EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 18 JUILLET 2018

M. Philippe Bas , président . - Le parcours de cette proposition de loi est beaucoup trop long, alors que le Sénat avait adopté dès l'an dernier une solution qui nous paraissait satisfaisante.

M. François Bonhomme , rapporteur . - La navette parlementaire réserve parfois des surprises.

Constatant les graves dysfonctionnements que risquait de provoquer, sur nos territoires, le transfert obligatoire aux communautés de communes et d'agglomération de la distribution d'eau potable et de l'assainissement des eaux usées, prévu par la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, le Sénat, comme vous vous en souvenez, a adopté à une large majorité, le 23 février 2017, une proposition de loi, présentée par les présidents Philippe Bas, Bruno Retailleau et François Zocchetto ainsi que par notre collègue Mathieu Darnaud, visant à maintenir ces compétences parmi les compétences optionnelles de ces deux catégories d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Malgré le soutien du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, notre collègue député Fabrice Brun, cette proposition de loi fut renvoyée en commission par l'Assemblée nationale le 12 octobre 2017, et son examen reporté sine die . À l'automne 2017, un groupe de travail de seize parlementaires a néanmoins été constitué auprès de la ministre Jacqueline Gourault pour étudier cette question. Il a formulé trois recommandations : renforcer l'aide financière et technique au bloc communal ; permettre aux communes de surseoir au transfert de ces compétences jusqu'au 1 er janvier 2026 et garantir la pérennité des syndicats d'eau et d'assainissement existants.

Devant le Congrès des maires, le 21 novembre 2017, le Premier ministre annonçait sa volonté, « pour une période transitoire, de donner la même souplesse que celle qui a prévalu pour la mise en oeuvre des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), en laissant la possibilité de maintenir la compétence au niveau des communes si un certain nombre de maires s'expriment clairement en ce sens ».

Le 21 décembre 2017, nos collègues des groupes La République en Marche et MoDem de l'Assemblée nationale déposaient une proposition de loi censée mettre en oeuvre ces engagements. Ce n'était, malheureusement, pas tout à fait le cas.

Un texte d'initiative parlementaire ne pouvait, en vertu de l'article 40 de la Constitution, traiter de l'aide financière et technique susceptible d'être apportée par l'État aux communes et à leurs groupements dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. En outre, s'il était prévu d'instituer une « minorité de blocage » permettant aux communes de s'opposer jusqu'en 2026 au transfert obligatoire de ces compétences, cette possibilité ne devait concerner que les communautés de communes, et non les communautés d'agglomération. Enfin, pour garantir la pérennité des syndicats d'eau et d'assainissement, il était proposé de revenir au droit commun de la « représentation-substitution » en ce qui concerne les communautés de communes, mais aucun assouplissement n'était prévu pour les communautés d'agglomération. Grâce au travail de la rapporteure de la commission des lois, notre collègue députée Émilie Chalas, cette dernière difficulté fut résolue dès la première lecture du texte par l'Assemblée nationale. En revanche, aucune avancée ne fut enregistrée sur les autres points. En outre, fut adopté un amendement prévoyant le rattachement systématique de la gestion des eaux pluviales et de ruissellement à la compétence « assainissement » des EPCI à fiscalité propre, ce qui soulevait de nombreux problèmes de droit et d'opportunité.

En première lecture, le Sénat, qui s'était déjà exprimé en faveur du maintien du caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement » des communautés de communes et d'agglomération, a réaffirmé cette position afin de laisser les élus libres de décider ou non du transfert de ces compétences, en fonction des réalités locales. L'extension aux communautés d'agglomération du mécanisme de la minorité de blocage aurait pu sembler un moindre mal, et un compromis aurait pu être recherché avec nos collègues députés sur ce terrain, mais l'opposition résolue du Gouvernement et de sa majorité rendait cette tentative vaine.

Le Sénat a, par ailleurs, clarifié les modalités de rattachement de la gestion des eaux pluviales à la compétence « assainissement » des communautés de communes et d'agglomération, en en excluant les eaux de ruissellement. Il a, en outre, adopté cinq articles additionnels visant à faciliter la gestion des services publics d'eau et d'assainissement ainsi que leur transfert au niveau intercommunal.

