Rapport n° 743 (2020-2021) de M. Roger KAROUTCHI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021

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N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 19

Médias, livre et industries culturelles

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC


Rapporteur spécial : M. Roger KAROUTCHI

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4090 , 4195 et T.A. 628

Sénat :

699 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La mission « Médias, livre et industries culturelles » est composée de deux programmes :

- le programme 180 « Presse et médias » est dédié au renforcement de la vitalité, du pluralisme et du développement de la presse et des médias, notamment au niveau local (411,4 millions d'euros en crédits de paiement exécutés en 2020) ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est consacré à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres (735,1 millions d'euros en crédits de paiement exécutés en 2020).

2. Les dépenses de la mission s'élèvent en 2020 à 1 147,25 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 146,46 millions d'euros en crédits de paiement (CP). La crise sanitaire et son impact sur les activités culturelles ont conduit le Gouvernement à adopter, en cours d'exercice, des mesures d'urgence à destination des secteurs concernés par la mission . 613,96 millions d'euros en AE et 613,20 millions d'euros en CP sont ainsi venus s'ajouter aux dotations prévues initialement. De telles ouvertures de crédits induisent logiquement un écart substantiel avec la prévision budgétaire retenue en loi de finances pour 2020. Dans ces conditions, la consommation des crédits est marquée par un taux d'exécution inédit : 198,9 % en AE et 195,4 % en CP.

3. Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission s'élève à 818 millions d'euros en 2020 . 57,6 % de cette dépense relève du programme 180 « Presse et médias » (471 millions d'euros en 2020). S'agissant du programme 334 « Livre et industries culturelles », le rapporteur spécial relève que l'évaluation de la vigueur de ces dispositifs en 2020 est rendue complexe par l'absence d'indication, dans le rapport annuel de performances, de la cible retenue en début d'exercice.

4. L'ouverture, en cours d'exercice, de nouveaux crédits en faveur du programme 180 « Presse et Médias » à hauteur de 169,91 millions a eu pour principal objectif d'accompagner la liquidation judiciaire de Presstalis et le lancement de France Messagerie, destinée à la remplacer. S'il ne minore pas l'impact de la crise sanitaire sur la distribution de la presse, le rapporteur spécial rappelle qu'elle n'a, s'agissant de Presstalis, joué qu'un rôle d'accélérateur . Par ailleurs, si elle était nécessaire, cette aide exceptionnelle ne constitue pas une garantie pour l'avenir de France Messagerie. La situation du nouvel opérateur apparaît, en effet, fragile et dépendante de nombreux aléas, qu'il s'agisse des restrictions d'activité liées aux mesures sanitaires ou, plus structurellement, à l'attrition du nombre de lecteurs de journaux en version papier. Plus largement, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à présenter à moyen terme une refonte du régime des aides à la presse écrite , afin d'accompagner la mutation industrielle de celle-ci et lui permettre de répondre au changement des habitudes de lecture et aux incidences de la crise sanitaire. Cette réforme pourrait passer par une simplification des dispositifs existants avec la mise en place d'une aide unique au titre, évolutive en fonction de son niveau d'accessibilité en ligne, de sa participation à la connaissance et au savoir et de son degré d'indépendance. Un soutien temporaire au portage doit également être mis en oeuvre afin d'alléger la charge financière pesant sur La Poste au titre du soutien au transport postal de la presse.

5. L'exécution 2020 des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » est marquée par la mise en oeuvre de mesures d'urgences destinées à soutenir la plupart des industries culturelles . 423 millions d'euros de crédits de paiement, soit plus du double des crédits affectés en loi de finances initiale, ont ainsi été ouverts. 98,1 % de ces crédits ont été consommés. Le reliquat de crédits disponibles sur crédits ouverts s'élève ainsi, au terme de l'exercice, à 14,6 millions d'euros en CP. Ce taux de consommation ne doit pas occulter un décalage entre le versement effectif aux opérateurs de ces subventions complémentaires et la réattribution de ces crédits aux acteurs de la filière. Les crédits versés aux opérateurs n'ont en effet pas pu être dans leur totalité réaffectés, en raison du versement en fin d'exercice des dotations complémentaires adoptées en lois de finances rectificative.

6. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public. La loi de finances pour 2020 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte de concours financiers à 3,79 milliards d'euros, en diminution de 70 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent. Pour chacun des programmes, l'exécution est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale.

7. Les efforts financiers effectués par France Télévisions en vue de la mise en avant d'une offre enrichie en théâtre, musique et spectacle vivant et en programmes jeunesse (augmentation des coûts liés au programme national de 21,2 millions d'euros) n'ont pas remis en cause l'objectif affiché de maîtrise des coûts, en particulier celui de la grille. Il convient de relever que cette économie a été rendue en partie possible par la baisse d'activité enregistrée dans certains secteurs en raison de la crise sanitaire : information (- 15,2 millions d'euros), sport (- 23,4 millions d'euros) ou décrochages régionaux et ultra-marins (- 39,4 millions d'euros). Il est évident que l'enrichissement de l'offre ne peut se faire au détriment des missions historiques du groupe, qu'il s'agisse de l'information ou des déclinaisons régionales. Il existe cependant des gisements d'économies. Il est également possible de s'interroger sur le choix coûteux de participer, aux côtés des groupes TF1 et M6, à la plateforme Salto. 10,9 millions d'euros ont été consacrés en 2020 à ce nouvel acteur pour 70 jours d'exploitation. Le choix de participer à ce projet souligne en creux la question de la gouvernance de France Télévisions et de ses choix stratégiques.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2020

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

1. Une dotation révisée en cours d'exercice afin de faire face à la crise sanitaire

La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général participe à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.

Elle est composée de deux programmes aux dotations quasi-équivalentes :

- le programme 180 « Presse et médias » est dédié au renforcement de la vitalité, du pluralisme et du développement de la presse et des médias, notamment au niveau local. Il n'intègre pas les crédits dédiés à l'audiovisuel public ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est consacré à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Une large part des crédits dédiés au cinéma prend la forme de taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée. Ils ne sont donc pas intégrés dans ce programme.

La mission ne comporte pas de dépenses de personnel de titre 2 puisque toutes les dépenses de personnel du ministère de la culture sont inscrites dans le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » rattaché à la mission « Culture ».

Les dépenses de la mission s'élèvent en 2020 à 1 147,25 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 146,46 millions d'euros en crédits de paiement (CP). La crise sanitaire et son impact sur les activités culturelles a conduit le Gouvernement à adopter, en cours d'exercice, des mesures d'urgence à destination des secteurs concernés par la mission. 613,96 millions d'euros en AE et 613,20 millions d'euros en CP sont ainsi venus s'ajouter aux dotations prévues initialement. De telles ouvertures de crédits induisent logiquement un écart substantiel avec la prévision budgétaire retenue en loi de finances pour 2020. Dans ces conditions, la consommation des crédits est marquée par un taux d'exécution inédit : 198,9 % en AE et 195,4 % en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2020

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés en 2019

Crédits votés LFI 2020

Crédits ouverts 2020

Crédits exécutés 2020

Évolution exécution 2020 / 2019

Taux exécution 2020 / LFI 2020

P. 180 - Presse et médias

AE

277,64

280,40

452,12

419,18

150,98 %

149,50 %

CP

281,58

280,40

450,31

411,40

146,11 %

146,72 %

P. 334 - Livres et industries culturelles

AE

275,86

296,46

738,69

728,07

263,93 %

245,59 %

CP

295,04

306,35

749,65

735,06

249,14 %

239,94 %

TOTAL

AE

553,50

576,86

1 190,81

1 147,25

207,27 %

198,88 %

CP

576,62

586,75

1 999,96

1 146,26

198,83 %

195,39 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette surconsommation de crédits affecte les deux programmes, mais plus nettement encore le programme 334 dédié aux industries culturelles. 64 % des CP consommés au sein de la mission le sont au titre de ce programme, alors que la loi de finances initiale prévoyait que celui-ci ne concentre que 51,1 % des CP.

