifaire sur l'électricité de 2022 . Ces deux milliards d'euros supplémentaires portent ainsi le niveau prévisionnel des compensations dues par l'État en 2023 au titre des dispositifs de boucliers tarifaires à environ 47 milliards d'euros .

Montant prévisionnel de compensations financières dues aux fournisseurs en 2023 au titre des mécanismes de boucliers tarifaires

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Du fait du mécanisme de gestion des charges de service public de l'énergie, les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'EnR (qui sont précisées supra ) en raison des conséquences de la crise des prix de l'énergie, qui transitent par les fournisseurs, au premier rang desquels EDF et sa filiale EDF obligation d'achat, viennent elle-même compenser les compensations de charges de service public de l'énergie dues par l'État aux fournisseurs au titre des mécanismes de boucliers tarifaires.

Ces phénomènes de compensation expliquent que seul un coût prévisionnel net de 9 milliards d'euros ait été inscrit en crédits budgétaires sur l'action 17 du programme 345 plutôt que le coût prévisionnel brut réel de 47 milliards d'euros des dispositifs de boucliers tarifaires.

Comme précisé infra , le dispositif dit d' « amortisseur » destiné à soutenir des entités qui n'entrent pas dans le dispositif de bouclier tarifaire, telles que les petites et moyennes entreprises (PME), les collectivités territoriales ou encore les associations devrait conduire à majorer de 3 milliards d'euros les compensations aux fournisseurs dues au titre des charges de service public de l'énergie.

Détermination des montants inscrits en crédits
à l'action 17 du programme 345

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les informations portées sur le projet annuel de performance pour décrire les modalités de calcul des montants de crédits inscrits à l'action 17 manquent très singulièrement de clarté et ne permettent pas d'éclairer suffisamment le législateur. La portée de l'autorisation parlementaire s'en trouve affectée, ce qui est regrettable s'agissant de dispositifs si majeurs et qui portent de tels enjeux financiers .


* 18 Incluant le coût pour EDF du relèvement du plafond d'Arenh en 2022.

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