B. LOIN DES OBJECTIFS DE MAÎTRISE ANNONCÉS, LES DÉPENSES COURANTES ONT AUGMENTÉ PENDANT LE QUINQUENNAT, AINSI QUE LES ENGAGEMENTS QUI CONTRAINDRONT LE NIVEAU DE CERTAINES DÉPENSES DANS LES ANNÉES À VENIR
1. Les dépenses pilotables augmentent de 7,3 % en volume, loin de la diminution prévue par la loi de programmation des finances publiques
Hors inflation, les dépenses pilotables auront augmenté de 7,3 % en volume pendant le quinquennat , alors qu'une diminution de 2,7 % était prévue par la loi de programmation 65 ( * ) .
Évolution des dépenses pilotables
au
cours du quinquennat
(en base 100 en 2017)
Les dépenses pilotables des années 2017 à 2022 (ramenées au format de la loi de finances initiale pour 2021) sont indiquées dans le dossier de presse du projet de loi de finances pour 2022. Les montants sont donnés hors inflation, celle-ci étant mesurée par l'indice des prix à la consommation (prévisions d'augmentation de 1,5 % en 2021 et 2022), et ramenés à une base 100 en 2017.
Source : calculs commission des finances, à partir des documents budgétaires et de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022
En euros courants, l'augmentation des dépenses pilotables aura été de 36,6 milliards d'euros sur cette même période, alors qu'elle aurait été de 7,9 milliards d'euros si la loi de programmation des finances publiques avait été appliquée. Cette augmentation n'inclut pas les dépenses liées à la crise sanitaire.
La norme de dépenses pilotables
En application de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2018 à 2022, la norme de dépenses pilotables comprend les dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux , en excluant les dépenses relatives aux pensions, aux contributions aux collectivités territoriales, aux engagements financiers de l'État (dont la charge de la dette et le désendettement), ainsi que les dépenses de certaines missions : « Remboursements et dégrèvements » et « Investissements d'avenir », auxquels le Gouvernement a ajouté pour les exercices 2020 et 2021 les missions « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et « Plan de relance ». Elle comprend également les plafonds des impositions affectées à des organismes chargés de missions de service public, décrits à l'article 24 du présent projet de loi de finances.
La LPFP prévoyait une augmentation modérée des dépenses pilotables, pour atteindre 262,5 milliards d'euros en 2021, avec une cible de diminution annuelle de 1 % en volume à compter de 2020.
Source : commission des finances du Sénat (à partir de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022)
Cette augmentation concerne la quasi-totalité des missions du budget général, à l'exception notable des missions « Travail et emploi » (- 2,8 milliards d'euros), « Cohésion des territoires » (- 1,5 milliard d'euros), « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (- 1,0 milliard d'euros) et « Anciens combattants et lien avec la nation » (- 0,5 milliard d'euros).
Évolution des crédits des missions, hors
contributions au CAS « Pensions »
entre 2017
(exécution) et 2022 (projet de loi de finances)
(en milliards d'euros)
Pour la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », le montant retenu en 2017 est le montant en loi de finances initiale, l'exécution ayant été affectée par des dépenses exceptionnelles principalement au titre de sanctions européennes sur la gestion nationale passée de la PAC et des crises sanitaires, notamment la grippe aviaire.
Source : commission des finances du Sénat, à partir des fiches mission du dossier de presse du projet de loi de finances pour 2022
Au cours de ces cinq années, la hausse a été continue pour les principales missions du budget général, sauf pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » qui a connu un pic de dépenses lors de la crise sanitaire de 2020. Cette mission a notamment connu une augmentation importante des crédits consacrés à la prime d'activité et à l'allocation aux adultes handicapés, tandis que les missions « Défense » et « Enseignement scolaire » faisaient l'objet d'une priorité particulière du Gouvernement.
Évolution des dépenses pour les cinq principales missions du budget général 66 ( * )
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir du dossier de presse du projet de loi de finances
Certaines missions de taille intermédiaire, en revanche, ont connu une diminution de leurs crédits, surtout en début de quinquennat.
La mission « Cohésion des territoires » a connu un désengagement partiel de l'État du financement des aides au logement, au travers de la mise en place de la réduction du loyer de solidarité (RLS). S'agissant de la mission « Travail et emploi », les crédits ont diminué en début de quinquennat en raison de la réduction du nombre de contrats aidés et de l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises.
La mission « Sécurité », à l'inverse, a connu une augmentation importante de ses moyens. La masse salariale a ainsi progressé de plus de 1,2 milliard d'euros entre la loi de finances initiale pour 2017 et celle pour 2021.
Évolution des crédits des missions de taille intermédiaire depuis 2017
(en milliards d'euros)
La diminution des crédits en exécution 2021 sera moins marquée que sur ce graphique, un montant de 700 millions d'euros de crédits supplémentaires ayant été ouvert en loi de finances rectificative.
Source : commission des finances, à partir du dossier de presse du projet de loi de finances pour 2022
2. Les annonces gouvernementales du « budget de campagne » engagent l'État pour les années à venir
a) Même avant les dernières annonces, le budget 2022 engage l'avenir
La croissance des dépenses concerne non seulement les crédits de paiement, mais aussi les autorisations d'engagement et porte donc des conséquences sur les années postérieures à 2022.
