IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : RENFORCER LE SUIVI DE L'APPLICATION DES LOIS, SANS ENGORGER LES COMMISSIONS PERMANENTES
A. LE DROIT DE SUITE DU RAPPORTEUR : UN DISPOSITIF BIENVENU, À CONDITION DE L'ASSOUPLIR
La création d'un droit de suite au bénéfice du rapporteur renforcerait utilement le suivi de l'application des lois . Elle s'inscrirait dans une logique de responsabilisation du rapporteur, qui continuerait à suivre l'application de la loi après sa promulgation.
Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce droit de suite se limiterait à un rôle d'information permettant au Sénat de contrôler l'action du Gouvernement 46 ( * ) .
À l'initiative de son rapporteur, votre commission a modifié les conditions de mise en oeuvre du droit de suite du rapporteur afin de le rendre plus opérationnel et d'éviter tout engorgement des commissions permanentes (amendement COM-1) .
1. Éviter toute embolisation des commissions permanentes
Dans sa version initiale, la proposition de résolution risquait d'emboliser les commissions permanentes , les rapporteurs devant rendre compte chaque année de leurs travaux sur les lois promulguées pendant le triennat. Lors des auditions de votre rapporteur, l'ensemble des présidents de commission se sont inquiétés d'une telle perspective .
À titre d'exemple, les rapporteurs de votre commission auraient dû établir 72 rapports d'application des lois à la fin du triennat 2014-2017, dont près de la moitié auraient porté sur des lois d'application directe.
Face à ce risque d'engorgement, votre commission a supprimé l'obligation pour le rapporteur de rendre compte annuellement de l'application des lois devant sa commission .
Le rapporteur resterait libre d'organiser ses travaux de suivi, notamment en fonction du nombre de décrets manquants. Il pourrait, à titre d'exemple, saisir le Gouvernement par écrit ou organiser des auditions complémentaires.
2. Assurer une complémentarité avec les autres travaux de contrôle
Votre commission a veillé à assurer une complémentarité totale entre le droit de suite du rapporteur et les autres travaux de contrôle des commissions , à l'instar des missions d'information et des commissions d'enquête (articles 21 et 22 ter du Règlement du Sénat).
À titre d'exemple, les commissions seraient toujours habilitées à créer des groupes de travail pluralistes pour suivre l'application d'une loi, à l'image du comité chargé de suivre l'application de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT ».
De même, le droit de suite du rapporteur aurait vocation à alimenter le bilan annuel de l'application des lois, non à s'y substituer .
Le droit de suite du rapporteur dans le suivi de l'application des lois
Source : commission des lois du Sénat
3. Permettre aux commissions de désigner plusieurs rapporteurs d'application
Outre le rapporteur de la proposition ou du projet de loi, les commissions permanentes pourraient désigner un autre rapporteur :
- soit pour former un binôme de rapporteurs , à l'instar de nos collègues Annie Guillemot et Valérie Létard pour le suivi de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy » 47 ( * ) ;
- soit pour remplacer le premier rapporteur en cas d'empêchement ou de cessation de son mandat.
Cette mission de suivi revêtirait un caractère temporaire , conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel 48 ( * ) .
Les rapporteurs seraient chargés de suivre l'application de la loi jusqu'au prochain renouvellement du Sénat. Ils pourraient être confirmés dans leurs fonctions à l'issue du renouvellement, en particulier lorsque des décrets d'application manquent encore à l'appel.
4. Préciser la procédure applicable aux commissions spéciales
Le droit de suite ne trouverait pas à s'appliquer aux rapporteurs des commissions spéciales, ces dernières « disparaiss[a]nt lors de la promulgation des textes pour l'examen desquels elles ont été constituées » (article 16 du Règlement du Sénat).
Or, l'application des textes examinés par les commissions spéciales soulève de nombreux enjeux, notamment au regard des problématiques abordées par ces structures temporaires.
Exemples de textes examinés par une commission spéciale - le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, devenu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « loi Macron » ; - la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, devenue la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 ; - le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, devenu la loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019 ; - le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), en cours d'examen. |
Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a souhaité expliciter la procédure applicable aux projets et propositions de loi examinés par une commission spéciale .
Concrètement, les commissions permanentes seraient habilitées à désigner un rapporteur pour suivre l'application des dispositions relevant de leur domaine de compétence.
* 46 Conseil constitutionnel, 26 février 2004, Résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale (articles 86 et 143) , décision n° 2004-493 DC.
* 47 « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens », rapport d'information n° 662 (2016-2017) fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat.
* 48 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-493 DC du 26 février 2004 précitée.