Aucun terrain d'entente n'a pu être trouvé en commission mixte paritaire. En nouvelle lecture, nos collègues députés ont commencé, en commission, par rétablir intégralement leur texte, sans tenir aucun compte des apports du Sénat ni des demandes des associations d'élus. En séance publique, toutefois, la majorité de l'Assemblée nationale semble avoir quelque peu entendu la nécessité d'apporter des assouplissements au texte. À l'initiative de la rapporteure et des deux groupes majoritaires, ont été adoptés plusieurs amendements qui vont dans le sens souhaité par le Sénat et témoignent d'un souci de pragmatisme, dont nous avions jusqu'ici déploré l'absence.

Ainsi, les communes membres des très nombreuses communautés de communes qui ne sont aujourd'hui compétentes qu'en matière d'assainissement non collectif pourraient, elles aussi, s'opposer jusqu'en 2026 au transfert du reste de la compétence « assainissement ». De plus, la gestion des eaux pluviales urbaines resterait une compétence facultative des communautés de communes ; elle deviendrait une compétence obligatoire des autres EPCI à fiscalité propre, mais toute référence à la gestion des eaux de ruissellement a été abandonnée.

Ces avancées ne répondent certes pas à l'ensemble des préoccupations exprimées par le Sénat, mais je vous propose d'aborder cette nouvelle lecture avec un esprit constructif, l'expérience ayant démontré qu'il n'était pas vain de tenter de faire valoir des arguments de bon sens.

À l'article 1 er , je ne crois pas possible de trouver un terrain de compromis avec les députés. C'est pourquoi je vous proposerai de rétablir le texte adopté en première lecture par le Sénat, afin de maintenir sans limite de temps le caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement » des communautés de communes et d'agglomération.

Les articles 1 er bis à 1 er sexies , insérés par le Sénat en première lecture, ont tous été supprimés par l'Assemblée nationale, alors même qu'ils soulevaient des problèmes très concrets et que le Gouvernement avait marqué son intérêt pour certains d'entre eux. Je vous proposerai de rétablir trois de ces articles dans une rédaction améliorée, et j'ai bon espoir que ces apports seront repris par l'Assemblée nationale en lecture définitive. Quant aux deux autres articles, l'un est satisfait par le droit en vigueur et l'autre m'apparaît, à la réflexion, un peu excessif.

En ce qui concerne l'article 2, la répartition des compétences entre les communes et leurs groupements en matière d'eaux pluviales urbaines est aujourd'hui extrêmement confuse et pourrait donner lieu à de nombreux contentieux, à la suite d'une décision d'espèce du Conseil d'État de 2013, qui a fait l'objet d'une interprétation extensive du Gouvernement par voie de circulaires. La rédaction de l'article 2 adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture clarifie les choses de manière satisfaisante à compter de 2020. Je vous proposerai un amendement visant à lever une ambiguïté qui subsiste en ce qui concerne les communautés d'agglomération entre aujourd'hui et 2020. Pour ce qui est des situations juridiques antérieures à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, elles sont également clarifiées pour peu que l'on accorde aux dispositions de l'article 2 une portée interprétative.

Enfin, à l'article 3, je vous présenterai un amendement visant à clarifier le droit en vigueur en ce qui concerne la « représentation-substitution » des EPCI au sein des syndicats d'eau et d'assainissement.

M. Alain Marc . - Dans le cadre de la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale, les présidents de communautés de communes que j'ai rencontrés il y a quelques jours avec Mathieu Darnaud et d'autres collègues nous ont confié que la proposition de loi sénatoriale qu'avait votée la ministre Gourault, alors sénatrice, donnait toute satisfaction en maintenant le caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement ».

