Rapport n° 616 (2020-2021) de M. Pierre LAURENT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 19 mai 2021

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N° 616

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l' échange des compétences et talents ,

Par M. Pierre LAURENT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, Gérard Poadja, Mme Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

484 et 617 (2020-2021)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 617 (2020-2021) autorisant l'approbation de l'accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l'échange des compétences et talents.

Cet accord, signé le 13 mars 2019, entre la France et le Kenya vise, sur une base de réciprocité, à faciliter et à promouvoir les échanges d'étudiants, d'enseignants, d'universitaires, de chercheurs, de stagiaires, de volontaires et de professionnels entre les deux pays.

Cet accord se présente comme un accord sui generis , en ce sens qu'il ne traite pas classiquement des seuls échanges de jeunes professionnels, mais aussi des volontaires internationaux en entreprises (VIE), afin de faciliter leur implantation au Kenya. Il bénéficiera également aux personnels français des établissements scolaires français et aux Alliances françaises implantées au Kenya.

Il est à noter que cette convention est la première conclue entre la France et le Kenya en matière migratoire.

Cette convention vise également le développement économique et l'influence de la France en Afrique de l'Est, dont le Kenya est l'un des principaux moteurs 1 ( * ) , par la mobilisation des compétences au service de la relation bilatérale.

Compte tenu de l'intérêt que représente cet accord pour les entreprises françaises installées au Kenya et pour le développement des relations franco-kenyanes, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.

PREMIÈRE PARTIE : UN ACCORD QUI FAVORISE L'ÉCHANGE DE JEUNES ACTIFS, D'ENSEIGNANTS ET DE CHERCHEURS SUR LA BASE DE LA RÉCIPROCITÉ

I. L'ETAT DES LIEUX DES RELATIONS BILATÉRALES

D'une superficie de 580 367 km² pour une population de 53,8 millions d'habitants, le Kenya connait un taux de croissance économique de 5 à 6 % par an depuis une dizaine d'années 2 ( * ) , ce qui lui a permis d'accéder au rang de pays à revenu intermédiaire en 2014. Son économie est principalement basée sur le secteur tertiaire (46,5 % d'un PIB de 98, 6 Mds de dollars) et de plus en plus tournée vers les nouvelles technologies. Les niveaux de développement dans plusieurs domaines (transports, santé, éducation, services financiers) font du pays une plateforme économique régionale.

Le Kenya possède aussi des universités et des établissements scolaires de qualité. Par exemple, Science Po Paris est engagé avec l'Université de Strathmore dans un processus de codiplomation. Plus largement, la France envisage la signature prochaine d'un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes.

Selon les chiffres communiqués par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, la communauté kényane résidente en France était de 1 241 personnes, adultes titulaires d'un titre de séjour, hors binationaux et séjours irréguliers en 2019. Elle est en augmentation de 44 % sur la période 2014-2019.

La communauté française au Kenya s'élève fin 2020 à 1811 personnes. Elle est en augmentation de 20 % depuis 2014.

En matière de visas, on constate une relative stabilité des demandes et de la délivrance aux ressortissants kényans ces dernières années. Ainsi, en 2017, ce sont 4 328 visas qui ont été délivrés, pour 5 054 en 2018 et 4 778 en 2019. Parmi les visas long séjour (VLS), on observe une hausse en 2017 et 2018 de la délivrance des VLS pour études, des VLS professionnels et des passeports talents. Toutefois, les volumes concernés, pour chacune de ces catégories, demeurent assez faibles.

Les visas représentent une partie importante de l'action consulaire au Kenya, sans soulever pour autant de problème particulier, comme le montre le taux de refus relativement bas : 8,36 % en 2019, 7,71 % en 2018.