Répartition par programme
des crédits de paiement consommés en 2020

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réserve de précaution, soit 11,2 millions d'euros (AE = CP) au titre du programme 180 et 6,8 millions d'euros en AE et 7,2 millions d'euros en CP au titre du programme 224 a été intégralement dégelée afin de contribuer au financement des mesures d'aide aux secteurs touchés par la crise.

La consommation des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et industries culturelles » n'a, dans ces conditions, pas respecté la trajectoire définie en loi de programmation pluriannuelle 1 ( * ) . Celle-ci prévoyait un montant de 0,54 milliard d'euros pour l'année 2020.

Exécution des crédits de la mission « Culture », hors contribution
au compte d'affectation spéciale « Pensions »
par rapport à la programmation pluriannuelle

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

LPFP

Exécution

540

1 146,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2020

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2020

Fonds de concours

Décrets de virement

Arrêtés de report

Décrets de transfert /dépenses accidentelles

Loi de finances rectificative

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2020

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P180

AE

280,40

-0,04

6,26

-4,5

170

171,73

452,12

419,18

138,78

CP

280,40

-0,04

4,45

-4,5

170

169,91

450,31

411,40

131

P334

AE

296,46

6,90

119

1,01

0,83

314,48

442,23

738,69

728,07

431,61

CP

306,35

3,90

119

1,37

0,83

315,19

443,29

749,65

735,06

425,71

Total mission

AE

576,86

6,90

118,96

7,27

-3,67

484,48

613,96

1 190,81

1 147,25

570,39

CP

589,75

3,90

118,96

5,82

-3,67

485,19

613,20

1 999,96

1 146,46

556,71

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. De nouveaux crédits ouverts pour les opérateurs rattachés à la mission

Quatre opérateurs sont rattachés au programme 334 « Livre et industries culturelles » : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (BPI), le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du livre (CNL). Aucun opérateur n'est rattaché au programme 180 « Presse et médias ».

Par ailleurs, s'il est rattaché au programme 334, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) n'est pas, en principe, financé sur des crédits budgétaires et bénéficie de l'affectation du produit de taxes, non soumises à un plafond d'affectation :

- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D), assise sur les revenus publicitaires ;

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;

- la taxe sur les entrées en salle de cinéma.

Montant des crédits versés aux opérateurs rattachés
au programme 334 « Livres et industries culturelles » en 2019 et en 2020 2 ( * )

(en millions d'euros)

Exécution 2019

Prévision LFI 2020

Exécution 2020

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Bibliothèque nationale de France (BnF)

203,76

203,76

210,11

210,11

208,20

208,20

Bibliothèque publique d'information (BPI)

7,12

9,44

11,26

9,65

10,92

9,38

Centre national du livre (CNL)

23,86

23,86

24,72

24,72

53,63

53,63

Centre national de la musique (CNM) 3 ( * )

-

-

7,99

7,99

161,03

161,03

Total

234,74

471,8

254,08

252,47

433,78

432,24

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'écart constaté entre les dotations initialement prévues pour le Centre national du livre et le Centre national de la musique et la consommation des crédits - 181,95 millions d'euros (AE = CP) - traduit l'implication de ces deux opérateurs dans les dispositifs financiers mis en place par le Gouvernement pour faire face aux incidences de la crise sanitaire sur les industries culturelles.

Écart entre les crédits de paiement prévus en LFI en 2020
pour les opérateurs du programme 334 et ceux effectivement consommés 4 ( * )

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Une évolution de la dépense fiscale difficile à apprécier en 2020

Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission s'élève à 818 millions d'euros en 2020.

57,6 % de cette dépense relève du programme 180. Le montant de la dépense fiscale afférente au dit programme s'est élevé à 471 millions d'euros en 2020 , enregistrant une baisse de 15 millions d'euros par rapport à 2019 et de 70 millions d'euros par rapport à la cible retenue en loi de finances. L'impact de la crise sanitaire sur les publications de presse justifie pour partie cet écart.

