II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT » NE REMPLIT PAS SON RÔLE DE « VECTEUR D'ORIENTATION » DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

D'après les documents budgétaires, le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est censé être le « vecteur budgétaire d'orientation » de la politique de l'immobilier de l'État . Son rôle devait être de donner une impulsion et une unité à une politique particulièrement fragmentée.

Le rapporteur spécial regrette depuis de nombreuses années que la politique immobilière de l'État soit si éclatée et aussi peu lisible . En effet, une soixantaine de programmes concourent à cette politique, même si tous ne sont pas dotés de crédits . En outre, la conception traditionnelle de la politique de l'immobilier de l'État est de l'aborder « ministère par ministère », ce qui ne permet pas de saisir les enjeux et les défis communs qui se posent à l'État propriétaire .

Face à ce constat, le CAS devait servir de support à l'exercice d'une approche plus globale de la politique de l'immobilier de l'État. Avec la création de la direction de l'immobilier de l'État, il avait pour mission de permettre de faire de l'immobilier non plus seulement une fonction support mais un outil stratégique, au service de l'adaptation de l'État aux enjeux contemporains.

La politique immobilière de l'État et la direction de l'immobilier de l'État

Créée en 2007 pour faire de l'immobilier non plus une simple fonction support mais un aspect fondamental de la réponse de l'État à ses enjeux stratégiques et financiers, la politique immobilière de l'État (PIE) s'articule autour de quatre principes :

- une distinction entre l'État propriétaire, représenté par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) et les ministères occupants ;

- un modèle de financement reposant sur les produits de cessions et, de plus en plus, sur les redevances domaniales ;

- un vecteur budgétaire, le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ;

- un ensemble de principes destinés à rationaliser les décisions prises en matière de politique immobilière et à guider les ministères et services occupants dans leurs décisions : densification des espaces, gestion performante et valorisation des emprises, accessibilité, participation à la transition écologique, amélioration des conditions de travail des agents.

L'objectif affirmé est de faire passer l'immobilier d'une simple fonction support à un outil stratégique, qui peut être mobilisé pour répondre aux défis de l'Etat.

La direction de l'immobilier de l'Etat (DIE) constitue la branche opérationnelle de cette politique . Pour l'exercice de ses missions, la DIE peut s'appuyer sur son réseau au sein des directions départementales et régionales des finances publiques.

Source : rapport d'activité de la direction de l'immobilier de l'État pour 2020

Cependant, il faut constater à regret que le CAS ne remplit pas ce rôle d'impulsion stratégique . Son examen lors du projet de loi de finances ne parvient qu'à donner image incomplète et sans réelle valeur de la politique immobilière de l'État . Dès lors, on ne peut que se poser la question de l'utilité du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », et par là de sa raison d'être.

Cette remise en cause du CAS n'était toutefois pas inéluctable, mais résulte à la fois d'un sous-dimensionnement chronique au regard des enjeux de l'immobilier de l'Etat, et d'un dépouillement progressif de tout ce qui en faisait sa spécificité.

A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE AUX MASSES FINANCIÈRES NÉGLIGEABLES PAR RAPPORT À L'ENSEMBLE DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

Comme la commission des finances le constate depuis plusieurs années, les moyens du CAS pour mener la politique immobilière de l'État sont très limités au regard du parc immobilier de l'État.

Au 31 décembre 2020, la surface totale des bâtiments de l'État 10 ( * ) , des opérateurs et des établissements publics nationaux était de 94,3 millions de mètres carrés (en surface utile brute), contre 97 millions de mètres carrés à la fin de l'année 2019. Cette diminution résulte majoritairement, selon la DIE, d'un inventaire des travaux relatifs aux mesurages de surface.

La valeur comptable de ce patrimoine immobilier est estimée à 65,7 milliards d'euros , soit une hausse notable par rapport à la fin de l'année 2019 (+ 2,5 milliards d'euros, soit + 3,8 %).

Cette hausse s'explique moins par l'augmentation de la surface que par des réévaluations du patrimoine (hausse du marché immobilier ou correction d'évaluations initiales) 11 ( * ) . Un autre facteur important est que l'année 2020 a marqué l'aboutissement de travaux de fiabilisation engagés par la DIE pour rattacher à l'inventaire immobilier de l'État des travaux immobilisés qui figuraient dans le compte général de l'État, mais sans être présent dans l'inventaire. Ces travaux ont abouti à une augmentation du patrimoine de 1,7 milliard d'euros.

Au total, l'État, ses opérateurs et les établissements publics nationaux disposeraient à la fin de l'année 2020 de près de 191 500 immeubles, en augmentation de 500 par rapport à la fin de l'année 2019 .

Le rapporteur spécial souligne que, au regard de ce patrimoine très conséquent, le CAS « Gestion du patrimoine de l'immobilier de l'État » n'apparaît que comme un outil minoritaire, un instrument d'appoint pour la politique immobilière de l'État .

Ainsi, selon le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale ne représente qu'entre 4 et 7 % des crédits de l'État consacrés à l'immobilier et environ 10 % des moyens humains (si on considère que les moyens humains du CAS sont ceux de la DIE).


* 10 Comme le précise la DIE dans les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, les biens valorisés au bilan de l'État ne correspondent pas strictement au périmètre des biens dont l'État est propriétaire, mais plus largement aux biens dont il a le contrôle. Il peut donc y avoir des biens domaniaux non contrôlés par l'État, s'ils ont par exemple été confiés aux opérateurs, et il y a des biens non domaniaux contrôlés par l'État, par exemple les biens des collectivités territoriales mis à disposition de l'État de manière permanente.

* 11 Pour donner des exemples, d'après la réponse au questionnaire budgétaire, le site de l'ambassade à Tokyo a été réévalué de 94 millions d'euros, et le site de la « Grande Arche » à Paris a gagné 80 milliards d'euros.

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