Les observations formulées par le rapporteur me convainquent une fois de plus du bien-fondé du bicamérisme. Les députés ont sans doute été influencés par nos propositions. Tous les sénateurs ont été par ailleurs élus locaux. Ce n'est pas forcément le cas de la majorité des députés, qui ne comprennent peut-être pas grand-chose à la gestion quotidienne de ces compétences par les présidents de communautés ou les maires. Le bicamérisme est donc plus que jamais d'actualité. Un peu de simplicité et de bon sens : laissons les présidents de communautés décider ce qu'ils souhaitent. C'est un moindre mal de repousser l'échéance à 2026. J'espère que nous trouverons une solution d'ici là.

Mme Laurence Harribey . - Je remercie notre rapporteur d'avoir un esprit constructif et positif. Nous pouvions avoir des doutes lors de la réunion de la commission mixte paritaire ; nous avons été relativement surpris de voir quelques améliorations introduites à l'Assemblée nationale.

Sur le fond, notre groupe a toujours été favorable au renforcement et aux progrès de l'intercommunalité dans ce domaine. Cette question doit être abordée dans le cadre plus global de la politique de l'eau et de gestion d'ensemble de la ressource. Nous avions soutenu en 2017 la proposition de loi de MM. Bas et Retailleau : il nous semblait alors que les transferts prévus en 2018 et 2020 étaient irréalistes et qu'il convenait de se donner un peu de temps. D'où nos amendements en première lecture du texte aujourd'hui examiné, qui avaient pour objet d'étendre le dispositif de blocage aux communautés d'agglomération jusqu'en 2026, d'accorder le même droit d'opposition aux communes membres de communautés de communes qui exercent déjà partiellement la compétence « assainissement » et de rendre sécables les compétences relatives à l'assainissement, à la gestion des eaux pluviales et à celle des eaux de ruissellement. Aujourd'hui, nombre de communautés d'agglomération sont à demi rurales.

Le texte qui nous est présenté apporte deux assouplissements que nous avions défendus : le droit d'opposition en cas d'exercice partiel de la compétence et la sécabilité entre les eaux pluviales et l'assainissement, pour les seules communautés de communes.

Pour rester cohérents avec notre position, nous présenterons des amendements concernant les communautés d'agglomération et nous soutiendrons des amendements allant dans le sens des trois points clés que je viens de souligner.

M. Mathieu Darnaud . - Je remercie le rapporteur de l'important travail qu'il a réalisé : je me félicite des évolutions positives sur plusieurs points. La sécabilité est un sujet essentiel. Nous avions demandé, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi), un rapport sur la question des eaux pluviales, en vue de nous éclairer. Il est absolument nécessaire d'inclure également les communautés d'agglomération, car une immense partie de leur territoire est en zone rurale.

Comme l'a souligné Alain Marc, la question de l'eau et de l'assainissement est aujourd'hui le sujet d'inquiétude majeur des élus locaux. Je déplore le temps perdu par le Gouvernement sur un sujet comme celui-ci. Le Sénat a toujours voulu faire oeuvre utile, considérant qu'il était d'une impérieuse nécessité d'apporter des solutions sur ce sujet. Les élus de nos territoires sont totalement déboussolés. Ce sujet est particulièrement anxiogène dans nombre de nos territoires ruraux. Même si certaines questions restent en suspens, l'engagement de notre rapporteur pour faire évoluer encore ce texte est positif.

M. François Grosdidier . - Je salue moi aussi le travail du rapporteur. Il importe que nous en revenions à notre proposition initiale : rétablir la liberté pour les communes de transférer ou non leurs compétences « eau » et « assainissement ». Dès le vote de la loi NOTRe, la majorité sénatoriale a voulu faire prévaloir la liberté d'organisation sur le territoire et ne souhaitait pas imposer, par l'ajout de nouvelles compétences obligatoires, un modèle unique d'intercommunalité. Il faut faire confiance aux élus locaux pour s'organiser en fonction de leurs contraintes réelles. Cette philosophie n'a, hélas, pas prévalu. Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous étions arrivés à un compromis : nous obtenions satisfaction sur ce qui risquait d'être modifié de façon irréversible, comme l'élection des conseillers communautaires par liste intercommunale, et nous avions fait des concessions sur les compétences nouvelles obligatoires, en repoussant les délais, avec l'idée de changer les choses avant l'échéance prévue, au bénéfice d'une alternance politique, qui n'a pas eu lieu dans le sens escompté...