L'essentiel de cette dépense relève en effet de la TVA applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision (taux réduit de 10 %) et aux publications de presse (taux réduit de 2,1 %). Le cumul de ces deux réductions est estimé à 460 millions d'euros.

L'État prend également en charge deux dépenses relevant de la fiscalité locale : les exonérations de cotisation sur la valeur ajoutée et de cotisation foncière des entreprises en faveur des diffuseurs de presse spécialistes (5 millions d'euros chacune en 2020).

Le solde - 2 millions d'euros - relève de quatre dispositifs : déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse, exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif, réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse et application d'une assiette réduite pour le calcul de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision. Le caractère marginal de ces dépenses fiscales interroge de fait sur l'efficacité de ces dispositifs.

Montant de la dépense fiscale rattachée au programme 180
en 2019 et 2020

(en millions d'euros)

2019

2020

Taux réduit de TVA applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision

320

320

Taux réduit de TVA applicable aux publications de presse

155

140

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des de diffuseurs de presse spécialistes

4

5

Exonération de cotisation foncière des entreprises en faveur des de diffuseurs de presse spécialistes et

5

5

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

1

1

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

1

1

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse

< 0,5

< 0,5

Application d'une assiette réduite pour le calcul de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision

< 0,5

< 0,5

Total

486

471

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La dépense fiscale rattachée au programme 334 couvre, quant à elle, 5 dispositifs : crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques, crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles, crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutive établies hors de France, réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles et crédit d'impôt pour la production phonographique. Le montant de la dépense fiscale est établi à 347 millions d'euros en 2020, soit une progression de 31 millions d'euros par rapport à 2019.

Montant de la dépense fiscale rattachée au programme 334 en 2019 et 2020

(en millions d'euros)

2019

2020

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques

108

102

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles

125

133

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutive établies hors de France

43

73

Réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles

29

28

Crédit d'impôt pour la production phonographique

11

11

Total

316

347

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial relève que l'évaluation de la vigueur de ces dispositifs en 2020 est rendue complexe par l'absence d'indication, dans le rapport annuel de performances, de la cible retenue en début d'exercice. Il s'interroge également sur l'absence dans le montant retenu en 2020 de la dépense fiscale liée au crédit d'impôt « jeux vidéo » qui vise les dépenses afférentes à la création de ce type de programme (le CNC en charge de l'agrément table sur une dépense fiscale de 49 millions d'euros en 2020).

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public . Il comprend donc :

- en recettes , le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et le montant des dégrèvements de CAP pris en charge sur le budget général de l'État. Les frais d'assiette et de recouvrement et le montant des intérêts sur les avances sont déduits ;

- en dépenses , le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public.

Six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde), composent les dépenses du compte de concours financiers.

En ce qui concerne les recettes, l'exercice 2020 a été marqué par une nouvelle activation du mécanisme de garantie des ressources de l'audiovisuel public . Ce dispositif permet, si l'encaissement de la CAP s'avère inférieur aux prévisions, de compenser cet écart par des crédits budgétaires à due concurrence 5 ( * ) . Le rendement prévu en loi de finances pour 2020 était établi à 3 246,9 millions d'euros, le montant de dégrèvements pris en charge par l'État étant fixé à 542,1 millions d'euros. Le rendement effectif s'est traduit par un écart de 111,4 millions d'euros avec la cible retenue (71,3 millions d'euros en 2019), l'encaissement de la CAP atteignant 3 135,5 millions d'euros. Le montant des dégrèvements pris en charge par le budget général a, dans ces conditions, été porté à 653,5 millions d'euros (623,3 millions d'euros en 2019).

La loi de finances pour 2020 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte de concours financiers à 3,79 milliards d'euros, en diminution de 70 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent.

Évolution du montant des crédits des programmes
du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »
de 2015 à 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour chacun des programmes, l'exécution est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des aides à la presse majorées afin de faire face principalement à la liquidation de Presstalis

L'ouverture de nouveaux crédits en faveur du programme 180 « Presse et Médias » à hauteur de 169,91 millions a eu pour principal objectif d'accompagner la liquidation judiciaire de Presstalis et le lancement de France Messagerie, destinée à la remplacer.