Le montant des engagements souscrits par l'État sur le périmètre du budget général, mesurés par les ouvertures d'autorisations d'engagement, augmente de 20,3 % en 2022, par rapport à la loi de finances pour 2021, et de 34,9 % par rapport au dernier budget adopté avant la crise sanitaire , c'est-à-dire la loi de finances initiale pour 2020.
Cette augmentation doit certes être relativisée. Elle provient en effet en premier lieu de la création du programme très atypique 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 », doté de 165 milliards d'euros d'autorisations d'engagement. Comme l'a expliqué le rapporteur général supra , ce programme est dépourvu de toute signification concrète : il est peu réaliste d'imaginer qu'elles seront couvertes par des crédits de paiement ouverts sur le budget général dans les années à venir, pour lequel ils représenteraient une charge considérable et inédite 67 ( * ) . Cette ouverture inédite d'autorisations d'engagement doit surtout être analysée comme une mesure d'affichage tendant à laisser croire que des efforts de désendettement sont engagés.
Plus significative est l'importante augmentation des restes à payer sur les missions traditionnelles du budget général. Ceux-ci correspondent aux engagements non encore couverts par des paiements : ils donnent donc une indication sur les décaissements qui seront nécessaires dans les années à venir.
Sur les missions « Défense », « Écologie, mobilité et développement durables » et « Justice », qui financent des programmes pluriannuels d'infrastructures et d'équipements lourds et possèdent donc des restes à payer élevés, le montant total des restes à payer est passé de 64,4 milliards d'euros en 2017 à 77,5 milliards d'euros en 2020 et atteindrait 97,3 milliards d'euros à la fin 2021 , soit un accroissement de 51,1 % en cinq ans.
Évolution des restes à payer
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir des projets et des rapports annuels de performance
Cette augmentation est due pour l'essentiel aux projets des programmes 178 « Préparation et emploi des forces » et 146 « Équipement des forces » de la mission Défense. Si elle s'explique notamment par la signature de contrats de maintien en condition opérationnelle et d'achats d'équipement, réalisés dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire et dont la pertinence n'est pas remise en cause, cet accroissement des engagements posera de fait une contrainte en dépenses au prochain quinquennat .
b) Les annonces du Gouvernement et les mesures diverses présentées devant l'Assemblée nationale pèseront sur le budget de l'État au cours des années à venir
L'augmentation des engagements inscrite dans le projet de loi de finances est d'abord amplifiée par l'annonce du plan d'investissements par le Président de la République, qui accroîtrait les autorisations d'engagement d'un montant pouvait atteindre 30 milliards d'euros.
En outre l'Assemblée nationale a d'ores et déjà adopté, sur la proposition du Gouvernement, plusieurs mesures accroissant le volume des engagements non gagés dès 2022 par des crédits de paiement :
- une augmentation des autorisations d'engagement de la mission « Défense » de 2,8 milliards d'euros en 2022, sans ouverture concomitante de crédits de paiement, au titre d'un contrat de gestion du parc métropolitain de logements domaniaux du ministère des Armées 68 ( * ) ;
- pour un montant très significatif au regard de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », une ouverture de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement de cette mission, avec seulement 100 millions d'euros de crédits de paiement, pour un plan de développement des équipements de proximité 69 ( * ) ;
- un accroissement de 254 millions d'euros des autorisations d'engagement de la mission « Relation avec les collectivités territoriales », afin de financer des opérations de rénovation d'écoles à Marseille, projet doté de seulement 6 millions d'euros de crédits de paiement en 2022.
Plusieurs annonces engagent également les dépenses de long terme , telles que la revalorisation des salaires publics, notamment dans l'enseignement.
D'une manière générale, la nette hausse des dépenses de personnel pendant le quinquennat, dont l'inertie est plus grande que celle des autres catégories de dépenses, constitue une limitation des marges de manoeuvre des gouvernements futurs.
* 65 Calculs commission des finances, à partir des réalisations ou prévisions de dépenses pilotables inscrites dans le dossier de presse du projet de loi de finances, des prévisions en loi de programmation des finances publiques et des taux d'inflation constatés ou prévus entre 2020 et 2022. La loi de programmation prévoit un plafond de dépenses pilotables pour les années 2018 et 2019, puis une diminution de 1 % en volume chaque an de 2020 à 2022.
* 66 Hors missions « Remboursements et dégrèvements » et « Engagements financiers de l'État ».
* 67 Ce constat ne signifie pas que le remboursement de la dette ne constituerait pas un engagement de l'État. Comme tous les titres de dette, ceux qui souscrits pendant la crise sanitaire constituent des engagements juridiques lors de leur émission et seront remboursés à leur échéance, mais ils ne font pas l'objet d'une autorisation d'engagement au sens budgétaire. Seul le paiement des intérêts fait l'objet d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, ouverts sur le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » et, dans une moindre mesure, sur le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ».
* 68 Amendement II-873 , présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale sur les crédits de la mission « Défense », projet de loi de finances pour 2022.
* 69 Amendement II-1280 , présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », projet de loi de finances pour 2022.