Enfin, sur le plan économique et commercial, le Kenya est encore un partenaire commercial marginal pour la France, qui n'est que le 14 e fournisseur du pays et son 16 e client. Pour autant, les échanges commerciaux bilatéraux progressent continûment depuis dix ans, au profit de la France qui enregistre un excédent commercial structurel avec le Kenya. Les exportations françaises vers le Kenya ont atteint 175 millions d'euros en 2019 (en légère hausse par rapport à 2018), et sont principalement composées d'équipements mécaniques, de produits cosmétiques, pharmaceutiques, et de produits agricoles. À terme, l'implantation récente de plusieurs grandes entreprises françaises, comme Décathlon, devrait conduire à l'augmentation des échanges entre la France et le Kenya. Les principaux postes d'importations en provenance du Kenya sont pour les produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l'aquaculture, le reliquat étant composé de produits agro-alimentaires.

Selon les données kényanes, la France est le 3 e investisseur étranger au Kenya 3 ( * ) . Les investissements français au Kenya 4 ( * ) sont effectués dans de multiples secteurs, comme les transports, la santé, la construction, l'énergie, l'automobile, les télécommunications, les services financiers et la grande distribution.

Quant à la coopération bilatérale, elle est principalement centrée sur l'enseignement supérieur, priorité du gouvernement kényan. Un accord de coopération scientifique a été signé en mai 2015 avec le ministère de l'Éducation, permettant la montée en puissance des actions de coopération.

Dans le domaine de la coopération scientifique, un accord de coopération technique, renouvelé en mars 2019, entre le ministère kényan de l'Éducation, des Sciences et des Technologies et les trois instituts français de recherche, a par ailleurs permis de conduire à ce jour plus de 80 programmes de recherche conjoints en sciences sociales, en sciences agronomiques pour le développement et en sciences environnementales.

L'accord que nous examinons se situe dans cette lignée, en cherchant à promouvoir les échanges entre la France et le Kenya, en encourageant la mobilité des étudiants, ainsi que des volontaires, des stagiaires, des bénéficiaires de cartes de séjour « passeports talents », des VIE français au Kenya, mais aussi des enseignants et des professionnels.

II. LE CONTEXTE DE L'ACCORD

Cet accord, signé à Nairobi le 13 mars 2019, par les ministres des Affaires étrangères des deux Etats, a été initié par la France.

Les négociations, débutées en décembre 2018, se sont tenues sur moins de quatre mois, afin de permettre qu'il puisse être signé lors de la visite du Président de la République au Kenya, en mars 2019. La principale difficulté a porté sur la définition et le traitement à prévoir de certaines catégories visées parmi les jeunes professionnels, « le dispositif VIE 5 ( * ) » n'existant pas au Kenya.

Cet accord se situe dans la lignée du discours prononcé le 28 novembre 2017 par le Président de la République française, Emmanuel Macron, à l'université de Ouagadougou, au Burkina Faso, devant 800 étudiants. Dans ce discours, le Président annonce les axes de la relation qu'il veut fonder entre la France, le continent et sa jeunesse.

Le Président de la République a appelé les établissements d'enseignement supérieur français à se projeter davantage afin de multiplier les partenariats et proposer des offres de formations conjointes, plus adaptées aux besoins du marché. Il a voulu offrir « à tous ceux qui sont diplômés en France, [la possibilité] d'y revenir quand ils le souhaitent et aussi souvent qu'ils le souhaitent, grâce à des visas de circulation de plus longue durée [...] et sans être soumis à une date couperet ».

Conformément à cet engagement, tous les étudiants africains diplômés de l'enseignement supérieur français peuvent désormais bénéficier de visas de circulation de longue durée, leur permettant d'aller et venir entre la France et leur pays d'origine.

Pour le reste, cet accord ne change pas grand-chose pour la partie kényane, qui continuera de relever du droit commun.

Concrètement, tout l'objet de cet accord est de mettre en valeur ce que la France met déjà en place pour les jeunes Kényans, dans le cadre de notre droit commun, afin d'obtenir en retour un assouplissement du droit kényan, très restrictif sur les migrations professionnelles, pour les ressortissants français, en particulier les VIE.