S'il ne minore pas l'impact de la crise sanitaire sur la distribution de la presse, le rapporteur spécial rappelle qu'elle n'a, s'agissant de Presstalis, joué qu'un rôle d'accélérateur , la société étant déjà sous assistance respiratoire budgétaire depuis plusieurs exercices, comme en témoigne l'affectation, à partir de 2018, d'un tiers de la dotation du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) à son financement (9 millions d'euros par an). Le rapporteur spécial rappelle que ce fléchage n'a pas été sans incidence sur l'activité du FSDP et a pu conduire à différer des projets de modernisation pourtant nécessaires, dans un contexte sanitaire déjà difficile avant la crise pour l'ensemble des acteurs de la filière.

Il convient de rappeler à ce stade que la loi de finances pour 2020 prévoyait un financement par l'État de Presstalis à hauteur de 27,79 millions d'euros , via l'aide à la distribution.

Le rapport annuel de performances indique qu'un soutien de 100 millions d'euros - hors prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) - a pu être mis en oeuvre en troisième loi de finances rectificative pour 2020, via le programme 180. Ce montant affiché ne reflète pas, cependant, l'ensemble des crédits dégagés pour faire face à cette liquidation.

À la suite de la cessation des paiements de Presstalis en 2020, (l'impasse de trésorerie était estimée en avril 2020 à 50 millions d'euros), l'État s'est engagé pour assurer les besoins de financement de la société avant sa reprise par une nouvelle structure.

17 millions d'euros ont, dans un premier, servi au financement de la période intercalaire permettant aux actionnaires de Presstalis de finaliser leurs négociations pour éviter une liquidation sèche de la société.

Une aide directe de 68 millions d'euros a ensuite été mise en oeuvre en vue d'amorcer la reprise d'une partie des activités de Presstalis (la partie dépôt étant, à l'exception du site de Paris-Bobigny, liquidée) par la nouvelle société France Messagerie.

L'État a également réglé les chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du second semestre 2019 (16,23 millions d'euros) et à hauteur de 11,56 millions d'euros, les chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du premier semestre 2020.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a prévu en outre l'octroi d'une aide de 8 millions d'euros aux éditeurs IPG particulièrement touchés par la crise de la distribution de la presse et la faillite de Presstalis. Ce dispositif a bénéficié à 31 éditeurs L'aide aux diffuseurs de presse indépendants et spécialistes, accordée au sein du même collectif budgétaire et dotée de 19 millions d'euros s'inscrit également dans le prolongement de la liquidation de Presstalis.

In fine se sont donc près de 140 millions d'euros, soit 82 % des crédits supplémentaires accordés en 2020 au programme 180, qui ont été dégagés en vue d'accompagner le secteur dans son ensemble face à la crise de Presstalis. Cette somme n'intègre pas les prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) accordés à Presstalis puis à France Messagerie en 2020 (47 millions d'euros au total) et les abandons de créances concomitants (86 millions d'euros, dont 7 millions d'euros d'intérêts).

Crédits du programme 180 dédiés à l'accompagnement de liquidation de Presstalis et son remplacement par France Messagerie ouverts en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial relève que si elle était nécessaire, cette aide exceptionnelle ne constitue pas une garantie pour l'avenir de France Messagerie. La situation du nouvel opérateur apparaît, en effet, fragile et dépendante de nombreux aléas, qu'il s'agisse des restrictions d'activité liées aux mesures sanitaires ou, plus structurellement, à l'attrition du nombre de lecteurs de journaux en version papier. Rien n'indique aujourd'hui que les moyens dédiés par l'État au soutien à une nouvelle stratégie industrielle pour la presse ne soient pas de nouveau à l'avenir fléchés vers France Messagerie.

