B. UNE NOUVELLE RÉDUCTION MARQUÉE DES CRÉDITS MALGRÉ QUELQUES REVALORISATIONS
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » enregistre une diminution régulière de ses crédits , dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État.
De 2012 à 2020, les dépenses auront reculé de plus d'un milliard d'euros. En 2021, les crédits programmés avaient encore reculé de 70,1 millions d'euros, soit - 3,2 % par rapport à l'année précédente.
Pour 2022, les crédits demandés baissaient de 73,1 millions d'euros dans la programmation initiale , ce qui correspondait à un repli de 3,5 %. 50 millions d'euros ont par la suite été provisionnés par un amendement de crédit. La baisse finale des crédits s'élève donc à 23,1 millions d'euros en 2022, soit -1,1 %. Cette baisse est bien plus faible que celle des années précédentes.
1. Les économies programmées d'environ 23 millions d'euros soit un recul de 1,1 % par rapport à 2021
Les crédits programmés pour 2022 s'élèvent in fine à 2 066,2 millions d'euros contre 2 089,8 millions d'euros l'an dernier, faisant ressortir une économie de 23,1 millions d'euros (contre 70,1 millions d'euros l'an dernier).
Les crédits de la mission sont très majoritairement concentrés sur le programme 169 (plus de 90 %), et sont consacrés pour plus de 70 % à deux catégories de droits viagers, les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant (1 412,6 millions d'euros au total) de sorte que leurs évolutions d'une année à l'autre sont très sensibles aux variations touchant la valeur unitaire de ces allocations et la population des allocataires.
La programmation budgétaire de la mission emporte un repli des dotations budgétaires de l'ordre de 1,1 %, contre 3,2 % l'an dernier. La diminution plus faible des crédits s'explique par une revalorisation du point PMI estimée à 30 millions d'euros et le provisionnement de 50 millions d'euros en anticipation de l'adoption d'un projet de loi de reconnaissance et de réparation en faveur des harkis.
Les deux programmes de la mission connaissent une diminution légère de leurs crédits.
Évolution par programme des crédits de
paiement de la mission
entre 2021 et 2022
(en millions d'euros)
2021 |
2022 |
Écart
|
|
Programme 167 |
38,3 |
Supprimé |
N/A |
Programme 169 |
1 957,9 |
1 973,5 |
- 22,7 1 ( * ) |
Programme 158 |
93,1 |
92,8 |
- 0,3 |
Total |
2 089,8 |
2 016,2 |
- 23,1 2 ( * ) |
Source : commission des finances du Sénat
La quasi-totalité des économies prévues sont attribuables à la baisse du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d'invalidité qui représentent, pour l'essentiel, des dépenses de prestations (de titre 6) accordées en témoignage de la reconnaissance de la Nation à ses anciens combattants. Or, ces dernières sont à nouveau en repli en 2022, de 83 millions d'euros (5,55 %), soit une diminution plus forte que lors de l'année 2021 (- 3,9 %) malgré une revalorisation proposée des pensions.
En ce qui concerne les dotations ne relevant pas des prestations aux anciens combattants (ex-programme 167), ces dernières avaient connu en 2021 un rebond (+ 32 %) suite à deux années de net recul (- 20 % puis - 12,8 %). En 2022, une augmentation de 7,2% est programmée.
Enfin, les crédits prévus au titre du programme 158 restent à peu près stables (- 374 000 euros).
Malgré la revalorisation des pensions prévue pour 2022, on relèvera qu'à périmètre constant, la mission aura perdu en cumulant les années 2021 et 2022 un peu plus de 4,3 % de ses crédits, dégageant plus de 93 millions d'euros d'économies budgétaires .
2. Un projet de budget pour 2022 dont les actions sont calées sur une trajectoire baissière tendancielle mais prévoyant de nouvelles actions en faveur des harkis
Les dotations de la mission avaient été installées depuis 2019 sur une trajectoire fortement descendante. En ce qui concerne les actions de la budgétisation initiale, le PLF pour 2022, bien qu'il comprenne une revalorisation des rentes viagères dues aux anciens combattants, n'inverse pas cette tendance . Cette revalorisation ne fait que limiter l'incidence budgétaire de la réduction inexorable de la population des bénéficiaires de ces rentes, causée par l'âge très avancé d'une majorité des anciens combattants. Le PLF 2022 se contente donc de ralentir cette évolution, qui tend à dégager des économies substantielles sur cette mission. Le budget 2022 est cependant en moindre baisse du fait des 50 millions d'euros prévus pour le projet de loi de reconnaissance et réparation en faveur des harkis.
Au cours des dernières années, des économies avaient été amplifiées par quelques « artifices budgétaires » tirés des équilibres entre le budget de la mission et les finances de ses opérateurs, qui avaient été fortement sollicitées, en particulier s'agissant de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG).
