Rapport n° 743 (2020-2021) de M. Christian KLINGER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021
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LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
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I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2020 A ÉTÉ PROFONDÉMENT BOULEVERSÉE PAR
LA CRISE SANITAIRE
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II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
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1. Un programme 204 réorienté pour
répondre à la crise sanitaire
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2. Une indemnisation des victimes de la
Dépakine toujours inférieure aux objectifs affichés
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3. L'agence de santé de
Wallis-et-Futuna : une exécution enfin conforme aux
prévisions budgétaires
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4. L'aide médicale d'État
(AME) : une réforme sans effet sur la maîtrise des
coûts
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1. Un programme 204 réorienté pour
répondre à la crise sanitaire
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I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2020 A ÉTÉ PROFONDÉMENT BOULEVERSÉE PAR
LA CRISE SANITAIRE
N° 743
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,
Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,
Sénateur
TOME II
CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
ANNEXE N° 28
Santé
Rapporteur spécial :
M. Christian
KLINGER
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
4090 , 4195 et T.A. 628 |
Sénat : |
699 (2020-2021) |
LES
PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. La mission Santé est composée de deux programmes : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie », principalement consacré au financement de l'aide médicale d'État (AME). En 2020, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élèvent à 1 724 millions d'euros, soit 52,8 % de plus que la prévision retenue en loi de finances initiale. Cette surconsommation résulte pour l'essentiel de la mise en place d'un fonds de concours rattaché au programme 204, dédié au financement de dispositifs de lutte contre la crise sanitaire. Celui-ci a été doté, en mars 2020, de 700 millions d'euros supplémentaires (AE = CP) afin de faire face aux dépenses induites par la gestion de la pandémie (achat de matériels, vaccins, masques, etc.).
2. Le fonds de concours a été abondé par des crédits versés par Santé publique France. Ce montage baroque interroge, un an après le transfert de cette agence de la mission Santé vers le budget de la sécurité sociale. Il témoigne tout à la fois d'une propension à la complexité mais aussi d'une réelle confusion des rôles entre les mesures devant être prises en charge par l'État ou par la sécurité sociale. De fait, hors fonds de concours, la mission Santé est réduite à la portion congrue et est incapable d'incarner l'action de l'État en faveur de la prévention des risques sanitaires.
3. Si les crédits du fonds de concours semblent dédiés en large partie à la mise en place d'une réponse adaptée aux défaillances de l'État observée en début de crise (pénurie de masques et de certains matériels et équipements médicaux), il y a lieu de s'interroger sur les sommes affectées à certaines lignes à l'instar des prestations de conseil. Les montants dédiés en AE (8,85 millions d'euros) dépassent en effet ceux prévus pour la recherche (6,54 millions d'euros). Les montants prévus pour la communication (5,02 millions d'euros) peuvent également susciter des réserves.
4. 25,11 millions d'euros ont été consommés en 2020 au titre du financement des actions juridiques et contentieuses sur le programme 204. Cette somme couvre, notamment, le financement de l'indemnisation des victimes de la valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine) par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). 4,2 millions d'euros ont été versés à ce titre en 2020. Ce montant contraste avec celui retenu lors de la mise en place du dispositif en loi de finances pour 2017, qui tablait sur une moyenne de 77,7 millions d'euros par an sur la période 2018-2023. Au regard des retards observés, la loi de finances pour 2020 avait déjà retenu une baisse des crédits dédiés à cette indemnisation et mis en place un nouveau dispositif à même de réduire les délais d'instruction et donc de faciliter le remboursement. La nomination tardive du président et des membres de ce collège n'ont cependant pas permis à la nouvelle instance de se réunir avant l'automne 2020, fragilisant l'impact de cette mesure au plan budgétaire.
5. L'exercice 2020 est marqué par une exécution des crédits prévus au sein du programme 2004 pour le financement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna quasi-conforme aux prévisions budgétaires : 44,15 millions d'euros ont ainsi été consommés au titre des crédits de paiement, soit un taux d'exécution de 101 %. Cet effort de bonne gestion mérite d'être salué. Il reste cependant dépendant de la situation sanitaire. Un rebond peut donc être envisagé au cours des prochains exercices. L'absence de progression des coûts reste de surcroît liée à une augmentation de la subvention et non à une réflexion sur la maîtrise des coûts. Il pourrait être opportun que le Gouvernement présente un bilan de la mise en oeuvre des 15 mesures présentées en 2016 et dédiées à la maîtrise de la dépense.