Les difficultés rencontrées pour obtenir des permis de travail pour les VIE, ainsi que les coûts associés (visa et recours quasi obligatoire à des sociétés spécialisées pour mener les démarches auprès de l'immigration) découragent les entreprises françaises, et en particulier les PME, à mettre en place des VIE au Kenya. Ainsi, entre mars 2019 et mars 2021, le nombre de VIE en poste au Kenya est passé de 33 à 17.

DEUXIÈME PARTIE - LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

I. LA MOBILITÉ DES ÉTUDIANTS

L'article 1 er concerne la catégorie « étudiants ».

L'alinéa 1 er prévoit que la Partie française s'engage à intensifier les activités menées par son ambassade et Campus France au Kenya afin d'améliorer et de promouvoir la possibilité d'entreprendre des études supérieures et une formation professionnelle en France.

L'alinéa 2 énonce qu'un titre de séjour ou un visa de long séjour valant titre de séjour d'une durée maximum de douze mois est délivré par les autorités françaises au ressortissant kényan qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qu'il dispose de moyens d'existence suffisants. Ce titre de séjour donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60% de la durée de travail annuelle. Au renouvellement, l'étudiant kenyan se verra délivrer un titre de séjour pluriannuel couvrant la durée restante du cycle d'études dans lequel il est engagé (sous réserve d'en remplir les conditions et notamment celle du caractère réel et sérieux des études suivies).

L'alinéa 3 prévoit la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de douze mois, non renouvelable, au ressortissant kényan ayant achevé avec succès dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national ou dans un établissement d'enseignement supérieur au Kenya lié par une convention à un établissement d'enseignement supérieur en France, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle, et qui souhaite, après sa formation, bénéficier d'une première expérience professionnelle en France, dans la perspective de son retour au Kenya.

L'alinéa 4 prévoit la possibilité pour le titulaire du titre de séjour de l'alinéa 3 de chercher un emploi en relation avec sa formation ou ses recherches, ou d'initier un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches. À l'issue du titre de séjour délivré sur ce fondement, l'intéressé pourvu d'un emploi dont la rémunération est au moins égale à 1,5 fois le revenu minimal en vigueur, d'une promesse d'embauche pour un tel emploi, ou justifiant d'une création ou du caractère viable de l'entreprise, peut obtenir un titre de séjour correspondant à sa situation.

L'alinéa 5 prévoit la délivrance par la partie kényane d'un « pass étudiant » aux étudiants français invités par des universités kényanes ou par une institution française de recherche établie au Kenya conformément aux arrangements bilatéraux signés entre les institutions académiques françaises et kényanes.

II. LA MOBILITÉ DES STAGIAIRES

L'article 2 est relatif à la catégorie « stagiaires ».

L'alinéa 1 er prévoit que les étudiants ressortissants kényans poursuivant leurs études supérieures au Kenya et souhaitant venir en France pour y accomplir, sous couvert d'une convention de stage tripartite, un stage pratique en entreprise, dans une association ou un organisme de service public, reçoivent de la partie française un visa de long séjour valant titre de séjour.

Ce visa est d'une durée comprise entre quatre et douze mois, fixée en fonction de la durée du stage telle que mentionnée sur la convention de stage. Il est délivré sur présentation de la convention de stage précitée.

L'alinéa 2 prévoit que les étudiants ressortissants français, poursuivant leurs études supérieures en France et souhaitant effectuer un stage au Kenya pour les mêmes motifs que les ressortissants du Kenya mentionnés à l'article 2.1 reçoivent des autorités kényanes un titre de séjour d'une durée maximum de douze mois.

III. LA MOBILITÉ DES UNIVERSITAIRES ET DES CHERCHEURS

L'article 3 traite des catégories « universitaires et chercheurs ».

