B. LES CRÉDITS DE LA MISSION REPRÉSENTENT UNE CONTRIBUTION SECONDE DANS LES SOUTIENS PUBLICS À L'AGRICULTURE
Pour appréhender l'ensemble des concours publics à l'agriculture, il convient de compléter la considération des crédits de la mission AAFAR par d'autres transferts publics. Si le budget de la mission englobe des dotations correspondant à d'autres politiques que la politique agricole proprement dite, il n'épuise pas l'ensemble des concours publics à l'agriculture.
En outre, la contribution de la mission aux soutiens publics à l'agriculture suit une tendance à la baisse depuis de nombreuses années .
1. Le budget de la mission ne représente que 13 % des concours publics à l'agriculture
En prenant en compte la totalité des crédits de la mission AAFAR 3 ( * ) , convention qui conduit à exagérer les soutiens directement accessibles aux exploitations agricoles, il faut ajouter aux 2,68 milliards d'euros de crédits de paiement demandés pour 2022, de l'ordre de 20,4 milliards d'euros d'autres concours publics 4 ( * ) .
En 2022, les concours publics à l'agriculture s'élèveraient à 23,1 milliards d'euros, en progression de 3 % par rapport à l'année en cours, soit de l'ordre de 700 millions d'euros.
Il faut encore mentionner les crédits alloués à l'agriculture au sein du volet « agricole » de la mission « plan de relance », auxquels M. Jean-François Husson, rapporteur spécial, a dévolu une partie de son rapport dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances, et auquel renvoient les rapporteurs spéciaux.
Les concours publics à l'agriculture entre 2018 et 2022
(en millions d'euros)
Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux
2. Des dépenses fiscales où prédominent les réductions tarifaires sur les carburants
Avec 2,172 milliards d'euros en 2022 contre 2,1 milliards d'euros en 2021, les transferts procurés par les dépenses fiscales sur impôts d'État proprement agricoles récapitulées dans le projet annuel de performances progressent une nouvelle fois.
Ces dépenses fiscales excèderaient largement les dépenses réalisées sur les seuls crédits budgétaires de la mission à partir du programme 149.
S'y ajoutent les dépenses fiscales sur impôts locaux, dont le coût s'élèverait en 2022 à 119 millions d'euros, comme en 2021.
Parmi les dépenses fiscales sur impôts d'État, ce sont précisément les mesures relatives aux carburants qui occupent, de loin, la première place . Pour le tarif réduit de TICPE sur le gazole, le fioul lourd, et les GPL utilisés pour les travaux agricoles et forestiers, la dépense fiscale est évaluée à 1 420 millions d'euros en 2022, comme en 2021 et en 2020.
Les agriculteurs utilisent pour leurs engins et véhicules professionnels du gazole non routier (GNR). Si différents secteurs de l'économie bénéficient de tarifs réduits sur le GNR, le régime fiscal de TICPE du secteur agricole est encore plus favorable pour l'utilisation de GNR par les tracteurs agricoles ou forestiers .
Il prévoit en particulier que le tarif du gazole non routier (GNR) des exploitants agricoles est de 3,86 c€/L , contre 18,82 c€/L pour le gazole non routier (GNR) des autres secteurs et 59,40 c€/L pour le gazole routier . Pour bénéficier de ce tarif très réduit, les exploitants agricoles s'approvisionnent dans un premier temps en carburants sous conditions d'emploi tracés auprès du circuit de distribution spécialisé, ce qui les conduit à s'acquitter du tarif de TICPE de carburant non routier des autres secteurs, soit 18,82 c€/L pour le gazole non routier (GNR) .
Ils demandent ensuite à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) un remboursement du différentiel entre leur tarif spécifique ( 3,86 c€/L ) et le tarif de TICPE des carburants non routiers ( 18,82 c€/L ), soit 14,96 c€/L .
La loi de finances pour 2020 prévoyait de supprimer le taux réduit applicable au GNR et de lui appliquer le taux normal du gazole, soit 59,40 euros/hl. Cette mise à niveau devait se faire de façon progressive sur trois ans. En 2022, le taux sur le GNR devait définitivement être aligné sur celui du gazole normal, soit 59,40 euros/hl.
Cependant, afin de ne pas impacter le secteur agricole qui n'a pas la même possibilité que les autres secteurs de répercuter dans ses prix les augmentations de charges, il avait été décidé de lui appliquer en 2022 un tarif réduit à 3,86 euros/hl directement à l'acquisition du produit.
Durant la période transitoire, c'est-à-dire en 2020 et 2021, les agriculteurs, afin de ne pas subir l'augmentation progressive, devaient bénéficier d'un système d'avances avec régularisation l'année suivante. Cette mesure devrait être favorable à la branche agricole. La possibilité d'accéder directement à terme aux produits au tarif préférentiel prévu devait permettre de surmonter les lourdeurs de la gestion de l'avantage fiscal, qui selon l'évolution de la consommation entre les années de référence et l'année des avances pouvait par ailleurs supposer une contribution nette des exploitants.
Du fait de la situation sanitaire , le Parlement a adopté dans le cadre de l'examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 un amendement présenté par le Gouvernement visant à modifier la chronique de suppression du tarif réduit de TICPE du GNR. Son article 6 prévoyait une suppression du tarif réduit en une seule fois, au 1 er juillet 2021. En conséquence, l'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositifs assurant la neutralité de la hausse de tarif pour certains secteurs (agriculture, transport ferroviaire, activités en montagne, industries extractives exposées à la concurrence internationale, manutention portuaire) avait été décalée à cette même date. Il en est de même du dispositif d'avances pour le secteur agricole, qui a été supprimé.
L'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021 a une nouvelle fois décalé l'entrée en vigueur de l'alignement du tarif de TICPE du GNR sur celui du gazole routier au 1 er janvier 2023. La fin de la procédure de remboursement de TICPE concernant les exploitants agricoles est elle aussi décalée à cette date. En conséquence, le tarif de TICPE sur le gazole non routier demeure inchangé jusqu'à cette date.
Au 1 er janvier 2023, un gazole coloré en rouge, au tarif de 3,86 € par hl, sera réservé notamment aux personnes effectuant des travaux agricoles et forestiers.
Source : commission des finances
* 3 Hors forêt et pêche et aquaculture.
* 4 Hors éducation agricole.