6. À l'initiative du Gouvernement, une réforme limitée de l'aide médicale de l'État a été adoptée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, en vue notamment de maîtriser la dépense. Le déploiement de ces nouvelles mesures devait permettre de réduire la dépense de 15 millions d'euros à l'issue de l'exercice 2020 (soit 1,6 % des crédits versés au titre de l'AME en 2019) et rompre ainsi avec la tendance observée depuis 2012 d'une augmentation continue du coût de l'AME pour le budget de l'État. La publication tardive du décret précisant ces dispositions a décalé de près d'un an la mise en oeuvre de la réforme . Il n'est pas étonnant dans ces conditions que l'objectif de réduction des dépenses ne soit pas atteint. L'exécution 2020 se traduit ainsi par un écart de plus de 9 millions d'euros avec les crédits votés en loi de finances initiale : 928,4 millions d'euros sont ainsi été fléchés vers l'AME en 2020 contre 919,3 millions d'euros initialement prévus.
7. Si ce montant reste inférieur à celui constaté en 2019 - 939,4 millions d'euros - et rompt avec la trajectoire haussière observée depuis 2012, il ne saurait occulter le caractère transitoire de l'exercice 2020. La pandémie a, en effet, eu un impact indéniable sur le recours aux soins de santé compte-tenu du confinement, de la déprogrammation des soins non urgents par les établissements de santé et de la fermeture d'un grand nombre de cabinets de professionnels de santé. Les dépenses de l'AME de droit commun ont ainsi enregistré une baisse de 4,6 % par rapport à 2019 pour s'établir à 857 millions d'euros. Ce contexte particulier n'a pas pour autant conduit à une baisse du recours à l'AME pour soins urgents, pour lequel le Gouvernement table sur une dépense de 70 millions d'euros soit une majoration de 5,4 % par rapport à 2019.
8. Le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun a, en dépit de la réduction du nombre d'entrées sur le territoire, enregistré une nette progression. 368 890 bénéficiaires étaient enregistrés au 30 septembre 2020, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2019. Dans ces conditions, faute de réforme d'ampleur du dispositif, la sortie de crise sanitaire devrait coïncider avec une reprise de la progression des dépenses d'AME.
I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2020 A ÉTÉ PROFONDÉMENT BOULEVERSÉE PAR LA CRISE SANITAIRE
1. Un écart conséquent par rapport à la prévision retenue en loi de finances
La mission « Santé » du budget général participe à la mise en oeuvre de la politique globale de santé. Celle-ci est axée autour de trois objectifs : la prévention, la sécurité sanitaire et l'organisation d'une offre de soins de qualité.
Le périmètre de la mission a été substantiellement réduit depuis 2014. Le financement des agences sanitaires qu'elle intégrait a, en effet, été progressivement transféré au budget de la sécurité sociale.
La mission est composée de deux programmes, coordonnés par le ministère des solidarités et de la santé :
- le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins , qui a pour ambition première le financement des plans et de programmes de santé pilotés au niveau national par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Il vise ainsi à garantir la protection de la population face à des évènements sanitaires graves tout en prévenant le développement de pathologies graves. Le programme regroupe les subventions pour charge de service public accordées aux agences sanitaires, appelées à concourir à la réalisation de ces objectifs ;
- le programme 183, dédié à la protection maladie, qui finance principalement l'aide médicale de l'État (AME) , destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois et dont les ressources sont insuffisantes pour une prise en charge au titre de la couverture maladie complémentaire universelle. L'AME participe d'un objectif de prévention, en permettant de détecter et de soigner les affections contagieuses, et d'éviter leur diffusion dans le reste de la population. De manière plus marginale, le programme 183 contribue, depuis 2015, au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
Les dépenses de la mission relèvent quasi-exclusivement du titre 3 « Dépenses de fonctionnement » (32,4 %) et du titre 6 « Dépenses d'intervention » (67,5 %). Les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre de la mission sont regroupés au sein du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
En 2020, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élèvent à 1 724 millions d'euros, soit 52,8 % de plus que la prévision retenue en loi de finances initiale. Cette surconsommation résulte pour l'essentiel de la mise en place d'un fonds de concours rattaché au programme 204, dédié au financement de dispositifs de lutte contre la crise sanitaire (cf infra ).