Plus largement, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à présenter à moyen terme une refonte du régime des aides à la presse écrite, afin d'accompagner la mutation industrielle de celle-ci et lui permettre de répondre au changement des habitudes de lecture et aux incidences de la crise sanitaire. L'aide exceptionnelle annoncée dans le cadre du plan de filière en août 2020 - 377 millions d'euros sur deux ans - ne saurait, en effet, être efficiente si elle n'est pas doublée d'un changement de philosophie, intégrant le moindre recours au papier. Comme il l'a indiqué dans son rapport de contrôle budgétaire 6 ( * ) , le rapporteur spécial plaide notamment pour une simplification des dispositifs existants avec la mise en place d'une aide unique au titre, évolutive en fonction de son niveau d'accessibilité en ligne, de sa participation à la connaissance et au savoir et de son degré d'indépendance. Un soutien temporaire au portage doit également être mis en oeuvre afin d'alléger la charge financière pesant sur La Poste au titre du soutien au transport postal de la presse.

2. Un soutien aux industries culturelles pour partie différé en 2021

L'exécution 2020 des crédits du programme 334 est marquée par la mise en oeuvre de mesures d'urgences destinées à soutenir la plupart des industries culturelles. 423 millions d'euros de crédits de paiement, soit plus du double des crédits affectés en loi de finances initiale, ont ainsi été ouverts :

- 36 millions d'euros ont ainsi été fléchés vers le soutien à la filière livre, via le Centre national du livre ;

- 85 millions d'euros ont été affectés à l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), afin d'accroître sa capacité de garantie et d'octroi de prêts ;

- 145 millions d'euros ont été attribués au Centre national de la musique (CNM), afin de lui permettre de compenser la chute de sa principale recette (taxe sur les spectacles de variétés) et d'aider les professionnels à faire face aux impacts des mesures de confinement, de couvre-feu et de baisses de jauges ;

- 157 millions d'euros ont été affectés au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) afin de compenser la baisse de ses recettes (taxe sur les entrées en salle, taxe sur les services de télévision assise sur les revenus publicitaires), d'aider le secteur à faire face à l'arrêt des tournages et à leur reprise dans le respect des consignes sanitaires et de garantir des ressources aux exploitants de salles et aux distributeurs, confrontés aux mesures de fermeture et de réduction des jauges.

Évolution des crédits de paiement du programme 334 en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

98,1 % de ces crédits ont été consommés. Le reliquat de crédits disponibles sur crédits ouverts s'élève ainsi, au terme de l'exercice, à 14,6 millions d'euros en CP. Ce taux de consommation ne doit pas occulter un décalage entre le versement effectif aux opérateurs de ces subventions complémentaires et la réattribution de ces crédits aux acteurs de la filière. Les crédits versés aux opérateurs n'ont en effet pas pu être dans leur totalité réaffectés, en raison du versement en fin d'exercice des dotations complémentaires adoptées en lois de finances rectificative.

Ainsi, si le Centre national du Livre a pu disposer de 53,6 millions d'euros de crédits ouverts en 2020, il n'a pu attribuer la totalité des aides prévues. 38,62 millions d'euros ont ainsi pu être reversés, le solde devant être affecté en 2021. Le Centre national de la musique affiche de son côté un résultat bénéficiaire de 91,3 millions d'euros, les subventions versées par l'État en fin d'exercice n'ayant pu venir abonder les dispositifs de soutien mis en place avant la fin 2020. Ces crédits auront là encore vocation à être consommés en 2021. Le Centre national du cinéma et de l'image animée devait quant à lui reverser en début d'exercice 2021, 41,1 millions d'euros de subventions perçues en 2020.

Ces crédits viendront compléter ceux prévus par la mission Plan de relance, dont le programme 363 « Compétitivité » prévoit différents dispositifs de soutien :

- 210 millions d'euros en AE et 175 millions d'euros en CP destinés à la filière musicale ;

- 165 millions d'euros (AE = CP) pour la filière cinéma et audiovisuel ;

- 140 millions d'euros en AE et 70 millions d'euros en CP pour la filière presse ;

- 53 millions d'euros en AE et 29,5 millions d'euros en CP pour la filière livre ;

- une stratégie d'avenir pour l'ensemble des industries culturelles et créatives (ICC), dotée de 19 millions d'euros en AE et 17,5 millions d'euros en CP.