Compte tenu des déclarations du Gouvernement et de la majorité présidentielle en faveur des libertés locales, du droit à l'expérimentation plutôt que de la contrainte, nous espérions cependant être entendus. Mais la tendance technocratique et centralisatrice se révèle la plus forte. Ce n'est pas une question de délais : il faut se demander s'il est pertinent ou non de transférer les compétences « eau » et « assainissement » aux EPCI à fiscalité propre sur tout le territoire. L'INSEE et la nature n'ont pas défini les mêmes périmètres !

Dans ces conditions, il convient de rétablir la liberté pour les communes et les intercommunalités de s'organiser en fonction des réalités du terrain.

M. Jean-Pierre Sueur . - Permettez-moi de faire un petit rappel historique. Je me souviens de la commission mixte paritaire sur la loi NOTRe où les députés - il s'agissait à l'époque d'une majorité différente - voulaient à toute force que le transfert des compétences s'opérât dès 2018. Grâce à la vigilance des représentants du Sénat, l'échéance a été repoussée à 2020. Nous avions aussi dit, à l'époque, qu'une nouvelle loi serait inévitable. C'est ainsi qu'en 2017 le Sénat a adopté une proposition de loi donnant à ce transfert un caractère optionnel. Un compromis aurait sans doute été envisageable avec l'Assemblée nationale par la suite, sous réserve d'apporter un certain nombre de garanties aux communes. Malheureusement, cela n'a pas été possible. Comme l'a dit Laurence Harribey, le groupe socialiste et républicain maintiendra, dans ces conditions, sa position.

Dans sa hâte, le législateur a créé des communautés d'agglomération rurales, bel oxymore... À ce propos, je constate avec inquiétude le recours toujours plus fréquent à la procédure accélérée, contre lequel nos collègues du groupe La République en Marche devraient aussi s'insurger. La seule exception concerne le projet de révision constitutionnelle, heureusement... Quoi qu'il en soit, la création d'une communauté d'agglomération est justifiée si l'on est en présence d'un tissu urbain continu. En revanche, qualifier d'agglomération une juxtaposition d'espaces sans unité pour pouvoir bénéficier de mannes financières de l'État, hypothétiques et pas toujours à la hauteur espérée, est absurde. C'est une facilité, à laquelle le législateur a eu la faiblesse de céder. Reconnaissons qu'il n'a pas été bon.

On me demande souvent ce qu'il advient du solde du budget annexe en cas de transfert de la compétence à l'intercommunalité. S'il est excédentaire, la commune doit-elle aussi le transférer ? Si le budget est en déficit, les maires seront naturellement heureux de transférer le solde avec la compétence. Il est donc à craindre, dans ces conditions, que les maires ne laissent filer le déficit... J'ai interrogé le Gouvernement qui m'a répondu qu'il revient aux élus concernés de trouver une solution par la concertation. Mais certains maires seront tentés de récupérer l'excédent du budget annexe au profit du budget de leur commune avant le transfert. Il serait souhaitable de clarifier la situation.

M. Philippe Bas , président . - Je partage votre sentiment sur les communautés d'agglomération rurales. Je ne sais pas si le législateur n'a pas été bon. Il est vrai que le débat s'est principalement concentré sur le seuil minimal de population des intercommunalités : devait-il être de 20 000 habitants comme le souhaitait l'Assemblée nationale ou de 10 000 comme le souhaitait le Sénat ? Finalement un compromis a été trouvé à 15 000 habitants. Personne n'envisageait à l'époque que les préfets puissent, sur le fondement de cette loi, forcer le passage pour créer des communautés d'agglomération en zone rurale... Le législateur a été trompé sur les intentions du Gouvernement. Il est dommage que le Gouvernement ne reconnaisse pas les spécificités des communautés d'agglomération en zones rurales. C'est une grande lacune du texte que nous examinons par rapport à la proposition de loi du Sénat, même si certaines de nos propositions seront reprises. Je ne suis pas satisfait de l'évolution de ce dossier.