Exécution des crédits de la mission
« Santé »
par programme en 2020
(en millions d'euros)
Programme |
Crédits exécutés en 2019 |
Crédits votés LFI 2020 |
Crédits ouverts 2020 |
Crédits exécutés 2020 |
Évolution exécution 2020 / 2019 |
Écart exécution 2020 / LFI 2019 |
|
P. 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
AE |
405,3 |
197,6 |
890,1 |
829,9 |
204,77 % |
419,86 % |
CP |
479,1 |
200,9 |
893,2 |
788,0 |
164,48 % |
392,18 % |
|
P. 183 Protection maladie |
AE |
942,4 |
927,4 |
936,1 |
936,0 |
99,33 % |
100,94 % |
CP |
942,4 |
927,4 |
936;1 |
936,0 |
99,33 % |
100,94 % |
|
TOTAL |
AE |
1 347,7 |
1 125,0 |
1 826,2 |
1 766,0 |
131,04 % |
156,98 % |
CP |
1 421,5 |
1 128,3 |
1 829,2 |
1 724,0 |
121,29 % |
152,80 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Les dépenses de la mission restent cependant à un niveau inférieur au plafond défini en 2020 dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 (1 273,90 millions d'euros à périmètre constant, c'est-à-dire corrigé des transferts de dépenses). L'examen de la compatibilité au plafond n'intègre pas, en effet, les crédits consommés provenant de fonds de concours.
2. Une surconsommation des crédits liée à la crise sanitaire
Le taux d'exécution du programme 183 « Protection maladie » est relativement conforme aux prévisions (100,9 %) et s'inscrit dans la lignée de celui constaté en 2019 (100,5 %).
La crise sanitaire et la création d'un fonds de concours destiné à faire face à celle-ci au sein du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » conduit , de son côté, à un taux d'exécution des crédits inédit (392,2 %) , rompant avec la sous-consommation des crédits observée lors des précédents exercices (87,8 % en 2018 et 85,1 % en 2019).
Il convient cependant de préciser que hors fonds de concours, le programme 204 est marqué par une nouvelle sous-consommation des crédits : 17 % des CP n'ont ainsi pas été utilisés .
Évolution du taux d'exécution des
crédits de paiement
de la mission
« Santé » des programmes 183 « Protection
maladie » et 204 « Prévention,
sécurité sanitaire et offre de soins »
(en %)
Note de lecture : le taux d'exécution est calculé par référence aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits, et non aux crédits disponibles (qui incluent également les reports de crédits et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'exercice).
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2020
(en millions d'euros)
Prog. |
LFI 2020 |
Décrets de transfert |
Décrets de virement |
Arrêté de report |
Fonds de concours |
Loi de finances rectificative |
Total ouvertures et annulations |
Crédits ouverts |
Exécution 2020 |
Écart consommé/ crédits alloués en LFI |
|
P204 |
AE |
197,6 |
- 4,2 |
- 3,95 |
27,2 |
700 |
- 26,6 |
692,5 |
890,1 |
829,9 |
632.3 |
CP |
200,9 |
- 4,3 |
- 4,02 |
27,9 |
700 |
- 27,3 |
692,3 |
893,2 |
788,0 |
587,1 |
|
P183 |
AE |
927,3 |
8,8 |
8.8 |
936,1 |
936,0 |
8,7 |
||||
CP |
927,3 |
8,8 |
8.8 |
936;1 |
936,0 |
8,7 |
|||||
Total mission |
AE |
1 125,0 |
- 4,2 |
- 3,95 |
27,2 |
700 |
- 17,8 |
701,3 |
1 826,2 |
1 766,0 |
641,0 |
CP |
1 128,3 |
- 4,3 |
- 4,02 |
27,9 |
700 |
-18,5 |
701,1 |
1 829,2 |
1 724,0 |
595,8 |
Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Un programme 204 réorienté pour répondre à la crise sanitaire
Prévu par la loi de finances pour 2020, le transfert de l'Agence nationale de santé publique (ANSP - Santé publique France) et de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) au budget de la sécurité sociale devait déboucher sur une réduction des crédits dédiés au programme 204 de plus de 50 %. Il convient de rappeler que l'ANSP était au coeur de l'action n° 11 du programme 204 « Pilotage de la politique de santé publique ». L'ANSM était, quant à elle, l'outil au service de l'action n° 17 du même programme « Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins ». Ces opérateurs concentraient, par ailleurs, plus de la moitié des crédits du programme 183 : 268,6 millions d'euros, soit 56 % de la dotation accordée en loi de finances pour 2019.