L'alinéa 1 er prévoit que les Parties s'engagent à encourager la mobilité des chercheurs et des doctorants conformément aux termes de l'accord de coopération culturelle et technique conclu entre la France et le Kenya le 14 septembre 1971.

L'alinéa 2 prévoit que la partie française délivre aux chercheurs et aux doctorants kényans qui en remplissent les conditions, un titre de séjour valable pour la durée de la convention d'accueil dans la limite de quatre ans. Ce titre est renouvelable pour la durée des activités de recherche et d'enseignement des chercheurs ou des doctorants.

L'alinéa 3 prévoit que la partie kényane délivre aux chercheurs et aux doctorants français qui en remplissent les conditions, un titre de séjour valide pour la durée des activités de recherche ou d'enseignement. Ce titre est délivré sur la base du permis de recherche en application de la législation kényane et des arrangements bilatéraux.

IV. LA MOBILITÉ DES ENSEIGNANTS ET AUTRES MEMBRES D'UNE ÉQUIPE PÉDAGOGIQUE

L'article 4 est relatif à la catégorie « enseignants et autres membres d'une équipe pédagogique ».

Les deux Parties s'accordent pour faciliter la délivrance dans les meilleurs délais des autorisations de travail et des titres de séjours aux bénéficiaires suivants :

- aux assistants d'anglais de nationalité kényane et aux assistants de français de nationalité française relevant du programme réciproque de recrutement des enseignants d'anglais du Centre International d'Études Pédagogiques (CIEP) (alinéa 1) ;

- aux professeurs de français de nationalité française dans les écoles, les établissements d'enseignement supérieur ainsi que dans les Alliances françaises au Kenya (alinéa 2) ;

- au personnel enseignant et administratif français travaillant dans l'école française de Nairobi « Denis Diderot » (alinéa 3), dans les conditions définies par l'échange de lettres franco-kényan du 24 novembre 1972 telle que la délivrance à titre gratuit d'un permis de séjour et de travail.

Dans les faits, le texte consolide le statut des personnels français du lycée français Denis Diderot de Nairobi , en reprenant les dispositions d'un échange de lettres de 1972 relatif à un accord de coopération culturel et technique de 1971 que les Kényans considèrent comme obsolète.

Ces dispositions prévoient la gratuité des titres de séjour pour tous les personnels français (droit local ou autre), ce qui est bien accordé, et une facilitation du processus par les Kényans, ce qui n'est hélas pas effectif. Il existe encore actuellement des difficultés de délivrance d'exemption de « work permit » pour les titulaires de passeports de service.

C'est la première fois que le lycée français est mentionné sous son nom officiel dans un accord bilatéral.

Fondé en 1962, le lycée français de Nairobi est un établissement à gestion parentale conventionné avec l'AEFE et homologué pour tous les niveaux. C'est le seul établissement du réseau AEFE au Kenya.

Depuis 2013, ses effectifs s'établissent autour de 670 élèves, de la maternelle à la terminale, de 54 nationalités. Avant la crise sanitaire, 42 % des élèves étaient des Français et 46 % étaient des étrangers tiers. Les Kenyans représentaient 12 % des effectifs, soit environ 70 élèves. La crise de la Covid-19 a cependant provoqué, à la rentrée 2020, une baisse des effectifs, ramenés (sans doute temporairement) à 583, avec une baisse du nombre d'élèves français (-91 élèves soit 32,6 % du total), et une augmentation du nombre de Kényans (84 élèves, soit 14,4 % du total) et une augmentation de la part des étrangers tiers (53 %), dont les effectifs restent stables.

Les résultats pédagogiques du LFDD sont excellents 6 ( * ) . Le LFDD participe aussi à de nombreux projets et a mis en place une section britannique et une politique active de certification en langues étrangères. Le cursus est bilingue dès le cycle 1 du primaire. Le swahili y est enseigné.