Mme Maryse Carrère . - La CMP nous a laissé à tous un petit goût de déception, tant sur le fond que sur la forme. La majorité des membres du groupe du RDSE avaient voté le texte du Sénat en première lecture. Nous avons été en partie entendus sur la sécabilité entre l'assainissement, la gestion des eaux pluviales et celle des eaux de ruissellement. Je regrette toutefois que la plus-value apportée par le Sénat en première lecture n'ait pas été conservée par l'Assemblée nationale. Je pense en particulier aux amendements du RDSE, que le Sénat avait adoptés, relevant à 5 000 habitants le plafond en-deçà duquel les services d'eau et d'assainissement peuvent être financés par le budget général de la commune, autorisant le reversement aux communes des redevances perçues sur l'installation d'antennes, ou prenant en compte la spécificité des communautés d'agglomération situées en zone rurale. C'est dommage. Nous redéposerons nos amendements. La majorité du groupe du RDSE suivra la position du rapporteur.

M. Loïc Hervé . - Je n'ai pas voté la loi NOTRe. Je regrette comme vous l'attitude du Gouvernement et de l'Assemblée nationale sur certains sujets. Toutefois, n'est-il pas temps, pour nous sénateurs, au vu des échanges que nous pouvons avoir avec les élus locaux et les présidents d'intercommunalité, de cesser de faire miroiter aux élus locaux des dispositions dont on sait qu'elles ne seront pas adoptées, et de privilégier le compromis ? Le texte adopté par les députés en nouvelle lecture ne comporte-t-il pas suffisamment d'avancées pour que nous le votions ? Les élus ont besoin de clarté et de lisibilité. Jusqu'en novembre, j'étais président d'une intercommunalité. Nous avions lancé des études pour préparer le transfert des compétences « eau » et « assainissement ». Dès que le Parlement a commencé à travailler sur ce sujet, les études ont été arrêtées. Cessons ce jeu de va-et-vient coûteux et arrêtons une position claire pour les élus.

M. Philippe Bas , président . - Merci pour cette position originale.

M. Arnaud de Belenet . - Je salue le travail du rapporteur, qui a fait en sorte que les positions du Sénat soient mieux prises en compte. J'ai entendu la ministre, pendant les débats, témoigner d'une certaine ouverture sur les services publics d'assainissement non collectif ou la sécabilité, et manifester clairement une certaine gêne à propos des communautés d'agglomération. Je ne pense pas que la position de Loïc Hervé et du groupe Union Centriste soit originale, elle est simplement pragmatique et de bon sens. Les collectivités ont besoin d'y voir clair. C'est pourquoi nous devons viser un compromis. Nous connaissons la fermeté du Gouvernement et de l'Assemblée nationale sur ce sujet. Le temps est peut-être venu d'entériner le compromis que nous avons collectivement obtenu, et à l'aboutissement duquel les sénateurs LaREM, qui ont plusieurs fois été interpellés ce matin, n'ont peut-être pas été étrangers...

M. Philippe Bas , président . - Si j'ai qualifié la position de Loïc Hervé d'« originale », ce n'était pas par boutade, mais pour des raisons institutionnelles. Si la CMP avait été conclusive, nous aurions voté le texte de compromis sans hésiter. En l'absence d'accord en CMP, nous devons constater que certaines dispositions ne sont pas satisfaisantes. Les spécificités des communautés d'agglomération rurales ne sont pas reconnues et elles ne bénéficieront pas des assouplissements octroyés pour le transfert de compétences aux communautés de communes. L'Assemblée nationale se prononcera en dernier ressort. Si le Sénat veut faire aboutir ses positions, il doit adopter des amendements, faute de quoi l'Assemblée nationale ne pourra les reprendre, quand bien même elle le voudrait. Il ne s'agit donc pas d'une démarche d'opposition à l'Assemblée nationale. Certains apports du Sénat avaient été balayés par l'Assemblée nationale, mais depuis, le Gouvernement s'est montré plus ouvert à leur sujet. Ne renonçons pas au dernier moment à nos idées !

