CHAPITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES
Article
59 bis (suppression maintenue)
(art. 787 B du code général des
impôts)
Simplification des formalités requises pour
bénéficier
de l'exonération des droits de succession
sur les parts de société
L'article 59 bis de la proposition de loi, introduit par votre commission en première lecture, avait pour objet de simplifier les formalités à accomplir auprès de l'administration fiscale pour bénéficier de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, sur les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (dispositif dit « Dutreil »).
La société n'aurait plus eu l'obligation de transmettre chaque année à l'administration fiscale, jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif de conservation des parts (d'une durée d'au moins deux ans), une attestation justifiant que cet engagement est respecté, mais aurait seulement été tenue de lui adresser une telle attestation sur demande. Les héritiers, donataires et légataires auraient été tenus à la même obligation jusqu'au terme de leur obligation individuelle de conservation des parts pendant quatre ans.
L'Assemblée nationale a supprimé cet article lors de l'examen du texte en première lecture, en commission, à l'initiative de la rapporteure. L'intention poursuivie est, en effet, entièrement satisfaite par la simplification des obligations déclaratives incombant aux bénéficiaires du dispositif « Dutreil », opérée par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 .
Votre commission a maintenu la suppression de l'article 59 bis .
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Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification .
EXAMEN EN COMMISSION
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M. Philippe Bas , président . - Nous examinons à présent, en deuxième lecture, le rapport de M. André Reichardt sur la proposition de loi relative à la simplification, la clarification et l'actualisation du droit des sociétés.
M. André Reichardt , rapporteur . - Cette proposition de loi a connu un parcours parlementaire pour le moins atypique. Ce texte a été présenté en août 2014, il y a bientôt cinq ans, par notre collègue Thani Mohamed Soilihi, dans le prolongement des travaux qu'il avait conduits en tant que rapporteur de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier la vie des entreprises. Il s'inscrivait dans le processus engagé par les gouvernements successifs pour simplifier l'environnement juridique des entreprises et améliorer ainsi la compétitivité de l'économie française.
Malheureusement, l'encombrement du calendrier parlementaire a longtemps empêché l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour. Près de deux ans après, notre commission décida de s'en saisir sans plus tarder et d'établir son texte en vue de l'examen en séance. Ce fut chose faite le 1 er juin 2016. Mais il fallut attendre encore près de deux ans pour que le texte soit inscrit à l'ordre du jour de la séance publique du Sénat, dans un espace réservé au groupe La République en Marche, le 8 mars 2018.
Adoptée par le Sénat le même jour et transmise à l'Assemblée nationale, la proposition de loi a été examinée par nos collègues députés en commission des lois le 20 mars 2019, puis adoptée en séance publique, avec modifications, le 27 mars dernier.
Depuis son dépôt, il y a près de cinq ans, ce texte a connu des évolutions notables. De nombreuses dispositions qui y étaient initialement contenues ont été reprises, à l'identique ou non, et souvent à l'initiative du Sénat, dans divers véhicules législatifs intervenus depuis : la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron ; la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2 ; les ordonnances prises pour leur application ; la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte ; ou encore les lois de finances annuelles. Certaines mesures prévues par la proposition de loi ont donc dû être, soit supprimées, soit actualisées et approfondies.
À l'inverse, de nouvelles dispositions ont été introduites, à chaque étape de la navette parlementaire, pour tenir compte des besoins exprimés par les professionnels ou apporter des améliorations à des dispositions adoptées dans d'autres textes. Car nous légiférons souvent trop vite, et les choses sont souvent pires lorsque le Gouvernement légifère par ordonnances. Le résultat, c'est qu'il faut bien souvent corriger des dispositions entrées en vigueur quelques mois plus tôt...
Au point où est parvenu l'examen de ce texte, trente articles restent en discussion. Les modifications apportées par nos collègues députés sont le plus souvent légères et bienvenues. Il subsiste malgré tout quelques divergences de fond. Je vous rappellerai rapidement les dispositions contenues dans ce texte, en vous indiquant les points d'accord et de désaccord entre les deux assemblées.