Répartition des crédits de paiement du Plan de relance
par secteur en 2021

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

593 millions d'euros en AE et 457 millions en CP devraient ainsi être ouverts en 2021, ce qui devrait permettre de majorer les crédits disponibles pour ces filières de 61 % en AE et 46 % en CP.

3. Quelle stratégie pour France Télévisions ?

La non-suppression en 2020 de France 4 en raison de son succès durant la période de confinement conduit une nouvelle fois à s'interroger sur le périmètre du service public. Celui-ci a en effet été loué pour sa capacité à produire des émissions dédiées à la connaissance et non pour son aptitude à répondre à la concurrence, via un programme d'acquisition de films ou de jeux.

Les efforts financiers effectués en vue de la mise en avant d'une offre enrichie en théâtre, musique et spectacle vivant et en programmes jeunesse (augmentation des coûts liés au programme national de 21,2 millions d'euros) n'ont pas remis en cause l'objectif affiché de maîtrise des coûts, en particulier celui de la grille. Celui-ci, établi à 2 103 millions d'euros en 2019 est ramené 2 035,5 millions à fin 2020, soit un niveau largement inférieur au coût affiché dans le projet de budget 2020 : 2 096 millions d'euros.

Il convient de relever que cette économie a été rendue en partie possible par la baisse d'activité enregistrée dans certains secteurs en raison de la crise sanitaire : information (- 15,2 millions d'euros), sport (- 23,4 millions d'euros) ou décrochages régionaux et ultra-marins (- 39,4 millions d'euros).

Il est évident que l'enrichissement de l'offre ne peut se faire au détriment des missions historiques du groupe, qu'il s'agisse de l'information ou des déclinaisons régionales. Il existe cependant des gisements d'économies. L'augmentation en 2020 des frais généraux en raison des dépenses engagées dans le cadre de la crise sanitaire (+ 5,1 millions d'euros) peut ainsi apparaître transitoire, comme les subventions cinéma (+ 2 millions d'euros) destinées à compenser la fermeture des salles.

Il est également possible de s'interroger sur le choix coûteux de participer, aux côtés des groupes TF1 et M6, à la plateforme Salto . 10,9 millions d'euros ont été consacrés en 2020 à ce nouvel acteur pour 70 jours d'exploitation. 200 000 personnes seraient aujourd'hui abonnées à ce service. Ce chiffre intègre les périodes d'essai gratuites d'un mois et les salariés des groupes ayant créé la plateforme (14 000 personnes environ).

Ce nombre d'abonné ne devrait pas permettre à Salto d'être rentable à la fin de l'exercice 2021, une perte de 93 millions d'euros étant ainsi attendue . Il y a lieu de s'inquiéter d'une telle perte. France Télévisions financera à due proportion ce déficit et se trouvera donc en position de combler les pertes d'un service mettant en vente des séries produites pour le service public, en principe accessibles à tous, et financées, à ce titre, par des ressources publiques.

Le choix de participer à ce projet souligne en creux la question de la gouvernance de France Télévisions et de ses choix stratégiques , dans un contexte marqué par le report sine die de la réforme attendue de l'audiovisuel public qui aurait pu permettre de susciter un débat sur les missions du groupe.


* 1 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 2 Ce tableau n'intègre pas les crédits versés à ces opérateurs au titre d'autres programmes.

* 3 Institué par la loi n° 219-1100 du 30 octobre 2019, le Centre national de la musique a été mis en place au 1 er janvier 2020.

* 4 Ce graphique n'intègre pas les crédits versés à ces opérateurs au titre d'autres programmes.

* 5 Le mécanisme de garantie des ressources a été activé pour la première fois en 2010. Il a également permis de garantir le niveau de ressources de l'audiovisuel public en 2016, en 2017 et en 2019.

* 6 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances n° 692 (2020-2021) - 16 juin 2021

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