M. François Bonhomme , rapporteur . - En lecture définitive, l'Assemblée nationale ne peut modifier le dernier texte qu'elle a voté qu'en reprenant des amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture. C'est pourquoi je vous propose des amendements de compromis, en espérant que les députés, dans un ultime effort, les reprennent. Vos propos sont convergents. Chacun souhaite laisser aux collectivités territoriales le soin d'apprécier le niveau le plus pertinent pour exercer les compétences. Comme l'a souligné François Grosdidier, le périmètre administratif des intercommunalités à fiscalité propre n'est pas toujours adapté à la gestion de l'eau qui, elle, dépend de réalités topographiques. Les équipes techniques risquent aussi de perdre leur savoir-faire à cause des regroupements. Comme l'a très bien dit le Président de la République, lors de la première Conférence nationale des territoires du 18 juillet 2017, « dans la très grande majorité des cas, les territoires savent mieux l'organisation qui est la plus pertinente pour eux » ! Tel est le fil directeur qui nous a guidés, ce qui ne m'empêche pas, à l'article 2, de proposer un amendement pour régler les contentieux qui ne manqueront pas de survenir si le texte n'évolue pas. La balle est dans le camp du Gouvernement. Je serais très heureux que nous parvenions à un accord, mais pas aux dépens de la liberté d'appréciation des collectivités territoriales.

Monsieur Sueur, dans sa rédaction initiale, l'article 1 er sexies - introduit par le Sénat en première lecture et supprimé par l'Assemblée nationale - prévoyait le transfert obligatoire du solde du budget annexe à l'EPCI devenu compétent. Mon amendement COM-4 tend à rétablir cet article dans une rédaction modifiée, afin d'ouvrir la voie au transfert facultatif du solde budgétaire, par convention entre la commune et l'EPCI. En effet le transfert obligatoire risquerait de s'accompagner d'effets pervers. Ce serait un pousse-au-crime, une incitation au déficit.

M. Jean-Pierre Sueur . - Et que se passera-t-il s'il n'y a pas d'accord ?

M. François Bonhomme , rapporteur . - Il faut s'en remettre à l'intelligence des territoires. L'automaticité aurait, je le répète, des effets pervers. On a vu des communautés de communes organiser leur insolvabilité avant de fusionner avec d'autres communautés de communes... Nous préférons la voie de la convention, en espérant que la sagesse des parties l'emporte.

Madame Carrère, mon amendement COM-2 répond à vos préoccupations : pour éviter une hausse brutale des redevances à l'occasion du transfert des compétences à l'échelon intercommunal, je propose d'instituer une disposition transitoire permettant aux communautés de communes et d'agglomération comptant, parmi leurs membres, une ou plusieurs communes de moins de 3 000 habitants de prendre en charge une partie des dépenses liées aux services d'eau et d'assainissement dans leur budget général pendant une période de quatre années. Ce dispositif transitoire me semble préférable à un relèvement du seuil.

M. Philippe Bas , président . - Nous examinerons à la rentrée le projet de révision constitutionnelle. Cette proposition de loi illustre parfaitement le rôle que peut jouer le Sénat après l'échec d'une CMP. Il faut veiller à ce que le Sénat conserve des leviers pour défendre ses positions. Aujourd'hui, seuls les amendements adoptés par le Sénat peuvent être repris par l'Assemblée nationale après l'échec de la CMP. Il est vital de conserver cette procédure.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-1 , comme l'amendement identique COM-10 , vise à rétablir le caractère optionnel du transfert des compétences « eau » et « assainissement ».

M. Alain Marc . - Supprimer la date butoir me semble intelligent. Beaucoup de communes n'ont pas encore réalisé leurs équipements d'assainissement. Si une date butoir était fixée, certains seraient tentés d'attendre cette date, sans rien faire, pour laisser l'intercommunalité en assumer la charge. Concernant les déficits du budget annexe, j'ai posé la question à la direction départementale des finances publiques et elle n'a pas su me dire ce qu'ils deviendraient. C'est une question qui relève de la loi de finances.

M. Loïc Hervé . - Pour les raisons que j'ai exposées, le groupe Union Centriste votera contre cet amendement.

M. Arnaud de Belenet . - Le groupe LaREM votera aussi contre cet amendement. Nous avons intérêt à chercher un compromis et à ne pas dissuader les ministres, attentifs au Sénat, de continuer à chercher à convaincre les députés.