La proposition de loi est constituée de cinq chapitres. Le chapitre I er , qui comporte diverses mesures de simplification relatives au fonds de commerce, ne comprend plus aucun article en discussion. Nos collègues députés ont en effet accepté la suppression des mentions légales obligatoires à porter sur l'acte de cession d'un fonds de commerce, et la levée de l'obligation d'exploiter un fonds de commerce pendant au moins deux ans avant de le concéder en location-gérance. Les autres dispositions de ce chapitre sont désormais satisfaites par le droit en vigueur.
Le chapitre II concerne les sociétés civiles et commerciales. La section 1 comprend des dispositions relatives à toutes les sociétés. L'Assemblée nationale a adopté l'article 6 qui clarifie les droits respectifs du nu propriétaire et de l'usufruitier en cas de démembrement de parts sociales, moyennant une modification rédactionnelle. Elle a aussi adopté conforme l'article 9 qui tend à créer une procédure de régularisation de la prorogation d'une société en cas d'omission des formalités obligatoires. À l'inverse, les députés ont supprimé l'article 8, qui visait à modifier le point de départ du délai d'opposition d'un créancier à la dissolution d'une société dont toutes les parts sont réunies en une seule main. Pour le dire rapidement, les députés ont estimé préférable que ce délai continue de courir à compter de la publication de la dissolution de la société dans un journal d'annonces légales, plutôt que de choisir pour référence la date de publication au Bodacc, car cela aurait rendu les entreprises dépendantes des diligences du greffe. C'est un argument qui me paraît recevable.
La section 1 bis concerne les sociétés civiles. L'Assemblée nationale a adopté conformes les articles 10, relatif à la convocation des associés en cas de vacance du gérant, et 10 bis , relatif aux formalités de publication de la cession de parts. Elle a modifié l'article 10 bis A, qui tend à créer un régime simplifié de fusion de sociétés civiles, pour tenir compte de l'inexistence de sociétés civiles unipersonnelles.
La section 2, relative aux sociétés commerciales, est la plus longue et la plus importante de ce chapitre. Elle concerne toutes les catégories de sociétés commerciales. S'agissant des sociétés à responsabilité limitée (SARL), les députés ont accepté la création d'une sanction de nullité facultative des décisions prises irrégulièrement par l'assemblée des associés. En revanche, ils ont souhaité que la simplification des modalités remplacement du gérant d'une SARL placé en tutelle ne s'applique pas au gérant placé en curatelle. C'est un compromis que nous pouvons accepter, car à la différence de la tutelle, la curatelle n'est pas un régime de représentation du majeur protégé mais un régime d'assistance. Le Gouvernement est d'ailleurs très attaché au développement de mesures de protection qui laissent, dans toute la mesure du possible, sa capacité juridique au majeur protégé.
J'en viens aux sociétés anonymes. L'Assemblée nationale a adopté, dans une rédaction identique ou proche de celle du Sénat, les dispositions visant à faciliter l'octroi de garanties par une société mère à l'une de ses filiales ; la faculté de ne pas réunir le conseil d'administration ou de surveillance pour des décisions de faible importance mais de procéder par consultation écrite de ses membres ; l'exclusion des abstentions, mais aussi des votes blancs ou nuls et des voix des actionnaires n'ayant pas pris part au vote du décompte des voix exprimées à l'assemblée générale ; la faculté donnée au conseil d'administration ou de surveillance de déléguer à l'un de ses membres, au directeur général ou à l'un de ses adjoints le soin de répondre aux questions écrites d'actionnaires ; le remplacement de la nullité impérative des délibérations d'assemblée générale non inscrites à l'ordre du jour par une nullité facultative. Elle a également accepté la suppression de l'obligation triennale de soumettre à l'assemblée générale une augmentation de capital réservée aux salariés : c'est une mesure de simplification particulièrement bienvenue, car cette obligation est purement formelle et s'est révélé totalement inefficace pour renforcer l'actionnariat salarié. De même, l'Assemblée nationale a adopté la simplification des modalités de mise à jour des clauses statutaires à la suite d'une augmentation de capital ; la réduction de la durée des « fenêtres négatives » au cours desquelles il est interdit à une société de consentir des stock options ou aux salariés attributaires d'actions gratuites de les revendre ; la clarification, enfin, des règles applicables au rachat d'actions destinées à être attribuées aux salariés ou à faire l'objet de stock options .