Le soutien de l'État français au LFDD est significatif (effort d'environ 2 M€ par an) et comprend notamment :

- en personnels, avec 4 personnels expatriés et 19 résidents ;

- en aide à la scolarité : 23 bourses en 2018-19 ;

- par la mise à disposition d'un terrain (au loyer très modéré) de 2,4 ha dans le quartier de Kilimani. Ce terrain est une donation de la société Total à l'État avec pour seul objet d'accueillir le LFDD.

V. LA MOBILITÉ DES COMPÉTENCES

L'article 5 concerne la mobilité des compétences.

La partie française s'engage à faciliter la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans renouvelable pour les ressortissants kényans ayant un projet économique, scientifique, culturel ou humanitaire susceptible d'apporter une contribution significative au développement des relations entre les deux pays. L'expérience menée en France doit être profitable à leur retour, notamment dans la perspective de la création d'entreprises génératrices d'emplois au Kenya.

VI. LES ÉCHANGES DE PROFESSIONNELS

L'article 6 définit le cadre des échanges de professionnels.

L'alinéa 1 er vise les employés détachés et salariés en mission entre entreprises d'un même groupe.

La partie française s'engage à faciliter la délivrance d'un titre de séjour temporaire ou pluriannuel dans le cadre de la législation française aux salariés kényans, salariés d'une entreprise établie au Kenya et détachés par cette même entreprise en France dans une entreprise du même groupe. Le titre de séjour correspond à la durée du détachement. Il est délivré pour une durée maximale de quatre ans. Ce titre de séjour est renouvelable sur justificatif d'emploi au sein du même groupe sauf pour le public « employés détachés ICT ».

La partie kényane s'engage à faciliter la délivrance d'un visa de travail aux employés français détachés au Kenya entre des entreprises de même groupe.

L'alinéa 2 vise les employés en formation interne.

Les employés kényans d'entreprises françaises implantées au Kenya ou d'entreprises kényanes liées par un partenariat à une entreprise française, souhaitant suivre en France, dans une entreprise du même groupe ou dans une entreprise partenaire, une formation qui comprend une partie théorique donnée par une organisation certifiée de formation et une partie pratique donnée par l'entreprise hôte, peuvent recevoir des autorités françaises en application de la législation nationale un visa long séjour valant titre de séjour d'une durée comprise entre quatre et douze mois sur présentation de la convention de stage telle que prévue par la réglementation en vigueur. Réciproquement, les employés français souhaitant maintenir une position de travail au Kenya pour des raisons similaires reçoivent des autorités kényanes un visa de travail pouvant aboutir à un titre de séjour d'une validité maximale de 18 mois.

L'alinéa 3 vise les jeunes actifs et les définit comme des ressortissants de la République française ou de la République du Kenya, déjà engagés ou entrant dans la vie active, qui se rendent sur le territoire de l'autre Partie afin d'approfondir leur connaissance de la société d'accueil ainsi que pour améliorer leurs perspectives de carrière grâce à une expérience professionnelle dans une entreprise qui exerce une activité de nature sanitaire, sociale, agricole, artisanale, industrielle, commerciale, libérale ou de service.

Afin de développer entre les Parties les échanges de jeunes actifs, la partie kényane accorde la délivrance de permis de classe I aux jeunes actifs français âgés de 18 à 28 ans éligibles au statut français de « Volontaire international en entreprise » (VIE) géré par l'État français, qui se rendent sur le territoire kényan pour exercer une mission au sein d'une entreprise, sans que leur soit opposée la situation de l'emploi.

VII. L'ÉCHANGE DE JEUNES ACTIFS, Y COMPRIS LES VOLONTAIRES INTERNATIONAUX EN ENTREPRISE (VIE) ET LES VOLONTAIRES DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE (VSI)

L'article 7 est relatif aux volontaires.