Les amendements identiques COM-1 et COM-10 sont adoptés. Les amendements COM-11 , COM-16 et COM-19 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 1 er

Les amendements COM-12 , COM-13 et COM-14 deviennent sans objet.

Article 1 er quater (supprimé)

M. François Bonhomme , rapporteur . - Comme je l'indiquais, l'amendement COM-2 prévoit d'instaurer une disposition transitoire permettant aux communautés de communes et d'agglomération comptant, parmi leurs membres, une ou plusieurs communes de moins de 3 000 habitants de prendre en charge une partie des dépenses liées aux services d'eau et d'assainissement dans leur budget général pendant une période de quatre années.

L'amendement COM-2 est adopté. Les amendements COM-17 et COM-15 deviennent sans objet.

Article 1 er quinquies (supprimé)

M. François Bonhomme , rapporteur . - Introduit par le Sénat en première lecture puis supprimé par l'Assemblée nationale, l'article 1 er quinquies visait à autoriser un EPCI qui s'est vu mettre à disposition, pour l'exercice de ses compétences, un bien appartenant au domaine public d'une commune, à reverser à celle-ci tout ou partie du produit des redevances perçues pour son occupation ou son utilisation. Il en va ainsi, par exemple, lorsqu'une antenne-relais est installée sur un château d'eau. L'objectif poursuivi semble pertinent. Il y a tout lieu de lever les obstacles financiers susceptibles d'entraver les transferts de compétence lorsque ceux-ci répondent à la volonté des élus et à l'intérêt général. L'amendement COM-3 vise donc à rétablir l'article 1 er quinquies dans une rédaction clarifiée et étendue à tous les cas de transfert de compétences à un EPCI ou à un syndicat mixte.

L'amendement COM-3 est adopté. L'amendement COM-18 devient sans objet.

Article 1 er sexies (supprimé)

M. François Bonhomme , rapporteur . - Dans sa rédaction initiale, l'article 1 er sexies rendait obligatoire le transfert du solde budgétaire d'un service public à caractère industriel ou commercial à l'EPCI devenu compétent. L'amendement COM-4 vise à rétablir cet article dans une rédaction modifiée, afin d'ouvrir la voie au transfert facultatif du solde budgétaire par convention entre la commune et l'EPCI.

M. Jean-Pierre Sueur . - Peu importe que le solde soit positif ou négatif ?

M. François Bonhomme , rapporteur . - Oui.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cet amendement est sympathique, mais je crains qu'il n'ait pas d'effets : si les parties ne parviennent pas à s'entendre, les juges risquent de considérer qu'il n'y a aucune obligation de transfert du solde.

Mme Josiane Costes . - Il y a eu, en effet, une décision du Conseil d'État en ce sens.

M. Jean-Pierre Sueur . - Pourquoi refuser l'automaticité du transfert ?

M. François Bonhomme , rapporteur . - Il s'agit d'éviter les comportements stratégiques.

M. Jean-Pierre Sueur . - La non-automaticité entraînera aussi des effets pervers. Des maires vont vouloir récupérer l'excédent au profit de leur commune.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Inversement, si le transfert est obligatoire, les cas d'insolvabilité organisée risquent de se multiplier. Cet amendement est conforme à la philosophie du Sénat, qui est de faire confiance aux élus locaux.

L'amendement COM-4 est adopté.

Article 2

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-5 répond à un souci de sécurité juridique.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-6 est de cohérence.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article additionnel après l'article 2

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-9 , rejeté par le Sénat en première lecture, n'a de relation directe avec aucune disposition restant en discussion de la proposition de loi. Il est donc contraire à la règle dite de l'« entonnoir ».

L'amendement COM-9 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution et de l'article 48, alinéa 6, du Règlement du Sénat.