Sur d'autres points, nos collègues députés ont adopté une position de compromis. Ils ont accepté la démission d'office des mandataires sociaux placés en tutelle, mais pas en curatelle, pour les raisons déjà exposées ; ils ont limité aux assemblées générales ordinaires la suppression du droit d'opposition à la dématérialisation des assemblées générales des sociétés non cotées, voulue par le Sénat et à laquelle le Gouvernement s'était opposé ; ils n'ont accepté que partiellement la simplification du régime de rachat d'actions des sociétés non cotées.
Enfin, sur quelques sujets, une divergence d'appréciation persiste entre nos deux chambres. L'Assemblée nationale est ainsi revenue, à la demande du Gouvernement, sur la suppression de la sanction de nullité impérative des décisions d'augmentation de capital dans le cas où une augmentation de capital réservée aux salariés n'a pas été soumise simultanément à l'assemblée générale. Je le regrette, car cette sanction me paraît disproportionnée et elle aurait pu être remplacée sans inconvénient par une injonction de faire. Mais je me félicite que la Cour de cassation ait récemment infléchi sa jurisprudence dans un sens qui nous donne satisfaction, puisqu'elle autorise désormais la régularisation après-coup d'une augmentation de capital décidée en méconnaissance de ces dispositions. L'Assemblée a également refusé la suppression de la sanction de suspension des droits de vote attachés aux actions émises en violation des règles applicables à l'augmentation de capital.
En ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées (SAS), les députés ont souscrit à la proposition de clarifier la faculté pour les petites SAS de désigner un commissaire aux comptes pour permettre la libération d'actions par compensation de créances.
S'agissant des sociétés par actions dans leur ensemble, nos collègues députés ont accepté le raccourcissement du délai de viduité pendant lequel un commissaire aux comptes qui a réalisé une mission au sein d'une société ne peut être désigné pour établir un rapport sur la création d'actions de préférence. Pour le reste, sur le régime de création d'actions de préférence, l'équilibre trouvé dans la loi Pacte a été préservé.
S'agissant enfin des dispositions communes aux diverses sociétés commerciales, l'Assemblée nationale a adopté conformes ou moyennant des modifications rédactionnelles les mesures suivantes : la simplification des modalités de mise à jour des clauses statutaires en cas d'augmentation du capital résultant du paiement de dividendes en actions ; l'extension du régime simplifié de fusion à la fusion de sociétés soeurs ; et la clarification du régime simplifié d'apport partiel d'actif.
La suppression du chapitre III, relatif à l'Autorité de la concurrence, a été maintenue, ces dispositions étant essentiellement satisfaites depuis la loi dite Macron.
Le chapitre IV concerne le commissariat aux comptes, sujet que le Parlement a eu récemment l'occasion d'aborder lors de l'examen du projet de loi Pacte. Je vous rappelle qu'il a été procédé dans le cadre de la loi Pacte à une importante réforme des missions des commissaires aux comptes, articulée autour de trois axes : le relèvement des seuils d'audit légal obligatoire, la création d'un nouvel audit légal facultatif destiné aux petites entreprises, et l'assouplissement des interdictions, incompatibilités et obligations déontologiques applicables aux commissaires aux comptes, par la suppression de diverses mesures plus rigoureuses que ce qu'exige le droit européen.
Dans son ensemble, cette réforme a reçu l'approbation du Sénat et ne saurait être remise en cause. Quelques ajustements restent néanmoins possibles.
L'Assemblée nationale a ainsi adopté une mesure que nous proposions pour clarifier la liste des fonctions dirigeantes qui doivent être exercées par un commissaire aux comptes au sein des sociétés de commissariat aux comptes. Elle a inséré un nouvel article 54 bis afin, d'une part, de préciser les conditions dans lesquelles une minorité d'associés d'une SARL ou d'une société en nom collectif (SNC) peut obtenir la nomination d'un commissaire aux comptes et, d'autre part, d'étendre cette faculté aux autres sociétés commerciales.