Ce rattachement a suscité de la part de la commission des finances un certain nombre de réserves à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances. Les missions assignées à l'ANSM et à Santé publique France ne relèvent pas, en effet, de prime abord, d'une logique contributive que suppose, pourtant, leur rattachement au budget de la sécurité sociale.
La crise sanitaire a conduit à réviser la perspective budgétaire assignée au programme 204, celui-ci étant doté en mars 2020 de 700 millions d'euros supplémentaires (AE = CP) afin de faire face aux dépenses induites par la gestion de la pandémie (achat de matériels, vaccins, masques etc.).
Cette nouvelle ligne de crédit prend la forme d'un fonds de concours abondé par des crédits versés par Santé publique France 1 ( * ) . Ce montage baroque interroge, un an après le transfert de cette agence au budget de la sécurité sociale.
4 versements ont ainsi été effectués :
- 231 millions d'euros le 26 mars 2020 ;
- 269 millions d'euros le 1 er avril 2020 ;
- 100 millions d'euros le 8 avril 2020 et le 15 avril 2020.
Au 31 décembre 2020, 659,2 millions d'euros en AE et 621,9 millions d'euros en CP ont été consommés. Les crédits restants ont été reportés sur l'exercice 2021. Le fonds a été institué jusqu'au 31 décembre 2021, date à laquelle le reliquat éventuel devra être reversé à Santé publique France.
Répartition des crédits
supplémentaires ouverts pour lutter
contre la crise sanitaire au sein
du Fonds de concours dédié
(en euros)
Nature des dépenses |
Autorisations d'engagement consommées |
Crédits de paiement consommés |
Matériel médical (masques, tests, respirateurs etc) |
317 501 409,04 |
312 205 425,57 |
Vaccins |
132 439 686 |
132 439 686 |
Transports |
128 613 160,94 |
123 441 161,58 |
Distribution de masques aux personnes en situation de précarité |
23 475 735,08 |
23 475 735,08 |
Systèmes d'information (collecte des données, application TousAntiCovid etc.) |
21 460 591,18 |
16 625 801,98 |
Approvisionnement équipement et protection individuel |
13 763 202 |
|
Prestations de conseil |
8 849 473,38 |
2 935 512,30 |
Recherche |
6 538 684,29 |
6 538 684,29 |
Communication |
5 020 098,90 |
2 756 526,18 |
Dotation agences de santé (Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon) |
1 557 093 |
1 553 156 |
Total |
659 219 133,81 |
621 971 688,98 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Si les crédits du fonds de concours semblent dédiés en large partie à la mise en place d'une réponse adaptée aux défaillances de l'État observée en début de crise (pénurie de masques et de certains matériels et équipements médicaux), il y a lieu de s'interroger sur les sommes affectées à certaines lignes à l'instar des prestations de conseil. Les montants dédiés en AE (8,85 millions d'euros) dépassent en effet ceux prévus pour la recherche (6,54 millions d'euros). Les montants prévus pour la communication (5,02 millions d'euros) peuvent également susciter des réserves.
Répartition des crédits de paiements
consommés au sein du Fonds de concours « Participations
diverses aux politiques de prévention,
de sécurité
sanitaire et d'offres de soins »
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Au-delà de ce constat, le rapporteur spécial rappelle ses réserves exprimées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 quant à l'architecture de la mission Santé, réduite à la portion congrue et incapable d'incarner l'action de l'État en faveur de la prévention des risques sanitaires. La mise en place du fonds de concours vient, de façon cosmétique, répondre à ce défaut. Son abondement par Santé publique France, désormais rattaché budgétairement à la sécurité sociale, témoigne tout à la fois d'une propension à la complexité mais aussi d'une réelle confusion des rôles entre les mesures devant être prises en charge par l'État ou par la sécurité sociale.
De fait, seuls 8,45 millions d'euros en AE et 8,52 millions d'euros en CP ont été prélevés sur le programme 204 hors Fonds de concours aux fins de participation à la gestion de la crise. Cette somme a permis le financement de test virologiques aux frontières (4,5 millions d'euros fléchés vers le programme 161 Sécurité civile) ou la réalisation par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des Solidarités et de la santé de l'enquête probabiliste EPICOV (2,86 millions d'euros en AE et 2,93 millions d'euros en CP).