Article 3

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-7 vise à clarifier les règles de « représentation-substitution » en matière d'eau et d'assainissement, afin qu'elles s'appliquent, non pas aux syndicats regroupant des communes appartenant à deux ou à trois EPCI à fiscalité propre, selon le cas, mais aux syndicats exerçant leur activité sur le territoire de deux ou trois EPCI à fiscalité propre. Cela correspond à l'interprétation du droit en vigueur faite par le ministère de l'intérieur.

L'amendement COM-7 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-8 tend à rétablir la mention des communautés d'agglomération dans l'intitulé de la proposition de loi.

L'amendement COM-8 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Maintien du caractère optionnel du transfert des compétences « eau »
et « assainissement » aux communautés de communes et d'agglomération

M. BONHOMME, rapporteur

1

Maintien du caractère optionnel du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et d'agglomération

Adopté

Mme MONIER

10

Maintien du caractère optionnel du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et d'agglomération

Adopté

Mme MONIER

11

Droit d'opposition au transfert sans limite de temps et étendu aux communes membres de communautés d'agglomération

Satisfait
ou sans objet

Mme PUISSAT

16

Extension du droit d'opposition aux communes membres de communautés de communes qui n'exercent les compétences « eau » ou « assainissement » que sur une partie de leur territoire

Satisfait
ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

19

Extension aux communes membres d'une communauté d'agglomération du droit d'opposition au transfert des compétences « eau » et « assainissement »

Satisfait
ou sans objet

Articles additionnels après l'article 1 er

Mme MONIER

12

Qualification des compétences « eau » et « assainissement » en cas d'opposition au transfert

Satisfait
ou sans objet

Mme MONIER

13

Qualification des compétences « eau » et « assainissement » des communautés d'agglomération en cas d'opposition au transfert

Satisfait
ou sans objet

Mme MONIER

14

Schéma de mutualisation autorisant à s'opposer au transfert des compétences « eau » et « assainissement » au-delà de 2026

Satisfait
ou sans objet

Article 1 er quater (Supprimé)
Extension transitoire de la faculté, pour une communauté de communes
ou d'agglomération, de financer les services d'eau et d'assainissement
par leur budget général

M. BONHOMME, rapporteur

2

Dispositions transitoires permettant aux EPCI comportant une ou plusieurs communes de moins de 3 000 habitants de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses des services d'eau et d'assainissement

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

17

Extension aux communes de moins de 5 000 habitants et aux EPCI ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants de la faculté de prendre en charge dans le budget général des dépenses des services d'eau et d'assainissement

Satisfait
ou sans objet

Mme MONIER

15

Extension aux EPCI à fiscalité propre de moins de 15 000 habitants de la faculté d'établir un budget annexe commun aux services d'eau et d'assainissement et de déroger au principe d'équilibre financier

Satisfait
ou sans objet

Article 1 er quinquies (Supprimé)
Reversement du produit des redevances d'occupation du domaine public

M. BONHOMME, rapporteur

3

Restitution aux communes du produit des redevances d'occupation ou d'utilisation du domaine public

Adopté

M. GABOUTY

18

Restitution aux communes du produit des redevances d'occupation du domaine public

Satisfait
ou sans objet

Article 1 er sexies (Supprimé)
Transfert facultatif du solde budgétaire d'un service public

M. BONHOMME, rapporteur

4

Transfert du solde du compte administratif du budget annexe d'un service public

Adopté

Article 2
Gestion des eaux pluviales urbaines

M. BONHOMME, rapporteur

5

Compétence des communautés d'agglomération pour la gestion des eaux pluviales urbaines en cas de transfert optionnel de l'assainissement

Adopté

M. BONHOMME, rapporteur

6

Suppression des transferts obligatoires de compétences

Adopté

Article additionnel après l'article 2

Mme JOISSAINS

9

Restitution des compétences « eau » et « assainissement » transférées à la métropole d'Aix Marseille Provence

Irrecevable (art. 45 de la Constitution et art. 48, alinéa 6, du Règlement du Sénat)

Article 3
Assouplissement des règles de « représentation-substitution »
au sein des syndicats d'eau et d'assainissement

M. BONHOMME, rapporteur

7

Clarification rédactionnelle

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

M. BONHOMME, rapporteur

8

Mention des communautés d'agglomération

Adopté

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page