En revanche, nos collègues députés ont supprimé plusieurs autres mesures prévues par la proposition de loi, afin de ne pas modifier l'équilibre trouvé lors de la loi Pacte. C'est une préoccupation que je peux comprendre.
Ce que je comprends moins bien, c'est qu'ils aient introduit dans ce texte, à l'article 53, une disposition qui n'a aucun rapport avec la simplification du droit des sociétés, à savoir la levée du secret professionnel des commissaires aux comptes à l'égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et du juge de l'élection. C'est à l'évidence un « cavalier », qui ne manquerait pas d'être censuré par le Conseil constitutionnel s'il était saisi. Toutefois, sur le fond, cette mesure ne me paraît pas aberrante, et elle correspond à une demande récurrente de la CNCCFP. C'est pourquoi, à elle seule, elle ne me paraît pas de nature à faire obstacle à un vote conforme du Sénat.
Enfin, au chapitre V, l'Assemblée nationale a adopté la mesure visant à sécuriser la possibilité de désigner un tiers subsidiaire dans les conventions renvoyant à un tiers, sous peine de nullité, la détermination du prix de vente.
Dans l'ensemble, le texte transmis par l'Assemblée nationale me paraît constituer un compromis satisfaisant. J'ai bien sûr quelques regrets, mais je ne désespère pas de convaincre à l'avenir le Gouvernement et nos collègues députés de la pertinence de nos propositions sur les quelques points où nous restons en désaccord.
D'ailleurs, le chantier de la simplification du droit n'est jamais clos, et il faudra bientôt remettre l'ouvrage sur le métier. Plusieurs suggestions m'ont encore été faites récemment, auxquelles la règle de l'entonnoir interdit de donner une traduction dans ce texte, mais qui devront être étudiées à l'occasion d'une prochaine loi : je pense par exemple à l'extension aux sociétés commerciales d'une disposition qui n'est aujourd'hui prévue que pour les sociétés civiles, et qui permet à un associé d'obtenir du juge de se retirer de la société pour justes motifs.
Pour l'heure, je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification.
M. Philippe Bas , président . - Merci, monsieur le rapporteur. Cette analyse très complète nous garantit que tout a été soigneusement examiné. M. Mohamed Soilihi souhaite que nous l'excusions de ne pouvoir assister à nos travaux ce matin.
M. Pierre-Yves Collombat . - J'ai bien compris qu'il n'y avait pas de contre-indication au vote de ce texte, mais est-il indispensable ? Fallait-il vraiment une loi supplémentaire ?
M. Philippe Bas , président . - Cela devrait être une question préalable à l'adoption de toute proposition de loi...
M. Jean-Pierre Sueur . - Merci, monsieur le rapporteur, pour ce rapport très pertinent. Je voulais simplement faire une observation. Il aura fallu cinq ans pour faire aboutir, après deux lectures, cette proposition de loi relativement consensuelle, alors que les réformes de la justice ou de notre système de santé, autrement plus importantes, sont examinées en procédure accélérée. Il y a là un paradoxe !
M. Pierre-Yves Collombat . - Certaines choses sont importantes, d'autres moins.
M. Jean-Pierre Sueur . - Certes ; on pourrait pour ces dernières se contenter d'une lecture par chambre.
M. Pierre-Yves Collombat . - Voire aucune...
M. André Reichardt . - Avec cette proposition de loi, M. Mohamed Soilihi avait souhaité en 2014 réunir toutes les mesures de simplifications possibles et demandées par les professionnels. Parce que les choses ont traîné, nous avons transféré une partie de son contenu dans les projets de loi successivement soumis à notre examen. La proposition de loi a ainsi perdu en substance mais, chaque sujet traité suscitant d'autres demandes, nous avons trouvé à la compléter... Bref, le texte initial était fondamental ; sans lui, nous n'aurions sans doute pas enrichi les projets de loi autant que nous l'avons fait, et il continue à répondre aux demandes exprimées par les acteurs du tissu économique. Ceux-ci en formuleront sans doute d'autres, ce qui me conduit à vous donner rendez-vous dans un an...
La proposition de loi est adoptée sans modification.
M. Philippe Bas , président . - Merci à tous. C'est l'aboutissement d'un long travail.