2. Une indemnisation des victimes de la Dépakine toujours inférieure aux objectifs affichés
25,11 millions d'euros ont été consommés en 2020 au titre du financement des actions juridiques et contentieuses. Cette somme couvre, notamment, le financement de l'indemnisation des victimes de la valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine) par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). 4,2 millions d'euros ont été versés à ce titre en 2020.
Ce montant contraste avec celui retenu lors de la mise en place du dispositif en loi de finances pour 2017 . Le montant de l'indemnisation, entièrement prise en charge par l'État, était en effet estimé à 424,2 millions d'euros sur la période 2018-2023, soit en moyenne 77,7 millions d'euros par an , chiffre retenu par la loi de finances pour 2018. La direction générale de la santé avait indiqué à la Cour des comptes en 2016 que cette estimation constituait une « fourchette basse », réalisée sur des hypothèses de nombre de bénéficiaires remplissant les critères d'indemnisation 2 ( * ) . Reste qu'entre la date d'instauration du dispositif et le 30 septembre 2020, seuls 13,5 millions d'euros ont été versés par l'ONIAM aux victimes.
Au regard des retards observés, la loi de finances pour 2020 avait déjà retenu une baisse des crédits dédiés à cette indemnisation , en prévoyant une dotation de 40,2 millions d'euros. Cette baisse tenait compte de l'exécution 2019, marquée par l'annulation de 38,3 millions d'euros de crédits non utilisés initialement dédiés à cet objectif.
Le Gouvernement avait également pris acte de ces difficultés en proposant, au sein de la loi de finances pour 2020, un nouveau dispositif à même de réduire les délais d'instruction 3 ( * ) et donc de faciliter le remboursement. Le collège d'experts et le comité d'indemnisation ont ainsi été fusionnés au sein d'un collège unique d'experts pour accélérer le traitement des demandes La nomination tardive du président et des membres de ce collège 4 ( * ) n'ont cependant pas permis à la nouvelle instance de se réunir avant l'automne 2020 fragilisant l'impact de cette mesure au plan budgétaire.
3. L'agence de santé de Wallis-et-Futuna : une exécution enfin conforme aux prévisions budgétaires
Établissement public national à caractère administratif, l'agence de santé de Wallis-et-Futuna a bénéficié, en loi de finances pour 2020, d'une subvention de 43,8 millions d'euros en CP, soit une progression de 7 millions d'euros par rapport à la LFI 2019 Cette majoration, se décomposait de la façon suivante :
- 4,5 millions d'euros dédiés à de nouvelles mesures de prévention ;
- 2,5 millions d'euros destinés à la reconstitution de la dette.
Évolution de la subvention versée
à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna
depuis 2013 (hors
remboursement du prêt AFD)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette augmentation des crédits était censée répondre à une sous-budgétisation récurrente constatée au cours des précédents exercices. La principale difficulté de l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna - qui ne dispose pas de ressources propres et dont le financement est assuré intégralement par l'État - tient au coût des évacuations sanitaires vers la Nouvelle Calédonie, les établissements métropolitains, voire les hôpitaux australiens. La commission des finances du Sénat a régulièrement mis en évidence cet écart entre crédits prévus et consommés, dont la première conséquence fut un recours à l'endettement.
L'exercice 2020 est marqué par une exécution quasi-conforme aux prévisions budgétaires : 44,15 millions d'euros ont ainsi été consommés au titre des crédits de paiement, soit un taux d'exécution de 101 % 5 ( * ) . Cette somme intègre 1,33 million d'euros dédiés au remboursement du prêt accordé par l'Agence française de développement à l'agence de santé.
Cet effort de bonne gestion mérite d'être salué . Il reste cependant dépendant de la situation sanitaire. La crise de la Covid-19 a en effet débouché sur une réduction du nombre d'évacuations et le report de certaines dépenses (embauches de professionnels de santé, organisation de la Conférence territoriale de santé). Un rebond peut donc être envisagé au cours des prochains exercices.