Il prévoit que les Parties conviennent de développer un échange de volontaires dans un objectif social, culturel, économique et de développement. Ces volontaires sont les ressortissants d'une des deux Parties, âgés de plus de 18 ans, souhaitant accomplir une mission professionnelle ou une action de solidarité internationale au sein d'une structure d'accueil de l'autre Partie (entreprise, structure publique ou parapublique, organisation internationale, association dûment enregistrée par les autorités compétentes) et justifiant d'un contrat de volontariat.

La partie française s'engage à accueillir des volontaires kényans qui réalisent, en France, une mission de volontariat, auprès d'une organisation publique ou privée autorisée à cet effet, conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. Ces volontaires bénéficient d'un visa long séjour temporaire non renouvelable d'une validité allant de quatre à douze mois.

La partie kényane s'engage à accueillir des volontaires français engagés dans les programmes Volontaires de solidarité internationale (VSI) et des Volontaires en mission de service civique financés sur les fonds publics français. Ces volontaires bénéficient d'un permis de classe I.

Il s'agit là de l'apport principal de l'accord, pour nos VIE, dont le nombre a baissé considérablement, passant de 33 à 17 entre 2019 et 2021.

En effet, les difficultés rencontrées jusqu'à présent pour obtenir des permis de travail pour les VIE, ainsi que les coûts associés 7 ( * ) , découragent les entreprises françaises, et en particulier les PME, à mettre en place des VIE au Kenya.

VIII. LE RÉGIME SOCIAL DES BÉNÉFICIAIRES

Les bénéficiaires de l'accord se voient accorder l'égalité de traitement avec les ressortissants nationaux pour tout ce qui concerne les conditions de leur emploi, les salaires ainsi que la protection sociale en situation similaire. Ils sont également soumis à la même fiscalité.

Par ailleurs, l'accord ne comporte aucune disposition en matière de sécurité sociale. En conséquence, le droit commun s'appliquera. Les étudiants et les volontaires seront pris en charge par la Protection Universelle Maladie (PUMa) dès lors que la validité de leur titre de séjour sera au moins égale à six mois.

La prise en charge au Kenya obéira aux règles nationales kényanes.

IX. DISPOSITIONS DIVERSES

Cet accord contient des articles plus classiques de mise en oeuvre des accords internationaux.

Le chapitre III présente les dispositions finales.

L'article 8 prévoit le contrôle de la mise en oeuvre et de l'évaluation des résultats des stipulations de l'accord, à travers l'échange régulier d'informations. Il est prévu que toute difficulté relative à l'interprétation et à la mise en oeuvre de l'accord sera réglée par voie diplomatique.

L'article 9 précise les dispositions relatives à la durée de l'accord, son entrée en vigueur ainsi que les modalités de modification et de dénonciation. L'accord est conclu pour une durée indéterminée. Il entre en vigueur le premier jour du deuxième mois qui suit la date de la dernière notification, par la voie diplomatique, de l'accomplissement par chacune des Parties des procédures constitutionnelles ou légales requises.

Cet accord n'est pas considéré par le gouvernement kényan comme étant soumis à ratification parlementaire. Le Kenya est donc dans l'attente de la notification par la partie française de la finalisation de ses procédures de ratification, afin de le soumettre de son côté à la Présidence pour ratification et entrée en vigueur.

Enfin, l'article 10 détermine le champ d'application territorial du présent accord. Celui-ci s'applique à l'ensemble du territoire du Kenya et, pour la France, à son territoire métropolitain et, pour l'Outre-Mer, aux collectivités territoriales listées en annexe 1 de l'accord, à savoir, la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, la Guyane et Mayotte.

CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l'échange des compétences et talents.

Cet accord sera ratifié par le Kenya par voie présidentielle dès sa ratification en France par voie parlementaire. Aucune modalité de mise en oeuvre provisoire de l'accord n'est envisagée par la partie kényane, en dépit de son intérêt pour la partie française (facilitation de l'obtention de permis de séjour et de travail pour les VIE, notamment).