Pour 2022, cette technique de ponction des trésoreries des opérateurs se chiffrera à 1 million d'euros pour l'ONAC-VG. Elle s'élève à 6,53 millions d'euros pour l'INI 3 ( * ) pour l'exercice 2021.
Évolution des crédits finançant
les actions de reconnaissance de la Nation
envers ses anciens combattants
depuis 2012
4
(
*
)
(en milliards d'euros, crédits de paiement)
Source : commission des finances du Sénat
Évolution du nombre des
bénéficiaires des pensions militaires
d'invalidité
(PMI) et de la retraite du combattant (RC) (2006-2022)
Source : projet annuel de performances pour 2022
Cependant, d'autres facteurs peuvent influer sur le niveau des dépenses.
En premier lieu, une petite partie d'entre elles peut être pilotée. C'est le cas des opérations de mémoire et de l'organisation de la JDC et du SMV. En 2022, ces dotations sont en augmentation de 7,2 % en moyenne (+12,8 % pour la JDC et le SMV, +1,71 % pour la politique de mémoire). Il faut ici rappeler que la majorité des crédits effectivement consacrés à la JDC et au SMV (plus de 80 %) n'apparaissent pas dans les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
En deuxième lieu, le volontarisme politique pour l'élargissement du bénéfice des prestations viagères et la revalorisation de ces prestations. Relève de ce volontarisme l'article rattaché, bien qu'il soit possible de lui reprocher d'être trop timoré.
En ce qui concerne l'indexation des allocations servies à partir des crédits de la mission, la rigueur salariale imposée à la fonction publique en limite la dynamique. Si l'article rattaché prévoit une redéfinition des modalités de calcul de cette indexation par décret en Conseil d'État, ces modalités resteraient adossées à l'Indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI). Aussi, il y a lieu de craindre que l'inertie des revalorisations ne perdure.
3. Des crédits s'intégrant dans la trajectoire tracée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dessinait une trajectoire de repli tendanciel des crédits de paiement consacrés à la mission « Anciens combattants ».
Cette dernière a été actualisée par une lettre du Premier ministre du 26 juillet 2019 :
Source : réponse au questionnaire budgétaire
Les réductions de dépenses ont été très largement surestimées dans cette trajectoire, sur le fondement d'une réduction du nombre des bénéficiaires supérieure à ce qu'elle a été en réalité . Le rapporteur spécial rappelle cependant que des économies significatives ont tout de même pu être constatées, que la revalorisation envisagée est au final sans conséquence sur le fait que cette trajectoire a ou non été réalisée et enfin qu'il convient de se réjouir que les prédictions du Gouvernement, qui prédisent un taux de mortalité, ne se soient pas réalisées.
Il est utile de rappeler les éléments sur lesquels reposait le premier « triennal » de la loi de programmation des finances publiques en vigueur.
Évolution des crédits de la
mission
dans la loi de programmation des finances publiques
(2018-2022)
(en milliards d'euros et en %)
Montant |
Évolution par rapport
|
Évolution cumulée |
|
LFI 2017 |
2,54 |
NS |
NS |
LFI 2018 |
2,46 |
-3,10% |
-3,1% |
LFI 2019 |
2,33 |
-4,80% |
-7,9% |
LFI 2020 |
2,15 |
-7,7% |
-15,3% |
LFI 2021 |
2,09 |
-3,25% |
-17,7% |
PLF 2022 |
2,02 |
-3,50% |
-20,1% |
Total |
13,7 |
NS |
NS |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
Au total, les crédits de la mission étaient appelés à se trouver réduits en cumulé de 20,1 % entre 2017 et 2022 soit un recul annuel moyen de l'ordre de 3,7 % . Cette programmation s'appuyait sur la diminution des contingents de bénéficiaires des prestations financées par la mission et elle impliquait une très grande inertie de la valeur du point de pension militaire d'invalidité. Dans ce contexte, les autres actions de la mission devaient subir, de leur côté, une stagnation de leurs dotations.
Le budget de 2022, s'il se situe au-dessus de la prédiction actualisée de 2019, se situait également légèrement en deçà de la programmation initiale de la loi de programmation à 2,016 milliards d'euros dans sa programmation initiale. Les crédits en faveur des harkis adoptés par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement auront eu pour conséquence de faire remonter les crédits de la mission à un niveau supérieur de celui prévu par la loi de programmation initiale.
* 1 À périmètre constant, la valeur retenue pour 2021 étant 1 996,2 soit la somme des programmes 167 et 169 en 2021, ces derniers étant fusionnés en 2022.
* 2 Différences due aux arrondis.
* 3 Le déficit de l'INI se serait élevé à 7,70 millions d'euros si cette dernière n'avait pas fait l'objet de dons et legs en cours d'année.
* 4 Périmètre : actions 01, 02, 03 et 06 du programme 169.