L'absence de progression des coûts reste de surcroît liée à une augmentation de la subvention et non à une réflexion sur la maîtrise des coûts. En 2016, 15 mesures avaient été élaborées au sein d'un projet stratégique quinquennal en vue de parvenir à limiter les dépenses budgétaires 6 ( * ) . Elles ne relevaient pas toutes du simple domaine budgétaire : création d'un secrétariat général et d'un pôle de prévention, recrutement d'un diététicien, d'un épidémiologiste et d'un médecin de santé publique ou développement de la télémédecine. Il pourrait être opportun que le Gouvernement présente un bilan de la mise en oeuvre de ces mesures et évalue dans le même temps leur incidence financière.
4. L'aide médicale d'État (AME) : une réforme sans effet sur la maîtrise des coûts
À l'initiative du Gouvernement, une réforme limitée de l'aide médicale de l'État a été adoptée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, en vue notamment de maîtriser la dépense 7 ( * ) . Reprenant les conclusions d'un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales rendu public en novembre 2019, le dispositif est axé autour de trois points :
- clarifier les conditions pour bénéficier de l'aide : l'ouverture du droit à l'AME ne sera effective qu'au terme d'un délai de trois mois en situation irrégulière . La précédente rédaction pouvait permettre une ouverture du droit dans les semaines suivant l'expiration d'un visa touristique ;
- conditionner la prise en charge de certaines prestations programmées et non urgentes des bénéficiaires majeurs de l'aide médicale d'État à un délai d'ancienneté de bénéfice de cette aide de 9 mois maximum. Une dérogation est envisageable si le délai peut avoir des conséquences vitales ou graves et durables sur l'état de la personne ;
- limiter les possibilités de dépôt de demande d'AME à une comparution physique en caisse primaire d'assurance-maladie ou en cas d'empêchement, à un dépôt par l'intermédiaire de l'hôpital ou de la permanence d'accès aux soins de santé. Le dispositif existant est néanmoins maintenu en cas de renouvellement de demande d'aide, afin d'éviter un engorgement des caisses d'assurance-maladie et des hôpitaux.
L'entrée en vigueur de l'ensemble de ces dispositions était renvoyée à un décret en Conseil d'État, censé préciser les modalités de mise en oeuvre.
Le déploiement de ces nouvelles mesures devait, en outre, permettre de réduire la dépense de 15 millions d'euros à l'issue de l'exercice 2020 (soit 1,6 % des crédits versés au titre de l'AME en 2019) et rompre ainsi avec la tendance observée depuis 2012 d'une augmentation continue du coût de l'AME pour le budget de l'État.
Le décret précisant ces dispositions n'a finalement été édicté que le 30 octobre 2020 8 ( * ) . Cette publication tardive a décalé de près d'un an la mise en oeuvre de la réforme. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que l'objectif de réduction des dépenses ne soit pas atteint. L'exécution 2020 se traduit ainsi par un écart de plus de 9 millions d'euros avec les crédits votés en loi de finances initiale : 928,4 millions d'euros sont ainsi été fléchés vers l'AME en 2020 contre 919,3 millions d'euros initialement prévus.
Si ce montant reste inférieur à celui constaté en 2019 -939,4 millions d'euros - et rompt avec la trajectoire haussière observée depuis 2012, il ne saurait occulter le caractère transitoire de l'exercice 2020. La pandémie a, en effet, eu un impact indéniable sur les entrées sur le territoire français comme en témoignent les baisses sensibles du nombre de visas (-79,8 % par rapport à 2019) et des titres de séjour (-20,5 % en un an). Le nombre de demandes d'asile, qui concerne directement l'AME a, quant à lui, diminué de 38,2 %. Il apparait évident dans ces conditions que le nombre de nouvelles entrées en situation irrégulière a dû également être affecté par ce ralentissement des flux migratoires.
À ces conditions s'ajoute un moindre recours général aux soins de santé compte-tenu du confinement, de la déprogrammation des soins non urgents par les établissements de santé et de la fermeture d'un grand nombre de cabinets de professionnels de santé. Dans le champ de l'AME, les dépenses hospitalières ont ainsi diminué de près de 2,7 %, les dépenses de produits de santé de 17,1 % et les dépenses pour d'autres soins de 6,2 %
Il n'est donc pas étonnant que les dépenses de l'AME de droit commun aient enregistré une baisse de 4,6 % par rapport à 2019 pour s'établir à 857 millions d'euros, contre 898 millions d'euros lors de l'exercice précédent . Ce contexte particulier n'a pas pour autant conduit à une baisse du recours à l'AME pour soins urgents , pour lequel le Gouvernement table sur une dépense de 70 millions d'euros soit une majoration de 3,6 millions d'euros par rapport à 2019 (+5,4 %) 9 ( * ) .