Il est donc particulièrement important que la procédure de ratification en France aboutisse rapidement.

Cet accord pourra aussi amorcer une nouvelle dynamique en matière d'attractivité de la France pour les étudiants et les chercheurs kényans, malgré la « barrière » de la langue.

L'éducation est une priorité du gouvernement kényan . La population étudiante est évaluée à 500 000 en 2017, répartie dans plus de 70 universités publiques et privées, et l'augmentation de cette population dans les années à venir représente un enjeu pour les universités et le développement commun. Un autre défi est l'amélioration des débouchés professionnels des jeunes diplômés.

Les chiffres de l'UNESCO indiquent qu'il y a actuellement plus de 15 000 étudiants kényans à l'étranger, essentiellement aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et en Afrique du Sud.

Nous n'en accueillons que 125 en France et le nombre de bourses accordé par la France aux étudiants kényans est de seulement 24 en 2021.

Votre Rapporteur espère que la mise en oeuvre rapide de cet accord permettra l'accueil de plus d'étudiants kényans qui, de retour dans leur pays, pourront participer au développement de nos relations économiques et commerciales.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 mai 2021, sous la présidence de M. Pascal Allizard, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Laurent sur le projet de loi n° 617 (2020-2021) autorisant l'approbation de l'accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l'échange des compétences et talents.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Bruno Sido . - J'ai une question que j'aurais d'ailleurs pu poser lors des débats sur le projet de loi sur l'aide publique au développement », ce que je n'ai pas fait pour ne pas rallonger les débats.

Si la formation fait partie des leviers de l'aide au développement, on constate que souvent, de brillants éléments venus se former en France restent en France. Cette situation m'a toujours interpellé.

Je pense que la France doit être suffisamment généreuse pour encourager ces personnes formées en France, à retourner dans leur pays pour lui faire bénéficier des connaissances acquises. Je voudrais donc savoir si cet accord traite cet aspect.

M. Pierre Laurent . - Comme je l'ai dit, l'objectif de cet accord n'est pas d'attirer les talents kenyans chez nous, mais plutôt de faciliter la circulation entre les deux pays, sachant que le principal problème reste, à ce jour, la faiblesse du niveau des échanges.

Quant à mon sentiment personnel, c'est que le principal objet de cet accord est de trouver une solution à la situation des VIE au Kenya.

Je pense néanmoins que la question que vous soulignez est importante, car il ne faut pas piller les talents de nos partenaires africains.

Suivant la proposition du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

M inistère de l'intérieur

- Mme Ludmila LECHEVIN (chargée de mission affaires internationales), direction générale des étrangers en France, sous-direction du séjour et du travail, bureau du droit communautaire et des régimes particuliers ;

- Mme Catherine MARIN , adjointe au chef de bureau du droit européen et des accords internationaux.

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- Mme Clarisse LEVASSEUR (rédactrice), direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, Mission des conventions et de l'entraide judiciaire ;

- M. Adrien BRIÈRE (rédacteur), direction d'Afrique et de l'Océan indien, Mission d'Afrique orientale.


* 1 Le Kenya est la 3 e économie d'Afrique de l'Est.

* 2 En repli à 1 % en 2020 du fait de la crise sanitaire

* 3 Stock d'IDE de 464,7 millions d'euros.

* 4 On compte une centaine d'implantations d'entreprises françaises dans le pays (dont Schneider Electric, L'Oréal, Danone, Essilor, Limagrain, OCEA, Vinci, Egis, Accor, Sodexho, Peugeot).

* 5 Volontaires internationaux en entreprise

* 6 100 % d'admission au bac, 7 boursiers d'excellence Major depuis 2015, rapports d'inspection académique positifs.

* 7 En particulier, le recours quasi obligatoire à des sociétés spécialisées pour mener les démarches auprès de l'immigration.

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