Exécution des dépenses liées à l'aide médicale d'État en 2019 et 2020
(en millions d'euros)
2019 |
2020 |
|
Aide médicale d'État de droit commun |
898 |
857 |
Soins urgents |
40,01 |
70 |
Aide humanitaire et autres dispositifs |
1,44 |
1,37 |
Total |
939,45 |
928,37 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun a, en dépit de la réduction du nombre d'entrées sur le territoire, enregistré une nette progression . Le Gouvernement estimait que l'effectif moyen des bénéficiaires de l'aide médicale d'État de droit commun s'élevait à 328 728 en 2019, soit une augmentation de 4 % par rapport à 2018. Le rapport annuel de performances fait aujourd'hui état d'un nombre de 368 890 bénéficiaires au 30 septembre 2020, soit une augmentation de 12 %.
Évolution de l'aide médicale
d'État de droit commun
et du nombre de ses
bénéficiaires depuis 2004
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Une telle progression dans un contexte de relative fermeture des frontières peut interroger. Il traduit sans doute l'impact de deux autres dispositions entrées en vigueur le 1 er janvier 2020 :
- l'instauration d'un délai de carence de 3 mois pour les demandeurs d'asile avant de pouvoir accéder à la Protection universelle maladie (PUMa) : dans l'intervalle, les personnes concernées ont accès à l'aide médicale d'État pour soins urgents ;
- la réduction de la durée de maintien des droits à l'assurance maladie d'un an à six mois pour les assurés dont le titre de séjour a expiré , les personnes concernées ayant dès lors accès à l'AME de droit commun et pour soins urgents.
Au plan budgétaire, l'impact de ces mesures en 2020 est estimé par le Gouvernement à 15 millions d'euros sur l'AME de droit commun et à 30 millions d'euros s'agissant des soins urgents. Il convient de rappeler à ce stade que l'impact de la seule réduction du maintien des droits à l'assurance maladie est estimé en année normale à 96 millions d'euros (60 millions d'euros au titre de l'AME de droit commun et 36 millions d'euros au titre de l'AME pour soins urgents).
Évolution des montants versés au titre de
l'aide médicale d'État
depuis 2012
(en millions d'euros)
Note de lecture : Le montant de l'AME pour soins urgents est celui effectivement constaté et s'écarte donc du montant du forfait versé par l'État à la CNAM.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Dans ces conditions, faute de réforme d'ampleur du dispositif, la sortie de crise sanitaire devrait coïncider avec une reprise de la progression des dépenses d'AME.
La croissance du nombre de bénéficiaire est également liée à la prolongation de trois mois des droits à l'AME des personnes dont les droits arrivaient à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 (192 667 bénéficiaires concernés) puis entre le 30 octobre 2020 et le 16 février 2021 (96 669 bénéficiaires concernés). Les bénéficiaires de l'AME installés en Guyane dont les droits expiraient au 30 octobre 2020 ont également été concernés par cette prolongation (14 929 personnes).
* 1 FDC 1-2-00640 « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offres de soins »
* 2 Le coût en année pleine de l'indemnisation des victimes de la Dépakine a été estimé sur la base d'un effectif de 10 290 personnes remplissant les critères d'indemnisation, sur un total de 30 000 à 40 000 demandes.
* 3 Article 266 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 4 Arrêté du 24 juillet 2020 portant nomination des membres du collège d'experts placé auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et chargé d'instruire les demandes des victimes du valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés.
* 5 1,32 million d'euros ont par ailleurs été versés à l'Agence de santé afin de lui permettre de faire face à la gestion de la crise sanitaire de la covid-19, via le fonds de concours 1-2-00640 « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offres de soins »
* 6 Agence de santé de Wallis-et-Futuna, Projet stratégique 2016-2020, 15 mesures pour conforter l'Agence dans ses missions et améliorer la santé des Wallisiens et Futuniens.
* 7 Article 264 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 8 Décret en Conseil d'État n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l'aide médicale de l'État et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d'avoir une résidence régulière en France
* 9 La prise en charge de l'AME pour soins urgents n''était financée entre 2008 et 2019 qu'à hauteur de 40 millions d'euros par l'État, le solde restant à la charge de la Caisse nationale d'assurance-maladie.